Chapitre 13. Français et Allemands aux expositions universelles en Belgique
p. 291-317
Texte intégral
1Les expositions universelles que la Belgique se plaît à multiplier au début du siècle offrent aux deux puissances voisines des occasions extraordinaires de développer leur propagande et d’accroître leur influence. Certes, ces vitrines gigantesques que sont les expositions jouent d’abord un rôle économique en permettant aux exposants-exportateurs de gagner de nouveaux débouchés. Mais leur fonction est infiniment plus vaste : elles donnent aux participants la possibilité d’imposer – au travers des productions nationales de tout genre présentées dans un cadre choisi – une certaine image de marque au service du prestige de leur pays.
2La participation d’un pays – officielle ou privée, modeste ou brillante – constitue aussi, en elle-même, un geste politique. Généralement souhaitée par les organisateurs soucieux du succès de leur manifestation, la présence des grands pays industrialisés apparaît comme un signe d’amitié à l’égard de la puissance invitante.
3Ainsi, les trois expositions de Liège, Bruxelles et Gand peuvent être, pour la France et l’Allemagne, l’occasion de manifester leur sympathie à la Belgique tout en cherchant à intensifier leur rayonnement culturel et leur pénétration économique. Elles forment aussi un champ clos où les deux puissances rivales peuvent se mesurer et se concurrencer.
La prééminence française à Liège (1905)
4Après les expositions d’Anvers (1885 et 1894) et de Bruxelles (1888 et 1897), c’est au tour de Liège d’organiser, pour la première fois, une exposition universelle en 1905. La date coïncide avec le 75e anniversaire de l’indépendance belge et l’exposition doit contribuer à donner de l’éclat aux festivités commémoratives. Aussi, le gouvernement belge et le roi Léopold II qui a pris cette exposition sous son patronage, souhaitent-ils vivement la participation officielle d’un grand nombre de pays. Mais des réticences se font jour un peu partout et la France sera le seul des trois grands Etats industrialisés d’Europe à accorder son adhésion officielle1. A l’exception des Etats-Unis, les autres participants officiels sont des pays de moyenne ou de faible importance industrielle : Bulgarie, Canada, Chine, Corée, Roumanie, Serbie2.
L’empressement de la France
5En France même, des réserves ne manquent pas de s’exprimer. La ville de Liège est-elle suffisamment importante pour attirer un grand nombre d’exposants ? Gouvernement et industriels pourront-ils faire, un an seulement après l’exposition de Saint-Louis (U.S.A.) l’effort financier nécessaire3 ? Ne risque-t-on pas d’aller au devant d’un échec ?
6Pourtant, le gouvernement se décide assez rapidement. A la suite de l’invitation officielle notifiée une première fois en mars et réitérée en août 1903, Paris assure le gouvernement belge de ses bonnes dispositions4. Encore inquiètes, les autorités belges interviennent à nouveau pour solliciter une participation qui soit vraiment officielle. Elles ne manquent pas de jouer la carte sentimentale, en insistant sur la coïncidence entre l’exposition de Liège et le 75e anniversaire de l’indépendance belge qui « doit nous rappeler la grande part que la France a prise à nous faire obtenir notre émancipation »5. Lors de son voyage à Paris, en octobre 1903, le Roi tient à aborder la question avec le président Loubet et avec le ministre des Affaires étrangères Delcassé6. Le gouvernement français doit pourtant attendre que le Parlement ait donné son approbation avant de faire connaître officiellement sa réponse favorable, début avril 19047.
7Comme le rappelle l’introduction du rapport général de la section française, bien des motifs justifient la participation de la France : « les liens historiques, la communauté de langue, les affinités de race, les sympathies anciennes, la proximité, les rapports économiques, enfin la date même de l’exposition qui, en coïncidant avec les fêtes du 75e anniversaire de l’indépendance de la Belgique, rappelait le rôle joué alors par la nation française et donnait une nouvelle consécration à l’amitié des peuples »8.
8En fait, deux préoccupations majeures poussent les Français à être présents à Liège. La première est d’ordre économique. Il s’agit de faire une percée sur le marché belge à un moment où la position de la France semble menacée9. Certes, les relations commerciales entre les deux pays sont importantes ; la Belgique est le deuxième client de la France après le Royaume-Uni ; elle est même le meilleur acheteur par habitant. Mais, depuis une dizaine d’années, l’Allemagne gagne du terrain notamment grâce au traité de commerce de 1891 dont le renouvellement, prévu depuis le tournant du siècle, est justement acquis peu avant l’exposition de Liège10. Pour certains milieux économiques, le moment est donc venu de lancer une contre-offensive française. Ils veulent faire une démonstration de la qualité de leurs produits : « au moment où de récents événements11 viennent de causer dans le monde commercial une émotion... bienfaisante, il faut profiter de l’exposition de Liège pour affirmer la supériorité de notre industrie »12. Ils veulent intensifier les relations commerciales et « l’exposition de Liège offre une occasion propice à ceux qui savent voir 13 ce qui reste à faire pour resserrer non pas les liens d’amitié mais les liens tout aussi puissants des intérêts matériels des deux pays »14. Le gouvernement partage ces espoirs lorsqu’il déclare – à l’appui de sa demande de crédits pour l’exposition – que « non seulement il importe de conserver les positions acquises en ne laissant pas le champ libre à la concurrence de nos rivaux, mais encore il est de notre devoir d’élargir nos débouchés et d’accroître notre sphère d’action dans un pays où nos compatriotes sont assurés de rencontrer de vives sympathies »15.
9Mais la décision du gouvernement français est aussi inspirée par des préoccupations politiques. Il tient à manifester à la Belgique une marque d’amitié16. Le ministre de France à Bruxelles, Gérard, ne manque pas de le rappeler publiquement chaque fois que possible. Ainsi, dans son discours du 14 juillet 1905, il déclare : « Nous voulons, à l’occasion de l’exposition de Liège et du 75e anniversaire de l’indépendance montrer combien sont étroits les liens qui nous unissent à ce pays... (voilà pourquoi) je désire qu’aujourd’hui notre fête nationale soit celle de la solidarité et de la fraternité »17. Le 4 août, à l’occasion du banquet de la section française de l’exposition, Gérard répète que la participation de la France n’est pas seulement un concours d’industries mais également « un moyen de montrer les sympathies profondes qui unissent les deux patries »18. Geste d’amitié qui n’est sans doute pas désintéressé ; par une participation officielle et massive, la France compte bien cultiver en Belgique une bonne image de marque et développer son influence. L’organisation à Liège, pendant l’exposition, en septembre 1905, d’un congrès pour l’extension de la langue française ne peut que conforter son rayonnement culturel en Belgique19.
Préparatifs pour un triomphe
10Si la participation doit être importante, il faut évidemment que les préparatifs soient mis en route bien avant que la décision ne soit devenue officielle. Un premier contact entre Français et Belges est établi dès le 12 novembre 1899 à l’occasion d’un banquet – organisé pour le 25e anniversaire de l’Association française de bienfaisance de Liège sous la présidence d’Ernest Larroque – auquel participent le ministre de France à Bruxelles, le consul de France à Liège, le bourgmestre de Liège, des délégués du comité français des expositions à l’étranger, les présidents de diverses sociétés françaises en Belgique et des membres de la Chambre de commerce française de Liège20. Très vite, la participation française se présente sous de bons auspices car le comité français des expositions à l’étranger y est favorable21. Le comité entre en pourparlers avec le conseil d’administration de l’exposition de Liège et, en mars 1903, il fait savoir au ministre du Commerce qu’il était prêt à organiser la section française. Au même moment, le gouvernement demande au consul à Liège, Crozier, de superviser les préparatifs et d’accepter la première vice-présidence du comité de patronage et de propagande à l’étranger22.
11C’est au printemps 1904 que sont prises les décisions essentielles. En mars, le gouvernement français fait voter par le Parlement (le 22 à la Chambre et le 25 au Sénat) un crédit de 350 000 francs23. Le 1er avril, il place la section française sous l’autorité du ministre du Commerce qui nomme, le jour même, le commissaire général de la France pour l’exposition de Liège24. Il désigne pour cette fonction, son chef de cabinet, Fernand Chapsal, juriste de formation, entré au Conseil d’Etat en 1887, qui a fait sa carrière dans les cabinets ministériels (Justice, Colonies, Commerce)25. Ce choix est approuvé par les milieux d’affaires qui voient en Chapsal un homme capable de bien représenter les intérêts français à Liège26. Le soin d’organiser la section française est confié au comité français des expositions à l’étranger qui « a fait ses preuves » dans d’autres manifestations et notamment à Saint-Louis27. Une première convention est signée qui attribue 14 000 m2 à la section française28. Enfin, pour drainer les exposants français, sont créés successivement des comités départementaux et, le 30 juillet 1904, un comité franco-belge de propagande qui comprend des personnalités connues du monde économique : Français de Belgique et Belges vivant en France29. Parmi eux, le président Nagelmackers et le vice-président Robert de la Chambre de commerce belge de Paris qui n’ont pas attendu cette nomination pour s’intéresser à l’exposition de Liège mais sont déjà intervenus auprès de la Compagnie des Wagons-Lits – que préside aussi Nagelmackers – pour faire imprimer une brochure de propagande distribuée dans les voitures de la Compagnie30.
12Cette importante mobilisation devait conduire au succès mais un dernier obstacle reste à surmonter au printemps 1905. Une véritable course contre la montre s’engage afin d’être prêt à temps pour l’ouverture de l’exposition le 27 avril31. Peine perdue. La visite du Roi prévue pour le 11 mai doit être repoussée au 27 juin et l’inauguration officielle de la section française, en présence des ministres du Commerce (Dubief) de l’Agriculture (Ruau) et des Colonies (Clémentel) n’a lieu que le 29 juin32.
13Une fois terminée, la section française semble être à la hauteur des espoirs. Elle occupe un vaste espace de 32 000 m2 : aux 14 000 m2 réservés au départ, il faut en effet ajouter une extension de 5 000 m2 obtenue en décembre 190433 ainsi que la section d’alimentation et les quatre pavillons des colonies, Algérie (le plus important), Tunisie, Asie et Afrique noire34. Si la section française est moins étendue que la section belge (45 000 m2), elle dépasse de loin celle des autres pays35. Les exposants français sont venus bien plus nombreux qu’on ne l’espérait au départ36 ; ils constituent près de la moitié du total des exposants : 6 293 sur 13 47537.
14Parmi les principaux points d’attraction de cette section française on peut citer, outre le palais d’agriculture et d’horticulture, le pavillon spécial pour les vins, les arts décoratifs, le hall des machines avec le matériel d’électricité, les automobiles, sans oublier les efforts réalisés par les Beaux-Arts et l’instruction publique38. Le commissaire général attachait une importance toute particulière à l’organisation de cette section, souhaitant que les professeurs et les savants les plus éminents aillent à Liège pour présenter « nos méthodes originales d’enseignement dans de nombreuses conférences et devant l’élite intellectuelle européenne » ainsi que nos découvertes les plus récentes, « mettant ainsi en lumière le grand effort intellectuel de la France »39.
