Version classiqueVersion mobile

Des communistes en France

 | 
Jacques Girault

Communisme et municipalités

Spécificité, continuité et uniformisation de la gestion communiste dans les mairies de la Seine

Emmanuel Bellanger

Texte intégral

1Tout au long des XIXe et XXe siècles, la Seine-banlieue se présente comme un territoire atypique, expérimental et mythique. Façonné par l’urbanisation, le développement des transports et l’accroissement démographique, cet espace, tout à la fois populaire et bourgeois, nourricier et récréatif, industriel et résidentiel, concentre une part essentielle des richesses de la France contemporaine. Encerclant Paris, il se singularise par son organisation administrative et ses réseaux intercommunaux. En quatre décennies, du début des années 1900 à la veille du deuxième conflit mondial, il devient le lieu d’émergence de politiques publiques innovantes, caractérisées par la constitution de grands services publics, par l’importance des effectifs communaux, par des recettes budgétaires largement subventionnées par l’État et le conseil général et par la création d’écoles de formation aux connaissances administratives et aux pratiques gestionnaires uniques. Structurels plus que politiques, ces éléments distinctifs forgent l’originalité et les solidarités de ce territoire « capitale ».

  • 1 Dans le cadre de son séminaire, Jacques Girault, tout comme nos témoins élus ou secrétaires générau (...)
  • 2 En application de la loi du 6 juin 1859, onze communes sont annexées par la ville de Paris. La Sein (...)

2Communément, la Seine-banlieue est associée à un champ social morcelé et conflictuel. L’entrée en scène des socialistes contestant en terre ouvrière le magistère des radicaux, puis l’enracinement d’une banlieue rouge emblématique d’un « communisme municipal » qui ne se prononce pas1 , confortent cette représentation, mais masquent du même coup une autre réalité, celle d’un pouvoir local défendant à l’unisson les intérêts de la banlieue parisienne et de ses « quatre-vingts clochers »2. Ainsi l’amicalisme mayoral, l’intercommunalité, les pratiques professionnelles coordonnées et homogénéisées, la continuité administrative, la « professionnalisation » des élus contribuent à l’arrière de la scène politique et de ses combats à pacifier les comportements. La radicalité des professions de foi des campagnes électorales s’accommode dès lors sans trop de heurts avec une gestion communale « dépassionnée ».

3 Pour autant les prestations et les réalisations du radicalisme, du conservatisme, du socialisme ou du communisme municipal, encadrées par la loi fondamentale de 5 avril 1884, suivent-elles un mouvement linéaire ? Ces « municipalismes » n’ont-ils pas produit des spécificités en matière de politique d’assistance, de logement ou de gestion du personnel ? Si le « communisme municipal » est l’héritier inavoué du socialisme municipal, ces derniers ne sont-il pas affiliés aux programmes des maires radicaux et radicaux-socialistes de la Belle époque, pères de la bienfaisance communale, précurseurs des coopérations suburbaines et bâtisseurs du premier domaine communal ?

Le premier âge du « municipalisme »

4Au-delà des clivages politiques, la part d’héritage et les continuités administratives imprègnent le travail municipal et ses modes d’intervention. L’activité municipale, sortie des « maisons communes » au tournant des XIXe et XXe siècles pour investir les centres anciens et leurs quartiers périphériques, est initiée par les maires républicains, issus principalement de la mouvance radicale et radicale-socialiste. En banlieue parisienne, devant l’augmentation de leur population, ces édiles bâtissent, à un rythme soutenu, des groupes scolaires et de nouvelles mairies monumentales. Entre 1876 et 1904, vingt-six hôtels de villes « néo-renaissances » sont ainsi inaugurés. Ils sont à la fois l’expression architecturale d’une IIIe République triomphante et le signe d’un développement inédit de l’activité municipale.

5L’extension du domaine communal ne se limite pas à l’instruction publique et à l’épicentre de la représentation municipale. Épaulés de collaborateurs – 3 678 employés de mairie au début des années 1900 en Seine banlieue, 356 à Saint-Denis, 203 à Neuilly, 177 à Boulogne – les édiles municipaux déploient de nouveaux équipements. L’assistance à domicile est désormais relayée par l’ouverture d’établissements sanitaires et d’assistance. Des fourneaux économiques, des crèches, des hospices, des dispensaires, des bureaux de placement gratuits suppléent les œuvres privées, qui lorsqu’elles ne sont pas municipalisées, sont le plus souvent subventionnées.

6Les équipements à vocation éducative ou festive connaissent également un regain d’activités. Les bibliothèques municipales étendent leurs fonds et instituent l’usage du prêt. Des salles des fêtes, parfois même des théâtres et des musées comme à Saint-Denis ou à Saint-Maur, prennent place dans le paysage suburbain. Ces notables républicains font percer de nouvelles voies et agrémentent leurs communes d’espaces verts entretenus par leur nouveau service des promenades publiques. L’apparition du mobilier urbain (kiosques à musique, lampadaires, fontaines...) accompagne également cette mise en espace des services publics. Pour financer ces premières réalisations, les prélèvements fiscaux s’accentuent à l’image de ceux de l’octroi qui démultiplie ses lieux de perception et de ceux perçus sur les marchés aux comestibles.

7Au tournant des XIXe et XXe siècles, chantres des libertés municipales, ces maires républicains de la Seine-banlieue mesurent les risques d’isolement et de repli communal. Les pouvoirs des autorités supérieures jugés excessifs ont pour conséquences d’associer les conseils municipaux sur des projets de défense commune. L’État n’impose-t-il pas à toutes ces assemblées le paiement de contingents de dépenses obligatoires ? De même, les préoccupations liées à l’empiétement des cimetières parisiens et des hôpitaux militaires, au reclassement de la zone des fortifications, au coût de l’application des lois d’hygiène et d’assistance, au traitement des malades dans les hôpitaux parisiens, aux frais d’externat des élèves de banlieue dans les écoles primaires supérieures et professionnelles de la Ville de Paris ou encore aux procédures de passation de marché ne transcendent-elles pas les frontières municipales ?

8Face aux entreprises concessionnaires de monopoles communaux, la nécessité de s’entendre pour mieux défendre ses prérogatives et ses finances est largement admise. Confrontés à des tarifs excessifs et à des marges de négociation limitées, les maires s’engagent dès la fin du XIXe siècle dans la promotion de l’intercommunalité, dérogeant ainsi à leur sacro-saint principe d’autonomie. Sous l’impulsion d’un groupement de maires, conduit par Théodore Tissier, maire radical de Bagneux (1899-1935), les syndicats des pompes funèbres et du gaz sont créés en 1903 et une conférence intercommunale des eaux se réunit en 1908. Un an plus tard, devant « la nécessité d’offrir une résistance unanime contre toute main mise », ce premier rassemblement se constitue en Union amicale des maires du département de la Seine. Sous son impulsion, les solidarités s’intensifient et à une échelle plus restreinte, des hôpitaux, des hospices intercommunaux sont édifiés sous l’autorité de maires aux sensibilités politiques de plus en plus divergentes.

9Aussi, au lendemain de la Grande Guerre, lorsque les maires socialistes, « pupistes » et communistes, s’imposent à la tête de nombreuses assemblées communales, l’ossature des services et des équipements municipaux est-elle déjà posée. Présumés affranchis des querelles de clocher, ces élus héritent de municipalités employeurs, bienfaitrices, instigatrices d’aménagement urbain et partenaires de structures intercommunales. Comme leurs prédécesseurs, ces élus, au positionnement politique plus radical, préservent l’équilibre de leur budget placé sous haute surveillance, mais renforcent, surtout en période d’accroissement démographique ou en temps de crise, leur action. La guerre et le chômage exposent en effet particulièrement leur commune dont la population à dominante ouvrière est davantage fragilisée. Incontestablement, selon la composition sociologique des villes, la contribution des administrateurs locaux au dispositif de régularisation sociale, tel que le fonds municipal de chômage institué par l’État en 1914, n’a pas revêtu la même intensité.

Les années 1920, années de professionnalisation et de formation aux fonctions municipales

  • 3 Fourcaut (A.), Bobigny, banlieue ronge, Paris, Les Éd. ouvrières/Presses FNSP, 1986.
  • 4 Bellanger (E.), « Les secrétaires de mairie de la Seine-banlieue », Conférence internationale d’his (...)

