Les manifestations de rue en France
|Annexes
Texte intégral
Constitution du fichier.
1Notre étude repose sur la recension de quelques 15000 manifestations. Nous préciserons ici les modalités de leur collecte en soulignant ses points forts et ses limites.
2La manifestation est représentation par essence mais il n’entrait pas dans notre propos d’étudier les images qu’en construit la presse adverse, sauf lorsqu’elles ont, à leur tour, des incidences directes sur le terrain de la rue. Nous n’avons donc dépouillé ni la presse à grand tirage ni les journaux d’adversaires non manifestants. La représentation des manifestations de rue dans France-soir ou le Figaro, par exemple, constitue, en soi, un objet d’étude mais celui-ci échappe au champ défini.
- 1 Cf sources. L’importante sélection consultable à la vidéothèque de Paris ne concerne que la région (...)
3Nous avons précisé, en introduction, les principes directeurs ayant présidé à la réunion des données : nous limiter, pour des raisons de faisabilité, à la presse nationale des organisations qui manifestent et aux rapports des préfets et commissaires spéciaux concernant ce type d’action. En leur adjoignant des indicateurs de longue durée dont certains sont iconographiques : L’Annee politique, Le Monde, L’Illustration, Paris-Match, et, cinquante années durant, les Actualites-Gaumont et Eclair-Journal1. Le principe adopté ne permet pas de conférer au fichier l’homogénéité nécessaire à une étude quantitative de longue durée. Une série de données politiques affectent la nature et parfois jusqu’à l’existence des périodiques consultés. L’Humanite et la Vie Ouvrière, seuls à traverser ces cinquante années de bout en bout, sont du moins affectés par la guerre et par la mise en place du régime de Vichy qui les réduits à devenir clandestins. Les rapports des préfets et commissaires spéciaux constituent bien une série de longue durée mais n’ont pas l’homogénéité qu’on pouvait escompter. Ils ne tiennent pour "manifestations" que les démonstrations présentant un risque dans une conjoncture donnée et négligent ce qu’ils jugent routinier. Ajoutons enfin que nos sources portent sur les manifestations un regard sélectif qui vaut à la physionomie de la recension tirée de chacune d’elles de sensiblement différer des autres. A chaque source ou presque son panorama. de la rue. Deux remarques en découlent. Pour la période ici concernée, il n’existe pas de voie royale pour l’approche des manifestations de rue et il est impératif de croiser des sources aussi nombreuses que possibles pour mener à bien l’analyse. Nous avons pris le problème en compte en signalant quand nécessaire les limites ou les incertitudes inhérentes à nos sources mais il est évident que la constitution de l’objet "manifestation", l’émergence ou la disparition des phénomènes tenus pour tels dans chacune de nos sources pourraient devenir objet d’étude. La taxinomie de notre objet dans chacune des sources utilisées, pareillement. Précisons maintenant les problèmes posés par les sources dans chaque période homogène de leur propre point de vue.
1918-1919
- 2 Le Feuille commune, qui se substuti à tous les tires de la presse ouvrièren, ne constitue qu’une ma (...)