15Le visiteur peut aussi avoir la surprise de découvrir des produits français dans la section belge, par exemple du matériel d’artillerie. En effet, l’armée belge, qui a commandé des batteries de canons à Krupp et à la société des Forges et Aciéries de la Marine et d’Homécourt, a souhaité exposer ce matériel allemand et français dans le compartiment « Art militaire » de l’exposition belge40.
16Au total, la section française paraît exceptionnellement brillante. Elle obtient près de la moitié des récompenses (5 261 sur un total de 11 697) avec 864 grands prix sur 1 66241. Selon la Revue économique internationale, « de toutes les participations européennes, celle de la France était incontestablement la plus importante. Une fois de plus, la France a affirmé sa prépondérance incontestée dans toutes les industries qui exigent de l’art, de la finesse et du bon goût »42. Avec du recul, la revue Gand Exposition écrit, en 1912, que « la participation de la France à Liège fut et reste un modèle »43. Cette réussite rejaillit sur l’ensemble de l’exposition. Plusieurs commentaires français, belges, allemands... s’accordent pour dire que le succès de Liège s’explique en grande partie, sinon exclusivement, par l’importante participation française44.
Une modeste participation privée allemande
17Face à cette prestation, les exposants allemands font pâle figure45. Certes, ils sont venus plus nombreux qu’escomptés (plus de 400) et quelques grandes firmes comme le Kohlensyndicat, Krupp ou d’autres industries de l’armement ont voulu jouer la carte de la présence pour contrecarrer la concurrence étrangère46. Mais, abandonnés à eux-mêmes par un gouvernement qui ne voulait pas refaire les mêmes efforts qu’à Paris (1900) et à Saint-Louis (1904), ils ont souffert de l’absence de direction unique et de représentation officielle47. Mal mise en valeur, la section privée allemande apparaît comme un échec qui est mal vécu surtout par les exposants allemands eux-mêmes48, en dépit du nombre plus qu’honorable de récompenses. Avec 466 diplômes dont 60 grands prix, l’Allemagne se situe en quatrième position derrière la France, la Belgique et la Bulgarie mais devant les Etats-Unis et l’Angleterre49.
18Ainsi la France a réussi à éblouir. Elle peut espérer des retombées commerciales favorables. Elle a profité de l’exposition pour développer son action de propagande, multiplier les déclarations amicales et encourager la francophonie en Belgique. Si elle a provoqué quelques agacements, réveillé la hantise d’une annexion déguisée50, elle a su aussi gagner des sympathies en Wallonie, voire susciter un sentiment de gratitude puisque la Ligue wallonne organise, avec le concours d’une vingtaine de sociétés littéraires, artistiques et sportives, une manifestation de reconnaissance pour la participation française51. Les Allemands ont, en revanche, le sentiment que leur abstention officielle leur a coûté des sympathies en Belgique au moment même où la France en a gagné52.
19Les deux pays ne manquent pas de tirer des conclusions de cette double expérience. La France ne peut que souhaiter renouveler ce genre de grande manœuvre. Ce n’est pas un hasard si « c’est de 1905 que date (son) souci... de participer grandiosement » aux expositions belges53. Quant à l’Allemagne, elle a pu mesurer les risques d’une politique d’abstention, ce qui n’implique pas qu’elle devienne un partisan inconditionnel des expositions.
Un duel franco-allemand à Bruxelles (1910)
20C’est du succès de Liège que naît, à l’automne 1905, l’idée d’organiser une exposition dans la capitale belge en 191054. Cette perspective est évoquée par la presse au mois d’octobre55 mais sa réalisation passe par le désistement de la ville de Gand qui envisageait d’organiser une exposition universelle en 1908 et accepte, à la demande du gouvernement, de repousser son projet à une date ultérieure56. Elle nécessite aussi la levée de l’hypothèque parisienne. En effet, la périodicité des expositions universelles de Paris étant de 11 ans (1867, 1878, 1889, 1900) une manifestation programmée pour 1911 gênerait sérieusement le projet bruxellois57. Or, côté français, on estime le délai trop court et on pense plutôt à une prochaine exposition universelle en 1920 pour le 50e anniversaire de la naissance de la Troisième République58. La voie est donc libre pour Bruxelles.
21Bien que le gouvernement royal ne soit pas entièrement acquis à l’idée59, le comité belge des expositions lance les premiers préparatifs. Pour la mise en œuvre du projet se crée, dès le mois d’avril 1906, la société de l’Exposition de Bruxelles dont le conseil d’administration est présidé par le baron Baeyens, gouverneur de la Société générale de Belgique et le comité exécutif par le bourgmestre de Bruxelles, De Mot60. Dès lors, le gouvernement ne peut que soutenir à fond – et subventionner – l’entreprise placée sous le haut patronage du Roi.
22Pour garantir la réussite du projet, le gouvernement belge tient particulièrement à la présence de l’Allemagne et de la France et il espère que l’annonce, dans un délai rapproché, de la participation officielle de ces deux pays encouragera d’autres Etats à adopter la même attitude61. Il compte en tout cas sur une prise de position rapide de la France : lorsqu’il envoie l’invitation officielle aux gouvernements étrangers en novembre 1907, il pense qu’elle parviendra à Paris à temps pour que le ministre du Commerce puisse saisir du projet le Comité français des expositions à l’étranger, le 29 novembre, lors de son banquet annuel62.
Une décision rapide de la France
23De fait, la participation de la France semble pratiquement aller de soi. Elle ne fait que prolonger une longue tradition puisque ce pays a été officiellement représenté dans toutes les expositions universelles organisées en Belgique63. Aussi, le gouvernement français est-il le premier à donner, dès janvier 1908, son accord officiel « assuré d’avance que sa résolution serait ratifiée par les industriels et les commerçants français »64. Il désigne pour les principaux postes de responsabilité les hommes qui ont déjà rempli ces fonctions à Liège : Chapsal – alors directeur des affaires commerciales et industrielles au ministère du Commerce – est nommé commissaire général, Paul Dedet, commissaire général adjoint et Montharnal, architecte de la section française de l’exposition65. Le gouvernement demande aussi à la Chambre des Députés de voter un crédit de 812 000 francs et fait réserver, par le comité français, 30 000 m2 bien placés dans la partie centrale de l’exposition66.
24Pour expliquer cette attitude empressée, on invoque à la fois des raisons de prestige – « la France doit tenir une place en rapport avec le commerce qu’elle fait avec la Belgique67 »– des raisons d’intérêts économiques – « elle doit défendre ses débouchés68 »– et des raisons d’amitié qui tiennent aux liens historiques et culturels entre les deux pays. Selon Chapsal, « nous avons là tout un ensemble de faits, de souvenirs communs qui nous lient étroitement et qui continuent des traditions fondées sur une communauté de race et de langue »69. Cette argumentation est soutenue par certains industriels. On peut citer, à titre d’exemple, une allocution de Cavallier, directeur des Hauts fourneaux et Fonderies de Pont-à-Mousson et vice-président de la Chambre de commerce de Nancy qui semble paraphraser le discours officiel non sans grandiloquence et quelques excès : « Nous irons exposer à Bruxelles par plaisir, parce que nous retrouvons là des amis, parce que nous avons des intérêts communs tellement enchevêtrés entre la France et la Belgique et notamment entre la Belgique et la Lorraine que l’on a pu dire non sans raison que la Belgique est une sorte de continuation de la France... Nous irons à Bruxelles par devoir commercial..., par intérêt car la Belgique est un pays d’exportation »70. Et d’ajouter « nous irons à Bruxelles par patriotisme » en expliquant la nécessité pour la France de tenir son rang face à l’Allemagne. Pour Cavallier, « il ne faut pas que la comparaison qui pourrait être faite entre l’Exposition française et certaine exposition étrangère tourne à la confusion de notre pays... Nous voulons prouver que la France industrielle, commerciale, artistique, scientifique, littéraire existe toujours et grandit tous les jours, quoiqu’on puisse dire les pessimistes et les rivaux intéressés »71.
25Ainsi la France, qui s’est engagée dans l’aventure presque par habitude, se sent assez vite confrontée à la nécessité de relever un défi lancé par l’Allemagne qui, pour la première fois, décide d’être présente officiellement à une exposition universelle organisée en Belgique.
Les combats pour la participation du Reich
26Cette participation du Reich n’a pas été acquise d’emblée. Les premières réactions sont au contraire négatives. Dès janvier 1906, le secrétariat d’Etat à l’intérieur (Reichsamt des Innern) suggère de prendre rapidement position contre le projet. Il estime que l’expérience passée montre que l’industrie allemande n’a pas grand avantage à espérer des expositions organisées en Belgique et qu’il est plus facile de signifier le refus dans l’immédiat car, le gouvernement belge n’étant lui-même pas unanime, il ne pourra pas y voir un geste inamical de la part du Reich72. Au printemps 1907, Le Matin croit pourtant pouvoir annoncer que « le gouvernement de l’Empire a décidé de se départir de sa réserve habituelle et d’accorder son patronage officiel à l’exposition de Bruxelles »73. Cet optimisme est, pour le moins, prématuré car tout va se jouer au cours du premier semestre 1908.
27Le 11 janvier 1908 se tient à Düsseldorf une conférence d’industriels allemands qui est convoquée par la commission permanente des expositions (Ständige Ausstellungskommission) et invitée à se prononcer sur la participation aux différentes expositions internationales prévues en 1910-1912, dont celle de Bruxelles74. Sont représentées, outre les grandes firmes allemandes, de nombreuses associations parmi lesquelles le Handelstag et trente Chambres de commerce ainsi que les principales administrations concernées (Affaires étrangères, Intérieur, ministère prussien du Commerce, gouvernements de Bavière, Saxe, Wurtemberg)75. Une grande majorité d’industriels se prononce contre la participation, notamment Beumer, représentant la grande industrie de Rhénanie-Westphalie76, Rathenau au nom des industries électriques77, les constructeurs de machines, etc... Ils dénoncent la trop grande fréquence des expositions organisées en Belgique, leur médiocrité, et ils prônent l’abstention au nom de la lutte contre le gaspillage car une exposition coûte cher aux entreprises – plusieurs dizaines de milliers de marks pour une firme moyenne, des centaines de millions de marks pour une grande firme – et elle rapporte peu78.
28Mais, au même moment, une position diamétralement opposée est en train de se dessiner au sein du gouvernement. Ce sont les points de vue convergents, exprimés début janvier par les représentants allemands en Belgique – Bobrik, consul à Bruxelles, Pritsch, consul général à Anvers et Wallwitz – qui semblent emporter la conviction des autorités79. Tous trois insistent sur la nécessité d’une participation officielle du Reich. Certes, Bobrik ne croit pas beaucoup à l’utilité des expositions : le commerce se développe sans elles et les relations économiques entre la Belgique et l’Allemagne sont déjà très étroites. Mais il ne cache pas que les membres de la colonie allemande de Bruxelles espèrent, quant à eux, des retombées économiques positives et craignent que l’absence du Reich n’entraîne de grands dommages et ne détourne des commandes au détriment des firmes allemandes80. La participation s’impose donc même pour des raisons économiques. Beaucoup d’autres raisons plaident en faveur de cette option : l’exposition de Bruxelles sera beaucoup plus importante que celle de Liège ; elle aura un caractère international plus marqué ; elle va se dérouler dans un meilleur cadre81, sur un vaste espace, au Solbosch face au bois de la Cambre que le Français Chapsal compare au bois de Boulogne82. Enfin, elle a toute chance de succès car le gouvernement belge s’implique totalement dans cette « affaire nationale »83.