10Pour les partis affiliés au mouvement ouvrier, les communes suburbaines de la Seine constituent dès les années 1880 et 1890 un enjeu de pouvoir : s’imposer à la tête des affaires municipales et insuffler « un patriotisme de clocher [désormais] à base de classe »3. Les premières équipes socialistes doivent s’adapter aux rouages de l’appareil municipal. À la différence de leurs camarades de Saint-Ouen ou de Saint-Denis, élus en 1887 et 1892 sur une courte période, Ferdinand Roussel, à Ivry (1896-1908), Eugène Thomas, au Kremlin-Bicêtre (1897-1919), Jean-Baptiste Sémanaz, au Pré-Saint-Gervais (1904-1914) ou Jules Cuillerier, à Alfortville (1904- 1922) se maintiennent aux commandes de leur administration en se familiarisant avec les modes de recrutement, de promotion et d’organisation et en s’accommodant des rapports bienveillants de la tutelle préfectorale et du corps des secrétaires de mairie4. Cette longévité se présente comme la démonstration d’une conciliation réussie alliant gestion communale acquise principalement sur le tas et engagement idéologique.

11Lorsque les élections municipales de 1919 consacrent la victoire sans précédents des socialistes SFIO (24 conseils banlieusards sur 78 sont conquis), aux tâtonnements de la première génération d’élus succède le discernement d’un personnel politique, coutumier des assemblées délibératives d’avant-guerre (conseil municipal, général et d’arrondissement) et conscient des échecs passés. Le socialisme municipal des années 1920 s’érige désormais en une pratique administrative et juridique, en une technique éprouvée de la gestion des affaires communales, unissant des programmes de réalisations souvent ostentatoires (écoles de plein air. infrastructures sportives...) avec une conduite gestionnaire rigoureuse et légaliste. Les élus socialistes de la banlieue parisienne s’appuient alors sur des lieux de ressources tels que leur société d’étude et de documentation communale, dirigée par Antonin Poggioli, maire du Bourget (1925-1944), et leur union des municipalités socialistes où s’affirment deux praticiens de l’action publique, Henri Sellier, maire de Suresnes (1919-1941) et André Morizet, maire de Boulogne (1919-1942).

  • 5 Tartakowsky (D.), Les premiers communistes français, formation des cadres et bolchevisation, Paris, (...)
  • 6 Sept cours sont enseignés : comment on devient orateur, les publics et l’orateur, cours pratique de (...)

12Au lendemain du congrès de Tours, seize municipalités de la Seine sur les vingt-quatre conquises en 1919 adhèrent à l’Internationale communiste. Confronté cependant aux dissidences et à un étiolement rapide de ses positions, le Parti communiste doit accomplir un effort important en matière de recrutement et d’éducation de ses cadres5. L’ouverture, le 28 janvier 1921, de l’école du propagandiste en est la première expression. Bien que placé en dernière position dans l’ordre des « savoirs » inculqués6, l’enseignement du socialisme municipal est des plus complets. Son contenu, qui s’apparente à un manuel solide d’initiation aux fonctions municipales, inscrit nommément l’héritage socialiste dans la culture politique des cadres communistes. Tout ce qu’un administrateur potentiel doit connaître de la gestion des affaires communales est étudié.

  • 7 Brochure de l’école du propagandiste. 1921, Archives municipales de Pantin.

13Louis Sellier, chef de file de la fraction communiste à l’Hôtel de Ville de Paris, est chargé de cet enseignement en qualité d’expert de la fiscalité locale. Des militants tels que Léon Salagnac (maire de Malakoff de 1944 à 1964), Alfred Costes (député élu en 1936), Alvergnat, Ottavi (conseillers municipaux) ou Yvonne Robert, cofondatrice du dispensaire de Bagnolet, sont initiés au statut juridique des communes, à leur budget, à leurs dépenses obligatoires, aux participations financières de l’État et du département, mais aussi au rôle des préfectures, de l’assistance publique et du crédit municipal. La question récurrente de la suppression de l’octroi et de la transformation du système fiscal est également traitée. Toutes les prérogatives municipales sont passées en revue, de l’enseignement à l’hygiène sociale, en passant par le ravitaillement, les offices publics d’HBM, les services intercommunaux, les expropriations pour cause d’utilité publique, les concessions ou les régies. Cette « centrale d’éducation », où le socialisme municipal est enseigné comme une science et une pratique valorisant la commune comme échelle d’intervention publique, initie « un cadre d’orateurs instruits, d’administrateurs éclairés formant l’armature solide du Parti » et se présente comme « un essai de décentralisation intéressant particulièrement la banlieue parisienne »7, son champ expérimental.

  • 8 Dictionnaire biographie du mouvement ouvrier français (DBMOF), notice de Jean Maitron et Claude Pen (...)
  • 9 Bibliothèque centrale de Saint-Denis, Le Bloc ouvrier-paysan aux élections municipales, Paris, Libr (...)
  • 10 Élections municipales de 1925, programme du Bloc ouvrier et paysan

14De 1924 à 1928, Victor Cat8, ingénieur de formation, rapporteur du programme du Bloc ouvrier et paysan (BOP) en janvier 1924, contribue à la diffusion des savoirs municipaux. Secrétaire de l’union des municipalités communistes, Victor Cat, tout en relayant les préceptes de la bolchevisation et de la « cité soviétiste », lieu de résistance à « l’État bourgeois », promeut également « la compétence technique […] des intellectuels, techniciens et spécialistes »9 indispensables à leur programme de réalisations. Si aux élections municipales de 1925 et 1929, les « revendications locales » sont reléguées dans une position secondaire et « reliées de la façon la plus serrée […] aux grandes questions économiques et politiques d’ordre nationale et internationale qui les conditionnent presque entièrement »10, cette stratégie ne doit pas pour autant masquer des pans entiers de propositions ayant trait aux libertés communales, à l’hygiène publique, à l’assistance sociale, au logement, à la scolarité, aux transports ou à la viabilité. Dans le texte, le partisan est déjà inséparable du réalisateur.

15Le maintien des secrétaires de mairie lors des conquêtes municipales ou l’appel au ralliement des techniciens témoignent de l’imprégnation d’un certain pragmatisme appliqué au terrain local. L’œuvre du docteur Hazemann, un des rares techniciens rallié un temps à la SFIC, devient ainsi le faire-valoir des premières municipalités communistes de Vitry et d’Ivry. Cet éminent hygiéniste, auteur en 1928 du livre Le service social municipal et ses relations avec les œuvres privées, est ainsi recruté pour créer ou réorganiser leur bureau d’hygiène et former leur personnel.

  • 11 Girault (J.), « L’implantation du Parti communiste en région parisienne » in Sur l’implantation du (...)

16Dans sa vie interne, sur le modèle du Parti socialiste SFIO, le Parti communiste coordonne et diffuse ses expériences municipales à travers ses groupements d’élus et ses supports de propagande, les Cahiers du Bolchevisme et surtout à partir de 1935 L’Information municipale, conçue par l’association d’études et d’informations municipales. La gestion de Jean-Marie Clamamus, maire de Bobigny (1919-1944) ou de Marcel Capron, maire d’Alfortville (1929-1944) est ainsi enseignée dans les écoles du Parti, à l’instar du premier magistrat balbynien qui en mars 1927 intervient sur les finances11 à l’école municipale de la région communiste.

  • 12 En 1924, cette école devient l’institut d’Urbanisme de l’Université de Paris, rattaché à la faculté (...)

17Cet attrait pour l’action municipale s’inscrit dans un contexte d’émulation intellectuelle autour de l’interventionnisme municipal. Particulièrement présent dans le département de la Seine, ce centre d’intérêt qu’affectionnent certains dirigeants communistes fait écho aux préoccupations plus anciennes d’Henri Sellier. Sur sa proposition, le conseil général avait adopté le 9 juillet 1919 la création de l’École des hautes études urbaines près de l’Institut d’histoire, de géographie et d’économie urbaines de la Ville de Paris12. Destinée à la formation d’une élite, composée de secrétaires généraux, d’architectes, d’ingénieurs communaux, mais aussi de techniciens à qui la loi Cornudet du 14 mars 1919 ouvrait la perspective de travailler sur les plans d’aménagement, d’embellissement et d’extension (PAEE) des villes françaises, cette institution est portée par le bouleversement profond et l’immense besoin de réorganisation engendrés par la Grande Guerre.