- 3 AN F7 13337 à 13365
- 4 AN F7 12936 et F7 12970 à 13023
- 5 AN Fl CIII. 1125 à 1133
4Notre corpus est établi à partir de la lecture des quotidiens systématiquement dépouillés dans l’entre-deux-guerre et répertoriés dans la rubrique source. Ces deux années durant, nous leur avons avons adjoint Le Libertaire, La Vie ouvrière, La Bataille syndicaliste et La Voix du Peuple. Mais l’ensemble de ces sources imprimées s’avère peu fiable. A de rares exceptions près, Le Populaire et La Bataille syndicaliste paraissent sur deux pages seulement jusqu’à la fin 1920 et seule L’Humanite atteint quatre pages à dater du 23 mars 1919 ; à la faveur d’une souscription spécialement lancée à cet effet. La censure qui s’attaque tout particulièrement au type d’information que nous recherchons demeure en vigueur et réduit encore la fiabilité des données. Une grève frappe enfin la presse du 12 au 30 novembre 1919, en privant de toute information recherchée2. Les défaillances des sources imprimées sont partiellement comblées par les archives publiques. Les cartons relatifs aux usines de guerre3 et les rapports des commissaires spéciaux4 et préfets5 couvrent bien la période. Divers cartons relatifs aux grèves, aux syndicats ou aux journées de manifestations (cf. sources) enrichissent encore l’information. Nous leur devons l’essentiel des données relatives à la province. La comparaison des données ainsi réunies avec onze monographies départementales (cf. bibliographie) fait apparaître une légère sous estimation du phénomène manifestant, plus particulièrement dans le domaine revendicatif. Elle n’apporte pas de données qualitativement différentes de celles fournies par nos sources initiales
1920-1935
- 6 Tony Judt, La reconstruction du parti socialiste, 1921-1926, PFNSP, 1976, pp. 47-54.
5La période allant des élections de 1919 à 1935 est sans doute celle pour laquelle notre fichier est le plus proche de l’exhaustivité. Les problèmes de censure disparaissent et la presse retrouve son format habituel. Nous avons adjoint à la liste des journaux systématiquement dépouillés pour toute la période Credo, bulletin officiel de la FNC, La France Catholique, son hebdomadaire qui fournit peu de données supplémentaires. S’y ajoutent encore, de 1932 à 1935, La Voix de la Terre et Le Progrès agricole de l’Ouest, pour 1934-1936, L’Ami du peuple, Solidarite Française, Le Flambeau, L’Emancipation nationale, et, de façon plus ponctuelle, LeLibertaire et La Croix. Le Populaire nous a posé un problème spécifique. Ce journal qui n’a jamais joué un rôle similaire à celui de L’Humanite doit, de surcroît, aux difficultés de la fédération de la Seine de n’être pas quotidien tout au long de la période6 ; avec la perte d’information que cela implique s’agissant des manifestations socialistes. Nous avons recouru épisodiquement à la presse régionale du Nord pour y puiser quelques éléments descriptifs supplémentaires mais n’avons pas cherché à compléter quantitativement les données des sources nationales. Cette période bien couverte par une presse extrêmement diversifiée (et qu’il était possible de diversifier encore) est également la mieux prise en compte par la série F7. La liste des cartons réportoriés ci-après montre que les rapports de synthèses des préfets et commissaires spéciaux sont redoublés, ces années durant, par les rapports relatifs aux grèves, aux organisations politiques et syndicales et à un certain nombre de manifestations de rue, soit, au total, plus de 500 cartons. En précisant qu’ils font rarement double emploi et que les synthèses départementales ne dispensent en aucune manière de la lecture des rapports contenus dans les cartons aux thèmes plus circonstanciés.
- 7 AN F7 13320
6A partir de la crise de février 1934, les manifestations politiques sont particulièrement bien connues. Les rapports de synthèses des préfets deviennent hebdomadaires et sont redoublés par les réponses à la circulaire du 23 juin 19347. Les cartons concernant les grèves deviennent par contre extrêmement pauvres et le demeurent, en dépit de l’intitulé de certains. Notre fichier revendicatif doit à cette difficulté d’être sans doute sous évalué. Du moins pouvons nous constater que cette probable sous évaluation va de pair avec un effectif infléchissement de la courbe des grèves à la baisse. Le manque, si manque il y a bien, n’est donc pas tel qu’il aille à l’encontre de ce que nous savons par ailleurs des tendances lourdes de la période.
Front populaire
- 8 Francis Garcia, La presse devant les grèves, août 1936-septembre 1939, etude quantitative Mm, Paris (...)
