Mac-Mahon, le maréchal-président 24 mai 1873-30 janvier 1879
p. 111-122
Texte intégral
1Dans notre histoire nationale, Patrice de Mac-Mahon1 demeure un cas unique : il est le seul maréchal de France à avoir été élu Président de la République alors qu’il exerçait un important commandement militaire. Son nom a été longtemps associé à une image négative, celle de l’homme « du coup d’état » du 16 mai 1877, celle de l’adversaire maladroit et malheureux des républicains. Il a été malmené par l’historiographie et plusieurs générations d’historiens n’ont cessé d’ironiser sur ses capacités de chef d’état. Notre objectif ici est d’examiner son passage au pouvoir sous un angle habituellement négligé, celui de sa politique militaire2. Mac-Mahon a été élu Président de la République deux ans après la signature du traité de Francfort alors que la réorganisation de l’armée française venait d’être engagée par Thiers et que le territoire national n’était pas encore totalement libéré de l’occupation allemande. Nous essaierons de cerner la politique militaire de Mac-Mahon à partir de trois interrogations centrales :
Quelle a été sa participation à la reconstruction des armées françaises ? A-t-elle été effective ou s’est-il contenté de la présider ?
Comment a-t-il géré un corps des officiers qui à l’image de la nation, était politiquement divisé ?
Quelle a été à l’étranger et plus spécialement dans l’Empire allemand, la perception du président et de sa politique ?
Le personnage
2Au moment de son élection (24 mai 1873) le maréchal de Mac-Mahon commandait l’armée de Versailles qu’il avait reformée en partie avec des soldats revenant de captivité et avec laquelle il avait écrasé la Commune de Paris. Il était âgé de 65 ans et avait encore une belle prestance et une bonne santé.
3Depuis son entrée à Saint-Cyr en 1825, Mac-Mahon avait mené une brillante carrière d’officier qui l’avait conduit aux plus hauts emplois. S’adaptant facilement aux régimes politiques successifs, il avait servi Charles X, Louis-Philippe et la Seconde République, puis s’était rallié au Second Empire sans état d’âme. Napoléon III lui avait confié de grands commandements durant la guerre d’Orient, puis la guerre d’Italie ; il l’avait fait duc de Magenta et maréchal de France, puis l’avait nommé gouverneur général de l’Algérie où il avait servi comme jeune officier. Durant la guerre franco-allemande, il commanda l’armée d’Alsace puis celle de Châlons. Blessé à Sedan le matin du 1er septembre 1870, il fut envoyé en captivité en Allemagne. A son retour, il accepta sans hésiter le commandement militaire contre la Commune que lui proposait Thiers et fut placé à la tête de l’armée dite de Versailles.
4Comme tous les officiers supérieurs de sa génération, Mac-Mahon était un soldat courageux ; sa longue carrière avait modelé sa personnalité. Il partageait les valeurs de son milieu : état d’esprit aristocratique, conception étroite du sens de l’honneur, méfiance devant les aspirations de la bourgeoisie et du peuple. Sa réputation de chef reposait sur des faits d’armes incontestables comme Malakoff et Magenta. Mais était-il vraiment un chef ? On peut s’interroger car le coup d’œil, l’intuition, l’esprit de décision ne paraissent pas avoir été ses qualités majeures ; c’était un officier discipliné qui avait toujours obéi au pouvoir politique. En août 1870, pour avoir suivi les ordres formels du gouvernement Palikao, il avait conduit l’armée dite de Châlons dans le piège fatal de Sedan alors qu’il avait perçu la solution qui aurait probablement empêché ce désastre. La carrière de Mac-Mahon aurait dû se briser à Sedan si une opportune blessure, reçue le matin du 1er septembre 1870, ne lui avait évité de signer la capitulation. Aux yeux de tous les hommes d’ordre et ceux-ci allaient bien au-delà des milieux monarchistes, Mac-Mahon était surtout le commandant de l’armée de Versailles, le vainqueur de la Commune, celui qui avait rétabli l’ordre public et l’autorité du gouvernement légal sur Paris ; il était devenu le garant indispensable de l’ordre intérieur.
5Deux traits de caractère doivent être soulignés. La tradition républicaine fait de Mac-Mahon un homme autoritaire. Bien qu’attaché aux principes d’autorité et aux hiérarchies sociales, c’était loin d’être le cas. Un de ses vieux collègues, le maréchal Baraguay d’Illiers, qui l’avait observé de près, notait dans son journal3 quatre jours après son élection, le 28 mai 1873 : « Thiers était trop autocrate ; il [Mac-Mahon] a le défaut du contraire. Je doute qu’il réussisse... ». Mac-Mahon était à la fois, ce qui peut sembler contradictoire, hésitant et entêté ; il sortait de ses hésitations par des décisions brusques qui surprenaient et déconcertaient son entourage, décisions qu’il regrettait ensuite mais dont il devait assumer les conséquences... »
6Au sens actuel du terme, Mac-Mahon n’a jamais fait de politique dans la mesure où il ne s’était jamais présenté à une élection quelconque. En réalité, c’était loin d’être un novice des affaires publiques car, depuis le début du Second Empire, il était familier des allées du pouvoir. Napoléon III l’avait nommé gouverneur général de l’Algérie et sénateur de l’Empire. Sans être bonapartiste, il avait conservé du respect pour l’empereur déchu. A la tête de l’armée de Versailles, ses fonctions avaient été autant militaires que politiques.