  • 13 Entretien avec sa fille, ancienne secrétaire générale adjointe de la ville de Saint-Denis.

18Chargés de conférences, Marcel Poëte, historien chartiste, Édouard Fuster, professeur au Collège de France, préfacier des ouvrages du docteur Hazemann, et de William Oualid, professeur agrégé d’économie politique, y enseignent « l’organisation sociale des villes, l’interventionnisme municipal, son rôle grandissant dans la vie économique et l’évolution de l’agglomération parisienne ». La présence de Louis Sellier au sein du comité de perfectionnement de cette école, où plus tard l’enseignement d’Hazemann, resté proche du Parti communiste13, témoigne de l’existence de passerelle entre ce parti, certains de ses élus et ce haut-lieu d’études urbaines, foyer d’une élite réformatrice.

  • 14 Conscient de cette réussite, le ministre de l’Intérieur, Albert Sarraut, dans sa circulaire du 12 j (...)

19En 1922, la création d’une section de perfectionnement administratif destinée aux secrétaires et employés de mairies du département de la Seine s’inscrit elle aussi dans ce mouvement de formation et de professionnalisation. Rattachée à l’École des hautes études urbaines, cette institution reçoit rapidement l’assentiment général des maires de communes suburbaines, qui y envoient leurs employés les plus méritants. Cette section de perfectionnement, dont le principal promoteur n’est autre qu’Henri Sellier, rebaptisée en 1929 École nationale d’administration municipale (ENAM), permet durant trois années de formation continue d’acquérir et d’accroître les connaissances indispensables au bon fonctionnement de l’administration. Reconnus comme le meilleur enseignement professionnel appliqué à l’administration communale14, ces cours sont confiés à de hauts fonctionnaires de la préfecture de la Seine.

  • 15 Y compris les très rares secrétaires généraux communistes tels que Paulette Midol, belle-fille du s (...)
  • 16 Bellanger (E.), « Les secrétaire de mairie de la Seine-Banlieue... »

20Trois générations de secrétaires généraux, en poste dans la Seine-banlieue des années 1930 aux années 1970, y ont fait leurs classes15. Sans attache partisane à quelques exceptions près, ces « grands commis » communaux sont les collaborateurs rares et convoités du pouvoir municipal. Leur savoir-faire et leur connaissance acquis sous la haute autorité d’une tutelle aux visages familiers, associés à un comportement neutre et loyal sont l’assurance d’une promotion interne et d’une stabilité professionnelle16.

21Après-guerre, les communes, lieux de prestation et de déploiement de nouveaux services, sont devenues un objet couru d’analyse et de formation. Les questions urbaines ne constituent en aucun cas un domaine réservé aux seuls fonctionnaires préfectoraux (service de l’extension de Paris, services techniques d’architecture et d’esthétique, offices publics d’HBM). Les maires communistes et leurs collaborateurs construisent également leur légitimité dans leur apprentissage à la fois théorique et pratique. Bien que de niveau inégal de qualification, ces formations contribuent de par leur enseignement « proprement utilitaire » à former de véritables administrateurs.

22Dès les années 1920, et plus encore après leurs succès aux élections municipales de 1935, les élus communistes se trouvent ainsi insérés dans un vaste réseau de professionnalisation ou de fonctionnarisation, qui a pour épicentre le département de la Seine. Le maire communiste réalisateur peut dès lors s’imposer dans sa cité en s’appuyant sur sa formation politique et sur son personnel communal, encadrés par les diplômés de l’ENAM, tout en partageant ses expériences dans les nombreuses assemblées délibératives.

L’entre-deux-guerres, une gestion communale entre dissidence, partage et uniformisation

  • 17 Dreyfus (M.), « Implantation municipale et dissidences communistes dans la banlieue parisienne (192 (...)

23La Seine-banlieue des années 1920 et 1930 est le foyer de tensions politiques. Après leur adhésion à l’Internationale communiste, le retour des « socialistes-communistes » dans leur « vieille maison » apparaît comme l’illustration du tiraillement des premiers élus communistes « écartelés entre les exigences de leurs mandats électifs et le projet révolutionnaire du parti auquel ils appartenaient »17.

  • 18 Le maire de Saint-Ouen (1929-1944), Gustave Lesesne, tout en réintégrant la SFIO, conserve sa liber (...)

24Ces reclassements ne modifient pas pour autant le paysage politique suburbain. Dans ce territoire en proie aux dissidences, les positions socialistes SFIO et communistes restent fragiles. Ces dernières sont confrontées à l’enracinement des « socialistes indépendants » au premier rang desquels figurent Pierre Laval, maire d’Aubervilliers (1923-1944), Jules Dupoisot, maire de La Courneuve (1912-1936), Louis Rouquier, maire de Levallois (1919-1939), Eugène Fischer, maire de Pavillons-sous-Bois (1925-1944) ou encore Henri Rémond, maire de Stains (1929-1935). À partir de 1933, l’apparition des « socialistes de France », conduits en banlieue parisienne par Charles Auray, maire de Pantin (1919-1938) et Émile Cresp, maire de Montrouge (1928-1944), morcelle encore davantage la représentation politique. Ainsi pour nombre d’édiles, longévité et fidélité partisanes ne se conjuguent pas. L’assise municipale, gage d’un repli possible, favorise l’indépendance ou tout au moins l’autonomie18.

  • 19 Sur l’histoire de Saint-Denis et de son maire Jacques Doriot, on se reportera à la thèse et aux ouv (...)
  • 20 Choisy-le-Roi, municipalité communiste depuis 1920, est perdue en 1925.

25Aux élections municipales de 1925 et 1929, le Parti communiste butte également sur l’emprise des notabilités radicales et des dissidents communistes, ces derniers étant rejoints en 1929 par les élus clichois, menés par leur maire Charles Auffray (1925-1941) et en 1934 par les « doriotistes » de Saint-Denis, Pierrefitte et Villetaneuse19. Cependant entre 1920 et 1935, les conquêtes communistes se font plus nombreuses. À Bobigny, communiste depuis la scission du congrès de Tours, s’ajoutent Malakoff, Ivry, Villejuif et Vitry en 192520, Bagnolet en 1928, Alfortville en 1929 et enfin Gentilly et Gennevilliers en 1934. Mais le véritable envol du Parti communiste se produit aux élections municipales de mai 1935. En banlieue parisienne, vingt-six municipalités sur quatre-vingt sont désormais dirigées par un maire communiste.

  • 21 Wolikow (S.), Le Front populaire en France, Bruxelles, Éditions Complexe, 1996.
  • 22 Figueres (L.) [maire de Malakoff de 1965 à 1996], Histoire des communistes français, Pantin, Le tem (...)

26Cette victoire consacre « la dynamique du Front populaire »21. Mais ce « progrès de l’union »22 n’explique cependant pas tout. À la veille de ce scrutin, les maires communistes n’effraient plus. En deux ou trois mandats, Clamamus à Bobigny, Marrane à Ivry ou Piginnier à Malakoff ont consolidé dans l’opinion, leur image de bon gestionnaire. Leurs réalisations font l’objet de nombreux articles dans la presse communiste locale, relayés au plan national par l’organe central de leur parti. Leur bilan traduit la mise en œuvre de programmes ambitieux, les prestations d’assistance s’amplifient, les services techniques (garages, ateliers...) s’étoffent et se modernisent. Les réserves foncières s’étendent et l’encadrement de la jeunesse s’accentue avec l’essor donné aux patronages laïques, l’ouverture d’équipements collectifs, l’institution de tarifs dégressifs et dans certains cas l’abandon des colonies de placement au profit de véritables propriétés vacancières.

  • 23 Bellanger (E.), « Ancrage des mairies et développement de l’activité municipale » in Ville-employeu (...)
  • 24 Programme du parti communiste, élections municipales de 1935, Paris, Les Publications révolutionnai (...)
  • 25 Fourcaut (A.), op. cit.

27Si incontestablement ces expériences sont légitimantes, comparées aux cités de taille similaire tenues par des adversaires, elles perdent de leur originalité23. Des bains-douches, des dispensaires, des bureaux d’hygiène, soutenus financièrement par les pouvoirs publics, s’implantent dans les années 1920 et 1930 dans toutes les communes importantes de la Seine banlieue. La construction d’habitations à bons marchés (HBM), pourtant défendue dans les programmes du BOP24, reste exceptionnelle. Institué sur le modèle de l’office départemental d’HBM de 1915, l’office municipal de Saint-Denis créé en 1929, comme ceux d’Aubervilliers ou de Pantin, s’apparente à une coquille vide dissoute sous l’Occupation. Ivry est une des rares communes, avec Asnières de tempérament conservateur, à se distinguer en se dotant d’immeubles HBM construits sur fonds municipaux. Même la ville « phare » de Bobigny refuse de privilégier ce type d’habitat en dissonance avec ses lotissements pavillonnaires25.

