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La Belgique entre la France et l’Allemagne

 | 
Marie-Thérèse Bitsch

Deuxième partie. La Belgique neutre un enjeu stratégique et politique

Chapitre 17. D’une crise à l’autre

Texte intégral

1La période de détente relative qui sépare les deux crises marocaines est marquée par une série de débats qui touchent à la défense de la neutralité et à son respect par les voisins de la Belgique. Chemin faisant, se dégage de la presse belge une certaine image de la France et de l’Allemagne qui peut être complétée et corrigée par la vision des diplomates. En 1910, le changement de souverain, intervenu à la fin de l’année précédente, impulse une nouvelle orientation dans les relations entre la Belgique et ses deux voisins.

Images contrastées de la France et de l’Allemagne

2Les observateurs belges sont sensibles, à la fois, à la politique extérieure de la France et de l’Allemagne qui les concerne directement et à certains aspects de l’évolution intérieure de ces deux pays qui risquent de peser sur leurs rapports avec Bruxelles.

Une France anticléricale en proie à l’anarchie

  • 1 Sans doute en voyage privé à Paris où sa mère continue d’habiter.
  • 2 Beyens à Arendt, 26 octobre 1904, A.E. Bruxelles, CP France, t. 46.
  • 3 Paris à M.A.E.b., 25 janvier 1905, A.E. Bruxelles, CP France, t. 46.
  • 4 Paris à M.A.E.b., 10 février, A.E. Bruxelles, CP France, t. 46.

3Jusqu’au printemps 1906, les autorités catholiques belges suivent de près le développement de la politique anticléricale en France, mais sans manifester d’hostilité excessive. A l’automne 1904, le baron Beyens1 remarque, laconique : « en réalité, le Français tient plus à sa bourse qu’à ses croyances. Cette constatation résume toute la situation intérieure du pays »2. On ne se fait donc pas d’illusion sur la poursuite de cette politique. A la chute du cabinet Combes, Leghait est convaincu que Rouvier n’arrive au pouvoir que pour exécuter le programme de Combes avec d’autres procédés3, même s’il est d’abord un peu sceptique sur les chances d’un vote rapide de la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat4.

  • 5 La loi de séparation est votée par la Chambre le 3 juillet et par le Sénat le 6 décembre 1905.
  • 6 Carteron à M.A.E.f., 21 et 23 mai 1906, A.E. Bruxelles, NS 15.
  • 7 En flamand, traduit par Carteron.

4C’est au lendemain du vote de cette loi5 et surtout au printemps 1906, alors que la Belgique et la France entrent toutes les deux en période électorale, que la dénonciation de la politique anticléricale devient très virulente. Le 17 avril, l’officieux Journal de Bruxelles, dans un article intitulé « la fin d’une législature », souligne que la Chambre des députés n’a montré de zèle que pour accomplir l’œuvre sectaire commencée par Waldeck-Rousseau et Combes ; selon cet organe, si les députés « se livrent à un sérieux examen de conscience », ils peuvent se dire « qu’ils n’ont pas bien mérité du pays pendant ces quatre années ». En mai 1905, des cartes postales illustrant « l’œuvre des combistes français » sont distribuées par les catholiques belges, notamment à Anvers et dans la région ; elles montrent comment les catholiques sont fusillés, comment les combistes empêchent un sermon, comment on brûle une statue de la vierge, comment la troupe enfonce les portes d’une église (pour faire l’inventaire prévu par la loi de séparation) etc.6. Ces cartes comportent un texte7 : « Mon cher ami, je vous envoie cette jolie carte sur les malheureux événements de France. Faites la bien voir à vos amis et connaissances avant d’aller au vote et souvenez-vous que la même chose nous attend si nous devions perdre le gouvernement catholique. »

  • 8 En majuscules dans le texte.
  • 9 Bruxelles à M.A.E.f., 14 mai 1906, A.E. Paris, NS 15. Gérard intervient auprès du chef du cabinet, (...)

5Dans cette exploitation de la peur du combisme dans un but électoral, les catholiques belges sont aussi amenés à rendre le Bloc des Gauches responsable de toutes les difficultés de la France qui tombe en décadence. Une brochure électorale publiée par Le Patriote reproduit une affiche titrée « Pauvre France » qui esquisse une comparaison entre la Belgique après vingt ans de gouvernement catholique et le voisin du Sud. Ce parallèle est accablant pour l’Hexagone : « La Belgique est au premier rang des nations européennes tandis que la France dirigée par les Francs-maçons déchoit chaque année et se signale surtout, depuis trente ans, par des scandales retentissant ou les coupables sont tous anticléricaux 8..„ par la persécution des religieux, des religieuses et des prêtres et par l’aplatissement de la nation devant les Anglais et les Allemands. Quant à la situation économique de la France, elle se résume en deux constatations irréfutables : A) la dette publique française est la plus élevée du monde ; B) la France ne vient qu’au cinquième rang dans la statistique du commerce et de l’industrie où la Belgique occupe la première place »9.

  • 10 Bruxelles à M.A.E.f., 14 mai 1906, A.E. Paris, NS 15.

6Ce dénigrement de la France apparaît aussi dans le Journal de Bruxelles qui publie, les 7 et 8 février 1906, deux articles sur « la France économique ». Si le ton est moins violent, les idées sont tout aussi corrosives. Pour expliquer l’infériorité économique de la France – par rapport à l’Angleterre et l’Allemagne cette fois – le journal officieux incrimine une série de facteurs : le climat méridional qui incite au farniente, le protectionnisme qui taxe le pain du pauvre, la dépopulation qui prive la France de bras (et de soldats) l’éducation amolissante qui transforme les enfants uniques en enfants gâtés et fait en sorte que l’idéal de chaque Français est d’avoir une bonne petite place de fonctionnaire. A Bruxelles, Gérard fait une démarche « officieuse et personnelle » auprès de Favereau au sujet de ces articles qui ne devraient pas être tolérés dans un journal officieux. Le ministre promet d’inviter le directeur du Journal de Bruxelles à plus de modération, apparemment sans succès10.

  • 11 Le 10 mars 1906, cette catastrophe provoque la mort de plus de 1 100 mineurs.
  • 12 J. Julliard, Clemenceau briseur de grèves, pp. 22-23.
  • 13 Ibid., p. 23.

7Quelques semaines plus tard, le ton monte de plusieurs degrés alors que la France connaît une série de grèves. Déclenchées en mars dans le bassin minier du Nord après la catastrophe de Courrières11, elles gagnent les fonctionnaires des postes tandis que la CGT prépare un vaste mouvement pour imposer la journée de 8 heures à partir du 1er mai12. Il est vrai qu’en France aussi, « la presse à sensation fait monter la panique dans la bourgeoisie »13 mais en Belgique, l’amalgame est fait entre désordre et anticléricalisme. Le 22 avril 1906, le Journal de Bruxelles titre « Prenons garde à nous » ; il évoque les grèves, les émeutes, les pillages qui déferlent sur la France et annonce : « Demain sera pire qu’aujourd’hui. On attend... la guerre civile... La révolution vient à grands pas. Elle est imminente. Les événements d’aujourd’hui ne sont que ses préambules. L’avenir est chargé des plus terribles orages ». Or, il n’y a pas de doute sur les responsables : « les faits sont là, clairs, évidents » ; ce sont « les gouvernements du Bloc », les Pelletan, Jaurès, Briand, Combes, Clemenceau... dont l’impuissance est absolue en présence des événements.

  • 14 Journal de Bruxelles, 25 avril 1906.
  • 15 Il y a, en avril 1906, 20 000 soldats face à 40 000 grévistes dans le bassin du Nord, J. Julliard, (...)
  • 16 Journal de Bruxelles, 25 avril 1906.

8Quelques jours plus tard, le même journal déconseille les pèlerinages à Lourdes « dans les circonstances actuelles »14. Traverser la France où la révolution « sévit en plein » serait s’exposer à des dangers de toutes sortes : « Imaginez un train de pèlerins traversant... la région du Nord où les grévistes battent les troupes qui ne peuvent pas se défendre15, attaquent les lignes de chemins de fer et les stations et se permettent tout, contre les propriétés et les individus. Qu’adviendrait-il des pèlerins sans défense, bloqués par ces énergumènes...? Qui pourrait garantir que les anarchistes, qui sont les vrais maîtres de la situation ne trouveraient pas l’occasion excellente pour faire sauter un train rempli de prêtres et de bons catholiques ? ». Et de rappeler que le gouvernement de la République – dont les principaux membres se sont compromis depuis longtemps avec les révolutionnaires – est impuissant à mater cette agitation qui est « dirigée surtout contre les hommes d’ordre dont nous sommes » et qui vise « les catholiques plus que tout le monde »16.

9Il convient certes de faire la part des excès de langage inévitables pendant une campagne électorale qui exploite pour les besoins de la lutte politique belge les malheurs du voisin. Il n’en reste pas moins que l’idée doit s’imposer d’une France en déclin économique et en proie au désordre et à la violence, à cause des options anticléricales de son gouvernement.

  • 17 Bruxelles à M.A.E.f., 14 mai 1906, A.E. Paris, NS 15.
  • 18 Le Ralliement, 10 mai 1906.

10Les résultats des élections françaises des 6 et 20 mai, qui donnent une nouvelle victoire aux Gauches, sont bien sûr appréciés différemment, en Belgique, par la majorité et l’opposition. Cette dernière se réjouit. Emile Vandervelde, leader du Parti Ouvrier Belge se félicite du résultat et veut y voir un bon signe pour les élections belges du 27 mai17. De même, Georges Lorand, député libéral de Virton écrit que le triomphe du Bloc en France est, à un double point de vue, « le gage de notre propre victoire » : d’abord parce que les événements ont toujours un retentissement direct et immédiat sur l’opinion publique en Belgique ; ensuite parce que « cette victoire républicaine et radicale qui dépasse toute attente et toute espérance », succédant à des victoires inattendues en Angleterre et en Hollande, vient « attester l’existence d’un irrésistible courant libéral et démocratique chez tous les peuples voisins du nôtre »18.

11Les espoirs des partis de gauche ne sont pas comblés. Les élections belges du 27 mai reconduisent les catholiques au pouvoir. Elles mettent fin aussi à la campagne antifrançaise des cléricaux belges qui n’a plus d’utilité immédiate. L’image de la France s’améliore-t-elle pour autant dans les milieux officiels belges ?

Une France pacifique ou arrogante et revancharde ?

  • 19 Beyens à Arendt, 26 octobre 1904, A.E. Bruxelles, CP France, t. 46.
  • 20 Paris à M.A.E.b., 10 février 1907, A.E. Bruxelles, CP France, t. 47.

12Au cours des années suivantes, l’image de la France semble s’infléchir, l’accent étant mis sur de nouvelles facettes. Les diplomates belges présentent volontiers une France attachée à la paix. Déjà, en 1904, Beyens avait écrit que la France veut « à tout prix... la paix avec les grandes Puissances »19 et le déroulement de la crise marocaine n’a pas infirmé cette conviction. En 1907, Leghait écrit à son tour à Favereau que la France désire sincèrement le maintien de la paix et l’amélioration de ses relations avec l’Allemagne20. Mais on se demande où l’Entente cordiale peut entraîner la France.

  • 21 Ibid.
  • 22 Anvers à M.A.E.f., 7 juillet 1908, A.E. Paris, NS 14.
  • 23 7 juillet 1908.
  • 24 Paris à M.A.E.b., 8 juin 1907, A.E. Bruxelles, CP France, t. 48.
  • 25 Ibid.

13A l’occasion du voyage du Roi et de la Reine d’Angleterre à Paris, en février 1907, Leghait estime que la France « aura de grands efforts de diplomatie à faire pour démontrer à Berlin que l’Entente cordiale ne peut rien avoir de déplaisant pour l’Allemagne »21. Une partie de la presse renchérit. Lorsque le président Fallières se rend à Londres, en 1908, Anvers-Bourse se demande si les deux pays ne mijotent pas « quelque déni de justice ou passe-droit à l’égard de l’Allemagne »22. La Métropole ne comprend pas pourquoi la Triple Entente se prétend être un groupement défensif. Contre qui veut-elle se protéger sinon contre l’Allemagne « qui cependant n’a cessé de donner les preuves les plus évidentes de son amour de la paix »23 ? Ce journal soupçonne donc plutôt le Roi d’Angleterre de vouloir démolir la flotte allemande et briser la puissance économique du Reich. On soupçonne aussi l’Angleterre, où se développe depuis le début du siècle la campagne anticongolaise menée par Morel et la Congo Reform Association, d’avoir des visées qui pourraient « devenir graves pour nous... en Afrique »24 et l’on se demande si l’Angleterre arrivera à associer la France à « une politique machiavélique qui aboutirait aux sacrifices d’intérêts belges »25 ?

  • 26 Ibid.

14Dans le couple de l’Entente cordiale, c’est donc de l’Angleterre que se méfient le plus les diplomates belges en poste à Paris. Elle leur paraît doublement menaçante : à l’égard de la Belgique à cause du Congo, à l’égard de l’Allemagne ce qui pourrait avoir des retombées pour la Belgique en Europe. Quant à la France, elle ne semble dangereuse que par ricochet, parce qu’elle est à la remorque de l’Angleterre26.

  • 27 A la suite de l’assassinat d’un médecin français à Marrakech le gouvernement français fait occuper (...)
  • 28 Berlin à M.A.E.b., 20 mars 1907, A.E. Bruxelles, CP Allemagne, t. 53.
  • 29 Berlin à M.A.E.b., 28 mars 1907, A.E. Bruxelles, CP Allemagne, t. 53.
  • 30 Berlin à M.A.E.b., 8 avril 1907, A.E. Bruxelles, CP Allemagne, t. 53.
  • 31 Ibid.
  • 32 Berlin à M.A.E.b., 6 mai 1908, A.E. Bruxelles, CP Allemagne, t. 55.

15De Berlin, Greindl n’a pas exactement la même vision de la politique française. Au printemps 1907, à propos de la question marocaine au moment de l’occupation d’Oudjda27, il évoque « le danger que l’arrogance française fait courir à la paix européenne »28. Il développe cette idée dans les jours qui suivent. Pour lui, « l’arrogance française redevient ce qu’elle était aux plus mauvais jours du Second Empire »29. Il y voit le retour à une vieille tradition française : « chaque fois que, dans le cours de l’histoire, la France s’en est cru la force, elle a tenté de s’arroger la supériorité sur le monde entier »30. Mais Greindl estime, lui aussi, que c’est l’accord avec l’Angleterre qui lui permet d’agir de la sorte, « c’est l’Entente cordiale... qui lui donne cette confiance »31. Au printemps 1908, lors du bombardement de Casablanca, Greindl dénonce à nouveau la politique de conquête menée par la France, en contradiction avec ses engagements ; selon lui, le Quai d’Orsay est revenu « à la politique de Delcassé avec l’hypocrisie de la forme en plus »32.

  • 33 Berlin à M.A.E.b., 16 janvier 1909, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 8.
  • 34 Ibid.

16A d’autres moments, Greindl rejoint plus nettement le point de vue de la légation de Paris. Ainsi, pendant la crise de Bosnie-Herzégovine, Greindl considère que, par son attitude réservée, la France a montré qu’elle ne voulait pas la guerre et qu’elle n’acceptait pas de se mettre à la remorque de l’Angleterre33. Cependant, il ne peut pas faire confiance à la France qui « rêve toujours de revanche » et il pense, qu’en cas de guerre victorieuse sur l’Allemagne, Paris ne se contenterait pas de récupérer l’Alsace-Lorraine mais qu’on verrait se réveiller « la convoitise plusieurs fois séculaire de la frontière du Rhin »34.

  • 35 Bruxelles à M.A.E.f., 4 août 1909, A.E. Paris, NS 14.

17Si, côté gouvernemental, on décèle d’importantes nuances dans l’appréciation de la politique extérieure française, le camp libéral fait davantage confiance à la France comme à l’Angleterre. Selon l’Etoile belge, la Triple Entente, constituée « pour le plus grand profit de la paix internationale », n’est une menace pour personne35.

Une France affaiblie et désorganisée

  • 36 Paris à M.A.E.b., 8 juin 1907, A.E. Bruxelles, CP France, t. 48.
  • 37 Ibid.
  • 38 Paris à M.A.E.b., 22 novembre 1910, A.E. Bruxelles, CP France, t. 49.

18La France peut paraître d’autant moins dangereuse qu’elle n’est « plus une puissance dirigeante »36 ; c’est un pays en perte de vitesse qui, d’après Leghait, « sape ses fondements » et « piétine ses traditions »37. Après quelques mois de séjour en France, le baron Guillaume est lui aussi frappé par cette sorte de démoralisation qui gagne la France. Il écrit en novembre 1910 : « Il n’est pas contestable que le niveau du caractère français a baissé. Le civisme, l’esprit de dévouement, le sentiment du devoir – je dirai même le véritable patriotisme – diminuent »38.

  • 39 Paris à M.A.E.b., 8 juin 1907, A.E. Bruxelles, CP France, t. 48.
  • 40 Paris à M.A.E.b., 22 novembre 1910, A.E. Bruxelles, CP France, t. 49.

19Particulièrement attentifs à l’évolution de l’état d’esprit dans l’armée, les représentants belges la décrivent à la fois comme la victime et le symbole de ce processus de démoralisation. Selon Leghait, une partie importante du pays travaille à diminuer la force et le prestige de la flotte et de l’armée39. Guillaume souligne aussi que la propagande socialiste est très active et incessante dans les rangs de l’armée, surtout parmi les soldats mais également parmi les officiers de rang inférieur : « la gangrène existe, elle s’étend ; à moins d’une violente réaction politique, elle deviendra telle que l’on ne pourra plus compter sur l’armée pour le rétablissement de l’ordre »40.

  • 41 Ibid.
  • 42 Ibid.

20Lorsque Guillaume s’interroge sur l’attitude de cette armée en cas de guerre, il estime qu’il faut distinguer deux hypothèses. Si, dans une crise, l’amour-propre national était provoqué ou le sol de la patrie menacé, « l’armée française marcherait avec le plus bel entrain ». Elle serait poussée par l’opinion publique car le chauvinisme « qui se trouve toujours à l’état latent dans l’esprit français » serait alors facile à exciter et le « peuple ferait un mauvais parti » à ceux qui voudraient inciter les troupes à l’indiscipline ou à la désertion41. Mais Guillaume ne croit pas que la France pourrait faire la guerre seulement en vertu de combinaisons diplomatiques. S’il n’y avait ni intérêt immédiat, ni injure venue de l’étranger, le gouvernement n’arriverait pas à imposer l’entrée dans un conflit par respect pour les alliances : « l’opinion publique ne le permettrait pas, ... la population s’opposerait aux mouvements de l’armée qui se laisserait faire » et le Parlement refuserait les crédits nécessaires à la guerre42.