7Au printemps 1873, les droites qui voulaient se débarrasser de Thiers, cherchaient un homme qui servirait de transition avant la restauration de la royauté. Le maréchal pouvait remplir ce rôle et fédérer les droites sur son nom. Élu, il s’effacerait dès que la restauration s’accomplirait. Cette solution, comme on le sait ayant échouée, le mandat de Mac-Mahon fut consolidé pour une durée de sept ans par la loi dite du septennat (19 novembre 1873). Alors qu’on l’avait élu comme un président de transition, Mac-Mahon se retrouva installé dans la durée.
8Jusqu’à la fin de 1875, le maréchal exerça le pouvoir exécutif sous le contrôle de F Assemblée nationale. Puis il se trouva enserré dans une double limite : celle des textes qu’il devait respecter et celle de la majorité parlementaire républicaine élue en février 1876 avec laquelle il était en profond désaccord. Le conflit politique latent entre Mac-Mahon et la majorité républicaine de la Chambre dégénéra en une crise aiguë qui éclata brusquement le 16 mai 1877 avec le renvoi de Jules Simon, et qui trouva un terme provisoire avec la « soumission » du maréchal et l’acceptation du ministère républicain Dufaure (13 décembre 1877). Elle se dénoua par la démission de Mac-Mahon, survenue le 30 janvier 1879, soit près de deux ans avant la fin de son mandat.
9Dans les documents officiels, la titulature en usage était la suivante : « le maréchal de Mac-Mahon, duc de Magenta, Président de la République ». Dans le courrier des ministres, des ambassadeurs, des officiers, ou dans les rapports, il était appelé le « maréchal-président » ou le « maréchal » tout court, comme si le titre de maréchal l’emportait sur celui du président. En visite à l’Élysée, le 16 mai 1874, le maréchal Baraguay d’Illiers crut devoir l’appeler « Monsieur le Président ». « Cela parut ne pas lui plaire », nota-t-il dans son journal et il ajouta ce commentaire : « Je ne pouvais vous appeler monsieur le Maréchal ou mon cher Maréchal. Vous êtes au-dessus de nous par votre position. Je ne puis vous appeler que Monsieur le Président »4. Cette remarque protocolaire en apparence anodine, est révélatrice de l’état d’esprit du maréchal-président.
10Les républicains se sont beaucoup inquiétés de l’entourage « réactionnaire et clérical » du maréchal. Sa femme, intelligente et active dont on disait qu’elle avait beaucoup d’influence sur son mari, savait recevoir et donner de l’éclat aux réceptions de Versailles et de l’Élysée. Parmi les collaborateurs directs, il faut citer d’abord le vicomte Emmanuel d’Harcourt, secrétaire général de la présidence5, un jeune cousin de la maréchale, qui avait été avant la guerre secrétaire d’ambassade à Carlsruhe (Grand-Duché de Bade). La maison militaire du Président6 était plus étoffée que sa maison civile : quatre puis cinq aides de camp et trois officiers d’ordonnance se partageaient le service. Le premier aide de camp était le général marquis Charles-Venance d’Abzac7. Cet officier cultivé, qui avait des intérêts en Russie et en Silésie, avait beaucoup voyagé. Il avait connu Mac-Mahon en Algérie, où il était devenu son aide de camp. Depuis 1864, il était resté attaché à la personne du maréchal qui l’employait pour des missions spéciales, politiques et diplomatiques. Parmi les collaborateurs les plus proches, il faut faire une place au colonel, puis général de brigade Antoine Broye, un saint-cyrien qui avait été son aide de camp depuis 1859 et qui l’avait assisté quand il avait été blessé à Sedan. Broye était discret, intelligent et efficace. Il ne faut jamais oublier les vieux camarades de l’armée d’Afrique, ceux de sa génération, qu’il tutoyait comme Ducrot, et les anciens collaborateurs de Tlemcen, de Constantine ou d’Alger (comme Borel et Gresley), qui avaient servi sous ses ordres et dont il favorisa ensuite la carrière.
11Mac-Mahon avait une connaissance précise du personnel militaire, des services de l’Armée et du fonctionnement de leurs rouages. Il avait une vue d’ensemble qui lui donnait une supériorité précieuse sur les officiers techniciens. Les affaires militaires appartenaient au « domaine réservé » du maréchal-président, qui y accordait beaucoup de temps et d’attention. Il les traitait avec le ministre de la Guerre et les généraux commandants des régions militaires qu’il réunissait souvent à l’Élysée.
12Il a nommé les ministres de la Guerre à l’exception du premier, François de Barail (1873-1874), un cavalier un peu léger qui lui avait été imposé par Broglie8. Il le coiffa en plaçant comme chef de cabinet et chef d’état-major, l’un de ses collaborateurs de confiance, le général Jean-Louis Borel9 qu’il avait connu et apprécié en Algérie, et dont il avait fait son chef d’état-major à l’armée de Versailles. A la chute du cabinet de Broglie (mai 1874), Mac-Mahon se débarrassa de Barail pour reprendre le général de Cissey, ancien ministre de Thiers, travailleur et compétent, qui fit voter à l’Assemblée plusieurs textes importants. La personne de Cissey a été redécouverte grâce à la thèse de Georges Gugliotta10. De tradition légitimiste, Cissey fut vice-président du conseil au moment du vote des lois constitutionnelles, puis resta ministre de la Guerre avec Buffet et Dufaure. Par réalisme, il se résigna à la république conservatrice, ce qui déplut à Mac-Mahon qui lui reprocha de n’avoir pu empêcher la Chambre de supprimer divers crédits militaires11 ; il lui retira sa confiance et lui imposa de démissionner le 15 août 1876.
