Le socialisme et le monde associatif
p. 201-208
Texte intégral
1Depuis ses origines, le Parti socialiste a toujours entendu s’implanter dans la société, pour faire passer ses idées, être une vitrine en valorisant son action, en montrant ce qu’il est capable de produire au niveau du débat d’idées, mais aussi pour gagner des nouveaux adhérents et des électeurs. Il entend le faire en donnant de lui une image particulière : être à l’écoute des gens, mais aussi être proche d’eux, de leurs attentes et de leurs préoccupations.
2La société étant multiple, tant par sa géographie et ses pratiques que par sa composition, il lui faut s’implanter et conquérir des couches et des secteurs très multiples, des populations aux aspirations différentes. Ses méthodes sont donc variées. Ici, il le fait d’une façon claire et limpide, en brandissant haut et fort le drapeau du parti. Là, il se comporte d’une façon plus subtile, en créant des associations sectorielles. Ailleurs, il s’investit dans des associations déjà existantes, pour les contrôler, quand il le peut, ou tout au moins pour y faire passer un message, ou pour empêcher toute dérive, toute récupération par les autres forces politiques.
3Tout cela ne se fait pas si simplement, selon les périodes, l’organisation et la force du parti, sa force militante, son regard sur la société. Selon aussi les buts qu’il se fixe. En effet, le Parti socialiste n’aura pas la même démarche quand il entend être une contre-société, ne se préoccupant que de son développement, ou quand il se fixe comme objectif d’arriver au pouvoir rapidement. Pour schématiser, et pour prendre une période très contemporaine, son comportement est différent entre les années 1960 et le milieu des années 1970, avec d’un côté une SFIO pour qui le retour au pouvoir paraît lointain, et de l’autre un Parti socialiste qui, après le congrès d’Épinay en 1971, se fixe comme objectif de conquérir l’appareil d’État.
Un ancrage traditionnel
4Au vu de l’histoire du mouvement socialiste et de ses relations avec le monde associatif, on mesure qu’il n’y a pas d’exclusive, même s’il y a des points forts d’ancrage, liés à certains secteurs traditionnels.
5Dans la communication qu’il a présentée au présent colloque, Nicolas Ksiss s’est intéressé au sport. Quand il évoque l’USSGT, nous sommes, à n’en pas douter, dans un milieu socialiste. Les dirigeants ont des liens étroits avec le parti, sont parfois élus locaux ou nationaux et appartiennent souvent aux organismes dirigeants de la SFIO. Et pourtant, Nicolas Ksiss note une indifférence socialiste et des suppliques travaillistes. Il s’intéresse là surtout aux années 1930. Mais on constate un phénomène similaire pour d’autres périodes. Quelles sont les raisons de ce désintérêt ? Des questions de tendance ? Des raisons plus profondes ? La volonté de concentrer les efforts sur la structure du Parti socialiste et son développement ? Sans doute un peu de tout cela à la fois. Il reste que les enjeux politiques sont importants, car il y a une présence à affirmer, par exemple contre les communistes.
6Sur tous ces points, les archives de la fédération socialiste du Nord sont très éclairantes. On y trouve pour les années d’avant-guerre des dossiers structurés sur le sport socialiste, mais surtout des appels à l’aide de l’USSGT aux responsables politiques, pour lutter contre l’indifférence. En octobre 1927, par exemple, l’USSGT du Nord doit rappeler dans une lettre à la fédération politique que tous ses dirigeants « appartiennent les uns et les autres au Parti socialiste, aux syndicats conférés et aux coopératives ouvrières », et que l’Union, au plan national, est « patronnée à la fois par le Parti socialiste, la CGT et l’Union des coopératives ». Une demande d’aide est formulée, qui semble ne pas avoir abouti.