28Villeneuve-la-Garenne, ville née en 1929 de la séparation de Gennevilliers, illustre bien la difficulté à classifier l’action communale selon la couleur politique des municipalités. Dirigée par des notables modérés, cette assemblée donne ainsi la priorité à l’ouverture d’un garage, semblable à ceux des villes communistes et socialistes, et à l’acquisition d’une colonie en province. De même, alors que les programmes du BOP prônent la municipalisation des services publics, seule la commune radical-socialiste de Saint-Maur exploite en régie l’alimentation en eau de ses administrés et résiste ainsi aux intérêts de la Compagnie Générale des Eaux présente dans soixante-huit communes de la Seine-banlieue.

29Au lendemain de leur élection, confrontés aux contraintes de gestion, les élus communistes favorables à la mise en régie directe des services adjugés, ont le plus souvent privilégié la continuité en reconduisant les contrats de concession. Ainsi les entreprises délégataires ont traversé le plus souvent sans écueil les alternances politiques. L’assimilation de la gestion communiste à la municipalisation des services communaux apparaît donc réductrice. Les municipalités communistes de Saint-Denis, Ivry, Nanterre, Maisons-Alfort et Montreuil ont par exemple maintenu un entrepreneur privé exploitant les établissements de bains-douches d’une vingtaine de communes. L’enlèvement des ordures ménagères a été également le plus souvent adjugé à des entrepreneurs privés par souci d’économie, de lutte contre la « gabegie » et confié à des maisons familiales comme la maison Joyeux ou à de grandes entreprises comme la Société industrielle de transports automobiles (SITA) ou la société auxiliaire de services municipaux, propriétaires de bennes étanches à compression, limitant considérablement les besoins en main-d’œuvre. Le souci de la municipalité dyonisienne de rentabiliser son domaine communal est également éloquent. En 1931, le maire de Saint-Denis, Jacques Doriot, signe ainsi un contrat avec une entreprise locale qui, en contrepartie du paiement d’une redevance, obtient le monopole de l’affichage publicitaire sur les murs et le mobilier de certains édifices publics.

  • 26 Ce n’est qu’en juillet 1943, que Pierre Laval, maire d’Aubervilliers et chef du gouvernement de Vic (...)

30Ces exemples illustrent le décalage entre un discours partisan et une pratique gestionnaire soucieuse d’efficacité et de rentabilité. L’octroi jamais supprimé en est la meilleure démonstration. Déjà fustigé par les socialistes au tournant des XIXe et XXe siècles, cet « impôt vexatoire », cet « instrument inique », cette « entrave à la libre circulation » enfermant les villes et contrariant leur développement, n’en reste pas moins une source indispensable de revenus26. De même, opposés aux grandes entreprises « monopolistiques », les maires communistes n’ont à aucun moment annulé la concession des monopoles communaux aux grands groupes : PFG pour les pompes funèbres, Société d’éclairage Nord-Lumière ou Sud-Lumière pour l’électricité, Société d’Éclairage, Chauffage et Force Motrice (ECFM) pour le gaz, CGE, Société des eaux de banlieue ou Lyonnaise pour l’eau.

  • 27 Entretien avec Charles Auray fils publié in Bellanger (E.), Pantin, Mémoire de ville, mémoires de c (...)

31Confrontés à l’exercice du pouvoir, ces maires se sont écartés des prises de positions formelles de leur parti. Ils ont partagé leurs expériences dans différents lieux de délibérations. À la Chambre, sur la question des lotissements, Jean-Marie Clamamus et Charles Auray, tous deux membres de la commission d’administration générale départementale et communale, participent conjointement à l’élaboration de la loi sur les lotissements défectueux. Selon le fils de Charles Auray, « ses échanges se poursuivaient lorsque Clamamus profitait du véhicule de son père pour rentrer à Bobigny »27.

32Dans le prolongement des premières années du XXe siècle, la mise en place de nouveaux réseaux intercommunaux joue un rôle majeur d’échange de vue, de proposition collective voire de « front commun » transcendant les clivages. Les créations des syndicats des eaux en 1922, de l’électricité en 1924, de la presqu’île de Gennevilliers en 1934, du personnel communal en 1937 et de l’octroi en 1939 recueillent l’adhésion des municipalités communistes. Au lendemain de leur victoire de 1935, leurs représentants intègrent le bureau de ces syndicats et en assument la présidence à l’instar de Marrane également vice-président du comité supérieur d’aménagement de la région parisienne et président du conseil général.

33Localement les exemples de coopération se multiplient. À Pantin, l’administration de l’hospice intercommunal est l’occasion de décision commune entre les élus communistes de Bagnolet, socialistes du Pré-Saint-Gervais, « socialistes de France » de Pantin et radicaux-socialistes des Lilas. Celui de Fontenay-sous-Bois réunit également les conseillers communistes de Montreuil et ceux conservateurs de Vincennes et Fontenay. Enfin, la gestion de l’hôpital intercommunal de Créteil construit entre 1936 et 1938 est aussi partagée entre le premier maire communiste de Bonneuil, Henri Arlès élu en 1935 et ses homologues, adversaires politiques, des communes limitrophes.

  • 28 Jean-Luc Pinol a récemment mis en valeur l’inégale contribution de l’État et des départements dans (...)

34Les liens entre les communes suburbaines sont enfin renforcés par le régime particulier des finances communales de la Seine-banlieue28. Les cités de la première ceinture parisienne, rangées proportionnellement à leur nombre d’habitants parmi les villes les plus riches de France, bénéficient en effet d’une contribution financière exceptionnelle de l’État et du département de la Seine, couvrant en moyenne 46 % de leurs recettes. Les conseillers généraux de la Seine dont le nombre ne cesse de croître face à leur homologue de la capitale, ont manifestement œuvré dans l’intérêt collectif de leur territoire et conforté ainsi l’interventionnisme partial des pouvoirs publics.

35Comme l’atteste la correspondance des maires de la banlieue, les échanges et les informations ayant trait aux contraintes de gestion circulent. Les difficultés de telle ou telle municipalité sont relayées au sein de l’Amicale des maires de la Seine que le communiste Léon Piginnier dirige à partir de 1937. Administrer sa commune « en bon père de famille », soucieux d’anticiper sur l’avenir et d’équilibrer son budget, ne constitue pas uniquement l’apanage du maire radical-socialiste ou modéré. Sur le terrain de l’action municipale, les radicaux, Léon Champion, maire de Maisons-Alfort (1901-1935), Auguste Mounié, maire d’Antony (1912-1940) ou Auguste Marin, maire de Saint-Maur (1908-1941), les modérés Charles Digeon, maire de Saint-Mandé (1900-1936) ou Pierre Champion, maire de Nogent-sur-Marne (1919-1942) se confrontent, mais convergent également avec leurs homologues socialistes et communistes sur de nombreux sujets fédérateurs et en particulier sur ceux désignant les responsabilités de l’État.

36L’élection d’un maire communiste n’est donc pas synonyme de bouleversement. Le personnel communal est maintenu et côtoie une minorité de militants recrutés sur critère affinitaire. Sans le revendiquer, il reprend à son compte l’héritage des précédentes municipalités, insuffle de nouvelles sociabilités et étend ses réseaux de sympathisants. Son image d’administrateur tient à son réalisme. Tout en dénonçant les institutions, il tire le plus grand profit de leurs aides à la construction d’équipement. Il ne rejette pas la tradition de coopération mayorale et contribue à la rationalisation de l’administration communale par la promotion notamment des anciens élèves de l’ENAM. Sa conduite des affaires municipales participe ainsi à harmoniser les modes publics d’intervention et à faire de sa gestion communale un municipalisme ambitieux.