29Surtout, les trois diplomates sont unanimes pour dire qu’il faut éviter de recommencer l’erreur de Liège : en 1905, le refus de participer officiellement a été mal ressenti par les Belges et la section officieuse n’a pas eu l’éclat mérité parce que les exposants étaient abandonnés à eux-mêmes, si bien que l’Allemagne est restée loin derrière la France qui a pu en profiter pour développer son influence. L’Allemagne a donc un handicap à rattraper et une revanche à prendre. Sa présence officielle à Bruxelles doit effacer la mauvaise impression laissée par Liège et faire contrepoids à la France qui a déjà annoncé son intention de participer officiellement84 et qui déploiera sans doute à nouveau de grands efforts pour réaliser une prestation brillante85. Les impératifs politiques sont donc déterminants : il s’agit d’éviter la dégradation des relations avec la Belgique et de limiter la prédominance de la France dans ce pays.
30Toute cette argumentation est reprise à son compte par le secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, Schœn, et semble convaincre immédiatement Bethmann-Hollweg son collègue du Reichsamt des Innern. Leurs deux administrations entament des préparatifs dès fin janvier, notamment pour le choix d’un commissaire du Reich. Bethmann-Hollweg propose de désigner pour ce poste le conseiller d’Etat, Heinrich Albert, collaborateur du ministère de l’Intérieur depuis 1901 qui a été l’adjoint du commissaire Lewald à Saint-Louis, en 1904, et a de bonnes relations dans les milieux industriels86. Ce choix entériné par l’Auswärtiges Amt permet à Bethmann-Hollweg de garder la haute main sur l’organisation de l’exposition.
31Dans l’immédiat, il faut chercher à rallier au projet les milieux industriels et les Finances (Reichsschatzamt). Les premiers ne paraissent pas tous irréductibles malgré l’agacement qu’ils affichent à l’égard des expositions – l’expression Ausstellungsmüdigkeit devient un vrai leitmotiv dans leur discours. Les ministres savent qu’ils commencent presque toujours par refuser par crainte des dépenses afin de pouvoir demander ensuite davantage de subventions lorsque la pression de la concurrence les pousse à participer87. Aussi Bethmann-Hollweg convoque pour le 2 mars 1908 un certain nombre de personnalités influentes dans le monde économique et leur expose les raisons de politique générale et de politique économique qui rendent nécessaire une participation officielle. Si certains, comme Beumer, maintiennent leur opposition initiale, d’autres se laissent persuader du bien-fondé de la position officielle88. Dès le surlendemain de cette réunion, Bethmann-Hollweg demande à la commission permanente des expositions de créer un comité chargé des travaux préparatoires en liaison avec le commissaire général89. La commission s’incline et, le 6 mai, elle désigne, pour présider le comité à créer, l’un de ses membres par ailleurs vice-président de la Chambre de commerce de Berlin, Louis Ravené90. La constitution définitive du comité allemand pour l’exposition de Bruxelles intervient le 28 septembre, en présence de H. Albert et des délégués des principaux ministères91.
32Mais le revirement de la commission permanente n’entraîne pas la conversion de tous les milieux industriels. Certains, notamment dans la grande industrie, critiquent vivement la commission qui se laisse influencer par le gouvernement au lieu de servir les intérêts de l’industrie. Ils s’en prennent aussi au gouvernement qui n’a pas su résister aux pressions des autorités belges et ils espèrent encore que le Reichstag ne votera pas les crédits et fera échouer l’opération92. Quelques-uns annoncent leur résolution de rester à l’écart. C’est le cas de l’Association des industriels du fer et de l’acier dont l’attitude peut très bien s’expliquer car la Belgique produit le même type d’articles qu’eux93. D’autres hésitent et voudraient arracher quelques avantages en contrepartie de leur participation : ainsi les industries électriques souhaitent une promesse du gouvernement belge de ne pas augmenter les droits de douane sur le matériel électrique94. Par contre, plusieurs industries exportatrices de produits fabriqués, sensibles à la fois à l’intérêt du marché belge et au rôle de vitrine mondiale que peut jouer l’exposition de Bruxelles, se rallient plus volontiers95. Certains secteurs de l’agriculture, par exemple les spécialistes des semences, souhaitent aussi être représentés96.
33Un autre môle de résistance se situe au sein même du gouvernement. Le Reichsschatzamt refuse obstinément le crédit de un million de marks demandé par l’Intérieur pour l’exposition de Bruxelles alors qu’on est en pleine période d’économies budgétaires et que la majorité des industriels estime que ces dépenses ne sont pas économiquement rentables97. Il ne paraît guère sensible aux plaidoyers de ses deux collègues expliquant qu’une participation officielle, seule capable d’éviter le même échec qu’à Liège, nécessite des crédits importants pour financer le pavillon allemand et subventionner les industriels qui ne peuvent supporter toute la charge des frais de décoration98. Mais il est obligé de s’incliner devant les raisons politiques qui sont invoquées99 et aussi devant le fait accompli puisque la presse allemande annonce, dès le printemps, la participation officielle de l’Allemagne100. Le gouvernement belge en est informé par la voie diplomatique au mois de juillet 1908101.
34Le Parlement, mis lui aussi plus ou moins devant le fait accompli, rechigne moins. Le Bundesrat donne son accord le 27 juin102. Le Reichstag est invité à voter les crédits alors que le gouvernement s’est déjà officiellement engagé. Si plusieurs parlementaires émettent des critiques sur la trop grande fréquence des expositions universelles en Belgique, certains font des recommandations sur la nécessité de ne pas dépasser les sommes prévues, d’autres – parmi lesquels Erzberger – estiment qu’il faut voter les crédits malgré la situation financière difficile. De fait, une première tranche est votée en septembre 1908, une deuxième en janvier 1909, soit un million de marks au total103.
35Côté belge, ont suit attentivement les péripéties de la décision allemande. Au lendemain de la réunion de Düsseldorf, le comité exécutif de l’exposition de Bruxelles ne manque pas d’écrire à Goldberger, président de la commission permanente, pour lui dire combien il regrette la décision prise et qu’il compte sur sa très grande influence « pour montrer aux industriels que, en dehors de la question d’intérêt, il y a cette autre question, bien puissante aussi, d’amitié qui veut qu’ils se montrent dignement chez nous, en 1910 »104. De son côté, Greindl, en transmettant des documents sur l’exposition, profite de l’occasion pour redire à Schœn que le gouvernement belge attache le plus grand prix à la participation allemande105. D’ailleurs les Belges, informés dès la mi-janvier des bonnes dispositions du gouvernement du Reich, gardent bon espoir106. Leur consul à Berlin, Franz von Mendelssohn, se dit convaincu qu’il y aura, grâce aux pressions des autorités, suffisamment d’exposants allemands pour Bruxelles107.
36En mars, après l’intervention de Bethmann-Hollweg auprès des industriels et le revirement de la commission permanente, la participation du Reich ne fait plus de doute108. Dès lors, organisateurs de l’exposition et autorités gouvernementales belges ne manquent pas d’exprimer leur vive satisfaction109. Puis, quand la réponse est officiellement donnée au mois de juillet, c’est au tour de la presse belge à commenter très favorablement cette nouvelle110. Signe tangible de cette satisfaction générale, le roi Léopold II accorde une audience aux organisateurs allemands de l’exposition. Début août, il reçoit à Ostende le commissaire général du Reich, H. Albert, accompagné de Ravené et de Bobrik, ce qui est considéré comme un geste de faveur tout à fait exceptionnel à leur égard111.
37Les motifs de satisfaction sont en effet multiples. L’Allemagne est le deuxième grand Etat, après la France, – et des pays de moindre importance comme la Grèce et la Perse – à annoncer sa participation. Sa décision peut avoir un effet d’entraînement auprès de gouvernements encore hésitants dont on espère aussi la participation officielle112 D’autre part, les Belges ont parfaitement conscience du caractère politique de la décision du Reich qui tient à leur donner une marque d’amitié113. Ils y sont d’autant plus sensibles que les réticences intérieures ont été dures à vaincre114 et que la participation officielle de l’Allemagne à une exposition universelle est un événement tout à fait exceptionnel puisque seuls Chicago, Paris et Saint-Louis ont eu cet honneur avant Bruxelles115. Enfin, la perspective de la présence de l’Allemagne réjouit tous ceux qui craignent une trop grande prééminence de la France comme à Liège116. Le roi Albert, lui-même, recevant un diplomate belge peu avant l’ouverture de l’exposition, lui confie qu’il déplore que la France ait connu en 1905 un succès plus grand que l’Allemagne ; il se dit convaincu que, cette fois, la section allemande éclipsera toutes les autres, que ses grandes réalisations susciteront une forte impression en Belgique et que l’influence de l’Allemagne en sortira renforcée au détriment de celle de la France117.
Une minutieuse préparation allemande
38Eclipser les autres sections, notamment celle de la France, telle est bien l’intention des responsables allemands dès le départ. Déjà, en janvier 1908, les diplomates en poste en Belgique insistent pour que l’Allemagne présente une exposition de première classe : elle doit pouvoir se comparer à n’importe quel autre pays, sinon il vaudrait mieux s’abstenir complètement118 ; aussi ne doit-elle reculer devant aucun sacrifice119. Ce point de vue est appuyé à fond par Bethmann-Hollweg qui réclame des crédits importants (1 million de marks) sensiblement supérieurs à ceux de la France (812 000 francs) car il estime, lui aussi, qu’une participation avec des moyens insuffisants serait pire qu’une abstention complète120. Une deuxième condition lui paraît indispensable : si l’on veut faire une belle manifestation à Bruxelles et surpasser la représentation de la France, il faut organiser la section allemande selon les méthodes qui ont fait leurs preuves à Chicago, Paris et Saint-Louis, c’est-à-dire la confier à des professionnels expérimentés121.
39Le succès dépend aussi de la situation de la section allemande. C’est pourquoi les partisans de la participation poussent à une décision rapide qui permettra de choisir un bon emplacement122. Les premiers contacts entre Belges et Allemands pour régler ce problème ne sont pas très faciles. Berlin trouve les propositions belges trop onéreuses (25 francs le m2 dans les galeries et 10 francs dans les jardins), demande un terrain gratuit pour l’installation du bâtiment officiel et de la section scientifique ainsi que des prix symboliques (2 à 4 francs) pour le reste123. Bruxelles hésite à accorder une faveur refusée à d’autres pays mais souhaite visiblement faire un geste124. On cherche différentes formules125. On finit par aboutir à une solution originale qui n’est pas la moins coûteuse mais satisfait pleinement l’Allemagne qui obtient 27 000 m2 où elle peut construire elle-même, de manière contiguë, l’ensemble de ses installations : pavillon officiel, bâtiment pour les exposants, brasserie. Ainsi, elle exposera exclusivement dans les halls spéciaux qui lui sont entièrement réservés. Il y aura un « coin vraiment allemand » où les produits seront mieux mis en valeur que dans les halls communs126. Cette organisation peut flatter le sentiment national et donner aux exposants l’impression de constituer « une exposition allemande sur territoire belge »127. Elle a probablement séduit certains industriels et facilité leur décision de participer à l’exposition128.
