ATTAC ou les échelles-temps du libéralisme
p. 643-657
Texte intégral
1La pensée libérale dessaisit le politique de sa fonction régulatrice en postulant l’auto-régulation du social par l’ordre du marché. Mais l’hégémonie libérale à l’œuvre crée simultanément des espaces de redéfinitions du politique compris ici comme exercice d’une activité critique destinée à se réapproprier la maîtrise de l’espace public ainsi redessiné, selon des modalités qui doivent à l’adversaire de présenter certaines similitudes à chaque étape. L’Association pour une taxation des transactions financières pour l’aide aux citoyens (ATTAC), qui s’est imposée pour l’un des principaux mouvements fédérateurs des contre-offensives contemporaines, servira de fil directeur à leur appréhension.
1995 ou l’inversion de tendance
2Le constat d’une crise du politique relève aujourd’hui du lieu commun1. Cette crise trouve son expression la plus évidente dans la récente poussée abstentionniste, dans le décalage croissant entre la sociologie des partis, fussent-ils de gauche, et la société2 et dans une défiance à l’encontre de la « classe politique » et/ou des élites. Elle se nourrit des désillusions consécutives aux années Mitterrand et des scandales mais s’ancre dans les redéfinitions induites par la mondialisation libérale. L’effacement et le recul des instances parlementaires et représentatives au profit d’autres instances, échappant à tout contrôle et toute intervention démocratique, constituent les espaces traditionnels de la politique en lieux vides ou, du moins, soumis – en entretenant le sentiment d’une dépossession, à tous niveaux, de la capacité à choisir, peser, se faire entendre. Cette crise n’est pas spécifique à la France. En 1995, elle suscite là de premières ripostes.
3Le mouvement de l’automne 1995 peut être analysé comme un premier refus d’ampleur des exigences libérales intériorisées et relayées par le politique – le moment où « la société commence à se ressaisir par rapport au tournant économique, social et politique non explicité et non assumé des années 1983-84 »3 – s’imposant, à ce titre, comme un exemple au-delà des frontières. On peut à la fois le tenir pour un symptôme de la crise du politique et/ou pour une première réponse apportée sur le terrain des pratiques sociales. Les manifestants s’en prennent alors aux plans Bergougnoux et Juppé sans faire de la démission du ministre en charge un objectif et, a fortiori, sans s’attaquer frontalement au président de la République ou au régime. Cette distance à l’égard du politique se retrouve, en miroir, quand la majorité, envisage de riposter en organisant des manifestations « d’usagers », et non, comme en 1968, des comités de défense de la République ; comme si chacun s’ingéniait tacitement à éviter toute dénomination susceptible de formaliser le mouvement en terme de crise politique. Cette distance au politique s’affirme également dans les images que le mouvement construit de lui-même. Cette absence est dénoncée par certains comme un manque condamnant le mouvement à ses limites obligées. D’autres veulent y voir a contrario le symptôme d’une redéfinition du politique alors à l’œuvre par et dans le mouvement social :
« On a réuni les conditions essentielles à une expression de la crise de société dans laquelle nous sommes et que les occultations gauche/droite, confondues, dissimulaient. »
4écrit ainsi Henri Vaquin, qui désigne de la sorte des modalités du politique qui se construiraient alors dans l’espace public4. Le mouvement de l’automne 1995 est, de fait, politique à divers titres : en ce qu’il s’en prend aux orientations libérales d’un gouvernement soucieux d’une insertion plus efficace dans l’économie-monde et leur oppose les principes de l’État régulateur, sommé de jouer son rôle de garant du lien social et de pourvoyeur d’emplois, par le biais des services publics. Il l’est encore en ce qu’il participe de la réflexion sur la capacité à maintenir ensemble une communauté de citoyens ; à preuve le « Tous ensemble » devenu emblématique et qui n’est pas sans évoquer l’union fraternelle de 1848 plus que l’unité, dans l’acception organisationnelle qu’un siècle d’histoire du mouvement ouvrier a conférée au terme.
5La décennie qui a précédé ce mouvement s’est caractérisée par la nature corporative des conflits et la multiplication d’associations émergenres, souvent strictement dépendantes des combats qui leur avaient donné naissance et qui témoignaient d’une certaine difficulté à durer au-delà du conflit fondateur pour ainsi capitaliser et transmettre, ainsi que d’une difficulté plus grande encore à converger avec d’autres. En désignant un adversaire, le mouvement de l’automne 1995 permet aux mal-être ressentis de se muer en combats, dotés d’une cible, unifiante et globalisante, autorisant de premiers rapprochements sous la forme de nébuleuses à géométrie variable. En décembre 1995, un millier de militants de Droits devant !, du Comité des sans logis (CDSL), de Droit au logement (DAL), de l’Association pour l’emploi, l’information, la solidarité (APEIS), d’Action contre le chômage ! (AC !) et du Mouvement national des chômeurs et précaires (MNCP) rédigent « L’appel des sans » avec le soutien de la CGT, la FSU, SUD PTT, la Confédération paysanne, la Commission des associations pour le droit à l’avortement et la contraception (CADAC) et le Syndicat de la magistrature. Cette nébuleuse – dont les partis politiques sont absents – se reconfigure et s’élargit lors du mouvement des chômeurs de l’hiver 1997-19985, sans qu’aucune association nouvelle ne concrétise cependant ces rapprochements conjoncturels.
