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La Belgique entre la France et l’Allemagne

 | 
Marie-Thérèse Bitsch

Deuxième partie. La Belgique neutre un enjeu stratégique et politique

Chapitre 16. La Belgique et la crise franco-allemande de 1905

Texte intégral

1Après une phase de détente relative, les relations entre la France et l’Allemagne sont marquées, en 1905, par la première crise marocaine dont la Belgique subit les contrecoups à deux niveaux.

2Alors qu’elle multiplie elle-même les efforts de pénétration économique dans l’Empire chérifien, la Belgique risque de voir son expansion perturbée par les prétentions françaises d’abord, par la rivalité franco-allemande ensuite. Mais la tension qui s’aggrave entre les deux puissances, en 1905 et 1906 fait aussi peser la menace d’une guerre européenne où la Belgique pourrait servir de voie de passage sinon de champ de bataille pour les belligérants.

3Face à ce double péril pour les intérêts économiques et pour la neutralité du pays, quelle sont les réactions belges ?

Les Belges confrontés à la rivalité franco-allemande au Maroc

Les Belges au Maroc jusqu’en 1905

  • 1 Sur les tentatives d’installation au Maroc, voir A. Duchesne, Léopold II et le Maroc et P. Guillen, (...)
  • 2 Voyage « incognito » mais dont la presse européenne ne manque pas de parler, P. Guillen, op. cit., (...)
  • 3 Ibid, p. 560.
  • 4 Il semble que Defosse ait obtenu la concession des eaux alimentaires de Tanger mais il ne réalise r (...)

4L’intérêt des Belges pour le Maroc se manifeste dès le lendemain de la création de l’Etat Indépendant du Congo. Il s’affirme entre 1885 et 1905 par l’organisation de plusieurs voyages d’exploration ou missions diplomatiques1. En 1897, Léopold II se rend lui-même au Maroc2 avec l’idée avouée de promouvoir un projet de sanatorium pour les fonctionnaires de l’Etat Indépendant. En fait, l’objectif principal semble être, dès l’origine, l’installation sur la côte marocaine d’un port d’escale pour une ligne de navigation reliant Anvers au Congo. Deux ans plus tard, la mission Defosse – entreprise germano-belge où les Allemands se camouflent derrière le nom de l’ingénieur belge3 – n’obtient pas davantage de résultats que les précédentes4.

  • 5 Sur Buisseret, notice dans Biographie Nationale.
  • 6 C. de Buisseret, Compte rendu d’une exploration commerciale aux ports de la côte, 1903 (voir notamm (...)

5En 1903-1904, les efforts en vue d’une pénétration économique s’intensifient. A la suite d’un voyage dans les ports de la côte, le comte Conrad de Buisseret, ministre de Belgique à Tanger depuis 1902, préconise plusieurs mesures5. Il suggère lui aussi la création d’un service de navigation belge entre Anvers et le Maroc devenant ainsi une escale pour la ligne du Congo. Il croit possible d’augmenter les ventes de produits belges au Maroc à condition de faire un effort de prospection commerciale et d’accorder des facilités de paiement « à l’initiative du système pratiqué par les Allemands ». Il envisage, enfin, l’établissement d’une banque ou d’une succursale de banque belge à Tanger6.

  • 7 Sur la mission belge de 1904, voir C. de Buisseret, A la cour de Fez, la mission belge de 1904 ; le (...)
  • 8 Article de A. Duchesne, Le Soir, 23-24 janvier 1966.
  • 9 Note de Capelle, 31 mars 1905, A.E. Bruxelles, AF. 12.
  • 10 A. Duchesne, op. cit., p. 219.

6Début 1904, une importante mission belge est envoyée à la cour de Fez avec l’espoir d’obtenir des concessions dans la région d’Agadir7. Dirigée par C. de Buisseret, elle comprend Arthur Tacquin, médecin et océanographe qui vient de faire des repérages sur la côte marocaine, Georges Grimard, sénateur, avocat d’affaires et gendre d’O. Allard, lui-même agent de change du baron E. Empain, ainsi que plusieurs autres personnalités parmi lesquelles le vice-consul W. Serruys, un interprète, Barugel, et deux officiers de l’armée belge. Appuyée par Léopold 118 et par la diplomatie belge9, cette mission est présentée par les autorités comme une entreprise privée relevant du groupe Allard10.

  • 11 Ses projets seront exposés dans un mémorandum édité en avril 1905 : A. Tacquin, Le Maroc au point d (...)
  • 12 Ibid, p. 89.
  • 13 Ibid, p. 65.

7Cette mission de 1904 est inspirée par les projets très ambitieux du docteur Tacquin qui reprend l’idée de créer une ligne de navigation afin de transporter sous pavillon national les produits fabriqués belges qui arrivent le plus souvent au Maroc sur des bateaux allemands11. Selon lui, cette ligne directe entre Anvers et les ports marocains sera « la base de notre pénétration dans ce nouveau champ d’exploitation qui va s’ouvrir »12. Cette création doit aller de pair avec la mise en exploitation de pêcheries qui peuvent fournir un fret de retour rémunérateur. Il envisage aussi d’obtenir du sultan des concessions de terrains à Santa-Cruz d’Agadir pour l’installation d’une conserverie proche des bancs de pêche et pour la construction d’un ponton de charbon, ce qui faciliterait l’installation d’une colonie belge à proximité de la riche vallée du Sous. Convaincu que la baie d’Agadir est le meilleur site portuaire de tout le Maroc, il souhaite voir ses compatriotes prendre pied solidement sur « ce point stratégique commercial »13 qui sera plus tard l’escale logique des bateaux du Congo.

  • 14 Une T.S.F., un appareil de radiographie, un groupe électrogène, une motocyclette d’Herstal, un cano (...)
  • 15 Ibid.

8Arrivée le 3 mai avec des cadeaux « somptueux »14, la mission belge semble engager des pourparlers sous de bons augures. Buisseret et Grimard ont des entretiens presque quotidiens avec les dirigeants marocains15. Mais ils quittent Fez le 15 juin avec seulement une vague promesse de la part du sultan.

  • 16 Comte de Saint-Aulaire, Confession d’un vieux diplomate, p. 97.
  • 17 P. Guillen, op. cit., p. 773.

9Cet échec de la mission ne manque pas d’être attribué à l’intervention française. En effet, c’est pendant le séjour de l’ambassade belge que parvient au sultan la notification de l’accord franco-anglais du 8 avril 1904 qui reconnaît à la France une influence prépondérante au Maroc16 et Saint-Aulaire, secrétaire de la légation de Tanger, qui est alors à Fez, notamment pour négocier un emprunt, s’efforce de contrecarrer les projets belges17.

  • 18 M.A.E.b., Tanger, 22 avril 1904, A.E. Bruxelles, AF. 12.
  • 19 M.A.E.b. à plénipotentiaires belges à Algésiras, 6 janvier 1906, A.E. Bruxelles, AF. 12.
  • 20 M.A.E.b. à Tanger, 6 mai 1904, A.E. Bruxelles, AF. 12.
  • 21 Note de direction politique, 3 avril 1905, A.E. Bruxelles, AF. 12.
  • 22 P. Guillen, op. cit., p. 871.

10Pourtant, les chances des Belges au Maroc ne paraissent pas complètement compromises et, pour les préserver, le gouvernement de Bruxelles essaie de jouer dans le double registre de la fermeté et de la conciliation. A la suite d’une démarche du chargé d’affaires français, le 20 avril 1904, le ministre belge des Affaires étrangères s’engage à garder au Maroc une attitude bienveillante, à ne rien faire qui puisse gêner les négociations françaises pour l’emprunt18, « tout en exprimant le vœu que le représentant de la France témoignerait des mêmes dispositions à l’égard (des Belges) qui chercheraient à créer des entreprises » dans l’Empire chérifien19. S’il refuse de subordonner son action au Maroc à un accord préalable avec la France, comme le souhaite Delcassé, le gouvernement belge demande pourtant à son ministre à Tanger de se mettre d’accord avec son collègue français chaque fois que les circonstances le permettent20. On estime à Bruxelles que la Belgique est la « seule puissance qui soit allée aussi loin dans la reconnaissance des droits que la convention (du 8 avril 1904) attribue à la France dans l’empire chérifien »21. Mais, en même temps, les Belges se tournent vers l’Allemagne pour mettre en échec la tentative des Français d’établir leur monopole au Maroc22.

  • 23 Tanger à M.A.E.b., 23 juillet 1904, A.E. Bruxelles, AF. 12.

11A cette bonne volonté relative du gouvernement de Bruxelles, correspond d’abord un certain optimisme de Buisseret. Constatant les relations amicales entre les légations de France et de Belgique à Tanger, celui-ci espère que les Français désireront « tout naturellement faire appel, plus tard, aux ressources industrielles de la Belgique » pour développer l’équipement économique du Maroc23.

  • 24 Paris à M.A.E.b., 6 avril 1905, A.E. Bruxelles, AF. 12.
  • 25 A. Duchesne, op. cit., pp. 206-207.
  • 26 Tanger à M.A.E.b., 4 mai 1905, A.E. Bruxelles, AF. 12.

12Mais il faut vite déchanter. Si les Français donnent l’assurance de maintenir la liberté commerciale au Maroc24, ils reviennent sur leur promesse d’intervenir auprès du sultan en faveur des concessions de pêcheries souhaitées par les Belges25. Les Belges décident alors de renoncer temporairement à leur projet26.

  • 27 7 février 1905.

13La méfiance est entretenue aussi par le Journal du Maroc. Faisant allusion aux progrès commerciaux de « nos amis belges » et à la mission Tacquin, l’organe des intérêts français met en garde contre les ambitions de la Belgique qui ne sont pas toujours strictement économiques27.

  • 28 Paris à M.A.E.b., 14 octobre 1905, A.E. Bruxelles, CP France.

14Le 31 mars 1905, la visite à Tanger de Guillaume II, qui manifeste de façon spectaculaire l’hostilité allemande à la mainmise française sur le Maroc, vient une nouvelle fois modifier les perspectives de pénétration économique des Belges dans l’Empire chérifien. On comprend que l’intervention allemande pourrait « être utile aux intérêts commerciaux de toutes les nations »28. Mais, tandis que quelques champions de l’expansion belge veulent tirer parti de la nouvelle situation internationale pour poser des jalons rapidement, le gouvernement se montre très prudent.

  • 29 Un exemplaire a été remis au prince Albert. (Lettre du secrétaire du prince à V. Lacourt, 29 mars 1 (...)
  • 30 Buisseret à V. Lacourt, 22 avril 1905, A.E. Bruxelles, AF. 12.
  • 31 Buisseret à M.A.E.b., 4 mai 1905, A.E. Bruxelles, AF. 12.

15Buisseret soutient à fond les initiatives de Tacquin dont les projets – exposés dans un mémorandum qui circule alors dans les sphères dirigeantes29 – viennent d’obtenir l’appui du directeur général de la compagnie du Kasaï, V. Lacourt. Selon Buisseret, il faut profiter de la période de transition qui offre des circonstances favorables à la mise en œuvre de ces projets : « Alors que l’an dernier, au lendemain de l’accord anglo-français, il semblait que rien ne se pourrait plus entreprendre dans ce pays sans l’autorisation d’appui de la France, l’entrée en scène de l’Allemagne laisse entrevoir un nouveau programme : le maintien du statu quo politique, l’égalité des droits commerciaux et économiques pour toutes les nations »30. Mais, comme la situation peut encore changer, il convient « de poser à la hâte des jalons pour devancer les autres et s’acquérir au moins un semblant de droits en vue du règlement définitif »31.

  • 32 Note de la direction politique, 3 avril 1905, A.E. Bruxelles, AF. 12.
  • 33 Ibid.
  • 34 Ibid.
  • 35 Note, 15 mai 1905, A.E. Bruxelles, AF. 12.
  • 36 Note du 3 avril 1905, (expression soulignée dans le texte).
  • 37 Note, 9 juin 1905 (Arendt estime qu’en cas d’incident, Buisseret devrait être désavoué et changé de (...)
  • 38 Buisseret à M.A.E.b., 21 juin 1905, A.E. Bruxelles, AF. 12.
  • 39 En mai 1905, Grimard fait une tentative auprès de Gérard, ministre de France à Bruxelles (cf. Duche (...)

16Tacquin comme Buisseret sont désavoués par le ministère des Affaires étrangères. Si la direction commerciale espère qu’à la suite de « l’incident allemand » le docteur Tacquin « suspendra spontanément ses démarches pour les reprendre à un moment plus opportun »32, la direction politique est beaucoup plus catégorique. Elle estime que Tacquin se fait des illusions en comptant sur la bienveillance française. Bien au contraire, « il n’y a pas à douter que le gouvernement français... se montrera plein de défiance envers des Belges qui, dès maintenant chercheraient les meilleurs endroits et les meilleures affaires »33 ; il ne souffrira pas non plus que « des Belges se mettent en relations directes avec le sultan afin d’obtenir des concessions »34. Selon Arendt, il ne sert à rien d’indisposer les Français même si « notre intérêt économique n’est pas de nous mettre de leur côté »35. Inversement, il estime qu’il faut éviter avec soin « tout ce qui pourrait faire supposer que les associations de capitaux belges et français... tendent à faire de la Belgique, en quelque sorte, le « satellite de la France »36 dans les affaires marocaines. Il convient donc d’observer une grande réserve et de conseiller à Tacquin de se tenir tranquille. Quant aux encouragements accordés par Buisseret aux projets Tacquin-Lacourt, ils sont considérés comme « un acte hautement indépendant » contraire aux instructions reçues du ministère et capable de provoquer un incident si la légation de France venait à en être informée37. Dans ces conditions, Buisseret est amené à écrire à Tacquin pour lui demander de ne plus faire circuler son mémoire38 et l’affaire semble enterrée39.

Préparatifs belges en vue d’une conférence internationale

17La prudence est aussi la règle d’or de la diplomatie belge face au projet de conférence internationale sur la question marocaine dont l’idée est lancée par l’Allemagne et reprise par le sultan.

  • 40 L’Etoile belge, 27 mars 1906.
  • 41 14 janvier 1906.

18Une telle conférence est généralement considérée dans l’opinion publique comme avantageuse pour la Belgique qui a « grand intérêt à voir proclamer d’une façon solennelle le régime de la porte ouverte »40. Pourtant, quelques voix discordantes laissent entendre qu’un accord pourrait intervenir entre les Puissances, au détriment de la Belgique. Selon La Métropole d’Anvers, « si la conférence aboutit... les Belges seront dépouillés de tout ce qu’ils comptaient obtenir au Maroc : concessions de mines et de chemins de fer, pêcheries, etc. Tout cela était à la veille de nous être concédé. Nous étions d’accord avec le sultan qui avait fait à la mission belge, qu’il reçut il y a un an, un accueil enthousiaste. On n’attendait plus que l’approbation de la France quand est survenue l’équipée de Guillaume II au Maroc... Si l’accord intervient, il adviendra que ce sera au prix de quelques concessions à l’Allemagne. Or l’Allemagne, précisément, réclame tout ce que nous avions obtenu... Vous pensez que pour prix de la paix on se souciera très peu de refuser ce qui revenait à la petite et inoffensive Belgique »41.