40Reste à réussir la présentation elle-même. Pour cela, un fil directeur : faire une manifestation « impressionnante » non seulement pour les spécialistes mais aussi pour la masse des visiteurs129. Plusieurs règles d’or s’imposent aux organisateurs. D’abord, sélectionner sévèrement les objets, ne montrer que les réalisations dignes d’être exposées130. Ensuite, choisir les articles qui ont un caractère vraiment allemand131. Egalement, soigner la décoration car les Belges y sont très sensibles132, et présenter des œuvres d’artistes puisque, de toute façon, l’Allemagne n’expose pas au pavillon des Beaux-Arts133. Surtout, coordonner les différentes parties de l’exposition, ne pas abandonner les exposants à eux-mêmes mais s’efforcer de créer une bonne impression d’ensemble134. Ainsi, l’Allemagne va prouver qu’elle sait être à la hauteur, qu’elle n’a pas à craindre la concurrence française. Elle doit donner d’elle-même une certaine image et montrer qu’elle n’est ni la cendrillon qu’imaginent certains, ni l’Etat policier que décrit volontiers la presse francophile de Bruxelles135. Elle ne veut pas non plus apparaître comme un pays guerrier ou agressif si bien que Krupp évite de venir exposer des armes à Bruxelles.
41Une dernière règle implicite voulait que la section allemande soit prête pour l’inauguration de l’exposition, le 23 avril. Elle est pratiquement la seule dans ce cas. Aussi le couple royal peut-il venir la visiter juste avant l’inauguration officielle. Le Roi ne manque pas d’exprimer son admiration pour le remarquable développement de l’Allemagne dont l’exposition est une illustration et de redire à von Flotow combien il lui tient à cœur de resserrer les relations amicales entre les deux pays136. Le lendemain, le banquet de la section allemande rassemble 350 convives dont plusieurs ministres belges (Schollaert, Davignon, Hellepute...). Dans son allocution, le ministre de l’Industrie et du Travail, Hubert, se montre lui aussi très élogieux en évoquant l’impression que lui laisse la visite de l’exposition allemande : « elle diffère totalement de tout ce qui est ressenti ailleurs... c’est, tout d’abord, une impression de force, de puissance, de grandeur »137.
Le partage des points
42Bien que très vaste, la section française devait être prête très rapidement138. En fait, l’ouverture n’a lieu qu’après plusieurs semaines : prévue d’abord pour le 16 mai – les invitations avaient déjà été lancées – elle est repoussée en raison du décès du roi d’Angleterre. Après la visite du Roi et de la Reine, le matin, l’inauguration a finalement lieu le 4 juin dans l’après-midi en présence de plusieurs ministres français et belges. Hubert souligne que la France a fait ses preuves depuis longtemps et la salue comme « le génie des expositions »139.
43Dès lors, le duel est engagé entre ces deux sections qui se disputent le succès. Pour l’Opinion, l’Allemagne, prête le jour de l’ouverture, a gagné la première manche mais la France, grâce au succès des cérémonies du 4 juin, remporte la seconde140. Cette rivalité ne peut que s’exacerber après le « désastre du 14 août »141. Dans la nuit du dimanche 14 au lundi 15 un incendie touche la section française (galerie de l’alimentation, restaurant et pavillon de la ville de Paris) détruit une partie de la section belge et ravage complètement la section anglaise142, une des fiertés de l’exposition puisque, pour la première fois, l’industrie britannique participait largement à une exposition internationale143. Malgré les efforts pour réaménager très rapidement, il ne reste désormais que deux sections pour se disputer la première place, celle de la France, relativement peu touchée par la catastrophe, celle de l’Allemagne complètement épargnée.
44Chacune a ses atouts. La France étend ses présentations sur des surfaces nettement plus vastes que celles de l’Allemagne. Avec les pavillons des colonies et les jardins, elle occupe plus de 80 000 m2. Elle a envoyé 10364 exposants (avec les colonies) sans compter les 3 000 qui figurent dans des expositions collectives. Elle atteint ainsi un chiffre record pour les expositions françaises à l’étranger et représente de loin le groupe le plus nombreux à Bruxelles144. Mais certains regrettent la dispersion des exposants français « aux quatre coins de l’horizon ». En effet, si l’essentiel se trouve au Palais des nations, les machines et le matériel de chemin de fer sont exposés dans des galeries spécialisées, les automobiles et l’alimentation, chacun dans un pavillon particulier. Ainsi, le drapeau français se rencontre à chaque pas mais la section française ne produit pas un effet global impressionnant145.
45Par contre, les Français eux-mêmes admirent l’unité de l’exposition allemande, organisée dans son propre palais, selon un plan d’ensemble conçu par l’architecte E. Seipel. Et cette unité ne signifie pas monotonie car on a su ménager des changements de niveaux, construire des salles de formes et de dimensions différentes, éclairées tantôt par le haut et tantôt par le côté. On rend hommage aussi à l’agréable variété du décor qui donne à chaque galerie sa tonalité propre. L’ingéniosité de certaines présentations surprend agréablement. C’est le cas de la librairie installée dans de petites salles à l’aspect intime, agrémentées de vitrines où les ouvrages remarquables sont bien mis en valeur tandis que d’autres livres disposés sur de grandes tables peuvent être consultés par les visiteurs. L’exposition pédagogique paraît exceptionnellement vivante car de vraies classes ont été installées (salles de dessin, de physique...). Là encore, le public peut feuilleter les manuels et les cahiers des élèves, lire leurs compositions, admirer leurs travaux manuels146. Ainsi, toute cette section arrive à donner de l’Allemagne une image inhabituelle comme l’écrit un peu plus tard la revue Gand Exposition : « on peut bien dire que l’exposition allemande de Bruxelles nous montrait pour la première fois et dans un ensemble harmonieux, non pas la force de l’Allemagne que nous connaissions déjà mais ce qu’il y avait chez elle d’efforts parallèles accomplis dans le sens d’une civilisation très raffinée »147.
46L’intérêt de l’exposition allemande réside aussi dans la très grande qualité de tous les éléments représentés. Grâce à une « sélection rigoureuse, l’industrie se présente à son plus grand avantage »... « les non-valeurs sont exclues, tandis que toute la place qu’ils méritent est accordées aux hommes de talents »148. Par contre, de la section française se dégage souvent une impression d’entassement : « les vitrines s’empilent dans les salles bondées » car « il a fallu faire place à tous les exposants qui se sont présentés et que d’amicaux jurys ne se sentaient pas la force de renvoyer dans leur province »149. Cette pléthore a les conséquences les plus fâcheuses : des ouvrages intéressants sont noyés au milieu de productions médiocres. Cependant, ceci n’empêche pas la France de briller dans certains domaines, comme les arts décoratifs ou la haute couture parisienne qui a fait des merveilles150.
47A l’heure des récompenses151, les 10364 exposants français (37 % du nombre total des exposants) obtiennent 8 150 prix dont 1 694 grands prix (47 % du total). C’est la Belgique qui arrive au second rang avec 4 209 prix dont 663 grands prix. L’Allemagne est en troisième position : ses 3 957 exposants reçoivent 1 804 prix dont 526 grands prix152. La France se taille par conséquent la part du lion non seulement en chiffres absolus mais aussi proportionnellement au nombre des exposants.
48Ceci n’empêche pas l’Allemagne de dresser un bilan nettement positif. Elle a vendu pour 7 millions de marks de produits, notamment dans le domaine des instruments de musique, articles de cuir, d’argent, de porcelaine et surtout des machines (pour 3 millions de francs)153. Elle s’est placée au premier rang pour la vente de machines-outils, loin devant les Etats-Unis, l’Angleterre ou la France154 et les nombreuses médailles obtenues dans ce domaine lui permettent d’augmenter ses exportations en 1911, car elle affronte plus facilement la concurrence américaine155. Le commissaire du Reich, Albert, souligne avec satisfaction que les exportations allemandes vers la Belgique sont en hausse sensible en 1910, notamment pour les machines et les produits électro-techniques mais il estime que l’essentiel est ailleurs : grâce à la Belgique, « ce carrefour des nations », l’Allemagne doit progresser encore sur le marché mondial comme elle l’a fait après Paris et Saint-Louis156.
49L’exposition a sans doute été aussi une bonne affaire pour la Belgique, même si la société de l’exposition est déficitaire. D’avril à novembre, elle a attiré de nombreux visiteurs. Le dernier numéro de Bruxelles Exposition chiffre à 229 000 le nombre d’étrangers hébergés dans la capitale belge en 1910, parmi lesquels 59 000 Français, 39 000 Allemands et 38 000 Anglais157. Ces chiffres sont sans doute nettement sous-évalués : une estimation française parle de 6 à 8 millions de visiteurs dont 3 millions d’étrangers158.
50Malgré l’incendie du 14 août et grâce – entre autre – à la participation officielle des deux grands pays voisins – l’exposition de Bruxelles a été un succès qui constitue une sorte de sommet dans l’histoire des expositions universelles en Belgique avant 1914 et qui permet alors à ce pays de se situer parmi les premières puissances organisatrices d’expositions159.
Un double échec français et allemand à Gand (1913)
51Le projet d’exposition universelle à Gand date lui aussi de 1905. D’abord programmé pour 1908 ou 1909, il est repoussé à 1912 puis à 1913 pour laisser la priorité à la capitale.
52Les préparatifs, commencés de manière sans doute prématurée alors que tous les pays n’ont même pas arrêté leur décision pour l’exposition de Bruxelles160, s’intensifient dans l’été 1910 lorsque celle-ci est sur le point de fermer ses portes. On veut profiter de la présence en Belgique de nombreuses personnalités s’intéressant aux expositions pour leur montrer toutes les ressources qu’offre la ville flamande et les persuader de l’intérêt du projet161. Les réserves à surmonter ne manquent pas car de toutes parts on souligne que les expositions universelles se suivent de trop près. L’expérience malheureuse de l’exposition de Charleroi (1911) qui n’a de caractère international que dans la section de l’agriculture grâce aux exposants de vins français162 et qui se « transforme en fiasco163 » n’arrange rien. Mais le gouvernement belge accepte de subventionner largement la manifestation de Gand164. De plus, il s’engage à ne pas soutenir de nouveau projet d’exposition universelle avant dix ans, dans l’espoir de rehausser le prestige de celle de Gand et d’attirer suffisamment de pays étrangers165.