  • 43 Ibid.

21Concrètement, ni l’Angleterre ni la Russie n’auraient beaucoup de chances d’obtenir le soutien français. Comme la Russie a abusé des emprunts et montré trop d’infériorité en Extrême-Orient, la France ne la soutiendrait que le « jour bien improbable où l’armée russe aurait pu infliger de telles défaites à l’armée allemande » que la France puisse avoir la certitude de reprendre l’Alsace-Lorraine. Quant à un conflit anglo-allemand, il serait surtout naval et Guillaume estime que la France se garderait alors d’affronter seule l’armée allemande ; selon lui, on se bornerait à des protestations, à un commencement de mobilisation mais sans aller au-delà, car « l’armée française ne croit pas qu’elle soit de taille à se mesurer avantageusement avec l’armée de l’Empire voisin »43.

  • 44 Paris à M.A.E.b., 23 avril 1911, A.E. Bruxelles, CP France, t. 51.
  • 45 Ibid.
  • 46 Paris à M.A.E.b., 12 juin 1911, A.E. Bruxelles, CP France, t. 51.
  • 47 Paris (Leghait) à M.A.E.b., 3 mai et 18 mai 1909, A.E. Bruxelles, CP France, t. 49.
  • 48 Paris à M.A.E.b., 23 avril 1911, A.E. Bruxelles, CP France, t. 51.
  • 49 Ibid. (Guillaume s’est abstenu de participer à cette cérémonie).

22Le baron Guillaume trouve aussi dans la désorganisation de l’administration un indice de l’affaiblissement de la France. L’administration « qui fut si longtemps l’une des gloires de ce pays est descendue à un niveau déplorable : plus de moralité, plus de discipline, aucun sentiment du devoir »44. A l’origine de ce malaise, le manque d’autorité des gouvernements qui sont « prisonniers des socialistes unifiés »45. Début 1911, Guillaume s’étonne qu’on laisse Jaurès critiquer la politique marocaine du gouvernement, sans réagir ; il pense « qu’ailleurs, la position de Jaurès soulèverait une grave indignation » mais « le désarroi est tel en France, le sens moral et politique est si profondément oblitéré que l’on peut tout dire »46. Les observateurs belges soulignent constamment la faiblesse et l’irrésolution des autorités face aux grévistes47 ; mais, si le gouvernement a pu imposer aux compagnies de chemins de fer la réintégration de cheminots grévistes c’est qu’il « a obéi au citoyen Jaurès »48. Autre signe enfin de cette dégradation de l’esprit public, le président de la République a inauguré le salon du Printemps, le jour du vendredi saint49 et il est parti en voyage, le samedi saint.

  • 50 Paris à M.A.E.b., 26 février 1911, A.E. Bruxelles, CP France, t. 50.
  • 51 Berlin à M.A.E.b., 25 octobre 1906, A.E. Bruxelles, CP Allemagne, Compl.
  • 52 Paris (Comte d’Arschot) à M.A.E.b., 21 juillet 1909, A.E. Bruxelles, CP France, t. 49.
  • 53 Paris à M.A.E.b., 24 et 27 juillet 1909, A.E. Bruxelles, CP France, t. 49.
  • 54 L’Etoile belge, citée dans Paris à M.A.E.f., 24 juillet 1909, A.E. Paris, NS 16.

23Si Guillaume estime au printemps 1911, qu’« on en est revenu aux plus mauvais jours du ministère Combes », quelques dirigeants français sont cependant jugés un peu moins sévèrement qu’en 1906. Briand est maintenant considéré comme l’homme qui « cherche à rendre la politique religieuse moins âpre »50. Clemenceau aussi a vu son image de marque s’améliorer. En 1906, Greindl avait salué son avènement comme une diminution de la paix pour tout le monde51. Au moment de la chute de son gouvernement en 1909, les Belges le regrettent presque : « peut-être perdons-nous avec lui un concours qui eut pu nous être fort précieux dans la question congolaise »52. On se réjouit du maintien de Stephen Pichon au Quai d’Orsay car on le croit capable d’améliorer les relations franco-allemandes53. L’opinion des libéraux est, bien sûr, encore plus élogieuse pour ces deux hommes : « L’œuvre du cabinet Clemenceau est reconnue excellente par ses adversaires les plus déterminés. Jamais la France n’a eu une situation plus enviée dans le monde. M. Pichon, l’habile collaborateur de M. Clemenceau a pratiqué une politique qui, tout en tenant compte des obligations de la France à l’égard des puissances alliées ou amies au premier degré, inspire pleine confiance aux autres nations »54.

Une Allemagne satisfaite et pacifique

24Pendant toute cette période, l’Allemagne est présentée par Greindl, immuablement, comme une puissance satisfaite et pacifique qui constitue la meilleure garantie pour la Belgique.

  • 55 Berlin à M.A.E.b., 30 mai 1908, A.E. Bruxelles, CP Allemagne, t. 55.
  • 56 Berlin à M.A.E.b., 16 janvier 1910, A.E. Bruxelles, CP Allemagne, Compl.
  • 57 Berlin à M.A.E.b., 23 décembre 1907, A.E. Bruxelles, CP Allemagne, t. 54.
  • 58 Berlin à M.A.E.b., 16 novembre 1910, A.E. Bruxelles, CP Allemagne, Compl.

25L’Allemagne qui est « satisfaite du partage politique de l’Europe »55 ne lui paraît nourrir aucune ambition territoriale et, sur ce point, il estime qu’un consensus existe entre l’Empereur et son peuple. Si Guillaume II avait voulu se lancer dans les conquêtes, il aurait pu saisir bien des occasions depuis son arrivée sur le trône56. S’il ne l’a pas fait, c’est qu’on peut avoir confiance dans la sincérité de ses déclarations pacifiques, et, toutes les rumeurs concernant des visées expansionnistes ou annexionnistes ne sont que des « allégations... ridicules »57. Le peuple allemand est lui aussi « satisfait des limites de l’Empire »58 et il n’est pas sensible aux sirènes nationalistes.

  • 59 Ibid.
  • 60 Berlin à M.A.E.b., 29 mai 1905, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.
  • 61 Ibid.
  • 62 Berlin à M.A.E.b., 16 novembre 1910, CP Allemagne, Compl. Voir aussi, Berlin à M.A.E.b., 23 décembr (...)

26Seule l’agitation pangermaniste pourrait accréditer certaines accusations portées contre l’Allemagne mais Greindl ne cesse de dire qu’il ne faut pas surestimer le groupe « insignifiant » des pangermanistes59. En 1905, il écrit : « Du reste, je ne pourrais pas assez répéter qu’il ne faut pas faire la moindre attention aux élucubrations des pangermanistes. Ils ne constituent pas un parti mais un groupe recruté dans différents partis ; ils sont peu nombreux et leurs chefs... ne sont pas pris au sérieux par les fractions politiques auxquelles ils appartiennent »60. Certes, ils multiplient les brochures et les articles publiés dans les journaux de troisième ordre et ils font aussi illusion à l’étranger ; mais en Allemagne on ne se donne pas la peine de les discuter et ils sont « absolument incapables d’exercer une influence quelconque sur la direction politique de l’Empire »61. Dans les années suivantes, Greindl ne dévie pas de ce jugement ; il continue à présenter les pangermanistes comme des « personnages sans importance », qui n’ont pas su « faire de recrues », qui sont mal vus à la cour et au gouvernement et n’ont jamais réussi à acquérir la « moindre influence »62.

  • 63 Berlin à M.A.E.b., 16 novembre 1910, A.E. Bruxelles, CP Allemagne, Compl.
  • 64 Berlin à M.A.E.b., 29 mai 1905, A.E. Bruxelles, CP Allemagne, Compl.

27Preuve supplémentaire de l’absence de toute convoitise : le Reich n’a pas intérêt à étendre son territoire car il comporte déjà suffisamment « d’éléments hétérogènes », Polonais, Danois, Alsaciens-Lorrains qui créent des difficultés. Il ne peut donc avoir envie d’intégrer de nouveaux sujets, qui seraient allemands contre leur gré et constitueraient un facteur de faiblesse pour le pays63. Selon Greindl, l’Allemagne ne convoite même pas l’héritage de l’Empire austro-hongrois s’il venait à se dissoudre car « l’annexion des provinces allemandes amènerait aussi des Slaves dont la turbulence paralyse toutes les bonnes intentions du souverain »64.

  • 65 Ibid.
  • 66 Berlin à M.A.E.b., 27 janvier 1908, A.E. Bruxelles, CP Allemagne, t. 55.
  • 67 Berlin à M.A.E.b., 20 avril 1910, A.E. Bruxelles, CP Allemagne, t. 58.
  • 68 Berlin à M.A.E.b., 30 mai 1908, A.E. Bruxelles, CP Allemagne, t. 55.

28La Belgique doit donc se tranquilliser. Aucune menace d’annexion ne pèse sur elle de ce côté-là ; il n’y a en Allemagne « aucun plan préconçu contre l’indépendance de la Belgique »65. Depuis vingt ans, écrit Greindl en 1908, je n’ai « jamais constaté chez le gouvernement impérial, la moindre velléité d’abuser de sa force et de notre faiblesse »66. Au contraire, la puissance de l’Allemagne qui empêche les convoitises des autres pays est la meilleure garantie de l’indépendance de la Belgique. De même, la Triple Alliance – ou plus exactement l’union de l’Allemagne et de l’Autriche-Hongrie – est la meilleure garantie de la paix, car elle est assez puissante pour l’imposer et elle n’a aucun intérêt à la troubler67. Au contraire, la Triple Entente composée de « puissances qui aspirent à une révision du statu quo » est beaucoup plus menaçante pour l’avenir de la paix68.

  • 69 Berlin à M.A.E.b., 22 avril 1909, A.E. Bruxelles, CP Allemagne, t. 57.
  • 70 Berlin à M.A.E.b., 16 mai 1909, A.E. Bruxelles, CP Allemagne, t. 57.

29Par conséquent tout ce qui va dans le sens d’un renforcement de l’Etat allemand ou de la Triple Alliance réjouit Greindl. Ainsi, il juge nécessaire pour l’Allemagne d’équilibrer le budget, de ne pas augmenter indéfiniment ses dettes car il y va de sa situation politique ; Greindl écrit, après la crise de Bosnie-Herzégovine : « on ne peut pas savoir jusqu’à quel point, les puissances de la Triple Entente ont été encouragées à tenir tête à l’union de l’Autriche-Hongrie et de l’Allemagne, par la détresse financière de l’Empire »69. Mais l’issue de cette crise consolide la Triple Alliance qui a fait ses preuves tandis qu’est mis en évidence « le vice constitutionnel de la Triple Entente basée non sur des intérêts communs mais sur le fondement négatif de la haine de l’Allemagne »70. Greindl se félicite de la restauration de la prépondérance de la Triple Alliance qui consacre en fait le prestige et l’influence du Reich.

  • 71 Berlin à M.A.E.b., 21 avril 1911, A.E. Bruxelles, CP Allemagne, t. 59.
  • 72 Accord qui prévoit des associations d’intérêts au Maroc et par lequel l’Allemagne reconnaît les int (...)
  • 73 Ibid.
  • 74 Berlin à M.A.E.b., 1er mai 1911, A.E. Bruxelles, CP Allemagne, Compl.
  • 75 Berlin à M.A.E.b., 21 avril 1911, A.E. Bruxelles, CP Allemagne, Compl.

30Cette prépondérance retrouvée permet aussi à l’Allemagne de ne pas se crisper sur la question marocaine. Au printemps 1911, Greindl ne pense pas que Berlin ait « le moindre désir de jouer un rôle actif » dans cette affaire71. Il a l’impression que depuis l’arrangement franco-allemand du 9 février 190972, le gouvernement impérial est résigné à laisser la France accentuer sa pénétration au Maroc. A son avis, il ne peut déplaire à Berlin que la France soit engagée dans une entreprise coloniale qui l’oblige pour longtemps à immobiliser des forces en Afrique et qui la détourne de l’Alsace-Lorraine. Cependant, il « ne dépend pas uniquement du gouvernement impérial de pratiquer l’abstention »73 car l’opinion publique critique l’accord de 1909 et Greindl estime que Kiderlen-Waechter veut gagner du temps pour ne pas heurter le sentiment populaire74. Le ministre de Belgique en conclut que la situation reste délicate, que c’est au gouvernement français à se conduire avec assez de prudence et de « feinte modération » pour ne pas forcer l’Allemagne à sortir de l’inaction75.

  • 76 Berlin à M.A.E.b., 23 avril 1908, A.E. Bruxelles, CP Allemagne, t. 55.
  • 77 Berlin à M.A.E.b., 29 mai 1905, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.
  • 78 Ibid.

31Dans tous ces commentaires, l’Allemagne est donc présentée comme une puissance éminemment pacifique dépourvue d’intentions expansionnistes. D’ailleurs, si le Reichstag vote une nouvelle loi navale en 1908, « c’est uniquement par crainte d’une agression anglaise »76. Mais Greindl ne cache pas que si une guerre éclatait malgré tout, entre la France et l’Allemagne, « le péril serait très grave »77. Pour des raisons stratégiques, « la tentation serait forte » pour une armée belligérante d’emprunter le territoire belge (et néerlandais) et « au cas ou des armées allemandes entreraient dans nos provinces, même en amies et pour nous protéger, il est invraisemblable qu’elles en sortent en nous laissant ce que nous étions auparavant... L’idée surgirait de rattacher la Belgique (et les Pays-Bas) à l’Empire par un lien quelconque nous obligeant à pourvoir nous-mêmes à notre sécurité »78.

L’Allemagne, danger ou modèle pour la Belgique

32Une partie de la presse belge se situe, dans ses appréciations sur l’Allemagne, aux antipodes de Greindl. En effet, dès 1905-1906-1907, une campagne se développe pour dénoncer « le péril allemand ». Sans chercher à faire l’inventaire exhaustif de cette littérature, on peut citer quelques noms et quelques thèmes.

  • 79 Cf. supra, chap. 12, p. 285.
  • 80 Le 26 novembre 1905.
  • 81 Brochure de 23 pages publiée par La Belgique artistique et littéraire.
  • 82 Conférence de Grosjean au « Foyer intellectuel » de Saint Gilles, le 4 décembre 1906.
  • 83 Brochure de Grosjean.
  • 84 Cf. supra, chap. 14, pp. 320-322. Vers la même époque, le Français Yves Guyot publie dans le Ninete (...)

33Les visées pangermanistes ne laissent pas tous les Belges indifférents. Plusieurs journaux s’émeuvent de l’utilisation d’un manuel de géographie pangermaniste dans les écoles allemandes de Bruxelles et Anvers79 ; d’autres, par exemple le Peuple, sous la signature du sénateur Edmond Picard, signalent les cartes de l’Alldeutscher Atlas qui rattachent la partie flamande de la Belgique à l’Allemagne80. En septembre 1906, Oscar Grosjean, l’un des animateurs des organismes pour la défense de la langue française, publie une brochure La Belgique et le pangermanisme81 dont les idées sont diffusées par des conférences82 et des articles de presse. Il s’agit de faire connaître les thèses pangermanistes et d’alerter l’opinion en Belgique : « ces revendications et ces convoitises constituent pour notre indépendance nationale un danger. Il est bon que l’opinion publique belge ne les ignore pas... L’Alsace est rentrée dans le giron de l’Allemagne. Le tour de la Belgique viendra-t-il ? »83. Il s’agit aussi de dénoncer les alliés flamands de ce mouvement selon une didactique chère à certains diplomates français84.

  • 85 Avocat, animateur de la Fédération pour la défense des intérêts belges à l’étranger.
  • 86 Le Matin de Bruxelles, 10 mai 1906.
  • 87 Revue Bleue (Paris) du 25 novembre 1905. La presse belge en fait largement écho. Par ailleurs, le 9 (...)
  • 88 Petit Bleu, 10 juin 1910.
  • 89 1er octobre 1907.
  • 90 Ces campagnes se développent en symbiose avec des campagnes parisiennes de même style (cf. par exem (...)

34Mais, plus qu’aux théories pangermanistes, cette campagne s’en prend à l’infiltration des Allemands dans les activités économiques de la Belgique qui est présentée comme une étape vers la conquête du pays. Dans un article intitulé « La poussée allemande », Léon Hennebicq85 évoque la mainmise allemande sur l’industrie électrique belge et laisse entendre – de manière imagée et relativement discrète – que la prospérité allemande ne pourra être sauvegardée que par la domination politique et militaire86. D’autres articles adoptent un ton violemment polémique. Maurice Ansiaux craint que la Belgique ne se laisse absorber économiquement par son grand voisin, d’autant plus facilement que le gouvernement catholique se montre favorable à l’Allemagne87. Hector Chainaye imagine la Belgique dans le rôle du chaperon rouge face au loup allemand88. En 1907-1908, Maurice Wilmotte participe aussi à cette campagne par des publicatiens dans la Revue de Paris89 et surtout une série d’articles parus chaque semaine entre le 18 janvier et le 15 février 1908 dans l’Action wallonne90.

  • 91 La Réforme, 12 septembre 1906 (article de H. Chainaye) sur les chemins de fer, cf. supra, chap. 15, (...)
  • 92 Article de Brulhiard, 25 mai 1911.
  • 93 Ibid. Beaucoup de Belges sont convaincus que le comte Schmettau, ancien attaché militaire allemand (...)

35Tous ces articles et d’autres reprennent inlassablement les mêmes thèmes pour dénoncer l’influence allemande : l’infiltration systématique dans l’économie belge, à Anvers bien sûr, mais aussi ailleurs, à Bruxelles, à Liège et dans tout le pays ; la mainmise sur les banques, les industries, les maisons de commerce ; la propagande allemande par les écoles et les journaux ; la préparation militaire de la conquête, grâce au camp d’Elsenborn et aux voies de chemins de fer que le gouvernement belge accepte de construire : les lignes Louvain-Aix-la-Chapelle et Stavelot-Malmédy « voilà les deux outils de guerre dont les pangermanistes se serviront un jour contre la Belgique »91. Enfin, dernière preuve et non des moindres de « ce péril venu de l’est », l’espionnage allemand en Belgique. Sans s’appesantir sur les protestations provoquées périodiquement par les ballons qui survolent la Belgique, on peut signaler l’apparition de la peur d’une sorte de cinquième colonne. Le Petit Journal se demande ce que font en Belgique les milliers d’Allemands qu’on a laissé s’infiltrer et ce qu’ils feront si un conflit venait à éclater92. Ne sont-ils pas l’avant-garde des armées dont ils prépareront les cantonnements et dont ils assureront le ravitaillement ? Ces ingénieurs, techniciens et autres agents ne mettront-ils pas à la disposition de l’envahisseur l’économie de la Belgique qui pourra devenir « la véritable base d’opération des armées allemandes »93 ?