13Il confia sa succession à l’un de ses anciens collaborateurs, le général Berthaud12, vite suspect aux yeux de la gauche pour avoir été nommé pendant les vacances parlementaires, sans consultation de la majorité. Les journaux républicains multiplièrent les mises en garde à son égard, et il devint leur cible à la suite du conflit sur les aumôneries militaires (crédits supprimés par la chambre en septembre 1876), et d’une circulaire du ministre interdisant la présence de détachements militaires aux enterrements civils. A la suite de la démission du ministère Dufaure (décembre 1876), Mac-Mahon voulut maintenir Berthaud à la Guerre. Les républicains attaquèrent « l’homme agréable aux monarchistes et aux cléricaux... qui fait de la politique et de la plus mauvaise », mettant en doute ses capacités : « Ce n’est pas l’homme de génie que nous appelons de nos vœux et que l’Armée française attend en vain depuis si longtemps »13. Consulté, le président de la Chambre, le républicain Jules Grévy, aurait suggéré de le remplacer par Gresley14, un autre ancien collaborateur de Mac-Mahon, réputé plus souple. Après une dizaine de jours de discussion, Mac-Mahon réussit enfin à imposer le maintien de Berthaud à Jules Simon, le successeur de Dufaure. Au centre du conflit se trouvait la prérogative présidentielle de choisir le ministre de la Guerre en dehors du contrôle de la majorité parlementaire. Ce fut la dernière fois que Mac-Mahon réussit à imposer son point de vue. Solidaire du maréchal dans l’affaire du 16 mai 1877, Berthaud démissionna en novembre 1876 lors de la formation du ministère Rochebouët.
14En décembre 1877, Dufaure constitua un ministère républicain de centre gauche ; il eut l’élégance de proposer à Mac-Mahon d’y faire entrer l’un de ses plus anciens collaborateurs, le général Jean-Louis Borel qui démissionna au bout d’un an pour raison de santé (13 janvier 1879). Dufaure fit alors appel au général Gresley que Mac-Mahon avait connu en 1848 à Constantine, et qui avait déjà été chef de cabinet du ministre et chef d’état-major.
Mac-Mahon et la réorganisation de l’Armée
15Mac-Mahon a-t-il réorganisé l’Armée ? Il est délicat de répondre à cette question. En effet la difficulté consiste à distinguer et à évaluer ce qui revient en propre au Maréchal-Président, de ce qui relève de l’Assemblée nationale et des parlementaires ou du ministre de la Guerre et de ses services (les bureaux de la guerre). Les services ont-ils une autonomie relative par rapport au Président ?
16Mac-Mahon avait personnellement réfléchi sur les désastres de 1870 : à l’instar des autres chefs militaires, il avait eu sa part de responsabilité. Pourtant je ne connais ni le moindre texte ni la moindre déclaration où il aurait esquissé sa propre autocritique. Comme la plupart de ses collègues, il avait compris les raisons de la supériorité de l’Armée prussienne à condition d’adapter les solutions prussiennes à notre tempérament national. A un collègue qui proposait la création d’un état-major à la prussienne, il répliqua : « Nous ne trouverons jamais un Moltke en France ». Au cours des débats du Conseil supérieur de la Guerre15, une instance consultative créée par Thiers et à laquelle il participa en 1872-1873, il fit diverses suggestions pratiques dont la plupart entrèrent dans les faits durant sa présidence. Mais comme la plupart d’entre elles furent aussi avancées par d’autres, il est difficile, voire impossible de distinguer ce qui lui appartient en propre. En aucun domaine Mac-Mahon n’avança des vues originales ou novatrices. Son mandat s’inscrit dans une continuité. A son arrivée aux affaires, l’ Assemblée nationale travaillait depuis deux ans de concert avec Thiers à la réorganisation de l’Armée. Une loi très importante avait déjà été votée, celle du 1er juillet 1872 sur le recrutement. Au moment de son élection, une seconde loi était en discussion, celle sur les circonscriptions militaires qui fut adoptée le 1er juillet 1873. Nous savons que Mac-Mahon était intervenu personnellement pour modifier le projet préparé par Cissey, et faire adopter le découpage territorial des dix-huit régions militaires métropolitaines. Il fit compléter ensuite ce texte par des lois particulières sur l’organisation des places de Paris et de Lyon. Sur l’élaboration de la loi dite des cadres qui fut préparée par le général de Cissey et votée par l’Assemblée nationale en mars 1875, il ne semble pas que Mac-Mahon ait infléchi d’une façon particulière le projet préparé par le ministre en collaboration avec la commission parlementaire.
17Les « cours militaires spéciaux » qui donnèrent naissance à la future école de Guerre, furent créés par un décret présidentiel (18 février 1876) ; ce texte était précédé d’une lettre ministérielle justificative signée Cissey. Là encore, il est difficile de distinguer la part du président. A-t-il eu une initiative personnelle ? A-t-il suivi l’avis du ministre ? Nous savons seulement qu’il n’approuva pas la nomination du premier directeur et qu’après le départ de Cissey, il fit nommer le général Lewall16.
18La réorganisation de l’administration centrale du ministère a été l’œuvre du ministre Berthaut (1876-1877) qui a regroupé les services en sept directions autonomes auxquelles s’ajoutèrent la santé et l’intendance. Nous ignorons sur ce point le rôle exact de Mac-Mahon.