- 9 Ils sont en partie couverts par la presse nationale. Cf. chapitre correspondant
7La physionomie de la presse demeure inchangée sous le Front populaire mais s’en tenir à la lecture des journaux des organisations parties prenantes, alors seules ou presque à descendre dans la rue, présente un risque. Pour d’évidentes raisons politiques, ceux-ci tendent en effet à minimiser ou à taire certaines informations relatives aux manifestations protestataires L’Echo de Paris dont nous avons poursuivi la lecture jusqu’à la guerre se révèle, ainsi, plus prolixe, concernant les grèves et leurs éventuelles manifestations appendice en premier lieu8. Si les archives de la préfecture de police ne perdent rien de leur richesse, il en va différemment de la série F7 qui s’interrompt, hormis de rares exceptions (cf. sources). Avec en particulier un trou concernant les grèves de 1936. Il est vraisemblable que ces chaînons manquant se retrouveront dans les archives françaises en cours de rapatriement depuis Moscou où elles ont séjournées cinquante années durant après avoir transité par Berlin. Dans l’attente, il a fallu faire sans. Nous avions jusqu’ici comparé nos données avec certaines études monographiques en utilisant leur apport qualitatif sans toutefois comptabiliser les éventuelles données factuelles supplémentaires qu’elles pouvaient fournir. Pour éviter de déséquilibrer le fichier national en y introduisant des informations monographiques susceptibles de priver toute comparaison départementale de sa pertinence. Nous avons transigé avec ce principe pour la période allant de la victoire du Front populaire à la guerre. En nous autorisant de deux raisons. D’abord l’impossibilité dans laquelle nous nous trouvions de nous passer totalement d’archives dans une période où la rue ne constitue rien moins qu’un simple épiphénomène. Ensuite, et cette seconde raison vaut plus encoree en ce qu’elle n’est pas strictement négative, parce que le nombre de départements couverts par des thèses, mémoires de maîtrise ou études régionales de diverse nature réalisées à l’occasion du cinquantième anniversaire du Front populaire se trouvait être suffisant pour que nous ne risquions plus, au même titre, ces déséquilibres. Nous avons, en effet, pu consulter des monographies réalisées pour la plupart à partir des archives départementales et de la presse régionale portant sur 35 départements. Ce qui obligeait à la prudence dans les comparaisons interdépartementales dès lors qu’on était loin de couvrir l’hexagone mais permettait du moins de combler partiellement le silence des archives nationales. Cette période demeure du moins une de celles pour laquelle notre fichier est le moins fiable. Des départements restent à découvert9 et le ton des études monographiques ainsi que de nombreuses photos, le plus souvent non datées, parues Regards ou dans la Vie Ouvrière disent assez bien que les cortèges appendices de grèves furent, en juin 1936, plus nombreux que nous sources ne le signalent. Toute comparaison quantitative entre ces trois années et les précédentes serait, dès lors, sujette à caution.
La guerre
8Les archives de la Préfecture de police cessent d’être consultables à partir de juillet 1940. Ce qui nous prive définitivement d’une source de premier choix.
- 10 F 60 1697 : manifestations publiques de la résistance, Fl CIII 1135 à 1233 : rapports de préfets, 1 (...)
