1Le commerce extérieur est pour la Belgique une nécessité vitale. Petit pays densément peuplé et fortement industrialisé, elle doit importer des denrées alimentaires, des matières premières et certains produits fabriqués et trouver à l’extérieur des débouchés pour une part importante de sa production qui ne peut être absorbée par un marché national trop étroit. Elle en arrive à assurer environ 4,4 % du commerce mondial en 1913, ce qui la place au 6^e rang des puissances commerciales, derrière le Royaume-Uni, l’Allemagne, les Etats-Unis, la France et les Pays-Bas. Si l’on tient compte des chiffres de population, la Belgique est le pays qui exporte le plus par habitant1.

Remarques méthodologiques : problèmes posés par les statistiques

2L’analyse des courants d’échanges commerciaux impose des choix quant à l’usage de l’outil statistique. Suivant les recommandations d’observateurs contemporains et de bon nombre d’historiens, ce travail s’appuie sur les statistiques d’importations des trois pays concernés. Par conséquent, pour les ventes allemandes et françaises en Belgique, les chiffres retenus sont ceux des statistiques d’importations belges ; inversement, les ventes belges en France et dans le Zollverein2 sont évaluées, respectivement, d’après les statistiques françaises et allemandes. Ces statistiques d’importation sont considérées comme relativement fiables puisqu’elles reposent sur des déclarations, en principe précises, faites auprès de l’administration des Douanes, notamment en vue du paiement des droits d’entrée sur les marchandises importées. Par contre, nombre d’experts et de responsables des services officiels sont eux-mêmes plein de réserves à l’égard des chiffres d’exportation jugés très approximatifs, sinon fantaisistes3.

3Cependant, il existe des différences de fiabilité entre les statistiques d’importations de pays protectionnistes comme la France et l’Allemagne et celles de la Belgique plus libre-échangiste. Dans les observations préliminaires du Tableau Général du commerce de la Belgique, le service de la statistique attire l’attention sur les risques d’erreurs concernant les marchandises libres à l’entrée dans le Royaume. Il arrive que des produits de cette catégorie soient déclarés comme étant destinés à la consommation intérieure, alors qu’ils sont, en fait, en transit et déclarés ultérieurement pour l’exportation. Cette pratique ne porte guère à conséquence – puisqu’il s’agit de produits non-assujettis à des droits de douane – sauf du point de vue statistique. Il en résulte que le chiffre du commerce spécial, à l’importation et à l’exportation, se trouve grossi au détriment du chiffre du transit4. Le ministère des Finances belge lance régulièrement un appel – sous forme d’avis inséré en tête du Bulletin mensuel de statistique – pour engager les négociants à faire leurs déclarations avec exactitude. Il s’efforce aussi de rectifier certaines erreurs avant la publication des chiffres5 mais avoue qu’il ne peut toutes les déceler. Il paraît donc évident, de l’aveu même des autorités, que les importations du comme ce spécial belge sont surévaluées au détriment du transit qui est sous-estimé6. De plus, les droits belges sont dans une large mesure des droits ad valorem (du moins jusqu’à la série de conversions faites dans les années 1910-1913) qui incitent davantage à la fraude que les droits spécifiques, ce qui est une raison supplémentaire à la sous-estimation des importations7.

4Une enquête économique postérieure à 1914, réalisée pendant la première guerre mondiale sous la direction d’Emile Waxweiler, a essayé de faire une critique et une rectification minutieuse des statistiques commerciales. Elle conclut à des chiffres qui, pour l’année 1913, seraient inférieurs d’environ 30 % à ceux des statistiques officielles, en ce qui concerne l’ensemble du commerce spécial8. Mais cette nouvelle estimation faite dans un climat passionnel anti-allemand est-elle vraiment fiable ? Faute de pouvoir trancher cette question on s’en tiendra aux statistiques d’importations publiées, en sachant qu’elles sont un peu surestimées dans le commerce spécial de la Belgique9.