19Il fit aussi appel à des conseils ou à des commissions consultatives. Parmi celles-ci il faut faire une place particulière au Conseil supérieur de la Guerre, une instance créée par Thiers. Après son élection Mac-Mahon cessa d’y siéger, mais il se tenait informé de ses discussions et lui faisait transmettre ses suggestions. Le conseil s’était réuni jusqu’à la fin de 1874. Quatre ans plus tard, il fut reconstitué avec d’autres membres et tint au printemps 1878, sous la présidence du maréchal, huit réunions, au cours desquelles fut discuté et adopté ce qui fut appelé le plan de mobilisation n° 2.
20Mac-Mahon avait également institué un Conseil de défense, qui a tenu de nombreuses séances de 1876 à 1879 sous la présidence du maréchal Canrobert17, et qui a examiné les places fortes et les fortifications de la mer du Nord à la frontière suisse. Le système du général Séré de Rivières était en cours de réalisation ; celui-ci était membre de la commission, qui a réalisé un intéressant état des lieux et proposé diverses suggestions d’amélioration dont nous ne savons si elles furent prises en compte.
21La tâche principale de Mac-Mahon et de ses ministres de la Guerre fut de prendre les décrets et arrêtés permettant une application concrète des lois votées par le Parlement. C’est probablement plus donc dans l’exécution que dans la conception qu’il faut juger du rôle personnel de Mac-Mahon. Entre 1873 et 1879, l’Armée française a été complètement réorganisée : mise en place de la nouvelle carte militaire, esquisse de la régionalisation du recrutement, construction du système Séré de Rivières, le plus important effort de fortification depuis Vauban, construction d’un réseau ferré adapté, perfectionnement de l’armement (fusil Gras, artillerie de Bange, etc…). A de nombreuses reprises Mac-Mahon s’est rendu sur le terrain et a participé aux manœuvres. Il a accompagné et soutenu l’effort de réorganisation des armées françaises.
La gestion du corps des officiers
22Quand Mac-Mahon arriva aux affaires, le corps des officiers était préoccupé principalement par trois problèmes principaux :
Le débat sur les responsabilités de la défaite et les moyens de reconstruire l’armée.
Les rancœurs et déceptions provoquées par les décisions de la commission de révision des grades, présidée par le général Changarnier.
Les tensions entre une haute armée restée conservatrice et dont Mac-Mahon était l’un des représentants, et une minorité d’officiers républicains ou ralliés à la république.
23La commission Changarnier avait rétrogradé de nombreux officiers promus rapidement par le gouvernement de la Défense nationale. Son objectif avait été de rétablir un équilibre entre les officiers restés en France et ceux de leurs camarades qui, prisonniers en Allemagne, n’avaient pu bénéficier d’aucune promotion. L’une de ses premières victimes fut Denfert-Rochereau, le valeureux défenseur de Belfort. Les rétrogradations avaient touché surtout des officiers républicains, comme le futur général Boulanger ou encore le général Farre, et avaient été perçues par ceux qui en avaient été les victimes comme des sanctions injustes.
24La gestion du corps des officiers était délicate car Mac-Mahon devait maintenir l’unité de l’armée. Le problème posé est de déterminer si Mac-Mahon a favorisé au détriment de la compétence la fraction conservatrice du corps des officiers, et si les reproches lancés à son égard par les républicains ont été fondés. L’avancement qui obéissait à des règles précises, était préparé par les commissions de classement dont les avis étaient suivis. Avant son élection, Mac-Mahon avait présidé celle de la cavalerie. Il confia la présidence de la commission de classement dans l’infanterie au maréchal Canrobert qui la garda jusqu’en novembre 1879, date de sa mise à l’écart par les républicains. Nous n’avons pas les moyens de dire si cette gestion des carrières fut plus professionnelle que politique.
25Si on examine les promotions parmi les généraux et le choix des chefs de corps d’armée, on constate que, de 1873 à 1875, Mac-Mahon a utilisé très librement et d’une façon presque régalienne son pouvoir de nomination. Pour les postes élevés de la hiérarchie militaire, il a surtout favorisé les généraux conservateurs, soit royalistes, soit de tradition bonapartiste comme lui. Notons toutefois que des nominations comme celles du duc d’Aumale à Besançon et de Bourbaki à Lyon avaient été effectuées par Thiers, et que Mac-Mahon a maintenu ces généraux en fonction au-delà de la limite réglementaire des trois ans. A Paris Mac-Mahon a nommé Ladmirault, à Bourges son ami Ducrot, toujours très remuant. Parmi les républicains, peu nombreux, on doit citer Clinchant à Lille et Cambriels, qui avait commandé l’armée des Vosges, nommé à Rennes. Les Farre, Billot, Thoumas n’ont pas eu à se plaindre. Farre18, qui avait été le chef d’état-major de Faidherbe et qui était proche de Gambetta, retrouva son grade de général de division (30 septembre 1875), puis remplaça le bonapartiste Chabaud-Latour à la présidence du comité des fortifications.
26Après la victoire des républicains, Dufaure laissa à Mac-Mahon le choix du ministre de la Guerre et celui-ci y maintint le général de Cissey. Bientôt les relations entre les deux hommes de dégradèrent et, comme on l’a vu, Mac-Mahon se sépara de Cissey le 15 août 1876. La nomination de Berthaud, dont on dit qu’il avait un plan de réorganisation de F Armée, peut être interprétée comme la volonté de reprendre en main un domaine réservé du Président. Berthaud fut mêlé aux événements du 16 mai et resta ministre de la Guerre dans le cabinet de Broglie.