9Nous n’avons pas dépouillé la presse légale sous le régime de Vichy. Il va de soi que son attitude par rapport à ce qui subsiste de mobilisation collective présenterait un grand intérêt mais nous savions chercher une aiguille dans une meule de foin. C’est pour économiser des semaines de dépouillements qui risquaient d’être peu productifs du point de vue de notre objet que nous nous en sommes dispensée. Notre recension repose essentiellement sur les données des archives nationales10. Les renseignements fournis par près de 250 cartons ont été complétés par la lecture de thèses et mémoires de maîtrise portant sur 22 départements. En nous autorisant des mêmes raisons que sous le Front populaire quand même le nombre de départements couverts par ces études intermédiaires entre les sources départementales et notre propre recherche étaient moins nombreux qu’alors. Nous avons dépouillé un certain nombre d’organes de presse clandestins mais n’avons comptabilisé les manifestations qu’ils mentionnaient que lorsque la date en était soigneusement précisée ; en ne prenant pas en compte les événements inscrits sans précision suffisante dans une longue énumération. Nous avons, comme à l’ordinaire, comptabilisé pour une donnée les renseignements du type "de nombreux défilés dans le département". Les chiffres avancés constituent donc toujours un minimum ne prenant sens que dans les comparaisons qu’il autorise. Quand même avons-nous intégré aux manifestations les "promenades" à heure dite autour des monuments symboliques en partant du principe qu’est "manifestation" ce que l’adversaire tient pour tel ; alors, plus que jamais
La Libération
10A partir de la Libération et jusqu’en 1968, nous avons dépouillé le Monde et L’Humanite. Le quotidien du soir consacre toute son attention aux situations de crise et aux manifestations émanant de milieux peu coutumiers du fait, paysans et étudiants en premier lieu. Il ne rend compte, en revanche, des manifestations appendices de grèves ou des séries de manifestations volontaristes du PCF que de manière épisodique et très générale. L’Humanite doit au statut d’organisateur des masses dont la presse communiste se réclame et de compléter le tableau fourni. Ces deux sources, utilement complémentaires, paraissent couvrir à elles deux, sinon la totalité des démonstrations, du moins leurs différents types (manifestations ultra-minoritaires de consommateurs ou de l’extrême droite inclues). Pour la période de la Libération, nous leur avons adjoint Le Populaire, L’Aube, Combat, Liberation, Monde Ouvrier et de façon plus ponctuelle Le Peuple et La vie ouvrière.
- 11 Cf. Histoire generale de la presse française, t. IV 1940-1975, PUF, 1975.
- 12 L’Annee politique, 1947, p. 28.
- 13 Patrick Bruneteaux, La violence d’Etat dans un regime democratique, les forces du maintien de l’ord (...)
11Cette période pose une série de problèmes spécifiques. La restauration de la République et des libertés démocratiques met un terme aux difficultés inhérentes à la précédente période. La presse redevient légale et les organes de presse se multiplient comme en toute période de profonde effervescence politique, avec en particulier l’émergence de quotidiens émanant des comités départementaux de Libération11. Des difficultés d’une autre sorte se présentent toutefois. Telles que cette période est sans doute celle pour laquelle notre fichier est quantitativement le moins fiable. Une première série tient à des données matérielles. La pénurie de papier, plus forte et plus durable qu’en 1919, contraint la presse à sortir, des mois durant, sous la forme d’un recto-verso puis sur quatre page et la situation ne se normalise que dans le courant de l’année 1946, voire au début 1947. Avant qu’une longue grève des ouvriers des imprimeries de presse empêche la sortie de la presse parisienne du 14 février au 15 mars 1947 et nous prive, un mois durant, de toute information12. On a donc affaire à une presse aux titres abondants mais contraints à la concision. La presse nationale rend compte de ce qui se déroule à Paris mais ne fait pratiquement aucune place aux démonstrations de province. A ces difficultés matérielles déjà présentes, à moindre titre, au sortir de la première guerre mondiale, s’en ajoute une seconde, cette fois politique et similaire à celle rencontrée en 1936. La presse issue des mouvements de résistance doit à l’épuration d’être en position de monopole absolu. Ceux des organes de presse qui sont l’émanation des composantes du tripartisme sont conscients de ce que l’ordre public et l’expression de la cohésion nationale retrouvée constituent des facteurs de légitimité puis de crédibilité aux yeux des alliés et dans des négociations économiques engagées avec les Etats-Unis. Partageant