6ATTAC participe de cette contre-offensive mais doit aux infléchissements de conjoncture économique et politique autant qu’à des changements d’échelle de répondre sur un mode nouveau.
Un infléchissement conjoncturel
7ATTAC se distingue des précédentes ripostes en ce qu’elle n’est pas un direct appendice du mouvement social. Elle s’inscrit dès lors dans une temporalité spécifique. L’association naît d’un appel lancé par l’éditorialiste du Monde diplomatique en décembre 1997. Dans cet article, Ignacio Ramonet suggère « de créer à l’échelle planétaire une organisation non gouvernementale pour l’application de la taxe Tobin »6. L’organisation officiellement fondée six mois plus tard, le 3 juin 1998, se constitue autour de cette proposition emblématique mais élargit d’emblée son propos en s’assignant pour objectif de rassembler ceux qui rejettent l’hégémonie ultra libérale et souhaitent « comprendre, agir, inverser les logiques dominantes, contrer la dictature des marchés » et la mondialisation libérale ; en leur opposant des « alternatives crédibles portées par le plus grand nombre »7. La taxe Tobin devient :
« une “porte d’entrée” pédagogique, accessible et sérieuse sur les enjeux de la crise financière, de l’ordre financier international ; en se fixant l’objectif de réduire les inégalités et les marges de manoeuvre des logiques dont elles procèdent, elle dessine la possibilité d’un “autre monde” »8.
8Quand elle s’essaie à expliquer les conditions de son émergence, l’association retient, un an après sa fondation, le retournement conjoncturel que constituent à ces yeux « les événements sociaux de 1995/1996 en France, les crises financières d’Amérique latine, d’Asie, de Russie et la mobilisation des opinions publiques contre l’AMI [qui] souligne qu’une contre-offensive victorieuse est possible contre la loi des marchés... »9. Elle met donc l’accent sur cet infléchissement conjoncturel provoqué par les difficultés rencontrées par l’adversaire et par l’émergence de luttes et d’actions à l’échelle européenne (marches européennes, volonté d’action accrue de la Commission européenne des syndicats (CES), ou internationale (campagne contre la dette, mobilisation contre l’Accord multilatéral sur l’investissement [AMI]), face aux effets du libéralisme, mais aussi bien face aux institutions internationales émergentes ou contre celles dont le poids s’accroît démesurément (G7, Fonds monétaire international [FMI], Organisation mondiale du commerce [OMC]). ATTAC se réclame donc de :
« plusieurs refus – refus d’une pensée économique unique, d’une décision monopolisée par des élites plus arrogantes qu’expertes, d’une sujétion de l’intérêt collectif à l’égoïsme personnel, de la démocratie à l’autocratie financière –, d’une prise de conscience collective, et d’une volonté offensive. »10
9Cette organisation surgit ainsi dans la chronologie internationale des premières difficultés d’un libéralisme dont l’ascension était présentée jusqu’alors comme irrésistible. Elle autorise par là même un changement d’échelle qui permet de l’inscrire dans une filiation d’une autre sorte.
Changement d’échelle
10En affirmant qu’elle ne « prétend pas construire une internationale à elle seule »11, ATTAC invite paradoxalement à réfléchir à ce qu’elle dénie. Si la comparaison avec les 2e, 3e (ou 4e) internationales ne présente aucune valeur heuristique, il en va différemment de l’Association internationale des travailleurs (AIT) à condition de l’appréhender sui generis et non comme matrice des internationales qui, lui succédant, l’instituent « première »12. L’AIT et ATTAC surgissent pareillement dans une phase de redéfinition des forces productives et des échanges à l’échelle planétaire qui constitue, chaque fois, un moment d’hégémonie libérale. En réponse aux effets d’une internationalisation/mondialisation qui les rendent à la fois nécessaires (aux forces dominantes) et possibles.
11En 1864, l’AIT revêt la forme d’un conglomérat d’organisations hétérogènes (syndicats, caisses d’assurance, coopératives de production ou de consommation, cercles d’études et de propagande). Elles se donnent pour des moyens de lutte susceptibles de faire advenir la société future mais également pour son anticipation, déjà à l’œuvre.
12En décembre 1997, Ignacio Ramonet invite, sur un mode similaire, à créer l’organisation qu’il appelle de ses vœux « en liaison avec les syndicats et les associations à finalité culturelle, sociale ou écologique ». L’association initiée de la sorte par une presse d’opinion qui renoue ainsi avec la fonction politique qui était sienne avant la naissance du parti politique dans son acception contemporaine13 est effectivement créée par des membres fondateurs au rang desquels des personnalités14, mais également, c’est l’aspect le plus novateur, rapporté au contemporain, des personnes morales : titres de presse15, associations16, organisations syndicales17 (dont plusieurs pivots des nébuleuses dessinées en 1995 et 1997), à l’exclusion des partis politiques. À l’égal de l’AIT, ATTAC accepte ensuite des adhésions individuelles mais également celles de nouvelles personnes morales au nombre desquelles des municipalités18 ou sections locales de partis politiques19. Elle s’inscrit au rang des associations déclarées.