27Sur ce terrain, les républicains cherchèrent à limiter la toute puissance du président. Au début décembre 1877, alors qu’un accommodement était en vue avec la majorité républicaine, le conflit se prolongea car Mac-Mahon exigea de conserver la nomination des trois ministres de la Guerre, de la Marine et des Affaires étrangères en dehors de la majorité parlementaire. Ce n’est qu’après qu’il eut abandonné ce principe que le cabinet Dufaure put se constituer le 12 décembre 1877. Le nouveau président du conseil fit ensuite un geste en proposant à Mac-Mahon la nomination à la Guerre de son ancien chef d’état-major, le général Borel. Un seul commandant de région militaire fut sacrifié, en la personne de Ducrot qui avait poussé Mac-Mahon à utiliser l’Armée pour faire un coup d’état. Plusieurs officiers républicains eurent des promotions. Ce n’était pas suffisant. Un an plus tard le conflit entre la gauche et Mac-Mahon rebondit sur le droit de nomination des généraux ; la gauche demanda la mise à la retraite de plusieurs d’entre eux réputés conservateurs, qui commandaient des régions militaires, donnant comme argument que certains d’entre eux étaient en fonction bien au-delà de la durée réglementaire des trois ans. Gresley proposa trois mises à la retraite (Bourbaki, Bataille, Lartigue) et cinq mises en disponibilité (Aumale, Douai, Barail, Deligny et Montaudon). Mac-Mahon refusa de sacrifier de « vieux camarades » ; il préféra démissionner plutôt que d’abandonner au ministère et aux parlementaires le droit de nomination des commandants de corps d’armée.
28Mac-Mahon a souvent été accusé par ses adversaires (pas seulement français) et par les historiens qui les ont suivis, d’être un général de coup d’état. Toute la carrière antérieure de Mac-Mahon avait montré son souci de la légalité et son respect du gouvernement légitime. Le problème de l’utilisation de l’Armée pour un éventuel coup d’état s’est posée après la victoire des républicains. A un ami comme le général Ducrot qui le pressait d’agir en ce sens, Mac-Mahon répondait en mars 1876 : « il faut que j’essaie encore de la légalité ». Mac-Mahon a donc subi des sollicitations, et celles-ci ont probablement redoublé en mai-juin 1877, et au cours de l’automne, dans la période de tension extrême qui suivit le succès électoral des républicains après la dissolution. Or il les a repoussées... Pourquoi ?
29Sans avoir de certitudes véritables, on peut avancer les réponses suivantes : Mac-Mahon n’avait ni projet politique personnel, ni l’intention de faciliter par une aventure militaire une restauration du comte de Chambord. Dans l’hypothèse où Mac-Mahon aurait songé à utiliser l’Armée pour maintenir les conservateurs au pouvoir, en dépit des indications claires données par le suffrage universel, il aurait fallu que l’Armée dans sa majorité le suivit comme elle avait suivi Louis-Napoléon le 2 décembre 1851. Or l’Armée de 1877 n’était plus celle de 1851 ; elle comprenait une importante minorité d’officiers républicains19, et une partie des officiers conservateurs comme Aumale, Galliffet et bien d’autres, refusait toute utilisation de l’Armée dans une aventure intérieure. Le ministre de la Guerre Berthaud, n’était pas un Saint Arnaud. Assez bien informé de l’état d’esprit des officiers, parmi lesquels il avait des contacts, Gambetta avait compris que le maréchal n’avait ni le désir personnel, ni les moyens d’un coup de force militaire. La nomination à la tête du ministère du général de Rochebouët, commandant de la 18e région20, un militaire sans aucune expérience politique, aurait pu faire croire que Mac-Mahon allait s’engager dans une aventure ; ce ne fut qu’une tentative sans lendemain, à la limite absurde, de tenir tête à la nouvelle Chambre. L’Armée française reconstituée après les désastres de 1870 n’était plus une armée prétorienne, et Mac-Mahon n’avait jamais eu l’étoffe d’un général de coup d’état. La dignité avec laquelle il se retira en apporta l’ultime confirmation.
Dans le champ des relations franco-allemandes
30En arrivant au pouvoir Mac-Mahon avait un héritage à assumer, celui de Thiers, c’est-à-dire l’application du traité de Francfort21 et des conventions qui l’avaient complété. Une partie du territoire était encore occupée par l’Armée allemande, et la libération des dernières villes était prévue pour la fin de l’été dès que le paiement de l’indemnité de guerre serait achevé. La nouvelle majorité fit immédiatement savoir à Berlin que la politique de Thiers serait poursuivie. Bismarck, qui n’avait jamais rencontré Mac-Mahon et n’a jamais ensuite cherché à avoir avec lui le moindre contact direct, interpréta d’emblée son élection négativement. La première lettre de l’ambassadeur Gontaut-Biron22 au duc de Broglie, nouveau ministre des Affaires étrangères, était explicite : « M. Thiers est regretté en haut lieu... » (24 mai 1873). La raison de cette hostilité était politique : Bismarck craignait une liaison entre les sympathies cléricales et royalistes de Mac-Mahon et l’esprit de revanche.
31Pourtant Broglie avait adressé à l’ambassadeur une dépêche sans équivoque : « Vous n’avez rien à changer aux instructions reçues du dernier gouvernement... Vous devez rester fidèle à la ligne qui vous a été tracée... ». Après l’échec de la restauration et le vote de la loi du septennat, le 25 novembre 1873, Mac-Mahon adressa aux puissances européennes une circulaire où se détachaient ces mots « respect scrupuleux des traités et désir de vivre en bonne harmonie avec les différentes puissances ». Bismarck ne fut nullement convaincu ou fit semblant de ne pas l’être. Orientée par ses soins, une partie de la presse allemande ne cessa de rester hostile au maréchal de Mac-Mahon ; on peut dans les dépêches de Gontaut en trouver de multiples exemples. Après le rappel de l’ambassadeur Arnim, qu’il soupçonnait de connivences avec les royalistes, Bismarck envoya à Paris le prince Clovis de Hohenlohe, un aristocrate bavarois, favorable à la Prusse. C’était un homme cultivé, discret et habile. Il sut se faire admettre dans le monde, et trouva plus vite le contact avec Thiers et les républicains qu’avec l’entourage de Mac-Mahon.