Une opération antiflamingante de la France
53Fidèle à une tradition qui se consolide, la France envisage favorablement une participation officielle. Dès le 12 septembre 1911, une rencontre entre le comité français des expositions à l’étranger et le bureau du comité exécutif de l’exposition de Gand aboutit à une convention provisoire qui réserve au moins 18 000 m2 aux exposants français166 et qui sera transformée en accord définitif le 12 février suivant167. Quant au gouvernement français, s’il s’est interrogé sur l’opportunité d’aller à Gand si vite après les expositions de 1905 et 1910, il abandonne ses hésitations à la suite des promesses de Bruxelles de ne pas organiser d’autre exposition avant dix ans168. Il demande d’emblée un crédit de 1 326 000 francs, donc nettement supérieur à la subvention accordée pour l’exposition précédente169. Le Parlement se fait un peu prier et vote dans un premier temps un crédit de 820 000 francs seulement mais il finit par donner son accord, à quelques milliers de francs près, puisque la loi du 28 décembre 1912 autorise une dépense maximale de 1 294 100 francs au total. A cette date, les préparatifs sont déjà bien entamés sous la direction de Pierre Marraud, directeur général de l’enregistrement des Douanes et du Timbre nommé commissaire général par le ministre du Commerce dès le 2 avril 1912.
54Les motivations des Français, notamment celles du gouvernement, sont complexes. Les raisons économiques ne sont pas totalement absentes : on veut continuer à encourager le commerce avec la Belgique, ne pas perdre de vue la concurrence allemande170. Emile Dupont, président du comité français des expositions à l’étranger, rappelle « qu’il est plus opportun que jamais de montrer en Belgique les produits français pour combattre les tendances économiques d’autres pays rivaux »171. Mais d’ajouter aussitôt : « et cela, surtout pour lutter contre le développement du flamingantisme en Belgique »172.
55Il est en effet clair que la participation de la France à l’exposition de Gand est d’abord une affaire politique. Agacé par les « prétentions » du mouvement flamand, notamment par sa revendication au sujet de la flamandisation de l’Université de Gand, Paris n’hésite pas à déclarer que le français est en danger : « notre langue et notre culture, fortement menacées dans la Wallonie qui est cependant la continuation naturelle de notre domaine linguistique, sont en danger dans le pays flamand »173. Il est donc tentant de profiter de l’exposition pour lancer une contre-offensive afin de sauvegarder la culture et la langue française en Belgique : cet effort, qui poursuit une politique entamée depuis plusieurs années174 est considérée comme une question vitale, une « œuvre nationale175 » car du rayonnement culturel dépend l’influence politique et même l’essor commercial176. Le gouvernement français ne se prive pas d’indiquer ouvertement ses raisons. Pour appuyer sa demande de crédits, il explique, dans l’exposé des motifs, qu’il faut « maintenir l’influence de nos idées et de notre langue »177. Fernand David, ministre du Commerce et de l’Industrie, s’exprime encore plus catégoriquement dans une intervention à la Chambre le 20 décembre 1912, ce qui ne manque pas de provoquer des protestations dans la presse flamande178.
56Comment mener cette contre-offensive ? D’abord en se donnant des moyens financiers. Ce n’est sans doute pas un hasard si le ministère de l’instruction publique obtient la plus forte attribution de crédit179, même s’il est vrai qu’une large part est destinée aux Beaux-Arts. Deux notes du ministre de l’instruction publique fixent les objectifs pour la section française à Gand. Il s’agit de faire « une démonstration de l’intensité de notre vie intellectuelle dans un pays où la France a le devoir de défendre sa langue et sa culture contre des tendances de plus en plus agressives »180. On veut présenter surtout les universités, les institutions de recherche, les écoles supérieures scientifiques et techniques afin de démontrer qu’elles sont aussi bien outillées que les allemandes et qu’elles peuvent accueillir des étudiants belges, plus encore que par le passé. On ne voudrait pas négliger pour autant le domaine de l’enseignement primaire et secondaire pour lesquels la section allemande à l’exposition de Bruxelles avait fait de grands efforts181. D’après ces consignes, l’influence de la France passe aussi par le rayonnement de sa culture et en particulier par l’organisation de conférences : « Comment servir mieux la cause de la France qu’en conviant les esprits cultivés... à venir entendre les maîtres de la parole française, littérateurs ou savants, historiens ou poètes, artistes, orateurs politiques, tous ceux en un mot dont les travaux, la haute culture, l’éclat du nom contribuent au rayonnement de la France parmi les peuples civilisés »182. Aussi paraît-il souhaitable de créer, dans le cadre de l’exposition de Gand, une salle de conférence capable d’accueillir 500 personnes183. Mais tout est conditionné par la connaissance de la langue. C’est pourquoi « il s’agit de poursuivre à Gand, en pays flamand » l’œuvre de défense de la langue française commencée à Liège grâce à l’Association internationale pour l’extension de la langue française et à Bruxelles grâce aux Amitiés françaises184.
57Si les Français cultivent le rêve de freiner la poussée flamande, vont-ils jusqu’à imaginer qu’ils pourraient utiliser leur participation à l’exposition comme un moyen de pression ainsi que le suggèrent des observateurs allemands185 ? Cherchent-ils à obtenir la promesse du maintien de l’Université francophone en contrepartie de leur participation ? Ou bien, s’agit-il d’une entreprise de séduction essayant de rééditer en pays flamand l’opération de Liège et d’apparaître comme les garants du caractère international de l’exposition et les principaux artisans de son succès ?
Les tergiversations allemandes
58Les Français qui s’efforcent de mettre sur pied une section brillante risquent beaucoup moins qu’à Bruxelles d’être éclipsés par l’Allemagne qui semble s’orienter très vite vers une participation minimale.
59Au moment même où le gouvernement du Reich donne sa réponse officielle pour l’exposition de Bruxelles, il opte une première fois en faveur de la non-participation à Gand186. De son côté, la commission permanente des expositions prend, le 12 octobre 1910, la décision de s’abstenir187 et la confirme, malgré certaines pressions en sens contraire, en octobre et novembre 1911188. Le consul général d’Anvers, Pritsch, plaide lui aussi très fermement contre la participation189. Seul parmi les diplomates allemands en poste en Belgique, von Flotow, sans doute impressionné par une intervention du Roi, demande que l’Allemagne s’efforce, pour des raisons politiques, de faire une bonne prestation à Gand190. Mais, à Berlin, les autorités unanimes optent pour l’abstention191.
60Diplomates, ministres et hommes d’affaires avancent les mêmes arguments. En leitmotiv revient l’idée de la trop fréquente répétition des expositions universelles en Belgique. Les industriels se disent lassés des expositions : pour eux, il est hors de question qu’ils puissent chaque fois faire un effort financier considérable et présenter des réalisations vraiment neuves192. Très peu d’entreprises se montrent intéressées par Gand ; 58 seulement se sont annoncées avant le 15 novembre 1911, date limite fixée par la commission permanente193. Les autorités estiment donc que l’Allemagne doit adopter une attitude conséquente et refuser d’aller à Gand comme elle a refusé d’aller à Charleroi, sinon on créérait un précédent fâcheux que d’autres villes belges pourraient invoquer, en particulier Anvers, qui est susceptible d’organiser l’exposition suivante194. De plus, l’exposition de Gand apparaît comme une entreprise d’intérêt local, organisée surtout pour des raisons d’orgueil personnel et qui risque d’être vouée à l’échec car la ville n’est ni assez importante ni assez industrialisée195. La participation de l’Allemagne ne serait donc pas rentable d’autant plus qu’elle peut conquérir par d’autres moyens les faibles débouchés offerts par la ville et sa région196. On considère aussi qu’il serait dommage d’aller gâcher par une participation forcément limitée l’excellente impression laissée par Bruxelles : l’Allemagne a suffisamment démontré ses capacités pour que le commerce soit influencé durablement et elle a prouvé son amitié pour la Belgique qui ne peut se sentir vexée par l’abstention du Reich à Gand197.
61Les Belges aimeraient pourtant forcer une décision en sens inverse. Ils rappellent que cette exposition devait se tenir en 1909, qu’elle a été repoussée à cause de Bruxelles, et qu’il ne faudrait pas pénaliser la ville flamande qui, avec ses floralies, ses industries – c’est le « Manchester belge »– ses richesses artistiques, ne manque pas d’atouts198. Par ailleurs, l’exposition compte se spécialiser dans quelques secteurs et souhaite particulièrement la participation de certains constructeurs de machines. On fait miroiter la possibilité de larges débouchés pour le matériel de brasserie car Gand, avec sa banlieue, compte 115 brasseries qui ont toutes besoin d’être modernisées199. Mais les fabricants allemands restent sceptiques et se disent dans l’impossibilité d’aller à Gand200. Les organisateurs de l’exposition souhaitent encore davantage attirer les constructeurs de machines textiles qui pourraient profiter de l’occasion pour ouvrir une brèche dans un marché tenu à 80 % par les Anglais et concurrencer les quelques fabricants français qui tiennent à défendre leur position201. Bref, on fait valoir que la participation serait une bonne affaire économique pour l’Allemagne. On se plaît d’ailleurs à rappeler que le comité français a déjà promis son concours et que l’abstention des Allemands pourrait les mettre en état d’infériorité202.
62Les Belges n’hésitent pas à intervenir à tous les niveaux : démarches diplomatiques203, appel au consul général belge de Berlin204, discrète sollicitation de la part du Roi lors d’un entretien avec von Flotow205, démarches répétées et pressantes du comité belge des expositions et de la Société de l’exposition universelle de Gand auprès de la Ständige Ausstellungskommission206, et aussi opération de charme à l’égard de groupes d’Allemands en voyage d’étude à Gand207. Ils vont jusqu’à proposer le nom d’un éventuel commissaire général du Reich en la personne de Louis Ravené, déjà président du comité allemand pour l’exposition de Bruxelles, puis commissaire à Turin en 1911 et qui serait prêt à accepter cette fonction à condition d’être nommé commissaire officiel pour ne pas se trouver en position d’infériorité face aux responsables anglais ou français208.
63Faute de participation officielle, les Belges souhaitent du moins une importante section officieuse ou privée209. Ils suggèrent, eux-mêmes, dès décembre 1910, les modalités pour l’organisation concrète de cette solution de rechange en préconisant la création d’un comité des industriels et commerçants regroupant toutes les firmes intéressées par l’exposition de Gand210.
64C’est effectivement vers ce type de participation qu’on s’oriente à partir de janvier 1912. Un certain nombre de personnalités, dont Ravené qui s’active beaucoup, décident la création d’un comité privé et choisissent comme président un professeur de Francfort qui a déjà participé à l’organisation de différentes expositions D.-H. Becker211. Ce dernier justifie la participation par la volonté de toujours resserrer davantage les liens déjà étroits avec la Belgique. Il s’explique notamment lors d’une conférence donnée à l’école allemande de Bruxelles. Les Allemands de cette ville, où Becker semble compter de nombreux amis, paraissent bien accueillir cette initiative212. Le comité qui se met en place peu à peu doit remplir les fonctions habituellement réservées à la Ständige Ausstellungskommission, servir d’intermédiaire entre les exposants allemands et les organisateurs belges et d’abord éviter que les firmes allemandes ne soient dispersées à travers toute l’exposition213. Le comité réserve 12 000 m2. Il a l’intention de réussir, dans cet espace relativement limité, une belle exposition qui puisse supporter la comparaison avec la section française grâce à la qualité des objets présentés214. Le plus urgent est de trouver des exposants : de l’aveu même de Becker, il n’y a pas plus de 60 firmes qui se sont annoncées en avril 1912215.