13L’AIT circonscrit dans son intitulé même la nature de l’assise géographique à laquelle elle prétend. ATTAC affirme, aussi bien, constitutivement, sa volonté de mise en réseau avec celles et ceux « qui, dans le monde, entendent s’opposer à la loi des marchés, laquelle ne connaît pas de frontières ». Elle essaime presque immédiatement au-delà de l’hexagone. Après la tenue de « l’autre Davos », rencontre alternative tenue en lien avec d’autres réseaux de solidarité, elle organise en juin 1999 à Saint-Denis un rassemblement international qui réunit des représentants de 80 pays puis, en mars 2000, une première réunion des ATTAC européens. Ces créations d’associations à l’étranger20 vont de pair la constitution d’un réseau de fait avec d’autres associations, mouvements, institutions aux objectifs et sensibilités semblables ou complémentaires ; en vue de campagnes telles celle engagée contre la dette par le mouvement britannique Jubilee 2000.
14Les espaces dans lesquels l’AIT et ATTAC se constituent ou s’expriment sont une similitude supplémentaire. L’AIT s’est formée dans cet épicentre de l’économie-monde qu’était alors Londres pour prendre ensuite appui sur les expositions internationales qui ont servi une nouvelle fois de cadre dès lors qu’il s’est agi, en 1889, de la reconstruire. ATTAC inscrit, quant à elle, presque constitutivement ses démonstrations et rencontres avec d’autres organisations animées des mêmes objectifs dans les espaces-temps des grands rendez-vous internationaux du monde de la finance, de la banque, ou des organismes internationaux dont la légitimité démocratique est contestée et l’opacité dénoncée : Davos, Seattle, Washington, Genève... avant que d’investir, en regard, les espaces – accusateurs – de Millau, ou en janvier 2001, de Porto Allegre. Soit, après la sphère de la production, celle de la circulation du capital ou de ses méfaits.
15Similitudes encore dans la volonté, commune, d’associer action, éducation et propagande. À l’instar des associations internationales qui l’ont précédée, l’AIT déploie une importante activité propagandiste et éducative. Elle s’en distingue toutefois par sa volonté et sa capacité à mettre simultanément en pratique des formes de solidarité ouvrière destinées à contrer les effets du développement inégal des salaires sur la circulation de la main d’œuvre. Elle s’assigne ainsi pour tâche prioritaire d’empêcher le recours aux briseurs de grèves venus de pays où le coût salarial est moindre en diffusant des informations, restreignant la mobilité de la main d’œuvre et en assurant un soutien financier aux organisations en grève. Non sans succès. ATTAC se donne pareillement les moyens d’associer étroitement l’élaboration théorique, l’éducation et l’action. Elle entend articuler « contre-expertise scientifique21 et pratiques de terrain, savoirs savants et savoirs militants, réalités nationales et internationales »22 et parvient, de fait, à combiner l’élaboration d’un argumentaire de haute valeur – susceptible de devoir être entendu sinon toujours écouté dans les sphères les plus hautes – à une agit-prop inventive et diversifiée ; résumés par le « triptyque information, formation, action ».
16Les points marqués à telle échelle autorisent la reconstruction « des grands mythes d’appropriation collective de lutte, de dignité et de victoire »23 initiés au siècle précédent, sur un mode nouveau : Seattle, devenu victoire emblématique24, s’impose pour un mythe fondateur, similaire à ce que fut le 1er mai, (la réappropriation de cette date par les anti-mondialistes, à Londres mais aussi bien, le 30 avril, à Paris, constituant alors une filiation naturelle), permettant de qualifier Washington de second Seattle et Millau de Seattle-sur-Tarn ; tandis que ce dernier rassemblement, autour de la figure de José Bové25, se veut fondateur d’un nouveau calendrier de lutte, où le 30 juin promu date anniversaire du procès qui lui fut intenté à Millau deviendrait fédérateur, chargé de mythe, et par là mobilisateur.
Rapport au politique, rapport à la politique
17Les crises politiques que la France a connues au xxe siècle ont fréquemment généré des associations nouvelles (Ligue des droits de l’homme). Elles ont, plus souvent, permis à l’une d’elles de s’imposer un temps pour l’élément nécessaire à la restructuration du champ politique – pour l’heure inadapté aux problèmes soulevés par la crise – en se subordonnant, alors, les associations concurrentes et en s’appropriant l’initiative jusqu’à ce que les partis, recomposés dans des alliances nouvelles, soient de nouveau à même de remplir leurs fonctions convenues. Le changement d’échelle opéré par ATTAC, les victoires presque aussitôt remportées là avec d’autres et sa croissance d’autant plus remarquée qu’elle contrevient à la crise annoncée du militantisme26 lui valent d’occuper pour l’heure cette position-clef. La crise contemporaine du politique s’inscrit toutefois dans une temporalité qui n’est pas celle, événementielle et courte, des crises politiques. Elle mine les forces partisanes qui, dans ce cadre-ci, se réappropriaient, à terme, une initiative qui, du reste, ne leur était disputée qu’aux fins de la leur restituer à meilleur escient. Les rapports que cette association dominante noue avec le champ politique sont dès lors inédits.