les soucis du gouvernement provisoire, ils entendent contribuer à donner le sentiment du consensus retrouvé et de l’ordre rétabli. Ils font place aux manifestations de souveraineté autant que la faible surface de papier dont ils disposent le permet mais s’attachent à gommer les contradictions et ignorent les manifestations protestataires, certes de faible ampleur et le plus souvent situées dans de petites localités, mais du moins très nombreuses. C’est dans la presse moins directement impliquée dans le tripartisme que se trouvent les indications les plus intéressantes concernant celles-ci, en particulier Combat et Monde ouvrier. Du moins demeurent-elles quantitativement, là comme ailleurs, très en deçà de la réalité. Les archives nationales fournissent l’essentiel de l’information les concernant : rapports des commissaires de la République (très riches), rapports des commissaires spéciaux (plus pauvres) et surtout, compte tenu de la taille souvent modeste des communes concernées, synthèses des rapports de gendarmeries accidentellement conservées (et retrouvées par nous) dans l’impressionnant fonds des archives du comité d’histoire de la seconde guerre mondiale déposé aux archives nationales dans la série AJ 72. Nous avons déjà souligné que nos sources, multiples, ne se recouvrent qu’imparfaitement et ne font que pour partie double emploi mais nous ne sommes pourtant jamais trouvée en présence d’une telle distorsion. La non contemporanéité des pratiques mise en évidence dans le chapitre 19 s’accompagne d’une totale disparité des sources qui vaudrait à elle seule une étude. Au point d’avoir suscité un temps notre inquiétude. Le dépouillement des archives de la gendarmerie, déposées au Blanc, et auquel nous avons renoncé pour des raisons de faisabilité n’affecterait-il pas notre recension et dès lors nos résultats ? Nous émettons l’hypothèse qu’elle l’enrichirait quantitativement sans en infléchir les axes directeurs. En nous fondant sur deux arguments. La brève période 1944-1946 est la seule pour laquelle nous ne disposions pas d’une presse ayant intérêt à rendre compte les manifestations protestataires, elle est également la seule où les démonstrations de masses inorganiques, toujours plus difficiles à recenser que d’autres, sont relativement nombreuses. Elle présente donc une spécificité qui aurait pu nous échapper en l’absence de ces rapports quelques peu fortuitement consultés mais les circonstances qui en ont rendu la consultation indispensable ne se retrouvent en aucune autre période de l’histoire au même titre. A cet argument s’en ajoute un second. Patrick Bruneteaux qui a travaillé sur l’évolution du maintien de l’ordre sur une période plus longue que la notre mais qui englobait, du moins, les cinquante années qui nous concernent a largement fondé son travail sur le dépouillement de ces archives. Sa thèse ne contient aucune donnée qui infirme les tendances lourdes ici mises à nu à partir de sources différentes13. Ajoutons que les rapports quotidiens de gendarmerie de 1940 à 1944 conservés dans 8 cartons de la série F60 et dépouillés par nous se sont révélés d’un faible apport.
12Nous avions bien sûr, une nouvelle fois, songé à valider voire à compléter nos résultats en recourant à des monographies régionales. La moisson de thèses et de mémoires de maîtrise s’avérait moins abondante mais du moins l’hexagone était-il couvert par la collection Liberation de la France publiée chez Hachette. Sa lecture a fourni peu de données dès lors que la manifestation ne retient guère l’attention d’auteurs retenus par des événements de premier plan qui ne la requièrent pas nécessairement et derrière lesquels elle s’efface. Nous avons alors imaginé à nous tourner vers la presse de province mais son abondance était un problème insurmontable. Une collection incomplète de journaux de CDL concernant 18 départements conservée par la BDIC (cf. sources) nous a tiré d’affaire. Ses lacunes contribuaient à la rendre maîtrisable. Elle a permis d’opérer un sondage aléatoire dans la presse régionale de manière économique en temps. Nous lui avons adjoint la lecture systématique de Liberation-Nord de 1944 à la fin 1947. L’ensemble a fourni de nombreuses données qualitatives relatives aux fêtes de souveraineté et n’a fait, pour le reste, que confirmer le quasi silence de la presse de la résistance sur les manifestations protestataires, manifestations institutionnelles (de la CGT) exceptées. Cette lecture a donc permis d’illustrer notre propos sans avoir d’incidence quantitative majeure sur le corpus.
1947-1958
- 14 Stanley Hoffmann, Le Mouvement Poujade, librairie Armand Colin, 1955.
- 15 Frank Georgi, Un syndicalisme en quête d’identite. La CFD7 de la deconfessionnalisation à l’autoges (...)