  • 42 Note de la direction politique, 17 avril 1905, A.E. Bruxelles, AF. 12.
  • 43 Ibid.

19Ce point de vue pessimiste n’est pas partagé par les autorités politiques qui estiment, elles aussi, que sur le terrain économique la conférence ne peut que servir les intérêts du pays. Mais, d’un point de vue politique, la Belgique neutre se doit de ne pas prendre position42. Arendt fait remarquer qu’« en principe, la réunion d’une conférence internationale pour régler la difficulté marocaine ne peut nous déplaire, nous n’aurions qu’à y gagner. Mais en fait, cette proposition soulève les questions politiques les plus délicates. Quand des questions de cette nature sont engagées, nous avons pour règle de les laisser répondre par les grandes puissances intéressées »43.

  • 44 M.A.E.b. à Berlin, 18 avril 1905, A.E. Bruxelles AF. 12. Deux semaines plus tard, Favereau observe (...)
  • 45 Note de la direction politique, 17 avril 1905, A.E. Bruxelles, AF. 12.
  • 46 Tanger à M.A.E.b., 25 avril 1905, A.E. Bruxelles, AF. 12.

20Aussi, lorsque le ministre d’Allemagne, Wallwitz, vient transmettre la circulaire concernant la conférence, non seulement le ministre des Affaires étrangères, Favereau, n’exprime aucun avis à son sujet44, mais il est convenu d’attendre quelques jours avant de faire connaître cette communication aux diplomates en poste à l’étranger et de leur demander des informations sur les réactions dans les différentes capitales afin de ne pas s’exposer à avoir à indiquer rapidement le point de vue belge. Seuls les ministres de Belgique à Berlin (sur proposition d’Arendt) et à Paris (à la demande de Favereau) sont informés rapidement45. Les autorités belges n’ont sans doute qu’à se féliciter de cette circonspection lorsque, fin avril, le projet semble devoir être abandonné en raison de l’opposition de plusieurs puissances46.

  • 47 M.A.E.b. à Londres, Madrid, Paris, Vienne, Rome, Lisbonne, Saint-Pétersbourg, 7 juin 1905, A.E. Bru (...)
  • 48 Note du 8 juin 1905, A.E. Bruxelles, AF. 12.
  • 49 Note du 24 juin 1905.
  • 50 Ibid.
  • 51 Note marginale sur La Haye à M.A.E.b., 28 juin 1905, A.E. Bruxelles, AF. 12.
  • 52 Favereau à Van der Elst, 6 juillet 1905, A.E. Bruxelles, AF. 12.

21De même, lorsque début juin, le sultan invite les puissances signataires de la convention de Madrid à une conférence internationale (qui devait se réunir à Tanger) les autorités belges décident d’attendre les réactions des autres pays avant de se prononcer47. Il paraît clair que l’attitude belge doit dépendre de celle des grandes puissances. Si elles sont toutes d’accord pour accepter l’invitation, la Belgique peut, elle aussi, répondre favorablement. Mais « si quelque grande puissance refusait, nous ne pourrions accepter parce qu’en acceptant nous prendrions position dans le conflit politique franco-allemand »48. Alors que plusieurs puissances sont hésitantes ou réticentes (France, Angleterre, Russie), la direction politique estime qu’une réponse positive de la Belgique, « petit état qui est à l’arrière-plan », serait « sans effet et sans utilité49 » mais se retournerait contre elle ; on pourrait l’accuser d’agir pour plaire à l’Allemagne50. D’ailleurs, on s’étonne de voir les Pays-Bas annoncer leur participation avant de connaître la réponse de la France et l’on se demande s’il s’agit d’une démonstration politique en faveur du Reich51. A Bruxelles, on considère qu’il vaut mieux « attendre que la France se soit prononcée »52.

  • 53 Lettre de Favereau, 30 juin 1906, A.E. Bruxelles, AF. 12.
  • 54 M.A.E.b. à Tanger, 11 juillet 1905, A.E. Bruxelles, AF. 12.

22Mais dès que la presse annonce que Paris admet le principe de la conférence, la diplomatie belge ne veut pas être en reste. Elle cherche à avoir confirmation de cette décision et le ministre souhaite une réunion rapide avec ses principaux collaborateurs car « il est très important que nous ne soyons pas les derniers mais bien parmi les premiers à donner notre adhésion à une conférence qui nous permettra de défendre nos intérêts économiques dans cette partie de l’Afrique »53. C’est finalement le 11 juillet que Bruxelles fait connaître sa réponse par une formule qui reste prudente : « ... si la majorité des puissances est d’accord pour la réunion d’une conférence, le gouvernement belge accepte l’invitation d’y prendre part »54.

  • 55 Lettre de Favereau, 12 juillet 1905, A.E. Bruxelles, AF. 12.
  • 56 Les Allemands souhaitaient que la conférence se tienne à Tanger ; les Français préfèrent une ville (...)
  • 57 Note du 3 octobre 1905 (le projet de programme a été signé à Paris, le 28 septembre, par Rouvier et (...)
  • 58 Lettre de Favereau, 12 juillet 1905, A.E. Bruxelles, AF. 12.

23La Belgique n’a pas la prétention de jouer « un rôle important »55 dans la conférence qui se tiendra, en fait, à Algésiras56. Elle accepte le programme élaboré par les gouvernements français et allemand57 et donne à ses plénipotentiaires – C. de Buisseret et Maurice Joostens, représentant de la Belgique à Madrid – des instructions qui sont fixées dans les grandes lignes dès le mois de juillet 1905 et qui se résument en deux formules : abstention en matière politique et défense des intérêts économiques nationaux58.

  • 59 Instructions aux plénipotentiaires, 4 janvier 1906, A.E. Bruxelles, AF. 12.
  • 60 Note de la direction politique, 21 novembre 1905, A.E. Bruxelles, AF. 12.
  • 61 Ibid. M.A.E.b. à Rome, 30 novembre et Rome à M.A.E.b., 6 décembre 1905, A. E Bruxelles, AF. 12.

24Comme la Belgique n’a pas à proprement parler d’intérêts politiques au Maroc, ses délégués sont invités à ne pas intervenir « dans les questions touchant l’influence de certains Etats »59. Leur attitude doit être particulièrement nette dans le sens de l’abstention afin de ne pas laisser croire aux Français ou aux Allemands que la Belgique penche vers l’un ou l’autre, de sorte que sa loyauté ne puisse être suspectée60. On pense que les Belges pourraient agir de concert avec les Italiens qui ont, selon Bruxelles, le même intérêt à rester neutres61.

  • 62 M.A.E.b. aux plénipotentiaires d’Algésiras, 6 janvier 1906, A.E. Bruxelles, AF. 12.
  • 63 Note du 3 octobre 1905 (les principaux produits de l’exportation belge au Maroc semblent être, en 1 (...)
  • 64 Sur ce point, les instructions aux plénipotentiaires du 4 janvier 1906 reprennent presque mot à mot (...)
  • 65 Note du 3 octobre 1905. Sur le désir de participer à la réforme du système fiscal marocain, voir au (...)

25Sur le terrain économique, les Belges tiennent à faire respecter le principe de la porte ouverte : « nous ne réclamons pas autre chose que la liberté des transactions et l’égalité de traitement »62 ; ils espèrent obtenir des garanties en ce qui concerne les adjudications des travaux publics, la liberté du commerce des armes, les droits de douane sur les produits de l’exportation belge...63. Mais, si les délégués sont invités à rester fermes dans la protection et la défense des intérêts du commerce et de l’industrie belges, ils doivent aussi observer vis-à-vis des autres puissances « tous les égards compatibles avec nos intérêts propres » et « n’en blesser aucune » afin de ne pas compromettre les chances de tirer parti des avantages de la situation, par exemple, en faisant engager des employés belges64. De fait, les Belges souhaiteraient avoir une place dans la police, dans la Banque d’Etat, dans l’administration fiscale du Maroc65.

  • 66 Cette colonie semble peu nombreuse. Une liste des « Belges notables fixés d’une manière stable » in (...)
  • 67 Buisseret à M.A.E.b., 3 janvier 1906.
  • 68 Ibid. (Selon ce document, les marchandises venant d’Anvers doivent payer le même fret que celles de (...)

26De son côté, la colonie belge de Tanger66 profite de la fête du nouvel an pour exposer ses desiderata. Elle souhaite que la conférence d’Algésiras décide de réorganiser la police et le service de la poste, de mettre en place un tribunal mixte, de transformer le port en créant des magasins et un quai de déchargement à l’abri du vent67. Elle suggère aussi l’organisation d’une ligne de navigation entre Anvers et le Maroc afin de réduire le prix de transport des marchandises belges apportées par les bateaux allemands68.

  • 69 Note de la direction politique, 29 avril 1906, A.E. Bruxelles, AF. 12.
  • 70 C.R. de la conversation par Favereau, A.E. Bruxelles, AF. 12.
  • 71 Note d’Arendt, 6 janvier 1906, A.E. Bruxelles, AF. 12.
  • 72 C.R. de la conversation Gérard-Favereau, 29 décembre 1905, A.E. Bruxelles, AF. 12.

27Dès avant l’ouverture de la conférence, Français et Allemands cherchent à sonder les intentions des Belges. Le représentant du Reich à Madrid s’adresse à M. Joosten pour lui demander communication des instructions du gouvernement belge ; mais c’est en vain69. Les Français se montrent plus pressants. Le 29 décembre 1905, le ministre de France, Gérard, se rend chez Favereau pour « s’informer des dispositions du gouvernement belge » et il exprime l’espoir que les Belges ne se montreront pas « opposés en cette circonstance au gouvernement de la République »70. Cette démarche ne manque pas d’être interprétée comme le signe « d’une certaine défiance » de Paris à l’égard de Bruxelles et, presque, comme « un avertissement »71. Gérard profite aussi de cette entrevue pour chercher à connaître le point de vue belge sur la question de l’organisation de la police marocaine et essayer de démontrer que le maintien de l’ordre passe par une influence prépondérante de la France dans ce domaine. Mais il ne parvient pas à arracher la moindre promesse au baron de Favereau qui se contente d’affirmer que la Belgique ne se départira pas de sa neutralité et qu’il lui paraissait prématuré de dire aux délégués belges dans quel sens ils auraient à voter sur les différentes questions72.

  • 73 Des contacts ont été établis entre Léopold II et E. Etienne à l’occasion de l’exposition de Liège e (...)
  • 74 Note de Rouvier sur cet entretien du 6 février 1906, A.E. Paris, NS 15.
  • 75 Ibid.
  • 76 Ibid. Rouvier explique les réticences françaises par le manque de garanties offertes par le budget (...)

28Peu après l’ouverture de la conférence, un contact parallèle devait rassurer les Français quant à l’attitude de la Belgique. En effet, le baron Van Eetvelde, ancien secrétaire d’Etat du Congo, rend visite à Rouvier, président du Conseil, pour lui faire une communication de la part de Léopold II. Au cours de cette rencontre, organisée par Eugène Etienne73 alors ministre de la Guerre, Van Eetvelde donne l’assurance que le représentant belge à la conférence sur le Maroc observerait une neutralité bienveillante74. Il suggère même d’organiser une campagne dans la presse française pour attirer l’attention de l’opinion belge sur l’obligation de respecter cette neutralité ; mais Rouvier récuse ce moyen de pression qui pourrait être interprété en Allemagne comme une manifestation de sentiments belliqueux de la part de la France75. Bien que Rouvier et Van Eetvelde se défendent tous les deux de vouloir faire un marchandage, la promesse de neutralité bienveillante semble bien liée, pour Léopold II, à la tentative de faire admettre à la cote de la Bourse de Paris un emprunt de 50 millions de francs destiné à la construction de chemins de fer au Congo76.

L’attitude des Belges à Algésiras

  • 77 La conférence est ouverte le 16 janvier. La 17e et dernière séance se tient le 3 avril ; le protoco (...)
  • 78 Algésiras à M.A.E.b., 22 janvier 1906, A.E Bruxelles, AF. 12.
  • 79 Algésiras à M.A.E.b., 24 janvier 1906, A.E Bruxelles, AF. 12 (l’opposition au projet belge vient du (...)

29A la conférence – qui se tient de mi-janvier à début avril 190677 – les délégués belges ne manquent pas d’intervenir pour défendre les intérêts de leur pays sans toujours obtenir pleine satisfaction. Ainsi, par exemple, ils s’en prennent à la réglementation en vigueur pour l’importation des armes de chasse et de luxe qui équivaut, selon eux, à une véritable prohibition. Mais ils n’obtiennent qu’une promesse de révision de ce règlement repoussée à plus tard « lorsque l’ordre sera rétabli dans l’Empire chérifien »78, bien que le projet belge soit appuyé « en commission par le délégué allemand et en séance par le délégué français »79.

  • 80 Cet emprunt de 62,5 millions de francs est souscrit par un consortium français comprenant la Banque (...)

30Sur le plan économique, la création de la Banque d’Etat du Maroc est, pour les Belges, de loin la question la plus importante mais aussi la plus épineuse en raison de l’antagonisme franco-allemand. Selon le délégué du Reich, Tattenbach, toutes les puissances ayant des intérêts au Maroc doivent participer à la Banque, à parts égales. Pour le représentant de la France, Revoil, la participation de chaque puissance doit au contraire être proportionnelle à ses intérêts dans l’Empire chérifien. En fait, la France qui veut s’assurer la majorité dans le conseil d’administration de la future banque estime qu’elle a droit à des parts supplémentaires en compensation de l’abandon du droit de préférence par le consortium bancaire qui avait souscrit l’emprunt marocain de 190480.

  • 81 Note d’Arendt, 24 février 1906, A.E. Bruxelles, AF. 12.
  • 82 Note d’Arendt, 2 février 1906, A.E. Bruxelles, AF. 12.
  • 83 Note, 8 février 1906, A.E. Bruxelles, AF. 12.
  • 84 Ibid. Elle propose que la moitié du capital de la Banque soit répartie en parts égales et l’autre m (...)

31Du point de vue économique, les intérêts belges semblent sauvegardés dans les deux cas de figure81. Arendt estime que la Belgique pourrait accepter la proposition de la France, à condition de savoir exactement ce qu’elle entend par participation « proportionnelle »82. Selon la direction commerciale du ministère, la Belgique ne doit pas se montrer trop exigeante, l’essentiel étant qu’elle soit admise à participer à la constitution de la banque83 ; elle cherche d’ailleurs à trouver un compromis entre les positions allemande et française mais sa suggestion ne semble pas avoir d’écho à Algésiras84.

  • 85 Note d’Arendt, 24 février 1906, A.E. Bruxelles, AF. 12.

32Lorsque l’affrontement franco-allemand se prolonge, les autorités belges considèrent que cette question de la Banque devient nettement politique et qu’il convient par conséquent de s’abstenir de prendre position85. Ce sont donc des consignes de stricte neutralité qui sont renouvelées et qui vont à l’encontre des démarches de Revoil qui cherche à attirer la Belgique dans son camp.