18L’hégémonie libérale induit la construction d’un espace public d’assise transnationale, sinon toujours internationale stricto sensu, où des acteurs sociaux impliqués dans des pratiques et/ou des organisations hétérogènes trouvent à rassembler et à se fédérer par leur cible, devenue commune. S’interroger sur les relations que ces redéfinitions étrangères à toute contingence parlementaire ou représentative entretiennent avec la politique institutionnalisée revient à mettre en évidence la nature, à cet égard, inédite de la situation contemporaine.
19En 1864, l’AIT anticipait les possibilités démocratiques internes à chacun des États concernés par son émergence et n’entretenait aucune relation avec les associations émergeant simultanément en France dans la « sphère publique en mouvement »27 ; ainsi la Ligue de l’enseignement, dont nous verrons qu’ATTAC se réclame. Victime de l’échec de la Commune de Paris, l’AIT était minée, dès avant, par la consolidation des États-Nations et par les positions et garanties juridiques conquises dans le cadre national par les Trade unions, sa composante majeure28. Les associations anti-mondialistes, dont ATTAC, se constituent a contrario dans une phase de remise en cause des États-Nations. Elles doivent compter avec l’existence d’institutions demeurées l’exclusive expression légale et légitime de la souveraineté populaire et de partis qui se sont imposés pour leur relais. Il leur faut, dès lors, se situer par rapport à la sphère politique, fût-elle en crise, et préciser leur conception des relations de la démocratie participante avec la démocratie représentative. ATTAC se saisit frontalement de la question presque ab initio.
20Quand cette association rappelle, en 1999, ses conditions d’émergence, elle ne retient pas ce retournement de conjoncture politique que fut la victoire de la « gauche plurielle ». Cette nouvelle donne produit des effets contradictoires dans le champ associatif. Elle crée un rapport des forces plus favorable aux propositions formulées par ATTAC, attesté par la constitution précoce d’un comité ATTAC à l’Assemblée nationale29 puis au Sénat30, par les prises de position de Laurent Fabius et par diverses initiatives françaises dans les instances européennes31. L’implication des composantes de la gauche plurielle dans l’expérience gouvernementale française contribue simultanément à les constituer tendanciellement en appendices gouvernementaux dont la pratique militante tend, par là même, à s’atrophier ou peine à s’exprimer quand, d’aventure, elle s’y essaie. Non sans amplifier l’hémorragie des forces militantes qui participent, en regard, de la croissance d’associations telles ATTAC. Son dynamisme attise des convoitises et nourrit des tentatives dites de récupération de la « société civile » de la part de partis en cruel déficit militant ; ainsi, lors des élections européennes (de façon caricaturale mais non exclusive avec la liste « Bouge l’Europe »), lors de la manifestation communiste du 16 octobre 200032 ou, à plus fort titre encore mais sur un mode plus diffus à l’occasion des élections municipales de 2001. Non sans encourager, en retour, des manifestations de défiance accrue qui peuvent revêtir la forme de résurgences anarcho-syndicalistes. Le 17 mai 1997, à la veille des élections législatives consécutives à la dissolution, diverses organisations du mouvement social interpellaient les partis de gauche sur le thème : « La gauche officielle ne gagnera pas les élections sans nous »33. Les modalités d’interpellation du politique se renversent après la victoire ; à l’initiative d’associations d’autres sortes. En 1998, à l’orée des élections européennes, un collectif de militants élabore un appel pour l’autonomie du mouvement social. Cette même démarche se retrouve à l’œuvre dans le manifeste pour les États-généraux du mouvement social proposé par Pierre Bourdieu aux associations le 1er mai 200034. Cette tension passe d’autant mieux à l’intérieur d’ATTAC que ses adhérents, trans-générationnels, sont du moins unis par une même culture participant d’un rapport nouveau à la démocratie35. Ses statuts expriment une défiance constitutive à l’égard de tout entrisme. Son conseil d’administration est en effet constitué de 30 membres élus dont 18 émanent du collège des membres fondateurs et 12 de l’ensemble des membres actifs.
« Cette disposition, commente un rapport d’organisation, a été prévue pour assurer la pérennité et le pluralisme d’ATTAC en décourageant par avance toute tentative d’entrisme par une minorité organisée. Les membres fondateurs dont la très grande majorité sont des personnes morales (associations, journaux et syndicats) constituent la garantie ultime de ce pluralisme. »36
21L’approche des municipales et ce qu’elle recèle de tentatives et de tentations valent à l’association de revenir frontalement sur ce point en avril 2000. Dans un document intitulé « ATTAC et politique », l’association revendique hautement le caractère politique de ses exigences et, par là, de son action :
« Contester la domination de la finance dans un monde où tout devient progressivement marchandise, où tout se vend et s’achète, c’est contester l’organisation des rapports économiques, humains, sociaux, politiques ; c’est se placer finalement sur un terrain éminemment politique avec la volonté de transformer le monde par le biais de mobilisations démocratiques et citoyennes. (...). L’action d’ATTAC contre, notamment, la “dictature des marchés”, pour la taxation des transactions financières, pour l’abolition des paradis fiscaux et pour l’annulation de la dette publique du tiers-monde est aujourd’hui fondatrice de démocratie. [Elle participe] à la reconquête des espaces perdus par la démocratie au profit de la sphère financière, et, pourquoi pas, à la conquête d’autres, et contribue à redonner des marges de manœuvre à l’exercice politique, et donc à la liberté de choix des citoyens, tant à l’échelle nationale qu’internationale. »37
22Le document réagit contre les tentations anarcho-syndicalistes en affirmant la nécessaire irruption d’ATTAC sur la scène institutionnelle :
« Compte tenu de son développement, de son poids croissant, des adhésions et contributions diverses qu’elle cristallise, ATTAC est amenée à “faire” de la politique, donc à entretenir, à divers niveaux, des rapports avec des acteurs politiques, qu’ils soient ou non institutionnels ».