  • 94 La Métropole, 26 novembre 1907, le Matin, 1er mars 1909, le Bien Public, 26- 27 mai 1911.
  • 95 14 octobre 1906.
  • 96 5 décembre 1905.

36Cette vision d’une Allemagne conquérante et machiavélique est mise en cause par une autre partie de la presse belge qui cherche à tourner en dérision la thèse de la germanisation de la Belgique taxée de fable, d’invention...94. Même des organes libéraux comme La Gazette soulignent que l’infiltration allemande n’est pas plus menaçante que l’infiltration française95. L’existence de cette double menace paraît plutôt rassurante à la Gazette de Liège qui écrit : « nous sommes un peu comme le Turc, l’homme malade que tant d’appétits guettent et qui perdure à l’abri de ces appétits rivaux »96.

  • 97 Le Matin, 1er mars 1909.
  • 98 Gazette de Liège, 5 décembre 1912.
  • 99 Journal de Bruxelles, 4 septembre 1906.

37En même temps, ces journaux s’efforcent de donner une image positive de l’Allemagne et des Allemands, pleins de tact et de mesure97 qui sont proposés en modèles : « il faudrait... imiter leur ténacité, leur patience, leur endurance, leur sobriété... pour tâcher comme eux de conquérir le monde commercialement parlant »98. L’officieux Journal de Bruxelles, notamment, exprime avec force son admiration pour l’Allemagne : « D’année en année nous apprenons à mieux connaître, à mieux comprendre, à mieux apprécier cette merveilleuse puissance germanique qui concilie si bien le respect des principes de tradition et d’autorité avec toutes les exigences de la pensée moderne et qui s’est affirmée en maîtresse dans la lutte industrielle par des moyens dont notre petite et active Belgique cherche elle-même à s’inspirer, tels que le progrès de l’enseignement technique et le perfectionnement des transports »99.

38Face à ses deux voisins, l’opinion belge paraît donc profondément divisée. Un clivage fondamental sépare la majorité catholique, plus favorable à l’Allemagne qu’à la France anticléricale et l’opposition, surtout libérale, mieux disposée à l’égard de la République et plus réservée à l’égard du Reich. Pourtant, les appréciations sur les deux pays et sur la politique de leurs gouvernements respectifs ne sont pas déterminées de manière rigide par les appartenances partisanes. Si tous les catholiques portent un regard sévère sur la France anticléricale, ils n’ont pas une vision uniforme de sa politique extérieure, pacifique – sans doute par nécessité – pour certains, plus agressive, arrogante ou revancharde pour d’autres. Inversement, tous les libéraux ne sont pas des inconditionnels de la France, la presse libérale flamande se montre souvent bienveillante pour l’Allemagne sur qui elle porte des jugements modérés.

39Les contrastes n’existent pas seulement entre les visions des droites catholiques et celles des oppositions de gauche ; ils concernent aussi l’image de l’Allemagne globalement plus positive et celle de la France. L’Allemagne s’impose comme une puissance solide, prospère, dynamique, moderne, expansionniste, dangereuse peut-être mais souvent proposée en modèle à la Belgique. Quant à la France, elle apparaît comme un pays affaibli, divisé, déchiré, désorganisé, certes conciliante et pacifique mais aussi contrainte à la défensive.

40Ces clivages multiples resurgissent aussi à l’occasion des débats sur la sécurité de la Belgique.

Polémiques autour du renforcement de la sécurité belge

  • 100 La commission créée par l’arrêté royal du 10 novembre 1900, comprend 26 personnalités civiles et mi (...)
  • 101 D’après la loi de 1902, l’armée belge doit compter 42 800 hommes en temps de paix et 180 000 en tem (...)
  • 102 Travaux de la commission mixte. CR dans A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.
  • 103 Ibid.

41Aux lendemains de la formation de l’Entente cordiale et de la première crise marocaine, la question de la sécurité de la Belgique se trouve au cœur d’un certain nombre de projets qui préoccupent aussi les pays voisins. Cependant, en Belgique même, l’intérêt pour les problèmes de défense reste limité à des groupes relativement restreints. En dehors des cadres de l’armée, le Roi est le principal avocat et artisan d’un effort accru en faveur de la défense, dans un pays où la tradition antimilitariste est très forte à la fois dans la population flamande et dans les milieux influencés par l’idéologie socialiste. Comme l’ont montré les travaux de la commission mixte de 1900100 et les débats autour de la réforme militaire de 1902101, l’opinion parlementaire est divisée sur ces questions. Une large fraction du parti catholique, conduite par Charles Wœste, est presque aussi hostile à tout effort militaire que le parti ouvrier belge. Affirmant sa confiance dans les traités de garantie, Wœste estime qu’il est inutile d’armer la Belgique jusqu’aux dents. Selon lui, un gros effort militaire ne ferait que démontrer à l’Europe que la Belgique n’a pas confiance dans son statut de neutralité, alors que des forces armées limitées suffisent à supporter un premier choc en attendant l’intervention des garants102. D’autres dirigeants catholiques, notamment des membres de la jeune droite comme Jules Renkin, tout en affirmant leur confiance dans la neutralité, considèrent cependant que la Belgique devrait se doter de moyens suffisamment puissants pour faire respecter son indépendance103. Quant aux libéraux, ils ne sont pas favorables à tout effort militaire mais ils condamnent le système de recrutement archaïque et injuste fondé sur le remplacement et préconisent l’instauration du service militaire obligatoire mais de courte durée.

Les fortifications d’Anvers

  • 104 A cette époque, les plans de défense étaient établis en fonction de la menace que Napoléon III lais (...)

42En 1905, c’est la question des fortifications d’Anvers qui arrive au premier plan des préoccupations de défense. Depuis 1859104, Anvers est considéré comme le réduit national où doivent se réfugier le Roi, le gouvernement et le Parlement – en cas de menace sur la capitale – ainsi que l’armée de campagne, si elle était contrainte au repli. Mais les fortifications construites dans les années 1860 ont perdu toute valeur défensive et gênent l’extension de la ville si bien, qu’à partir de 1900, des projets de modernisation sont à l’étude sous l’impulsion du Roi. Le 16 mai 1905, le gouvernement Smet de Nayer dépose un projet de loi prévoyant la destruction des fortifications de 1860 et la construction d’une nouvelle enceinte permettant à la fois de mieux protéger un réduit national agrandi et d’étendre les installations portuaires.

43Si l’unanimité se fait en faveur des travaux maritimes, le projet de nouvelles fortifications se heurte à l’opposition des socialistes, des libéraux et d’une partie des catholiques. Jugées trop coûteuses – plus de 100 millions de francs – ces nouvelles fortifications sont aussi considérées comme nécessitant d’importants effectifs pour les défendre ; or, certains leaders de la majorité catholique veulent à tout prix éviter une augmentation du contingent.

  • 105 Allusion à la loi qui a mis en œuvre un vaste programme de construction de voies ferrées.
  • 106 Discours de Léopold II à Bruxelles, 21 juillet 1905 (d’après Bruxelles à M.A.E.f., 27 juillet 1905, (...)
  • 107 L’expression serait de G. Hellepute, l’un des leaders catholiques hostiles au projet (cf. Anvers à (...)
  • 108 Il est voté le 24 janvier à la Chambre par 82 voix contre 77 et 3 abstentions et le 15 mars au Séna (...)
  • 109 Note sur la place fortifiée d’Anvers, 1914, 62 p., Vincennes, 7 N 653.

44Léopold II a beau utiliser les fêtes du jubilé de juillet 1905 pour partir « en croisade » en faveur de ce projet présenté comme l’initiative la plus utile depuis 1834105 et qui doit fournir une base moderne pour la prospérité et la sécurité de la Belgique106, le gouvernement ne parvient pas à le faire voter « presque sans débat, entre deux Brabançonnes »107 en comptant sur l’enthousiasme lié au 75e anniversaire de l’indépendance. Le projet, ajourné une première fois au mois d’octobre, remanié afin de diminuer les dépenses et de rallier la droite « dissidente », ne peut être adopté qu’au début de l’année 1906108. Mais cette loi ne donne encore qu’un accord de principe ; le tracé des nouvelles fortifications entièrement situées sur la rive droite de l’Escaut est fixé seulement par une loi votée en août 1907. Les travaux, qui doivent commencer en 1909 et durer quatre ans, ne se terminent en fait, qu’avec un peu de retard, en 1914109.

  • 110 J. Wuillequet, « Appréciations allemandes sur la valeur de l’armée belge et les perspectives de gue (...)
  • 111 Ibid. (Cet ordre jugé inopportun par Winterfeldt soutenu par la légation de Bruxelles ne sera pas e (...)

45En Allemagne, on semble considérer que ces fortifications sont destinées à couvrir un débarquement britannique110. Hostile au projet, Schlieffen demande au capitaine Winterfeldt, attaché militaire à Bruxelles, d’inspirer un article à publier dans un journal belge, afin de combattre ce projet de fortifications111.

  • 112 Bruxelles à M.A.E.f., 3 juillet 1905, A.E. Paris, NS 12.
  • 113 Anvers à M.A.E.f., 21 octobre 1905, A.E. Paris, NS 12.
  • 114 J. Bosmans, Camp retranché d’Anvers, Bruxelles, 1907, 14 p. (très hostile au gouvernement catholiqu (...)
  • 115 9 juillet 1905.

46Côté français, on semble perplexe. Gérard se demande si le gouvernement belge « se croit plus menacé sur l’Escaut que sur la Meuse »112. On ne manque pas de relever tous les avis qui craignent que ces travaux n’avantagent l’Allemagne. Selon une rumeur, le Reich serait favorable à la réalisation du projet et aurait laissé entendre que, le cas échéant, il « prêterait » des troupes et du matériel pour mettre les forts en état de résister aux attaques d’armées étrangères113. On remarque aussi une brochure très polémique dans laquelle Jules Bosmans affirme que le camp d’Anvers – qui sera seize fois plus vaste que celui de Metz – ne peut servir ni à défendre la neutralité ni à attendre le concours des Puissances étrangères mais doit constituer une base d’opération pour l’Allemagne114. Un article de la Belgique maritime et coloniale considère qu’il faudrait aussi défendre Anvers du côté de l’Escaut car une flotte de guerre pourrait remonter rapidement l’embouchure ; il craint visiblement autant la marine allemande que la britannique et laisse entendre qu’un capitaine du Norddeutscher Lloyd serait parfaitement capable de guider un navire de guerre qui remonterait l’Escaut115.

  • 116 Paris à M.A.E.b., 13 août 1906, CP France, Compl.
  • 117 Cette thèse est réfutée par le Journal de Bruxelles, 11 juillet 1906 qui estime qu’Anvers pourrait (...)

47En fait, les Français ne paraissent pas accorder à ce projet d’Anvers une importance excessive. Selon le général Langlois, qui passe pour exprimer les opinions des sphères gouvernementales françaises116, les fortifications d’Anvers n’auraient pas grande utilité en temps de guerre117. Ce général à la retraite, ancien membre du Conseil supérieur de la guerre, qui est devenu sénateur, écrivain militaire et membre de l’Académie française, considère que la Belgique peut laisser tomber le projet d’Anvers et qu’elle doit plutôt chercher à garantir sa sécurité grâce à une entente avec les Pays-Bas. Langlois soutient donc à fond l’idée d’une entente hollando-belge qui reprend vigueur à partir de 1905.

L’Entente hollando-belge

  • 118 Les articles d’E. Baie sont précédés par une série d’interviews de personnalités politiques sous le (...)

48Vieux thème, qui resurgit périodiquement depuis 1830, le rapprochement entre les Pays-Bas et la Belgique est conçu à partir de 1905 comme un moyen de résister au « péril allemand ». Lancé par une série de quatre articles d’Eugène Baie dans le Petit Bleu, en décembre 1905118, le projet est soutenu en Belgique par un certain nombre de publicistes et d’avocats : L. Dumont-Wilden, O. Grosjean, L. Hennebicq, J. des Cressonnières... Leur thèse repose sur la conviction que les deux pays sont également menacés d’une absorption économique par l’Allemagne qui a besoin de débouchés sur la Mer du Nord, à Amsterdam, Rotterdam et Anvers. De même, en cas de guerre, la neutralité des deux pays risque d’être violée. Pour faire face au danger, Pays-Bas et Belgique ont donc intérêt à constituer une entente à la fois économique et militaire.

  • 119 Notamment dans le Nineteen Century en septembre 1906, dans le Spectator en octobre 1906 (cf. Londre (...)

49Cette idée est encouragée par des personnalités françaises comme le général Langlois, Yves Guyot ou Charles Malo. Langlois publie plusieurs séries d’articles dans Le Temps (de décembre 1905 à mars 1906) et dans la Revue Bleue (entre le 5 mai et le 9 juin 1906) dont les thèmes sont repris dans une brochure sous le titre La Belgique et la Hollande devant le pangermanisme. L’économiste Yves Guyot, ancien ministre des Travaux publics, fait paraître, fin 1906-début 1907, des articles dans la presse anglaise et américaine119. A l’automne 1907, Charles Malo écrit, à son tour, cinq articles sur « La Belgique et la Hollande dans la prochaine guerre » dans le Journal des Débats. Il ne manque pas de citer les écrits du général Langlois et de développer des thèmes analogues.

50Toutes ces publications insistent sur les visées annexionnistes de l’Allemagne qui menacent l’indépendance de la Belgique et des Pays-Bas. D’ailleurs, l’invasion pacifique n’a-t-elle pas commencé sur le plan économique par une Allemagne qui étouffe dans ses frontières ? Or l’annexion politique risque de suivre l’annexion économique ; en cas de guerre, la Belgique et la Hollande seront forcément entraînées dans le conflit. La Belgique ne devrait pas trop compter sur les garanties internationales car, pour des raisons stratégiques, l’armée allemande serait obligée d’emprunter son territoire. Ces auteurs sont tous convaincus que, dans l’état actuel, Belges et Hollandais sont incapables de résister à une invasion. Seuls un renforcement des armées et la conclusion d’une alliance militaire pourraient écarter le danger et sauvegarder l’indépendance des deux pays qui ne manqueraient pas d’obtenir le soutien moral et matériel de l’Entente cordiale.

  • 120 Une conférence sur l’Entente faite au printemps 1906, à Amsterdam, par E. Baie, L. Hennebicq et P.- (...)
  • 121 L’Indépendance belge, 11 septembre 1906 et 21 octobre 1907.
  • 122 Bruxelles à A.A., 8 septembre 1906, Bonn, Belgien 60, t. 4.
  • 123 Bruxelles à A.A., 30 avril 1907, Bonn, Belgien 60, t. 4.
  • 124 Bruxelles à A.A., 15 septembre 1906, Bonn, Belgien 60, t. 4.
  • 125 Elle invite L. Hennebicq et des Cressonnières à venir faire des conférences les 11 mars et 8 avril  (...)

51Cette campagne ne provoque pas d’enthousiasme en Belgique – et encore moins aux Pays-Bas120. Certes, certains organes belges diffusent les thèses des Langlois, Malo...121 mais d’autres, comme le Journal de Bruxelles, gardent leurs distances à l’égard de l’Entente hollando-belge et certains, comme le Patriote en prennent le contre-pied122. Les diplomates allemands à Bruxelles notent que le grand public belge reste indifférent à l’égard du projet123 et, qu’avec cette propagande, les Français se sont fait quelques ennemis parmi les Belges hostiles aux dépenses militaires124. Seuls quelques groupes restreints, comme par exemple la Chambre de commerce de Bruxelles, s’intéressent au projet125.

  • 126 Bruxelles (attaché militaire) à Berlin, 22 février 1907, Bonn, Belgien 60, t. 4 et La Haye à M.A.E. (...)
  • 127 Ibid.
  • 128 Kölnische Zeitung, 20 mars 1907 et Bruxelles à A.A., 26 mai 1909, Bonn, Belgien 60, t. 5.
  • 129 Conversation après un dîner chez Beemaert. CR dans A.G.R., Papiers Van der Elst, dossier141.

52Malgré quelques contacts officieux entre délégués des deux pays, l’Entente n’a pas de chance de se réaliser. En février 1907, une conférence d’officiers se tient à Bréda, sur invitation des Hollandais126. Le capitaine d’artillerie Tonnet, qui est aussi un écrivain militaire connu aux Pays-Bas, introduit la discussion en se montrant très peu favorable à l’Entente hollando-belge. Selon lui, les deux Etats constituent une protection de flanc contre l’Angleterre dont le Reich ne voudra pas se priver. Il ne prend pas au sérieux le risque d’invasion allemande et, si elle devait se produire, il ne croit pas beaucoup aux possibilités de coopération entre l’armée belge et l’armée néerlandaise, plus faible et plus lente à se mobiliser. Les officiers belges expriment, eux aussi – très poliment à en croire l’attaché militaire allemand – leur refus d’une alliance militaire127. De même, les pourparlers sur les questions économiques n’auraient abouti à aucun résultat128. Cependant, au cours d’une conversation privée, Van der Elst et le ministre des Pays-Bas, Van den Staal, évoquent la possibilité d’une entente militaire. Selon le ministre hollandais, il faudrait s’entendre discrètement « pour que les Puissances ne se doutent de rien, sinon elles ne nous laisseront pas en paix »129.

  • 130 25 août 1906.
  • 131 20 mars 1907.
  • 132 5 avril 1906.
  • 133 Washington à A.A., 18 novembre et 5 décembre 1907, 16 janvier et 28 février 1908, Bonn, Belgien 60, (...)

53Côté allemand, on suit de très près cette affaire dont on cherche à minimiser la portée. La Kölnische Volkszeitung estime que les intérêts de l’Allemagne ne seraient pas menacés par une Entente hollando-belge mais elle suggère que la Belgique, qui a intérêt à faire respecter sa neutralité, devrait rester à l’écart des démonstrations hostiles au Reich130. De même, la Kölnische Zeitung déclare qu’une Entente ne serait d’aucune importance pour la paix mondiale131. La Frankfurter Zeitung s’efforce de montrer que l’Allemagne n’a aucune intention annexionniste et qu’en cas de guerre – et de blocus – le Reich aura surtout besoin de ports neutres pour son commerce132. Les autorités allemandes s’efforcent aussi de contrecarrer cette propagande jugée calomnieuse, notamment aux Etats-Unis où le ministre d’Allemagne, Sternburg, fait insérer dans la North American Review du 28 février 1908, un article qui doit rectifier la perception que l’opinion américaine peut avoir de la politique allemande à l’égard de la Belgique et des Pays-Bas après les articles de Guyot133.

  • 134 C’est en tout cas ce que pense son collègue, l’attaché militaire d’Allemagne, Renner.
  • 135 Bruxelles (attaché militaire) à Berlin, 30 avril 1910, Bonn, Belgien 60, t. 5.
  • 136 22 avril 1910.
  • 137 Paris (Radolin) à A.A., 22 avril 1910, Bonn, Belgien 60, t. 5.