  • 86 Algésiras à M.A.E.b., 27 février 1906, A.E. Bruxelles, AF. 12.
  • 87 Ibid.
  • 88 Algésiras à M.A.E.b., 28 février 1906, A.E. Bruxelles, AF. 12.
  • 89 Algésiras à M.A.E.b., 6 mars 1906, A.E. Bruxelles, AF. 12. Sans avoir la réponse, Revoil écrit à Ro (...)
  • 90 En fait, il y aura quatre censeurs, un Français, un Allemand, un Espagnol et un Anglais (M.A.E.b. à (...)

33Fin février, le délégué français effectue « une démarche pressante » pour demander que la Belgique appuie le projet français ou, du moins, qu’elle accepte le principe d’une situation privilégiée pour le consortium qui a souscrit l’emprunt de 190486. Il fait valoir qu’une abstention complète de la Belgique serait interprétée comme un soutien à l’Allemagne87. Il semble que Revoil essaie alors de constituer une majorité qui pourrait peser sur les décisions de Berlin88. Quelques jours plus tard, les Français cherchent à savoir quel groupe financier belge sera choisi pour participer à la constitution de la Banque marocaine et s’il pourrait compter sur l’appui de ce groupe au sein du conseil d’administration89. En même temps, ils laissent entendre que l’un des trois censeurs chargés de la surveillance de la Banque pourrait être belge90.

  • 91 Note de Capelle, 7 mars 1906, A.E. Bruxelles, AF. 12.
  • 92 Note d’Arendt, 7 mars 1906, A.E. Bruxelles, AF. 12.

34A Bruxelles, il ne peut être question de répondre aux avances françaises autrement que par un refus catégorique. Pour Capelle, en sortant de l’abstention politique, la Belgique risque de perdre son indépendance qui lui permet de défendre ses intérêts économiques91. Pour Arendt, cette proposition est contraire à la loyauté que s’est fixée la Belgique et donc inacceptable92.

  • 93 Revoil à M.A.E.f., 30 mars 1906, DDF.

35La réponse des représentants belges à Algésiras semble un peu moins abrupte. Selon Revoil, « les délégués belges, après avoir consulté leur gouvernement ont déclaré que, le groupe belge souscripteur ne devant pas être désigné avant la fin de la conférence, il était impossible de prévoir les instructions » qu’il recevrait. Mais « qu’en raison des relations intimes... entre les marchés belge et français, il n’était pas douteux que nous soyons secondés »93.

  • 94 Tanger à M.A.E.b., 8 mars 1907, A.E. Bruxelles, AF. 12.
  • 95 Algésiras à M.A.E.b., 22 février 1906, A.E. Bruxelles, AF. 12.
  • 96 Ibid.

36Il semble aussi que Buisseret ait joué occasionnellement les conciliateurs entre Français et Allemands en rendant en fait « un service » à la France94. En effet, les délégués allemands ont longtemps considéré que l’abandon du droit de préférence ne justifiait pas l’octroi de parts supplémentaires à la France mais, selon Buisseret, ils confondaient « évidemment le droit de préférence avec un droit d’option »95. Il s’est donc efforcé de « leur faire voir leur erreur96 » notamment au cours d’une longue conférence privée, réunissant le 21 février, en plus de Buisseret lui-même, deux délégués allemands (Tattenbach et un conseiller financier, Glasenapp, directeur de la Reichsbank) et deux français (Regnault et Dupasseur, directeur de la Banque de Paris et des Pays-Bas).

  • 97 Revoil à M.A.E.f., 30 mars 1906, DDF.
  • 98 Note de Favereau, 25 mai 1906, A.E. Bruxelles, AF. 12.

37La solution finalement acceptée répartit le capital de la Banque d’Etat du Maroc en quinze parts égales, une pour chacun des pays représentés à Algésiras et deux pour le consortium français de l’emprunt en 1904. La France compte ainsi détenir la majorité grâce à l’appui de l’Angleterre, de l’Espagne, de l’Italie, du Portugal et de la Russie. Elle pense avoir contre elle les voix de l’Allemagne, de l’Autriche-Hongrie, des Pays-Bas, de la Suède et du Maroc. Quant à la Belgique et aux Etats-Unis, elle estime qu’ils s’abstiendront ou peut-être « voteront avec nous »97. Dès que le choix du groupe belge – la Société générale – est connu et que le baron Baeyens est désigné pour siéger au comité chargé de rédiger les statuts de la Banque, puis à son conseil d’administration, Gérard vient dire à Favereau que le gouvernement français espère que le délégué belge « aura les meilleurs rapports avec ses collègues français et marcherait d’accord avec eux »98.

  • 99 Lettre de Burckardt (de Berlin) à Beemaert, 20 février 1906, selon laquelle la Belgique, amie de la (...)
  • 100 Handelsblad d’Amsterdam, 12 mars 1906.
  • 101 Algésiras à M.A.E.b., 8 mars 1906, A.E. Bruxelles, AF. 12 (les propositions autrichiennes recommand (...)
  • 102 M.A.E.b. à Algésiras, 9 mars 1906, A.E. Bruxelles, AF. 12.
  • 103 Note du 28 février 1906, A.E. Bruxelles, AF. 12.
  • 104 Note d’Arendt pour le ministre, 31 mars 1906, A.E. Bruxelles, AF. 12.

38Quant à l’organisation de la police, les Belges semblent renoncer très vite à y participer. Certes, l’idée de confier des responsabilités dans ce domaine à la Belgique a été avancée dans des cercles privés99 et dans la presse100 mais aucune proposition officielle n’est faite en ce sens. Lorsqu’on envisage de désigner un inspecteur général pour contrôler l’ensemble de la police marocaine dirigée par les Français et les Espagnols, il n’est question de la Belgique qu’en coulisse101. Mais le gouvernement recommande alors à ses représentants à Algésiras de ne pas prendre d’initiative car la participation de la Belgique à l’organisation de la police ne lui semble plus souhaitable102. A la direction politique, Arendt estime que même si l’on offrait cette charge à la Belgique, elle ne serait « pas en situation de l’exercer vis-à-vis de la France avec une indépendance qui donnerait satisfaction à l’Allemagne »103. Ce ne serait qu’une source de difficultés car la Belgique pourrait être entraînée à s’immiscer dans les questions politiques ce qui pourrait être préjudiciable à ses intérêts économiques104.

  • 105 Note d’Arendt, 2 février 1906, A.E. Bruxelles, AF. 12.
  • 106 La Haye à M.A.E.b., 17 février 1906, A.E. Bruxelles, AF. 12. Voir aussi Paris à M.A.E.b., 13 févrie (...)
  • 107 Note d’Arendt, 30 juin 1906, A.E. Bruxelles, AF. 12.

39En dépit de toutes ces précautions, la Belgique ne manque pas d’être soupçonnée, tantôt de soutenir l’Allemagne et tantôt de s’aligner sur la France. Début février, un article du Figaro qui présente la Belgique comme un satellite de l’Allemagne suscite une protestation des autorités belges qui font publier un entrefilet dans le Journal de Bruxelles du 3 février105. La même accusation est véhiculée également par L’Indépendance belge106 tandis qu’un peu plus tard, le correspondant à Bruxelles de La Croix affirme que le représentant de la Belgique à Algésiras avait « reçu des instructions lui prescrivant d’appuyer la France dans toute la mesure du possible » ce qui entraîne un nouveau démenti de la part de la diplomatie belge inséré à nouveau dans le Journal de Bruxelles 107.

Un ingénieur belge à la tête des Travaux Publics marocains ?

40La même prudence est encore de mise lors des pourparlers entre puissances en vue de l’application de l’Acte d’Algésiras, notamment sur la question des adjudications et surtout dans l’affaire de la nomination éventuelle d’un ingénieur belge au Maroc.

  • 108 Tanger à M.A.E.b., 27 novembre 1906, A.E. Bruxelles, AF. 12.
  • 109 Note de Capelle, 5 décembre 1906, A.E. Bruxelles, AF. 12.

41Dès novembre 1906, alors que le règlement sur les adjudications des travaux publics est en cours d’élaboration, Rosen, le ministre d’Allemagne à Tanger, fait une ouverture en direction des Belges pour leur proposer une sorte d’entente, dans l’espoir d’éviter que toutes les concessions ne soient accaparées par le groupe des puissances qui soutiennent habituellement la France108. Il suggère que les soumissionnaires des deux pays se concertent préalablement, afin de présenter une proposition susceptible de concurrencer celle du groupe français tout en restant financièrement avantageuse109.

  • 110 Note de Bassompierre, 4 décembre 1906, A.E. Bruxelles, AF. 12.
  • 111 M.A.E.b. à Tanger, 11 décembre 1906, A.E. Bruxelles, AF. 12.
  • 112 Ibid.
  • 113 Ibid.

42A Bruxelles, on ne souhaite ni écarter ces avances, ni se laisser entraîner sur une voie dangereuse. On semble considérer que les craintes du gouvernement allemand sont prématurées et quelque peu excessives puisque l’article 107 de l’Acte d’Algésiras reconnaît le principe de l’égalité en matière d’adjudications110. On tient aussi à rappeler que les règles de conduite définies avant Algésiras – neutralité dans les questions politiques, impartialité et bienveillance envers toutes les puissances, défense des intérêts nationaux en matière économique – restent de rigueur dans les affaires marocaines111. On ne peut donc accepter telle quelle la combinaison proposée par Rosen sans « entrer dans un groupement politique », ce qui est inconciliable avec la neutralité. Bruxelles refuse par conséquent, pour des raisons politiques, de s’« engager d’une manière générale » à s’entendre « au préalable avec l’Allemagne »112, sans compter que, dans certaines affaires, l’intérêt de la Belgique pourrait consister à se rapprocher de puissances autres que le Reich113.

  • 114 Note de Capelle, 5 décembre 1906, A.E. Bruxelles, AF. 12.
  • 115 Note de Favereau, A.E. Bruxelles, AF. 12.

43Cependant, les Belges se déclarent disposés à examiner les propositions allemandes, au coup par coup, en vue de sauvegarder les intérêts économiques communs114. Afin de ne pas heurter les susceptibilités, Favereau recommande de donner « l’assurance que le gouvernement du Roi verrait avec satisfaction des Belges s’associer à des Allemands en vue de la poursuite et de la réalisation d’entreprises déterminées » mais qu’il ne dispose que de peu de moyens de pression sur les hommes d’affaires115.

  • 116 Acte d’Algésiras, DDF, T. IX, p. 840.

44C’est également à la suite d’une suggestion allemande qu’émerge le projet de faire nommer un Belge dans le poste d’ingénieur des travaux publics prévu par l’article 66 de l’Acte d’Algésiras. Il appartiendrait à cet ingénieur de fixer le programme et l’ordre de priorité des travaux publics à effectuer grâce aux ressources provenant de la taxe de 2,5 % frappant les produits importés au Maroc. Cet ingénieur devait être désigné par le gouvernement chérifien en accord avec le corps diplomatique de Tanger116.

  • 117 Tanger à M.A.E.b., 1er mars 1907, A.E. Bruxelles, AF. 12.

45Début mars 1907, les autorités marocaines informent Bruxelles que le sultan a décidé que l’ingénieur prévu par l’article 66 serait belge117, ceci sans avoir consulté le corps diplomatique de Tanger qui ne sera d’ailleurs jamais informé officiellement de cette démarche du Maghzen. En fait, cette candidature se prépare depuis plusieurs mois.

  • 118 Tanger à M.A.E.b., 30 mars 1905, A.E. Bruxelles, AF. 12.
  • 119 Tanger à M.A.E.b., 7 mai 1905, A.E. Bruxelles, AF. 12.
  • 120 Lettre de Favereau, 12 juillet 1905 ; note du 3 octobre 1905, A.E. Bruxelles, AF. 12.

46Déjà en mars 1905, à la veille du « coup de Tanger », l’Allemagne avait fait savoir qu’elle serait favorable à l’introduction de fonctionnaires neutres, belges de préférence, dans l’administration chérifienne118. Dans les semaines suivantes, plusieurs entretiens de Buisseret avec les conseillers du sultan d’une part et le ministre d’Allemagne d’autre part ont permis d’encourager cet espoir, les représentants de la France au Maroc ne se déclarant alors pas hostiles à cette idée119. Les programmes belges pour Algésiras évoquent également cette possibilité120.

  • 121 M.A.E.b. à Tanger, 31 décembre 1906, A.E. Bruxelles, AF. 12.
  • 122 Tanger à M.A.E.b., 7 janvier 1907, A.E. Bruxelles, AF. 12.
  • 123 Ibid. (La Kölnische Zeitung du 5 mars 1907 rappelle que l’Allemagne est favorable à la nomination d (...)
  • 124 En cas de rivalité franco-allemande pour ce poste, la Belgique devrait s’abstenir.
  • 125 M.A.E.b. à Tanger, 19 janvier 1907, A.E. Bruxelles, AF. 12. La Belgique avait présenté un plan en v (...)

47Mais c’est fin 1906 que l’ambition belge se focalise sur la désignation d’un ingénieur belge. Les différents ministres consultés (Finances, Travaux publics) semblent approuver ce projet et les Affaires étrangères vont jusqu’à imaginer un système de roulement permettant de choisir l’ingénieur et ses adjoints parmi les spécialistes compétents des pays neutres, en commençant par la Belgique121. Vers la même époque, le Maghzen fait savoir que ses préférences vont à un ingénieur belge, sous réserve que Berlin ne fasse pas opposition122. Quant au gouvernement du Reich, il fait savoir qu’il est prêt à soutenir la candidature belge à condition que la Belgique appuie un candidat allemand pour le poste d’ingénieur-adjoint123. Cette condition ne manque pas de poser un problème quasi cornélien car la Belgique ne peut pas s’engager vis-à-vis de l’Allemagne124 et elle ne veut pas courir le risque de perdre son appui car « la place d’ingénieur est autrement importante que le monopole des tabacs »125.

  • 126 M. Travaux Publics à M.A.E.b., 21 février 1907, A.E. Bruxelles, AF. 12.
  • 127 Tanger à M.A.E.b., 2 mars 1907, A.E. Bruxelles, AF. 12.

48Le gouvernement belge désigne son candidat dès le mois de février : il s’agit de l’ingénieur principal des Ponts et Chaussées, Claes126. Toutefois, les autorités belges ne font pas vraiment campagne en faveur de leur candidat. Après la proposition officielle du Maghzen, Buisseret se contente d’en informer les différentes légations à Tanger sans leur demander d’appuyer cette candidature127.

  • 128 Selon C. Barrère. (Cf. Rome à M.A.E.b., 6 avril 1907, A.E. Bruxelles, AF. 12).
  • 129 Les Français ont eux aussi déjà un candidat, Porché.
  • 130 Note de Favereau sur un entretien avec le chargé d’affaires, Ganderax, 5 mars 1907, A.E. Bruxelles, (...)
  • 131 Paris à M.A.E.b., 10 mars 1907, A.E. Bruxelles, AF. 12.
  • 132 Ibid.
  • 133 Ibid.
  • 134 Ibid.