23Tandis qu’un autre document déplore que les relais politiques soient défaillants :
« L’échec de l’OMC renvoie à plusieurs facteurs, dont la concurrence États-Unis/Union européenne et les divisions Nord/Sud. Mais le rôle des mouvements de contestation a été mis en avant, y compris par nous-mêmes, au point qu’on leur attribue un rôle déterminant dans l’échec de la conférence de Seattle. Cette mise en valeur présente des avantages évidents, mais aussi l’inconvénient d’exiger de nous (un “nous” très large, celui du rassemblement qui s’est retrouvé autour de Seattle) des réponses à un tout autre niveau. Nous passons, en partie à notre corps défendant, de la position de mouvement émergent à celui d’un front à qui l’on demande d’apporter des alternatives ! »38.
24Ce lien au politique réaffirmé rend cependant ses proclamations d’indépendance et son refus de toute instrumentalisation plus nécessaires encore39. ATTAC « n’est pas un parti politique et n’a pas vocation à le devenir » souligne le document qui définit le code de conduite de l’association, de ses dirigeants ou adhérents, en matière de candidature aux élections40. En constituant in fine la qualité de la vie démocratique de l’association en garant des périls :
« L’améliorer sans cesse doit donc être une préoccupation partagée par toutes et tous. Cela implique de combiner vigilance et confiance, ouverture et fermeté, et de le faire avec mesure et sans esprit d’automatisme, particulièrement en ce qui concerne les cumuls de responsabilités. Au moment où la politique et les partis souffrent d’un discrédit profond, nourri de renoncements et alimenté par certaines conduites indignes, il convient de ne pas confondre l’objet lui-même et la crise qui l’affecte, et de savoir, aux pratiques politiciennes, d’opposer l’engagement citoyen. »41
25Cet engagement prend corps dans de nouvelles pratiques de la politique inscrites dans une géographie renouvelée.
Une nouvelle pratique de la politique
26Dans son texte de 1997, Ignacio Ramonet se réclamait d’une organisation capable d’agir « comme un formidable groupe de pression civique auprès des gouvernements pour les pousser à réclamer, enfin, la mise en œuvre effective de cet impôt mondial de solidarité ». Le texte d’avril 2000 ne reprend pas cette initiale définition qui, nonobstant le terme civique, induisait une possible logique de lobby. Il préfère inscrire l’association dans la démarche « des mouvements d’éducation populaire traditionnels » en lui conférant « le rôle de stimulateur démocratique, comme on parle de stimulateur cardiaque ».
27La structure de l’association se ressent de ces exigences. Les statuts originels ne prenaient en compte que les seuls fondateurs et adhérents. L’architecture effective, deux ans plus tard, leur associe des collectifs (ou comités42) à géométrie variable43 et des élus, via les communes adhérentes ou les comités constitués par eux dans les assemblées. Ces structures nouvelles n’ont été ni théorisées préalablement ni préconçues. Elles révèlent une association qui se construit dans le mouvement, en ayant à procéder à des adaptations permanentes. En décembre 1998, une charte définit ainsi les rapports des comités avec ATTAC national. Peu contraignante, elle ne leur assigne d’autres obligations que d’être « pluralistes, larges, unitaires » et en accord avec ses termes44. L’association qui tente d’éviter la constitution de corps intermédiaires ne se veut ni pyramide, ni fédération mais « réseau ». Le conseil d’administration se réserve la conduite nationale de l’association et la maîtrise des rapports au politique et aux élus. Pour le reste, il confère l’autonomie la plus grande à ses comités. En déléguant et en décentralisant des campagnes souvent initiées par tel d’entre eux : aux comités de l’Ouest, la campagne contre l’Erika, à celui du Cher, celle contre la spéculation boursière à l’École, à Lyon, la solidarité avec la Tunisie, etc. Non sans générer des dynamiques inédites.
