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La Belgique entre la France et l’Allemagne

 | 
Marie-Thérèse Bitsch

Deuxième partie. La Belgique neutre un enjeu stratégique et politique

Chapitre 20. Le nécessaire renforcement de l’armée (1912-1913)

Texte intégral

  • 1 Sur cette campagne et la loi militaire de 1913, voir E. Wanty, Le milieu militaire belge de 1831 à  (...)
  • 2 Le remaniement ministériel du 11 novembre 1912 fait entrer au gouvernement deux personnalités hosti (...)

1L’adoption d’une nouvelle loi militaire en 1913 est l’aboutissement d’un processus entamé pendant la crise d’Agadir par la campagne déclenchée dans la presse1. Mais les efforts pour pallier aux insuffisances relevées – manque d’argent, manque de matériel, manque d’hommes, manque d’officiers – avortent une première fois avec l’échec des réformes militaires à la fin 1911. Ce n’est qu’après l’abandon du portefeuille de la Guerre par le général Hellebaut en lutte avec l’Etat-major, la campagne électorale du printemps 1912 où le parti majoritaire se garde bien de prendre clairement position sur la question militaire, après la nouvelle victoire des catholiques le 2 juin et les vacances parlementaires de l’été, que la réforme est sérieusement mise en route. Lancée par un ballon d’essai dans Le Soir, le 9 octobre, elle est annoncée devant les Chambres le 12 novembre, jour de la rentrée parlementaire, par le chef du cabinet de Broqueville qui venait de prendre la veille le portefeuille de la Guerre2.

  • 3 La loi est votée à la Chambre par 103 voix (88 catholiques et 15 libéraux) contre 62 (2 catholiques (...)
  • 4 Réorganisation de la direction de l’armée, en mars 1912, avec création d’un Conseil supérieur de la (...)

2Le projet présenté le 5 décembre est discuté au Parlement à partir du 13 février 1913 avec comme toile de fond la campagne pour le suffrage universel ponctuée d’une grève générale à la mi-avril. La réforme militaire est adoptée, après modifications, le 28 mai à la Chambre des Représentants et le 19 juin au Sénat, par la majorité catholique appuyée, à la Chambre, par quelques libéraux3. Cette loi de 1913 établit la règle du service personnel généralisé enfin acceptée par les catholiques réfractaires sous l’influence de Broqueville et du Roi qui auraient personnellement convaincu Charles Wœste. La réforme porte le contingent annuel à 33 000 hommes, l’armée active en temps de paix à 60 000 et l’armée sur le pied de guerre à 340 000 dont 150 000 pour l’armée de campagne, 130 000 pour les forteresses et 60 000 pour les réserves. Mais si l’augmentation des effectifs apparaît comme l’innovation essentielle, diverses autres mesures contribuent, en 1912-1913, à réorganiser l’armée belge et à lui insuffler un esprit plus combatif4.

3Sans revenir sur les aspects techniques ou les longs débats politiques internes, il convient de regarder ici les problèmes militaires belges à travers les prismes français et allemand mais il paraît utile aussi, notamment par l’étude des motivations du gouvernement de Bruxelles, de replacer la réforme dans l’optique générale de la politique belge face aux voisins, à la fois garants de la neutralité et belligérants probables.

Jugements français et allemands sur l’armée belge, avant la loi de 1913

Sévérité et inquiétude des Français

  • 5 Bruxelles à M. Guerre, 2 décembre 1911, Vincennes, 7 N 1157.
  • 6 Bruxelles à M. Guerre, 8 juin 1912, Vincennes, 7 N 1157.

4Fin 1911, en commentant le débat sur la défense nationale à la Chambre des Représentants, l’attaché militaire français, Duruy, constate que malgré les mesures adoptées pendant la crise d’Agadir, il reste de graves lacunes dans l’organisation militaire belge5. Son successeur, Génie, est encore plus radical dans son jugement lorsqu’il déclare quelques mois après son arrivée à Bruxelles que « l’alerte d’Agadir a mis au grand jour le néant de l’organisation militaire de la Belgique »6.

  • 7 Bruxelles à M. Guerre, 16 janvier 1912, Vincennes, 7 N 1157.
  • 8 Bruxelles à M. Guerre, 11 décembre 1911, Vincennes, 7 N 1157.
  • 9 Cf. supra, chap. 18, p. 430.
  • 10 Bruxelles à M. Guerre, 11 décembre 1911, Vincennes, 7 N 1157.

5Duruy ne fait alors confiance ni à la volonté ni à la capacité des Belges d’opposer une résistance efficace à une invasion allemande. Il écrit qu’« à la fin comme au début de 1911... nous devons avoir une confiance très limitée dans la capacité de résistance des Belges contre une violation de leur territoire par les Allemands »7. A son avis « selon toute vraisemblance, l’armée belge livrée à ses seules forces, resterait prudemment, au Nord de la Meuse, regardant défiler les colonnes allemandes à travers les Ardennes »8, jugement injuste si l’on se souvient qu’en septembre 1911, même Arendt, qui ne tient pourtant pas à sacrifier l’armée belge, a estimé qu’on ne pourrait pas assister sans réagir au défilé des troupes allemandes à travers le pays9. Mais Duruy en conclut qu’en cas de guerre une coopération militaire sera nécessaire entre l’armée française et l’armée belge qui « aura besoin d’être confirmée dans des intentions offensives »10.

  • 11 Bruxelles à M. Guerre, 7 novembre 1911, Vincennes, 7 N 1158.
  • 12 Bruxelles à M. Guerre, 30 septembre 1912, Vincennes, 7 N 1158. Génie n’a pas été invité (ni d’aille (...)
  • 13 Jungbluth à Van der Elst, 12 octobre 1912, A.G.R. Papiers Van de Elst, dossier 158.
  • 14 Bruxelles à M. Guerre, 12 décembre 1912, Vincennes, 7 N 1158.
  • 15 Ibid.
  • 16 Bruxelles à M. Guerre, 21 décembre 1912, Vincennes, 7 N 1158.
  • 17 Bruxelles à M. Guerre, 12 décembre 1912, Vincennes 7 N 1158.
  • 18 Ibid.
  • 19 Ibid.

6Si le camp d’instruction de Beverloo, dans la Campine, est considéré comme bien organisé et complètement installé11, les attachés militaires français déplorent l’insuffisante préparation des places fortifiées qui constituent pourtant la clé de la défense du territoire. Lors des manœuvres de forteresse à l’automne 1912, Génie souligne le manque de munitions tout comme la faiblesse des troupes de forteresse qui devraient sans doute, en cas de mobilisation, être renforcées par des prélèvements sur l’armée de campagne12. A l’occasion de ces manœuvres, les Français s’inquiètent aussi de la tactique adoptée qui permet de supposer que les Belges laisseraient le passage libre aux Allemands13. Génie remarque pourtant qu’un effort a été fait depuis la crise de 1911 où l’on a trouvé les places de la Meuse « sans approvisionnements, sans munitions, sans matériels, sans défenseurs »14. Il estime, fin 1912, que « Liège et Namur sont en état de remplir leur mission »15 mais que l’organisation de ces places a besoin d’être perfectionnée pour tenir compte des progrès qui ont été faits dans l’attaque des places fortes. Génie se réjouit des mesures prises pour mettre Liège « à l’abri d’un coup de main », des commandes de matériel passées par le gouverneur général, du renforcement de la garnison16 mais il pense que la place manque toujours de défenseurs en attendant le vote d’une nouvelle loi militaire17. Quant à Anvers, qui est en pleine transformation, les travaux qui devaient être terminés ont pris du retard. Certes, « le laisser aller qui a précédé l’année 1911 a cessé mais Anvers n’est pas encore en état de soutenir un siège »18. Pourtant, Génie estime que si l’intensité actuelle des préparatifs se poursuit en 1913, « Anvers pourra soutenir un siège à partir de 1914, à condition d’avoir les 100 000 hommes nécessaires »19.

  • 20 Bruxelles à M. Guerre, 3 novembre 1912, Vincennes 7 N 1158.
  • 21 Ibid.

7Le manque d’effectifs revient donc comme un leitmotiv dans les rapports des attachés militaires mais aussi le manque d’entraînement, notamment dans la garde civique, force de maintien de l’ordre en temps de paix et de défense du territoire en temps de guerre. Selon Génie, cette « institution est actuellement un anachronisme »20, elle ne peut avoir d’efficacité car elle n’a ni instruction, ni cohésion, ni discipline21.

  • 22 Bruxelles à M. Guerre, 6 mars 1913, Vincennes, 7 N 1158.
  • 23 Ibid.
  • 24 Bruxelles à M.A.E.f., 30 novembre 1913, D.D.F., 3e série, t. VIII, document 559.
  • 25 Bruxelles à M. Guerre, 1er mars 1912, Vincennes, 7 N 1157.
  • 26 Bruxelles à M. Guerre, 15 septembre 1911, Vincennes, 7 N 1157.

8Les Français sont sévères aussi à l’égard des officiers de l’armée belge. Recrutés dans une « nation d’affaires » qui n’a de goût que pour l’industrie, le commerce, la banque, ils seraient dépourvus des qualités nécessaires aux chefs militaires22. Mais les jugements des attachés militaires sont un peu atténués parce qu’ils considèrent que la majorité des officiers sont hostiles au gouvernement catholique et nettement francophiles23. Les germanophiles notoires seraient l’exception, tels les régiments de guides ou quelques personnalités, par exemple le général de Witte, dont la nomination à la tête d’une division de cavalerie en 1913 indigne les Français au dernier degré24 ou le général Hellebaut, ministre de la Guerre depuis 1907, dont la démission en févier 1912 est accueillie comme « un accident plutôt heureux pour la France »25. Le général Jungbluth, considéré d’abord comme germanophile, est présenté par Duruy en 1911 comme un adversaire déterminé de Hellebaut, un libéral avancé et un anglophile dont la grande influence en particulier auprès du Roi paraît rassurante pour les Français26.

  • 27 Bruxelles à M. Guerre, 16 mars 1912, Vincennes, 7 N 1157.
  • 28 Ibid.
  • 29 Bruxelles à M. Guerre, 8 juillet 1912, Vincennes, 7 N 1158 (il fait référence à la lutte qui oppose (...)
  • 30 Bruxelles à M. Guerre, 9 juillet 1912, Vincennes, 7 N 1158.