54La campagne, qui se calme par moments, est relancée périodiquement. Le 21 avril 1908, le général Langlois parle dans Le Temps des « progrès de l’Entente hollando-belge » en évoquant les publications parues sur ce thème aux Pays-Bas et en Belgique sous les signatures du Hollandais Klerck et du général belge de Heusch. Il rappelle que l’Entente serait une garantie pour la paix car la France protégée par la Suisse et le bloc hollando-belge serait inattaquable. Début 1910, La France militaire revient à la charge, peut-être à l’instigation de l’attaché militaire à Bruxelles134, avec cinq articles qui s’appuient, eux aussi, sur les écrits de Klerck et de Heusch qui sont des « apôtres d’une alliance hollando-belge »135. En avril, c’est au tour du journal La Croix à conseiller aux Belges et aux Hollandais de s’allier pour se mettre « à l’abri de l’absorption allemande »136 ce qui permet à Radolin de souligner une fois de plus combien ce projet est séduisant du point de vue français137.

  • 138 « Die Neutralität Hollands und seine Bedeutung in einem englisch-französisch-deutscher Kriege ».
  • 139 Kölnische Zeitung, 28 septembre 1910.
  • 140 M. Guerre à A.A., 1er décembre 1910 et A.A. à M. Guerre, 10 décembre 1910, Bonn, Belgien 60, t. 5.

55Une contre-offensive se dessine à nouveau, en Allemagne, avec un article de R. von Bieberstein dans les Neuen militärischen Blätter du mois d’avril 1910 qui cherche à montrer que le danger vient de France et d’Angleterre138. Cet article est cité par la Belgique militaire en août mais, alors que l’article allemand présentait Anvers comme un point d’invasion pour l’Angleterre, la revue belge souligne que l’Allemagne aussi pouvait avoir intérêt à occuper la grande métropole à titre préventif139. Ce dérapage incite les autorités allemandes à conseiller la prudence aux journalistes et écrivains militaires afin de ne pas relancer les débats sur le péril allemand140.

L’arrangement « Mer du Nord »

  • 141 Note du 12 avril 1911, la Belgique et les arrangements de 1908 concernant la mer du Nord, A.E. Brux (...)

56C’est pour contrecarrer cette propagande qui dénonce les visées conquérantes du Reich, que Berlin prend, en 1908, une initiative diplomatique en vue de garantir le statu quo entre les pays riverains de la mer du Nord141.

  • 142 Berlin à M.A.E.b., 20 janvier 1908, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 8.
  • 143 Note du 12 août 1911, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 9.

57Profitant du voyage de Guillaume II à Londres et Amsterdam, début 1908, le gouvernement allemand fait des ouvertures à ces deux capitales et propose de conclure un arrangement garantissant le statu quo territorial. La France est invitée à participer à cette négociation, un peu plus tard, sans doute à la demande expresse du Foreign Office qui en fait une condition pour sa propre adhésion142. Quant à la Belgique, elle n’est pas invitée et ne souhaite pas participer à cet arrangement qui ne pourrait lui offrir une garantie aussi large que le traité de 1839, ce dernier étant signé par un plus grand nombre de Puissances et couvrant, non seulement l’intégrité territoriale, mais aussi la neutralité et l’indépendance. Le gouvernement belge estime donc « sage de rester en dehors » pour ne pas affaiblir le traité de 1839 ou faire croire qu’il est devenu caduc143.

  • 144 Berlin à M.A.E.b., 17 janvier 1908, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 8.
  • 145 Berlin à M.A.E.b., 28 janvier 1908, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 8.
  • 146 Berlin à M.A.E.b., 17 février 1908, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 8.
  • 147 Paris à M.A.E.b., 13 février 1908, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 8 et note du 12 août 1911, A.E. Bruxe (...)
  • 148 Ibid.

58Cependant le gouvernement allemand, qui est à l’origine du projet, prend d’infinies précautions pour ménager la susceptibilité des Belges. D’entrée de jeu, le secrétaire d’Etat von Schœn s’entretient avec Greindl sur l’opportunité de faire participer son pays144 Comme les Belges semblent pencher vers l’abstention, il lui déclare cependant que si la Belgique voulait participer, elle serait reçue à bras ouverts et que le gouvernement allemand ne lui a pas envoyé de proposition, simplement parce que la Belgique possédait déjà la garantie qui allait être offerte145. Quelques jours plus tard, Schœn promet encore à Greindl qu’au cas invraisemblable où l’arrangement prendrait une tournure susceptible de mieux garantir la Belgique, il l’informerait à temps pour qu’elle puisse s’y joindre146. Après une certaine hésitation, surtout à Londres, où l’on ne veut pas laisser la Belgique dans l’ignorance de ce qui se passe147, les gouvernements français et anglais considèrent eux aussi que la Belgique a intérêt à ne pas adhérer pour ne pas risquer d’amoindrir la garantie donnée par les Puissances148.

  • 149 M.A.E.b. à Londres, 17 janvier 1908, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 8.
  • 150 M.A.E.b. à Berlin, 17 janvier 1908, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 8.
  • 151 Berlin à M.A.E.b., 20 janvier 1908, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 8.
  • 152 Ibid.

59Ce projet, qui ne les concerne qu’indirectement, réjouit beaucoup les autorités belges. Il est en effet perçu comme une riposte à la campagne développée dans la presse franco-anglaise pour dresser les Belges et les Hollandais contre l’Allemagne149 et il est présenté comme la preuve que le gouvernement de Berlin ne rêve pas d’agrandissement territorial150. Greindl écrit que, même si la garantie du statu quo n’a « d’autre effet que d’entamer la légende des visées ambitieuses de l’Allemagne, nous devrions y applaudir comme de nature à éclairer l’opinion publique »151. Il espère que cet accord mettra fin à la « campagne menée à Paris et à Londres dans le but d’entraîner la Belgique et les Pays-Bas dans l’orbite de la France et de l’Angleterre sous le prétexte de nous mettre à l’abri du péril imaginaire d’une agression allemande et qui, si elle réussissait nous ferait courir le danger très réel de nous aliéner les sympathies de la seule puissance auprès de laquelle nous puissions espérer trouver un appui dans le cas d’un conflit européen »152.

  • 153 M.A.E.b. à Londres, 17 janvier 1908, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 8.
  • 154 Berlin à M.A.E.b., 28 janvier 1908, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 8.
  • 155 M.A.E.b. à Berlin, 17 janvier 1908, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 8.
  • 156 M.A.E.b. à Berlin, 25 janvier 1908, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 8.
  • 157 Berlin à M.A.E.b., 20 janvier 1908, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 8.

60Cependant, face à ces négociations, les Belges oscillent entre espoir et scepticisme. Ils souhaitent voir s’affirmer une politique de paix153 et ils se réjouissent de tout ce qui garantit mieux la sécurité des Pays-Bas qui ont les mêmes intérêts que la Belgique154. Mais ils craignent que l’initiative allemande ne désarme pas les adversaires du Reich toujours convaincus de ses visées conquérantes155. Ils constatent que la proposition allemande n’est pas vue d’un bon œil par Londres, peut-être à cause du succès diplomatique que remporterait l’Allemagne156. Ils ont l’impression que la négociation marche péniblement parce que la France, qui est persuadée que l’Allemagne a essayé de l’exclure de l’arrangement, reste méfiante et Greindl se demande si cette méfiance est réelle, si elle est le résultat d’une « habitude contractée à Paris de prêter à l’Allemagne des arrière-pensées perfides » ou si ce n’est qu’une feinte pour empêcher l’Allemagne de remporter un succès diplomatique prouvant qu’elle n’a aucun désir d’agrandissement157.

  • 158 La Norvège dont la neutralité est garantie par un traité signé en 1907 n’a pas été invitée.
  • 159 Note du 12 août 1911, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 9.

61Malgré ces quelques freinages, les négociations aboutissent le 23 avril 1908 à la déclaration de Berlin signée par six puissances : Royaume-Uni, France, Allemagne, Pays-Bas, Danemark et Suède158. Inspirée de l’arrangement méditerranéen entre la France, l’Angleterre et l’Espagne, elle proclame la volonté des signataires de consolider les liens de bon voisinage et d’amitié et leur résolution « à conserver intacts et à respecter réciproquement les droits souverains dont jouissent actuellement leurs pays sur leurs territoires respectifs dans ces régions ». Les puissances s’engagent aussi à se concerter, si nécessaire, sur les mesures utiles au maintien du statu quo159.

  • 160 M.A.E.b. à La Haye, Paris, Londres, Copenhague, 13 mars 1908, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 8.

62La Belgique applaudit à cette « déclaration solennelle dont l’Empereur a pris l’initiative », qui contribuera sans doute « à démontrer que l’Allemagne, satisfaite de ses limites, n’entretient aucune intention agressive » et qui aidera à détruire une légende qui pouvait créer un grave danger160. En fait, cet arrangement très peu contraignant ne change pas fondamentalement les données des relations internationales et ne met pas fin aux campagnes antiallemandes.

La loi militaire belge de 1909

  • 161 Notamment par P. Hymans, à la Chambre des Représentants (cf. Anvers à M.A.E.f., 9 décembre 1905, A. (...)

63En Belgique, c’est plutôt d’une réforme militaire qu’on attend une meilleure garantie de la neutralité et de l’intégrité territoriale. Réclamée par les libéraux, dès 1905-1906, à l’occasion des débats sur les fortifications d’Anvers161, la révision de la loi de 1902 paraît de plus en plus nécessaire à beaucoup de dirigeants et semble devoir s’imposer à la suite de la crise de Bosnie-Herzégovine qui s’ouvre en octobre 1908, avec l’annexion de ces provinces par l’Autriche-Hongrie. Journalistes, diplomates, militaires, politiciens, parlementaires – sans oublier la dynastie – sont alors nombreux à demander le renforcement de l’armée belge considérée comme le principal bouclier de la neutralité en cas de guerre.

  • 162 Greindl à M.A.E.b., 30 novembre 1908 et 16 janvier 1909, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 8. Les mêmes th (...)
  • 163 Dépêche du 16 janvier 1909.
  • 164 Dépêche du 30 novembre 1908.
  • 165 Ibid.

64En analysant la crise diplomatique, Greindl rappelle quelques idées-forces qui lui sont chères pour en conclure à l’urgence d’un effort militaire162. Sans doute ne croit-il pas la guerre inévitable dans l’hiver 1908-1909 mais, même si la crise des Balkans évolue vers une issue pacifique, l’Europe restera « troublée et instable pour longtemps »163. A son avis, le danger de guerre qui existe depuis 37 ans en raison du désir de revanche de la France et qui s’est aggravé récemment par « l’encerclement de l’Allemagne mené par le roi d’Angleterre »164 ne prendra pas fin avec la crise actuelle. Il va durer jusqu’à ce que la stagnation de la population française et la croissance de celle de l’Allemagne aient établi une disproportion telle que la lutte devienne impossible165.

  • 166 Ibid.
  • 167 Dépêche du 16 janvier 1909.
  • 168 Ibid.
  • 169 Ibid.

65Si la guerre éclatait, Greindl ne croit pas que la neutralité de la Belgique serait respectée : « si j’avais jamais eu confiance dans la neutralité assumée par les grandes puissances, je l’aurais perdu en voyant la plus honnête d’entre elles violer le traité de Berlin au risque de mettre le feu à l’Europe »166. Il pense au contraire que les « considérations stratégiques primeront »167 ce qui amènera les belligérants à violer le territoire belge. Il sait que de grands travaux d’Etat-major ont été faits en Allemagne « pour l’étude d’un plan de campagne impliquant un passage par la Belgique »168. Il s’interroge, certes, sur la signification de ces travaux : l’Etat-major allemand a-t-il reconnu que l’insouciance belge rendait une violation de sa neutralité indispensable ou veut-il simplement être prêt à toute éventualité ? Greindl pense que les Allemands ne feront de confidences sur leurs projets exacts à personne mais qu’on peut faire un calcul de probabilité. Or, ceux qui ont fait ce calcul à Paris et Londres sont arrivés à la conclusion que le passage par la Belgique était indispensable et Greindl ne voit pas « comment on pourrait la réfuter »169.

  • 170 Dépêche du 30 novembre 1908.
  • 171 16 janvier 1909.
  • 172 Ibid.

66La leçon à tirer de cette démonstration s’impose à Greindl : « nous n’avons de chance d’échapper à la tourmente que si l’armée belge est assez forte numériquement et assez bien organisée pour qu’il y ait désavantage et non pas avantage stratégique à passer par notre territoire »170. Autrement dit, la seule garantie efficace de la neutralité est celle que la Belgique peut se procurer à elle-même en renforçant son armée qui doit avoir des effectifs de paix suffisants pour résister au premier choc car « une agression soudaine peut se produire à l’Est ou à l’Ouest et plus probablement des deux côtés à la fois »171, avant même le début de la mobilisation belge. Il est donc « urgent de nous mettre à la besogne si nous ne voulons pas être pris au dépourvu »172.

  • 173 Gaiffier à Van der Elst, 4 janvier 1909, A.G.R., Papiers Van der Elst, dossier52.
  • 174 Ibid.

67D’autres diplomates se montrent tout aussi préoccupés des risques d’invasion et de la nécessité d’une réforme militaire. Début janvier 1909, Edmond de Gaiffier écrit à Van der Elst : « Nous savons que d’après le plan du grand Etat-major, l’aile droite de l’armée allemande, en cas de guerre contre la France, passera dans le Grand-Duché, le Luxembourg et la province de Namur pour atteindre la Marne par la vallée de l’Oise »173. Ne croyant pas beaucoup au respect des traités, il estime qu’« un homme de notre parti doit se lever et dire à la majorité qu’il dépend d’elle que la Belgique soit forte à l’intérieur et respectée en dehors ou bien qu’elle soit chancelante et que tout le monde sache que nous ne sommes pas en mesure de défendre notre existence »174.

  • 175 Siben à M. Guerre, 27 janvier 1907, Vincennes, 7N 1155 et Duruy à M. Guerre, 2 août 1909, Vincennes (...)
  • 176 Duruy à M. Guerre, 2 août 1909, Vincennes, 7N 1156.
  • 177 Duruy à M. Guerre, 26 juillet 1909, Vincennes, 7N 1156.
  • 178 Ibid.
  • 179 Duruy à M. Guerre, 9 novembre 1909, Vincennes, 7N 1156.

68L’Etat-major semble adopter un point de vue très voisin. Le général Ducame reprend, lui aussi, inlassablement les idées défendues depuis 1901. Craignant une violation par l’aile droite allemande passant au sud de la Meuse, il veut renforcer la capacité de résistance – et de dissuasion – de l’armée belge175. Si quelques officiers, comme le général Dujardin, croient à un passage des armées allemandes par la rive gauche de la Meuse, moins accidentée et riche en routes ou chemins de fer, la majorité des responsables de l’armée redoutent une violation du Sud du pays176. Cette hypothèse d’une traversée par le Sud de la Meuse paraît également la plus plausible en cas d’invasion française, car plus le passage se fera au Sud, plus il sera rapide et plus l’envahisseur aura des chances d’échapper aux coups de l’armée belge177. Pour agir efficacement et rapidement, l’armée belge devrait donc se concentrer à peu de jours de marche de la zone menacée, vers Neufchâteau comme le préconise le général Ducarne178. Mais tous les officiers belges ne paraissent pas aussi déterminés que lui à voir l’amée belge passer à l’attaque179.

  • 180 Le Soir, 16 janvier 1909.
  • 181 La Ligue de la défense nationale est créée en 1908 dans les milieux libéraux pour promouvoir la réf (...)
  • 182 Duruy à M. Guerre, 2 août 1909, Vincennes, 7N 1156.
  • 183 Ibid.
  • 184 A titre d’exemple, on peut signaler L’invasion de la Belgique, 1906, traduit en anglais en 1907 (le (...)

69La presse belge répand aussi, largement, l’idée d’une probable violation de la neutralité. Le Soir craint une invasion allemande « fixée de longue date » qui amènera la cavalerie allemande sous les forts de Liège, quelques heures seulement après la déclaration de guerre180. La Belgique militaire croit à une invasion « par surprise » et le Bulletin de la ligue de la défense nationale181 estime que l’armée belge, trop faible, ne pourra pas gêner vraiment l’envahisseur182. Certains évoquent aussi la double invasion, des Allemands d’abord, suivis d’une riposte des Français183. Des brochures évoquent la même perspective, en Belgique ou à l’étranger184.

  • 185 Comme directeur de l’Artillerie au ministère de la Guerre dans les premières années du siècle, puis (...)
  • 186 A. Crahay, Le Roi et la défense du pays, pp. 84-85.
  • 187 E. Wanty, Le milieu militaire belge de 1830 à 1841, p. 212.
  • 188 Ibid.
  • 189 Libéraux et socialiste sont hostiles au remplacement et favorables au service personnel court, mais (...)

70C’est dans ce contexte que le général Hellebaut185, ministre de la Guerre dans le gouvernement Schollaert, est amené à faire, le 24 novembre 1908, devant la Chambre des Représentants, une déclaration sur la nécessité de modifier l’organisation militaire de la Belgique. S’il est soutenu par Léopold 11186 et par le prince Albert187, il va se heurter à de fortes résistances au sein même de la majorité catholique et même à l’intérieur du gouvernement au point de friser la crise ministérielle. En effet, Hellebaut se déclare favorable à la suppression du système du remplacement qui « fait de la Belgique la risée de l’Europe » comme l’avait écrit L’Universitaire catholique de Louvain188. Pour augmenter les effectifs, il préconise l’instauration du service personnel généralisé avec une durée du service actif assez courte et des exemptions relativement nombreuses. Si cette proposition peut séduire la jeune droite et l’opposition189, elle va à l’encontre des tabous de la vieille droite regroupée derrière un porte-parole, Charles Wœste, et quelques porte-drapeaux comme le Bien Public, le Patriote ou la Gazette de Liège.

  • 190 Journal de Bruxelles, 15 et 22 décembre 1908. (Le journal résume les thèses qu’il combat).

71La longue controverse interne entre les champions et les ennemis du service personnel ne concerne que partiellement les relations internationales. Dans les motivations des adversaires se mélangent les préoccupations financières, électorales, sociales et religieuses : éviter une réforme coûteuse à la veille des élections de 1910, épargner la caserne aux fils de bourgeois, éloigner les jeunes catholiques de l’armée, lieu de perdition. Mais l’argumentation antimilitariste qui vise à démontrer l’inutilité de la réforme se réfère, parfois avec mauvaise foi, à des problèmes internationaux pour minimiser le danger : pourquoi augmenter les effectifs alors que la neutralité belge est garantie par les Puissances et que l’armée a surtout un rôle de maintien de l’ordre à l’intérieur ? Pourquoi craindre une violation à laquelle personne n’a intérêt ? La France n’est-elle pas trop faible pour constituer encore un danger ? L’Allemagne ne sait-elle pas très bien qu’en violant la neutralité, elle s’attire une attaque anglaise ? Pourquoi l’Allemagne ferait-elle le détour par la Belgique alors que la route directe pour Paris passe ailleurs ? Les envahisseurs potentiels ne savent-ils pas que les routes des Ardennes sont peu commodes et que les chemins de fer sont faciles à dynamiter190 ?