28Ces modalités d’action contribuent à répondre de sa géographie spécifique. Depuis les années 1980, la spectaculaire manifestation nationale en la capitale était devenue le point de passage obligé d’un mouvement prétendant agir sur les centres de décision du pays (ou parfois de telle entreprise) en épousant leur structure. Durant l’automne 1995, la province mobilise à plus fort titre qu’en 1968 mais Paris demeure en retrait comparé à cette même année. La mobilisation s’inscrit alors dans une géographie qui épouse grossièrement celle du « non » au traité de Maastricht et qui prend donc en compte la géographie nouvelle de la décision désormais à l’œuvre. ATTAC s’inscrit à sa manière dans ces redéfinitions. L’association ne néglige pas les initiatives nationales45 pouvant trouver à s’exprimer dans la capitale (où la place de la Bourse devient alors, naturellement et quoique très symboliquement, son espace « traditionnel »)46. Elle ne privilégie toutefois en aucune manière les espaces convenus de la centralisation politique et préfère à Paris les espaces de la décision internationale, on l’a dit, mais, simultanément des villes moyennes (qui pèsent d’un poids décisif dans ses structures et son dynamisme). La Ciotat a accueilli la première rencontre nationale de ses comités et sa première université d’été (août 2000), Saint-Brieuc, l’assemblée générale d’octobre 2000 et Morsang-sur-Orge, première municipalité adhérente, le colloque sur le thème « Quand le local est confronté à la mondialisation libérale » (janvier 2000). Ce colloque qui réunit des élus, des responsables associatifs et des syndicalistes, s’interroge sur l’articulation du local et de l’international et sur les moyens :
« d’enraciner dans le vécu des collectivités locales des projets alternatifs pour une régulation financière tournée vers un développement durable, c’est-à-dire démocratique et social, réparateur d’inégalités, attentif à la biosphère »47.
29L’appel issu de cette rencontre institue les collectivités locales en « ultime rempart contre la mondialisation financière ». Il propose de mettre en lumière, sur le terrain, le poids et la nature de la dictature de la sphère financière afin « d’agir local » dans la perspective d’ATTAC et de mobiliser à cet effet les forces locales (associations, syndicats) en recherchant les convergences d’action avec les collectivités et les élus. Avec pour articuler le local, le national, l’européen et l’international le rôle décisif du web48.
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30La comparaison entre ATTAC et l’AIT nous était suggérée par une prudente dénégation du mouvement. S’agit-il de s’inscrire explicitement dans une filiation et ATTAC retient, pour elle, cette « doyenne et archétype » des associations qu’est la Ligue de l’enseignement, créée, rappelons-le, deux ans après l’AIT – sans qu’aucune relation ne se soit alors tissée entre l’une et l’autre. ATTAC entend précisément dépasser cette césure engendrée par les effets dissociés du libéralisme et de l’État dans la société civile, ultérieurement codifiée par le Droit, et puissamment réactivée par le libéralisme de cette fin de siècle.
« Les mouvements “historiques” [d’éducation populaire] se sont retrouvés, cette dernière décennie, en décalage avec les organisations du “mouvement social” (chômeurs, sans-logis, sans-papiers, etc.) qui concrétisaient pourtant bon nombre de leurs objectifs. Ils n’avaient pas non plus de relations structurelles avec les organisations syndicales qui, elles aussi, sont autant “d’écoles” de citoyenneté. La première originalité d’ATTAC (...) c’est précisément d’avoir d’emblée mis autour de la même table les composantes de ces trois mouvances en y adjoignant des organes de presse »49.
31En engageant des dynamiques qui ont d’ores et déjà permis à certains acteurs politiques de réorienter leur pratique ; ainsi certains élus essayent d’agir en liaison avec un mouvement de masse, sur des enjeux internationaux, dans l’exercice de leur mandat ou encore au sein de leur commune. L’association tente aussi de favoriser la redéfinition du champ politique tout entier, à l’aune des échelles temps du libéralisme.
Notes de bas de page
1 Myriam Revault D Allonnes, Le dépérissement de la politique, généalogie d’un lieu commun, Paris, Aubier, 1999
2 Le Monde, 15 janvier 2000 : les femmes représentent 40 % des adhérents communistes et 26 % de ceux du PS, les ouvriers respectivement 31 % et 6 % et les moins de 30 ans 10 et 5 %. Les Verts comptent 31 % de femmes, 15 % d’ouvriers et employés et 1 % de moins de 25 ans.
3 Jean-Christophe Le Duigou, secrétaire confédéral de la CGT, in L’Humanité, 25 janvier 2000, « Mouvement social et politique » (débat).
4 Options, 8 janvier 1996.
5 AC !, APEIS, CADAC, CDSL, DAL ; Droit devant !, NMPC, Groupe des dix, CFDT en lutte, CGT finances, FSU sont à l’initiative de la Semaine d’urgence sociale contre les inégalités et la misère.
6 C’est en 1972 que James Tobin, professeur à Yale, lauréat du prix Nobel d’économie en 1981, propose l’établissement d’une taxe sur les transactions de change. Cf. François Chesnais, Tobin or not Tobin, Paris, L’esprit frappeur, 1998. François Chesnais est membre de la commission scientifique d’ATTAC.
7 AG d’ATTAC, Rapport d’activité pour l’AG de La Ciotat, 23 octobre 1999, supplément au n° 3 de Lignes d’attac.
8 Ibidem.
9 Ibidem.
10 Ibidem. Via Campesina, créée en 1993 par le Hondurien Rafael Alegria et qui regroupe 70 organisations de défense paysanne de divers continents, Public Citizen de Ralph Nader, née en 1971, aujourd’hui engagée dans la lutte contre l’AMI, la coordination pour le contrôle citoyen de l’OMC participent de cette même conjoncture.
11 AG d’ATTAC, Rapport d’activité pour l’AG de La Ciotat, 23 octobre 1999, op. cit.
12 Daisy Eveline Devreese, « L’AIT : bilan de l’historiographie, perspective de recherches », Cahiers d’histoire de l’Institut de recherches marxistes, n° 37, 1989, p. 9-32.