7La SFIO au plan national se mobilise elle aussi. On trouve toujours dans les archives lilloises une lettre – écrite sur papier à en-tête du Populaire de Paris – adressée à Augustin Laurent, alors secrétaire administratif de la fédération socialiste du Nord, montrant que des liens étroits doivent être tissés avec le sport travailliste pour mieux pratiquer le maillage du mouvement. Ce maillage semble être très poussé, puisque le national demande que les Nordistes trouvent « un camarade pratiquant la pelote-balle » pour fédérer les clubs s’intéressant à ce sport pourtant peu pratiqué ! Il s’agit, toujours d’après cette lettre, « de conjuguer nos efforts pour arriver à attirer au sport travailliste, antichambre du parti, la totalité des exercices sportifs de la classe ouvrière ». On trouve dans les archives de 1934 une lettre similaire, évoquant cette fois l’haltérophilie.
8Les problèmes ne disparaissent pas au fil des années. En 1946 encore, la FSGT (unitaire) du Nord de la France, alors présidée par Charles Saint-Venant, pourtant socialiste, député et maire de Lille, doit rappeler à la fédération socialiste : « Notre bureau régional est composé entièrement de membres de notre parti et notre comité est en grande majorité composé de socialistes ». Il ajoute en conclusion : « Nous avons la certitude d’y bien servir notre idéal et notre parti ». Tous est là, finalement. La fédération du Nord, en 1950, appelle par une circulaire officielle ses sections à se mobiliser pour le prochain congrès de la FSGT. Pourquoi ? Parce que « dans le Nord le sport ouvrier doit rester libre », c’est-à-dire non inféodé au PCF. Au-delà de l’épanouissement des sportifs, il y a donc un enjeu politique majeur, pour faire vivre des clubs, souvent en opposition à ceux animés par le PCF. Mais on note parallèlement un transfert vers l’action municipale. Les municipalités prennent peu à peu le relais ensuite, et le sport travailliste aura moins d’importance après la Seconde Guerre mondiale pour les socialistes, qui effectueront aussi un transfert du sport vers l’éducation populaire, en se consacrant notamment au développement, à partir des années 1950, de la fédération nationale des clubs Léo Lagrange.
9La lutte avec les communistes est évidente, pour le contrôle du monde associatif, ou tout au moins pour le maintien d’une présence politique. La lutte syndicale en offre de nombreux exemples à partir de la première scission de la CGT en 1921, bien sûr, jusqu’à la réunification de 1936, et surtout, autour de la scission de 1947. Les fédération socialistes sont mobilisées, souvent dès 1945, pour tenter d’empêcher la prise de contrôle des structures départementales, locales et professionnelles de la Confédération. On note, pour le Nord, une première circulaire fédérale en décembre 1945, demandant aux sections locales de transmettre une liste des militants socialistes syndiqués : il faut commencer un travail d’organisation, la CGT évoluant dans une direction qui trouble les socialistes. Dans le premier semestre de 1946, le bureau de la fédération socialiste du Nord organise une réunion avec une « délégation des dirigeants cégétistes de la tendance socialiste »1. On constate une organisation similaire dans toutes les fédérations socialistes, relayée au plan national.
10Ce militantisme est d’ordre classique. On note bien sûr dans le même secteur un travail des socialistes en direction des enseignants, mais aussi vers les parents d’élèves ou les délégués cantonaux de l’Éducation nationale. On mesure tout particulièrement cet investissement à partir de 1962. Ainsi à l’occasion du congrès du Syndicat national des instituteurs de 1962, le secrétaire général adjoint de la SFIO, Ernest Cazelles, évoque le 2 juillet dans une lettre à Pierre Desvalois la préparation « d’une réception organisée pour les camarades socialistes participant au congrès national du SNI ». Des rencontres régulières se tiennent entre la SFIO et ce syndicat. Ainsi, à la mi-1963, Ernest Cazelles fait le point avec le SNI sur la préparation d’un colloque prévu les 20-21 juillet entre les deux organisations, sur « les problèmes essentiels qui préoccupent le Parti socialiste et le SNI ». L’enjeu est de taille pour les socialistes, qui, entrés depuis 1962 dans une opposition totale au gaullisme, ont besoin de renouer des liens étroits avec le syndicalisme enseignant, dont bien des membres ont pu être troublés par les dernières années de la IVe République et par la scission socialiste de 1958.