49Les réactions des Français sont immédiatement très vives à Tanger comme à Paris. Selon Camille Barrère, au Quai d’Orsay « l’opinion était très montée » contre la candidature belge et « pendant plusieurs jours on ne s’est pas occupé d’autre chose »128. En effet, les Français comptent bien réserver à l’un de leurs nationaux ce poste « particulièrement important pour leur influence au Maroc »129. Ils justifient leur prétention d’un point de vue économique en rappelant que les travaux seront financés grâce aux ressources des douanes et que la France assure plus de la moitié du commerce de l’Empire chérifien130. Ils déclarent aussi que, si le poste devait revenir à un Etat neutre, ils préféraient la Suisse à la Belgique qui a au Maroc des intérêts trop importants et apparait comme une concurrente au point de vue industriel et commercial en Afrique131. Mais les Français se montrent surtout très mécontents de la candidature belge parce qu’elle est fortement appuyée par l’Allemagne. Le ministre des Affaires étrangères, Pichon, ne manque pas de dire à Leghait qu’il sait de source certaine que cette candidature n’a pu surgir « qu’à la suite d’intrigues ourdies par les agents allemands tant à Tanger qu’à Fez »132. Pichon considère par conséquent, que les Belges sont, sans doute malgré eux, « les agents d’un complot allemand dirigé contre les intérêts de la France »133. Il fait remarquer qu’ils ont posé « un acte peu amical pour la France » et qu’il ne pourra jamais oublier ce procédé134.

  • 135 Ibid.
  • 136 Paris à M.A.E.b., 7 mars 1907, A.E. Bruxelles, AF. 12.
  • 137 Ibid.
  • 138 Tanger à M.A.E.b., 18 mars 1907, A.E. Bruxelles, AF. 12.

50Après les menaces, Pichon essaie également de manier la séduction en faisant miroiter les avantages qui pourraient résulter pour l’industrie belge d’un accord avec la France135. Il assure que les intérêts belges seraient parfaitement garantis et que le principe d’égalité serait respecté dans les adjudications, même si les travaux publics n’étaient pas confiés à un Belge136. Il veut donc espérer le retrait du candidat belge et il a donné l’ordre au ministre de France à Tanger d’insister auprès de Buisseret pour l’obtenir137. Paris laisse d’ailleurs entendre qu’il n’y a pas d’alternative et que si l’ingénieur français n’était pas élu, « l’acte d’Algésiras (resterait) sans application »138.

  • 139 Sur d’autres problèmes secondaires, la coopération s’établit. C’est ainsi que les Belges facilitent (...)
  • 140 Note sur la conversation du ministre des Affaires étrangères avec le comte d’Ormesson, 8 mars 1907, (...)
  • 141 Ibid.

51Les Français sont d’autant plus irrités que des affaires mineures viennent envenimer les relations franco-belges à propos du Maroc139. Il s’agacent de voir le baron Baeyens, empêché de participer à une réunion sur la banque, donner une délégation de pouvoir à son collègue des Pays-Bas dont on craint qu’il ne soit peu favorable aux positions françaises. Paris cherche – en vain – à obtenir de Bruxelles l’engagement qu’en cas de nouvelle absence, Baeyens ne laisserait pas de mandat ou le confierait à l’un des délégués français140. Le ministre des Affaires étrangères déclare néanmoins que si le délégué néerlandais prenait une attitude partiale, le baron Baeyens « aurait soin de choisir comme mandataire le représentant financier d’une autre puissance neutre, la Suisse »141.

  • 142 Ibid.
  • 143 M.A.E.b. à Tanger, 8 janvier 1907, A.E. Bruxelles, AF. 12.
  • 144 Note d’Arendt, 19 février 1907, A.E. Bruxelles, AF. 12.
  • 145 Tanger à M.A.E.b., 25 février 1907, A.E. Bruxelles, AF. 12. (Le local est accepté par les diplomate (...)

52Il y a aussi quelques tiraillements au sujet du lieu de réunion du corps diplomatique à Tanger142. Alors que les représentants des puissances se retrouvaient traditionnellement chez le plus ancien d’entre eux – à ce moment-là, le ministre du Portugal – le Maghzen tient à mettre lui-même un local à leur disposition. La Belgique ne voit pas d’objection à accepter cette proposition si elle ne nuit pas à ses relations avec les autres puissances143. Or, la France craint une manœuvre allemande qui pourrait mettre en question l’indépendance des diplomates et le comte d’Ormesson fait une démarche auprès des autorités belges pour leur demander de changer d’attitude144. Les Belges ne peuvent évidemment pas céder à cette pression mais la France et l’Angleterre, elle aussi d’abord réticente, finissent par accepter la proposition du Maghzen145.

  • 146 Tanger à M.A.E.b., 12 mars 1907, A.E. Bruxelles, AF. 12.
  • 147 Note du 11 mars 1907, A.E. Bruxelles, AF. 12.
  • 148 M.A.E.b. à Berlin, 12 mars 1907, A.E. Bruxelles, AF. 12.
  • 149 Note d’Arendt, 14 mars 1907, A.E. Bruxelles, AF. 12.
  • 150 Paris à M.A.E.b., 16 mars 1907, A.E. Bruxelles, AF. 12.
  • 151 Ibid.
  • 152 Tanger à M.A.E.b., 12 mars 1907, A.E. Bruxelles, AF. 12. (Le chargé d’affaires de Russie aurait été (...)
  • 153 Berlin à M.A.E.b., 16 mars 1907, A.E. Bruxelles, AF. 12.

53Dans l’affaire de l’ingénieur, c’est au contraire la Belgique qui opère un repli stratégique. Alors que Buisseret écrit encore, le 12 mars, que la Belgique « doit garder toutes ses forces pour faire triompher » sa candidature146, Bruxelles a déjà renoncé à ce poste. D’après Capelle, l’avantage de la désignation d’un ingénieur ne compenserait pas les préjudices entraînés par les mauvaises dispositions de la France dans les affaires où la Belgique a besoin de son concours147. Il est clair qu’on ne veut « pas porter atteinte à l’esprit de conciliation » qui préside aux relations franco-belges148. On ne veut pas non plus accréditer « la thèse selon laquelle la Belgique est l’alliée de l’Allemagne »149. Comme Paris parait décidé à vaincre l’obstruction allemande, la Belgique ne veut pas apparaître comme le principal obstacle au risque de s’attirer des représailles150. De plus, le Belges se demandent si un échec de la France au Maroc ne pourrait pas entraîner de nouvelles complications internationales, ce qu’ils souhaitent éviter151. Ils craignent sans doute aussi de ne pas trouver une majorité en faveur de leur candidat. En dehors de la Belgique, seuls le Maroc, l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie et les Pays-Bas semblent, en effet, prêts à voter pour lui car d’autres pays, qui n’y seraient pas hostiles, subissent les pressions de Paris152. A la mi-mars, les Belges ont d’ailleurs le sentiment que les Allemands eux-mêmes n’attachent pas vraiment d’importance à la désignation du candidat belge153.

  • 154 Paris à M.A.E.b., 16 mars 1907, A.E. Bruxelles, AF. 12.
  • 155 M.A.E.b. à Paris, 19 mars 1907, A.E. Bruxelles, AF. 12.
  • 156 Ibid.
  • 157 Paris à M.A.E.b., 21 mars 1907, A.E. Bruxelles, AF. 12.

54Si la Belgique se résigne à renoncer au poste d’ingénieur pour garder de bonnes relations avec la France, elle souhaite ne pas perdre la face en ayant l’air de céder à des pressions154. Il ne peut donc être question d’un retrait de la candidature belge qui serait considéré comme une « abdication » ou comme « une concession inspirée par des considérations autres qu’économiques »155. Mais le gouvernement belge suggère lui-même une solution. Rappelant que sa candidature de pays neutre revêtait un « caractère de conciliation », il propose que le corps diplomatique de Tanger examine d’abord les candidatures présentées par l’une ou l’autre des grandes puissances et que celle de l’ingénieur belge ne vienne qu’« en ordre subsidiaire au cas où l’on n’aurait pu se mettre d’accord en faveur de l’une des premières »156. Cette combinaison parait convenir à Pichon qui retire ses paroles sur l’attitude peu amicale de la Belgique à l’égard de la France157. L’incident semble donc clos dès le 19 mars 1907.

  • 158 Buisseret doit s’abstenir de voter pour un autre candidat et en particulier pour un candidat frança (...)
  • 159 Tanger à M.A.E.b., 26 avril et 14 mai 1907. Selon Buisseret, les Russes étaient plutôt favorables à (...)
  • 160 Tanger à M.A.E.b., 30 mai 1907, A.E. Bruxelles, AF. 12. (Après la parution du 2e numéro daté du 14  (...)
  • 161 Tanger à M.A.E.b., 28 mai 1907, A.E. Bruxelles, AF. 12.

55Alors que Bruxelles envoie très rapidement des consignes de vote à Buisseret158, l’élection de l’ingénieur des travaux publics traîne encore pendant plusieurs semaines. Paris cherche encore à obtenir le retrait de la candidature belge, notamment grâce à des démarches de diplomates amis. C’est ainsi que le chargé d’affaires de Russie à Tanger intervient à trois reprises auprès de Buisseret pour suggérer que, si la Belgique retirait son candidat, elle pourrait obtenir le poste d’ingénieur adjoint159. Si cette insistance n’a pas de répercussions apparentes au niveau officiel, le climat reste tendu à Tanger où un avocat belge, Constant Heymans, fait paraître, à partir de la fin avril, un journal de quinzaine gratuit, L’Indépendance marocaine, qui est rempli d’articles injurieux pour la France et pour son représentant au Maroc160. Quant au gouvernement de Berlin, il semble alors se désintéresser de cette affaire mais, à Tanger, Rosen est toujours décidé à s’opposer à la désignation d’un ingénieur français161.

  • 162 Tanger à M.A.E.b., 2 juin 1907, A.E. Bruxelles, AF. 12.
  • 163 Tanger à M.A.E.b., 4 juin 1907, A.E. Bruxelles, AF. 12.

56L’élection a finalement lieu le 2 juin 1907 selon la procédure suggérée par Bruxelles. Le candidat français est élu par le corps diplomatique malgré l’abstention de la Belgique, de l’Allemagne et des Pays-Bas162. Le surlendemain c’est un Espagnol qui est désigné à l’unanimité comme ingénieur-adjoint, l’offre française de choisir un Belge pour ce poste devant jouer seulement dans le cas où la Belgique aurait voté en faveur du candidat français163.

  • 164 Tanger à M.A.E.b., 9 août 1907, A.E. Bruxelles, AF. 12.
  • 165 Rome à M.A.E.b., 6 avril 1907, A.E. Bruxelles, AF. 12.
  • 166 Note du 11 juin 1907, A.E. Bruxelles, AF. 12.
  • 167 Tanger à M.A.E.b., 4 juillet 1907, A.E. Bruxelles, AF. 12.

57Même si l’issue de cette affaire est conforme aux vœux des Français, elle laisse quelques traces. Désormais, la légation de Belgique à Tanger est considérée comme antifrançaise164. Selon le Quai d’Orsay, Buisseret s’est associé « à nos adversaires pour contrecarrer la politique de la France »165. A Bruxelles, à la direction politique du ministère, on a l’impression que Paris veut obtenir le rappel de Buisseret166. Mais la tension s’apaise à partir de l’été : le ministre de Belgique s’absente de Tanger pour un certain temps à partir du mois de juillet et L’Indépendance marocaine cesse de paraître167.

  • 168 J.-C. Allain, « Les Belges au Maroc, à la veille du protectorat français (1906- 1912) », Revue d’Hi (...)
  • 169 Ibid. Le capital de cette société est porté de 500 000 à 1 000 000 de francs en 1909. La moitié de (...)
  • 170 Ibid.
  • 171 Ibid, pp. 13-14.
  • 172 Ibid, pp. 16-18. Ces marchandises arrivent toujours sur bateaux étrangers bien que l’idée d’une lig (...)

58Quant aux intérêts économiques de la Belgique, ils ne paraissent pas compromis par l’échec de la candidature pour le poste d’ingénieur des travaux publics. Dans les années qui suivent, la Belgique est associée aux grandes compagnies internationales qui se constituent au Maroc même si elle n’a qu’une participation relativement modeste168. Elle obtient 4 % dans l’Union des mines marocaines créée en 1907 avec une présidence française et une vice-présidence allemande169. En 1910, on la retrouve à côté de la France et de l’Allemagne dans la Société marocaine de travaux publics où une société bruxelloise obtient une sous-participation de 2,5 %, ainsi que dans la Régie des Tabacs où la Belgique détient 5 % du capital170. Toujours en 1910, la Société générale de Belgique participe aux placements des titres de l’emprunt marocain émis le 6 juin sur les places de Paris, Madrid, Francfort et Berlin171. Au cours de ces années, les ventes belges au Maroc se maintiennent, en valeur absolue, à un niveau proche de celui de 1905, en attendant de se développer rapidement après 1911 mais sans jamais représenter beaucoup plus de 3 % des importations marocaines172. Ainsi, la première crise marocaine n’a pas écarté la Belgique de cette partie du Maghreb. Mais sa présence dans l’Empire chérifien passe désormais souvent par des associations d’intérêts placées sous la houlette de la France.

Les Belges face au danger de guerre

59A certains moments, la crise marocaine suscite aussi en Belgique la crainte de voir éclater une guerre sur le théâtre européen.

  • 173 Cf. infra, chap. 17, pp. 405-406 et chap. 19, pp. 450-451.
  • 174 Lettre de Guillaume II à Bülow, 30 juillet 1905, citée dans la circulaire d’information n° 6, 10 ja (...)
  • 175 Ibid.
  • 176 Réponse de Bülow, citée dans la même circulaire de 1925.

60Pourtant, les Belges ne sont pas informés de certains projets allemands qui les concernent directement. A cette date, ils semblent ignorer le plan Schlieffen – dont ils soupçonneront l’existence dans les années suivantes – qui prévoit, en cas de guerre contre la France, le passage de l’aile droite allemande par la Belgique173. Surtout, ce n’est que vingt ans plus tard, lors de la publication des archives secrètes de la Wilhelmstrasse, qu’ils prendront connaissance d’une lettre adressée par Guillaume II au chancelier Bülow, le 30 juillet 1905. Dans cette lettre, l’Empereur définit l’action à mener en cas d’agression britannique contre le Reich. Il estime que si l’Angleterre déclare la guerre, le chancelier « devra envoyer aussitôt deux notes, l’une à Bruxelles, l’autre à Paris, afin d’inviter les gouvernements français et belge à faire connaître leurs intentions envers nous dans un délai de six heures »174. Mais Guillaume II considère qu’immédiatement après la déclaration de guerre, « la Belgique devra être envahie »175. Il envisage aussi qu’une partie de la Belgique pourrait être cédée à la France, en compensation de l’Alsace-Lorraine si Paris consentait à observer une attitude amicale à l’égard de l’Allemagne pendant le conflit. Ce projet semble obtenir l’aval de Bülow qui recommande une grande discrétion car, si les Belges « ont des soupçons, ils élèveront des fortifications et ils informeront de notre plan, la France, afin qu’elle puisse se préparer à y faire face »176.