9Tout en les considérant comme insuffisantes, l’attaché militaire français se félicite des premières réformes réalisées en 1912, après le départ du général Hellebaut. Lorsqu’en mars sont connus les arrêtés qui modifient la direction de l’armée (création du Conseil supérieur de la guerre, réorganisation du ministère de la Guerre et de l’Etat-major) Génie écrit : « notre point de vue à nous étant que la puissance militaire belge doit être aussi perfectionnée que possible... nous ne pouvons qu’applaudir à une réorganisation qui peut donner des résultats »27. Mais il énumère aussitôt les autres réformes indispensables qui restent à faire : développement de l’armée de campagne, création d’un corps d’officiers de réserve, amélioration du recrutement du haut-commandement, transformation de l’enseignement militaire...28. De plus, les changements à la tête de l’armée n’allant pas sans rivalité de personnes ni affrontement entre clans, Génie juge cette « situation déplorable »29. Quelques mois plus tard, à l’occasion de l’adoption d’un nouveau règlement, il revient encore sur les problèmes d’autorité dans l’armée et les faiblesses du commandement. Selon lui, c’est « l’enchevêtrement des responsabilités qui permit à la Belgique de tomber dans le triste état où l’a trouvé l’alerte de l’an dernier »30.

10Au total, les Français paraissent d’autant moins indulgents pour l’armée belge qu’ils sont inquiets et se demandent si la France pourrait compter sur elle pour stopper ou freiner une offensive allemande.

Sévérité et indifférence des Allemands

11Mais les Allemands se montrent tout aussi sévères dans les quelques jugements lapidaires qu’ils portent sur l’armée belge.

  • 31 Bruxelles (attaché militaire) à Berlin, 14 avril 1911, Bonn, Belgien 60, t. 6.
  • 32 Bruxelles (attaché militaire) à Berlin, 8 janvier 1912, Bonn, Belgien 60, t. 6. La difficulté de la (...)

12Au printemps 1911, l’attaché militaire à Bruxelles, Renner, a pu prendre connaissance d’une étude du général Witte (donc antérieure à sa brochure signée O. Dax) qui lui est prêtée par le responsable de la première direction (direction des opérations) au ministère de la Guerre à Bruxelles. Dans ce travail intitulé « Etat-major, cavalerie et grandes manœuvres », le général de Witte expose ses conceptions tactiques sur l’utilisation de la cavalerie qui semblent être approuvées par le directeur du ministère qui avait porté des notes marginales sur l’exemplaire prêté. Renner considère que les remarques des deux officiers montrent que les Belges n’ont pas la moindre idée du caractère terrible de la guerre moderne et il ajoute que plus vite on les éclairera sur cette question moins on aura à compter avec l’armée belge31. Quelques autres observations de Renner donnent à penser qu’il ne croit pas beaucoup à l’efficacité de l’armée belge. Dans un rapport où il rappelle que les Belges ont l’intention de faire respecter leur neutralité et de marcher contre l’armée qui, la première, violerait leur territoire, il déclare qu’à son avis le danger d’une opération à travers la Belgique réside moins dans la résistance de l’armée belge que dans la difficulté que présente la région du Sud de la Meuse pour l’avancée de troupes en grand nombre32.

  • 33 Cf. chap. 19, pp. 450-451.

13A Berlin, l’Etat-major ne semble pas non plus très préoccupé par les capacités de résistance de l’armée belge. Lorsqu’on discute des inconvénients du plan Schlieffen, on semble tout au plus s’inquiéter de l’entrée en guerre de l’Angleterre et du débarquement d’un corps expéditionnaire britannique33.

  • 34 Frankfurter Zeitung, 19 octobre 1912.
  • 35 Rome à M.A.E.b., 16 septembre 1912, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 11 (les propos de l’Empereur auraien (...)
  • 36 Ibid.
  • 37 Berne à M.A.E.b., 5 octobre 1912, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 11.
  • 38 Ibid.

14Une déclaration de l’Empereur lors des manœuvres suisses de l’automne 1912 semble aller dans le même sens. D’après la presse34 – et aussi d’après une confidence parvenue aux oreilles du ministre de Belgique à Rome35 – Guillaume II aurait félicité le conseiller fédéral pour la valeur de l’armée suisse capable de garantir par ses propres moyens la neutralité du pays. Il aurait établi une comparaison avec les Belges qui comptent trop sur les conventions, ne cherchent pas à organiser une défense effective de leur territoire et créent ainsi « un danger pour leurs voisins que ceux-ci doivent pressentir et si possible conjurer sans toutefois susciter d’inutiles alarmes »36. L’Empereur, qui pense sans doute alors aux moyens de prémunir son pays contre une éventuelle offensive française, aurait affirmé « je voudrais être garanti sur mon flanc droit comme je le suis sur mon flanc gauche »37. A la légation de Berne, où l’on ne peut évidemment pas garantir l’exactitude du propos, on estime cependant que « tenu ou non, il traduit exactement l’impression généralement répandue en Suisse et en Allemagne, que l’armée belge n’est pas à la hauteur de sa tâche » avant de conclure « le dogme de la médiocrité de nos moyens s’accrédite tous les jours davantage à l’étranger »38.

15Ces jugements, peu élogieux, ne peuvent que contribuer à la mise en route, par les autorités belges, d’une réforme militaire de grande ampleur.

Les objectifs du gouvernement belge

  • 39 Projet d’exposé des motifs préparé par E. de Gaiffier, octobre 1912, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 11.

16Si la réforme est souhaitée à l’extérieur, de divers côtés, elle n’est mise en route que parce qu’elle répond à des intérêts majeurs de la Belgique. Le gouvernement veut doter le pays d’une force armée capable de garantir la neutralité et l’indépendance du Royaume et de lui assurer « dans le monde la place qui revient à un peuple actif, loyal et laborieux »39.

Avoir une « place au soleil »

  • 40 Berlin à M.A.E.b., 14 mai 1912, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 10.
  • 41 Ibid.
  • 42 Ibid.

17Les considérations de prestige alliées aux intérêts économiques peuvent sembler secondaires mais elles ne sont certainement pas absentes. Greindl, qui est depuis longtemps favorable au renforcement de l’armée, écrit en mai 1912 : « on nous traite maintenant en quantité négligeable et on ne nous donnera la place qui nous revient »40 que si le renforcement de l’armée rend la Belgique assez forte pour qu’il ne soit pas indifférent de l’avoir comme allié ou comme adversaire. Il estime que l’existence d’une armée solide n’est pas seulement nécessaire à la défense du territoire. Elle est aussi indispensable « pour nous donner dans l’expansion mondiale la part, qui pour la Belgique avec sa population surabondante, est le plus impérieux des besoins »41. A l’appui de sa thèse, Greindl explique, dans la même dépêche, que la Belgique est écartée du consortium des chemins de fer chinois parce qu’elle est faible et bien qu’elle dispose de capitaux à investir, alors que la Russie et le Japon viennent d’y être admis, avec la bénédiction de l’Allemagne, pour des raisons politiques42.

  • 43 Note du 6 août 1912, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 11 (il évoque lui aussi les déceptions en Chine).
  • 44 Ibid.
  • 45 Projet d’exposé des motifs, préparé par E. de Gaiffier, octobre 1912, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 11

18Greindl ne parle pas du Congo mais on peut se demander si, après l’affaire de l’article XVI, une armée solide ne lui paraît pas aussi un atout du point de vue colonial. C’est ce que semble penser E. de Gaiffier qui lie étroitement les trois problèmes de l’armée, de l’expansion économique générale et du Congo lorsqu’il écrit : « la diminution de notre prestige politique a eu les conséquences les plus fâcheuses sur notre expansion économique. La Belgique ne peut faire reconnaître par l’Angleterre l’annexion du Congo... »43. Il constate que la diplomatie belge essaie de tenir tête mais elle doit s’incliner face aux grandes puissances qui la tienne pour quantité négligeable et il conclut qu’en renforçant son armée, la Belgique rehausserait son prestige politique, écarterait le danger d’ingérence et s’assurerait de grands avantages économiques44. Cet argument est repris lors de l’élaboration de l’exposé des motifs de la loi militaire qui s’inscrit en faux contre l’idée que les dépenses pour l’armée seraient improductives et déclare : « d’une armée solidement constituée nous retirons des bénéfices au point de vue de l’expansion de notre commerce, du développement de notre industrie, de notre marine marchande, de notre expansion en général, indispensable à un pays où la population surabonde »45.

Garantir la neutralité

  • 46 Texte de la déclaration ministérielle du 12 novembre dans Compte rendu analytique (Sénat).
  • 47 Ibid. et exposé des motifs du projet de loi qui fait allusion aux écrits de Langlois, Boucher, Maît (...)

19Mais c’est évidemment le problème de la sécurité de la Belgique qui est au cœur du débat. Dans la déclaration faite devant la Chambre, le 12 novembre 1912, de Broqueville explique la nécessité d’un effort militaire, dans le contexte de la course générale aux armements, par la nécessité pour la Belgique de remplir les devoirs que lui impose sa neutralité46. Toute la littérature militaire des mois précédents, en France, en Allemagne, en Angleterre et même en Belgique diffuse en effet une double thèse : la certitude de la violation de la neutralité belge par l’armée allemande ou (et) par l’armée française en cas de guerre et la conviction de l’incapacité des Belges à résister à l’invasion47.

20De ces idées, continuellement ressassées, la Belgique tire la conclusion qui s’impose : puisque tout le monde semble reconnaître, au moins implicitement, que les traités internationaux peuvent être foulés aux pieds et que la garantie des Puissances ne suffit plus à assurer la neutralité, la Belgique doit garantir elle-même sa neutralité si elle veut éviter de devenir le champ de bataille de l’avenir.

  • 48 Ibid.

21Cette position, qui paraît logique, présente pourtant une difficulté : affirmer que la Belgique assume elle-même la défense de sa neutralité, n’est-ce pas reconnaître qu’on a perdu confiance dans les garants ? E. de Gaiffier écrit, dès le mois d’août 1912, qu’il est impossible de dire devant l’opinion publique et parlementaire qu’on ne peut plus compter sur les garants pour faire respecter la neutralité. Les déclarations officielles n’échappent donc pas à une certaine contradiction, en affirmant simultanément la nécessité d’un effort militaire et la confiance absolue dans les Puissances. C’est ainsi que Gaiffier propose d’écrire dans l’exposé des motifs que « rien dans l’attitude des Puissances garantes ne nous permet de prévoir qu’elles ne tiendront pas leurs engagements à notre égard, au contraire, nous avons pleine confiance dans la loyauté de ces puissances qui ont signé les traités de 1831 et 1839 » et de Broqueville déclare devant les Chambres que la confiance dans les Puissances garantes est toujours la même et que leurs sympathies pour la Belgique sont certaines48.