37La pratique des maires communistes, y compris en période de repli ou de bolchevisation, s’est ainsi trouvée à contre-courant de la radicalité des professions de foi ou des articles engagés publiés dans la presse d’opinion, réduisant trop souvent la représentation politique des municipalités de la Seine-banlieue à des mondes cloisonnés et antagonistes. Les bulletins municipaux, les enquêtes de l’Amicale des maires de la Seine, les comptes rendus du travail collégial des secrétaires de mairies révèlent des réalisations édilitaires semblables, dictées par l’accroissement démographique et l’émergence de besoins nouveaux. L’interventionnisme municipal, quelle que soit son imprégnation idéologique, s’étend à l’ensemble des communes. Davantage accompli dans des villes d’enracinement politique, ce municipalisme est associé le plus souvent au charisme et à la popularité d’un homme.

  • 29 Brunet (J.-P.), Un demi-siècle d’action municipale à Saint-Denis la Rouge 1890-1939, Éd. Cujas, 198 (...)

38Cette tendance lourde à l’uniformité ne doit pas pour autant masquer l’inégale contribution des assemblées communales à la cohésion de leur cité. Selon le profil sociologique dominant des communes, les orientations budgétaires donnent lieu à des prestations disparates. Dans les villes populaires à direction communiste, l’ampleur des dépenses sociales, alimentant le bureau de bienfaisance ou la caisse des écoles, relève d’une décision politique répondant à une demande sociale29. L’instauration des soupes populaires en décembre 1930 à « Saint-Denis la rouge », certes connotée, est aussi une réaction à une paupérisation plus grande qu’à Neuilly ou à Saint-Mandé. Le politique ne s’efface pas machinalement devant la « technicité » ou les formes de rationalisation, qu’il a lui-même impulsées.

  • 30 Nous nous inspirons ici du sous-titre de l’ouvrage dirigé par Fourcaut (A.), Banlieue rouge 1920-19 (...)
  • 31 Pennetier (C.) et Peschanski (D.), « Partir, se taire, rester : les choix des élus de la Seine », i (...)

39À la veille de la signature du pacte germano-soviétique, les expériences communistes à la tête des affaires communales constituent un « banc d’essai »30 réussi. La suspension, puis la déchéance des élus communistes ébranlent cependant cette assise31. Leur association d’études et d’informations municipales est dissoute à l’automne 1939. Jusqu’à l’été 1944, ils sont remplacés par des hommes et des femmes « délégitimés » ne relevant plus du collège électoral mais de la préfecture de la Seine.

L’âge d’or et l’ancrage du communisme municipal

  • 32 Par petite couronne, nous désignons ici les communes de la Seine-banlieue. Les villes de l’ancienne (...)
  • 33 En 1946, Levallois-Perret est dirigé par le maire communiste Lucien Marrane, frère du maire d’Ivry.

40En août 1944, les représentants du « parti des fusillés » prédominent32 dans les comités locaux de la Libération (CLL). Les élections municipales provisoires des 29 avril et 13 mai 1945, premier scrutin électoral depuis celui du printemps 1936, consacrent le second décollage de l’assise communiste en Seine-banlieue. Quarante-neuf municipalités élues sur des listes d’Union patriote, républicaine et antifasciste (UPRA) sont dirigées par des maires communistes ou affiliés33. Leur parti détient la majorité absolue dans une trentaine de municipalité et s’impose dans des villes emblématiques : Saint-Denis, Pierrefitte et Villetaneuse sous influence « doriotiste », Aubervilliers et La Courneuve sous influence « lavaliste », Alfortville et Bobigny tenues par des maires communistes maintenus sous Vichy, jusqu’à Suresnes, symbole du socialisme municipal.

  • 34 L’Amicale des maires patriotes obtient ainsi des mesures pour l’équilibre des budgets communaux.

41Les représentants communistes dominent les syndicats intercommunaux et l’union des maires patriotes de la Seine qui impose ses directives à l’ensemble des conseils municipaux. Interlocuteurs incontournables des autorités de tutelle, les dirigeants de l’Union des municipalités communistes de la région parisienne, Georges Marrane, Raymond Barbet, maire de Nanterre (1935-1939, 1944-1973), Louis Péronnet, maire de Bezons en Seine-et-Oise (1926-1939, 1944-1961), Henri Quatremaire, maire de Noisy-le-Sec (1944-1947, 1959-1971) et Waldeck L’Huillier, maire de Gennevilliers (1944-1973), se font les chantres des libertés communales et s’opposent avec un certain succès aux autorités préfectorales34. Leur attitude devant la dissolution des milices patriotiques qu’ils n’ont pu municipaliser révèle cependant que leur parti, conscient du rapport de force, se montre légaliste et abandonne toute tentative de mise en place d’un pouvoir local concurrentiel.

  • 35 Évènement cité par Jacques Girault in Seine-Saint-Denis, chantiers et mémoires, Paris, Autrement, 1 (...)

42Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le Parti communiste modifie considérablement son discours sur l’action municipale. La commune, lieu d’implantation et gage d’une représentation parlementaire, devient le faire-valoir du communisme français, y compris à l’étranger lorsque le conseil municipal de Saint-Denis adresse à Staline, pour sa soixante-dixième année, la maquette de son hôtel de ville « triomphant » de 188335.

  • 36 Cette conférence est restituée in Raymond Barbet, Louis Péronnet, Henri Quatremaire, Étienne Fajon (...)

43La conférence du 19 mai 1945 tenue à la mairie de Montreuil36, une semaine après leur victoire, est révélatrice de l’importance que la direction du Parti communiste accorde à l’action municipale. Selon André Marty, 600 délégués représentants 14 arrondissements de Paris, 62 communes de la Seine, 132 de la Seine-et-Oise et 6 de la Seine-et-Marne, ont répondu présent à la convocation du secrétariat de leur parti. La ligne directrice de cette assemblée revient comme un leitmotiv : « tous doivent être des constructeurs ». Mais derrière ce thème fédérateur, deux discours se distinguent, celui plus dogmatique des membres de la direction du parti, André Marty et Étienne Fajon, et celui plus pragmatique des maires des « vieilles municipalités communistes », Raymond Barbet et Louis Péronnet.

44Dans son intervention, Raymond Barbet « fait la démonstration que si les communistes sont des combattants courageux, ils sont aussi des administrateurs émérites ». Les « vieilles municipalités communistes » élues avant-guerre sont alors érigées en modèle. Pour le maire de Nanterre, la gestion municipale ne s’improvise pas. À ce titre, il critique sévèrement la conduite aventureuse du maire communiste des Lilas, Daniel Georges (1944-1947) qui a fait voter une subvention pour payer un supplément de retraite aux vieux travailleurs de sa localité alors que cette dépense n’incombe pas aux communes. « Il ne suffit pas de conquérir de nouvelles positions, il faut les consolider et les élargir. […] il va falloir que vous qui étiez hier dans les usines, chantiers, bureaux, que vous ayez entre vos mains, dans votre bureau, la loi du 5 avril 1884, parce que vous aurez constamment besoin de vous y reporter […], puisque c’est elle qui nous régit. » Lorsque l’on est maire « il faut voir les choses en hommes pratiques » et « ne pas faire preuve de sectarisme ».

45Cet avertissement est suivi de recommandations : instituer des instruments participatifs à l’instar des « commissions municipales élargies » au comité de quartier, aux représentants des commerçants..., éditer un bulletin municipal « sans verbiage » pour faire connaître l’action municipale, désigner les responsabilités de l’État dans la situation difficile des communes en prenant à témoin la population, faire des concessions à la minorité en l’intégrant dans le bureau municipal ou les commissions, traiter en priorité les questions intéressant l’enfance et le service social municipal, appuyer les revendications du personnel et valoriser le travail des femmes en leur attribuant si elles en ont les capacités des fonctions d’adjointes. Sur les modes d’intervention, Raymond Barbet abandonne un discours formel déconnecté de la pratique administrative : « Il ne faut pas être par principe pour la régie, si ça coûte plus cher que l’entreprise ».

  • 37 Compte rendu de l’Amicale des maires patriotes, décembre 1944.