  • 191 Ibid. « A propos de la défense nationale », 22 décembre 1908.
  • 192 Ibid. « Une thèse antimilitariste », 15 décembre 1908.

72Les thèses antimilitaristes sont battues en brèche par des journaux libéraux ou certains journaux catholiques. L’officieux Journal de Bruxelles affirme que la Belgique ne doit pas compter seulement sur la neutralité pour assurer la sauvegarde du territoire ; elle doit se doter d’une armée capable de résister à une invasion étrangère et de tenir au moins jusqu’à l’arrivée des armées des puissances garantes191. Dans un article signé Harold, cet organe montre que le risque de violation a augmenté depuis 1870 car le Reich ne peut pas disposer ses énormes effectifs le long de la frontière franco-allemande192. Il affirme que neuf excellentes routes relient à travers la Belgique la zone de concentration allemande à la Meuse française.

  • 193 Bruxelles à A.A., 15 décembre 1908, Bonn, Belgien 60, t. 4.
  • 194 26 décembre 1908.
  • 195 Bruxelles à A.A., 27 décembre 1912, Bonn, Belgien 60, t. 4.

73Cet article provoque d’ailleurs une démarche de Wallwitz auprès de Davignon. Le ministre d’Allemagne estime déplaisant de voir le journal officieux affirmer que l’armée allemande a respecté la neutralité en 1870 parce qu’elle avait assez d’espace pour se déployer, avant de laisser entendre qu’il n’en sera plus de même dans une future guerre. Tout en prétendant que le gouvernement n’a rien à voir avec cet article, Davignon promet de réparer l’incident193. Deux semaines plus tard, le même chroniqueur militaire examine les risques d’une invasion française présentée comme tout aussi probable soit à travers les Ardennes, soit par la Belgique occidentale194. Mais cet article ne satisfait pas vraiment Wallwitz car, selon lui, la partie militaire a l’air d’un article commandé et l’on remarque trop que la longue introduction, qui témoigne de la bonne volonté du gouvernement à l’égard de l’Allemagne, a été écrite au ministère des Affaires étrangères195.

  • 196 Commission de 15 membres (9 de la majorité, 6 de l’opposition) qui dépose ses conclusions fin avril (...)
  • 197 Bruxelles à M. Guerre, 20 juin 1909, Vincennes, 7N 1156.
  • 198 Siben à M. Guerre, 2 mai 1907, Vincennes, 7N 1156.
  • 199 Duruy à M. Guerre, 15 janvier 1909, Vincennes, 7N 1156.

74En même temps qu’ils soulignent l’existence d’un danger, les partisans de la réforme militaire mettent en évidence les faiblesses de l’armée. La commission d’enquête réclamée par le baron Snoy dès le 24 décembre 1908 et constituée le 10 mars 1909196 souligne l’insuffisance des effectifs qui souffrent d’un déficit de 6 000 hommes en temps de paix et sans doute de 14 000 hommes environ en temps de guerre197. Les critiques ne manquent pas pour cette armée, même si certains témoignages sont nuancés. En 1907, l’attaché militaire français, Siben, trouve la cavalerie « très bonne », les officiers « instruits et travailleurs », les hommes « disciplinés et endurants » et il conclut : « Tout me porte à croire que l’armée belge sera en mesure d’offrir une résistance très sérieuse lorsqu’elle aura reçu son nouveau matériel d’artillerie de campagne »198. Son successeur est plus sévère ; pour lui, l’instruction des hommes laisse à désirer de même que la formation des officiers dont la science est trop théorique ; au total, « l’armée belge n’est pas à la hauteur du rôle que les événements peuvent l’obliger à jouer. Elle ne paraît pas en état d’interdire la traversée de la Belgique méridionale... et, encore moins, d’empêcher la marche des Allemands sur Anvers »199.

  • 200 Le projet de loi est déposé à la Chambre, le 8 juillet 1909, après plusieurs mois de tergiversation (...)
  • 201 La loi est votée par 102 voix contre 50 et 5 abstentions à la Chambre ; par 71 voix contre 22 et 9  (...)

75La réforme militaire qui s’impose finalement en 1909 est le résultat d’un compromis laborieux entre les diverses fractions de la droite et entre la majorité catholique et l’opposition200. Si le remplacement est supprimé, l’obligation militaire généralisée est écartée au profit du service personnel d’un fils par famille ce qui doit permettre de porter le contingent annuel de 13 000 à 18 000 hommes et l’armée de temps de paix à un effectif réel de 42 800 hommes. Plusieurs fois retardée, la loi est adoptée à la Chambre le 1er décembre et au Sénat le 14 décembre. Elle est signée par le roi Léopold II peu avant sa mort et promulguée le 16 décembre 1909201.

  • 202 Note M.A.E.b., 12 mars 1909, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 8.
  • 203 Note M.A.E.b., 2 juillet 1909, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 8.
  • 204 Ibid.
  • 205 Bruxelles à A.A., 30 octobre 1909, Bonn, Belgien 60, t. 5.
  • 206 Ibid.

76Les autorités allemandes et françaises paraissent très favorables à cette réforme. Dès mars 1909, le conseiller de la légation du Reich, Reuss, semble recommander le service personnel qui « serait un grand bien pour le pays »202 et qui permettrait de mieux protéger les frontières. Peu avant le dépôt du projet de loi, Wallwitz déclare, lui aussi, qu’il espère qu’une solution sera trouvée et que le pays comprendra « la nécessité pour la Belgique d’avoir une armée forte »203. Il ajoute que son gouvernement n’a pas à se mêler de cette question d’ordre intérieur mais qu’il « y attache la plus grande importance »204. Cependant, à l’occasion de la campagne qui se développe en faveur de la réforme, Wallwitz constate, avec une certaine amertume, que le danger allemand est ressenti comme plus menaçant que le français, non seulement dans la presse mais aussi en haut lieu et notamment au Palais205. Léopold II aurait même incité l’attaché militaire français à se faire l’apôtre du service personnel dans tous les milieux belges qu’il a l’occasion de fréquenter206.

  • 207 Note M.A.E.b., 5 mai 1909, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 8.
  • 208 Ibid.

77Côté français, non seulement on est favorable mais on exerce une nette pression en vue de l’intensification de l’effort militaire belge. Les recommandations viennent notamment de Clemenceau, encore président du Conseil, qui déclare au Roi, à plusieurs reprises, que le gouvernement de Bruxelles était trop lent à prendre les mesures nécessaires pour la réorganisation de l’armée207. Il aurait ajouté que si, plus tard, les Belges ont des ennuis « c’est vous-mêmes qui en serez rendus responsables, et vous ne pourrez même pas alléguer que vous n’avez pas été avertis par vos amis »208.

La question de Flessingue

  • 209 Une commission d’enquête créée aux Pays-Bas en 1903 avait conclu dans son rapport du 24 décembre 19 (...)
  • 210 Berlin à M.A.E.b., 16 novembre et 7 décembre 1910, A.E. Bruxelles, CP Allemagne, Compl.
  • 211 Notamment dans Le Temps, L’Echo de Paris, Le Gaulois, L’Action.

78Les divergences des points de vue français et allemand sont nettement plus sensibles sur la question de Flessingue. Ce problème devient d’actualité, en 1910, lorsque le gouvernement néerlandais dépose un projet de loi pour la construction d’ouvrages fortifiés à l’embouchure de l’Escaut, près de Flessingue, afin de remplacer d’anciennes fortifications complètement désaffectées209. Ce projet met en alerte les gouvernements anglais et français qui considèrent que la fortification de Flessingue pourrait constituer un danger dans la mesure où elle permettrait d’empêcher une flotte anglaise de remonter l’Escaut pour porter secours à Anvers assiégé par une armée allemande210 Cette thèse, discutée dans la presse française211 et britannique, est développée aussi par Roland de Marès dans l’Indépendance belge.

  • 212 Berlin à M.A.E.b., 16 novembre 1910, A.E. Bruxelles, CP Allemagne, compl. Greindl écrit dans cette (...)
  • 213 Ibid.
  • 214 Ibid.

79Les autorités belges gardent dans cette affaire une attitude extrêmement prudente consistant à dire que les Pays-Bas sont seuls juges de ce qu’ils croient nécessaire à leur défense et qu’on ne peut leur faire un procès d’intention en les suspectant de vouloir utiliser leurs moyens de défense contre la Belgique. Greindl estime que – la flotte britannique pouvant seule menacer la côte près de Flessingue – les Pays-Bas ont sans doute une raison de se méfier des Anglais, sinon ils n’accepteraient pas d’envisager un effort financier de cette importance212. Mais, selon lui, la construction de fortifications à Flessingue n’a pas de quoi inquiéter la Belgique ; il faudrait un concours de circonstances extraordinaire pour qu’elles deviennent une menace pour sa sécurité ; il faudrait que l’Allemagne distraie de ses forces « la formidable armée nécessaire pour investir une place forte comme Anvers » et que les Pays-Bas, se rendant complice d’une armée allemande, se servent de Flessingue « pour barrer le chemin à une armée de secours » aidant « ainsi à leur propre encerclement et préparant leur disparition comme nation indépendante »213. Ces hypothèses lui paraissent d’autant moins plausibles qu’il affirme – avec d’autres – qu’en cas de guerre, l’Allemagne aurait besoin des ports neutres de la mer du Nord pour déjouer le blocus britannique214.

  • 215 Bruxelles à A.A., 30 novembre 1910, Bonn, Belgien 60, t. 5.
  • 216 Ibid.
  • 217 Paris à M.A.E.b., 6 novembre 1911, A.E. Bruxelles, CP France, t. 53.

80Pourtant, la diplomatie belge est préoccupée par cette question. On se demande si, du point de vue du droit international, les Pays-Bas devraient – en cas de guerre – laisser passer ou au contraire écarter une flotte d’un pays belligérant215. Van der Elst craint que les traités de 1839 ne soient pas assez clairs à ce sujet216. Selon le baron Guillaume, les deux interprétations peuvent se défendre ; il estime que Bruxelles doit s’en tenir à la thèse selon laquelle les Pays-Bas doivent empêcher que la Belgique ne soit attaquée par l’Escaut mais qu’ils doivent laisser passer une flotte venant au secours de la Belgique, en vertu du traité de 1839217.

  • 218 L’Escaut et la neutralité permanente de la Belgique d’après les traités de 1839 et 1907, La Haye, 1 (...)
  • 219 L’Escaut en temps de guerre, Bruxelles, 1910.

81La controverse juridique a des échos dans la presse et dans les brochures. J.C.C. den Beer Poortugael, lieutenant-général en retraite et membre du Conseil d’Etat des Pays-Bas, affirme que non seulement son pays a le droit mais qu’il a aussi le devoir de s’opposer à l’utilisation de l’Escaut par des navires de guerre218. Il s’attire une riposte d’Ernest Nys, professeur à l’Université et conseiller à la Cour d’appel de Bruxelles qui s’efforce, par une autre brochure, de démontrer que cette thèse est erronée219. S’appuyant sur les traités de 1839, il rappelle que les articles de l’accord conclu entre la Belgique et les Pays-Bas sont placés sous la garantie des Puissances et que les Pays-Bas sont donc indirectement engagés à contribuer au respect de la neutralité belge.

  • 220 18 janvier 1911.
  • 221 Le Gaulois, 16 janvier 1911.
  • 222 Note 5 janvier 1912, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 10.
  • 223 Ibid.

82Berlin reste officiellement dans l’expectative. La Kölnische Zeitung affirme que le gouvernement allemand ne se reconnaît aucun droit d’intervenir dans les affaires hollandaises220, mais la presse française prétend que Guillaume II a demandé aux Hollandais, en 1904, de fortifier certains points du littoral221. Début 1911, le conseiller de l’ambassade du Reich à Londres, Kühlmann, explique au secrétaire de la légation de Belgique pourquoi Bruxelles devrait accueillir favorablement le projet néerlandais. Selon Kühlmann, les Belges ont intérêt à éviter un débarquement anglais. En effet, si l’Allemagne était amenée à traverser une partie de la Belgique pour prendre l’armée française à revers, il ne s’agirait que d’un passage très rapide et « la Belgique remplirait tous les devoirs de neutralité en n’opposant qu’une résistance de forme, par exemple, en alignant son armée sur le passage des forces allemandes et en tirant quelques coups de canons »222. Selon Kühlmann, cela suffirait pour démontrer que les troupes belges ont cédé devant l’écrasante supériorité numérique des forces impériales. Mais, si l’Allemagne devait trouver sur son passage des bataillons anglais, la Belgique deviendrait un champ de bataille et le vainqueur pourrait ensuite être tenté de revendiquer ce territoire223.

  • 224 Journal des Débats, 20 janvier 1911. Le C.R. de la séance au 16 janvier 1911 se trouve aussi dans d (...)

83Le débat sur Flessingue prend encore plus d’acuité en janvier 1911 à la suite d’une intervention du ministre français des Affaires étrangères devant la Chambre. A un député qui demande si la construction de fortifications à Flessingue ne constituerait pas une violation de la neutralité belge, Pichon répond, après avoir fait l’historique du projet et évoqué les discussions contradictoires sur les droits et les devoirs des Pays-Bas, qu’« un projet de cette nature comporte des conversations entre les diverses puissances qui ont été appelées à garantir la neutralité de la Belgique »224.

  • 225 Londres à A.A., 21 janvier 1911, Bonn, Belgien 60, t. 5.
  • 226 Kölnische Zeitung, 18 et 20 janvier 1911.
  • 227 Berlin à M.A.E.b., 20 janvier 1911, A.E. Bruxelles, CP Allemagne, Compl.

84Cette déclaration provoque une certaine émotion aux Pays-Bas, en Allemagne, en Belgique. Le représentant de La Haye à Paris demande communication du texte exact de la réponse et Pichon tient à préciser, dans une interview au correspondant du Daily Mail, que sa déclaration ne doit pas être interprétée comme une intervention dans les affaires intérieures hollandaises225. La presse d’outre-Rhin fait comprendre que l’Allemagne ne veut pas engager de telles conversations226. Selon Greindl, Berlin ne veut conseiller au gouvernement néerlandais ni de persévérer dans son projet ni de renoncer227.

  • 228 Bruxelles à A.A., 24 janvier 1911, Bonn, Belgien 60, t. 5.
  • 229 Paris à M.A.E.b., 18 et 19 janvier 1911, A.E. Bruxelles, CP France, Compl.

85A Bruxelles, on se demande avec une certaine inquiétude où pourraient mener ces négociations. Van der Elst dit à von Flotow que le gouvernement belge regrette les déclarations du ministre français qui le mettent dans une situation difficile228 mais, à Paris, Pichon se veut rassurant. Il explique au baron Guillaume qu’il a seulement l’intention d’adresser une circulaire aux différentes ambassades (Londres, Berlin, Saint-Petersbourg, Vienne, La Haye et Bruxelles) pour avoir de plus amples informations229.

  • 230 Bruxelles à A.A., 23 janvier 1911, Bonn, Belgien 60, t. 5.
  • 231 Bruxelles à A.A., 25 et 26 janvier 1911, Bonn, Belgien 60, t. 5.
  • 232 La Haye à A.A., 4 février 1911, Bonn, Belgien 60, t. 6.
  • 233 Note d’Arendt sur la question de Flessingue, 12 mars 1912, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 10.
  • 234 Ibid.
  • 235 Ibid.
  • 236 Le projet semble, momentanément, remis à l’ordre du jour à l’automne 1912, ce qui provoque aussitôt (...)

86Alors que plusieurs journaux belges, l’Indépendance belge mais aussi la Métropole, préconisent des négociations directes entre la Belgique et les Pays-Bas230 et qu’une interpellation est prévue à la Chambre des Représentants, des contacts sont effectivement pris entre Bruxelles et La Haye231. Mais le gouvernement hollandais souhaite éviter un échange de vues au sujet de Flessingue232 et semble plutôt s’orienter vers un abandon de son projet. Début 1912, Arendt note que la discussion du projet paraît « indéfiniment ajournée »233 alors que le gouvernement belge serait maintenant favorable à la construction des fortifications. Selon lui, puisque l’intérêt de la Belgique, en cas de guerre, serait d’éviter une occupation d’Anvers, elle ne peut que « voir avec satisfaction la Hollande maintenir par les armes sa neutralité à l’embouchure de l’Escaut »234. Il pense donc que le gouvernement belge devrait saisir – ou même créer – l’occasion de faire savoir à La Haye qu’il ne songe pas à s’opposer à la défense de la neutralité hollandaise et qu’il désire vivement que « toutes les mesures effectives soient prises pour la rendre effective »235. Arendt espère que l’attitude favorable de Bruxelles inciterait le gouvernement néerlandais à représenter le projet au Parlement236.

  • 237 Van der Elst rappelle ces démarches dans une lettre à Beyens, 3 mai 1913, A.E. Bruxelles, Neutr., t (...)

87En tout cas, la polémique sur Flessingue a contribué à accroître les inquiétudes dans l’opinion belge quant à l’attitude de l’Allemagne. Pour détendre l’atmosphère, Van der Elst cherche, au début de 1911, à obtenir des Allemands une déclaration affirmant leur intention de respecter la neutralité belge. Le secrétaire général souhaite une prise de position devant le Reichstag qui serait « de nature à apaiser l’opinion publique belge » et à calmer « ses défiances si regrettables au point de vue des relations des deux pays »237.

  • 238 Ibid.

88Van der Elst fait une première tentative auprès de von Schœn alors ambassadeur du Reich à Paris, chez qui il a l’occasion de dîner et auquel il demande avis « à titre d’ami de la Belgique ». Mais von Schœn répond « nous n’avons pas l’intention de violer votre neutralité mais nous ne pouvons prendre solennellement l’engagement de ne pas faire une chose qui nous est déjà défendue par les traités »238.

  • 239 Ibid.

89Quelques jours plus tard, Van der Elst fait la même suggestion à von Flotow qui en réfère au chancelier. Bethmann-Hollweg affirme également que l’Allemagne n’a pas l’intention de violer la neutralité belge mais qu’en faisant une déclaration publique, elle « affaiblirait sa situation militaire vis-à-vis de la France qui, rassurée du côté du Nord, porterait toutes ses forces du côté de l’Est »239.