11Mais les socialistes ne se sont jamais désintéressés d’autres secteurs, souvent plus neufs. Jean-Pierre Besse a montré dans sa communication sur Creil qu’ils commencent à chasser sur des terres nouvelles plus sollicitées jusqu’alors par la droite : ils tentent par exemple de s’implanter dans les milieux commerciaux. En son temps, Jacques Girault a établi, à partir de ses études sur le Var et de l’action de Pierre Renaudel, combien les socialistes avaient su intégrer dans leur stratégie les associations ou cercles de tous ordres2. De telles démarches sont souvent liées à un combat électoral pour assurer des positions électorales.
12L’après-Deuxième Guerre mondiale voit une accentuation de ce travail dans des domaines nouveaux, ou tout au moins délaissés jusqu’à présent par les socialistes. Ainsi dans le secteur familial, par tradition chasse gardée des milieux catholiques et de droite. Secrétaire général adjoint de la SFIO, Georges Brutelle adresse en mai 1955 une circulaire aux secrétaires fédéraux pour leur recommander la constitution d’associations familiales de l’Aide aux Foyers, présidée au plan national par Gilberte Pierre Brossolette. « Il importe, ajoute-t-il, de ne pas laisser à nos adversaires la quasi-totalité des concours financiers accordés par l’État ». On verra quelques années plus tard des socialistes, et pas des moindres, prendre des responsabilités dans certains mouvements, comme Maurice Deixonne au sein du Planning familial, certes un mouvement plus politique que familial stricto sensu…
13On note aussi des tentatives socialistes pour s’implanter dans le secteur du tourisme. Secrétaire général de la fédération socialiste de la Seine, Claude Fuzier appelle ainsi en 1959 les militants et les sections à s’investir dans la Fédération nationale du tourisme social, créée depuis peu par la SFIO et la CGT-FO3.
Le tournant des années 1970
14Le début des années 1970 voit un important développement du mouvement associatif en France. Le Parti socialiste s’y intéresse au plus près, sentant qu’il y a un intérêt majeur à tenter d’encadrer ces associations, en incitant les militants à s’y investir.
15Dans l’équipe dirigeante du Parti socialiste, un secrétariat national aux organismes associés et aux associations est même créé après le congrès national de Pau, en 1975. Il est confié à Marie-Thérèse Eyquem. La dénomination sera maintenue après le congrès de Nantes en 1977. En 1979 (congrès de Metz), Annette Chépy succède à Marie-Thérèse Eyquem, jusque là inamovible. Qui plus est, la dénomination de ce secrétariat national change, puisqu’il couvre désormais le secteur des associations et du cadre de vie. Ce poste disparaît de l’organigramme du Parti socialiste après le congrès de Valence, en octobre 1981.
16Marie-Thérèse Eyquem, inspectrice principale de la jeunesse et des sports, avait une connaissance technique et pratique du mouvement associatif, mais aussi politique. Elle a mené à bien l’organisation du Parti socialiste en direction de ce secteur. Dans une note en date du 15 juillet 1976, par exemple, elle informe Pierre Mauroy qu’elle réunira régulièrement pour débattre de ces questions : Édith Cresson, Louis Mexandeau, Michel Sainte-Marie, Dominique Taddei. Hubert Dubedout, du fait de son expérience en la matière, sera associé ponctuellement aux travaux de ce groupe4. À cette lettre est annexé le compte rendu d’une réunion qui s’est tenue le 7 juillet 1976, et a pris un certain nombre de décisions. Il est apparu nécessaire au groupe de « demander aux fédérations de désigner une personne chargée de l’ensemble du secteur associatif ». Ces délégués seront réunis une fois par an par le secrétariat national aux associations, en présence des secrétaires nationaux intéressés.