  • 49 Texte de la déclaration, Compte rendu analytique (Sénat).
  • 50 L’Angleterre avait signé un traité avec chacun des belligérants lui promettant, le cas échéant, une (...)

22Dans cette déclaration du 12 novembre 1912, le chef du gouvernement introduit une remarque qui semble prendre une précaution à l’encontre d’un garant-belligérant. Après avoir rappelé que les Puissances ont formé des alliances et des ententes et qu’elles pourraient toutes devenir belligérantes en cas de guerre, il ajoute que ceci pourrait « enlever à la prestation de la garantie, la valeur que la neutralité du garant peut seul assurer complètement »49. Cette phrase traduit peut être une certaine nostalgie de la situation vécue en 1870 où l’Angleterre, non engagée dans le conflit, avait pu se faire le garant par excellence de la neutralité50 mais révèle surtout les appréhensions des Belges d’être entraînés par un garant-belligérant dans une politique contraire à leurs intérêts.

  • 51 L’Indépendance belge, 4 novembre, Le Temps, 21 novembre 1911.
  • 52 Le xxe siècle, 7 novembre 1912.

23Ce propos doit être rapproché d’une polémique qui se développe alors dans la presse. Roland de Marès écrit dans des articles du Temps et de L’Indépendance belge51 que le fait d’être belligérant n’enlèverait rien à la valeur de la garantie anglaise ; il en profite pour dénoncer la rumeur selon laquelle l’Angleterre pourrait intervenir préalablement à la violation de la neutralité par une autre puissance et estime, qu’une fois la neutralité violée, les garants ont le droit et le devoir d’intervenir en Belgique, aux côtés de l’armée belge, contre l’envahisseur. Selon Marès, cette conception traditionnelle de la garantie ne peut être abandonnée que si la Belgique reprend sa liberté d’action ce qui n’est plausible qu’avec une armée suffisamment forte, c’est-à-dire quant le service personnel aura produit tous ses effets pour toutes les classes de l’armée sur pied de guerre. Il s’attire une réplique du xxe siècle qui considère que l’Angleterre n’a plus comme en 1870 un intérêt majeur à assurer la neutralité belge car dans une guerre elle serait « obligée de songer à elle avant de songer à nous, c’est-à-dire entraînée autant que son alliée et autant que son ennemie, à considérer la Belgique comme un pion du redoutable échiquier »52.

Sauvegarder l’indépendance

  • 53 Circulaire du 18 novembre 1912, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 11.
  • 54 Ibid.
  • 55 Cf. supra, chap. 18, pp. 431-432.

24Une circulaire adressée par le ministère des Affaires étrangères aux légations des capitales européennes précise le sens de la déclaration du 12 novembre. On estime que la Belgique garde la possibilité de faire appel à un garant-belligérant, mais qu’elle devrait être suffisamment forte pour ne pas devenir « un allié pur et simple du garant qui l’assiste »53. La Belgique devrait pouvoir signer une convention spéciale avec le garant, afin de fixer les objectifs du secours accordé et de limiter sa participation aux buts qu’elle aurait elle-même fixés54. On voit donc se préciser en 1912, au moment de la mise en route de la réforme militaire, la volonté belge de conserver une certaine liberté d’action en cas de guerre qui s’était déjà manifestée pendant la crise de 191155.

  • 56 Note de Davignon sur un entretien avec Fontarce, conseiller de la légation de France à Bruxelles, 2 (...)
  • 57 Ibid.

25Côté français, les autorités sont sensibles à ce changement « dans la façon dont la Belgique envisage le rôle des garants de sa neutralité » et font discrètement sonder Bruxelles sur la portée exacte de cette évolution56. Mais Davignon s’efforce de tranquilliser Paris tout en réaffirmant le droit des Belges à signer une convention avec les garants : il s’empresse de dire « que rien n’était changé dans la conception de notre neutralité et de ses devoirs », que la Belgique défendrait l’intégrité de son territoire contre tout envahisseur, qu’il lui appartenait de réclamer la protection d’un garant avec qui elle aurait à signer une entente précise en tenant compte des circonstances57.

  • 58 Bruxelles à M. Guerre, 22 décembre 1912, Vincennes, 7N 1158.

26Il apparaît donc bien que se doter d’une armée plus forte pour protéger la neutralité c’est aussi se donner une plus grande marge d’indépendance. Une carte postale diffusée dans le pays pour la propagande en faveur de la loi militaire semble révélatrice de ce point de vue. Editée par l’Union des sociétés pour la Défense nationale, elle représente le coq gaulois affrontant l’aigle allemand et porte en légende en grandes lettres « Belges êtes-vous prêts ? » et en plus petit : « Tous les Belges se doivent à la défense de la Patrie. Ne comptons que sur nous-mêmes pour nous défendre et faisons les sacrifices nécessaires pour assurer notre existence comme peuple libre et indépendant »58. C’est donc bien à l’aspiration à la sécurité dans l’indépendance qu’on fait appel pour tenter de populariser la réforme militaire. On peut remarquer que le mot neutralité n’apparaît pas dans ce texte de propagande, même s’il paraît évident que l’indépendance sera plus facilement sauvegardée si la neutralité est respectée.

Créer une force de dissuasion

  • 59 Exposé des motifs préparé par Arendt, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 11.
  • 60 Exposé des motifs préparé par Gaiffier, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 11.
  • 61 Ibid.
  • 62 Ibid.

27Le type d’armée que les Belges souhaitent créer correspond bien aux objectifs indiqués. On veut innover par rapport à la loi de 1909 critiquée comme insuffisante à l’intérieur comme à l’étranger59 et mettre « la loi militaire en harmonie avec les intérêts politiques du pays »60. Cette armée doit avoir pour objet « de prévenir la guerre, de conserver au peuple les bienfaits de la paix en échange des frais et des efforts qu’entraîne l’entretien des forces militaires efficaces »61. C’est donc une sorte de force de dissuasion qu’il faut mettre sur pied afin de détourner les belligérants de l’idée que le passage par la Belgique est une nécessité inéluctable : « il faut que l’on sache que nous serons assez forts pour que celui de nos voisins qui violera la neutralité se placera dans une situation d’infériorité marquée vis-à-vis de l’autre »62.

  • 63 Bruxelles à M. Guerre, 25 janvier 1912, Vincennes, 7N 1157.
  • 64 Ibid.
  • 65 Bruxelles à M. Guerre, 17 février 1913, Vincennes, 7N 1158 et L. Lichtervelde,Avant l’Orage, p. 74

28De cette ambition découlent les chiffres, du moins les ordres de grandeur : il faut que l’armée belge représente une force un peu supérieure à la différence qui existe entre les armées allemande et française. Jungbluth expose ce principe à Duruy dès janvier 1912 : « le rôle de la Belgique doit être de constituer une force un peu supérieure à (la) différence » entre les 23 corps d’armée que possède l’Allemagne et les 20 de la France, car si cette force existait, « l’Allemagne hésiterait beaucoup avant d’attaquer la France, aux côtés de qui pourrait se ranger la Belgique » en faisant pencher légèrement la balance des forces de son côté63. Inversement, l’Allemagne soutenue par l’armée belge aurait une supériorité si écrasante que la lutte serait impossible pour la France64. Une armée de cette importance jouerait donc son rôle de force de dissuasion dans tous les cas de figure, car il serait à la fois dangereux de l’avoir contre soi et avantageux de la trouver dans son camp. Cette argumentation séduisante ne manque pas d’être reprise également par de Broqueville. Dans la séance secrète du 14 février 1913, il explique que, depuis la loi de juin 1912, l’armée allemande peut mettre en ligne 300 000 hommes de plus que l’armée française. La Belgique devrait donc avoir des forces un peu supérieures pour faire la différence65.

  • 66 Des chiffres souvent rappelés, établis par le général Ducame, montrent que l’armée belge représente (...)
  • 67 Projet de l’exposé des motifs, E. de Gaiffier, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 11.
  • 68 Ibid.
  • 69 Berlin à M.A.E.b., 14 mai 1912, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 10.
  • 70 Exposé des motifs, E. de Gaiffïer, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 11.
  • 71 Note M.A.E.b., 18 novembre 1912, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 11.

29Mais d’autres considérations peuvent jouer pour déterminer la puissance numérique de l’armée. Les partisans de la réforme soulignent à quel point les forces belges sont disproportionnées par rapport aux armées des autres Etats européens et par rapport aux ressources du pays. S’il n’est pas question de concurrencer les grandes puissances66, il peut paraître normal de faire un effort comparable à celui des autres pays de moyenne importance. Or, la Roumanie, avec une population pratiquement équivalente à celle de la Belgique, a une armée bien équipée de 280,000 hommes, la Bulgarie, pays agricole de quatre millions d’habitants seulement peut aligner 300 000 hommes et la Serbie, encore moins peuplée, 200 00067. En calculant les dépenses militaires par habitant, la Belgique riche et développée se place bonne dernière avec 7,5 francs, après la France (30 francs) l’Allemagne (18 francs) la Suisse (11,5 francs)...68. Il faut donc remonter la pente, mettre en œuvre « les ressources en hommes et en argent dont nous disposons »69 en sachant que « plus notre puissance militaire sera considérable plus il deviendra improbable que nous ayons à l’employer »70. Force de dissuasion capable de faire pencher la balance du côté où elle s’engagerait, cette armée serait pour l’Europe un facteur de sécurité, diminuant les risques de guerre71. Ce serait aussi une armée digne de la Belgique et susceptible de lui assurer sur la scène internationale un poids mieux proportionné à son expansion économique.

30Comment cette nouvelle armée belge peut-elle être acceptée par ses voisins ?

Français et Allemands face à la réforme

Les soupçons d’ingérence étrangère

  • 72 Bruxelles à A.A., 19 octobre 1912, Bonn, Belgien 60, t. 7.
  • 73 Journal de Bruxelles, 26 octobre 1912.
  • 74 Ibid.
  • 75 Bruxelles à A.A., 13 novembre 1912, Bonn, Belgien 60, t. 7.
  • 76 Bruxelles à A.A., 19 octobre 1912, Bonn, Belgien 60, t. 7.
  • 77 15 novembre 1912.
  • 78 Le 11 décembre 1912.
  • 79 Les 13 et 20 janvier 1913.