46Dans les villes de conquête sans tradition communiste, le maire de Nanterre incite les élus à bien connaître la situation financière de leur commune et à faire appel à un secrétaire particulier « homme de confiance », sans révoquer pour autant les secrétaires de mairie, dont le statut garantit l’emploi. La méfiance à l’égard de ces derniers est réelle. Ces hauts fonctionnaires municipaux que le gouvernement de Vichy a souhaité sans succès « étatiser » sont sous haute surveillance car ils « ont le souci, par déformation professionnelle, de suivre les instructions préfectorales »37. À la Libération, vingt-sept d’entre-eux ont été inquiétés. Mais dans l’esprit des maires communistes, il n’est pas encore question de remplacer ce corps professionnel par des cadres politiques. Barbet, comme ses homologues, n’est pas un partisan de la politisation des mairies. Vis-à-vis des « camarades du Parti » qui travaillent dans les municipalités, son jugement est du reste catégorique : à chacun sa place. Le personnel communal communiste « doit observer à l’égard des élus municipaux communistes, l’attitude qu’un employé doit observer en général ».

47Raymond Barbet achève son intervention sur deux « écueils » à éviter : « faire de la mairie la Maison du parti et s’isoler du parti ». Les maires, légitimés par leur expérience de « constructeurs », ne contestent pas le contrôle du Parti sur le travail municipal, qui se manifeste dans les municipalités communistes homogènes par la présence au bureau municipal du secrétaire de section, mais ce contrôle doit s’exercer en priorité par l’union des élus municipaux qu’ils dirigent.

  • 38 Fajon (É.) « Les principes de l’action des communes dans les mairies ». in Tout pour le peuple et p (...)

48Le discours d’Étienne Fajon38 , député de la Seine et membre du Bureau politique responsable de l’éducation, est d’une toute autre nature. Il s’entend comme un rappel à la « discipline du parti ». Le Parti communiste ne peut être assimilé à un groupement d’élus municipaux prisonniers d’un localisme « étroit » : « les élus municipaux communistes doivent s’inspirer de notre appréciation juste, marxiste-léniniste, du rôle des municipalités [apprécié] comme un des rouages de l’État bourgeois, comme un instrument de domination de classe ». Étienne Fajon reprend ainsi la traditionnelle opposition entre conceptions révolutionnaires et conceptions réformistes qui identifie la commune à une institution de « compromis avec la bureaucratie omnipotente » et à un « cadre dans lequel peut s’opérer progressivement le passage du capitalisme au socialisme ». « Pour le marxisme-léninisme, la condition première du passage du capitalisme au socialisme, problème de l’avenir, c’est la destruction de la machine de l’État, y compris la municipalité dans sa forme actuelle... »

49Après quelques lignes sur le « rôle positif » du travail municipal qualifié « d’élément important de formation des cadres de notre parti », Etienne Fajon s’attaque aux risques de dissidence désignés sous les termes de « crétinisme municipal » :

« Le “crétinisme municipal” [est] la croyance opportuniste d’après laquelle l’action des Communistes dans les mairies serait capable de changer la face du monde et de résoudre sur le plan local les contradictions de la société capitaliste. La présence à la tête d’un certain nombre de mairies de représentants des partis et courants socialistes petits-bourgeois, non marxistes, nous offre de nombreux exemples de “crétinisme municipal”. Les élus qui en sont atteints ne tardent pas à mépriser les masses populaires et leurs luttes, à se détacher des masses pour vivre exclusivement à la mairie, oubliant ce que Staline a expliqué avec tant de vigueur, à savoir que la liaison avec le peuple est la source de toute force. Ils en viennent à regarder de haut leur parti [et] négligent de participer à son action […]. Si le “crétinisme municipal” gagne un communiste, il s’abstiendra vite d’assister aux réunions de sa cellule ou du comité de section […] ; il oubliera les notions les plus élémentaires de la discipline du Parti, notamment le principe selon lequel c’est le Parti qui dirige dans chaque localité l’action de ses élus, et non le contraire.
Comment se préserver du « crétinisme municipal » […] : 1° Améliorer toujours plus ses liaisons avec le peuple […] ; 2° Militer activement dans l’organisation du Parti […] ; 3° Étudier avec soin les documents du Parti […] ; 4° Veiller à développer ses connaissances théoriques […] pour éviter de sombrer dans le patriotisme étroit. De même que le curé se reporte quotidiennement au bréviaire qui renferme le dogme de sa religion, de même il est souhaitable que l’élu communiste se retrempe constamment aux sources scientifiques, vivantes et sans cesse enrichies du marxisme-léninisme, qui éclaire l’ensemble des problèmes politiques ; 5° Entretenir des contacts fréquents avec l’organisme dirigeant du travail municipal […] ; 6° Mener une vie modeste, avec le traitement assigné par le Parti. »

  • 39 « L’activité des élus communistes dans les municipalités » in Tout pour le peuple et par le peuple. (...)

50La conclusion d’André Marty39, secrétaire du Parti communiste, se nourrit des mêmes références. D’un ton ferme et sans concession, il critique avec vigueur les élus qui n’ont pas pris de notes durant cette journée d’étude. Tout en soulignant l’apport essentiel de vingt-cinq ans d’expérience municipale, André Marty clame à la fois les mots d’ordre du Parti (application du programme du Conseil national de la Résistance, lutte contre les trusts...), mais aussi la méfiance qu’il éprouve à l’égard de la « technicité », prétexte selon lui à l’inapplication du programme du Parti.

« Nous avons connu, il y a vingt ans, des élus qui prétendaient : “Le Parti ne comprend rien au travail des municipalités. C’est une technique particulière”. Tous ceux qui défendaient la “technicité” voulaient éviter le contrôle du Parti : tous sans exception, ont glissé dans la trahison. Exemple : Louis Sellier et toute sa bande au Conseil municipal de Paris […] Il faut donc suivre ce que dit et fait le comité de section du Parti ; il faut écouter et suivre ce que dit le comité régional, il faut suivre attentivement ce que dit le comité central ; ainsi l’élu est toujours certain d’agir dans le sens des intérêts du Peuple. »

51Sa méthode de travail se résume à quelques principes : « administrer, c’est réaliser et non bavarder », « travail collectif, responsabilités individuelles et vérification de l’exécution des tâches », « planification des réalisations », « s’entourer de bons collaborateurs » et « réserver des soirées d’études pour le parti ».

  • 40 Bellanger (E.). Mémoire de Ville, mémoire de « communaux »…, op.cit.

52Les tenants de l’appareil politique, à l’affût de toute dérive édilitaire, n’ont cependant pas de prise réelle sur la gestion municipale des maires communistes. Pour citer, Monique Ralite, secrétaire de Jean Lolive, maire de Pantin (1959-1968), ou son successeur, Jacques Isabet : « c’était le maire et non pas le secrétaire de section du parti qui décidait. Jean Lolive, homme de dossier, était inattaquable. Militant populaire, il se faisait respecter. Le comité de section de son parti ne lui imposait pas ce qu’il ne souhaitait pas. Jean Lolive savait conserver son terrain, ce qui fut certainement moins vrai après sa mort »40. Cette répartition des rôles est d’autant plus difficilement contestable que vingt-quatre des maires communistes élus en 1945 sont entrés au conseil municipal de leur commune dans les années 1920 ou 1930. Jouissant d’une solide assise municipale et légitimés par la Résistance ou la répression, ils incarnent ce que tous s’accordent à défendre : le maire « réalisateur ».

53En dépit des soupçons que la direction du Parti fait peser sur « l’esprit de suffisance » de certains élus, l’action municipale des maires communistes est reconnue comme le meilleur moyen de conserver son emprise suburbaine. Dans l’immédiat après-guerre, la politique municipale se concentre sur ses missions de ravitaillement, de réorganisation des services, de restauration du domaine communal, de soutien aux sinistrés et de développement des œuvres sociales. Si les politiques d’équipements sont limitées par le déséquilibre des finances communales, les maires communistes planifient les réalisations futures. L’éducation par le sport, la promotion d’équipement de proximité, l’acquisition de réserves foncières et la mise en œuvre de programme de logements constituent la colonne vertébrale de leurs orientations.

  • 41 41 DBMOF, notice de Claude Pennetier
  • 42 À la Libération, André Lurçat travaille également à la reconstruction de la ville de Maubeuge. Aute (...)