13 Raymond Huard, La naissance du parti politique en France, Paris, Presses de la FNSP, 1996.
14 Manu Chao, René Dumont, Viviane Forester, Gisèle Halimi, Bernard Langlois, Daniel Mermet, René Passet, Ignacio Ramonet, Jacques Robin, Philippe Val.
15 Témoignage chrétien, Monde diplomatique, Charlie-Hebdo, Politis, Transversales.
16 AC !, MNCP, AITEC (Association internationale des techniciens, experts, chercheurs), Amis de la terre, Artisans du monde, Association Gunter Holzmann, CADAC, CEDETIM (Centre d’études et d’initiatives de solidarité internationale), Confédération générale des SCOP, CRID (Centre de recherche et d’information sur le développement), Droit devant !, Raison d’agir, Réseaux des services publics européens.
17 Le groupe des dix, SUD, CFDT-banques, UGIC-CGT, FSU, Confédération paysanne, finances-CGT, SNES, SNESup, SNPTAS-CGT Équipement, SNUI (Syndicat national unifié des impôts), SNUIPP, SUD-PTT, Syndicat de la magistrature, FGTE-CFDT.
18 En avril 2000, ATTAC compte en ses rangs 921 personnes morales dont 462 syndicats et 291 associations.
19 En juin 2000 : 55.
20 À la fin de l’année 2000, ATTAC était formellement constitué au Burkina Faso et Sénégal, Tunisie, Argentine et Brésil et au Québec, Belgique, Irlande, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal, Suisse. En cours de constitution au Cameroun, Côte d’Ivoire, Mali, Chili, Paraguay, Uruguay, Allemagne, Espagne. Pas d’ATTAC nominaux en Asie mais des relations de partenariat avec un large éventail d’organisations en Corée de Sud, en Malaisie (Third World Network), aux Philippines, en Thaïlande (Focus on the Global South). En Italie, ses initiatives étaient systématiquement relayées.
21 L’article 12 de ses statuts institue un conseil scientifique qui peut « faire appel à toute compétence qu’il juge utile. Il est garant de la rigueur scientifique des études produites et diffusées par ATTAC ». Il a notamment publié À bas la dictature des marchés, et Les paradis fiscaux ou la finance sans loi.
22 AG d’ATTAC, Rapport d’activité pour l’AG de La Ciotat, 23 octobre 1999, supplément au n° 3 de Lignes d’attac.
23 Selon les termes du secrétaire général d’ATTAC, L’Humanité, 25 janvier 2000, « Mouvement social et politique ».
24 Le « “Dien Bien Phu” de la mondialisation libérale », selon les termes de la réunion internationale des 11-12 décembre 1998, cité in Tout sur ATTAC, Paris, Mille et une nuits, 2000.
25 La Confédération paysanne est l’un des membres fondateurs d’ATTAC.
26 21900 adhérents en avril 2000 dont 20979 personnes physiques.
27 Philip Nord, The Republican moment, Harvard University Press, Cambridge, Massachusetts, London, England, 1995.
28 Marcel VAN DER Linden, « Pourquoi le déclin de la première internationale était-il inéluctable ? », Cahiers d’histoire de l’Institut de recherches marxistes, n° 37, 1989, p. 125-134.
29 Le comité est créé en juin 1999 à l’initiative de Yves Cochet (Verts), Yann Galut (PS), J.-C. Lefort (PC), Chantal Robin-Rodrigo (PRG), G. Sarre (MDC). Il regroupe à ce jour 130 députés. Un document d’avril 2000 intitulé « ATTAC et politique » définit ainsi leurs fonctions :
« Du fait de leurs mandats électifs, les parlementaires adhérents, lorsqu’ils se regroupent en collectifs spécifiques, jouent un rôle particulier, distinct de celui qu’ils joueraient dans des comités locaux dont ils peuvent, par ailleurs, être membres comme n’importe quel autre citoyen, et donc sur un pied d’égalité avec les autres militants. Sans méconnaître leurs contraintes, Attac attend légitimement d’eux que, dans toute la mesure du possible, ils inscrivent leurs actions et leurs prérogatives d’élus dans le cadre des campagnes nationales de l’association. D’une façon générale, ils sont appelés à fonctionner en réseaux spécialisés, à développer des activités propres et à coopérer avec la direction nationale d’Attac, ainsi qu’avec les comités locaux » (site internet).
30 Une quarantaine de membres.
31 Le Monde, 30 juin 2000 : le 29 juin, lors de la séance des questions d’actualité à l’Assemblée nationale, Laurent Fabius suggère qu’il pourrait infléchir la doctrine du gouvernement sur cette question. Harlem Désir organise à Bruxelles les premières rencontres interparlementaires sur la taxe Tobin auxquelles participent des parlementaires européens de 13 pays. À l’initiative des élus français, 400 députés dans le monde se sont d’ores et déjà prononcés pour cette taxe.
32 Manifestation organisée par le Parti communiste sur la question de la loi sur les 35 heures. La direction d’ATTAC décide de laisser libre les comités locaux à ce sujet. Le comité du XXe arrondissement de Paris considère :
« que le sujet était de la toute première importance et parfaitement dans les objectifs d’ATTAC et participera donc à cette manifestation avec de très nombreuses associations et partis du XXème. L’objection de “servir la soupe” au parti communiste, à l’initiative de cette manifestation, n’a pas été jugée de saison en raison même de l’urgence de ce combat. On profitera de cette manifestation pour distribuer des tracts à propos des combats à mener contre l’OMC » (compte rendu ATTAC XXe, octobre 1999, internet).