31Avant même que le contenu précis du projet de loi ne soit connu, la presse allemande fait circuler l’idée que cette réforme serait adoptée à la demande de puissances étrangères72. La Kölnische Zeitung du 20 octobre 1912 parle de pression britannique sur le gouvernement belge. Selon cet organe, l’Angleterre aurait promis de reconnaître l’annexion du Congo si la Belgique acceptait d’augmenter les effectifs de son armée. Repris par une partie de la presse belge, « ces racontars »73 sont rapidement démentis par le gouvernement dans un rectificatif publié par le Journal de Bruxelles qui déclare que « la Belgique agit en ces matières dans sa pleine indépendance ; elle ne demande ni n’accepte les conseils d’aucune puissance »74. De plus, Van der Elst intervient auprès de Flotow pour faire une mise au point en garantissant que ces bruits sont absolument faux, qu’il n’y a eu aucune pression de la part des Anglais et que seules la situation internationale et la prise de conscience de l’insuffisance de la protection militaire sont à l’origine de la réforme75. Flotow semble convaincu de la sincérité de ces démentis76 mais la campagne ne s’arrête pas pour autant. Elle est relancée après le discours du chef du gouvernement le 12 novembre. La Kölnische Zeitung parle à nouveau de la pression d’une ou de deux puissances étrangères qui expliquerait que la Belgique accepte de s’imposer de plus lourdes charges militaires77. Le même journal revient encore sur ses insinuations le 6 décembre et suggère cette fois des pressions françaises. Le même jour, la Frankfurter Zeitung et la Kölnische Volkszeitung rappellent les mêmes rumeurs. Cette dernière se réfère à des articles de la presse parisienne qui ne laisseraient pas de doute sur le rôle de Paris. Elle cite notamment des prises de position du général Langlois accusé de vouloir faire de l’armée belge un auxiliaire de l’adversaire de l’Allemagne. Dans les jours suivants, d’autres organes comme la Deutsche Tageszeitung 78 ou la Vossische Zeitung 79 emboîtent le pas.

  • 80 Procédure tout à fait exceptionnelle qui a surpris mais qui n’était sans doute qu’un « truc » pour (...)
  • 81 L’information est lancée par un journal belge La Gazette, 15 février 1913.
  • 82 Note pour le ministre, M.A.E.b., 15 février 1913, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 12.
  • 83 Lichtervelde, op. cit., p. 74.
  • 84 A la même date, le New York Herald affirme que le ministre a lu deux notes anglaises enjoignant à l (...)

32La campagne de presse est encore une fois relancée par la séance secrète à la Chambre du 14 février 191380, au cours de laquelle de Broqueville aurait indiqué le nom des puissances qui ont fait pression sur la Belgique81. En fait, le chef du gouvernement n’a cité nommément aucun Etat82 ; il ne fait d’ailleurs aucune révélation83. Néanmoins la Kreuzzeitung du 25 février affirme que le nouveau projet militaire belge a été présenté au Parlement sur les instances de la France et que la séance secrète n’avait d’autre objet que de permettre au ministre de donner lecture aux Représentants de deux notes diplomatiques du gouvernement de Paris relatives à la défense du territoire84.

  • 85 Note pour le ministre, 10 décembre 1912, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 11.
  • 86 Ibid. Même en février 1913, après l’article de la Kreuzzeitung on estime inutile de faire un nouvea (...)
  • 87 Bruxelles à A.A., 29 décembre 1912, Bonn, Belgien 60, t. 7.
  • 88 Bruxelles à A.A., 21 février 1913, Bonn, Belgien 60, t. 7.
  • 89 Bruxelles à A.A., 13 novembre et 29 décembre 1912, Bonn, Belgien 60, t. 7.

33A Bruxelles, on aimerait éviter que cette « légende » puisse s’accréditer car elle aurait « des effets funestes pour nos relations avec l’Allemagne que nous devons soigner tout particulièrement »85. Après avoir publié un nouveau communiqué, le 10 décembre, on hésite pourtant à insérer un troisième rectificatif dans le Journal de Bruxelles qui serait sans doute tout aussi inopérant86. Mais les autorités belges multiplient les interventions auprès de la légation d’Allemagne pour démentir ces bruits. Greindl garantit à son tour que la réforme n’est pas inspirée par l’Angleterre87. Van der Elst revient à la charge et le Roi Albert lui-même dit à Flotow qu’il n’y a pas eu d’influence étrangère88. Simultanément, le ministre d’Angleterre à Bruxelles abonde à plusieurs reprises dans le même sens89.

Les protestations contre le rapport du Bus de Warnaffe

  • 90 La thèse défendue dans ce rapport ne s’éloigne pas des motivations officielles de la réforme, c’est (...)
  • 91 Articles du 28 janvier 1913.
  • 92 Soupçon peut-être justifié. Le major Collon, alors chef du cabinet militaire de Broqueville, dit qu (...)

34Alors que les autorités belges s’efforcent de convaincre les Allemands que la réforme militaire n’est pas inspirée par les Puissances de l’Entente et qu’elle n’est pas orientée contre le Reich, le rapport du Bus de Warnaffe vient raviver des susceptibilités. Ce rapport, établi au nom de la section centrale de la Chambre des Représentants pour justifier l’adoption de la loi militaire90, comporte, en annexes, un certain nombre de documents tirés principalement de la presse française et cherchant à démontrer les risques de violation du territoire belge en cas de guerre. La presse d’outre-Rhin (Frankfurter Zeitung et Kölnische Zeitung) se plaint très vivement du caractère anti-allemand de ce dossier91. Elle reproche au rapporteur d’adopter le point de vue des écrivains et techniciens militaires étrangers (français) et d’envisager exclusivement le cas de violation par l’Allemagne. Elle considère qu’il s’agit d’une véritable intrigue pour dresser l’opinion publique belge contre le Reich et feint de croire que le gouvernement a sa part de responsabilité dans cette affaire92.

  • 93 31 janvier 1913.
  • 94 30 janvier 1913.
  • 95 5 février 1913.

35A Bruxelles, la presse catholique réagit vivement ; le xxe siècle répond que les correspondants de ces gazettes anticléricales ne connaissent pas la langue française sinon elles n’auraient pas présenté M. du Bus comme un ennemi de l’Allemagne93 et le Journal de Bruxelles94 fait paraître un communiqué reconnaissant le caractère un peu maladroit du rapport mais dégageant l’entière responsabilité du gouvernement. Quelques jours plus tard, la Frankfurter Zeitung dénonce la duplicité du gouvernement catholique qui ne cesse de donner au gouvernement du Reich l’assurance de ses bons sentiments mais dont les amis sont en fait convaincus de la « méchanceté » des Allemands95.

  • 96 M.A.E.b. à Berlin, 30 janvier 1913, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 12.
  • 97 Ibid.
  • 98 Bruxelles à A.A., 25 janvier 1913, Bonn, Belgien 60, t. 7.
  • 99 Bruxelles à A.A., 28 janvier 1913, Bonn, Belgien 60, t. 7.

36Les autorités belges, qui paraissent surprises du ton acerbe de ces articles96 s’efforcent, une fois de plus, de réparer les dégâts auprès des représentants du Reich à Bruxelles. On explique à l’attaché militaire, Renner, que l’opinion d’un parlementaire ne peut pas engager le gouvernement tout en essayant de trouver des circonstances atténuantes pour le rapporteur qui a certainement travaillé sur la presse française mieux diffusée en Belgique pour de simples questions linguistiques que la presse allemande97. Van der Elst intervient aussi auprès de Flotow à deux reprises. Alors que le ministre d’Allemagne estime que du Bus exagère beaucoup le danger allemand et évoque à peine les préparatifs à la frontière française, le secrétaire général fait valoir que les Belges ont le sentiment que l’Allemagne est plus puissante que la France, ce qu’il ne faut certainement pas déplorer mais qui les incite à être moins sensibles au danger français98. Il reconnaît pourtant que ce rapport est inconvenant et fait savoir à Flotow qu’il a demandé à Davignon de rendre le président du Conseil attentif à la question, afin qu’il puisse, si l’occasion se présente au cours du débat, corriger l’impression laissée par le rapport99.

  • 100 M.A.E.b. à Berlin, 30 janvier 1913, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 12.

37C’est donc avec une vigilance constante que les responsables du ministère des Affaires étrangères s’appliquent à neutraliser les incidents et les polémiques qui pourraient faire croire à une connotation anti-allemande de la réforme militaire. Ils ont bon espoir d’y parvenir car « le soin que nous avons apporté à entretenir avec l’Allemagne les rapports les plus cordiaux devrait nous mettre à l’abri du soupçon »100.

Réserve ou approbation, côté allemand ?

  • 101 Kölnische Zeitung, 20 octobre, Frankfurter Zeitung, 15 novembre 1912.
  • 102 20 octobre 1912.
  • 103 13 novembre 1912.
  • 104 17 décembre 1912.
  • 105 6 décembre 1912.
  • 106 9 décembre 1912.

38Sur le fond de la réforme, les Allemands paraissent moins hostiles. Dès le 19 octobre 1912, la Frankfurter Zeitung publie un article pour inciter les Belges à adopter une nouvelle loi militaire. Elle fait en effet remarquer qu’aucune grande puissance n’est obligée de protéger la neutralité belge si elle est menacée et que la Belgique devrait prendre elle-même les mesures nécessaires pour garantir sa neutralité et conserver son indépendance. Plusieurs organes affirment que le Reich ne peut que se réjouir de ce projet car il est attaché depuis toujours à l’existence d’une Belgique forte et indépendante101. La Kölnische Zeitung déclare que l’on peut envisager avec calme l’augmentation du contingent de l’armée belge102. Cependant la Kölnische Volkszeitung, sans se montrer hostile au projet, estime qu’il n’y a pas de changement dans la situation internationale qui puisse justifier l’introduction du service militaire personnel qui n’était pas considéré comme nécessaire il y a quelques mois103. Elle considère que cette loi ne parviendra pas à empêcher toute violation de la neutralité et qu’Anvers sera toujours exposé à une invasion anglaise104. Aussi, seules l’Angleterre et la France ont intérêt, selon elle, au renforcement de l’armée belge105. Mais cet avis est combattu par le Berliner Tageblatt pour qui l’Allemagne est aussi intéressée dans la réforme que la France qui pourrait tout aussi bien que le Reich chercher à utiliser le territoire belge106.

  • 107 Enquête publiée par l’Etoile belge, 14 décembre 1912.