90Mais ces esquives de la diplomatie allemande ne paraissent pas compromettre les relations entre les gouvernements de Bruxelles et Berlin qui semblent assez chaleureuses et confiantes au lendemain des visites officielles de 1910.

L’impact des visites officielles de 1910-1911

91Alors que l’image de Léopold II est quelque peu ternie vers la fin de sa vie, l’avènement d’Albert Ier, en décembre 1909, favorise une reprise des relations sur des bases nouvelles, entre la Belgique et ses voisins.

  • 240 H. Lademacher, Die Belgische Neutralität..., p. 384 et J. Willequet, « Les dossiers Belgique de la (...)
  • 241 Bruxelles à M.A.E.f., 23 janvier 1904 ; A.E. Paris, NS 14.
  • 242 Kölnische Zeitung, 26 janvier et Kölnische Volkszeitung, 27 janvier 1904.
  • 243 H. Lademacher, op. cit., pp. 387-388. Greindl qui n’a pas été mis au courant de la proposition de l (...)

92Le changement d’atmosphère est particulièrement sensible entre Bruxelles et Berlin car Guillaume II n’avait qu’antipathie et mépris pour Léopold II dont le dernier voyage officiel dans la capitale du Reich, en 1904, avait laissé quelques rancœurs240. Venu participer aux fêtes organisées pour l’anniversaire de l’Empereur, le Roi était surtout désireux de plaider le dossier congolais afin de s’assurer la bienveillante neutralité de l’Allemagne à un moment où l’Etat Indépendant devait subir les attaques anglaises241. Mal accueilli par la presse242, le Roi s’était vu proposer, par l’Empereur, une alliance en échange d’un territoire français qui permettrait de reconstituer à son profit une sorte d’Etat bourguignon. Léopold II, se méfiant de cette proposition, la laissera sans réponse si bien que les relations entre les deux cours restent distantes jusqu’en 1909243.

  • 244 Le Matin, 6 mars et 19 mars 1904.
  • 245 Wallwitz à A.A., 26 janvier 1906, Bonn, Belgien 60, t. 4.
  • 246 Note M.A.E.b., 5 mai 1909, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 8 (il voit le président Fallières le8, le pré (...)
  • 247 Ibid. Voir aussi Etoile belge du 27 avril 1909.
  • 248 Bruxelles à A.A., 27 avril 1909, Bonn, Frankreich 121, t. 4.
  • 249 Etoile belge, 27 avril 1909.

93Bien qu’il arrive aussi à la presse parisienne de publier des articles désobligeants pour le Roi244, les relations de Léopold II avec les autorités françaises sont plus faciles et plus fréquentes. Comme le Roi se rend souvent en France en visite privée, à Paris ou dans le Midi (à Menton), les occasions de contacts ne manquent pas. C’est ainsi qu’il rencontre fin janvier 1906 – alors que la tension remonte à propos du Maroc – le président Loubet, le président du Sénat, Fallières et le président du Conseil, Rouvier245. Encore au printemps 1909, il voit les principaux responsables français (Fallières, Clemenceau, Pichon) à Paris, les 8 et 9 février246, puis à Nice, fin avril, à l’occasion d’un dîner offert par le président de la République, en l’honneur du Roi des Belges et du prince de Monaco247. Les toasts échangés sont chaleureux mais sans excès comme le note le ministre d’Allemagne à Bruxelles248 ; le président de la République forme des vœux « pour la prospérité de la Belgique et pour le resserrement des liens de bon voisinage et de sincère amitié entre nos deux pays »249.

94Le règne d’Albert Ier s’ouvre par une série de voyages officiels qui mènent le couple royal à Berlin, du 31 mai au 1er juin, puis à Paris du 13 au 15 juillet. Ces visites leur seront rendues par le Kaiser dès l’automne 1910 et par le président de la République au printemps 1911.

Première visite des nouveaux souverains belges à Berlin

  • 250 Selon le ministre de France, le Roi souhaitait effectuer sa première visite en Angleterre, dans l’e (...)
  • 251 Texte du toast d’après l’agence Wolff, 1er juin 1910, Bonn, Deutschland 140.
  • 252 Lettre de Beyens, ministre de la Maison du Roi, à Van der Elst, 21 octobre 1910, A.G.R., Papiers Va (...)
  • 253 J. Willequet, op. cit., p. 7.
  • 254 Lettre de Beyens à Van der Elst, 21 octobre 1910, A.G.R., Papiers Van der Elst, dossier 7.
  • 255 Texte du toast d’après l’agence Wolff, 1er juin 1910.

95C’est à l’Empereur d’Allemagne que le nouveau Roi réserve sa première visite officielle à l’étranger250. Les liens de famille et les raisons politiques peuvent expliquer ce choix. En effet, le Roi est fils d’une princesse allemande – la comtesse de Flandre est une Hohenzollern – et la reine Elisabeth était duchesse en Bavière. Dans le toast prononcé par le Roi à Potsdam, le 31 mai, il ne manque pas de rappeler qu’il a tenu dès le début du règne à rendre visite à leurs Majestés impériales en s’autorisant de « liens de parenté qui nous sont chers »251. Mais il semble que cette formule a été conseillée par Greindl252 qui sait toute l’importance que Guillaume II attache aux relations dynastiques et familiales253. C’est aussi Greindl qui recommande d’affirmer l’amitié entre la Belgique et l’Allemagne car si on se dit les amis de la France, il faut aussi se dire les amis de l’Allemagne pour tenir la balance égale entre les deux pays254. Cette déclaration paraît d’ailleurs sincère car le Roi remercie l’Allemagne qui a été une des premières à saluer de ses vœux l’annexion du Congo et qui participe à l’exposition de Bruxelles avec une section digne de son développement industriel, scientifique et commercial255.

  • 256 Berlin à M.A.E.b., 3 juin 1910, A.E. Bruxelles, CP Allemagne, Compl. (l’Empereur souffre d’un furon (...)
  • 257 G. Vanzype, Le Prologue du drame. Reportages.
  • 258 Berlin à M.A.E.b., 3 juin 1910, A.E. Bruxelles, CP Allemagne, Compl.
  • 259 Paris à A.A., 3 juin 1910, Bonn, Frankreich 121, t. 5.
  • 260 L’Action, 16 juillet 1910.
  • 261 Cette thèse est exposée par Le Myre de Villers, ancien gouverneur d’Indochine, dans une interview à (...)

96La famille impériale réserve aux souverains belges un accueil très cordial malgré une indisposition de Guillaume II qui l’empêche d’assister aux dîners et aux parades mais non de recevoir le Roi et la Reine pour « s’entretenir longuement et à diverses reprises » avec eux256. Le programme de la visite comprend une grande parade au Tempelhof décrite par un journaliste belge, Gustave Vanzype, comme un défilé donnant l’impression qu’une machine s’est mise en route, comme un spectacle magnifique et si impressionnant que la peur vous prend257. Le 31 mai au soir, un grand dîner présidé par le Kronprinz est offert au « Neues Palais » de Potsdam. C’est là qu’Albert Ier prononce son toast « qui a été l’objet des appréciations les plus flatteuses de la part de tous les assistants »258. Le ton chaleureux de ce discours fait aussi grande impression à Paris où les journaux ont cependant gardé une attitude réservée, à quelques exceptions près259. Seule L’Action pense, qu’avec le roi Albert, la germanisation de la Belgique fera des progrès rapides et, pour cet organe radical, une Belgique germanisée signifie pour la France un danger constant. Un peu plus tard, L’Action écrit que le Roi s’est rendu auprès du Kaiser comme « auprès d’un parent qui serait aussi un suzerain »260. On trouve aussi dans la presse française l’idée que la Belgique, qui est inquiète de la puissance de ses voisins, fait comme d’autres petits Etats : elle se tourne vers le plus fort261.

  • 262 Berlin à M.A.E.b., 3 juin 1910, A.E. Bruxelles, CP Allemagne, Compl.
  • 263 Ibid.
  • 264 Ibid.
  • 265 Ibid.

97En Allemagne, les commentaires sont dans l’ensemble « assez peu étendus... mais tous conçus dans les termes les plus sympathiques »262. Un article, reproduit par un grand nombre d’organes, rappelle que depuis la création de l’Empire il ne s’est jamais élevé, entre l’Allemagne et la Belgique, de différend de quelque portée car, entre ces deux pays d’importance très inégale, il n’y a pas de « surfaces de frottement »263. Le même article souligne que les relations économiques germano-belges « n’ont pas cessé de se développer extraordinairement » et que l’exceptionnel essor de l’industrie allemande pendant les dernières décades a été « profitable à l’active et entreprenante Belgique »264. Quant au roi Albert, il est présenté comme un « souverain moderne », dans le meilleur sens du mot, car il porte « le plus vif intérêt à tout ce qui touche à la technique, à l’industrie et à l’agriculture »265.

  • 266 Ibid.
  • 267 Paris à M.A.E.f., 6 juin 1910, A.E. Paris, NS 14.

98Les commentaires de la presse belge qui a envoyé huit correspondants spéciaux à Berlin266 gardent également un ton très modéré. Ils veulent voir, dans cette visite à Berlin, le signe d’une reprise des bonnes relations entre la Cour belge et les chefs d’Etat étrangers et ils souhaitent qu’elle favorise le développement de relations économiques encore plus intenses entre l’Allemagne et la Belgique267.

Le roi Albert et la reine Elisabeth à Paris pour le 14 juillet

  • 268 Tout début janvier, des contacts sont pris avec le chef du protocole du Quai d’Orsay (Paris à M.A.E (...)
  • 269 Bruxelles à M.A.E.f., 25 mai 1910, A.E. Paris, NS 16.
  • 270 Bruxelles à M.A.E.f., 27 mai 1910, A.E. paris, NS 16.

99Six semaines plus tard, les souverains belges sont à Paris. Le Roi, qui a fait préparer cette visite de longue date268, souhaitait l’effectuer au mois de juin, avant de se rendre en Angleterre et en Autriche269. Mais elle est finalement fixée au 14 juillet sur la proposition du président de la République270.

  • 271 Le Matin, 13 juillet 1910.
  • 272 Ibid.
  • 273 Ibid.
  • 274 Le Temps, 13 juillet 1910.
  • 275 Ibid.
  • 276 Le Matin, 13 juillet 1910.
  • 277 Le Temps, 13 juillet 1910.

100Selon Le Matin, la foule réserve « aux jeunes souverains un accueil chaleureusement sympathique »271 ; il ne s’étonne pas de « tant de sincérité, tant de chaleur272 » car le Roi et la Reine sont présentés dans la presse comme éminemment admirables. Le Matin salue les « idées libérales et généreuses d’Albert Ier, son bon sens, sa pondération d’esprit, son vif intérêt à toutes choses morales et scientifiques, à tout progrès... »273. Le Temps présente aussi Albert Ier comme un roi qui sait vivre simplement, « parmi les hommes de son temps, sans se tenir à l’écart des idées modernes », comme un souverain « naturellement constitutionnel, avec une orientation libérale très marquée » et qui souhaite des réformes internes pour assurer « la cohésion nationale, l’unité morale de son pays »274. Quant à la Reine, c’est « une femme de grand mérite et d’infiniment de grâce »275 dont on loue la bonté et le « dévouement inlassable à toute œuvre charitable »276. Au total, la famille royale qui « unit l’éclat de son rang à la pratique des vertus bourgeoises conçues dans le meilleur sens de ce mot » paraît très populaire parce « qu’on sent en elle plus d’humanité que chez Léopold II »277.

  • 278 G. Vanzype, op. cit., p. 48.
  • 279 Ibid.

101Outre le dîner à l’Elysée, la revue de Longchamp du 14 juillet constitue le « numéro principal du programme de la visite du Roi »278. Gustave Vanzype, qui a suivi le Roi à Berlin et Paris, constate que c’est pour la lui montrer qu’on a fait venir Albert Ier le 14 juillet tout comme Guillaume II avait voulu lui faire voir l’armée allemande à Tempelhof. Comme Vanzype, le Roi a pu se demander « lequel est le plus fort ? » et « Comment comparer ces deux choses si différentes : l’armée allemande et l’armée française »279 ?

  • 280 Le Temps, 15-16 juillet 1910.
  • 281 G. Vanzype, op. cit., pp. 48-49.
  • 282 Le Matin cité par Le Temps, 15-16 juillet 1910.

102Si le Journal de Bruxelles reste réservé, plusieurs organes de la presse belge commentent favorablement l’accueil réservé à leurs souverains. Les envoyés spéciaux constatent que la réception a été « émouvante »280. Vanzype note que les drapeaux belges, déjà nombreux la veille, se sont multipliés le 14 juillet ; que la « cordialité s’exprime dans toutes les manifestations de Paris », que « l’on entend parler d’Albert 1er avec un enthousiasme que n’ont point les plus loyalistes de ses sujets » et qu’on sait gré, aux souverains belges, d’être venus fêter le 14 juillet avec les Français281. Le Matin d’Anvers fait lui aussi un parallèle entre la visite à Berlin et la visite à Paris pour souligner qu’en Allemagne, la visite avait un caractère presque privé alors qu’à Paris, on avait l’impression que le peuple de France recevait le souverain d’une nation amie282.

  • 283 Berlin à M.A.E.b., 18 juillet 1910, A.E. Bruxelles, CP Allemagne, Compl.
  • 284 Ibid.

103La comparaison entre les deux visites de Berlin et Paris n’est pas faite dans la presse allemande, parce que – selon le conseiller de la légation – les souverains ont été les hôtes de l’Empereur et de l’impératrice et que la majorité de la population n’a pas eu connaissance de leur séjour en Allemagne283. Peltzer note aussi que les journaux du Reich se contentent de donner un bref récit de la visite et de reproduire le texte des toasts qui ont été échangés. Selon lui, les quelques organes qui évoquent la chaleur de l’accueil officiel et populaire fait aux souverains belges à Paris semblent en prendre leur parti avec calme. Mais la Kreutzzeitung estime que le contenu des discours ne correspond pas à la réalité, qu’il n’existe pas de communauté d’intérêts entre les deux pays et que la communauté intellectuelle se limite aux Wallons284.

104Si la réception a été plus chaleureuse à Paris qu’à Berlin, c’est l’Empereur qui montre le plus d’empressement à rendre sa visite aux souverains belges.

L’Empereur Guillaume II et le président Fallières, à Bruxelles

  • 285 Le Temps, 4 octobre 1907, Le Patriote, 8 octobre 1907.

105En dépit de bruits qui ont circulé périodiquement au sujet de la venue de Guillaume II en Belgique285, l’Empereur n’a jamais rendu la visite faite par Léopold II en 1904. Mais, en 1910, il tient à venir à Bruxelles avant la clôture de l’exposition universelle qu’il a l’intention de visiter.

  • 286 Note Van der Elst, 18 septembre 1910 (Kracker a montré à Van der Elst un rapport de police qui pour (...)
  • 287 Note du 12 octobre 1910, A.E. Bruxelles, 76 I.
  • 288 Echo de Paris, 1er octobre 1910.
  • 289 Le Journal de Bruxelles, 9 octobre 1910.
  • 290 Pro memoria, 11 octobre 1910, A.E. Bruxelles, 76 II.
  • 291 Le Matin, cité par le Journal de Bruxelles, 9 octobre 1910.
  • 292 La Gazette, 5 octobre 1910 (Bruxelles est pour eux plus proche que Berlin).
  • 293 Pro memoria (Bassompierre), 11 octobre 1910, A.E. Bruxelles, 76 II (Bruxelles venait de recevoir le (...)
  • 294 Ibid.

106La préparation de ce voyage ne manque pas de causer bien du souci au gouvernement belge. Dès septembre, la légation d’Allemagne s’inquiète des risques d’attentat contre Guillaume 11286, cependant le ministère de la Justice estime qu’il n’y a pas lieu de prendre ces menaces trop au sérieux287. On s’inquiète aussi, à Bruxelles, de l’accueil que la population réservera à l’Empereur et à l’impératrice288. Les socialistes ayant annoncé leur intention de manifester la veille de l’arrivée de l’Empereur pour protester contre sa politique en matière sociale, le Journal de Bruxelles espère qu’ils sauront éviter la grande gaffe d’une démonstration le jour même de la visite289 et les autorités tentent des démarches discrètes pour dissuader les socialistes de toutes manifestations inconvenantes290. Roland de Marès lance aussi l’idée que les manifestations d’enthousiasme de la colonie allemande pourraient entraîner des contre-manifestations291. Le risque peut paraître d’autant plus sérieux qu’on attend des Allemands des régions rhénanes qui viendront voir Guillaume II à Bruxelles292. On craint plus encore que l’accueil réservé à l’Empereur paraisse froid après la réception chaleureuse organisée récemment pour les personnalités françaises293. Au ministère des Affaires étrangères, on préfère avertir la légation d’Allemagne et Van der Elst explique à von Flotow que l’accueil serait respectueux et bienveillant mais probablement pas très chaleureux294.

  • 295 F. Fischer, Ecrit sur le sable, p. 141.

107De multiples précautions et des mesures d’ordre très rigoureuses sont adoptées. Le journaliste socialiste Franz Fischer raconte qu’il n’a pu voir de l’Empereur que la pointe de paratonnerre de son cimier d’argent car les journalistes admis à décrire l’événement avaient été parqués à une grande distance du point de débarquement, dans des wagons fermés, d’où ils apercevaient surtout les baïonnettes des soldats de la compagnie d’honneur295.

  • 296 Bruxelles (attaché militaire) à M. Guerre, 25 octobre 1910, Vincennes, 7 N 1156.
  • 297 Bruxelles (attaché militaire) à M. Guerre, 27 octobre 1910, Vincennes, 7 N 1156.
  • 298 Bruxelles (attaché militaire) à M. Guerre, 28 octobre 1910, Vincennes, 7 N 1156.

108La visite, le 25 octobre, se passe sans incident296. Selon l’attaché militaire français, les drapeaux allemands sont peu nombreux297 et les démonstrations de sympathies moins enthousiastes que ne le dit la presse catholique. Mais Duruy reconnaît que l’accueil de la population bruxelloise n’est pas systématiquement froid ; il serait plutôt réservé alors que dans la « Société » il est très chaleureux298.

109Le 26 octobre, le Journal de Bruxelles publie un grand article sur « la visite de l’Empereur d’Allemagne ». Il parle de l’accueil favorable, rappelle les intenses relations commerciales entre les deux pays et surtout dresse un portrait très élogieux de l’Empereur. Ce monarque, qui est à la tête de forces militaires si considérables, « a su être l’un des meilleurs gardiens de la paix internationale ». S’il a toujours l’épée à la main, c’est pour protéger la nation allemande car « il n’y a pas de chef d’Etat qui s’identifie plus avec la nation qu’il dirige ». Si la presse insiste sur ses tendances autoritaires, elle laisse souvent – à tort – dans l’ombre, des manifestations qui témoignent des tendances démocratiques de son esprit, de sa préoccupation des intérêts des humbles, de son désir de travailler à l’apaisement social. Le journal officieux conclut : « Guillaume II mérite le respect et l’admiration de tous particulièrement d’un peuple pacifique, laborieux, d’esprit démocratique comme le nôtre ». Il rappelle enfin que depuis le début de son règne, Guillaume II et l’Allemagne ont donné à la Belgique de nombreux témoignages de bonne amitié : en 1905, l’Allemagne a envoyé un navire de guerre à Anvers pour le 75e anniversaire de l’indépendance ; en 1908, elle a été l’une des premières nations à applaudir à l’annexion du Congo...