- 16 484 AP 14 à 19 : grèves de 1947-1948
- 17 Lettre de Mr Raymond Moch, 2 octobre 1989.
13Le tournant de 1947 vaut à L’Humanite de désormais porter la plus grande attention aux mouvements protestataires devenus presque tous de l’initiative des communistes et de leurs alliés. Nous avons constaté que les autres organes de presse partisans réservaient au contraire au contraire à ceux-ci la portion congrue. Leur lecture, poursuivie jusqu’à la fin 1947, s’avérait assurément riche en prises de partie concernant ces mouvements mais n’apportait plus de données factuelles et informatives spécifiques. Le Monde et L’Humanite sont donc devenus les deux quotidiens systématiquement dépouillés. Nous leur avons adjoint les dossiers de presse relatifs aux voyages du général de Gaulle constitués et conservés par la fondation Charles de Gaulle, Combat pour la paix de 1950 à 1962, Trubune Socialiste de 1960 à 1968, La Terre, de 1953 à 1955 et de façon plus ponctuelle Le Rassemblement et Le Rassemblement ouvrier de 1947 à 1952, La Vie ouvrière et CF7C Magazine. Nous nous sommes autorisée de l’ouvrage de Stanley Hoffman consacré au Mouvement Poujade14 et de la thèse de Franck Georgi sur la CFDT15 pour ne pas dépouiller la presse de ces deux mouvements. Ces sources imprimées ont pu être complétées, jusqu’en 1958, par les synthèses mensuelles des rapports préfectoraux et par quelques cartons plus spécifiquement consacrées à certaines démonstrations (en particulier Ridgway et UDCA). Avec, concernant ces archives, deux remarques. Les rapports préfectoraux consacrés aux grèves de 1947 et de 1948 font défaut, hormis rares exceptions. Ils ont vraisemblablement été déplacés et conservés dans les archives Jules Moch déposées aux Archives nationales sous le statut d’archives privées16. Nous nous avons demandé à Monsieur Raymond Moch, leur dépositaire, de pouvoir consulter celles-ci mais nous sommes heurtée à un refus "Le moment [n’étant] pas encore venu où cette histoire peut être écrite sans passion"17. La lecture des rapports ultérieurs a quelque peu atténué notre déception. Les rapports, consultables jusqu’en mai 1958, se révèlent sensiblement moins loquaces qu’avant guerre. Ils passent pratiquement sous silence les manifestations appendices de grève désormais tenues pour routinières et se concentrent sur des manifestations plus inédites, quand même elles ne concernent que quelques dizaines de participants. Ils n’accordent plus aucune importance aux manifestations identitaires qu’ils répertoriaient au même titre que d’autres dans les années vingt mais s’intéressent, en revanche, aux fêtes fédérales du parti communiste (qui s’organisent en lieu clos et n’ont donc, par contre, pas été répertoriées par nous).
La cinquième république
14On aura déduit de ce qui précède que nos sources se réduisent à peu à partir de 1958 ; sans que ce déficit soit compensé par des études régionales. Interdisant plus que jamais toute comparaison avec les précédentes années. Nous avons comparé les données réunies, près de quatre années durant, avec celles que nous fournissent les quotidiens régionaux de deux départements choisis pour leur pratique manifestante particulièrement élevée (Rhône) ou particulièrement faible (Vosges). Nous avons ainsi dépouillé, de mai 1958 à la fin 1961, Dernière heure lyonnaise et La Liberte de l’Est. Ce dépouillement a confirmé une certaine sous estimation des cortèges commémoratifs et festifs et, à moindre degré, des cortèges appendices de grèves. Il n’a apporté aucune donnée novatrice remettant en question les orientations fournies par les autres sources.