65L’entreprise tentée par ce comité se heurte immédiatement à l’hostilité des autorités du Reich qui estiment que ce projet ne correspond pas à l’intérêt général de l’industrie allemande mais satisfait seulement l’égoïsme personnel et l’ambition de quelques firmes216. De fortes pressions sont exercées sur Becker pour l’amener à renoncer. Invité à une réunion au ministère de l’intérieur, le 31 janvier 1912, il doit subir les assauts de plusieurs hauts fonctionnaires, parmi lesquels d’anciens commissaires généraux comme Albert, qui passe pour le principal adversaire de la participation allemande à Gand217. Au cours de cette réunion, Lewald rappelle les arguments du gouvernement ; il met en garde contre les dangers d’une prestation allemande trop médiocre qui risque de souligner l’intérêt de la section française et il conseille à Becker de revenir sur l’avant-projet signé avec le comité belge218.
66Comme Becker persiste, le gouvernement multiplie les pressions pour freiner la participation des industriels allemands219. Il tient à faire une mise au point dans la presse, notamment par un article de la Norddeutsche Allgemeine Zeitung, le 18 février 1912, pour que l’opinion publique sache bien qu’il désapprouve l’action du comité allemand pour l’exposition de Gand220. Il s’efforce d’empêcher Becker de prendre le titre de « commissaire général ». De même, il ne veut pas entendre parler de « section allemande », appellation réservée aux participations officielles. Il intervient, en ce sens, auprès du gouvernement belge221 et justifie à nouveau son opposition dans la presse222. D’ailleurs des industriels, et non des moindres, comme les constructeurs de machines, abondent dans le sens des autorités pour critiquer le comité de Becker et repartir en guerre contre la participation en minimisant l’intérêt du marché belge ; selon eux, il n’y aurait pas de raisons de courir après les Belges qui ont montré après 1910 qu’ils n’achèteraient en Allemagne que ce qu’ils ne trouvent pas ailleurs223.
Un bilan mitigé
67La section allemande verra pourtant le jour et même avec la participation de certains constructeurs de machines. Bien plus, le hall des machines textiles constitue la partie la plus intéressante et Becker se fait un plaisir d’annoncer, à l’occasion du banquet de la section allemande, le 4 juillet, que des commandes pour 3 millions de marks y ont déjà été passées (soit autant que pour l’ensemble des machines en 1910)224. C’est vrai que la section allemande est nettement moins étendue que les rivales : elle ne couvre que les 12 000 m2 prévus au départ, contre 18 000 m2 pour l’Angleterre, 45 000 m2 pour la Belgique et, à nouveau, plus de 80 000 m2 pour la France et ses colonies225. Mais elle est installée dans un bâtiment « impressionnant » qui ne peut laisser indifférent même s’il est dénigré par la presse française qui parle d’un style prussien despotique226. L’intérêt des Allemands se traduit aussi par une innovation : pendant toute la durée de l’exposition, un service d’excursion par Zeppelins fonctionne entre Gand et Düsseldorf227.
68L’Allemagne participe également à l’exposition artistique, par une collection présentée par L. Ravené qui, toujours très actif, organise aussi un banquet rassemblant des personnalités belges et allemandes de Gand, Anvers et Bruxelles228. Il sera récompensé de tous ces efforts par la Grand Croix de l’Ordre de Léopold229 et la nomination comme consul général de Belgique à Berlin230.
69Tout n’est pourtant pas rose pour la section allemande qui est confrontée à de graves problèmes financiers. Début septembre, le déficit de 40 000 marks, au moins, paraît impossible à combler. Il n’est plus question de faire appel aux hommes d’affaires allemands qui ont déjà aidé le comité231. Aucune solution ne paraît non plus se dessiner du côté des colonies allemandes de Belgique car celle de Bruxelles manque de moyens et celle d’Anvers n’est pas bien disposée à l’égard de Becker232. Les relations tendues avec Berlin ne laissent pas beaucoup d’espoir du côté gouvernemental. La situation paraît si dramatique qu’on envisage un moment – mais sans donner suite – la démission de Becker233. Les diplomates allemands de Bruxelles estiment cependant qu’il serait fâcheux de laisser la section faire banqueroute sans réagir car le fiasco serait attribué à toute l’Allemagne et la presse francophile de Belgique ne manquerait pas de l’exploiter contre l’industrie allemande. Ils pensent donc qu’il vaut mieux aider la section et éviter son effondrement. De fait, la situation financière se redresse de manière inexpliquée et la catastrophe est évitée in extremis pour la section allemande234.
70La France connaît elle aussi des soucis et des difficultés. Alors que toutes les sections ont pris du retard, elle a réussi, en mettant les bouchées doubles, à être prête pour l’ouverture de l’exposition le 26 avril 1913235. Journalistes et diplomates allemands eux-mêmes rendent hommage à l’éclat de la section française qui domine l’exposition par ses palais, ses 9 000 exposants... et le nombre de ses récompenses236.
71Mais ce succès est terni par les manifestations antifrançaises qui se produisent à Gand. Le 22 juin, au cours du gala organisé par la section française à l’occasion de la visite du Roi à l’exposition, un groupe de personnes avec à leur tête un avocat, Van Roy, cherche à perturber la fête par des chants et des cris flamands provoquant quelques bagarres237. Désapprouvée seulement par quelques élus comme le sénateur Goblet d’Alviella et par quelques journaux (les organes libéraux d’Anvers et Le Soir de Bruxelles) ces manifestations sont minimisées par le gouvernement qui les traite de « simples gamineries ». Les autorités promettent toutefois de prendre les mesures nécessaires pour éviter des récidives238 d’autant plus redoutées qu’elles sont annoncées par une lettre anonyme arrivée à la légation de France, selon laquelle « des Flamingants en haine de la France, encouragés par leurs meneurs (suit une liste de noms dont celui de Van Roy) s’apprêtent à commettre des dégâts dans la section française »239.
72Ainsi l’importante participation de la France à l’exposition de Gand ne lui a pas permis de neutraliser le courant d’opinion hostile. L’opération menée pour gagner des sympathies n’a pas vraiment réussi et les Français semblent déçus par l’attitude réservée des autorités belges. Selon l’attaché militaire français à Bruxelles, une fois l’exposition terminée, il ne restera plus de raisons de ménager la France et il craint « que les gens qui nous défendent aujourd’hui par devoir ne nous abandonnent alors par intérêt »240. Il veut pourtant établir un bilan nuancé et « ne veut pas dire que l’Exposition de Gand ne doive pas être profitable à notre influence : pour un fonctionnaire ou un ministre qui s’éloignera de nous... il restera bon nombre de gens sages qui sauront apprécier notre valeur et nos moyens, d’après la perfection de notre effort. Nous ferions donc fausse route en poursuivant, à propos de notre participation, une popularité quelconque dans les milieux officiels... mais nous garderons le bénéfice plus durable si moins éclatant, de l’impression produite auprès de tous ceux qui, sans parti pris, ont vu et comparé »241. Il n’y a donc aucun triomphalisme chez les Français.
73Le bilan de l’exposition paraît mitigé aussi du point de vue belge. Certes, les organisateurs se félicitent des quatre millions de visiteurs et des résultats commerciaux escomptés242. Mais les exposants, surtout étrangers, sont moins nombreux qu’en 1910 et l’exposition de Gand n’atteint pas – de loin – l’éclat international de celle de Bruxelles. De plus, son histoire est assombrie, encore une fois, par un incendie qui détruit la section espagnole le 20 août. Surtout, elle est marquée par des polémiques. Les Flamands peuvent s’inquiéter d’une poussée française qui cherche à raffermir une influence économique, culturelle et politique en perte de vitesse. Par contre, ils n’ont pas à se réjouir de l’attitude de l’Allemagne, faiblement représentée et apparemment peu soucieuse d’apporter un appui que d’aucuns pouvaient espérer.
74En définitive, la présence de la France et de l’Allemagne aux expositions universelles en Belgique revêt principalement un caractère politique.
75Même côté français, où la participation est habituellement présentée comme un moyen de reconquête du marché belge, les objectifs politiques l’emportent largement. En 1905, il s’agit de contribuer au succès de la manifestation organisée dans la grande cité wallonne ce qui doit permettre à la fois de raviver le prestige de la France et de conforter des solidarités traditionnelles. En 1913, à Gand, la France part – en vain – à la reconquête de son influence en déclin dans le pays flamand. A Bruxelles, elle doit relever un double défi : démontrer sa fidélité à la Belgique et affronter la rivalité allemande.
76Côté allemand, la résistance des industriels dans l’ensemble peu enclins à fréquenter les expositions jugées coûteuses et peu rentables, souligne encore le caractère politique de la participation officielle en 1910. Désireux de conforter le prestige de l’Allemagne en Belgique et la sympathie des Belges à l’égard de l’Allemagne, le gouvernement du Reich impose une participation de grande envergure capable de rivaliser avec celle de la France. Mais il ne s’estime pas tenu de renouveler trop souvent ce genre de démonstration et du coup, en 1913, il freine les quelques industriels qui souhaitent aller à Gand car il veut éviter une prestation allemande de moindre éclat que celle de la France.
77Améliorer les relations avec la Belgique, favoriser le rayonnement et le prestige national, contrecarrer l’influence du voisin restent donc les objectifs prioritaires de la France comme de l’Allemagne dans la définition de leur attitude face aux expositions.
Notes de bas de page
1 Note du 12 janvier 1904, A.E. Bruxelles, B40 DF197.
2 M.A.E.b. à Londres, 24 juin 1904, A.E. Bruxelles, B40 DF197.
3 Note non datée, A.N., F12/7569.
4 Rapport général de la section française, t. 1, p. 65, A.N., AD XIX D139.
5 Lettre adressée à Favereau, ministre des Affaires étrangères, 6 octobre 1903, A.E. Bruxelles, B40 DF197.
6 Ibid.
7 Légation de France à Bruxelles à M.A.E.b., 4 avril 1904, A.E. Bruxelles, B40 DF197.
8 Rapport général de la section française, p. XII, A. N., AD XIX D 139.
9 Cf. supra, chap. 5, p. 101.
10 Cf. supra, chap. 2.
11 Allusion à la signature du traité germano-belge de 1904.
12 Belleau, La Belgique commerciale (introduction). Belleau est alors vice-président des comités d’administration et d’installation à l’exposition de Liège.
13 En italique dans le texte.
14 Bulletin de l’Union interpatronale du commerce et de l’industrie, mai 1905, p. 4.
15 Rapport général de la section française, t. 1, p. 65, A.N., AD XIX D139.
16 Ibid.
17 Note du 14 juillet 1905, A.E. Bruxelles, B40 DF197.
18 Note du 4 août 1905, A.E. Bruxelles, B40 DF197.
19 Cf. chap. 14, pp. 333-334.
20 Rapport général de la section française.
21 Livre d’or de l’exposition de Liège, p. 453.
22 Ibid.
23 Ibid.
24 Rapport général de la section française.
25 Note biographique dans A.N., F12/7542.
26 Union internationale du commerce et de l’industrie, mai 1905, p. 4 (A.N., F12/7541).
27 Rapport général de la section française, t. 1, p. 66.
28 Président du comité d’organisation à Chapsal, 6 décembre 1904, A.N., F12/7544.
29 Bruxelles à M.A.E.f., 23 octobre 1904, A.N., F12/7547 (Gérard indique la liste des membres).
30 Note non datée, A.N., F12/7547.
31 Comité d’organisation à Chapsal, 7 avril 1905, A.N., F12/7544.
32 Le roi reçoit les ministres à cette occasion. Il avait fait dire à Eugène Etienne, alors ministre de l’intérieur, qu’il souhaitait le recevoir en même temps que les autres ministres (M.A.E.b. à Paris, 6 juin 1905, A.E. Bruxelles 13430).