  • 299 Texte du discours du Roi, A.G.R., Papiers Van der Elst, dossier 158.
  • 300 xxe siècle, 26 octobre 1910. Voir aussi Journal de Bruxelles, 28 octobre 1910.

110La presse catholique et certains journaux libéraux comme la Chronique se disent satisfaits du toast de l’Empereur. Alors qu’Albert 1er avait souligné l’essor de l’Empire « qui est l’œuvre inoubliable d’un souverain dont le règne est celui de la paix »299, Guillaume II répond (en allemand) qu’il « observe avec toute l’Allemagne, le surprenant succès que le peuple belge, d’une infatigable activité, remporte dans tous les domaines du commerce et de l’industrie »300. Il ajoute que le commerce mondial est un champ d’activité pacifique où les Allemands et les Belges se rencontrent partout et il forme des vœux pour le maintien de ces bonnes relations.

  • 301 Kölnische Zeitung, 28 octobre 1910.
  • 302 La Métropole, 28 octobre 1910.
  • 303 La Métropole, 26 octobre 1910.
  • 304 Titre de l’article du 25 octobre 1910.

111Si la presse allemande est satisfaite de la réception réservée à l’Empereur301 quelques « journaux français font la bête »302 et prétendent minimiser la cordialité de l’accueil. La Métropole303 s’en prend surtout au Matin de Paris qui a profité de la venue de Guillaume II à Bruxelles pour dénoncer « l’emprise de l’Allemagne sur la Belgique »304.

  • 305 Bruxelles à M.A.E.f., 25 et 30 juin 1910, A.E. Paris, NS 16.
  • 306 Note mai 1911, A.E. Bruxelles, 81 III.
  • 307 Bruxelles à M.A.E.f., 15 mai 1911, A.E. Paris, NS 16.
  • 308 Bruxelles à A.A., 9 mai 1911, Bonn, Frankreich 121, t. 5.
  • 309 Bruxelles (attaché militaire) à M. Guerre, 15 mai 1911, Vincennes, 7N 1157.
  • 310 Paris à M.A.E.b., 15 mai 1911, A.E. Bruxelles, CP France, Compl.
  • 311 Bruxelles (Renner) à Berlin, 17 mai 1911, Bonn, Frankreich 121, t. 5.

112La visite du président de la République est reportée au printemps 1911. Il semble que le Roi souhaitait le recevoir en octobre 1910, avant ou après l’Empereur. Mais Fallières ne tenait sans doute pas à succéder à Guillaume II et décide de remettre son voyage à l’année suivante305. Il se rend à Bruxelles, le 9 mai, accompagné du ministre des Affaires étrangères, Cruppi. Les manifestations de sympathie, chaleureuses mais sans excès d’après les observateurs allemands, semblent dépasser les espoirs des Français306. Même les journaux catholiques désarment, en restant cependant plus réservés que les organes libéraux307 et la presse allemande fait remarquer que les aristocrates bruxellois se sont abstenus de participer à la garden-party offerte en l’honneur du président de la République308. Les questions épineuses – douanières – sont laissées de côté pour ne pas assombrir la rencontre, et les Français distribuent largement des décorations – notamment aux régiments de province qui ont été oubliés par Guillaume II en 1910 – dont la plus importante, une Croix de Grand Officier de la Légion d’Honneur, va au général de Heusch, rédacteur en chef de la Belgique militaire. Si cette visite officielle détend309 l’atmosphère entre Paris et Bruxelles, elle semble surtout contribuer à rendre confiance – et, selon certains, agressivité – aux francophiles de Wallonie310. L’attaché militaire allemand se plaint alors d’une recrudescence particulièrement nette de la propagande antiallemande dans les milieux wallons311.

113Plusieurs épisodes de cette période 1906-1911 – campagnes contre l’infiltration allemande, propagande pour l’entente hollando-belge, débat autour de la question de Flessingue – montrent qu’une partie de la presse belge est toujours prête à mobiliser l’opinion publique contre le danger allemand, en se mettant au diapason avec certaines campagnes nationalistes françaises. Mais les autorités belges apparaissent constamment beaucoup plus germanophiles. Non seulement la presse officieuse dénonce fréquemment les campagnes antiallemandes comme excessives ou mensongères mais elle cherche à rétablir l’équilibre par des articles qui présentent l’Allemagne de manière plus rassurante et la France sous un jour moins favorable. Dans plusieurs querelles internationales, l’attitude de Bruxelles, quoique toujours très prudente, est proche de celle de Berlin : hostile à l’entente entre la Belgique et les Pays-Bas, le gouvernement belge approuve les fortifications de Flessingue et applaudit au statu quo en mer du Nord. De son côté, le gouvernement allemand ne prend pas parti contre le renforcement de l’armée belge, même s’il désapprouve certains aspects. Cette volonté réciproque d’entente est particulièrement nette au début du règne d’Albert Ier.

114Ces différents clivages vont-ils continuer à jouer à l’occasion de la grave crise internationale de 1911 ?

Notes

1 Sans doute en voyage privé à Paris où sa mère continue d’habiter.

2 Beyens à Arendt, 26 octobre 1904, A.E. Bruxelles, CP France, t. 46.

3 Paris à M.A.E.b., 25 janvier 1905, A.E. Bruxelles, CP France, t. 46.

4 Paris à M.A.E.b., 10 février, A.E. Bruxelles, CP France, t. 46.

5 La loi de séparation est votée par la Chambre le 3 juillet et par le Sénat le 6 décembre 1905.

6 Carteron à M.A.E.f., 21 et 23 mai 1906, A.E. Bruxelles, NS 15.

7 En flamand, traduit par Carteron.

8 En majuscules dans le texte.

9 Bruxelles à M.A.E.f., 14 mai 1906, A.E. Paris, NS 15. Gérard intervient auprès du chef du cabinet, Smet de Nayer et du ministre de l’intérieur, de Trooz, pour protester contre cette affiche. Les ministres expriment des regrets et promettent de veiller à éviter les abus.

10 Bruxelles à M.A.E.f., 14 mai 1906, A.E. Paris, NS 15.

11 Le 10 mars 1906, cette catastrophe provoque la mort de plus de 1 100 mineurs.

12 J. Julliard, Clemenceau briseur de grèves, pp. 22-23.

13 Ibid., p. 23.

14 Journal de Bruxelles, 25 avril 1906.

15 Il y a, en avril 1906, 20 000 soldats face à 40 000 grévistes dans le bassin du Nord, J. Julliard, op. cit., p. 22.

16 Journal de Bruxelles, 25 avril 1906.

17 Bruxelles à M.A.E.f., 14 mai 1906, A.E. Paris, NS 15.

18 Le Ralliement, 10 mai 1906.

19 Beyens à Arendt, 26 octobre 1904, A.E. Bruxelles, CP France, t. 46.

20 Paris à M.A.E.b., 10 février 1907, A.E. Bruxelles, CP France, t. 47.

21 Ibid.

22 Anvers à M.A.E.f., 7 juillet 1908, A.E. Paris, NS 14.

23 7 juillet 1908.

24 Paris à M.A.E.b., 8 juin 1907, A.E. Bruxelles, CP France, t. 48.

25 Ibid.

26 Ibid.

27 A la suite de l’assassinat d’un médecin français à Marrakech le gouvernement français fait occuper Oudjda.

28 Berlin à M.A.E.b., 20 mars 1907, A.E. Bruxelles, CP Allemagne, t. 53.

29 Berlin à M.A.E.b., 28 mars 1907, A.E. Bruxelles, CP Allemagne, t. 53.

30 Berlin à M.A.E.b., 8 avril 1907, A.E. Bruxelles, CP Allemagne, t. 53.

31 Ibid.

32 Berlin à M.A.E.b., 6 mai 1908, A.E. Bruxelles, CP Allemagne, t. 55.

33 Berlin à M.A.E.b., 16 janvier 1909, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 8.

34 Ibid.

35 Bruxelles à M.A.E.f., 4 août 1909, A.E. Paris, NS 14.

36 Paris à M.A.E.b., 8 juin 1907, A.E. Bruxelles, CP France, t. 48.

37 Ibid.

38 Paris à M.A.E.b., 22 novembre 1910, A.E. Bruxelles, CP France, t. 49.

39 Paris à M.A.E.b., 8 juin 1907, A.E. Bruxelles, CP France, t. 48.

40 Paris à M.A.E.b., 22 novembre 1910, A.E. Bruxelles, CP France, t. 49.

41 Ibid.

42 Ibid.

43 Ibid.

44 Paris à M.A.E.b., 23 avril 1911, A.E. Bruxelles, CP France, t. 51.

45 Ibid.

46 Paris à M.A.E.b., 12 juin 1911, A.E. Bruxelles, CP France, t. 51.

47 Paris (Leghait) à M.A.E.b., 3 mai et 18 mai 1909, A.E. Bruxelles, CP France, t. 49.

48 Paris à M.A.E.b., 23 avril 1911, A.E. Bruxelles, CP France, t. 51.

49 Ibid. (Guillaume s’est abstenu de participer à cette cérémonie).

50 Paris à M.A.E.b., 26 février 1911, A.E. Bruxelles, CP France, t. 50.

51 Berlin à M.A.E.b., 25 octobre 1906, A.E. Bruxelles, CP Allemagne, Compl.

52 Paris (Comte d’Arschot) à M.A.E.b., 21 juillet 1909, A.E. Bruxelles, CP France, t. 49.

53 Paris à M.A.E.b., 24 et 27 juillet 1909, A.E. Bruxelles, CP France, t. 49.

54 L’Etoile belge, citée dans Paris à M.A.E.f., 24 juillet 1909, A.E. Paris, NS 16.

55 Berlin à M.A.E.b., 30 mai 1908, A.E. Bruxelles, CP Allemagne, t. 55.

56 Berlin à M.A.E.b., 16 janvier 1910, A.E. Bruxelles, CP Allemagne, Compl.

57 Berlin à M.A.E.b., 23 décembre 1907, A.E. Bruxelles, CP Allemagne, t. 54.

58 Berlin à M.A.E.b., 16 novembre 1910, A.E. Bruxelles, CP Allemagne, Compl.

59 Ibid.

60 Berlin à M.A.E.b., 29 mai 1905, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.

61 Ibid.

62 Berlin à M.A.E.b., 16 novembre 1910, CP Allemagne, Compl. Voir aussi, Berlin à M.A.E.b., 23 décembre 1907, A.E. Bruxelles, CP Allemagne, t. 54 (ces deux dépêches utilisent pratiquement les mêmes expressions). L’opinion de Greindl au sujet des pangermanistes se modifiera dans les tous derniers temps de son séjour à Berlin (cf. M.A.E.b. à Berlin (Beyens) A.E. Bruxelles, Neutr., t. 14 dépêche non datée mais envoyée probablement en début du séjour de Beyens, en 1912).

63 Berlin à M.A.E.b., 16 novembre 1910, A.E. Bruxelles, CP Allemagne, Compl.

64 Berlin à M.A.E.b., 29 mai 1905, A.E. Bruxelles, CP Allemagne, Compl.

65 Ibid.

66 Berlin à M.A.E.b., 27 janvier 1908, A.E. Bruxelles, CP Allemagne, t. 55.

67 Berlin à M.A.E.b., 20 avril 1910, A.E. Bruxelles, CP Allemagne, t. 58.

68 Berlin à M.A.E.b., 30 mai 1908, A.E. Bruxelles, CP Allemagne, t. 55.

69 Berlin à M.A.E.b., 22 avril 1909, A.E. Bruxelles, CP Allemagne, t. 57.

70 Berlin à M.A.E.b., 16 mai 1909, A.E. Bruxelles, CP Allemagne, t. 57.

71 Berlin à M.A.E.b., 21 avril 1911, A.E. Bruxelles, CP Allemagne, t. 59.

72 Accord qui prévoit des associations d’intérêts au Maroc et par lequel l’Allemagne reconnaît les intérêts politiques particuliers de la France.

73 Ibid.

74 Berlin à M.A.E.b., 1er mai 1911, A.E. Bruxelles, CP Allemagne, Compl.

75 Berlin à M.A.E.b., 21 avril 1911, A.E. Bruxelles, CP Allemagne, Compl.

76 Berlin à M.A.E.b., 23 avril 1908, A.E. Bruxelles, CP Allemagne, t. 55.

77 Berlin à M.A.E.b., 29 mai 1905, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.

78 Ibid.

79 Cf. supra, chap. 12, p. 285.

80 Le 26 novembre 1905.

81 Brochure de 23 pages publiée par La Belgique artistique et littéraire.

82 Conférence de Grosjean au « Foyer intellectuel » de Saint Gilles, le 4 décembre 1906.

83 Brochure de Grosjean.

84 Cf. supra, chap. 14, pp. 320-322. Vers la même époque, le Français Yves Guyot publie dans le Nineteenth Century un article de même teneur. (Bruxelles à A.A., 15 septembre 1906, Bonn, Deutschland 140, t. 4).

85 Avocat, animateur de la Fédération pour la défense des intérêts belges à l’étranger.

86 Le Matin de Bruxelles, 10 mai 1906.

87 Revue Bleue (Paris) du 25 novembre 1905. La presse belge en fait largement écho. Par ailleurs, le 9 novembre, la Deutsche Tageszeitung publie un article « Deutschtum und Belgien » sur l’influence de l’Allemagne en Belgique notamment sur son rôle croissant dans le commerce et les banques belges. Il cite Ansiaux dont il s’inspire largement, ce qui provoque une vive réaction de la part du ministre d’Allemagne à Bruxelles. Wallwitz regrette que la Deutsche Tageszeitung ait l’air de prendre au sérieux l’article d’Ansiaux qui est un ennemi de l’Allemagne (« einer der grössten Deutschenhasser »). Il considère aussi qu’il n’est pas de l’intérêt du Reich de proclamer haut et fort quelle place prééminente les Allemands occupent dans la vie économique belge et qu’il ne convient pas de fournir ainsi des armes aux adversaires qui parlent du danger allemand (Bruxelles à A.A., 23 novembre 1907, Bonn, Deutschland 140, t. 4).

88 Petit Bleu, 10 juin 1910.

89 1er octobre 1907.

90 Ces campagnes se développent en symbiose avec des campagnes parisiennes de même style (cf. par exemple les articles de Noussanne dans l’Echo de Paris, en juin-juillet 1907 où l’on trouve exactement les mêmes thèses).

91 La Réforme, 12 septembre 1906 (article de H. Chainaye) sur les chemins de fer, cf. supra, chap. 15, p. 342.

92 Article de Brulhiard, 25 mai 1911.

93 Ibid. Beaucoup de Belges sont convaincus que le comte Schmettau, ancien attaché militaire allemand à Bruxelles, est le chef d’un réseau d’espionnage (cf. Bruxelles (attaché militaire) à Berlin, 17 mai 1911, Bonn, Frankreich 121, t. 5).

94 La Métropole, 26 novembre 1907, le Matin, 1er mars 1909, le Bien Public, 26- 27 mai 1911.

95 14 octobre 1906.

96 5 décembre 1905.

97 Le Matin, 1er mars 1909.

98 Gazette de Liège, 5 décembre 1912.

99 Journal de Bruxelles, 4 septembre 1906.

100 La commission créée par l’arrêté royal du 10 novembre 1900, comprend 26 personnalités civiles et militaires (parmi lesquelles : Ducarne, alors colonel, C. Woeste, G. Hellepute, J. Renkin, A. Verhaegen, P. Hymans...). Ses conclusions sont déposées le 30 avril 1901.

101 D’après la loi de 1902, l’armée belge doit compter 42 800 hommes en temps de paix et 180 000 en temps de guerre. Le recrutement se fait par volontariat, tirage au sort et remplacement.

102 Travaux de la commission mixte. CR dans A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.

103 Ibid.

104 A cette époque, les plans de défense étaient établis en fonction de la menace que Napoléon III laissait peser sur la Belgique.

105 Allusion à la loi qui a mis en œuvre un vaste programme de construction de voies ferrées.

106 Discours de Léopold II à Bruxelles, 21 juillet 1905 (d’après Bruxelles à M.A.E.f., 27 juillet 1905, A.E. Paris, NS 12).

107 L’expression serait de G. Hellepute, l’un des leaders catholiques hostiles au projet (cf. Anvers à M.A.E.f., 13 novembre 1905, A.E. Paris, NS 12).

108 Il est voté le 24 janvier à la Chambre par 82 voix contre 77 et 3 abstentions et le 15 mars au Sénat, par 54 voix contre 38 et 5 abstentions.

109 Note sur la place fortifiée d’Anvers, 1914, 62 p., Vincennes, 7 N 653.

110 J. Wuillequet, « Appréciations allemandes sur la valeur de l’armée belge et les perspectives de guerre avant 1914 », Revue Internationale d’Histoire militaire, 1959, p. 636.

111 Ibid. (Cet ordre jugé inopportun par Winterfeldt soutenu par la légation de Bruxelles ne sera pas exécuté.)

112 Bruxelles à M.A.E.f., 3 juillet 1905, A.E. Paris, NS 12.

113 Anvers à M.A.E.f., 21 octobre 1905, A.E. Paris, NS 12.

114 J. Bosmans, Camp retranché d’Anvers, Bruxelles, 1907, 14 p. (très hostile au gouvernement catholique, jugé réactionnaire et protégé par le Vatican et l’Allemagne).

115 9 juillet 1905.

116 Paris à M.A.E.b., 13 août 1906, CP France, Compl.

117 Cette thèse est réfutée par le Journal de Bruxelles, 11 juillet 1906 qui estime qu’Anvers pourrait avoir le même rôle que Metz en 1870.

118 Les articles d’E. Baie sont précédés par une série d’interviews de personnalités politiques sous le titre « Doivent-elles s’allier » et les articles d’E. Baie qui tirent les conclusions sont intitulés « Elles doivent s’allier ».

119 Notamment dans le Nineteen Century en septembre 1906, dans le Spectator en octobre 1906 (cf. Londres à A.A., 6 octobre 1906, Bonn, Belgien 60, t. 4) dans la North American Review, le 4 février 1907 (cf. Washington à A.A., 6 février 1907, Bonn, Belgien 60, t. 4).

