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Militaires en République, 1870-1962

 | 
Olivier Forcade
, 
Éric Duhamel
, 
Philippe Vial

Avant-propos

Texte intégral

1Les organisateurs de ce colloque m’ont demandé d’ouvrir vos débats. Je les remercie de cet honneur que je dois à deux grands historiens qui, il y a trente ans, ont guidé mes pas à l’université, puis dans les colloques internationaux, Pierre Renouvin et Henri Michel. Je tenais à leur rendre un hommage reconnaissant.

2Je me suis intéressé à ce colloque, dès le début de sa gestation lorsque Olivier Forcade et le lieutenant-colonel Guelton en jetaient les bases à Coëtquidan. Le thème Militaires en République en a effarouché certains. Évoquer toutes les formes de participation des officiers à la vie politique sous les Troisième et Quatrième Républiques, voire jusqu’à 1962, n’était-ce pas ouvrir la voie à des débats périlleux pour la société militaire ? Mais pourquoi éviter les débats ? Je n’aime pas l’expression « Grande Muette », qui me paraît fausse et dangereuse. Derrière l’expression, il y a des hommes qui pensent, souffrent, s’indignent. Peut-être en silence, mais pas toujours, car ils trouvent des intercesseurs. Et s’il y a silence, celui-ci est perçu comme une lourde menace par ceux que révulse ce corps qu’ils analysent comme étranger à la Nation. J’ai eu la chance, lorsque je professais à l’École Supérieure de Guerre, d’avoir comme directeur des études ; un homme exceptionnel, le colonel Vanbremeersch. Jeune lieutenant déporté à Buchenwald, il avait fait l’admiration des militants communistes les plus endurcis. Colonel, il fut un des inspirateurs de ces groupes « Rencontres » qui auraient mérité d’être étudiés au cours de ce colloque, s’ils ne s’étaient situés après 1962. Ces groupes avaient notamment pour objectif de faire rencontrer des officiers et des représentants des partis politiques, des syndicats afin de parvenir à une compréhension réciproque.

3Cette expression « Rencontre » me semble fort judicieuse et je l’oppose à ce concept détestable d’« Armée-Nation » comme si coexistaient deux communautés distinctes, alors que l’armée ne doit être que la Nation en armes. Ce colloque est précisément une « Rencontre » et j’en félicite ceux qui en ont pris l’initiative, Olivier Forcade, Éric Duhamel et Philippe Vial. Je suis frappé par le nombre d’universitaires, chenus ou tout jeunes, qui ont répondu à leur appel. Car sur les cinquante-deux intervenants de ce colloque, il n’y a que quatre officiers (deux en activité, deux en retraite) ou cinq si nous y ajoutons celui qui pourrait être à lui tout seul l’objet d’une communication, mon camarade de promotion Pierre Dabezies, devenu universitaire, homme politique et ambassadeur. Je ne cacherai pas que ce chiffre de cinq me chagrine. Témoigne-t-il d’un désintérêt manifeste pour l’histoire d’officiers qui sacrifient tout à la technologie ? Je le crains, car je constate le même déficit au sein de la Commission française d’histoire militaire : elle recrute sans aucune difficulté des adhérents parmi les jeunes chercheurs civils (hommes et femmes) nombreux à s’intéresser à une histoire militaire au sens large, mais peine à associer de jeunes officiers à ses travaux.

4Pour ne pas rester sur ce constat pessimiste, et en conclusion, je voudrais souligner la variété des angles d’attaque qui ont été choisis pour analyser l’étude des rapports des militaires avec la politique, sans esquiver les plus épineux, comme l’engagement en politique ou la désobéissance légitime. De cette « Rencontre » je ne vois que bénéfice : qui se connaissent mieux, se comprennent.

© Éditions de la Sorbonne, 1999

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