61Les Belges ne peuvent donc que pressentir certaines menaces mais l’inquiétude est parfois assez vive.

Psychose de guerre

62Si le risque de conflit armé entre la France et l’Allemagne n’est pas absent des commentaires belges au cours de l’année 1905, les bruits de guerre s’amplifient brusquement dans les tous premiers jours de janvier 1906, à la veille de l’ouverture de la conférence d’Algésiras.

  • 177 Paris à M.A.E.b., 7 mai 1905, A.E. Bruxelles, C.P. France.
  • 178 Paris à M.A.E.b., 14 octobre 1905, A.E. Bruxelles, C.P. France.
  • 179 Le Temps du 20 juin 1905 qui relate un article de La Réforme.
  • 180 La Belgique maritime et coloniale, 22 octobre 1905.

63Certes, au lendemain du « coup de Tanger » Leghait constate que la confiance qui s’était peu à peu rétablie dans les relations franco-allemandes s’est évanouie et qu’« on en est revenu au point où l’on en était, il y a environ vingt ans »177. Ses jugements sont sévères pour Delcassé dont « l’aveuglement pouvait conduire la France vers un grave péril »178. De son côté, la presse belge évoque le risque de voir la Belgique entraînée dans une guerre179 et même servir de champ de bataille180.

  • 181 Paris à M.A.E.b., 20 juin 1905, A.E. Bruxelles, C.P. France, t. 46.
  • 182 18 juin 1905.

64Mais, dès la fin du mois de juin, deux semaines après la chute de Delcassé, Leghait note que la tension a baissé, que la situation s’améliore et que l’espoir d’un règlement pacifique existe181. Au même moment, Le Journal de Bruxelles souligne que l’installation de Rouvier au Quai d’Orsay implique une nouvelle orientation de la politique extérieure de la France182. Le 24 décembre, le journal officieux écrit encore : « il n’y a plus de guerre à craindre entre la France et l’Allemagne » car, depuis que Rouvier a succédé à Delcassé l’accord est possible entre les deux chancelleries et il n’y a plus de complications graves à appréhender.

  • 183 Note d’Arendt (sur l’entretien avec Thaune), 18 décembre 1905, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.
  • 184 Ibid.
  • 185 M.A.E.b. à M. Guerre, 5 janvier 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.
  • 186 Ibid.

65Quelques jours plus tard, l’on est en pleine psychose de guerre. Celle-ci paraît déclenchée par des informations sur les préparatifs militaires en cours, aussi bien en France qu’en Allemagne. Dès le 18 décembre, le consul de Belgique à Tourcoing, Thaune, qui est considéré comme un agent très fiable, fournit des renseignements sur « l’activité fiévreuse »183 qui se développe dans le Nord de la France particulièrement dans l’artillerie et dans l’intendance. On en conclut qu’« une invasion française en Belgique était projetée entre Sambre et Meuse, ou tout au moins... que les Français se préparaient... à se rencontrer avec les Allemands en dessous de Namur »184. On estime que l’invasion française se ferait de plusieurs côtés à la fois, à la suite de celle des Allemands que l’on considère comme certaine non pas seulement par le Luxembourg mais aussi par les provinces de Liège et de Limbourg185. Selon Thaune, les officiers français sont convaincus que la guerre éclatera avant même la fin de l’hiver186.

  • 187 M.A.E.b. à Berlin, 12 janvier 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.
  • 188 Bruxelles à A.A., 15 janvier 1906, Bonn, Belgien 60, t. 4.
  • 189 Anvers à M.A.E.f., 19 février 1906, A.E. Paris, NS20.
  • 190 Liège à M.A.E.f., 12 et 22 février 1906, A.E. Paris, NS20.
  • 191 Anvers à M.A.E.f., 8 février 1906, A.E. Paris, NS20.

66Presque simultanément le consul de Belgique à Cologne, Cartuyvels, se rend lui aussi à Bruxelles pour faire part de renseignements prouvant que la guerre est également considérée comme certaine dans des milieux rhénans proches du gouvernement impérial187. La presse belge se fait d’ailleurs largement l’écho des préparatifs militaires allemands. Dès le 4 janvier, le Nouveau précurseur signale que l’Allemagne accapare du matériel de chemin de fer belge sans envoyer l’équivalent en retour. Quelques jours plus tard (le 12), le même organe croit savoir que les négociants de Hambourg s’assurent contre les risques de guerre. Plusieurs journaux parlent de concentration de troupes prussiennes au camp d’Elsenborn188. On note aussi que l’Allemagne multiplie les achats en prévision d’un conflit. D’importantes quantités de blé seraient expédiées d’Anvers par des maisons considérées comme des fournisseurs de l’armée allemande189. Les achats de chevaux seraient plus massifs que d’autres années190. On se demande aussi si des troupeaux de moutons et de bœufs repérés en Belgique non loin de Maubeuge ne seraient pas destinés à une armée allemande qui déboucherait de la vallée de la Sambre vers la frontière française191.

  • 192 Note d’Arendt, 26 janvier 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.

67Par ailleurs, de nombreux articles ne manquent pas d’évoquer le sort de la Belgique dans l’éventualité d’une guerre franco-allemande. Emboîtant le pas à la presse française, certains organes belges affirment que l’Allemagne prendra l’offensive et envahira la Belgique, dès la déclaration de guerre192.

  • 193 M.A.E.b. à Paris et Berlin, 12 janvier 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.
  • 194 14 janvier 1906.
  • 195 Anvers à M.A.E.f., 3 février 1906, A.E. Paris, NS20.
  • 196 La Métropole, 15 janvier 1906.
  • 197 Ibid. (Cette mesure dont on parle, y compris dans les sphères officielles, ne sera finalement pas a (...)
  • 198 La Métropole, 16 janvier 1906, Le Patriote, 19 février 1906. Voir aussi Anvers à M.A.E.f., 16 et 17 (...)

68Le gouvernement belge se prépare, lui aussi, à « prendre rapidement toutes les dispositions que les circonstances rendraient nécessaires »193. C’est à partir du 14 janvier que la presse belge fait état des mesures prises en vue d’une éventuelle mobilisation de l’armée. Selon Le Matin, les gouverneurs militaires des positions fortifiées de Liège, Namur et Anvers sont venus conférer avec le ministre de la Guerre194. Le fort Saint-Philippe sur la rive gauche de l’Escaut serait réaménagé afin de recevoir davantage d’hommes195. Des équipements et des vivres seraient expédiés vers les différents forts196. On envisagerait le rappel de deux classes de la milice197. On signale également des achats considérables pour le compte de l’armée belge : grains, fourrage, charbon pour la boulangerie militaire d’Anvers, pansements...198.

  • 199 Ibid.
  • 200 Le Matin, 5 janvier 1906.
  • 201 Ibid.
  • 202 Ibid.

69Pourtant, toute la presse ne cède pas à la panique. La Métropole estime qu’il ne faut pas exagérer l’importance des mesures de mobilisation qui ne sont que des dispositions administratives justifiées par les préparatifs français et allemands199 Le Matin d’Anvers explique, quant à lui, pourquoi il ne croit pas à l’existence d’un réel danger de guerre entre la France et l’Allemagne. S’il considère que les nationalistes français sont toujours prêts à utiliser tout incident pour chercher la guerre, il n’en croit pas moins que « la République a prouvé qu’elle veut sincèrement la paix »200 et, qu’ayant sacrifié Delcassé pour éviter la guerre elle ne va pas la provoquer à Algésiras. « Seule l’Allemagne, en revenant à la charge, pourrait menacer la paix »201 mais Le Matin ne veut pas croire à cette hypothèse car l’Allemagne, qui a demandé la conférence internationale, ne peut pas s’offusquer des décisions prises ; ses alliés, Autriche-Hongrie et Italie, ne la suivraient peut-être pas dans une politique agressive ; une guerre pourrait paralyser l’essor économique du Reich ; et, surtout, « la meilleure raison est encore l’humeur naturellement raisonnable et pacifique de la race allemande ainsi que la loyauté d’un gouvernement qui n’a cessé d’affirmer sa volonté de contribuer au maintien de la paix »202

  • 203 Bruxelles à A.A., 5 janvier 1906, Bonn, Belgien 60, t. 4. (Wallwitz avait protesté auprès du minist (...)
  • 204 4 février 1906 (l’article manuscrit se trouve dans A.E. Bruxelles, Neutr. t. 7, et l’approbation de (...)
  • 205 Ibid. (L’article cite longuement le discours prononcé par Wallwitz à Anvers, le 25 juillet 1905, lo (...)
  • 206 Berlin à M.A.E.b., 6 février 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.
  • 207 Note de Favereau sur un entretien avec le ministre de France, 8 février 1906, A.E. Bruxelles, Neutr (...)

70De son côté, le gouvernement belge cherche à calmer les esprits et à enrayer la rumeur qui présente l’Allemagne comme un pays belliciste devant inévitablement envahir le territoire belge. Dès le 5 janvier, à la suite d’une démarche du ministre d’Allemagne, Wallwitz, il fait paraître une mise au point dans le Journal de Bruxelles sous le titre « Péril allemand ?? »203. Selon cet article, si la politique française a cessé d’être dangereuse pour la paix depuis le départ de Delcassé, le gouvernement du Reich a montré depuis trente ans qu’il n’était pas belliciste. Un mois plus tard, le journal officieux se fait encore plus explicite dans un article écrit, en fait, au ministère des Affaires étrangères par Arendt avec l’approbation de Favereau204. Il profite d’une occasion favorable – un discours pacifique du comte de Wallwitz au banquet organisé par la colonie allemande de Bruxelles lors de la fête de Guillaume II – pour s’élever en faux contre l’idée d’une probable invasion allemande répandue par les journaux qui se font l’écho de la presse parisienne. Il rappelle que le ministre d’Allemagne à Bruxelles a déjà plusieurs fois affirmé « ses sympathies pour la Belgique et le loyal respect de l’Allemagne pour l’indépendance de notre pays » et il estime que « rien, absolument rien n’est venu infirmer en quoi que ce soit (la) haute portée » de ces déclarations205. Communiqué par l’agence Wolff à tous les journaux allemands, cet article y est présenté comme officieux et commenté très favorablement206. Côté français, cet article ne manque pas de susciter des interrogations mais Favereau dément évidemment qu’il soit directement inspiré par le ministère. Il se contente de dire que le Journal de Bruxelles et le gouvernement ont une communauté de vues et que cet article répondait fort utilement aux affirmations lancées par quelques journaux qui avaient causé une certaine émotion dans le pays et provoqué une interpellation à la Chambre207.

  • 208 Bruxelles à M.A.E.f., 31 janvier 1906, A.E. Paris, NS20.

71En répondant à cette interpellation du député libéral de Virton, Georges Lorand, le gouvernement cherche aussi à rassurer l’opinion au sujet des préparatifs militaires belges. Le ministre des Affaires étrangères déclare, en effet, que les mesures de mobilisation doivent être périodiquement contrôlées et perfectionnées, que les mesures prises répondaient à ce souci de mise à jour et ne signifiaient pas un changement de la situation208.

72Comment interpréter cette réponse dilatoire ? Veut-elle camoufler une inquiétude réelle ? Comment le gouvernement belge évalue-t-il alors les risques de guerre ?

  • 209 M.A.E.b. à Londres, 26 janvier 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.
  • 210 Note d’Arendt, 26 janvier 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.
  • 211 Paris à M.A.E.b., 1er février 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.
  • 212 Note d’Arendt, 26 janvier 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.
  • 213 Londres à M.A.E.b., 1er février 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.

73Il semble que tout au long du mois de janvier, les autorités ne considèrent pas le danger comme imminent. L’on se déclare en effet convaincu que la guerre n’est souhaitée ni en France ni en Allemagne et l’on crédite les deux gouvernements du désir sincère de voir aboutir la conférence d’Algésiras209. Des dépêches rassurantes continuent d’arriver de Paris comme de Berlin. D’après Arendt, tout indique que la France ne prendra pas l’offensive210 ; Leghait insiste sur le caractère défensif des préparatifs français qui paraissent importants « parce qu’il faut combler les lacunes provenant de plusieurs années d’incuries »211. Ce point de vue est confirmé par Greindl selon qui les Allemands sont informés des préparatifs des Français et des Anglais mais ne s’en alarment pas, jugeant que ces « préparatifs sont défensifs et ont pour seul but de repousser une agression à laquelle l’Allemagne n’a jamais songé »212 On apprend aussi de Londres que le nouveau gouvernement libéral n’est pas pessimiste en ce qui concerne le maintien de la paix213.

  • 214 Algésiras à M.A.E.b., 10 février 1906, A.E. Bruxelles, AF. 12.
  • 215 Berlin à M.A.E.b., 13 février 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.
  • 216 Ibid.
  • 217 Ibid.
  • 218 Ibid.
  • 219 Ibid.

74C’est début février que les risques de dérapage paraissent les plus grands aux yeux des Belges, alors que les négociations d’Algésiras achoppent sur les deux problèmes-clés, celui de la Banque d’Etat marocaine et surtout celui de l’organisation de la police. Joostens écrit le 10 février que l’Allemagne a peut-être envie de faire avorter la conférence afin de maintenir le statu quo au Maroc214. Quelques jours plus tard, Greindl se montre encore bien plus alarmiste ; la situation lui parait alors « plus troublée qu’à aucun autre moment depuis que l’affaire marocaine a été mise en discussion »215. Certes, il reste convaincu que l’Allemagne ne veut pas la guerre ; il « persiste à croire que dès le début l’Allemagne n’a pas voulu la guerre ; qu’elle ne la veut pas davantage aujourd’hui et qu’elle ne la voudra jamais ». Pour lui, « cette opinion équivaut à une certitude »216, mais il estime que, face aux prétentions de la France, qui réclame la haute main sur la police dans l’ensemble du Maroc, Berlin n’a pas de raison de reculer. Il doute aussi qu’à Paris et à Londres l’on soit « aussi complètement et sincèrement pacifiste qu’on l’est à Berlin »217. Selon lui, si la France cherche à imposer ses propositions, son attitude intransigeante serait considérée à Berlin comme un affront qui produirait dans l’opinion allemande un revirement complet : « Non seulement, elle cesserait d’être comme elle l’est aujourd’hui profondément pacifique mais elle obligerait le gouvernement impérial, malgré ses répugnances, à prendre lui-même l’initiative de la guerre »218. Pourtant Greindl veut rester optimiste : il note qu’à Berlin l’on ne désespère pas encore du succès de la conférence d’Algésiras et il pense que même l’échec de la conférence ne signifierait pas forcément la guerre219.

  • 220 Bruxelles à A.A., 31 janvier 1906, Bonn, Belgien 60, t. 4. Sur les fortifications d’Anvers, cf. inf (...)