120 Une conférence sur l’Entente faite au printemps 1906, à Amsterdam, par E. Baie, L. Hennebicq et P.-M. Olivier n’aurait attiré que 37 auditeurs (Kölnische Zeitung, 20 mars 1907).

121 L’Indépendance belge, 11 septembre 1906 et 21 octobre 1907.

122 Bruxelles à A.A., 8 septembre 1906, Bonn, Belgien 60, t. 4.

123 Bruxelles à A.A., 30 avril 1907, Bonn, Belgien 60, t. 4.

124 Bruxelles à A.A., 15 septembre 1906, Bonn, Belgien 60, t. 4.

125 Elle invite L. Hennebicq et des Cressonnières à venir faire des conférences les 11 mars et 8 avril 1907 (cf. Bruxelles à A.A., 30 avril 1907, Bonn, Belgien 60, t. 4).

126 Bruxelles (attaché militaire) à Berlin, 22 février 1907, Bonn, Belgien 60, t. 4 et La Haye à M.A.E.f., 11 mars 1907, D.D.F., 2e série, tome X, document 434.

127 Ibid.

128 Kölnische Zeitung, 20 mars 1907 et Bruxelles à A.A., 26 mai 1909, Bonn, Belgien 60, t. 5.

129 Conversation après un dîner chez Beemaert. CR dans A.G.R., Papiers Van der Elst, dossier141.

130 25 août 1906.

131 20 mars 1907.

132 5 avril 1906.

133 Washington à A.A., 18 novembre et 5 décembre 1907, 16 janvier et 28 février 1908, Bonn, Belgien 60, t. 4.

134 C’est en tout cas ce que pense son collègue, l’attaché militaire d’Allemagne, Renner.

135 Bruxelles (attaché militaire) à Berlin, 30 avril 1910, Bonn, Belgien 60, t. 5.

136 22 avril 1910.

137 Paris (Radolin) à A.A., 22 avril 1910, Bonn, Belgien 60, t. 5.

138 « Die Neutralität Hollands und seine Bedeutung in einem englisch-französisch-deutscher Kriege ».

139 Kölnische Zeitung, 28 septembre 1910.

140 M. Guerre à A.A., 1er décembre 1910 et A.A. à M. Guerre, 10 décembre 1910, Bonn, Belgien 60, t. 5.

141 Note du 12 avril 1911, la Belgique et les arrangements de 1908 concernant la mer du Nord, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 9.

142 Berlin à M.A.E.b., 20 janvier 1908, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 8.

143 Note du 12 août 1911, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 9.

144 Berlin à M.A.E.b., 17 janvier 1908, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 8.

145 Berlin à M.A.E.b., 28 janvier 1908, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 8.

146 Berlin à M.A.E.b., 17 février 1908, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 8.

147 Paris à M.A.E.b., 13 février 1908, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 8 et note du 12 août 1911, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 9.

148 Ibid.

149 M.A.E.b. à Londres, 17 janvier 1908, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 8.

150 M.A.E.b. à Berlin, 17 janvier 1908, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 8.

151 Berlin à M.A.E.b., 20 janvier 1908, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 8.

152 Ibid.

153 M.A.E.b. à Londres, 17 janvier 1908, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 8.

154 Berlin à M.A.E.b., 28 janvier 1908, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 8.

155 M.A.E.b. à Berlin, 17 janvier 1908, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 8.

156 M.A.E.b. à Berlin, 25 janvier 1908, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 8.

157 Berlin à M.A.E.b., 20 janvier 1908, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 8.

158 La Norvège dont la neutralité est garantie par un traité signé en 1907 n’a pas été invitée.

159 Note du 12 août 1911, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 9.

160 M.A.E.b. à La Haye, Paris, Londres, Copenhague, 13 mars 1908, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 8.

161 Notamment par P. Hymans, à la Chambre des Représentants (cf. Anvers à M.A.E.f., 9 décembre 1905, A.E. Paris, NS 12).

162 Greindl à M.A.E.b., 30 novembre 1908 et 16 janvier 1909, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 8. Les mêmes thèmes ont déjà été exprimés par Greindl dans ses lettres du 6 juillet 1901 et du 13 février 1906 (cf. supra, chap. 16, p. 382).

163 Dépêche du 16 janvier 1909.

164 Dépêche du 30 novembre 1908.

165 Ibid.

166 Ibid.

167 Dépêche du 16 janvier 1909.

168 Ibid.

169 Ibid.

170 Dépêche du 30 novembre 1908.

171 16 janvier 1909.

172 Ibid.

173 Gaiffier à Van der Elst, 4 janvier 1909, A.G.R., Papiers Van der Elst, dossier52.

174 Ibid.

175 Siben à M. Guerre, 27 janvier 1907, Vincennes, 7N 1155 et Duruy à M. Guerre, 2 août 1909, Vincennes, 7N 1156.

176 Duruy à M. Guerre, 2 août 1909, Vincennes, 7N 1156.

177 Duruy à M. Guerre, 26 juillet 1909, Vincennes, 7N 1156.

178 Ibid.

179 Duruy à M. Guerre, 9 novembre 1909, Vincennes, 7N 1156.

180 Le Soir, 16 janvier 1909.

181 La Ligue de la défense nationale est créée en 1908 dans les milieux libéraux pour promouvoir la réforme militaire.

182 Duruy à M. Guerre, 2 août 1909, Vincennes, 7N 1156.

183 Ibid.

184 A titre d’exemple, on peut signaler L’invasion de la Belgique, 1906, traduit en anglais en 1907 (le thème : la Belgique est envahie et subit le sort de l’Alsace-Lorraine après une victoire de l’Allemagne contre la France).

185 Comme directeur de l’Artillerie au ministère de la Guerre dans les premières années du siècle, puis Inspecteur général de l’Artillerie de mars 1906 à son entrée dans le gouvernement de Trooz en mai 1907, il a été largement responsable du renouvellement des matériels de l’armée belge. Selon Duruy, il a des participations dans les affaires de Cockerill et de la Fabrique Nationale d’Herstal (Duruy à M. Guerre, 15 mars 1911, Vincennes, 7N 1157).

186 A. Crahay, Le Roi et la défense du pays, pp. 84-85.

187 E. Wanty, Le milieu militaire belge de 1830 à 1841, p. 212.

188 Ibid.

189 Libéraux et socialiste sont hostiles au remplacement et favorables au service personnel court, mais les socialistes sont pour la suppression de l’armée permanente et l’instauration d’un système de milices.

190 Journal de Bruxelles, 15 et 22 décembre 1908. (Le journal résume les thèses qu’il combat).

191 Ibid. « A propos de la défense nationale », 22 décembre 1908.

192 Ibid. « Une thèse antimilitariste », 15 décembre 1908.

193 Bruxelles à A.A., 15 décembre 1908, Bonn, Belgien 60, t. 4.

194 26 décembre 1908.

195 Bruxelles à A.A., 27 décembre 1912, Bonn, Belgien 60, t. 4.

196 Commission de 15 membres (9 de la majorité, 6 de l’opposition) qui dépose ses conclusions fin avril 1909.

197 Bruxelles à M. Guerre, 20 juin 1909, Vincennes, 7N 1156.

198 Siben à M. Guerre, 2 mai 1907, Vincennes, 7N 1156.

199 Duruy à M. Guerre, 15 janvier 1909, Vincennes, 7N 1156.

200 Le projet de loi est déposé à la Chambre, le 8 juillet 1909, après plusieurs mois de tergiversations. A l’automne, la discussion traîne et Hellebaut déclare le 27 octobre qu’il ne défend le projet que comme un pis-aller car il est insuffisant. Le débat porte sur l’extension du service personnel (à défaut de service général, faut-il appeler un ou deux fils par famille ?) sur la suppression du remplacement, les dispenses pour les écclesiastiques et la durée du service.

201 La loi est votée par 102 voix contre 50 et 5 abstentions à la Chambre ; par 71 voix contre 22 et 9 abstentions au Sénat. (Les libéraux ont voté en faveur de cette loi).

202 Note M.A.E.b., 12 mars 1909, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 8.

203 Note M.A.E.b., 2 juillet 1909, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 8.

204 Ibid.

205 Bruxelles à A.A., 30 octobre 1909, Bonn, Belgien 60, t. 5.

206 Ibid.

207 Note M.A.E.b., 5 mai 1909, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 8.

208 Ibid.

209 Une commission d’enquête créée aux Pays-Bas en 1903 avait conclu dans son rapport du 24 décembre 1904 à l’utilité de nouvelles fortifications. Le projet de 1910 prévoit des travaux pour 40 millions de florins (84 millions de francs). Il est annoncé par la reine Wilhelmine dans le discours du trône en 1909 et le projet de loi est déposé le 24 juillet 1910.

210 Berlin à M.A.E.b., 16 novembre et 7 décembre 1910, A.E. Bruxelles, CP Allemagne, Compl.

211 Notamment dans Le Temps, L’Echo de Paris, Le Gaulois, L’Action.

212 Berlin à M.A.E.b., 16 novembre 1910, A.E. Bruxelles, CP Allemagne, compl. Greindl écrit dans cette dépêche que les Anglais avaient aussi des visées sur Anvers comme le montre le projet présenté en 1906 par Bamadiston « d’après lequel une armée anglaise se serait réservé le rôle peu périlleux de tenir garnison à Anvers, se rendant ainsi maîtres de nos destinées par l’occupation de notre réduit national ». Une note marginale souligne que « Les souvenirs du baron Greindl le trompent. Il n’avait pas été question de cela dans les entretiens ». (Sur les entretiens Barnadiston-Ducarne en 1906, cf. supra, chap. 16, pp. 378-379).

213 Ibid.

214 Ibid.

215 Bruxelles à A.A., 30 novembre 1910, Bonn, Belgien 60, t. 5.

216 Ibid.

217 Paris à M.A.E.b., 6 novembre 1911, A.E. Bruxelles, CP France, t. 53.

218 L’Escaut et la neutralité permanente de la Belgique d’après les traités de 1839 et 1907, La Haye, 1910.

219 L’Escaut en temps de guerre, Bruxelles, 1910.

220 18 janvier 1911.

221 Le Gaulois, 16 janvier 1911.

222 Note 5 janvier 1912, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 10.

223 Ibid.

224 Journal des Débats, 20 janvier 1911. Le C.R. de la séance au 16 janvier 1911 se trouve aussi dans de très nombreux autres journaux français, belges ou allemands.

225 Londres à A.A., 21 janvier 1911, Bonn, Belgien 60, t. 5.

226 Kölnische Zeitung, 18 et 20 janvier 1911.

227 Berlin à M.A.E.b., 20 janvier 1911, A.E. Bruxelles, CP Allemagne, Compl.

228 Bruxelles à A.A., 24 janvier 1911, Bonn, Belgien 60, t. 5.

229 Paris à M.A.E.b., 18 et 19 janvier 1911, A.E. Bruxelles, CP France, Compl.

230 Bruxelles à A.A., 23 janvier 1911, Bonn, Belgien 60, t. 5.

231 Bruxelles à A.A., 25 et 26 janvier 1911, Bonn, Belgien 60, t. 5.

232 La Haye à A.A., 4 février 1911, Bonn, Belgien 60, t. 6.

233 Note d’Arendt sur la question de Flessingue, 12 mars 1912, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 10.

234 Ibid.

235 Ibid.

236 Le projet semble, momentanément, remis à l’ordre du jour à l’automne 1912, ce qui provoque aussitôt une démarche du ministre d’Angleterre auprès de Van der Elst et fournit au secrétaire général l’occasion de réaffirmer que la Belgique n’a rien fait pour empêcher la Hollande de construire le fort de Flessingue qu’elle ne considère pas comme préjudiciable à sa neutralité (note Van der Elst, 1er octobre 1912, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 11).

237 Van der Elst rappelle ces démarches dans une lettre à Beyens, 3 mai 1913, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 12.

238 Ibid.

239 Ibid.

240 H. Lademacher, Die Belgische Neutralität..., p. 384 et J. Willequet, « Les dossiers Belgique de la Wilhelmstrasse 1900-1914. Impression générale », p. 5.

241 Bruxelles à M.A.E.f., 23 janvier 1904 ; A.E. Paris, NS 14.

242 Kölnische Zeitung, 26 janvier et Kölnische Volkszeitung, 27 janvier 1904.

243 H. Lademacher, op. cit., pp. 387-388. Greindl qui n’a pas été mis au courant de la proposition de l’Empereur estime que les autorités allemandes sont satisfaites de la visite du Roi (Berlin à M.A.E.b., 7 février 1904, A.E. Bruxelles, CP Allemagne, Compl.).

244 Le Matin, 6 mars et 19 mars 1904.

245 Wallwitz à A.A., 26 janvier 1906, Bonn, Belgien 60, t. 4.

246 Note M.A.E.b., 5 mai 1909, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 8 (il voit le président Fallières le8, le président du Conseil Clemenceau et le ministre des Affaires étrangères, Pichon, le 9 février).

247 Ibid. Voir aussi Etoile belge du 27 avril 1909.

248 Bruxelles à A.A., 27 avril 1909, Bonn, Frankreich 121, t. 4.

249 Etoile belge, 27 avril 1909.

250 Selon le ministre de France, le Roi souhaitait effectuer sa première visite en Angleterre, dans l’espoir d’obtenir de Londres la reconnaissance de l’annexion du Congo. Mais la visite est retardée d’abord par les négociations anglo-germano-belges sur la frontière orientale du Congo puis par la mort d’Edouard VIL C’est aux obsèques du Roi d’Angleterre que Guillaume II aurait invité Albert Ier, précipitant ainsi la visite à Berlin (cf. Bruxelles à M.A.E.f., 26 mai 1910, A.E. Paris, NS 16).

251 Texte du toast d’après l’agence Wolff, 1er juin 1910, Bonn, Deutschland 140.

252 Lettre de Beyens, ministre de la Maison du Roi, à Van der Elst, 21 octobre 1910, A.G.R., Papiers Van der Elst, dossier 7.

253 J. Willequet, op. cit., p. 7.

254 Lettre de Beyens à Van der Elst, 21 octobre 1910, A.G.R., Papiers Van der Elst, dossier 7.

255 Texte du toast d’après l’agence Wolff, 1er juin 1910.

256 Berlin à M.A.E.b., 3 juin 1910, A.E. Bruxelles, CP Allemagne, Compl. (l’Empereur souffre d’un furoncle).

257 G. Vanzype, Le Prologue du drame. Reportages.

258 Berlin à M.A.E.b., 3 juin 1910, A.E. Bruxelles, CP Allemagne, Compl.

259 Paris à A.A., 3 juin 1910, Bonn, Frankreich 121, t. 5.

260 L’Action, 16 juillet 1910.

261 Cette thèse est exposée par Le Myre de Villers, ancien gouverneur d’Indochine, dans une interview à L’Intransigeant. Il estime que si la France avait une armée et une flotte plus fortes, la Belgique se tournerait vers la France.

262 Berlin à M.A.E.b., 3 juin 1910, A.E. Bruxelles, CP Allemagne, Compl.

263 Ibid.

264 Ibid.

265 Ibid.

266 Ibid.

267 Paris à M.A.E.f., 6 juin 1910, A.E. Paris, NS 14.

268 Tout début janvier, des contacts sont pris avec le chef du protocole du Quai d’Orsay (Paris à M.A.E.b., 2 janvier 1910, A.E. Bruxelles, CP France, Compl.). Le 1er mars, des journaux libéraux de Bruxelles, Le Soir, La Gazette, lancent le bruit d’une visite à Paris au mois d’avril (Bruxelles à M.A.E.f., 1er mars 1910, A.E. Paris, NS 16).

269 Bruxelles à M.A.E.f., 25 mai 1910, A.E. Paris, NS 16.

270 Bruxelles à M.A.E.f., 27 mai 1910, A.E. paris, NS 16.

271 Le Matin, 13 juillet 1910.

272 Ibid.

273 Ibid.

274 Le Temps, 13 juillet 1910.

275 Ibid.

276 Le Matin, 13 juillet 1910.

277 Le Temps, 13 juillet 1910.

278 G. Vanzype, op. cit., p. 48.

279 Ibid.

280 Le Temps, 15-16 juillet 1910.

281 G. Vanzype, op. cit., pp. 48-49.

282 Le Matin cité par Le Temps, 15-16 juillet 1910.

283 Berlin à M.A.E.b., 18 juillet 1910, A.E. Bruxelles, CP Allemagne, Compl.

284 Ibid.

285 Le Temps, 4 octobre 1907, Le Patriote, 8 octobre 1907.

286 Note Van der Elst, 18 septembre 1910 (Kracker a montré à Van der Elst un rapport de police qui pourrait laisser craindre ce danger), A.E. Bruxelles, 76 I.

287 Note du 12 octobre 1910, A.E. Bruxelles, 76 I.

288 Echo de Paris, 1er octobre 1910.

289 Le Journal de Bruxelles, 9 octobre 1910.

290 Pro memoria, 11 octobre 1910, A.E. Bruxelles, 76 II.

291 Le Matin, cité par le Journal de Bruxelles, 9 octobre 1910.

292 La Gazette, 5 octobre 1910 (Bruxelles est pour eux plus proche que Berlin).

293 Pro memoria (Bassompierre), 11 octobre 1910, A.E. Bruxelles, 76 II (Bruxelles venait de recevoir les magistrats municipaux de Paris).

294 Ibid.

295 F. Fischer, Ecrit sur le sable, p. 141.

296 Bruxelles (attaché militaire) à M. Guerre, 25 octobre 1910, Vincennes, 7 N 1156.

297 Bruxelles (attaché militaire) à M. Guerre, 27 octobre 1910, Vincennes, 7 N 1156.

298 Bruxelles (attaché militaire) à M. Guerre, 28 octobre 1910, Vincennes, 7 N 1156.

299 Texte du discours du Roi, A.G.R., Papiers Van der Elst, dossier 158.

300 xxe siècle, 26 octobre 1910. Voir aussi Journal de Bruxelles, 28 octobre 1910.

301 Kölnische Zeitung, 28 octobre 1910.

302 La Métropole, 28 octobre 1910.

303 La Métropole, 26 octobre 1910.

304 Titre de l’article du 25 octobre 1910.

305 Bruxelles à M.A.E.f., 25 et 30 juin 1910, A.E. Paris, NS 16.

306 Note mai 1911, A.E. Bruxelles, 81 III.

307 Bruxelles à M.A.E.f., 15 mai 1911, A.E. Paris, NS 16.

308 Bruxelles à A.A., 9 mai 1911, Bonn, Frankreich 121, t. 5.

309 Bruxelles (attaché militaire) à M. Guerre, 15 mai 1911, Vincennes, 7N 1157.

310 Paris à M.A.E.b., 15 mai 1911, A.E. Bruxelles, CP France, Compl.

311 Bruxelles (Renner) à Berlin, 17 mai 1911, Bonn, Frankreich 121, t. 5.

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