33 Ce manifeste rédigé à l’initiative d’Act Up est signé par certaines personnes morales fondatrices d’ATTAC : ainsi le Syndicat de la magistrature, Témoignage chrétiens, Politis, le CEDETIM.
34 Ce rejet du politique institutionnel se retrouve dans la coordination contre l’OMC.
35 Le secrétaire général d’ATTAC (L’Humanité, 25 janvier 2000) déclare :
« La plupart des mouvements sociaux se sont développés dans la dernière période en opposition à un projet qui s’est dilué dans l’exercice politique. Ils portent en eux un refus du marchandage, le retour au pragmatisme et une espèce d’absolu de la victoire. (...) également un refus des hiérarchies d’âge et des hiérarchies d’appareil. La plupart des militants associatifs n’ont pas envie de prendre le pouvoir, ils ont envie de l’exercer. C’est une culture tout à fait différente. Autre caractéristique, ce mouvement est souvent international (...), c’est un mouvement qui gagne ».
Il ajoute, ATTAC est :
« une valeur refuge pour les amoureux déçus de la politique qui ne supportent plus le rapport aux hommes politiques ».
36 AG d’ATTAC, Rapport d’activité pour l’AG de La Ciotat, 23 octobre 1999, op. cit. Termes un peu differents dans « ATTAC et politique » (avril 2000) :
« c’est en favorisant la présence militante la plus diversifiée, en s’ouvrant à un maximum de partenariats qu’Attac trouve les meilleures garanties contre toute tentative de “prise en main” par tel ou tel groupe, tel ou tel courant d’idées. Cette pluralité n’a rien à voir avec de quelconques dosages, aussi savants qu’opaques ; elle résulte, au contraire, de l’adhésion publique et transparente des militants et citoyens qui s’associent pour construire Attac ».
37 « ATTAC et politique », Lignes d’attac, n° 5.
38 CA, 22 janvier 2000, l’activité internationale d’ATTAC (site internet).
39 « On ne peut pas simultanément se battre pour se réapproprier la démocratie et décréter parallèlement qu’on ne parle plus au politique » déclare son secrétaire général au Monde, 4-5 juin 2000.
40 « Elle ne présente pas de candidats aux élections, n’est pas subordonnée à la logique électorale, à son calendrier ou à ses jeux. Aucun candidat ne peut se prévaloir de son sigle, l’association s’interdisant tout soutien à quelque élection que ce soit. Si, au cours des campagnes, elle fait entendre sa voix sur ses propres thèmes, elle ne prend pas – sauf contre l’extrême droite – position pour tel ou tel candidat ».
« Aucun membre d’Attac candidat à une élection n’est autorisé à invoquer cette qualité dans sa profession de foi ou sa présentation. Libre à lui, en revanche, de soutenir et défendre, à son compte personnel, les – ou des – revendications de l’association. De même, les dirigeants nationaux d’Attac ne sont présents sur aucune liste. D’une façon générale, les dirigeants nationaux et locaux de l’association évitent tout ce qui peut être facteur de confusion entre leurs responsabilités associatives et ce qui relève de leurs droits de citoyens ».
41 « Attac et politique », op. cit. « C’est au moment où certains mouvements d’éducation populaire regroupés au sein du CNAJEP (Comité pour les relations nationales et internationales des associations de jeunesse et d’éducation populaire) s’interrogent sur la pertinence de cette dénomination que, précisément, ATTAC la revendique » déclare Bernard Cassen à Politis, hors série, février-mars 2000. Une demande d’habilitation par le ministère de la Jeunesse et des Sports est en passe d’aboutir.
42 Plus de 170 comités locaux en juin 2000. Certains sont des associations déclarées en propre, d’autres non.
43 L’assise de ces comités est déterminée par leurs seuls adhérents, au risque de (possibles conflits d’influence, ainsi entre certaines villes adhérentes ès qualités et es comités (pré) existants en ces villes.
44 Des statuts-types sont élaborés en décembre 1998 pour ceux qui souhaitent se doter d’une personnalité juridique en se constituant à leur tour en association.
45 La pétition nationale en faveur de la taxe Tobin recueille 110000 signatures.
46 La première réunion des adhérents de l’Ile-de-France est organisée le 20 octobre 1998 au théâtre du divan du monde, mis gracieusement à la disposition de l’organisation, soit un espace non traditionnel du politique. La bourse du travail devient ensuite le lieu convenu des coordinations parisiennes ou des réunions d’ampleur (tandis que s’impose ou se maintien, à d’autres échelles, le rôle des cafés, théâtres ou locaux syndicaux).
47 Liste complète des 64 villes adhérentes in Tout sur ATTAC, op. cit. Mulhouse est la seule préfecture au nombre.
48 Tout sur ATTAC, op. cit. : le site enregistre environ 800 000 connexions par mois en provenance de près d’une centaine de pays.
49 Tout sur ATTAC, op. cit.
Auteur
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Danielle Tartakowsky
Professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Paris 8.
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