39Une enquête faite très vite auprès de quelques officiers à Berlin montre les milieux militaires du Reich plutôt bien disposés à l’égard du projet de Broqueville107. Là aussi apparaît la préoccupation au sujet d’Anvers et des moyens d’empêcher les Anglais de remonter l’Escaut en cas de guerre. Surtout, les militaires attendent, pour juger vraiment, la mise en œuvre du projet.

  • 108 Les deux souverains se rencontrent à l’occasion des obsèques du régent de Bavière.
  • 109 Note du 22 décembre 1912, Bonn, Belgien 60, t. 7.
  • 110 C.R. de conversations avec le Roi, décembre 1912, A.G.R., Papiers Van der Elst, dossier n° 3.
  • 111 C.R. de la conversation du 12 janvier 1913, A.G.R., Papiers Van der Elst, dossier n° 3.

40Côté officiel, les réactions allemandes semblent très discrètes. L’Etat-major, qui pense à une guerre proche, estime probablement qu’elle aura lieu bien avant que la loi belge ne porte son plein effet. Cependant, l’Empereur donne son approbation au cours des deux entretiens avec Albert Ier, à Munich, en décembre 1912108. Le Roi profite de cette rencontre pour lui exposer les raisons de la réforme militaire et pour rappeler la volonté du gouvernement belge de faire respecter la neutralité. Guillaume II aurait répondu – à en croire le compte rendu qu’il fait à Moltke et Bethmann-Hollweg – que son seul désir était de voir, en cas de guerre, son aile droite solidement protégée109. Il semble qu’on puisse faire confiance à ce témoignage, corroboré par le compte rendu fait par Albert Ier à Van der Elst qui a noté, qu’à son retour de Munich, le Roi semblait enchanté ; l’Empereur lui aurait dit que l’accroissement des effectifs de l’armée était une nécessité pour la Belgique et qu’il était très heureux des décisions prises à Bruxelles du moment que ces mesures ne visaient pas uniquement l’Allemagne110. Mais un dernier témoignage vient peut-être limiter la portée de cet accord. Le 12 janvier 1913, Van der Elst voit Flotow de retour de Berlin où il avait eu une longue conversation avec Guillaume II, au cours de laquelle les entretiens de Munich ont été évoqués. Et Flotow introduit comme une restriction en disant qu’il faut toujours compter que l’Empereur est un peu excessif dans ses discours111, ce qui apparaît comme un désaveu de l’approbation donnée par Guillaume II à la loi militaire belge.

  • 112 25 mars 1914.

41Au total, même si quelques avis semblent favorables, les protestations contre les ingérences étrangères ou le rapport du Bus montrent bien que les Allemands ont le sentiment que cette loi est dirigée contre eux. Comme l’écrit la Deutsche Tageszeitung, l’Etat-major allemand ne peut que l’envisager « avec chagrin » alors que la France l’accueille « avec joie »112.

Satisfaction et impatience, côté français

42La décision d’augmenter les effectifs provoque en effet, en France, une satisfaction générale mais les jugements sur la valeur de l’armée belge restent mitigés.

  • 113 Bruxelles à M. Guerre, 14 octobre 1912, Vincennes, 7N 1158.
  • 114 Paris à M.A.E.b., 13 novembre 1912, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 11.
  • 115 Bruxelles à M. Guerre, 22 février 1913, Vincennes, 7N 1158.

43Lorsque le Soir annonce la réforme, le 9 octobre, l’attaché militaire écrit tout de suite qu’il faut se réjouir de ce projet qui va élargir le système de recrutement – même si les modalités précises ne sont pas encore connues113. Le 13 novembre, après l’annonce officielle, Poincaré dit à Guillaume qu’il approuve le principe du renforcement de l’armée belge114. Quand les modalités de la réforme se précisent et que le service personnel généralisé est adopté, on estime que « cette organisation constitue dans l’armée belge un incontestable progrès »115.

  • 116 « Remarques sur le nouveau projet de loi de milice », Revue de Belgique, avril 1913.
  • 117 Bruxelles à M. Guerre, 11 avril 1913, Vincennes, 7N 1158.

44Certes, la réforme ne semble pas parfaite. Lorsqu’on avril 1913, un officier belge fait paraître un article116 sur la loi en préparation qui souligne l’insuffisance de l’armée active à laquelle on ne pourrait remédier qu’en incorporant tout le contingent (45 000 hommes au lieu de 33 000) ou en allongeant le service militaire, Génie n’est pas loin d’approuver. Il estime que c’est une très bonne étude, sérieuse et courageuse, mais il se montre moins sévère que cet auteur et déclare que « le projet actuel constitue un progrès assez sérieux pour ne pas donner lieu à trop de récriminations »117.

  • 118 20 août 1913, Vincennes, 7N 1158.
  • 119 Landrecies, « La nouvelle loi militaire belge et ses conséquences en cas de guerre franco-allemande (...)
  • 120 Bruxelles à M. Guerre, 11 avril 1913, Vincennes, 7N 1158.

45Une fois la loi votée, Génie retrouve une attitude assez critique vis-à-vis de l’armée belge. Certes, il distribue quelques éloges. Ayant eu l’occasion de visiter Beverloo, il confirme son appréciation sur l’installation « véritablement remarquable »118 de ce camp dont la capacité doit être doublée et l’organisation imitée dans un deuxième camp d’instruction dont la création est prévue. Prenant le contre-pied d’une étude publiée dans la Revue des questions diplomatiques et coloniales119 il estime que la place de Liège est « matériellement plus au point » que ne le dit l’auteur, que les forts sont suffisamment modernes, bien pourvus de pièces et de munitions ; seuls les effectifs de la garnison – qui devraient être portés à 15 ou 20 000 hommes – font défaut120.

  • 121 Bruxelles à M. Guerre, 15 novembre 1913, Vincennes, 7N 1158.
  • 122 Ibid.
  • 123 Bruxelles à M. Guerre, 1er décembre 1913, Vincennes, 7N 1158.

46L’attaché militaire français a des sentiments partagés face aux grandes manœuvres de 1913. Il souligne qu’elles se déroulent dans un climat tout autre que les précédentes en 1909, que la population est bien disposée à l’égard de l’armée où la bonne volonté est générale mais « l’armée belge n’existe toujours pas »121. Cependant, il pense que les choses vont changer, que les soldats et les officiers « pourront devenir excellents »122. Il confirme cette appréciation en transmettant à Paris un rapport sévère de son collègue britannique sur ces manœuvres. Génie dit qu’il se rallie aux jugements du colonel Bridges sur le commandement et la cavalerie mais que « le corps d’officiers et l’infanterie valent mieux qu’il n’est dit... Quoique présentant de grands défauts, ils constituent le point intéressant de l’armée belge. C’est d’eux que viendra la rénovation »123.

  • 124 Le service est plus long dans l’artillerie de forteresse (21 mois) et dans la cavalerie et l’artill (...)
  • 125 Bruxelles à M. Guerre, 21 mai 1914, Vincennes, 7N 1159. La brochure du colonel de Bray, Notre Défen (...)
  • 126 Bruxelles à M. Guerre, 6 janvier 1914, Vincennes, 7N 1159.
  • 127 Bruxelles à M. Guerre, 22 janvier 1914, Vincennes, 7N 1159.
  • 128 Bruxelles à M. Guerre, 1er mai 1914, Vincennes, 7N 1159.
  • 129 Ibid.
  • 130 Bremer, La défense et la protection du Luxembourg.

47Si Génie se réjouit de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi à la date prévue, le 15 décembre 1913, il sait qu’elle ne peut pas provoquer de miracle dans l’immédiat. La durée de 15 mois de service dans l’infanterie124 lui semble trop courte pour former des soldats de valeur, réserve qui paraît partagée par bien des Belges puisque l’on réfléchit assez vite à la possibilité de porter le service à deux ans125. Surtout la loi n’aura son plein effet qu’en 1926, lorsque treize classes recrutées selon la nouvelle loi auront été formées et il faudra attendre 1918 pour qu’un « premier effet très réel » soit obtenu, quand les plus jeunes classes, qui constituent l’armée de campagne, seront issues de la nouvelle loi126. En attendant, l’armée – en pleine réorganisation – est « en ce moment, frappée d’impuissance, l’ancienne armée ayant été démolie avant que la nouvelle ne soit mise sur pied »127. Début mai 1914, Génie reparle de ces « inconvénients d’une période de transition sans dispositions transitoires »128 et il informe Paris que des officiers belges eux-mêmes reconnaissent que « l’armée belge, en 1914, ne pourrait être mobilisée, ni dans sa nouvelle forme qui manque d’hommes, de cadres, d’états-majors, de matériel ni dans l’ancienne forme qui a été brisée ; il faudrait improviser une organisation du moment »129. D’après le chiffre avancé dans une brochure par le commandant Bremer, l’armée de campagne n’atteindrait même pas 100 000 hommes130.

  • 131 22 décembre 1913.
  • 132 Bruxelles à M. Guerre, 6 janvier 1914, Vincennes, 7N 1159.
  • 133 A l’occasion de son commentaire d’une étude du général Witte ; Bruxelles à Berlin, avril 1911, Bonn (...)
  • 134 Bruxelles à M. Guerre, 6 janvier 1914, Vincennes, 7N 1159 (le major Collon lui aurait dit « nous so (...)
  • 135 Bruxelles à M. Guerre, 16 mars 1914, Vincennes, 7N 1159.

48Selon Génie, beaucoup de Belges se font des illusions sur la valeur réelle de leur organisation militaire et sont inconscients des difficultés réelles de la guerre à venir. Alors que le xxe siècle titre un de ses articles « notre cavalerie, une des premières d’Europe »131, Génie estime que la cavalerie belge a montré aux dernières manœuvres qu’elle ne soupçonne même pas son rôle132 en quoi il rejoint l’opinion exposée par l’attaché militaire allemand, Renner, dès le printemps 1911133. Génie trouve bien d’autres indices d’une « certaine inaptitude à saisir les réalités »134. Il est étonné de lire dans la Belgique militaire sous la plume du commandant Bremer, qu’il serait relativement aisé en cas d’invasion de s’opposer aux colonnes allemandes et il commente : « il y a là l’effet tenace de cette illusion nationale belge qui est un si grand danger pour le pays... En matière militaire, notamment, un Tartarin sommeille d’un œil au fond du cœur de chaque Belge »135.

49Ce jugement n’a certainement pas valeur générale. Sur bien des points, les Belges sont conscients de leurs faiblesses et cherchent à y remédier. On peut retenir, à titre d’exemple, le domaine du renseignement dont la carence est souvent évoquée.