54Leurs projets sont portés par des élus « professionnels » et des techniciens. André Lurçat, architecte-urbaniste et Venise Gosnat41, premier adjoint d’Ivry (1945-1965) en sont les archétypes. Membre en 1945 du conseil d’administration de l’office départemental HLM de la Seine, Venise Gosnat est à l’origine d’un bureau inter-offices et participe à la mise en place des offices municipaux dans les communes dirigées par les équipes d’UPRA : Saint-Ouen, Arcueil, Gentilly, Saint-Maur, Joinville-le-Pont, Thiais, Nanterre, Vitry, Gennevilliers et Romainville. André Lurçat42, architecte urbaniste, devient l’architecte en chef de la ville de Saint-Denis de 1945 à sa mort, en 1970. Il édifie les premières cités et dirige la construction de nombreux groupes scolaires et du palais des sports. Dans les années de reconstruction et de révision des plans d’aménagement locaux amorcée par les services de la préfecture, le recours à ces spécialistes communistes pour conduire le réaménagement urbain et la construction de nouveaux quartiers est le plus sûr moyen de préserver la maîtrise des sols et de contrôler ainsi les programmes immobiliers, en particulier ceux qu’exporte la ville de Paris.

  • 43 Le programme municipal du parti pour la banlieue, schéma de cours pour la préparation de la campagn (...)

55En septembre 1947, un mois avant le renouvellement des assemblées communales, Waldeck L’Huillier expose le programme municipal de son parti pour la banlieue43. L’Information municipale constitue toujours la référence. Le « programme du constructeur réaliste » concilie, comme par le passé, des thèmes nationaux (défense de l’école laïque...) et des projets d’intérêt communal (programme de quartier, plan d’aménagement...). Après la rupture du Tripartisme, le principal enjeu politique est de maintenir « le Grand Paris » sous l’influence du Parti communiste.

56Aux élections municipales du 20 octobre 1947, le PCF accuse cependant une sévère défaite. La vague RPF et les conséquences de la loi électorale de 1947 instituant la proportionnelle dans les villes de plus de 9 000 habitants donnent lieu à la constitution de larges coalitions anticommunistes. Si le 20 octobre, l’Humanité croit encore pouvoir affirmer en première page que « face aux furieux assauts des forces coalisées contre lui, le Parti communiste maintient solidement ses positions dans la Seine », une semaine plus tard l’organe central déchante et dresse le bilan « des monstrueuses collusions SFIO-factieux ». « La trahison socialiste encourage de Gaulle, les socialistes livrent 8 mairies à la réaction, le RPF élit un maire “socialiste” dans 11 localités ». Vingt-deux communes sont perdues au profit de maires socialistes SFIO, RPF, MRP ou « indépendants ». Le Parti communiste sort cependant victorieux à Champigny et à L’Ile-Saint-Denis et dirige encore vingt-huit municipalités dont la composition politique est désormais plus homogène. Cet échec ne conduit pas pour autant les maires communistes à se replier sur leurs communes et leur groupement d’élus. Si la présidence de l’Amicale des maires de la Seine échappe au président sortant, le maire de Montreuil Daniel Renoult, au profit du maire socialiste de Boulogne, Alphonse Le Gallo, les maires communistes restent néanmoins membres du bureau. Raymond Barbet est vice-président, Louis Dolly, maire de Villejuif, secrétaire général adjoint et Morel, maire du XXe arrondissement, trésorier-adjoint.

  • 44 Le PSU fondé en octobre 1948 est opposé aux alliances de Troisième force et favorable à l’unité d’a (...)

57Six ans plus tard, le Parti communiste est confronté au tassement de ses positions. À l’issue du scrutin du 26 avril 1953, il perd deux villes, Joinville-le-Pont et Le Plessis-Robinson. À l’heure des comptes, vingt-sept municipalités sont toujours dirigées par un maire communiste. Mais les reconquêtes d’Issy-les-Moulineaux et de L’Haÿ-les-Roses ne résistent pas dans les mois suivants aux renversements d’alliance et à La Courneuve, la tête de liste communiste doit se résigner à faire élire un colistier du Parti socialiste unitaire (PSD)44, doyen de l’assemblée, Alphonse Rollin.

  • 45 Titre de l’Humanité-dimanche du 22 février 1959 annonçant les élections municipales des 8 et 15 mar (...)

58En 1959, après le raz-de-marée gaulliste aux élections législatives de 1958 qui voit le Parti communiste passer de 147 à 10 députés, la mairie communiste est présentée comme une « citadelle de défense républicaine »45. Les élections municipales, qui se déroulent au scrutin majoritaire, confortent finalement la résistance des bastions du Parti communiste et amorcent une remontée tangible de ses positions. Profitant dans certaines localités du rapprochement avec la SFIO, ses listes sortent victorieuses à Choisy-le-Roi, Châtillon, Pantin, Orly, La Courneuve, Noisy-le-Sec et Le Plessis-Robinson et compensent ainsi largement l’unique perte de Thiais. Désormais trente-et-une mairies sur les quatre-vingt que compte la Seine-banlieue sont à direction communiste. Aux élections municipales de 1965, 1971 et 1977, les dynamiques locales d’union de la gauche renforcent encore l’emprise en proche banlieue du Parti communiste qui n’accuse aucune perte. Levallois-Perret, Fontenay-sous-Bois et Colombes sont gagnées en 1965, Rosny-sous-Bois en 1971 et Chevilly-Larue, Antony et Joinville en 1977.

59Comme lors des élections de 1925, 1929 ou 1935, l’élection d’un maire communiste n’est pas synonyme de rupture. La continuité administrative prévaut. Le personnel reste stable et les entreprises concessionnaires sont reconduites. De nouvelles impulsions sont cependant accordées au logement et des décisions politiques sont prises à l’instar de la municipalité communiste de Pantin qui souscrit dès son élection en 1959, trente-et-un abonnements à L’Information municipale.

  • 46 Dupuy (F.), Être maire communiste, Paris, Calmann-Levy, 1975

60Le discours des maires communistes reste imprégné du pragmatisme des « pères » fondateurs de la première génération. Fernand Dupuy46, maire de Choisy (1959-1979), définit ainsi sa magistrature : le maire militant communiste est un « patron [qui se retrouve à la tête d’une entreprise de plus de 500 employés [position] qui n’est pas toujours confortable ». Il affirme ne pas pratiquer « une politique de discrimination politique systématique ». « Aucun employé n’a jamais été inquiété pour ses opinions politiques. Le secrétaire général de l’ancienne municipalité est resté secrétaire général jusqu’à sa retraite ; le secrétaire général adjoint est devenu secrétaire général ; toutes les promotions de chef de service se sont faites normalement. A la tête de ces différents services administratifs […] il n’y a pas un seul communiste ». Cette description s’applique de façon identique aux autres mairies communistes. Jusque dans les années 1970, à Ivry, Pierrefitte, Stains, Bobigny, Montreuil, Pantin..., les secrétaires généraux, qui ont bénéficié sans entrave de la promotion interne, ne sont pas communistes.

61L’intercommunalité conserve également toujours leur confiance et leur investissement. Après l’hôpital de Créteil inauguré à la fin des années 1930, le maire communiste de Bonneuil, Henri Arlès, promeut la création d’une maison de retraite avec ses voisins, Georges Defert, maire divers gauche de Joinville, Pierre Billotte, maire UNR de Créteil et Gilbert Noël, maire conservateur « indépendant » de Saint-Maur. Les rapports à la tutelle se pacifient davantage grâce à la médiation de leurs secrétaires généraux non partisans restés en très bon terme avec leur tutelle.

62A la veille des élections municipales de 2001, un constat s’impose. Depuis 1945, Arcueil, Aubervilliers, Bagneux, Bagnolet, Bobigny, Bonneuil, Drancy, Gennevilliers, Gentilly, Ivry, Malakoff, Montreuil, Nanterre, Pierrefitte, Romainville, Saint-Denis, Saint-Ouen, Stains, Villejuif, Villetaneuse et Vitry, soit vingt-et-une communes de l’ancienne Seine-banlieue, n’ont eu à leur tête que des maires communistes. Ce chiffre monte à vingt-trois municipalités si l’on ajoute Champigny et L’Ile-Saint-Denis communiste depuis 1947. Pour la plupart d’entre-elles, cette continuité politique prend racine dans les années 1920 ou 1930. Sur plus d’un demi siècle, cette longévité s’est construite sur la qualité « légitimante » d’administrateur attribuée aux maires communistes, sur le maintien dans leur ville d’un « petit village », composé de militants politiques et associatifs et d’employés de mairie bien plus captifs en période de faible mobilisation, sur leur politique municipale d’aménagement urbain.