5Une explication s’impose également au sujet de la méthode utilisée pour le calcul de la structure des échanges, c’est-à-dire de la répartition des marchandises entre les trois catégories : produits alimentaires, matières premières, produits fabriqués. Ces calculs ont été délicats à faire car la présentation des statistiques est différente dans chacun des trois pays et, de plus, elle a été complètement remaniée en Allemagne à partir du 1er mars 1906, et en Belgique en 1908 et en 1912, sans compter de nombreuses modifications de moindre importance. Ces deux pays introduisent alors des regroupements qui ne sont pas les mêmes dans les deux cas et qui ne correspondent pas à la classification simplifiée évoquée ci-dessus. Pour harmoniser les calculs il n’a pas été tenu compte de ces regroupements mais un classement rigoureux a été fait, de manière à ce qu’un même produit se retrouve toujours dans la même catégorie10. Par ailleurs, le calcul des structures a été fait en excluant les monnaies – importantes dans certains courants d’échanges – mais qu’il est impossible de faire entrer dans l’une des trois catégories.

L’évolution des ventes belges et le renversement des balances commerciales

6Quelques chiffres illustrent bien la difficulté de la Belgique à pénétrer sur le marché de ses deux grands voisins protectionnistes. Depuis 1900, elle se situe au 4^e rang parmi les importateurs en France, derrière l’Angleterre, les Etats-Unis et l’Allemagne après avoir été longtemps en 3^e et même en 2^e position au cours des dernières décennies du xix^e siècle11. Pour l’importation dans le Zollverein, elle recule, du 6 au 7^e rang occupé dans les années 1890, au 8^e à partir de 1903 derrière les Etats-Unis, l’Angleterre, l’Autriche-Hongrie, la France, les Indes anglaises et l’Argentine12. Les produits belges ne représentent qu’environ 3,5 % du total des importations allemandes13 alors qu’elles constituent entre 6 et 7 % des importations françaises au cours de la décennie qui précède la guerre14. Autre signe de difficulté, le commerce belge avec ces deux pays qui était autrefois excédentaire est devenu déficitaire pour la Belgique à la fin des années 1890.

7Cependant, l’Allemagne et la France apparaissent comme les meilleurs clients de la Belgique mais leur place respective varie selon les statistiques consultées. D’après le tableau des exportations belges, le Zollverein se place devant la France15. Bien que ce classement soit retenu par de nombreuses études, il convient plutôt de se fier aux statistiques d’importation des deux partenaires d’après lesquelles c’est la France qui est au premier rang, sauf en 1905.

Graphique I – Commerce germano-belge (Commerce spécial en millions de francs). 1 – Importations belges dans le Zollverein (d’après les statistiques allemandes). 2. – Importations allemandes en Belgique (d’après les statistiques belges).

Les ventes belges en Allemagne

8Alors que les ventes de la Belgique en Allemagne s’élevaient en 1890 à 396 millions de francs16, soit plus que le double de la valeur de ses achats dans ce pays (182 millions de francs) elles s’effondrent dans les années suivantes en dépit du traité de commerce de 1891 jusqu’à un étiage aux environs de 220 millions de francs dans les années 1894-1897. A ce moment, elles équilibrent pratiquement les ventes de l’Allemagne à la Belgique. Puis le rapport s’inverse ; à partir de 1900, les ventes belges sont toujours inférieures aux ventes allemandes. Certes, elles progressent mais modérément et par à coup pour ne retrouver que vers 1909-1910 leur niveau de 1890 et atteindre un sommet en 1912 avec 506 millions de francs.

9Comme les ventes allemandes augmentent à la fois plus régulièrement et plus rapidement, le déficit de la balance commerciale tend à s’aggraver au détriment de la Belgique. En 1905, il se chiffre à 34 millions de francs et le taux de couverture est de 90 %. En 1908, année de crise, les ventes belges se rétrécissent plus que les ventes allemandes et le déficit atteint presque 117 millions de francs. Il se maintient à un niveau comparable en 1909-1910 puis se rapproche des 200 millions en 1912 et dépasse les 300 millions en 1913 où la nouvelle crise ne fait que ralentir la croissance des ventes allemandes mais provoque une chute des ventes belges. Le taux de couverture tombe à 72 % en 1912 et 61 % en 1913. Dans la réalité, le déficit belge est sans doute un peu moindre car on sait que les importations en Belgique sont toujours un peu surévaluées alors que les ventes belges dans le Zollverein sont estimées avec beaucoup plus de rigueur par les statistiques d’importation allemandes.