75Si l’optimisme l’emporte longtemps dans les sphères dirigeantes belges, alors pourquoi ces préparatifs militaires attestés dès la mi-janvier ? S’agit-il de simples mesures de précaution, à l’instar des pays voisins ou de mesures de mises à jour – selon l’expression du ministre – dans une armée qui est loin d’être prête jusqu’au dernier bouton de guêtre ? Certains, et notamment les Allemands, ont soupçonné le gouvernement belge d’avoir volontairement dramatisé la situation afin de faciliter le vote par le Parlement du projet de modernisation des fortifications d’Anvers220. Peut-être, aussi, l’inquiétude est-elle plus grande qu’on ne l’a avoué ou affiché. En tout cas, l’alerte parait suffisamment grave pour susciter un important débat sur l’attitude que la Belgique neutre devrait adopter en cas de guerre.

Que faire en cas de guerre ?

76Ce débat se développe dans la presse et, surtout, au sein du gouvernement. Il est entretenu par les interventions diplomatiques des puissances voisines garantes de la neutralité belge.

  • 221 M.A.E.b. à Berlin et à Paris, 12 janvier 1906 et M.A.E.b. à Londres, 15 janvier 1906, A.E. Bruxelle (...)

77Dès le rebondissement de la crise, en janvier 1906, le gouvernement ne manque pas d’affirmer que la Belgique a « la ferme intention de remplir (ses) obligations internationales » et qu’elle est résolue, si la paix était compromise, « à faire, au point de vue militaire, tout l’effort que permettent les ressources du pays et qu’exigeraient les intérêts de la défense du territoire »221.

  • 222 Note de Favereau, 20 janvier 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.
  • 223 Ibid.
  • 224 Paris à M.A.E.b., 1er février 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.
  • 225 Ibid.
  • 226 Le ton de l’article est jugé bienveillant par le comte de Lalaing, ministre de Belgique à Londres ( (...)
  • 227 Note de Van der Elst, 23 janvier 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.
  • 228 M.A.E.b. à Londres, 26 janvier 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.
  • 229 Note d’Arendt, 25 janvier 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.

78Très vite aussi, Français et Anglais cherchent à savoir si cette déclaration n’est pas de pure forme et dans quelle mesure les Belges sont prêts à défendre la neutralité par les armes. Le 19 janvier, Gérard demande si les efforts consentis pour les fortifications d’Anvers ne risquent pas de se faire au détriment de la défense des forts de Meuse222. Il cherche aussi, une nouvelle fois, à savoir quelles mesures les Belges étaient décidés à adopter pour contrecarrer une avancée allemande, notamment sur les voies ferrées en provenance du camp d’Elsenborn223. Il est clair que les Français attendent de la Belgique une action ferme qui puisse servir de « bouclier » à la France et ralentir l’avance de l’armée allemande, de quelques jours au moins, afin de permettre à l’armée française de terminer sa mobilisation224. Un haut fonctionnaire fait comprendre à Leghait qu’on comptait, en cas d’invasion allemande, sur « une opposition tout à fait sérieuse et énergique » de la part de la Belgique et non une opposition « pro forma » d’une armée se repliant tout de suite sous Anvers225. Le 23 janvier, le Times incite lui aussi la Belgique à défendre sa neutralité par les armes et à consentir des sacrifices dans ce but226. Le même jour, dans un entretien privé avec Van der Elst, l’attaché militaire britannique, le colonel Barnadiston déclare que la neutralité de la Belgique est encore plus nécessaire à l’Angleterre qu’il y a soixante-quinze ans227. Bamadiston rencontre également le général Ducame, chef d’Etat-major pour chercher à s’informer sur les intentions et les possibilités d’action de l’armée belge228. En revanche, côté allemand, « il y a pour le moment un silence complet »229.

  • 230 Londres à M.A.E.b., 1er février 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.
  • 231 Note de Van der Elst sur la conversation avec Bamadiston, 23 janvier 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., (...)
  • 232 Paris à M.A.E.b., 1er février 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.
  • 233 Ibid. De son côté, le gouvernement allemand ne manque pas de répéter qu’il n’a nulle intention agre (...)

79Simultanément et sans même que la Belgique ait eu à la solliciter, les deux Puissances donnent l’assurance de ne pas violer, d’abord, la neutralité belge. Selon le premier ministre Grey, la Belgique a toujours été considérée en Angleterre comme une sorte de sanctuaire et « c’est encore notre manière de voir aujourd’hui »230. Le Royaume-Uni semble même se porter garant de l’attitude de la France qui « ne songe pas à porter la guerre en Allemagne et à passer par votre pays »231. Au Quai d’Orsay, on donne également « l’assurance... que la France était résolue à ne pas être la première à violer la neutralité de la Belgique »232. On laisse entendre qu’on espère ne jamais être entraîné à la violer, à la suite de l’entrée des troupes allemandes en Belgique. Selon Paris, cette éventualité, qui ne peut être exclue, n’est pas non plus certaine car le premier qui violerait la neutralité belge aurait un grand désavantage aux yeux de l’opinion internationale233.

  • 234 Général Ducame à M.A.E.b., 10 avril 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7. (Selon Barnadiston, seul l’ (...)
  • 235 Ibid. En septembre 1906, les Britanniques informent le général Ducame qu’ils pourraient débarquer 1 (...)

80Les Anglais vont jusqu’à promettre, officieusement, une aide militaire avec une armée de 100 000 hommes qui entrerait en Belgique après la violation du territoire par l’armée allemande. Au cours de plusieurs entretiens confidentiels engagés à l’initiative de l’attaché militaire britannique, Barnadiston et le général Ducame mettent au point les aspects techniques de cette coopération234. Dès la première entrevue, à la mi-janvier, Barnadiston annonce qu’un envoi de 100 000 hommes – soit deux corps d’armée, quatre brigades de cavalerie et deux brigades d’infanterie – était projeté pour le cas où la Belgique serait attaquée. Pour des raisons de rapidité et de sécurité, ces troupes devaient être débarquées non à Anvers mais sur la côte française, vers Dunkerque et Calais, peut-être aussi à Boulogne et Cherbourg. Le débarquement prendrait douze jours mais le transport par chemin de fer (belge) pourrait se faire au fur et à mesure des arrivées sur la côte, en direction soit de Bruxelles-Louvain, soit de Namur-Dinant où le premier corps d’armée arriverait le 11e jour et le deuxième corps le 16e jour235. Diverses questions matérielles sont examinées au cours de ces entretiens, notamment celles des réquisitions, du commandement, des traducteurs, des renseignements...

  • 236 Ibid. et note de Favereau, 20 janvier ; M.A.E.b. à Londres, 26 janvier 1906, A.E. Bruxelles, Neutr. (...)
  • 237 Général Ducarne à M.A.E.b., 10 avril 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.
  • 238 Note marginale de Favereau sur la lettre d’Arendt du 25 janvier 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.
  • 239 4 février 1906.
  • 240 Ibid.

81En réplique à ces différentes investigations françaises et britanniques, la première réaction des autorités belges est de répéter leur intention de défendre la neutralité contre tout agresseur avec une armée qui doit atteindre 180 000 hommes, 80 000 pour les forteresses de Namur, Liège et Anvers et 100 000 pour l’armée de campagne236. Elles réaffirment aussi la volonté « d’entraver dans la mesure du possible les mouvements de l’ennemi » et de ne pas se réfugier dès le début, dans Anvers237. Mais le ministre des Affaires étrangères souhaite limiter les discussions sur ces problèmes avec les diplomates étrangers : « Nous devons éviter de fournir l’occasion de questions indiscrètes sur notre état militaire auxquelles nous ne pourrions répondre sans nous compromettre »238. Ceci n’empêche pas le gouvernement de déclarer, par le truchement du Journal de Bruxelles, qu’en cas de guerre « nous aurions en ligne une armée bien organisée, bien commandée »239 ni de s’en prendre aux organes qui dénigrent cette armée présentée comme incapable de remplir sa mission240.

82Conscient des limites de ses moyens d’action militaire, le gouvernement belge cherche à définir une stratégie diplomatique apte à garantir la neutralité.

  • 241 Note d’Arendt, 25 janvier 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.
  • 242 Allusion à la campagne anticongolaise déclenchée en Angleterre depuis 1900. (M.A.E.b. à Londres, 26 (...)

83Dans cette quête d’une politique efficiente on ne manque pas de se référer au précédent de 1870, tout en soulignant que le contexte de la nouvelle crise est bien différent et que la situation est moins favorable à la Belgique. En effet, en 1870, lorsque la guerre est devenue imminente, les puissances se sont bornées à demander si la Belgique avait la volonté de sauvegarder sa neutralité et elles se sont contentées d’une réponse affirmative sans pousser l’enquête plus loin. En 1906, au contraire ces pourparlers sont engagés alors que la guerre paraît encore peu probable ; ceci est interprété comme la preuve d’un intérêt plus grand des futurs belligérants pour la neutralité de la Belgique dont l’importance stratégique a augmenté, si bien que les puissances cherchent à discuter des mesures prises en vue des hostilités241. Par ailleurs, lorsqu’en 1870 la Belgique a souhaité avoir des garanties pour sa neutralité, elle a trouvé l’appui efficace et bienveillant de l’Angleterre qui a obtenu des belligérants l’engagement de la respecter par deux traités signés en août 1870 entre l’Angleterre et chacun des belligérants. Or, depuis cette date, « des incidents ont paru refroidir les dispositions amicales de l’opinion britannique »242 et surtout, l’Angleterre n’est plus neutre mais risque d’intervenir dans un conflit aux côtés de la France, ce qui l’empêcherait évidemment de jouer les bons offices.

  • 243 M.A.E.b. à Berlin, 8 février 1906. Voir aussi M.A.E.b. à Londres, 26 janvier 1906, A.E. Bruxelles, (...)
  • 244 Berlin à M.A.E.b., 13 février 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.
  • 245 Ibid.
  • 246 Ibid.

84Que faire alors pour sauvegarder l’indépendance et la neutralité de la Belgique, même dans un conflit où l’Angleterre serait engagée ? On se demande à Bruxelles, si le gouvernement ne devrait pas prendre l’initiative de négociations afin d’obtenir des « déclarations par lesquelles les puissances intéressées s’engageraient réciproquement à mettre notre neutralité hors de cause et notre territoire à l’abri de toute violation »243. Mais Greindl, qui est consulté par le ministère, déconseille cette opération. Selon lui, la France, l’Angleterre et l’Allemagne, qui viennent de protester de leur amitié pour la Belgique, pourraient considérer une nouvelle démarche comme « une sorte d’injure dont elles seraient fondées à témoigner leur ressentiment »244 alors qu’en 1870, la France ayant manifesté ses visées sur la Belgique, les puissances ne pouvaient s’indigner des demandes de garanties. D’ailleurs de nouveaux accords – à supposer qu’on arrive à les conclure – n’ajouteraient rien au traité de 1839 et pourraient laisser croire que celui-ci est considéré comme caduc245. Surtout, en cas de négociations, les puissances pourraient demander à la Belgique des engagements en contrepartie de leur promesse. Or, écrit Greindl « nous devons conserver toute entière notre liberté d’action »246.

  • 247 M.A.E.b. à Londres, 26 janvier 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.
  • 248 M.A.E.b. à Berlin, 8 février 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.
  • 249 Berlin à M.A.E.b., 12 février 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.
  • 250 Ibid.

85Ce dernier argument l’emporte certainement car le gouvernement belge semble alors obnubilé par la peur de perdre son indépendance et de se laisser entraîner, malgré lui, dans une guerre aux côtés de l’un des belligérants. Dès le 26 janvier, le ministère écrit au comte Lalaing en poste à Londres, qu’en cas de guerre, il faudra éviter avec le plus grand soin « de nous engager dans une situation où la protection qui nous serait offerte aurait pour conséquence de nous lier à l’une des parties belligérantes et nous exposerait à être entraînés dans une participation aux hostilités »247. Cette crainte ne fait que grandir avec les démarches répétées de Barnadiston ; on a l’impression, à Bruxelles, que la promesse de protection donnée par l’Angleterre n’est plus seulement la prestation de la garantie due par les puissances en vertu du traité de 1839 mais qu’elle tend à se transformer en incitation à conclure une véritable alliance248. Greindl se montre particulièrement irrité par le comportement de l’Angleterre qui promet son aide, sans passer par la voie diplomatique normale, par l’intermédiaire de l’attaché militaire qui n’a pas compétence pour prendre ce type d’engagement249. Il veut éviter que la Belgique fasse un marché de dupe car non seulement cette promesse ne lie pas le gouvernement britannique mais « il est permis de soupçonner que derrière cette communication en apparence purement amicale se cache l’arrière-pensée de nous entraîner à des engagements qui nous forceraient à prendre partie pour l’un des belligérants »250.

  • 251 Berlin à M.A.E.b., 13 février, 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.
  • 252 Ibid.

86Sur le plan diplomatique, la marge de manœuvre de la Belgique paraît donc étroite : elle ne peut ni solliciter une promesse de neutralité au risque de froisser les puissances, ni accepter des propositions d’aide unilatérales ou secrètes au risque de tomber dans un piège. Suivant le conseil de Greindl, elle ne peut qu’attendre la déclaration de guerre pour faire une communication aux puissances garantes, les informer que des mesures de précaution militaire sont prises non dans l’intention de prendre part aux hostilités, ni par sentiment de défiance envers l’un ou l’autre des belligérants, mais seulement dans le but de remplir les devoirs imposés par le traité de 1839251. Il faudrait, selon Greindl, demander aux puissances de donner acte de cette communication et, au pire, si certains gouvernements ne donnaient pas de réponse, leur silence pourrait être interprété comme un acquiescement252.

  • 253 Ibid.
  • 254 Ibid.
  • 255 Ibid.

87En fait, Greindl se montre assez sceptique quant au respect des promesses faites. Pour lui, si la guerre éclate entre la France et l’Allemagne, ce sera un « duel à mort »253 entre les deux pays et, dans cette « lutte pour l’existence »254, les belligérants ne renonceraient certainement pas à la violation de la neutralité belge si elle leur est commandée par des nécessités stratégiques. Il lui paraît donc vain de chercher à tout prix à obtenir de nouveaux accords. Par conséquent, la meilleure et la seule garantie de la neutralité belge lui paraît devoir être recherchée dans « une armée assez forte pour que les belligérants aient un intérêt stratégique non à traverser, mais à éviter notre territoire »255. Faute d’une action diplomatique de grande envergure ou d’une grande utilité, la Belgique pourrait donc envisager de garantir sa neutralité grâce à un effort militaire. Mais celui-ci est loin de faire l’unanimité dans la classe politique et dans l’opinion belges.

  • 256 M. guerre à M.A.E.b., 30 janvier 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.
  • 257 Rapport du 8 février 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.
  • 258 M.A.E.b. à M. Guerre, 17 février 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.
  • 259 Ibid.