Une nouveauté : le développement du renseignement

50Alors qu’un certain nombre d’allusions laissent entendre que les services d’espionnage restent rudimentaires et difficiles à mettre en œuvre, la Belgique cherche, à partir de 1911, à se doter de nouvelles possibilités d’investigation notamment par le biais des consuls et des attachés militaires.

La nomination d’attachés militaires

  • 136 Lettre adressée à Van der Elst, 15 août 1911 (par Costermans ?), A.G.R., Papiers Van der Elst, doss (...)
  • 137 Ibid.

51Jusqu’en 1913, la Belgique n’a pas d’attaché militaire. Mais, en pleine crise d’Agadir, Greindl explique de manière catégorique qu’ils sont « d’une nécessité absolue » et que le département « a fait une énorme gaffe en écartant jadis le projet d’en créer »136. Il juge, d’après la situation en Allemagne, que les attachés militaires ont seuls les moyens de se renseigner de façon précise sur l’armée car ils vivent avec les officiers et, en Allemagne, ils voient l’Empereur beaucoup plus souvent que les ministres accrédités à Berlin137.

52Au printemps 1913, des attachés militaires belges sont nommés à Berlin, Londres et Paris.

  • 138 Il est présenté à von Jagow, par Beyens, le 10 mai 1913.
  • 139 Sorte de galop avec quelques obstacles.
  • 140 Berlin à M. Guerre, 25 novembre 1913, A.E. Bruxelles, t. 13.
  • 141 Ibid.

53Le chevalier Mélotte, major de cavalerie, qui arrive à Berlin, début mai138, s’adapte visiblement bien et se sent très vite comme un poisson dans l’eau comme le laissent deviner certains de ses rapports. Le 25 novembre 1913, il déclare qu’il « mène a Berlin une vie très mouvementée » car outre qu’il a pris part à toutes les festivités organisées en l’honneur du Roi Albert Ier – en visite à Lunebourg et à Potsdam – il fréquente « assidûment » les chasses de Döberitz et les drags139 qui, en cette saison, se courent journellement aux environs de Berlin. Et d’expliquer qu’il était très important pour son métier d’attaché militaire de participer à ces chasses où tous les officiers sont tenus d’assister et qu’elles lui ont permis d’avoir « une certaine situation mondaine » et de se faire présenter « à quantité d’officiers supérieurs » que sans ces réunions il n’aurait jamais connus. Il le prouve en brossant une galerie de portraits très vivants. De l’Empereur d’abord « Avant tout un excellent homme. Très droit, très loyal... ». Du général Moltke « Ne paie pas de mine et en l’abordant on a une déception. Mais quand il vous parle, il se transforme. On devine un caractère... On ne rencontre guère le général Von Moltke qu’à la cour et aux cérémonies officielles... »140. Et c’est justement lors d’un dîner à la cour, donné en l’honneur d’Albert Ier, où le commandant Mélotte est assis à la gauche du général Moltke qu’il recueille de son voisin des déclarations très proches de celles que Guillaume II fait le même jour au Roi Albert141.

  • 142 Bruxelles à M. Guerre, 28 mars 1913, Vincennes 7N 1158.
  • 143 Ibid.
  • 144 27 mars 1913. Sur le même thème de l’arrivisme, La Chronique, 29 mars 1913.

54La nomination du major Collon à Paris se passe beaucoup moins bien. D’abord, on s’étonne, côté français, de n’avoir été ni consulté, ni informé avant la publication officielle de la nomination142. Puis, on s’indigne du choix d’un officier qu’on considère comme hostile à la France. Chef de cabinet militaire du ministre de la Guerre de Broqueville jusqu’à sa désignation pour le poste de Paris, il écrit aussi dans le xxe siècle et les Français le rendent responsable de la campagne menée par ce journal contre le ministre de France, Klobukowski. On le soupçonne d’avoir des sympathies pour l’Allemagne et Génie conseille de rester réservé à son égard et de ne « lui confier que ce qui pourra être répété à l’attaché militaire allemand »143. Mais Génie reconnaît que c’est un élément brillant, intelligent et travailleur, orgueilleux et admirateur fanatique de Napoléon qu’il a pris pour modèle. Quelques organes de la presse belge le présentent surtout comme un arriviste. Le Petit Bleu écrit que le major Collon a été nommé en dépassant dix-sept de ses camarades, qu’il a obtenu le prix de sa collaboration au xxe siècle et que les services qu’il a rendus au chef du gouvernement viennent de lui être payés144.

  • 145 Paris à M.A.E.b., 27 mars 1913, A.E. Bruxelles, 81 III.
  • 146 Deux notes, sans date. C.R. des entretiens de Fontarce-Gaiffier, A.E. Bruxelles, 81 III.
  • 147 Van der Elst à Davignon, 28 mars 1913, A.G.R., Papiers Van der Elst, dossier 158.
  • 148 Ibid.

55La première réaction de Paris est de chercher à récuser cette nomination. Le directeur des Affaires politiques, Margerie, va voir le baron Guillaume de la part de Pichon pour lui expliquer que, « dans l’intérêt des bons rapports entre les deux pays », un autre choix serait désirable145. Le conseiller de la légation de France, Fontarce, intervient à deux reprises auprès de Gaiffier et propose la permutation de Collon avec Matton qui devait aller à Londres146. A Bruxelles, on se rend très vite compte qu’on frôle l’incident147. Van der Elst estime qu’on ne peut pas imposer Collon si Paris persiste dans son attitude, ne serait-ce que parce que sa situation serait intenable, mais la solution de rechange n’est pas facile à trouver. Il paraît impossible d’envoyer Collon à Berlin, car se serait donner raison aux accusations françaises, et il est trop tard pour opérer une permutation avec le commandant Matton dont la nomination à Londres est déjà annoncée148.

  • 149 Ibid.
  • 150 Cabinet civil du ministre de la Guerre à Van der Elst, A.G.R., Papiers Van der Elst, dossier 158.
  • 151 Ibid.

56En fait, Bruxelles estime que les réserves françaises ne sont pas fondées. D’une part, les préventions contre Collon sont injustes, d’autre part, la France n’a pas non plus pour habitude de demander l’agrément avant de nommer ses attachés militaires ni de désigner des diplomates particulièrement proches des sentiments du gouvernement belge. Surtout, on considère le refus de Paris comme une vengeance de la légation de France contre le xxe siècle149. Selon Broqueville, il faut être énergique et réfuter « toutes ces raisons stupides alléguées par les diplomates de quatre sous que la République entretient ici à Bruxelles »150. Il n’est pas prêt à céder et considère qu’un refus de la France serait un affront pour lui-même et pour la Belgique151.

  • 152 Collon à de Broqueville, 18 août 1913, A.G.R., Papiers de Broqueville, dossier 295.
  • 153 Ibid.
  • 154 Ibid.

57Cette mauvaise querelle franco-belge se double en fait d’une lutte de clans entre officiers belges. Collon, qui a suscité des jalousies par sa carrière rapide et des inimitiés par son rôle aux côtés de Broqueville, pense que la campagne menée contre lui par le Petit Bleu – qui se poursuit encore dans l’été 1913 – est orchestrée par le « général de Heusch qui se venge ainsi contre moi des piques qui lui sont lancées » par le xxe siècle et Le Patriote152. Derrière Heusch, directeur de la Belgique militaire, il y aurait toute « la clique... soutenue par des ennemis du gouvernement et qui manœuvre sous des apparences patriotiques avec l’appui du clan dit Hellebaut »153. Collon est convaincu que c’est le général de Heusch qui a essayé de faire échouer sa nomination en faisant agir à Paris, auprès des ministres de la Guerre et des Affaires étrangères, un de ses amis, ancien officier, Marty-Savauzelle, et en intervenant lui-même auprès de l’attaché militaire français à Bruxelles pour le faire passer comme un francophobe ami de l’Allemagne154.

  • 155 Bruxelles à M. Guerre, 31 mars 1913, Vincennes, 7N 1158.
  • 156 Ibid.
  • 157 Ibid.
  • 158 Paris à M.A.E.b., 4 avril 1913, A.E. Bruxelles, 81 III.

58Collon organise donc le contre-feu. Il voit longuement le capitaine Génie le samedi 29 mars pour essayer de détruire les préventions qui existent contre lui. Il s’efforce de montrer qu’il n’a rien d’un ennemi de la France ; il se présente comme l’inspirateur du rapport du Bus de Warnaffe et, plus généralement, de la politique de Broqueville ; il ajoute – modeste – que la preuve de la partialité de ce gouvernement à l’égard de la France est de lui envoyer « comme attaché militaire l’officier le plus remarquable de l’armée belge »155. Collon fait enfin valoir que le Roi et le président du conseil souhaitent qu’il aille à Paris « pour concerter l’action des armées française et belge à l’occasion du prochain conflit »156. Si Génie n’est pas entièrement convaincu de sa sincérité, il comprend que le major Collon a voulu rétablir la confiance, que le gouvernement belge tient à l’envoyer à Paris et que de Broqueville serait « dans l’embarras »157 si la France refusait. Il croit d’ailleurs que si Collon a été francophobe par intérêt, il peut devenir francophile pour la même raison. En tout cas, le gouvernement français n’insiste pas. Après entente avec le ministre de la Guerre, Pichon fait dire au baron Guillaume qu’il considère l’incident comme clos et que le major Collon sera le bienvenu158. A Paris, le nouvel attaché militaire, va, entre autres, chercher à coopérer avec les consuls pour développer le renseignement.

Le rôle des consuls

  • 159 Lettre adressée à Van der Elst, le 15 août 1911 (sans doute par Costermans), A.G.R., Papiers Van de (...)
  • 160 Paris à M.A.E.b., 26 octobre 1911, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 9.
  • 161 Ibid.
  • 162 Paris à M.A.E.b., 24 décembre 1912, A.E. Bruxelles, CP France, Compl.

59L’idée d’utiliser plus systématiquement les consuls pour obtenir des renseignements se précise également après 1911. En effet, alors qu’un service bien organisé semble fonctionner autour du consul de Belgique à Cologne159, le baron Guillaume regrette que les consuls installés le long de la frontière franco-belge ne lui aient fait parvenir, pendant la crise d’Agadir, aucun renseignement d’ordre militaire sur les concentrations, les fabrications de munitions, les achats exceptionnels...160. Il explique cette carence par le fait que la plupart de ces consuls soient des Français – sauf à Douai, Dunkerque, Lille et Tourcoing – à qui l’on ne peut évidemment pas demander des informations politico-militaires. Il suggère donc la nomination, à côté des consuls honoraires, de deux agents de carrière dans le Nord de la France161. Le baron Guillaume revient à la charge en décembre 1912, se plaignant à nouveau de ne pas avoir eu de renseignements sur les récents préparatifs français dans le Nord162.