17Surtout, ce groupe a pris une décision significative : « Il n’apparaît pas opportun pour le parti de susciter la constitution d’associations, mais bien d’inviter ses adhérents et plus particulièrement les militants n’ayant pas une tâche précise dans les fédérations et les sections, mais qui sont sensibilisés par les secteurs du cadre de vie, ainsi que certains adhérents pris par les nouveaux, à militer dans les associations existantes avec choix préférentiel de certaines d’entre elles »5. Donc, le parti entend noyauter certaines associations, en incitant des militants – notamment les nouveaux, donc peu connus – à s’y investir.
18Toujours pour la même période, on trouve dans les archives un document révélateur, malheureusement non daté, adressé à François Mitterrand, Pierre Mauroy et Louis Mermaz. Il s’agit d’une nouvelle note de Marie-Thérèse Eyquem, mais signée cette fois en qualité de secrétaire national aux organismes associés et points d’appui. Cette dénomination mérite qu’on s’y attarde quelque peu. La référence aux « organismes associés » est claire : il s’agit des organismes liés au Parti socialiste par un contrat d’association et travaillant dans des secteurs bien définis. Quant aux « points d’appui », la notion est plus floue. Elle fait pour le moins référence aux ancrages que le parti entend se donner dans la société, mais au-delà...? Dans cette note, Marie-Thérèse définit les « attributions et fonctionnement » de son secrétariat national :
« Des relations seront établies entre trois sortes d’organismes :
1. groupements ayant un contrat d’association avec le parti (contrôle – enquête – aide) ;
2. groupes constitués à l’instigation du parti « clubs consommateurs », « Centre d’action pour la défense des intérêts des rapatriés d’Afrique du Nord », etc. (participation) ;
3. mouvements du secteur non production se réclamant du socialisme : associations familiales, de consommateurs, d’usagers, GAM6, mouvements de jeunesse et d’éducation populaire, etc. (présence nécessaire du parti). »
19Les secteurs d’activités évoqués dans cette note attestent que la volonté du Parti socialiste est de travailler et de s’implanter tous azimuts. Au-delà, elle montre que les problèmes internes du Parti socialiste et la lutte entre les tendances ne sont pas absents, même au sujet d’un investissement en direction du monde associatif. Marie-Thérèse Eyquem ajoute en effet en conclusion : « Une tentative de coordination entre ces mouvements a déjà été faite à l’initiative de Caumont. Quelques réunions ont eu lieu pour un grand mouvement socialiste. Le parti y était représenté par un camarade du CERES. Il me paraît très important de prendre le relais ».
Un travail spécifique, celui de Communes de France
20Marie-Thérèse Eyquem est le personnage-clé de cette période. Elle multiplie les travaux dans le Parti socialiste, mais entend aussi mobiliser ses élus, notamment municipaux, qui constituent des relais en prise directe avec l’opinion publique. Elle publie donc plusieurs articles et études dans la revue des élus, Communes de France, née en 1959. En permanence, Communes de France a voulu relier la théorie et la pratique7. Dans le numéro de février-mars 1977, Marie-Thérèse Eyquem ouvre le débat : « Le PS et les associations : un dialogue à poursuivre ». Son texte est très politique. Elle y estime que le secteur associatif « correspond à la nécessité pour la population de se défendre contre tout ce qui détériore son cadre de vie : l’arbitraire du pouvoir soumis aux puissances d’argent, l’inhumanité des villes, la pollution, les atteintes à la joie et au temps de vivre, l’inadéquation de l’habitat, les agressions contre le libre choix et la santé des consommateurs, la misère des équipements collectifs ». On note déjà un transfert par rapport aux décennies précédentes : il faut désormais lutter pour améliorer le cadre de vie. Le monde associatif est ancré dans la nouvelle réalité de l’époque, le PS ne peut pas s’en désintéresser.
21« Un dialogue à poursuivre » ? Communes de France ouvre ses colonnes, pour le faciliter, en faisant appel à des organismes proches du PS. En avril 1977, est publié le compte rendu d’une rencontre avec deux responsables de la Ligue française de l’enseignement et de la Fédération nationale Léo Lagrange, deux des principales organisations d’éducation populaire. Dans le numéro de juin-juillet, la parole est donnée à Paul Harvois, secrétaire général de l’Association pour le développement des associations de progrès. En août-septembre 1980, préparant une réunion à venir de la FNESR sur les activités socio-éducatives, Communes de France reproduit les actes d’une rencontre entre trois militants concernés par ces problèmes : Franck Sérusclat, maire de Saint-Fons, sénateur du Rhône, Norbert Alisé, adjoint au maire de Pontcarré, et Alain Barrau, président du Comité pour les relations nationales et internationales des associations de jeunesse et d’éducation populaire (CNAJEP).