32La crise d’avril 187523 dont l’historiographie a peut-être exagéré la portée, doit être interprétée dans ce contexte. Rappelons que son point de départ avait été la parution dans le journal Die Post d’un article au titre inquiétant « La guerre est-elle en vue ? » Pour montrer qu’ils ne se laissaient pas impressionner, Mac-Mahon et son ministre Decazes24 vinrent dîner quelques jours plus tard à l’ambassade d’Allemagne. Mac-Mahon expliqua la loi militaire à Hohenlohe, qui transmit son rapport à Bismarck ainsi que celui de l’attaché militaire à Paris. Ce dernier, après avoir longuement analysé le texte, concluait qu’il n’y avait aucune menace de guerre et que l’application de la loi dite des cadres n’entraînait aucune augmentation des effectifs de l’Armée française en temps de paix. Bismarck prit acte de ces informations, dont il ne contesta pas la validité. Il n’en continua pas moins à manifester sa malveillance et à orienter la presse dans un sens hostile au maréchal et à son gouvernement. Il boudait l’ambassadeur Gontaut-Biron auquel il reprochait d’intriguer contre lui à la Cour. Il demanda son rappel ainsi que celui de l’attaché militaire, M. de Polignac, mais le ministre Decazes ne crut pas opportun de lui accorder cette satisfaction.
33Après l’entrée en vigueur des lois constitutionnelles, l’hostilité de Bismarck à l’égard de Mac-Mahon ne désarma pas. Il craignait que ses sympathies cléricales ne conduisissent le maréchal à intervenir « par un coup d’état » contre la majorité républicaine de la Chambre. Pour rassurer le chancelier sur les intentions du maréchal, Hohenlohe lui rapporta un propos acide de Thiers contre son successeur25 : « Le maréchal que voilà à la présidence, bien qu’il ne soit pas à sa place, ne pense pas à la guerre ; il ne pense qu’à conserver sa fonction » (27 février 1877).
34L’affaire du 16 mai, la formation du cabinet de Broglie et la dissolution de la Chambre des députés confirmèrent Bismarck dans ses analyses. La presse officieuse tira à boulets rouges sur le maréchal et les conservateurs dont le chancelier allemand fit savoir qu’il souhaitait la défaite. Mac-Mahon eut beau expliquer que « la direction de notre politique extérieure rest[ait] inchangée », il n’obtint aucune compréhension. En août 1877, il envoya en mission à Berlin son premier aide de camp, le marquis d’ Abzac pour répéter que « la direction de notre politique extérieure restait la même ». Abzac, qui était déjà venu à plusieurs reprises à Berlin, fut reçu courtoisement par l’Empereur et l’Impératrice. Aux Affaires étrangères, il vit le ministre Radowitz, un proche collaborateur de Bismarck qui lui rappela : « Nous nous tenons sur nos gardes ». Ses conversations furent un échec complet. Bismarck restait toujours intraitable à l’égard de Mac-Mahon et des conservateurs...
35La victoire des républicains puis la capitulation politique de Mac-Mahon conduisirent à la formation d’un cabinet constitutionnel dirigé par le républicain de centre gauche Dufaure, le 12 décembre 1877. Bismarck se réjouit de la mort politique de Mac-Mahon et de l’élimination du duc Decazes, remplacé aux Affaires étrangères par le républicain modéré Waddington. Le premier acte du nouveau ministre fut de demander à Gontaut-Biron sa démission – « Ma démission n’est que la forme ; le fonds, c’est une révocation26 »– et d’envoyer à Berlin le comte de Saint-Vallier, un ancien collaborateur de Thiers. Bismarck accueillit à Berlin le nouvel ambassadeur de France avec des marques publiques de sympathies. Il était satisfait de l’échec sans appel des conservateurs et de l’installation à Paris d’un gouvernement républicain. Selon ses calculs la France resterait encore longtemps isolée.
36Au terme de cette analyse le bilan ne peut être que mitigé. Mac-Mahon a poursuivi avec quelques infléchissements la politique militaire amorcée par Thiers et l’Assemblée nationale. Il n’a imposé aucune mesure originale portant sa marque. Cette politique était davantage celle de la nation que celle du maréchal-président ; elle correspondait à des nécessités, car elle a été poursuivie par la suite par les républicains. En matière de personnel, Mac-Mahon a favorisé les officiers conservateurs sans exclure les républicains mais ces derniers restent encore si minoritaires (deux commandants de régions militaires sur dix-huit en janvier 1879) que la majorité républicaine de la Chambre s’en est émue, et que cette tension a provoqué la démission du maréchal-président. Mac-Mahon a favorisé la promotion d’officiers de talent comme le général de Miribel, que Gambetta avait aussi distingué, et auquel la République confia dans les années 1880 d’importantes responsabilités. Il faut attendre le départ du maréchal-président pour que les officiers républicains, qui s’étaient distingués à l’époque de la Défense nationale, puissent parvenir à des postes de responsabilités. On doit enfin s’interroger sur le rôle du président de la République dans les affaires militaires. Mac-Mahon avait démissionné parce que le gouvernement républicain lui contestait le droit de nommer à sa convenance aux hauts postes de la hiérarchie militaire. Aucun de ses successeurs – tous des civils – n’a revendiqué une telle prérogative. Sont-ils restés pour autant complètement à l’écart ? N’ont-ils pas donné leur avis dans les instances qu’ils présidaient ou dans des réunions restreintes et informelles tenues dans leur cabinet de l’Élysée ? Par son cabinet militaire, le président était tenu au courant des affaires de l’armée. Les mémoires inédits de Brugère, les souvenirs de Le Gall et de Combarieu montrent combien les présidents Carnot, Faure et Loubet étaient très attentifs. Quant à Raymond Poincaré, jusqu’à l’arrivée aux affaires de Clemenceau, il a cherché, sans jamais sortir de son rôle constitutionnel, à donner son avis sur certaines nominations. C’est pourquoi, après Mac-Mahon, le rôle du président de la République ne s’est pas, comme on l’a dit trop souvent, exclusivement limité à présider les revues et à remettre les décorations.