  • 163 Note pour la direction commerciale, 12 mars 1912, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 10.
  • 164 Ibid. Pratiquement à la même date, Arendt expose oralement sa conception du rôle de consul à Bruis (...)
  • 165 Note Capelle pour la direction politique, 31 décembre 1912, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 11.
  • 166 Lettre à Van der Elst, 15 août 1911, A.G.R., Papiers Van der Elst, dossier 158.
  • 167 M.A.E.b. à Paris, 10 janvier 1913, A.E. Bruxelles, CP France, Compl.

60A la direction politique, Arendt trouve cette suggestion judicieuse car « il se peut que nous soyons menacés d’une invasion de ce côté » ou même d’une occupation de certaines villes belges par surprise163. Sans vouloir transformer les consuls en espions, il estime qu’il faudrait avoir des agents discrets qu’on « pourrait styler avec soin » et qui pourraient apprendre des tas de choses164. Mais à la direction commerciale, Capelle ne partage pas cette façon de voir. D’après lui, les consuls de carrière seraient peu utiles dans cette région du point de vue des affaires. Il doute aussi que ce personnel soit préparé à fournir des renseignements militaires165. On peut remarquer que Greindl – qui n’a pas été consulté dans cette affaire – était lui aussi très sceptique quant à l’utilité des consuls en matière de renseignement166. En tout cas, le ministère se range à l’avis de Capelle et l’affaire semble enterrée. Guillaume est informé que les consuls de nationalité belge ont été invités à transmettre des informations mais qu’il était très délicat de mettre sur pied un service de renseignements167.

  • 168 Rapport Collon, 23 octobre 1913, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 13.

61Mais à l’automne 1913, le major Collon, attaché militaire à Paris depuis quelques mois, souhaite lui aussi la nomination de consuls de carrière à Lille, Roubaix, Tourcoing et Longwy afin de l’aider à organiser des associations regroupant d’anciens militaires ou des jeunes Belges vivant en France, parmi lesquels il voudrait maintenir l’attachement à la patrie et le sens du devoir national. Selon Collon, « l’existence de ces sociétés et la présence de consuls belges auraient encore un autre grand avantage : le service de renseignements à la frontière serait bien plus efficace et bien plus complet ; la légation de Belgique en France, en temps normal, et le gouvernement belge directement, en certaines circonstances urgentes, seraient prévenus exactement et en temps opportun, des éventualités qui se préparent, des mouvements qui s’effectuent, de l’état d’esprit des populations et peut-être aussi des dangers qui peuvent menacer nos frontières »168.

  • 169 Note de la direction politique, 3 novembre 1913, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 13.
  • 170 Ibid. (Il existe déjà des associations qui peuvent servir de point de départ).
  • 171 M. Guerre à M.A.E.b., 25 mars 1914, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 14.
  • 172 M.A.E.b. à M. Guerre, 23 janvier et M.A.E.b. à Paris, 14 avril 1914, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 14.
  • 173 M.A.E.b. à Thaune, 7 mai 1914, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 14.
  • 174 M.A.E.b. à M. Guerre, 16 avril 914, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 14.

62La direction politique envisage alors une solution intermédiaire consistant à demander aux consuls honoraires de nationalité belge de rendre des services d’ordre militaire. Ces consuls pourraient recevoir « un petit subside du ministre de la Guerre »169 et se faire aider par des associations d’anciens militaires ou de préparation militaire qu’il faudrait mettre sur pied170. Cette solution semble faire l’unanimité. Le ministre de la Guerre accepte d’accorder des subsides à des associations171 que le consul de Tourcoing, Thaune, veut bien créer, avec l’aide de son collègue de Roubaix, d’abord dans cette région, puis également à Lille et Longwy172. Après l’approbation des statuts par le ministère de la Guerre173, la première association peut se constituer en juin 1914174.

63Aux lendemains d’Agadir, la forte sensibilisation aux menaces d’invasion en cas de guerre conduit donc la Belgique à adopter des mesures tous azimut afin de renforcer sa sécurité. La plus importante de toutes les décisions prises, l’augmentation des effectifs de l’armée grâce au service personnel, constitue un virage dans la politique belge et témoigne d’un nouvel état d’esprit dans l’opinion. La Belgique s’apprête à défendre elle-même sa neutralité avec d’autant plus de fermeté qu’elle apparaît comme le meilleur garant de l’indépendance du pays. Ce changement d’attitude va-t-il se confirmer face à la montée des tensions ?

Notes

1 Sur cette campagne et la loi militaire de 1913, voir E. Wanty, Le milieu militaire belge de 1831 à 1914, pp. 235-241.

2 Le remaniement ministériel du 11 novembre 1912 fait entrer au gouvernement deux personnalités hostiles à la réforme militaire, Hellepute à l’Agriculture et aux Travaux publics et Segers à la Marine.

3 La loi est votée à la Chambre par 103 voix (88 catholiques et 15 libéraux) contre 62 (2 catholiques, 2 catholiques daensistes, 25 libéraux et 33 socialistes). Au Sénat, elle est votée par 68 voix (catholiques), contre 27 (libéraux et socialistes) et 9 abstentions (libéraux). Les libéraux qui étaient depuis longtemps favorables au service personnel sont hostiles aux exemptions (pour les universitaires) et certains souhaitent un service plus court.

4 Réorganisation de la direction de l’armée, en mars 1912, avec création d’un Conseil supérieur de la Défense nationale et rattachement de la première direction du ministère de la Guerre (opérations) à l’Etat-major ; renforcement des forteresses ; nouveau règlement interne ; nouvelles directives sur le fonctionnement des services...

5 Bruxelles à M. Guerre, 2 décembre 1911, Vincennes, 7 N 1157.

6 Bruxelles à M. Guerre, 8 juin 1912, Vincennes, 7 N 1157.

7 Bruxelles à M. Guerre, 16 janvier 1912, Vincennes, 7 N 1157.

8 Bruxelles à M. Guerre, 11 décembre 1911, Vincennes, 7 N 1157.

9 Cf. supra, chap. 18, p. 430.

10 Bruxelles à M. Guerre, 11 décembre 1911, Vincennes, 7 N 1157.

11 Bruxelles à M. Guerre, 7 novembre 1911, Vincennes, 7 N 1158.

12 Bruxelles à M. Guerre, 30 septembre 1912, Vincennes, 7 N 1158. Génie n’a pas été invité (ni d’ailleurs les autres attachés militaires) à assister à ces manœuvres.

13 Jungbluth à Van der Elst, 12 octobre 1912, A.G.R. Papiers Van de Elst, dossier 158.

14 Bruxelles à M. Guerre, 12 décembre 1912, Vincennes, 7 N 1158.

15 Ibid.

16 Bruxelles à M. Guerre, 21 décembre 1912, Vincennes, 7 N 1158.

17 Bruxelles à M. Guerre, 12 décembre 1912, Vincennes 7 N 1158.

18 Ibid.

19 Ibid.

20 Bruxelles à M. Guerre, 3 novembre 1912, Vincennes 7 N 1158.

21 Ibid.

22 Bruxelles à M. Guerre, 6 mars 1913, Vincennes, 7 N 1158.

23 Ibid.

24 Bruxelles à M.A.E.f., 30 novembre 1913, D.D.F., 3e série, t. VIII, document 559.

25 Bruxelles à M. Guerre, 1er mars 1912, Vincennes, 7 N 1157.

26 Bruxelles à M. Guerre, 15 septembre 1911, Vincennes, 7 N 1157.

27 Bruxelles à M. Guerre, 16 mars 1912, Vincennes, 7 N 1157.

28 Ibid.

29 Bruxelles à M. Guerre, 8 juillet 1912, Vincennes, 7 N 1158 (il fait référence à la lutte qui oppose deux clans et deux hommes, le général-major Dufour et le lieutenant-général de Ceuninck, pour la succession du général Jungbluth, atteint par la limite d’âge en juin 1912).

30 Bruxelles à M. Guerre, 9 juillet 1912, Vincennes, 7 N 1158.

31 Bruxelles (attaché militaire) à Berlin, 14 avril 1911, Bonn, Belgien 60, t. 6.

32 Bruxelles (attaché militaire) à Berlin, 8 janvier 1912, Bonn, Belgien 60, t. 6. La difficulté de la traversée des Ardennes reste alors une question très controversée. Renner rend lui-même compte de l’opinion du général Ducame pour qui « l’Ardenne dont on fait un tableau repoussant du point de vue militaire, n’est pas plus inabordable que bien d’autres régions où des opérations et des manœuvres ont lieu », (Bruxelles à Berlin, 4 mars 1912, Bonn, Belgien 60, t. 6).

33 Cf. chap. 19, pp. 450-451.

34 Frankfurter Zeitung, 19 octobre 1912.

35 Rome à M.A.E.b., 16 septembre 1912, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 11 (les propos de l’Empereur auraient été rapportés à Wemer van den Steen de Jehay par un ami personnel du conseiller fédéral).

36 Ibid.

37 Berne à M.A.E.b., 5 octobre 1912, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 11.

38 Ibid.

39 Projet d’exposé des motifs préparé par E. de Gaiffier, octobre 1912, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 11.

40 Berlin à M.A.E.b., 14 mai 1912, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 10.

41 Ibid.

42 Ibid.

43 Note du 6 août 1912, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 11 (il évoque lui aussi les déceptions en Chine).

44 Ibid.

45 Projet d’exposé des motifs, préparé par E. de Gaiffier, octobre 1912, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 11.

46 Texte de la déclaration ministérielle du 12 novembre dans Compte rendu analytique (Sénat).

47 Ibid. et exposé des motifs du projet de loi qui fait allusion aux écrits de Langlois, Boucher, Maîtrot, Bemhardi...

48 Ibid.

49 Texte de la déclaration, Compte rendu analytique (Sénat).

50 L’Angleterre avait signé un traité avec chacun des belligérants lui promettant, le cas échéant, une intervention pour faire respecter la neutralité belge.

51 L’Indépendance belge, 4 novembre, Le Temps, 21 novembre 1911.

52 Le xxe siècle, 7 novembre 1912.

53 Circulaire du 18 novembre 1912, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 11.

54 Ibid.

55 Cf. supra, chap. 18, pp. 431-432.

56 Note de Davignon sur un entretien avec Fontarce, conseiller de la légation de France à Bruxelles, 21 novembre 1912, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 11.