22Mais la revue entend aussi présenter des réalisations concrètes, sur le terrain. Chalon-sur-Saône est à l’honneur en août-septembre 1978. En juin-juillet 1979, ce ne sont pas moins de quatre pages qui sont consacrées aux rapports entre mairie et associations à La Roche-sur-Yon. « Envoyé spécial » de Communes de France, Philippe Parmantier publie un reportage complet sur cette question, et présente les points de vue des uns et des autres, élus et associations, avant de conclure : « Enjeux de pouvoirs, de deux pouvoirs complémentaires et nécessaires. Leur existence et leur présence effective sur le terrain ne serait-elle pas la condition d’un pluralisme équilibré et dynamisant pour la vie locale ? À la condition, comme c’est le cas à La Roche, que chacun soit suffisamment fort pour conserver son identité ». En novembre 1981 est visitée une autre municipalité socialiste conquise en 1977, celle de Neuilly-sur-Marne, en Seine-Saint-Denis, dirigée par Jacques Mahéas, et la revue titre, en s’inspirant du programme socialiste de l’époque : « Changer la vie à Neuilly-sur-Marne, ce fut d’abord redonner la vie ». Redonner la vie, pour mettre un terme au désert culturel et humain. Pour ce faire, les élus ont mis en avant la priorité à la vie associative.
La gauche au pouvoir : des avancées significatives
23La question associative doit désormais s’inscrire dans un cadre global avec une intervention de l’État. Dès l’arrivée de la gauche au pouvoir, en 1981, des mesures symboliques et significatives ont été prises, autour de l’entrée au gouvernement d’André Henry, ministre du Temps libre, auquel succédera en 1983 Edwige Avice.
24En juillet 1982, Communes de France consacre un dossier à « La vie associative, une des bases de la nouvelle citoyenneté ». La revue reprend les premières propositions du ministre sur la promotion de la vie associative et les commente, en soulignant la difficulté de la tâche : « Si la définition de principes généraux constitue une voie relativement facile, susceptible de satisfaire tout le monde, la recherche des moyens à mettre en œuvre ressemble plus à un labyrinthe technique, juridique et financier. En effet, la nébuleuse associative regroupe 300 à 500 000 associations déclarées, couvrant un champ d’activité s’étendant presque à l’infini. Comment, dans ces conditions, trouver le fil d’Ariane ? »
25En décembre de la même année, le ministre présente, pour reprendre le titre de Communes de France de février 1983, « un train de mesures » : mise en place d’une « commission nationale de la vie associative » (devenue par la suite Conseil national de la vie associative), contrats d’utilité sociale, fonds de développement de la vie associative, etc. Ces mesures entendent donner des moyens juridiques et financiers qui conditionneront l’essor de la vie associative.