33 Président du comité d’organisation à Chapsal, 6 décembre 1904, A.N., F12/7544.
34 Livre d’or, p. 568.
35 Union internationale pour le commerce et l’industrie, mai 1905, p. 3.
36 Gand Exposition, 30 novembre 1911, p. 131.
37 Rapport général de la section française, t. 2, p. 56.
38 Note non datée, A.N., F12/7569 et Gand Exposition, 30 novembre 1911.
39 Note biographique sur Chapsal, A.N., F12/7542.
40 Forges et Aciéries de la Marine et d’Homécourt à Chapsal, 15 octobre 1904 et Donny à Larmarche, 7 janvier 1905, A.N., F12/7544.
41 Rapport général, t. 2, p. 56.
42 En décembre 1905, p. 687.
43 15 mai 1912, p. 97.
44 Anvers à A.A., 5 janvier 1908 et Bruxelles à A.A., 7 janvier 1908, Potsdam A.A. 602 et point de vue des échevins de Liège, cité par Chapsal dans une conférence à Nancy le 26 septembre 1909, Bulletin de la Chambre de commerce de Nancy, septembre-octobre 1909.
45 Bruxelles (consul) à A.A., 4 janvier 1908, Potsdam, A.A. 602.
46 Anvers à A.A., 5 janvier 1908, Potsdam, A.A. 602.
47 A.A. à M. Finances et R.d. I. à Finances, 4 mai 1908, Potsdam, A.A. 603.
48 Intervention d’Erzberger au Reichstag, 19 janvier 1909 et Anvers à A.A., 5 janvier 1908, Potsdam, A.A. 602.
49 Rapport général, t. 2, p. 56.
50 Note du 24 mai 1906, A.E. Bruxelles, B40 DF197.
51 Tract dans A.N., F12/7558.
52 Bruxelles (Wallwitz) à A.A., 7 janvier 1908, Potsdam, A.A. 602.
53 Gand Exposition, 30 novembre 1911, p. 131.
54 Bruxelles (Wallwitz) à A.A., 27 octobre 1910, Potsdam, A.A. 602.
55 Berliner Lokal Anzeiger, 17 octobre 1905.
56 Anvers à A.A., 29 novembre 1910, Potsdam, A.A. 602.
57 Bruxelles à A.A., 27 octobre 1910, Potsdam, A.A. 602.
58 Paris (consul) à A.A., 7 mars 1906, Potsdam, A.A. 602.
59 Bruxelles à A.A., 27 octobre 1910, Potsdam, A.A. 602.
60 Journal de Bruxelles, 19 avril 1906.
61 M. Industrie à M.A.E.b., 14 novembre 1907, A.E. Bruxelles, B41 DF198.
62 Note M.A.E.b., 23 novembre 1907, A.E. Bruxelles, B41 DF198.
63 Conférence de Chapsal, Bulletin de la Chambre de commerce de Nancy, septembre-octobre 1909.
64 Bruxelles Exposition, janvier 1908. Voir aussi Bruxelles (consul) à A.A., 23 mars 1908, Potsdam, A.A. 603.
65 Décrets de nomination des 4 et 5 juillet 1908 dans le Moniteur Officiel du Commerce. Voir aussi Bruxelles Exposition, juillet et septembre 1908.
66 Projet de loi, demande de crédits pour l’exposition de Bruxelles, A.N., AD XIX 2 494 (25 juin 1909).
67 Ibid.
68 Conférence de Chapsal, Bulletin de la Chambre de commerce de Nancy, septembre-octobre 1909.
69 Ibid.
70 Bulletin de la Chambre de commerce de Nancy, septembre-octobre 1909.
71 Ibid.
72 R.d. I. à A.A., 9 janvier 1906, Potsdam, A.A. 602.
73 23 mars 1907.
74 Handel und Gewerbe, 18 janvier 1908.
75 Ibid. et Frankfurter Zeitung, 5 février 1909.
76 R.d. I. à A.A., 10 mars 1908, Potsdam, A.A. 602.
77 Berlin à M.A.E.b., 18 janvier 1908, A.E. Bruxelles, B40 DF198.
78 Frankfurter Zeitung, 16 janvier 1908 et 5 février 1909.
79 Ils ont été consultés par l’A.A. à la suite d’une intervention du R.d. I. Leurs réponses datées du 4 janvier (Bobrik) du 5 (Pritsch) et du 7 (Wallwitz) ont dû arriver à Berlin juste après la réunion de Düsseldorf.
80 Bobrik à Wallwitz, 4 janvier 1908, Potsdam, A.A. 602.
81 Wallwitz à A.A., 7 janvier 1908, Potsdam, A.A. 602.
82 Conférence de Chapsal, Bulletin de la Chambre de commerce de Nancy, septembre-octobre 1909.
83 Pritsch à Wallwitz, 5 janvier 1908, Potsdam, A.A. 602.
84 Wallwitz à A.A., 7 janvier 1908, Potsdam, A.A. 602.
85 Bobrik à Wallwitz, 4 janvier 1908, Potsdam, A.A. 602.
86 R.d. I. à A.A., 13 février 1908, Potsdam, A.A. 602. Sur Albert, voir aussi Bruxelles Exposition, mai 1909, p. 30.
87 R.d. I. et A.A. à M. Finances, 19 mai 1908, Potsdam, A.A. 603.
88 R.d. I. à A.A., 10 mars 1908, Potsdam, A.A. 602 et Berliner Lokalanzeiger, 7 mars 1908.
89 R.d. I. à commission permanente, 4 mars 1908, Potsdam, A.A. 602.
90 Circulaire de la commission permanente, 6 mars 1908, Potsdam, A.A. 602.
91 Circulaire de la commission permanente, 28 septembre 1908, Potsdam, A.A. 604.
92 Frankfurter Zeitung, 1er juin 1908 et 5 février 1909.
93 Bruxelles Exposition, décembre 1908 et M.A.E.f. à M. Commerce, 6 janvier 1909, A.N., F12/7561.
94 R.d. I. à A.A., 7 mai 1908, Potsdam, A.A. 603. Ils obtiennent pratiquement satisfaction car, si le gouvernement belge ne peut pas s’engager formellement, il accepte cependant de déclarer qu’il n’a aucune intention de relever les droits de douane sur ces produits (cf. Bruxelles à A.A., 19 octobre 1908, Potsdam, A.A. 604).
95 National Zeitung, 6 janvier 1909 ; Frankfurter Zeitung, 9 février 1909 ; R.d. I. et A.A. à Finances, 19 mai 1909, Potsdam, A.A. 603.
96 De Frost à Wallwitz, 30 avril 1908, Potsdam, A.A. 603.
97 M. Finances à R.d. I., 21 avril 1908 et Finances à A.A., 2 juin 1908, Potsdam, A.A. 603.
98 R.d. I. et A.A. à M. Finances, 4 mai 1908, Potsdam, A.A. 603.
99 M. Finances à A.A., 2 juin 1908, Potsdam, A.A. 603.
100 R.d. I. et A.A. à M. Finances, 4 mai 1908, Potsdam, A.A. 603.
101 Bruxelles à A.A., 16 juillet 1908, Potsdam, A.A. 604.
102 R.d. I. à A.A., 29 juin 1908, Potsdam, A.A. 604.
103 Frankfurter Zeitung, 5 février 1909 : P. V. de la séance au Reichstag, 19 janvier 1909, Potsdam, A.A. 605 ; Bruxelles Exposition, mars 1910.
104 Comité exécutif de l’exposition de Bruxelles à Goldberger, 21 janvier 1908, Potsdam, A.A. 602.
105 Greindl à Schoen, 2 avril 1908, Potsdam, A.A. 603.
106 Berlin à M.A.E.b., 14 janvier 1908, A.E. Bruxelles, B40 DF198.
107 Berlin à M.A.E.b., 18 janvier 1908, A.E. Bruxelles, B40 DF198.
108 Berlin à M.A.E.b., 7 mars 1908, A.E. Bruxelles, B40 DF198.
109 Anvers à A.A., 23 mars 1908, Potsdam, A.A. 603.
110 Berliner Lokal Anzeiger, 18 juillet 1908.
111 Note M.A.E.b., 27 juillet 1908, A.E. Bruxelles, B40 DF198. Voir aussi Frankfurter Zeitung, 9 août 1908.
112 Anvers à A.A., 23 mars 1908, Potsdam, A.A. 603.
113 Bruxelles à A.A., 8 août 1908, Potsdam, A.A. 604.
114 Berlin à M.A.E.b., 18 juillet 1908, A.E. Bruxelles, B40 DF198.
115 Berlin à M.A.E.b., 7 mars 1908, A.E. Bruxelles, B40 DF198.
116 Bruxelles à A.A., 8 août 1908, Potsdam, A.A. 604.
117 Bruxelles (Kracker) à A.A., 4 avril 1910, Potsdam, A.A. 607.
118 Bobrik à Wallwitz, 4 janvier 1908, Potsdam, A.A. 602.
119 Bruxelles à A.A., 7 janvier 1908, Potsdam, A.A. 602.
120 R.d. I. à A.A., 25 avril 1908, Potsdam, A.A. 603 (le mark vaut environ 1,25 francs).
121 R.d. I. à A.A., 13 février 1908, Potsdam, A.A. 602.
122 Pritsch à Wallwitz, 5 janvier 1908 ; A.A. à R.d. I., 22 janvier 1908 ; Potsdam, A.A. 602 et R.d. I. à A.A., 11 avril 1908, Potsdam, A.A. 603.