57 Ibid.

58 Bruxelles à M. Guerre, 22 décembre 1912, Vincennes, 7N 1158.

59 Exposé des motifs préparé par Arendt, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 11.

60 Exposé des motifs préparé par Gaiffier, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 11.

61 Ibid.

62 Ibid.

63 Bruxelles à M. Guerre, 25 janvier 1912, Vincennes, 7N 1157.

64 Ibid.

65 Bruxelles à M. Guerre, 17 février 1913, Vincennes, 7N 1158 et L. Lichtervelde,Avant l’Orage, p. 74.

66 Des chiffres souvent rappelés, établis par le général Ducame, montrent que l’armée belge représente une fraction de plus en plus faible des armées française ou allemande.

67 Projet de l’exposé des motifs, E. de Gaiffier, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 11.

68 Ibid.

69 Berlin à M.A.E.b., 14 mai 1912, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 10.

70 Exposé des motifs, E. de Gaiffïer, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 11.

71 Note M.A.E.b., 18 novembre 1912, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 11.

72 Bruxelles à A.A., 19 octobre 1912, Bonn, Belgien 60, t. 7.

73 Journal de Bruxelles, 26 octobre 1912.

74 Ibid.

75 Bruxelles à A.A., 13 novembre 1912, Bonn, Belgien 60, t. 7.

76 Bruxelles à A.A., 19 octobre 1912, Bonn, Belgien 60, t. 7.

77 15 novembre 1912.

78 Le 11 décembre 1912.

79 Les 13 et 20 janvier 1913.

80 Procédure tout à fait exceptionnelle qui a surpris mais qui n’était sans doute qu’un « truc » pour mettre les députés catholiques à l’aise vis-à-vis de leurs électeurs. J. Willequet, Appréciations allemandes sur la valeur de l’armée belge..., p. 638.

81 L’information est lancée par un journal belge La Gazette, 15 février 1913.

82 Note pour le ministre, M.A.E.b., 15 février 1913, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 12.

83 Lichtervelde, op. cit., p. 74.

84 A la même date, le New York Herald affirme que le ministre a lu deux notes anglaises enjoignant à la Belgique d’augmenter ses effectifs militaires (note Davignon, 28 février 1913, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 12).

85 Note pour le ministre, 10 décembre 1912, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 11.

86 Ibid. Même en février 1913, après l’article de la Kreuzzeitung on estime inutile de faire un nouveau démenti (note du 28 février 1913, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 12).

87 Bruxelles à A.A., 29 décembre 1912, Bonn, Belgien 60, t. 7.

88 Bruxelles à A.A., 21 février 1913, Bonn, Belgien 60, t. 7.

89 Bruxelles à A.A., 13 novembre et 29 décembre 1912, Bonn, Belgien 60, t. 7.

90 La thèse défendue dans ce rapport ne s’éloigne pas des motivations officielles de la réforme, c’est-à-dire la nécessité pour la Belgique d’augmenter ses forces militaires pour être en mesure de défendre efficacement sa neutralité.

91 Articles du 28 janvier 1913.

92 Soupçon peut-être justifié. Le major Collon, alors chef du cabinet militaire de Broqueville, dit que c’est lui qui a inspiré le rapport du Bus (Bruxelles à M. Guerre, 31 mars 1913, Vincennes, 7N 1158).

93 31 janvier 1913.

94 30 janvier 1913.

95 5 février 1913.

96 M.A.E.b. à Berlin, 30 janvier 1913, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 12.

97 Ibid.

98 Bruxelles à A.A., 25 janvier 1913, Bonn, Belgien 60, t. 7.

99 Bruxelles à A.A., 28 janvier 1913, Bonn, Belgien 60, t. 7.

100 M.A.E.b. à Berlin, 30 janvier 1913, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 12.

101 Kölnische Zeitung, 20 octobre, Frankfurter Zeitung, 15 novembre 1912.

102 20 octobre 1912.

103 13 novembre 1912.

104 17 décembre 1912.

105 6 décembre 1912.

106 9 décembre 1912.

107 Enquête publiée par l’Etoile belge, 14 décembre 1912.

108 Les deux souverains se rencontrent à l’occasion des obsèques du régent de Bavière.

109 Note du 22 décembre 1912, Bonn, Belgien 60, t. 7.

110 C.R. de conversations avec le Roi, décembre 1912, A.G.R., Papiers Van der Elst, dossier n° 3.

111 C.R. de la conversation du 12 janvier 1913, A.G.R., Papiers Van der Elst, dossier n° 3.

112 25 mars 1914.

113 Bruxelles à M. Guerre, 14 octobre 1912, Vincennes, 7N 1158.

114 Paris à M.A.E.b., 13 novembre 1912, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 11.

115 Bruxelles à M. Guerre, 22 février 1913, Vincennes, 7N 1158.

116 « Remarques sur le nouveau projet de loi de milice », Revue de Belgique, avril 1913.

117 Bruxelles à M. Guerre, 11 avril 1913, Vincennes, 7N 1158.

118 20 août 1913, Vincennes, 7N 1158.

119 Landrecies, « La nouvelle loi militaire belge et ses conséquences en cas de guerre franco-allemande ».

120 Bruxelles à M. Guerre, 11 avril 1913, Vincennes, 7N 1158.

121 Bruxelles à M. Guerre, 15 novembre 1913, Vincennes, 7N 1158.

122 Ibid.

123 Bruxelles à M. Guerre, 1er décembre 1913, Vincennes, 7N 1158.

124 Le service est plus long dans l’artillerie de forteresse (21 mois) et dans la cavalerie et l’artillerie de campagne (24 mois).

125 Bruxelles à M. Guerre, 21 mai 1914, Vincennes, 7N 1159. La brochure du colonel de Bray, Notre Défense nationale préconise aussi un service plus long.

126 Bruxelles à M. Guerre, 6 janvier 1914, Vincennes, 7N 1159.

127 Bruxelles à M. Guerre, 22 janvier 1914, Vincennes, 7N 1159.

128 Bruxelles à M. Guerre, 1er mai 1914, Vincennes, 7N 1159.

129 Ibid.

130 Bremer, La défense et la protection du Luxembourg.

131 22 décembre 1913.

132 Bruxelles à M. Guerre, 6 janvier 1914, Vincennes, 7N 1159.

133 A l’occasion de son commentaire d’une étude du général Witte ; Bruxelles à Berlin, avril 1911, Bonn, Belgien 60, t. 6.

134 Bruxelles à M. Guerre, 6 janvier 1914, Vincennes, 7N 1159 (le major Collon lui aurait dit « nous sommes les arbitres de l’Europe ; le xxe siècle, 30 décembre 1914, est très fier de l’aviation belge...).

135 Bruxelles à M. Guerre, 16 mars 1914, Vincennes, 7N 1159.

136 Lettre adressée à Van der Elst, 15 août 1911 (par Costermans ?), A.G.R., Papiers Van der Elst, dossier 158.

137 Ibid.

138 Il est présenté à von Jagow, par Beyens, le 10 mai 1913.

139 Sorte de galop avec quelques obstacles.

140 Berlin à M. Guerre, 25 novembre 1913, A.E. Bruxelles, t. 13.

141 Ibid.

142 Bruxelles à M. Guerre, 28 mars 1913, Vincennes 7N 1158.

143 Ibid.

144 27 mars 1913. Sur le même thème de l’arrivisme, La Chronique, 29 mars 1913.

145 Paris à M.A.E.b., 27 mars 1913, A.E. Bruxelles, 81 III.

146 Deux notes, sans date. C.R. des entretiens de Fontarce-Gaiffier, A.E. Bruxelles, 81 III.

147 Van der Elst à Davignon, 28 mars 1913, A.G.R., Papiers Van der Elst, dossier 158.

148 Ibid.

149 Ibid.

150 Cabinet civil du ministre de la Guerre à Van der Elst, A.G.R., Papiers Van der Elst, dossier 158.

151 Ibid.

152 Collon à de Broqueville, 18 août 1913, A.G.R., Papiers de Broqueville, dossier 295.

153 Ibid.

154 Ibid.

155 Bruxelles à M. Guerre, 31 mars 1913, Vincennes, 7N 1158.

156 Ibid.

157 Ibid.

158 Paris à M.A.E.b., 4 avril 1913, A.E. Bruxelles, 81 III.

159 Lettre adressée à Van der Elst, le 15 août 1911 (sans doute par Costermans), A.G.R., Papiers Van der Elst, dossier 158. Ce service, organisé à partir de 1898 par Cartuyvels, a été réactivé en 1909 (cf. Cartuyvels, consul général de Belgique à Cologne, à M.A.E.b., 18 mars 1909, A.E. Bruxelles, C.P. Allemagne, Compl. et M.A.E.b. à M. Guerre, 20 février 1909, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 8).

160 Paris à M.A.E.b., 26 octobre 1911, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 9.

161 Ibid.

162 Paris à M.A.E.b., 24 décembre 1912, A.E. Bruxelles, CP France, Compl.

163 Note pour la direction commerciale, 12 mars 1912, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 10.

164 Ibid. Pratiquement à la même date, Arendt expose oralement sa conception du rôle de consul à Bruis qui vient de succéder à son père comme consul de Belgique à Aix-la-Chapelle. Il lui demande, en cas de crise, de recueilir les renseignements d’ordre militaire qui lui parviennent sans faire d’investigations spéciales car « les fonctions consulaires sont incompatibles avec une mission qui de près ou de loin se rapprocherait d’un espionnage quelconque » (note Arendt, 20 mars 1912, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 10).

165 Note Capelle pour la direction politique, 31 décembre 1912, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 11.

166 Lettre à Van der Elst, 15 août 1911, A.G.R., Papiers Van der Elst, dossier 158.

167 M.A.E.b. à Paris, 10 janvier 1913, A.E. Bruxelles, CP France, Compl.

168 Rapport Collon, 23 octobre 1913, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 13.

169 Note de la direction politique, 3 novembre 1913, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 13.

170 Ibid. (Il existe déjà des associations qui peuvent servir de point de départ).

171 M. Guerre à M.A.E.b., 25 mars 1914, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 14.

172 M.A.E.b. à M. Guerre, 23 janvier et M.A.E.b. à Paris, 14 avril 1914, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 14.

173 M.A.E.b. à Thaune, 7 mai 1914, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 14.

174 M.A.E.b. à M. Guerre, 16 avril 914, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 14.

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