26Le réseau des élus socialistes se mobilise. Communes de France multiplie les articles, présente et valorise dans ses colonnes les initiatives locales. On le voit avec le numéro d’avril 1988, dans lequel Daniel Mitrani évoque le troisième carrefour des associations de Villeurbanne, qui s’est intéressé au thème suivant : « Quelles ressources pour les associations ? », et a réuni des animateurs, des élus, des syndicalistes, des chefs d’entreprises, des fiscalistes, des banquiers. Un débat local ? Certes, mais aux implications nationales, car le contexte est alors difficile pour le monde associatif depuis le retour de la droite au pouvoir. Dans son discours, le député-maire Charles Hernu rappelle : « L’État se désengage. En 1987, un milliard de francs, réservé par le passé à la vie associative, a été supprimé et l’on assiste, en ce début d’année, à une poursuite de la dégradation du budget. Les communes arrivent difficilement à compenser la démobilisation du gouvernement ». La droite n’aime guère les associations, on le mesure encore au milieu des années 1990 : « Juppé laisse le monde associatif sceptique », titre Communes de France en mars 1996, après l’annonce par le gouvernement de mesures en faveur du monde associatif. Mais cet article est intéressant à un autre titre. Il montre en effet une nouvelle évolution des socialistes par rapport aux années 1970 : l’heure n’est plus à évoquer le travail démocratique ou culturel des associations. L’auteur met en avant la lutte contre l’exclusion et l’aide aux chômeurs et, à ce propos, le rôle considérable des associations qui sont toujours dans « l’attente du projet de loi-cadre contre l’exclusion sans cesse différé, à la préparation duquel elles n’ont toujours pas été associées ». La puissance publique « se décharge volontiers sur les associations de l’exercice au quotidien de la solidarité au quotidien ». Mais, « les financements qui leur sont alloués ne suivent pas le mouvement ascendant des besoins sociaux ».
Vers le centenaire de la loi de 1901
27L’évolution se poursuit au fil des années, avec des hauts et des bas. Mais les socialistes poursuivent leur réflexion sur la vie associative, et son enjeu. Communes de France s’en fait de nouveau l’écho en janvier 1997, en ouvrant ses colonnes à Alain Goze, délégué national du Parti socialiste aux relations extérieures, en charge de la vie associative. Il voit dans ce secteur « une légitimité sociale ».
28Les socialistes s’intègrent ensuite vite dans le débat autour du centenaire de la loi de 1901. Ils publient même un livre blanc sur le monde associatif, qui balaie tous les aspects : l’éducation populaire un enjeu de citoyen, la vie associative et l’Europe des citoyens, les pratiques associatives, le bénévolat, etc.8.
29Ce document atteste d’une évolution notable, au fil des décennies. Reste que les associations sont devenues un élément incontournable de la vie sociale – et politique9 – de la France. Le Parti socialiste ne s’en désintéresse pas plus aujourd’hui qu’hier. Il a toujours voulu assimiler les changements successifs, et s’en servir : de l’animation d’un club sportif dans les années 1930 – à la fois contre-société et instrument de lutte contre les adversaires – au combat pour l’insertion sociale de l’impulsion nationale au travail des élus locaux. Au-delà, on mesure aussi que le PS a toujours voulu utiliser les associations pour véhiculer ses idées, mais aussi comme réservoir de militants. Des militants qui se formaient à l’extérieur et que le PS récupérait ensuite. Là est sans doute la constante, au-delà des décennies : pour les socialistes, le mouvement associatif reste l’antichambre du parti.
Notes de bas de page
1 Se reporter à mon livre, 19 décembre 1947 : Force ouvrière, Paris, Bruno Leprince éditeur, 1997, p. 87-91.
2 Girault (J.), Le Var rouge, les Varois et le socialisme de la fin de la Première Guerre mondiale au milieu des années 1960, Paris, Publications de la Sorbonne, 1995.
3 Cf. Le Combat social, organe bimensuel de la fédération de la Seine du Parti socialiste SFIO, supplément au n° 4, 1959.
4 Marie-Thérèse Eyquem met ici en valeur Hubert Dubedout, le maire de Grenoble, dont l’implantation locale avait beaucoup dû au travail effectué en liaison avec le milieu associatif.
5 Note interne du Parti socialiste, archives de l’OURS.
6 GAM : Groupes d’action municipale.
7 Communes de France, 1959-1999, 40 ans !, supplément au n° 387, décembre 1999.
8 Cf. l’article de Gisèle Stievenard dans Communes de France, juin 1997.
9 Guy Raffi, délégué national à la vie associative du Parti socialiste, a pu écrire en 1988 : « Il est vrai qu’un Français et donc un électeur sur deux est membre d’une association (cela justifie la sympathie) et que l’association est souvent l’école de la concurrence politique (cela explique la méfiance) », Dialogues pour la culture et la communication, n° 14, 1988.
Auteur
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