Graphique II-Le commerce franco-belge (Commerce spécial en millions de francs) 1 – Importations belges en France (d’après les statistiques françaises) 2. – Importations françaises en Belgique avec les monnaies à partir de 1905 (d’après les statistiques belges) 2b. – Importations françaises en Belgique sans les monnaies (d’après les statistiques belges)

Les ventes belges en France

10L’évolution du commerce avec la France n’est pas très différente17. En 1890, ce commerce est excédentaire en faveur de la Belgique qui vend pour 500 millions de francs à sa voisine du sud et n’achète que pour 316 millions de francs. Mais cet excédent s’amenuise brusquement en 1892 en raison d’une chute des exportations belges qui tombent à 388 millions de francs à la suite de l’entrée en vigueur du nouveau tarif douanier français. Dans les années 1895- 1899, les deux courants d’échanges sont presque équilibrés à un niveau proche des 300 millions de francs, donc légèrement supérieur à l’étiage du commerce germano-belge dans ces années. A partir de 1902, le déficit s’installe durablement au détriment de la Belgique, malgré une reprise de ses ventes qui passent de 312,9 millions de francs en 1902, à 426 millions en 1907, puis, après une légère rechute en 1908, à 439 millions en 1909 et 556,3 millions en 1913. Pendant cette période 1905-1913, les ventes françaises en Belgique progressent très rapidement, si bien que la balance commerciale accuse un déficit pour la Belgique de 204,6 millions de francs en 1905, de 124 millions en 1909, 196 millions en 1911 et 444 millions en 1913. A la veille de la guerre, le taux de couverture tombe à près de 55 %.

11Mais cet écart est gonflé artificiellement. En effet, comme pour le Zollverein, les marchandises françaises importées en Belgique au titre du commerce spécial sont un peu surévaluées au détriment du transit, ce qui réduit déjà le déficit réel de la Belgique. Surtout, le chiffre des ventes françaises englobe pour des valeurs considérables des monnaies transférées en Belgique à la suite d’un mouvement de spéculation18. En déduisant la valeur de ces monnaies, le déficit belge diminuerait dans les proportions énormes, surtout pour les années de l’immédiat avant-guerre : il ne serait plus que de 176 millions de francs en 1905, de 35 millions en 1909, 15 millions en 1911 et 89 millions en 1913, ce qui ramènerait le taux de couverture pour les cinq dernières années avant la guerre à un niveau supérieur à 80 % et même parfois à 90 % (1909 et 1911).

12S’il est donc vrai que le commerce de la Belgique avec ses deux voisins est constamment déficitaire en ce début de siècle, il ne faut pourtant pas exagérer le handicap. Dans les deux cas, le déficit réel est moins grave que les chiffres bruts ne le laisseraient croire. Il est certes assez important dans les échanges avec l’Allemagne, mais plus apparent que réel avec la France, à cause des monnaies introduites dans le Royaume par un mouvement spéculatif qui n’a rien à voir avec le commerce.

La structure des exportations belges

13Etant donné le resserrement relatif des débouchés français et allemands, quels sont les produits que la Belgique parvient néanmoins à écouler sur ces marchés tous deux fortement protégés par des tarifs douaniers ?

Les exportations vers le Zollverein19

14Plus de la moitié des ventes belges à l’Allemagne sont constituées par des matières premières ; celles-ci représentent 57,6 % en 1905, 52,8 % en 1909 et 50,2 % en 1913. Les textiles forment de loin le groupe le plus important. Il s’agit principalement de laines et de laines peignées dont la valeur dépasse toujours les 40 millions de marks et même les 50 millions en 1912 et 1913. Les métaux non ferreux tiennent également une grande place, notamment le cuivre (entre 1,5 millions de marks en 1905 et 8,2 millions en 1913) le plomb (entre 5 et 12 millions de marks selon les années) le zinc dont les ventes passent de 9,6 millions de marks en 1905 à 17,5 millions en 1912 (et 13,4 en 1913). Divers autres matériaux sont écoulés pour plusieurs millions de marks chaque année : chaux, peaux... Quant aux produits houillers, leurs ventes tombent, au cours de cette période, de 19 à 16 millions de marks. Mais leur chute est encore plus sensible si l’on considère le tonnage. Elles n’atteignent même plus le million de tonnes en 1912-1913.