Notes de bas de page
1 On ne dispose d’aucune biographie satisfaisante du maréchal de Mac-Mahon. Celle de Jacques Silvestre de Sacy, Le Maréchal de Mac-Mahon, duc de Magenta (1808-1893), Paris, 1960, 386 p. ; très impressionniste, vaut surtout par les extraits des mémoires jusqu’ici inédits du maréchal. Nous regrettons de ne pas avoir été en mesure de les consulter. Ses Souvenirs d’Algérie parus dans la Revue des Deux Mondes, 1930, ont été publiés en volume par le comte Guy de Miribel : Mémoires du Maréchal de Mac-Mahon, duc de Magenta. Souvenirs d’Algérie, Paris, 1932. Les notices les plus récentes sont celles de Joseph Valynseelle, Les Maréchaux de Napoléon III, leur famille et leur descendance, Paris, p. 418-452 et la notice du même dans le Dictionnaire du Second Empire (sous la direction de Jean Tulard), p. 756-757.
2 Pour la replacer dans l’histoire militaire générale, consulter Histoire militaire de la France, t. III, « de 1871 à 1940 », Guy Pédroncini (dir.), Paris, 1992, 522 p., Jean-Charles Jauffret, Parlement, Gouvernement, Commandement : l’Armée de métier sous la Troisième République, 1871-1914, Paris, 1987 et William Serman, Jean-Paul Bertaud, Nouvelle Histoire militaire de la France, 1789-1918, Paris, 1998, p. 525-527.
3 Service historique de l’armée de Terre, (désormais S.H.A.T.), 1K 644, (carton 19), mémoires manuscrits du maréchal Baraguay d’Illiers (1795-1878). Se rapporter à l’article de Pierre Bertin, « Le Maréchal Baraguay d’Illiers », Bulletin de la Société archéologique de Touraine, 1978, p. 810-825.
4 Ibid.
5 S.H.A.T., 30.828. Né à Paris le 23 juin 1844. Fut officier d’ordonnance du maréchal, 1871-1872 qui le nomma en 1876 « capitaine à la suite ». Après son départ de l’Élysée, il réintégra l’Armée comme capitaine ; démissionnaire le 31 juillet 1881.
6 Annuaire de l’armée française, 1876. Les quatre aides de camp étaient le général de division d’Abzac, le général de brigade Broyé (qui resta attaché après 1879 à la personne de Mac-Mahon), le colonel Robert, chef de cabinet et le colonel de Vaulgrenant (qui fit une belle carrière dans l’Armée de la République). En 1878, arriva un cinquième aide de camp le lieutenant-colonel Lamorelle. Les trois officiers d’ordonnance de 1878 étaient le capitaine de Ganay, le lieutenant de vaisseau de la Panouse et le lieutenant de Gontaut-Biron (fils de l’ambassadeur à Berlin). Le capitaine d’Espinay fut attaché aussi à l’Élysée.
7 S.H.A.T., GB/2 4007 Marie-Charles Venance d’Abzac (1822-1905).
8 François du Barail, Mes souvenirs, t. III, 1864-1879, Paris, 1898.
9 S.H.A.T., GD/2, 528. Jean-Louis Borel (1819-1884) avait été aide de camp de Mac-Mahon (1852-1855 et 1858-1864). Nommé général de brigade en juillet 1870, de division en septembre 1870, il fut chef d’état-major de l’armée de la Loire, puis chef d’état-major de Mac-Mahon à l’armée de Versailles (6 avril 1871).
10 Georges Gugliotta, Un officier du corps d’état-major, le général de Cissey (1810- 1882), Université Paul-Valéry (Montpellier-III), 1987. Pour une première approche, cf. sa communication infra.
11 Les journaux républicains sont sans indulgence à l’égard de Cissey. Les commentaires du Progrès de l’Est (Nancy) reprennent ceux des grands journaux républicains de Paris... « La retraite de M. de Cissey ne sera pas regrettée... Il portait à la tribune un langage embarrassé, un débit hésitant, un œil éteint, une langue pâteuse, une attitude si effacée, si molle que le sentiment national se révoltait à voir l’Armée française représentée par un homme aussi peu énergique, aussi peu viril et tranchons le mot, aussi peu militaire ». Le Progrès de l’Est, 18 août 1876.
12 S.H.A.T., GD/2 1527. Jean-Auguste Berthaud (1817-1881). Saint-Cyrien (reçu 1er) à la carrière classique ; il fut aide de camp de Canrobert ; collabora étroitement avec Mac-Mahon à l’armée de Versailles.