1968
15La crise de 1968 doit à sa brièveté d’avoir permis une entorse à ce qui avait constitué notre règle. Nous avons pu consulter systématiquement la presse régionale sans parvenir à couvrir parfaitement les 90 départements. L’annexe de la bibliothèque nationale de Versailles ne conserve en effet qu’une seule des éditions départementales des quotidiens régionaux. Ont en conséquence échappé à nos investigations, les Alpes-de-Hautes-Provence, les Hautes-Alpes, l’Ardèche, l’Ariège, l’Aveyron, le Cantal, La Corse, l’Eure, les Landes, le Lot, La Lozère, la Meuse, la Haute-Savoie et le Tarn-et-Garonne (la presse nationale n’évoque pour ces 14 départements que 13 cortèges que nous avons éliminé du fichier pour ne pas affecter la moyenne départementale globale). Les sous-préfectures et d’autres localités ne sont, pour les mêmes raisons pas couvertes de manière exhaustive et tous nos chiffres sont en conséquence minima. Le fonds 1968 conservé par le CRHMSS contient des collections le plus souvent complètes de la presse gauchiste, y compris s’agissant de Servir le peuple, pour la période 1967. C’est par son biais que nous avons lu et utilisé cette presse.
16On aura constaté que les césures du fichier constitué par nos soins recoupent certaines des coupures historiques majeures de l’histoire que nous avons tenté d’écrire. Ce qui autorise à se demander dans quelle mesure ce ne sont pas ces sources qui induisent les coupures dégagées. La pratique manifestante est sans doute, à chacune des étapes, plus complexe et plus diversifiée que nos sources ne l’indiquent mais celles-ci sont une incontournable médiation. Nous pensons que les évolutions des pratiques manifestantes qui caractérisent chacune des étapes majeures de leur histoire président également aux évolutions du regard des observateurs ; que l’histoire des sources renvoit, en dernière analyse à celles des événements qu’elle constitue au moins autant qu’ils les constituent.
Annexe 2
Manifestations s’étant soldées par mort d’homme
- 18 L’absence de toute mention renvoie à Paris intra muros.
17Les dates entre crochets sont celles de décès accidentels ou de heurts liés à des grèves sans démonstrations de rue. Les dates précédées d’un * sont celles des événements où la mort est conséquence d’affrontements entre manifestants et contre manifestants18
Notes
1 Cf sources. L’importante sélection consultable à la vidéothèque de Paris ne concerne que la région parisienne. Du moins constitue-t-elle une coupe homogène de longue durée.
2 Le Feuille commune, qui se substuti à tous les tires de la presse ouvrièren, ne constitue qu’une maigre compensation pour ce qui nous concerne.
3 AN F7 13337 à 13365
4 AN F7 12936 et F7 12970 à 13023
5 AN Fl CIII. 1125 à 1133
6 Tony Judt, La reconstruction du parti socialiste, 1921-1926, PFNSP, 1976, pp. 47-54.
7 AN F7 13320
8 Francis Garcia, La presse devant les grèves, août 1936-septembre 1939, etude quantitative Mm, Paris VIII.
9 Ils sont en partie couverts par la presse nationale. Cf. chapitre correspondant
10 F 60 1697 : manifestations publiques de la résistance, Fl CIII 1135 à 1233 : rapports de préfets, 1940-1946, 72 AJ 90 à 209, et divers cartons de la série F1a.
11 Cf. Histoire generale de la presse française, t. IV 1940-1975, PUF, 1975.
12 L’Annee politique, 1947, p. 28.
13 Patrick Bruneteaux, La violence d’Etat dans un regime democratique, les forces du maintien de l’ordre en France, 1880-1980, Thèse de Science politique, Paris I, 1993,
14 Stanley Hoffmann, Le Mouvement Poujade, librairie Armand Colin, 1955.
15 Frank Georgi, Un syndicalisme en quête d’identite. La CFD7 de la deconfessionnalisation à l’autogestion, Thèse Paris I, 1994.
16 484 AP 14 à 19 : grèves de 1947-1948
17 Lettre de Mr Raymond Moch, 2 octobre 1989.
18 L’absence de toute mention renvoie à Paris intra muros.
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© Éditions de la Sorbonne, 1997