15Les denrées alimentaires comptent pour 1/5 environ du total des ventes belges dans le Zollverein : 23,4 % en 1905, 19 % en 1909, 20,9 % en 1913. On y trouve notamment, pour plusieurs millions de marks par an, les légumes, pommes de terre, plantes horticoles, fruits frais. Mais l’essentiel est constitué par les chevaux, (classés quelque peu arbitrairement dans ce groupe de produits).

16Quant aux produits fabriqués, leur part dans le total des ventes belges passe de 19 % en 1905 à 28,2 % en 1909 et 28,9 % en 1913 tandis que leur valeur absolue double pratiquement pendant cette période. Elle atteint 99 millions de marks en 1913. Parmi les plus importants, il faut citer la soie artificielle pour laquelle le marché allemand est très important ; les ventes quadruplent de 1905 à 1912 ; elles passent de 4,5 à 19 millions de marks et couvrent une part de plus en plus large des importations du Reich20. On peut signaler aussi les fils de lin dont les ventes atteignent 12,3 millions de marks en 1913, les produits chimiques – constitués pour moitié d’engrais – qui plafonnent à 27,6 millions en 1913, les objets de cuirs et maroquinerie qui rapportent entre 8 et 12 millions dans les années postérieures à 1908, les machines et voitures, en nette progression et qui comptent pour plus de 8 millions de marks à la veille de la guerre.

17En comparant cette structure des ventes belges à celle des achats faits par la Belgique dans le Zollverein, on constate qu’un déséquilibre existe, surtout pour les produits fabriqués (voir tableau n° 1). En 1913, la Belgique achète à l’Allemagne un peu plus de matières premières qu’elle ne lui en vend et presque trois fois plus de produits fabriqués.

Les exportations vers la France21

18Dans les grandes lignes, la structure des exportations de la Belgique vers la France est très comparable à celle de ses ventes au Zollverein. Les matières premières constituent également plus de la moitié du total : 62 % en 1905, 63,6 % et 57 % en 1913. Les produits fabriqués progressent – comme dans les exportations vers l’Allemagne – de 20,8 % en 1905 à 24,4 % en 1909 et 28, 4 % en 1913. Quant aux denrées alimentaires, elles pèsent proportionnellement encore moins que dans le commerce avec l’Allemagne et ne représentent que 17 % du total des ventes en 1905, 12 % en 1909, 15 % en 1913 (voir tableau n° 2).

Tableau n° 2 Structure des ventes belges en France et en Allemagne

19Si on compare cette structure à celle des ventes françaises en Belgique, on constate qu’il n’existe pas, dans le commerce franco-belge, un déséquilibre aussi important que dans le commerce germano-belge (voir tableau n° 3). Les ventes belges à la France sont légèrement inférieures à ses achats, pour les trois groupes de produits, mais l’écart est minime, même pour les produits fabriqués.

20D’autre part, l’analyse détaillée des exportations belges montre que la Belgique ne vend pas à la France les mêmes produits qu’à l’Allemagne. Certes, elle lui fournit aussi des légumes, des pommes de terre, des plantes horticoles mais l’essentiel des denrées alimentaires est constitué par des produits de l’élevage : volailles pour une valeur de 7 à 9 millions de francs selon les années, œufs pour 6 à 8 millions, beurre et autres laitages pour 5 à 6 millions. Par contre, elle lui vend relativement peu de chevaux : entre 2 500 et 4 500 selon les années, soit pour des valeurs situées entre 2 et 4 millions de francs (inférieures à celle des importations de chevaux français en Belgique).

21On a vu, qu’en valeur, la Belgique vend un peu plus de produits fabriqués à la France qu’à l’Allemagne (tableaux n^os 1 et 3). Elle y écoule, comme dans le Zollverein, des textiles, des fils (pour 5 à 7 millions de francs, des tissus de coton et de laine pour 4 à 5 millions, des produits chimiques en quantité croissante (pour 8 millions en 1905, 25 millions en 1912) des articles de cuir pour 4 à 5 millions, des meubles (2 à 4 millions) des armes (1 à 2 millions). Mais pour quelques articles importants de l’industrie belge, la France est un débouché sensiblement plus intéressant, par exemple, pour les poteries et verreries (10 à 17 millions de francs) les outils (6 à 20 millions) et surtout pour les machines dont le débouché s’élargit très régulièrement (8,4 millions en 1905, 19,4 millions en 1909, 34,3 millions en 1913) ainsi que pour les carrosseries et les voitures dont les ventes au contraire très inégales connaissent, en 1907, un sommet, avec une valeur de 28,3 millions de francs.