13 Le Progrès de l’Est, 15 décembre 1876.
14 S.H.A.T., GD/2 1555. Henry Gresley, fils du principal du collège de Wassy, polytechnicien, fit une carrière algérienne. Mac-Mahon le nomma chef du bureau politique du gouvernement général. Après la guerre franco-allemande, il poursuivit sa carrière dans la haute administration militaire : chef de cabinet du ministre, 1874-1875 ; sous chef d’état-major général et chef d’état-major du ministre. Après sa démission du ministère (28 décembre 1879), il commanda le 5e corps, 1880-1883.
15 Procès-verbaux conservés au S.H.A.T. récemment publiés sous le titre Vaincre la défaite, 1872-1881, Vincennes, S.H.A.T., 732 p. Documents présentés par Guy Pédroncini.
16 S.H.A.T., GD/2 1616. Lewall était un officier discuté. Il a publié notamment une « Conférence sur la marche d’un corps d’armée » in Revue du ministère de la Guerre, janvier 1870 et une « Introduction à la tactique positive », in Journal des sciences militaires, avril 1878.
17 Sur Canrobert (1809-1891), on dispose de la monumentale biographie de Germain Bapst, Le Maréchal Canrobert. Souvenirs d’un siècle. Paris, 1898-1913, 6 vol. Canrobert qui était resté bonapartiste, fut sénateur du Lot, puis de la Charente. Il s’inscrivit au groupe de l’Appel au peuple.
18 S.H.A.T., GD/564, Jean-Joseph Farre (1816-1887), polytechnicien. Après la démission de Mac-Mahon obtint la succession de Bourbaki à Lyon, puis fut le premier ministre de la Guerre républicain (28 décembre 1879, 14 novembre 1881).
19 François Bédarida, « Les Opinions politiques des officiers français en 1876-1878 », in Revue historique, 1964.
20 S.H.A.T., GD/1433. Gaëtan Grimaudet de Rochebouët (1813-1891) était polytechnicien et artilleur. Il commanda le 18e corps d’armée (Bordeaux) de 1874, à sa retraite en août 1880.
21 Pierre Renouvin, Histoire des relations internationales. Le xixe siècle, t. II : « de 1871 à 1914. L’apogée de l’Europe », Paris, 1955. Andréas Hillgruber, Bismarcks Aussenpolitik, Freiburg, 1981. Le livre récent de Jacques Binoche, Histoire des relations franco-allemandes de 1789 à nos jours, Paris, 1996, passe rapidement sur ces aspects.
22 Le vicomte Élie de Gontaut-Biron, député légitimiste des Basses-Pyrénées à l’Assemblée nationale, avait été nommé par Thiers ambassadeur à Berlin. Il prit son poste le 4 janvier 1872 et resta jusqu’à sa démission (décembre 1877). Gontaut s’était lié avec le ministre de Belgique, le baron de Nothomb, qui resta à Berlin plus de trente ans. La première partie de ses mémoires a été publiée après sa mort sous le titre suivant : Vicomte de Gontaut-Biron, Mon ambassade à Berlin (1872-1873), avec un avant-propos et des notes par André Dreux, Paris, 1906, 444 p. La seconde partie a été publiée par André Dreux, Dernières années de l’ambassade en Allemagne de M. de Gontaut-Biron, 1874-1877, Paris, 1907, 391 p. Elle comprend surtout des textes ; l’étude du duc de Broglie, La mission de M. de Gontaut-Biron à Berlin, Paris, 1896, apporte quelques éléments.
23 « L’alerte » de 1875 ou « la crise de la guerre est-elle en vue ? » (Der Krieg-in-Sicht) a été étudiée par Andréas Hillgruber, puis reprise dans la perspective des relations germano-russes par la thèse d’Ulrich Lappenküpper, Die Mission Radowitz. Untersuchung zur Russlandspolitik Otto von Bismarcks (1871-1875), Bonn, 1988.
24 Fils du ministre de Louis XVIII, le duc Louis-Charles Decazes (1819-1886), un orléaniste du centre droit, avait embrassé la carrière diplomatique. Il a occupé le Quai d’Orsay pendant quatre ans (novembre 1873-novembre 1877).
25 Clovis de Hohenlohe, Souvenirs, t. II, p. 97.
26 Gontaut-Biron, op. cit., p. 346-347.
Auteur
-
François Roth
Professeur d’histoire contemporaine à l’université de Nancy-II, travaille principalement sur la période 1860-1940 et sur les thèmes suivants : la France de l’Est, les Guerres de 1870/1871 et 1914/1918, et l’Allemagne du Second Reich. A publié entre autres La Lorraine annexée, 1870-1918, Nancy, 1976 ; Les Lorrains entre la France et l’Allemagne, Metz, 1982 ; Le Temps des journaux, Nancy, 1984 ; Histoire contemporaine de la Lorraine : 1.1789/1914 ; 2. 1914/1994, Nancy, 1992-1994 ; La Guerre de 70, Paris, Fayard, 1990 et poche « Pluriel », Hachette, 1993 ; L’Allemagne de 1815 à 1918, Paris, 1996.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Métro, dépôts, réseaux
Territoires et personnels des transports parisiens au XXe siècle
Noëlle Gérôme et Michel Margairaz (dir.)
2002
Policiers dans la ville
La construction d’un ordre public à Paris (1854-1914)
Quentin Deluermoz
2012
Maurice Agulhon
Aux carrefours de l’histoire vagabonde
Christophe Charle et Jacqueline Lalouette (dir.)
2017
Autonomie, autonomies
René Rémond et la politique universitaire en France aux lendemains de Mai 68
Charles Mercier
2015
