1 La seconde partie de cet ouvrage s’apparente à ce que les historiens qualifient d’exercice majeur de leur profession, à savoir « l’édition critique de textes historiques »1. Notre travail « s’y apparente » car il restitue les versions « authentifiées »2 par le Barodet. Et non, les versions ici et là diffusées par voie de presse ou d’affiche pour les raisons d’entrée de jeu spécifiées. L’essentiel étant que par le Barodet, nous puissions satisfaire à la double exigence d’une édition attestée et unifiée, adéquate aux fins d’études comparatives.

2Sans revenir sur les considérations générales de la première partie, reprenons ici trois problèmes suggestivement posés par André Siegfried :

3 1. Les risques de non-sens et de contresens : le soupçon du non-sens des circulaires avancé par le « bon public » qui y voit volontiers « des monuments de tromperie et de mensonge »3 a été précédemment contesté, il suffit de le rappeler. Par contre, pour éviter le risque de non-sens, il faut exiger, selon Siegfried, que les analystes « aient mis la main à la pâte, connaissent le langage du Forum et savent ce que parler y veut dire »4. Cette langue électorale que le militant et le « simple électeur » comprennent souvent mieux que le « savant historien » est celle que nous avons vécue auprès de nos parents et grands-parents. Cette connaissance familière étant passée au crible des « évaluations », gageons qu’elle s’écartera de l’ornière des prénotions, avec le soutien de présentations et d’annotations.

4 2. La portée sociale des expressions individualisées : bien souvent, y compris du côté des dissidences, il y a sous-jacents, « presque toujours des tempéraments politiques différents de celui du groupe principal ». Et plus spécifiquement « derrière la façade impersonnelle des professions de foi », les manières d’être, d’énoncer sa vision de la députation, « constituent des réalités politiques intermédiaires entre la personne et la doctrine, et qui participent de toutes les deux »5, ici entre une typologie et sa concrétisation.

53. La conviction du candidat : elle ne doit pas orienter dans la direction d’une hypothétique évaluation de la sincérité individuelle que le vote des élus pourrait faire appréhender. Il s’agit davantage d’esquisser la configuration culturelle du groupe ligérien ; en ce sens, les tendances des électeurs sont révélatrices. Certes, par les votes mais aussi par les déclarations des candidats. Il est ici secondaire de savoir ce que pensent les élus, estime Siegfried, mais « nullement » indifférent de savoir ce que, « pour plaire à leurs électeurs, ils veulent avoir l’air de penser, car ils deviennent ainsi une sorte de miroir, où plus ou moins fidèlement l’opinion se reflète »6.

6On ne saurait mieux exprimer la théorie de « l’idéologie-reflet » qui néanmoins entre quelque peu en contradiction avec ce que nous dit notre auteur de la visée du candidat à la députation. Une chose certaine apparaîtra au vu des professions de foi ; celles-ci surtout à droite, ne sont nullement inventaires exhaustifs des points de doctrine. Les nobiliaires en particulier appartiennent plus sûrement à une société de « principes évidents » qu’à une société « de discours », « d’individus parlants »7. Similairement au général de Gaulle en 1965, les candidats de la noblesse jugent peu digne de descendre dans l’arène et s’ils s’y autorisent en publiant une profession de foi, ce n’est que pour rappeler quelques enjeux du scrutin, non pour inventorier un « catalogue complet » de mesures qui ne vaudraient que dans le cadre d’un Régime monarchique. On ne s’étonnera pas, en conséquence, d’être plus souvent à droite qu’à gauche face à des « non-dits », partiellement révélés par les tableaux récapitulatifs : on n’en déduira pas que les candidats sont pour autant dépourvus de conviction sur les sujets thématisés et recensés8.

7En rendant le corpus accessible nous visons, par-delà une utile mais élémentaire fonction informative, à rendre notre travail vérifiable, critiquable, conformément aux exigences de la démarche scientifique. Non seulement, les propositions de la première partie mais aussi les introductions circonstanciées de la seconde. Celle-ci se présentant en principe sur le modèle suivant pour chaque élection :

8– Mise en exergue d’un titre synthétisant l’orientation des circulaires présentées et prenant logiquement en compte les enseignements de l’analyse factorielle ;

9– Formalisation par un tableau à double entrée9 sur quelques thèmes expressifs des positions individuelles des élus et si possible des enjeux significatifs du scrutin. En conséquence, thèmes circonstanciellement convergents avec ceux relevés par les Commissions parlementaires du Barodet chargées d’analyser les circulaires nationales 10. L’idéal aurait été de rapporter tous les thèmes nationaux et de les comparer systématiquement aux thèmes ligériens11. Cette analyse aurait exigé un travail spécifique d’autant plus intense que la Commission du Barodet n’a pas toujours effectué les décomptes précités. Certains écarts observés seront néanmoins soulignés. A titre indicatif, en 1881, la révision de la Constitution a recueilli 331 voix représentant plus de la moitié des parlementaires en France12 ; deux voix seulement en Loire-Inférieure, soit un quart des élus, ce qui donne une bonne indication du rapport droite/gauche déséquilibré13,

10– Reprise des enseignements du tableau précité en différenciant analytiquement les trois plans « P-R-S » : Politique, Religieux et Social, politisés.

11Ces précisions étant apportées, nous caractérisons en quelques lignes la situation de l’élu en « chapeau » de sa profession de foi. Celui-ci reprend les faits essentiels de sa position électorale amendant les enseignements de l’analyse informatique de sa circulaire. La photographie, (peu utilisée par les candidats, non reprise par le Barodet), vient, de notre côté, humaniser ces données biographiques, sans engager une étude iconographique. Sauf à noter que les fières moustaches de ces messieurs perdent de leur superbe en seconde période : Vhexis corporelle des fils se rapproche de celle que nous connaîtrons à la fin du XX^e siècle14.

12A ces introductions ponctuelles s’ajoutent des notes circonstanciées mais malaisément limitées15 : nous ne pouvons, sans être inflationnistes, annoter tous les faits évoqués par les auteurs des professions de foi. Nous avons, en conséquence, tenté de nous restreindre aux évocations susceptibles de faciliter la lecture, d’attiser la curiosité, essayant d’initier des ouvertures contextuelles allant au-delà de la simple exigence de compréhension. Une autre manière de restreindre les annotations a été de s’en rapporter aussi souvent que possible, à des ouvrages accessibles à un « large public » et néanmoins crédibles scientifiquement16.

13 Dans cette seconde Partie, nous prolongerons le classement sociologique : rural/urbain présenté en première Partie qui nous a fait ranger les circonscriptions : N° 4 – 6 – 7 et 8 en urbaines . N° 1 – 2 – 3 – 5 et 9 en rurales17. Ce découpage spatial étant « croisé » avec celui de la périodisation politico-religieuse.

Graph. N° 23 – Les circonscriptions ligériennes telles que constituées en 1936

14Cela étant, entamons la lecture des écrits archivés, soumis à notre sagacité.