88La crise de 1906 est aussi pour les autorités belges l’occasion de réfléchir à la possibilité d’utiliser l’armée hors des frontières. On se demande au ministère de la Guerre si l’armée belge aurait le droit de pénétrer sur le territoire du Limbourg hollandais ou du Grand-Duché de Luxembourg pour se porter au-devant d’une armée allemande s’apprêtant à traverser le territoire belge en direction de la frontière française256. Le rapport du juriste consulté conclut très nettement par l’affirmative257. Mais au ministère des Affaires étrangères on reste très prudent. On estime que s’il est permis de prévenir une agression certaine en sortant des frontières du pays, il convient de n’exercer ce droit qu’avec une « grande circonspection »258. On se demande aussi à partir de quel moment la Belgique pourrait se considérer en état de légitime défense justifiant l’incursion en territoire étranger. En tout cas, il ne doit pas être question d’intervenir « si les troupes allemandes n’entraient dans le Grand-Duché que pour prévenir une occupation française ou pour envahir de là directement le territoire de la République »259.

89La crise de 1905-1906 est révélatrice de la faible marge de manœuvre que s’octroie la diplomatie belge soucieuse de maintenir une stricte neutralité. Confrontée à l’antagonisme franco-allemand, elle veut tenir la balance égale entre les deux puissances au risque de sacrifier ses intérêts économiques immédiats au Maroc. Ainsi, dans l’affaire de l’ingénieur des travaux publics, elle préfère renoncer à ce poste plutôt que de s’engager à fond derrière l’Allemagne et plutôt que de contrarier les Français. Elle mesure d’ailleurs qu’elle n’a aucune chance d’imposer son candidat dans un affrontement ouvert avec la France et que ses intérêts économiques sont mieux préservés dans le cadre d’une diplomatie conciliante.

90Dans la perspective d’un conflit armé, elle reconnait certes implicitement, que les risques de violation de son territoire viennent surtout de son voisin de l’Est, d’autant plus que la France est considérée comme incapable de mobiliser rapidement et de passer à l’offensive. Mais le ministre des Affaires étrangères ne peut tolérer qu’une méfiance unilatérale soit affichée publiquement à l’encontre de l’Allemagne et il ne manque pas d’intervenir dans la presse officieuse pour rappeler que les menaces peuvent venir aussi bien de la République que du Reich qui ne peut être soupçonné de mener une politique agressive.

Notes

1 Sur les tentatives d’installation au Maroc, voir A. Duchesne, Léopold II et le Maroc et P. Guillen, L’Allemagne et le Maroc de 1870 à 1905. (Deux missions sont organisées dès la fin des années 1880 : celle de Whettnall, ministre résident, à Meknès et la mission Lahure-Fourcault au cap Juby.)

2 Voyage « incognito » mais dont la presse européenne ne manque pas de parler, P. Guillen, op. cit., p. 559.

3 Ibid, p. 560.

4 Il semble que Defosse ait obtenu la concession des eaux alimentaires de Tanger mais il ne réalise rien dans les années qui suivent. La question rebondit en 1905. (Cf. Tanger à M.A.E.b., 1er septembre 1905 et lettre personnelle de Buisseret à Capelle, 1er novembre 1905, A.E. Bruxelles, AF. 12).

5 Sur Buisseret, notice dans Biographie Nationale.

6 C. de Buisseret, Compte rendu d’une exploration commerciale aux ports de la côte, 1903 (voir notamment les principales conclusions, p. 62). Cf. aussi P. Guillen,op. cit., p. 871.

7 Sur la mission belge de 1904, voir C. de Buisseret, A la cour de Fez, la mission belge de 1904 ; lettre de Tacquin à Léopold III (1954 ou 1955), A.E. Bruxelles, Papiers Tacquin ; A. Duchesne, op. cit. et article dans Pallas, avril-mai 1965.

8 Article de A. Duchesne, Le Soir, 23-24 janvier 1966.

9 Note de Capelle, 31 mars 1905, A.E. Bruxelles, AF. 12.

10 A. Duchesne, op. cit., p. 219.

11 Ses projets seront exposés dans un mémorandum édité en avril 1905 : A. Tacquin, Le Maroc au point de vue des intérêts industriels et commerciaux belges. Création d’une ligne de navigation entre Anvers et la côte marocaine.

12 Ibid, p. 89.

13 Ibid, p. 65.

14 Une T.S.F., un appareil de radiographie, un groupe électrogène, une motocyclette d’Herstal, un canon de Cockerill... (Cf. lettre de Tacquin à Léopold III, A. E. Bruxelles, Papiers Tacquin).

15 Ibid.

16 Comte de Saint-Aulaire, Confession d’un vieux diplomate, p. 97.

17 P. Guillen, op. cit., p. 773.

18 M.A.E.b., Tanger, 22 avril 1904, A.E. Bruxelles, AF. 12.

19 M.A.E.b. à plénipotentiaires belges à Algésiras, 6 janvier 1906, A.E. Bruxelles, AF. 12.

20 M.A.E.b. à Tanger, 6 mai 1904, A.E. Bruxelles, AF. 12.

21 Note de direction politique, 3 avril 1905, A.E. Bruxelles, AF. 12.

22 P. Guillen, op. cit., p. 871.

23 Tanger à M.A.E.b., 23 juillet 1904, A.E. Bruxelles, AF. 12.

24 Paris à M.A.E.b., 6 avril 1905, A.E. Bruxelles, AF. 12.

25 A. Duchesne, op. cit., pp. 206-207.

26 Tanger à M.A.E.b., 4 mai 1905, A.E. Bruxelles, AF. 12.

27 7 février 1905.

28 Paris à M.A.E.b., 14 octobre 1905, A.E. Bruxelles, CP France.

29 Un exemplaire a été remis au prince Albert. (Lettre du secrétaire du prince à V. Lacourt, 29 mars 1905, A.E. Bruxelles, AF. 12).

30 Buisseret à V. Lacourt, 22 avril 1905, A.E. Bruxelles, AF. 12.

31 Buisseret à M.A.E.b., 4 mai 1905, A.E. Bruxelles, AF. 12.

32 Note de la direction politique, 3 avril 1905, A.E. Bruxelles, AF. 12.

33 Ibid.

34 Ibid.

35 Note, 15 mai 1905, A.E. Bruxelles, AF. 12.

36 Note du 3 avril 1905, (expression soulignée dans le texte).

37 Note, 9 juin 1905 (Arendt estime qu’en cas d’incident, Buisseret devrait être désavoué et changé de poste), A.E. Bruxelles, AF. 12.

38 Buisseret à M.A.E.b., 21 juin 1905, A.E. Bruxelles, AF. 12.

39 En mai 1905, Grimard fait une tentative auprès de Gérard, ministre de France à Bruxelles (cf. Duchesne, op. cit., pp. 218-220) mais cette démarche n’est pas soutenue par la diplomatie belge (cf. CR de la conversation Gérard-Van der Elst, 25 mai 1905 dans AF. 12). Le projet Tacquin est encore évoqué par Gérard avec les autorités belges à la veille de la conférence d’Algésiras mais, selon Favereau, Tacquin n’a ni mission officieuse, ni même le soutien de Buisseret. (CR de conversations Gérard-Favereau, 4 janvier et 6 janvier 1906 dans AF. 12).

40 L’Etoile belge, 27 mars 1906.

41 14 janvier 1906.

42 Note de la direction politique, 17 avril 1905, A.E. Bruxelles, AF. 12.

43 Ibid.

44 M.A.E.b. à Berlin, 18 avril 1905, A.E. Bruxelles AF. 12. Deux semaines plus tard, Favereau observe encore la plus grande discrétion sur le sujet dans des conversations avec les ministres de France et d’Espagne (note du 2 mai 1905, AF. 12).

45 Note de la direction politique, 17 avril 1905, A.E. Bruxelles, AF. 12.

46 Tanger à M.A.E.b., 25 avril 1905, A.E. Bruxelles, AF. 12.

47 M.A.E.b. à Londres, Madrid, Paris, Vienne, Rome, Lisbonne, Saint-Pétersbourg, 7 juin 1905, A.E. Bruxelles, AF. 12.

48 Note du 8 juin 1905, A.E. Bruxelles, AF. 12.

49 Note du 24 juin 1905.

50 Ibid.

51 Note marginale sur La Haye à M.A.E.b., 28 juin 1905, A.E. Bruxelles, AF. 12.

52 Favereau à Van der Elst, 6 juillet 1905, A.E. Bruxelles, AF. 12.

53 Lettre de Favereau, 30 juin 1906, A.E. Bruxelles, AF. 12.

54 M.A.E.b. à Tanger, 11 juillet 1905, A.E. Bruxelles, AF. 12.

55 Lettre de Favereau, 12 juillet 1905, A.E. Bruxelles, AF. 12.

56 Les Allemands souhaitaient que la conférence se tienne à Tanger ; les Français préfèrent une ville en Europe, dans un pays neutre comme la Belgique, par exemple. Mais les Belges n’ont guère montré d’empressement pour répondre à cette suggestion (Paris à M.A.E.b., 20 juillet 1905, A.E. Bruxelles, AF. 12).

57 Note du 3 octobre 1905 (le projet de programme a été signé à Paris, le 28 septembre, par Rouvier et Radolin) A.E. Bruxelles, AF. 12.

58 Lettre de Favereau, 12 juillet 1905, A.E. Bruxelles, AF. 12.

59 Instructions aux plénipotentiaires, 4 janvier 1906, A.E. Bruxelles, AF. 12.

60 Note de la direction politique, 21 novembre 1905, A.E. Bruxelles, AF. 12.

61 Ibid. M.A.E.b. à Rome, 30 novembre et Rome à M.A.E.b., 6 décembre 1905, A. E Bruxelles, AF. 12.

62 M.A.E.b. aux plénipotentiaires d’Algésiras, 6 janvier 1906, A.E. Bruxelles, AF. 12.

63 Note du 3 octobre 1905 (les principaux produits de l’exportation belge au Maroc semblent être, en 1905, les armes, les bougies, les sucres et les verreries). Cf. M. Finances à M.A.E.b., 22 janvier 1906, AF. 12.

64 Sur ce point, les instructions aux plénipotentiaires du 4 janvier 1906 reprennent presque mot à mot les formulations de la lettre de Favereau du 12 juillet 1905.

65 Note du 3 octobre 1905. Sur le désir de participer à la réforme du système fiscal marocain, voir aussi M.A.E.b. à M. Finances, 11 janvier 1906, A.E. Bruxelles, AF. 12.

66 Cette colonie semble peu nombreuse. Une liste des « Belges notables fixés d’une manière stable » indique sept personnalités (commerçants, armuriers...) presque toutes arrivées en 1905. Leur nombre est encore plus faible à Larache ou Casablanca (liste dans AF. 12).

67 Buisseret à M.A.E.b., 3 janvier 1906.

68 Ibid. (Selon ce document, les marchandises venant d’Anvers doivent payer le même fret que celles de Hambourg).

69 Note de la direction politique, 29 avril 1906, A.E. Bruxelles, AF. 12.

70 C.R. de la conversation par Favereau, A.E. Bruxelles, AF. 12.

71 Note d’Arendt, 6 janvier 1906, A.E. Bruxelles, AF. 12.

72 C.R. de la conversation Gérard-Favereau, 29 décembre 1905, A.E. Bruxelles, AF. 12.

73 Des contacts ont été établis entre Léopold II et E. Etienne à l’occasion de l’exposition de Liège en 1905.

74 Note de Rouvier sur cet entretien du 6 février 1906, A.E. Paris, NS 15.

75 Ibid.

76 Ibid. Rouvier explique les réticences françaises par le manque de garanties offertes par le budget du Congo et par le risque de concurrence des valeurs françaises comme lors de l’emprunt pour le chemin de fer Hankéou-Canton. Mais il laisse entendre qu’on pourra reparler de cette affaire dans quelques semaines et que la France pourrait autoriser la souscription à condition qu’une partie des commandes aille à l’industrie française.

77 La conférence est ouverte le 16 janvier. La 17e et dernière séance se tient le 3 avril ; le protocole final est signé le 7 avril.

78 Algésiras à M.A.E.b., 22 janvier 1906, A.E Bruxelles, AF. 12.

79 Algésiras à M.A.E.b., 24 janvier 1906, A.E Bruxelles, AF. 12 (l’opposition au projet belge vient du Maroc et de l’Angleterre).

80 Cet emprunt de 62,5 millions de francs est souscrit par un consortium français comprenant la Banque de Paris et des Pays-Bas (12,8 %), le Comptoir national d’escompte de Paris (12,8 %), la Société générale, Paris (12,8 %), la Société marseillaise de crédit industriel et commercial et de dépôt (14,1 %), la Banque française pour le commerce et l’industrie (9,6 %), la Banque J. Allard et Cie, Paris (9,6 %)... Voir ministère des Affaires étrangères, Documents diplomatiques, Affaires du Maroc, 1901-1905, p. 149.

81 Note d’Arendt, 24 février 1906, A.E. Bruxelles, AF. 12.

82 Note d’Arendt, 2 février 1906, A.E. Bruxelles, AF. 12.

83 Note, 8 février 1906, A.E. Bruxelles, AF. 12.

84 Ibid. Elle propose que la moitié du capital de la Banque soit répartie en parts égales et l’autre moitié proportionnellement aux intérêts de chaque pays au Maroc.

85 Note d’Arendt, 24 février 1906, A.E. Bruxelles, AF. 12.

86 Algésiras à M.A.E.b., 27 février 1906, A.E. Bruxelles, AF. 12.

87 Ibid.

88 Algésiras à M.A.E.b., 28 février 1906, A.E. Bruxelles, AF. 12.

89 Algésiras à M.A.E.b., 6 mars 1906, A.E. Bruxelles, AF. 12. Sans avoir la réponse, Revoil écrit à Rouvier qu’il pense pouvoir s’assurer le concours de la Belgique au sein de la future banque (Revoil à Rouvier, 2 mars 1906, DDF).

90 En fait, il y aura quatre censeurs, un Français, un Allemand, un Espagnol et un Anglais (M.A.E.b. à Algésiras, 11 mars 1906, A.E. Bruxelles, AF. 12).

91 Note de Capelle, 7 mars 1906, A.E. Bruxelles, AF. 12.

92 Note d’Arendt, 7 mars 1906, A.E. Bruxelles, AF. 12.

93 Revoil à M.A.E.f., 30 mars 1906, DDF.

94 Tanger à M.A.E.b., 8 mars 1907, A.E. Bruxelles, AF. 12.

95 Algésiras à M.A.E.b., 22 février 1906, A.E. Bruxelles, AF. 12.

96 Ibid.

97 Revoil à M.A.E.f., 30 mars 1906, DDF.

98 Note de Favereau, 25 mai 1906, A.E. Bruxelles, AF. 12.

99 Lettre de Burckardt (de Berlin) à Beemaert, 20 février 1906, selon laquelle la Belgique, amie de la France et de l’Allemagne, est la seule puissance capable de faire la police au Maroc.