22En ce qui concerne les matières premières, la Belgique fournit à la France des textiles – mais moins qu’à l’Allemagne – laine pour 13 à 24 millions de francs selon les années, lin pour 8 à 13 millions. Elle fournit aussi des métaux non-ferreux – plutôt plus qu’à l’Allemagne – cuivre (2 à 7 millions) plomb (7 à 22 millions) zinc (13 à 23 millions). Elle écoule également davantage de peaux brutes ou préparées (15 à 25 millions de francs) de pierres (près de 10 millions de francs) de caoutchouc, de bois. Mais l’essentiel est constitué par les charbons qui représentent entre 20 et 30 % de la valeur totale des ventes belges à la France. Celle-ci est de loin le premier client pour les produits houillers : elle absorbe les trois quarts de la houille, la moitié des briquettes et un peu plus du tiers du coke exportés par la Belgique22. Les tonnages écoulés sont relativement stables sauf pour les briquettes dont les ventes font plus que doubler (voir tableau n° 4).

Tableau n° 4 Importations de produits houillers en France (en tonnes) (Commerce spécial)

23Les charbons belges contribuent à l’approvisionnement de Paris en combustibles23 (ils couvrent 1/6 des besoins du département de la Seine). Une part croissante est utilisée par les chemins de fer, principalement par les Compagnies de l’Est et du Nord24. L’essentiel, notamment les charbons industriels et les cokes sont vendus dans le département du Nord ainsi que dans l’Est de la France – Meurthe-et-Moselle et Ardennes – où ils se heurtent à une forte concurrence allemande25. Au total, la place relative des charbons belges dans les importations françaises de produits houillers tend à diminuer ; ils représentent environ le tiers en 1905 mais moins du quart en 1912-1913.

24Ainsi, les exportations belges en France et en Allemagne, fortement freinées au cours des années 1890, ne parviennent pas, avant 1914, à reprendre tout à fait leur importance passée. Sans doute retrouvent-elles leur niveau de 1890, peu avant la guerre, en 1910 en Allemagne, en 1911 en France ; mais elles sont alors dépassées par les ventes de ces pays en Belgique et la balance commerciale avec les deux partenaires reste durablement déficitaire. Par ailleurs, la structure des exportations belges se présente comme celle d’un pays relativement moins industrialisé que ses partenaires puisque la Belgique vend surtout des matières premières et écoule moins d’articles fabriqués qu’elle ne leur en achète. De plus, les produits manufacturés qu’elle exporte ont une valeur moyenne relativement faible et semblent donc comparativement, moins élaborés26.

25Les Belges ne manquent pas de se plaindre de cette difficulté à exporter notamment des produits industriels. Ils en rendent responsables les droits de douane trop protectionnistes voire prohibitifs pratiqués par leurs voisins27. Cependant le pays le plus fermé aux produits de l’industrie belge n’est pas celui qu’on pourrait croire, de prime abord, au vu des législations douanières. En effet, la France qui accorde à la Belgique un tarif minimum mais autonome – donc éminemment instable – et considérablement renforcé en 1910 provoque de graves inquiétudes chez les Belges. Ceux-ci estiment volontiers que l’absence de traité avec la France rend l’exportation vers ce pays particulièrement malaisée28. Au contraire, l’Allemagne qui a assoupli le tarif bismarckien en signant en 1891 et en 1904 des traités à tarifs annexés garantit une certaine stabilité propre à rassurer les Belges29. En réalité, le marché français est relativement plus facile à pénétrer que le marché allemand : avec une industrie moins puissante que celle du Reich, la France est, en dépit de son protectionnisme, plus ouverte à de nombreux produits industriels qui sont des spécialités belges.

26S’il y a donc détérioration relative de la position de la Belgique sur les deux grands marchés du vieux continent, elle est moins accusée en France qu’en Allemagne. Il serait d’ailleurs excessif de dramatiser cette détérioration qui est aussi le signe d’une mondialisation30 plus grande du commerce belge et qui n’empêche pas la Belgique de consolider sa puissance commerciale grâce à d’autres atouts, notamment sa vocation de voie de transit internationale.