123 R.d. I. à A.A., 9 mai 1908, Potsdam, A.A. 603
124 Note pour le ministre, 3 juin 1908, A.E. Bruxelles, B40 DF198.
125 M.A.E.b. à légation d’Allemagne, 1er juillet 1908, Potsdam, A.A. 604.
126 Bruxelles à A.A., 8 août 1908 et 19 octobre 1908, Potsdam, A.A. 604 et Bruxelles Exposition, novembre 1908.
127 Frankfurter Zeitung, 9 février 1909.
128 National Zeitung, 6 janvier 1909.
129 Bruxelles à A.A., 15 mai 1908, Potsdam, A.A. 603.
130 Handel und Gewerbe, 3 octobre 1908.
131 Berliner Tageblatt, 18 Juillet 1908.
132 Bruxelles à A.A., 15 mai 1908, Potsdam, A.A. 603.
133 Bruxelles à A.A., 26 janvier 1910, Potsdam, A.A. 607.
134 Ibid. et Anvers à A.A., 12 mai 1908, Potsdam, A.A. 603.
135 Bruxelles à A.A., 8 août 1908, Potsdam, A.A. 604.
136 Bruxelles à A.A., 25 avril 1910, Potsdam, A.A. 607.
137 Bruxelles Exposition, mai 1910, p. 55.
138 Bruxelles à M.A.E.f., 24 avril 1910, A.N., F12/7561.
139 Bruxelles Exposition, juillet 1910.
140 L’Opinion (Paris), 18 juin 1910.
141 Bruxelles Exposition, août 1910.
142 Bruxelles à M.A.E.f., 15 août, A.N., F12/7562.
143 Note M.A.E.b., 25 décembre 1908, A.E. Bruxelles, B40 DF198 et Manchester Guardian, 3 juillet 1909.
144 Journal Officiel, 8 novembre 1910.
145 Journal des Débats, 9 septembre 1910.
146 Ibid.
147 Gand Exposition, 15 novembre 1911, p. 117.
148 Journal des Débats, 9 septembre 1910.
149 Ibid.
150 Ibid.
151 La fête des récompenses a lieu le 18 octobre, la clôture de l’exposition le 7 novembre.
152 Moniteur officiel, 10 novembre 1910. Bruxelles Exposition donne des chiffres légèrement différents : 1 489 grands prix pour la France et 508 pour l’Allemagne.
153 Débats au Bundesrat, 20 novembre 1912 (P. V. session 1912, n° 151) Potsdam, A.A. 610.
154 National Zeitung, 1er février 1911. Selon les estimations du commissaire Albert, les ventes à Bruxelles se chiffrent, pour les machines-outils, à 750 000 francs pour l’Allemagne, 250 000 francs pour les U.S.A., 188 000 francs pour l’Angleterre et 150 000 francs pour la France.
155 Rapport de la Commission permanente des expositions, 25 avril 1912, Potsdam, A.A. 610.
156 National Zeitung, 1er février 1911.
157 Bruxelles Exposition, décembre 1910, p. 200.
158 Note, A.N., F12/7568.
159 Rapport établi par les Allemands, 26 décembre 1917, Potsdam, A.A. 18239.
160 Note pour M.A.E.b., 8 février 1909, A.E. Bruxelles, B41 DF200.
161 Bulletin du comité belge des expositions, 31 août 1910.
162 Gand Exposition, 30 novembre 1911 et consul allemand de Charleroi à A.A., 17 juillet 1911, Potsdam, A.A. 18241.
163 Gand Exposition, 30 juin 1912, p. 142.
164 LL’ Etoile belge, 2 avril 1912, et Gand Exposition, 15 avril 1912. Le gouvernement promet 7,5 millions de francs ; ces importants crédits devaient compenser la tombola qui est supprimée. Cf. Journal de Bruxelles, 1er avril 1912.
165 Journal de Bruxelles, 1er avril 1912 et Chronique des Travaux Publics, 7 avril 1912.
166 Bulletin du comité français des expositions à l’étranger, octobre-novembre 1911.
167 Projet de loi, 12 juin 1912, A.N., F12/8823.
168 Ibid.
169 Texte de la loi du 28 décembre 1912, A.N., F12/8823.
170 Projet de loi, 12 juin 1912.
171 Bulletin du comité français des expositions à l’étranger, octobre-novembre 1911.
172 Ibid.
173 Loi 28 décembre 1912.
174 Cf. chap. 14, pp. 322-325.
175 Note du ministre de l’instruction publique, sans date, A.N., F12/8824.
176 Texte de la loi du 28 décembre 1912 et Rapport Abel, 19 décembre 1912 cité dans une lettre du commissaire général à M. Commerce, 31 décembre 1913, A.N., F12/8823.
177 Projet de loi, 12 juin 1912.
178 Cf. chap. 14, pp. 329-330.
179 171 000 francs sur 1 239 000, selon la répartition faite par l’arrêté du 13 mars 1913, A.N., F12/8823.
180 Note non datée, A.N., F12/8824.
181 Ibid.
182 Rapport du 19 décembre 1912, A.N., F12/8823.
183 Commissaire général à M. Commerce, 31 décembre 1913, A.N., F12/8823 (la salle de conférence est effectivement mise en place).
184 Note sans date, A.N., F12/8824. Sur la politique linguistique de la France en Belgique, cf. infra, chap. 14.
185 Hamburger Nachrichten, 16 mai 1913 ; Neue Preussische Zeitung, 18 mai 1913.
186 R.d. I. à A.A., 31 juillet 1908, Potsdam, A.A. 18271.
187 Goldberger à comité belge, 9 février 1910, Potsdam, A.A. 18271.
188 Commission permanente à Comité exécutif belge, 23 octobre 1910, Potsdam, A.A. 18271 et Handel und Gewerbe, 28 octobre, 25 novembre 1911 et 24 février 1912.
189 Pritsch à A.A., 26 mai 1911 et Pritsch à von Flotow, 31 janvier 1912, Potsdam, A.A. 18271.
190 Bruxelles à A.A., 2 février 1912, Potsdam, A.A. 18271.
191 R.d. I. à A.A., 10 juillet 1911 et 14 janvier 1912, Potsdam, A.A. 18271.
192 Pritsch à A.A., 26 mai 1911, Potsdam, A.A. 18271 et Handel und Gewerbe, 2 février 1912.
193 Handel und Gewerbe, 25 novembre 1911 et 2 février 1912 ; Deutsche Export Revue, 28 juin 1912.
194 Anvers à A.A., 26 mai 1911, Potsdam, A.A. 18271.
195 R.d. I. à A.A., 31 juillet 1908, Potsdam, A.A. 18271.
196 Anvers à A.A., 26 mai 1911, Potsdam, A.A. 18271.
197 Ibid. et Handel und Gewerbe, 24 février 1912.
198 Comité belge à Goldberger, 20 décembre 1910 et 21 septembre 1911, Potsdam, A.A. 18271.
199 Anvers à A.A., 28 février 1911, Potsdam, A.A. 18271.
200 Verband Deutscher Maschinen Fabrikanten à Comité d’exposition, 21 mars 1911, Potsdam, A.A. 18271.
201 Comité belge à Goldberger, 20 décembre 1910, Potsdam, A.A. 18271.
202 Ibid.
203 Greindl à Zimmermann, 28 décembre 1911, Potsdam, A.A. 18271.
204 M.A.E.b. à Berlin, 21 décembre 1911, A.E. Bruxelles, B41 DF200.
205 Bruxelles à A.A., 2 février 1912, Potsdam, A.A. 18271.
206 Interventions des 6 et 20 décembre 1910 et 21 septembre 1911, Potsdam, A.A. 18271.
207 Gand Exposition, 15 décembre 1911.
208 Démarche de Louis Coetermans à la demande des organisateurs de l’exposition de Gand auprès du consul général d’Anvers. (Anvers à A.A., 26 mai 1911, Potsdam, A.A. 18271).
209 M.A.E.b. à Berlin, 21 décembre 1912, A.E. Bruxelles, B41 DF200 et Bruxelles à A.A., 2 février 1912, Potsdam, A.A. 18271.
210 Comité belge à Goldberger, 20 décembre 1910, Potsdam, A.A. 18271.
211 Becker à A.A., 29 janvier 1912, Potsdam, A.A. 18271 et Le Matin, 18 janvier et 2 février 1912.
212 Bruxelles (consul) à A.A., 28 mars 1912, Potsdam, A.A. 18271. Voir le texte de la conférence de Becker du 27 mars dans Gand Exposition, 31 mars 1912.
213 Export, 29 août 1912.
214 Ibid.
215 Becker à Société de l’exposition de Gand, 18 avril 1912, et Bruxelles (consul) à A.A., 28 mars 1912, Potsdam, A.A. 18272.
216 R.d. I. à A.A., 6 février 1912, Potsdam, A.A. 18271.
217 Bruxelles à A.A., 15 septembre 1912, Potsdam, A.A. 18273.
218 P. V. de la réunion du 31 janvier 1912, Potsdam, A.A. 18271.
219 Der Tag, 8 novembre 1913.
220 R.d. I. à A.A., 6 février 1912, Potsdam, A.A. 18271.
221 R.d. I. à A.A., 15 août 1912 ; Bruxelles (consul) à A.A., 20 et 22 août 1912, Potsdam, A.A. 18271.
222 Berliner Lokal Anzeiger, 12 août 1912.
223 Verein Deutscher Maschinen Fabrikanten, 9 mai 1912, Potsdam, A.A. 18272.
224 Agence Wolff, 5 juillet 1913.
225 Hamburger Nachrichten, 16 mai 1913.
226 Bruxelles à A.A., 19 septembre 1913, Potsdam, A.A. 18273 (1). et Der Tag, 8 novembre 1913.
227 Bruxelles à M. Guerre, 7 avril 1913, Vincennes, 7 N 1158.
228 Banquet du 23 juin 1913. Bruxelles à A.A., 24 juin 1913, Potsdam, A.A. 18273 (1).
229 Beyens à Zimmermann, 29 octobre 1913, Potsdam, A.A. 18273 (1).
230 Berliner Lokal Anzeiger, 7 octobre 1913.
231 Notamment à la suite d’un voyage du secrétaire général du comité, N. Reinhart, à Cologne (Bruxelles à A.A., 2 septembre 1913, Potsdam, A.A. 18273 (1).
232 Bruxelles à A.A., 19 septembre 1913, Potsdam, A.A. 18273 (1).
233 Bruxelles (consul) à A.A., 2 septembre 1913, Potsdam, A.A. 18273 (1).
234 Bruxelles à A.A., 3 novembre 1913, Potsdam, A.A. 18273 (1).
235 Hamburger Nachrichten, 16 mai 1913 (la section française est inaugurée le 5 mai).
236 Ibid. et Bruxelles à A.A., 19 septembre et 28 octobre 1913, Potsdam, A.A. 18273 (1).
237 Klobukowski à M.A.E.f., 23 juin 1913, A.E. Paris, NS 6 ; attaché militaire à M. Guerre, 25 juin 1913, Vincennes, 7 N 1158 et Bruxelles à A.A., 27 juin 1913, Bonn, Frankreich 121, t. 5.
238 Bruxelles à M.A.E.f., 26 et 28 Juin 1913, A.E. Paris, NS 6.
239 Légation de France à Bruxelles à M.A.E.b., 30 juin 1913, C.P. France, Compl.
240 Bruxelles à M. Guerre, 6 août 1913, Vincennes, 7N 1158.
241 Ibid.
242 Article de Maertens dans la Ligue du commerce et de l’industrie, 5 octobre 1913.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Métro, dépôts, réseaux
Territoires et personnels des transports parisiens au XXe siècle
Noëlle Gérôme et Michel Margairaz (dir.)
2002
Policiers dans la ville
La construction d’un ordre public à Paris (1854-1914)
Quentin Deluermoz
2012
Maurice Agulhon
Aux carrefours de l’histoire vagabonde
Christophe Charle et Jacqueline Lalouette (dir.)
2017
Autonomie, autonomies
René Rémond et la politique universitaire en France aux lendemains de Mai 68
Charles Mercier
2015