100 Handelsblad d’Amsterdam, 12 mars 1906.

101 Algésiras à M.A.E.b., 8 mars 1906, A.E. Bruxelles, AF. 12 (les propositions autrichiennes recommandent de s’adresser à la Suisse ou aux Pays-Bas pour désigner un inspecteur général).

102 M.A.E.b. à Algésiras, 9 mars 1906, A.E. Bruxelles, AF. 12.

103 Note du 28 février 1906, A.E. Bruxelles, AF. 12.

104 Note d’Arendt pour le ministre, 31 mars 1906, A.E. Bruxelles, AF. 12.

105 Note d’Arendt, 2 février 1906, A.E. Bruxelles, AF. 12.

106 La Haye à M.A.E.b., 17 février 1906, A.E. Bruxelles, AF. 12. Voir aussi Paris à M.A.E.b., 13 février 1906, A.E. Bruxelles, C.P. France.

107 Note d’Arendt, 30 juin 1906, A.E. Bruxelles, AF. 12.

108 Tanger à M.A.E.b., 27 novembre 1906, A.E. Bruxelles, AF. 12.

109 Note de Capelle, 5 décembre 1906, A.E. Bruxelles, AF. 12.

110 Note de Bassompierre, 4 décembre 1906, A.E. Bruxelles, AF. 12.

111 M.A.E.b. à Tanger, 11 décembre 1906, A.E. Bruxelles, AF. 12.

112 Ibid.

113 Ibid.

114 Note de Capelle, 5 décembre 1906, A.E. Bruxelles, AF. 12.

115 Note de Favereau, A.E. Bruxelles, AF. 12.

116 Acte d’Algésiras, DDF, T. IX, p. 840.

117 Tanger à M.A.E.b., 1er mars 1907, A.E. Bruxelles, AF. 12.

118 Tanger à M.A.E.b., 30 mars 1905, A.E. Bruxelles, AF. 12.

119 Tanger à M.A.E.b., 7 mai 1905, A.E. Bruxelles, AF. 12.

120 Lettre de Favereau, 12 juillet 1905 ; note du 3 octobre 1905, A.E. Bruxelles, AF. 12.

121 M.A.E.b. à Tanger, 31 décembre 1906, A.E. Bruxelles, AF. 12.

122 Tanger à M.A.E.b., 7 janvier 1907, A.E. Bruxelles, AF. 12.

123 Ibid. (La Kölnische Zeitung du 5 mars 1907 rappelle que l’Allemagne est favorable à la nomination d’un ingénieur belge).

124 En cas de rivalité franco-allemande pour ce poste, la Belgique devrait s’abstenir.

125 M.A.E.b. à Tanger, 19 janvier 1907, A.E. Bruxelles, AF. 12. La Belgique avait présenté un plan en vue de l’octroi du monopole de la fabrication et de la vente de tabac au Maroc à une maison belge. Mais elle y renonce, (cf. note du 31 janvier 1907).

126 M. Travaux Publics à M.A.E.b., 21 février 1907, A.E. Bruxelles, AF. 12.

127 Tanger à M.A.E.b., 2 mars 1907, A.E. Bruxelles, AF. 12.

128 Selon C. Barrère. (Cf. Rome à M.A.E.b., 6 avril 1907, A.E. Bruxelles, AF. 12).

129 Les Français ont eux aussi déjà un candidat, Porché.

130 Note de Favereau sur un entretien avec le chargé d’affaires, Ganderax, 5 mars 1907, A.E. Bruxelles, AF. 12.

131 Paris à M.A.E.b., 10 mars 1907, A.E. Bruxelles, AF. 12.

132 Ibid.

133 Ibid.

134 Ibid.

135 Ibid.

136 Paris à M.A.E.b., 7 mars 1907, A.E. Bruxelles, AF. 12.

137 Ibid.

138 Tanger à M.A.E.b., 18 mars 1907, A.E. Bruxelles, AF. 12.

139 Sur d’autres problèmes secondaires, la coopération s’établit. C’est ainsi que les Belges facilitent l’élection d’un Français à la présidence de la commission d’hygiène de Tanger mais les Français ne semblent pas très reconnaissants, (cf. Tanger à M.A.E.b., 15 mars 1907, A.E. Bruxelles, AF. 12).

140 Note sur la conversation du ministre des Affaires étrangères avec le comte d’Ormesson, 8 mars 1907, A.E. Bruxelles, AF. 12.

141 Ibid.

142 Ibid.

143 M.A.E.b. à Tanger, 8 janvier 1907, A.E. Bruxelles, AF. 12.

144 Note d’Arendt, 19 février 1907, A.E. Bruxelles, AF. 12.

145 Tanger à M.A.E.b., 25 février 1907, A.E. Bruxelles, AF. 12. (Le local est accepté par les diplomates à l’unanimité, le 22 février).

146 Tanger à M.A.E.b., 12 mars 1907, A.E. Bruxelles, AF. 12.

147 Note du 11 mars 1907, A.E. Bruxelles, AF. 12.

148 M.A.E.b. à Berlin, 12 mars 1907, A.E. Bruxelles, AF. 12.

149 Note d’Arendt, 14 mars 1907, A.E. Bruxelles, AF. 12.

150 Paris à M.A.E.b., 16 mars 1907, A.E. Bruxelles, AF. 12.

151 Ibid.

152 Tanger à M.A.E.b., 12 mars 1907, A.E. Bruxelles, AF. 12. (Le chargé d’affaires de Russie aurait été favorable à la candidature de Claes).

153 Berlin à M.A.E.b., 16 mars 1907, A.E. Bruxelles, AF. 12.

154 Paris à M.A.E.b., 16 mars 1907, A.E. Bruxelles, AF. 12.

155 M.A.E.b. à Paris, 19 mars 1907, A.E. Bruxelles, AF. 12.

156 Ibid.

157 Paris à M.A.E.b., 21 mars 1907, A.E. Bruxelles, AF. 12.

158 Buisseret doit s’abstenir de voter pour un autre candidat et en particulier pour un candidat français (M.A.E.b. à Tanger, 22 mars 1907) ou bien, si le vote a lieu simultanément pour les candidats français et belge ou si le vote porte sur le candidat belge après que le candidat français soit écarté, il doit évidemment voter pour le Belge (M.A.E.b. à Tanger, 6 avril 1907, A.E. Bruxelles, AF. 12).

159 Tanger à M.A.E.b., 26 avril et 14 mai 1907. Selon Buisseret, les Russes étaient plutôt favorables à l’ingénieur belge mais ils ne pouvaient appuyer sa candidature sans perdre le soutien financier de la France.

160 Tanger à M.A.E.b., 30 mai 1907, A.E. Bruxelles, AF. 12. (Après la parution du 2e numéro daté du 14 mai, le ministre de France à Bruxelles fait une démarche auprès de J. Davignon pour demander que des mesures soient prises contre le journal).

161 Tanger à M.A.E.b., 28 mai 1907, A.E. Bruxelles, AF. 12.

162 Tanger à M.A.E.b., 2 juin 1907, A.E. Bruxelles, AF. 12.

163 Tanger à M.A.E.b., 4 juin 1907, A.E. Bruxelles, AF. 12.

164 Tanger à M.A.E.b., 9 août 1907, A.E. Bruxelles, AF. 12.

165 Rome à M.A.E.b., 6 avril 1907, A.E. Bruxelles, AF. 12.

166 Note du 11 juin 1907, A.E. Bruxelles, AF. 12.

167 Tanger à M.A.E.b., 4 juillet 1907, A.E. Bruxelles, AF. 12.

168 J.-C. Allain, « Les Belges au Maroc, à la veille du protectorat français (1906- 1912) », Revue d’Histoire Diplomatique, 1973, n° 3-4, p. 12.

169 Ibid. Le capital de cette société est porté de 500 000 à 1 000 000 de francs en 1909. La moitié de la part belge est alors détenue par la Vieille Montagne.

170 Ibid.

171 Ibid, pp. 13-14.

172 Ibid, pp. 16-18. Ces marchandises arrivent toujours sur bateaux étrangers bien que l’idée d’une ligne régulière entre Anvers et Tanger refasse surface à plusieurs reprises. Ce n’est qu’en janvier 1914 qu’un service bimensuel est inauguré entre ces deux ports.

173 Cf. infra, chap. 17, pp. 405-406 et chap. 19, pp. 450-451.

174 Lettre de Guillaume II à Bülow, 30 juillet 1905, citée dans la circulaire d’information n° 6, 10 janvier 1925, adressée par Bruxelles aux postes diplomatiques, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.

175 Ibid.

176 Réponse de Bülow, citée dans la même circulaire de 1925.

177 Paris à M.A.E.b., 7 mai 1905, A.E. Bruxelles, C.P. France.

178 Paris à M.A.E.b., 14 octobre 1905, A.E. Bruxelles, C.P. France.

179 Le Temps du 20 juin 1905 qui relate un article de La Réforme.

180 La Belgique maritime et coloniale, 22 octobre 1905.

181 Paris à M.A.E.b., 20 juin 1905, A.E. Bruxelles, C.P. France, t. 46.

182 18 juin 1905.

183 Note d’Arendt (sur l’entretien avec Thaune), 18 décembre 1905, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.

184 Ibid.

185 M.A.E.b. à M. Guerre, 5 janvier 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.

186 Ibid.

187 M.A.E.b. à Berlin, 12 janvier 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.

188 Bruxelles à A.A., 15 janvier 1906, Bonn, Belgien 60, t. 4.

189 Anvers à M.A.E.f., 19 février 1906, A.E. Paris, NS20.

190 Liège à M.A.E.f., 12 et 22 février 1906, A.E. Paris, NS20.

191 Anvers à M.A.E.f., 8 février 1906, A.E. Paris, NS20.

192 Note d’Arendt, 26 janvier 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.

193 M.A.E.b. à Paris et Berlin, 12 janvier 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.

194 14 janvier 1906.

195 Anvers à M.A.E.f., 3 février 1906, A.E. Paris, NS20.

196 La Métropole, 15 janvier 1906.

197 Ibid. (Cette mesure dont on parle, y compris dans les sphères officielles, ne sera finalement pas adoptée).

198 La Métropole, 16 janvier 1906, Le Patriote, 19 février 1906. Voir aussi Anvers à M.A.E.f., 16 et 17 janvier 1906, A.E. Paris, NS 14.

199 Ibid.

200 Le Matin, 5 janvier 1906.

201 Ibid.

202 Ibid.

203 Bruxelles à A.A., 5 janvier 1906, Bonn, Belgien 60, t. 4. (Wallwitz avait protesté auprès du ministère contre la presse belge présentant l’Allemagne comme un envahisseur potentiel en arguant que ces articles étaient incompatibles avec la neutralité. C’est lui qui suggère la publication d’un article dans le Journal de Bruxelles afin de calmer l’opinion allemande. Wallwitz se dit satisfait de cette mise au point encore qu’il estime que tout ce qui pourrait blesser le gouvernement français a été évité).

204 4 février 1906 (l’article manuscrit se trouve dans A.E. Bruxelles, Neutr. t. 7, et l’approbation de Favereau dans une remarque marginale sur une note d’Arendt du 2 février 1906, même dossier).

205 Ibid. (L’article cite longuement le discours prononcé par Wallwitz à Anvers, le 25 juillet 1905, lors des fêtes de l’indépendance de la Belgique).

206 Berlin à M.A.E.b., 6 février 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.

207 Note de Favereau sur un entretien avec le ministre de France, 8 février 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.

208 Bruxelles à M.A.E.f., 31 janvier 1906, A.E. Paris, NS20.

209 M.A.E.b. à Londres, 26 janvier 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.

210 Note d’Arendt, 26 janvier 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.

211 Paris à M.A.E.b., 1er février 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.

212 Note d’Arendt, 26 janvier 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.

213 Londres à M.A.E.b., 1er février 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.

214 Algésiras à M.A.E.b., 10 février 1906, A.E. Bruxelles, AF. 12.

215 Berlin à M.A.E.b., 13 février 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.

216 Ibid.

217 Ibid.

218 Ibid.

219 Ibid.

220 Bruxelles à A.A., 31 janvier 1906, Bonn, Belgien 60, t. 4. Sur les fortifications d’Anvers, cf. infra, chap. 17, pp. 398-400.

221 M.A.E.b. à Berlin et à Paris, 12 janvier 1906 et M.A.E.b. à Londres, 15 janvier 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.

222 Note de Favereau, 20 janvier 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.

223 Ibid.

224 Paris à M.A.E.b., 1er février 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.

225 Ibid.

226 Le ton de l’article est jugé bienveillant par le comte de Lalaing, ministre de Belgique à Londres (Londres à M.A.E.b., 23 janvier 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7).

227 Note de Van der Elst, 23 janvier 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.

228 M.A.E.b. à Londres, 26 janvier 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.

229 Note d’Arendt, 25 janvier 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.

230 Londres à M.A.E.b., 1er février 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.

231 Note de Van der Elst sur la conversation avec Bamadiston, 23 janvier 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.

232 Paris à M.A.E.b., 1er février 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.

233 Ibid. De son côté, le gouvernement allemand ne manque pas de répéter qu’il n’a nulle intention agressive.

234 Général Ducame à M.A.E.b., 10 avril 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7. (Selon Barnadiston, seul l’Etat-major était au courant de ses démarches qui ne pouvaient donc lier le gouvernement britannique).

235 Ibid. En septembre 1906, les Britanniques informent le général Ducame qu’ils pourraient débarquer 150 000 hommes dans un délai plus court que prévu au début de l’année. (Note du général Ducame, fin septembre 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7).

236 Ibid. et note de Favereau, 20 janvier ; M.A.E.b. à Londres, 26 janvier 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.

237 Général Ducarne à M.A.E.b., 10 avril 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.

238 Note marginale de Favereau sur la lettre d’Arendt du 25 janvier 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.

239 4 février 1906.

240 Ibid.

241 Note d’Arendt, 25 janvier 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.

242 Allusion à la campagne anticongolaise déclenchée en Angleterre depuis 1900. (M.A.E.b. à Londres, 26 janvier 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7).

243 M.A.E.b. à Berlin, 8 février 1906. Voir aussi M.A.E.b. à Londres, 26 janvier 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7. (Bruxelles écrit : « il faudrait assurer le respect de nos droits par des déclarations formelles des futurs belligérants avant la rupture de la paix, afin d’empêcher que notre territoire ne devienne sous quelque prétexte et pour quelque motif que ce soit, le théâtre des hostilités »).

244 Berlin à M.A.E.b., 13 février 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.

245 Ibid.

246 Ibid.

247 M.A.E.b. à Londres, 26 janvier 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.

248 M.A.E.b. à Berlin, 8 février 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.

249 Berlin à M.A.E.b., 12 février 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.

250 Ibid.

251 Berlin à M.A.E.b., 13 février, 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.

252 Ibid.

253 Ibid.

254 Ibid.

255 Ibid.

256 M. guerre à M.A.E.b., 30 janvier 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.

257 Rapport du 8 février 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.

258 M.A.E.b. à M. Guerre, 17 février 1906, A.E. Bruxelles, Neutr., t. 7.

259 Ibid.

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