63Aujourd’hui, plus que par le passé, la représentation sur la scène nationale du Parti communiste tient essentiellement à son implantation. Conscient de cette assise stratégique, ce parti s’est montré souple sur la conduite des affaires municipales. Dans les années d’après-guerre, les exclusions de Charles Tillon, maire d’Aubervilliers (1945-1952) et de Robert Deloche, maire de Joinville (1944-1953) font figures d’exceptions. De façon similaire, dans les années 1980, la prise de distances des maires communistes de Saint-Denis, d’Aubervilliers, de Montreuil, d’Arcueil, de Pantin, de Tremblay, de Sevran et d’Orly, donne certes lieu à de fortes tensions, voire à des candidatures dissidentes comme à Orly aux municipales de 1989 et à Saint-Denis aux élections cantonales de 1994, mais cette contestation interne n’est pas suivie de mise au ban. Les relations se sont au contraire normalisées, aidées en cela par les convoitises des partenaires des autres composantes de la gauche.

Municipalité communiste et personnel communal

64La formation du personnel communal est tributaire du rapport étroit le liant à ses édiles. Inscrite dès l’origine dans l’article 88 de la charte municipale du 5 avril 1884, cette liaison a toujours imprégné le recrutement, la stabilité ou les temps d’épuration du personnel. De ces dispositions juridiques, une vision caricaturale du personnel à la merci du pouvoir discrétionnaire des maires s’est diffusée. Transmise par les groupements corporatistes, cette sombre représentation est à nuancer.

65Le personnel communal s’est constitué dans toutes les municipalités de la Seine banlieue autour de cinq formes de recrutement : le recrutement local, social, familial, affinitaire et méritocratique. Ces types de recrutement, souvent croisés, coexistent sans discontinuité du milieu du XIXe siècle aux années 1970. Seules les nominations sur titre, apparues plus tardivement dans les années 1920 au moment de la création de l’ENAM, se démarquent davantage d’un système en apparence verrouillé, système privilégiant l’enracinement et les réseaux familiaux ou « clientélaires » au détriment de la qualification professionnelle et de la mobilité géographique.

66Cette typologie converge sur un point essentiel : la fidélisation du personnel communal. Cette préoccupation, semblable à celle exprimée par le patronat français, est partagée par l’ensemble des maires. En ce sens, le paternalisme et ses réalisations sociales, conçus par les entrepreneurs pour s’attacher une main-d’œuvre jugée volatile, existent également dans le monde des mairies, à l’instar du personnel communal souvent prioritaire dans l’attribution des premiers logements HBM.

67Comparées l’une à l’autre, l’histoire du personnel communal et celle du personnel politique s’accordent sur un point essentiel, celui d’une longue quête de reconnaissance légale. A ce titre, si la position sociale du personnel est fragilisée avant l’adoption des premiers statuts locaux au tournant des XIXe et XXe siècles, celle du pouvoir municipal n’est finalement reconnue que quelques décennies auparavant, en 1882 avec l’élection du maire par son conseil mettant ainsi fin à la nomination préfectorale ou ministérielle.

68La représentation d’une administration municipale politisée s’est imposée lors de l’accession des militants du mouvement ouvrier aux fonctions électives. Ces maires ont pu ainsi faire de l’emploi communal des « emplois refuges », ou dans un mouvement inverse, des « emplois-tremplins » ou de « transition » vers un mandat électoral. Les frontières séparant le monde de l’administration du monde de la politique se sont ainsi révélées poreuses. Ainsi d’anciens élus locaux à la recherche d’un emploi de substitution ont été nommés comme employés de mairie à l’image du premier maire socialiste d’Aubervilliers Michel Georgen (1919-1923), devenu employé auxiliaire dans sa ville d’élection. À l’inverse, Georges Barthélémy, après une expérience de responsable du contentieux de la mairie de Puteaux, est élu maire de cette commune (1930-1940). Alphonse Le Gallo, militant SFIO et cadre communal de Boulogne-Billancourt dans les années 1920, suit la même trajectoire en accédant à la direction de cette commune de 1945 à 1965. Travailler dans une mairie à un poste d’encadrement constitue ainsi un gage de compétence exploité par les partis politiques à l’image du parcours de Gaston Chardin, receveur municipal, promu maire SFIO de Champigny (1933-1940).

69Ces passerelles ne sont pas réservées aux seules communes socialistes. Auguste Gillot, maire de Saint-Denis (1944-1971), est avant son élection recruté au service de la municipalité communiste d’Ivry-sur-Seine. Fernand Grenier, élu député communiste de Saint-Denis en 1936, a lui aussi travaillé dans une municipalité du nord de la France. Il en est de même pour Henri Varagnat, maire de Bondy (1935-1939), employé à Bobigny et Bagnolet, Georges Lebigot, maire de Villejuif (1937-1939) employé des villes communistes d’Arcueil et de Gentilly et Georges Beaugrand, maire de Gentilly (1934-1939), employé à la mairie de Saint-Denis. Certains de ces emplois n’ont laissé aucune trace et ont pu ainsi être qualifiés d’emplois fictifs.

70Comme dans les mairies socialistes, l’administration municipale s’est révélée un vivier pour le Parti communiste. André Duval, secrétaire général adjoint de Bagnolet dans les années 1930, détaché en 1938 pour la fédération nationale des municipalités ouvrières et paysannes, est élu maire-adjoint à Bobigny. Fernand Roussel, ancien collaborateur du docteur Hazemann et d’Henri Sellier à la mairie de Suresnes, est présenté par le Parti communiste dans le Lot aux élections législatives de 1936 et devient maire-adjoint de Suresnes à la Libération, cumulant ainsi ces fonctions avec celle de secrétaire général de Saint-Denis. Le parcours de ce secrétaire général communiste, président en 1958 de la section française du comité technique de l’union internationale des villes et des pouvoirs locaux, dont le bureau et le comité général ne sont composés que de maires socialistes, démocrates chrétiens et RPF, illustre non seulement l’existence de passerelles entre communistes et adversaires politiques, mais aussi la reconnaissance quasi unanime de la compétence de ces techniciens partisans.

71Tous ces élus ne tirent pas automatiquement gloire de leur passage dans une mairie. Ainsi Fernand Grenier se présente à chaque élection comme un ouvrier métallurgiste, métier noble comparé à celui déconsidéré d’employés de mairie. Jack Ralite, maire d’Aubervilliers, préfère quant à lui se prévaloir dans le Who’s Who de la profession de journaliste plutôt que de celle de rédacteur communal.

72À contre-courant des idées reçues, ces passerelles entre militants et administration communale ne constituent aucunement l’apanage des mairies dites de gauche. Charles Deutschmann, ancien receveur municipal, est ainsi élu de 1947 à 1965, maire RPF de Levallois-Perret. De même sensibilité politique, Jean-Claude Caron, après une carrière d’employé puis de secrétaire général de plusieurs mairies de la banlieue, est élu maire-adjoint et conseiller général divers droite de Rueil et Charles Jobelin, ancien secrétaire général de Nogent-sur-Marne de 1907 à 1929 est élu maire divers droite de cette commune de 1947 à 1954, après avoir été président de la délégation spéciale de Champigny (1941-1944).

73« Être parent » d’un élu constitue également une voie d’accès aux emplois de mairie. Mais ces parcours imprégnés de filiation politique ne doivent pas travestir la réalité. L’analyse des archives et des corpus de sources orales démontre que la politisation des emplois hiérarchiques est restée limitée et tardive. À ce titre, l’histoire des secrétaires généraux de la Seine-banlieue, ponctuée par des temps de radicalisation (notamment au lendemain de la Grande Guerre et en 1944-1945) ne se politise, au sens partisan du terme, que dans les années 1970 et 1980 au moment du renouvellement de génération et dans une période de forte politisation due à l’union de la gauche. Un de nos témoins, secrétaire général dans les années 1950 et 1960, résume ainsi ces pratiques : « les maires communistes étaient fiers d’avoir des secrétaires généraux non communistes et les secrétaires généraux des villes communistes étaient fiers d’appliquer la politique municipale de leurs maires ».

74La présence d’un activisme politique au sein de l’administration communale n’est cependant pas une abstraction. Si la stabilité du personnel communal s’est le plus souvent conjuguée avec un comportement attentiste, au début des années 1920, dans les municipalités dirigées par la SFIO ou le Parti communiste, les ateliers et les services de la voirie rassemblent déjà une grande partie de leurs militants. Le recrutement politique, pour reprendre l’expression d’anciens élus, est pour les nouvelles équipes municipales « une préoccupation politique du moment ». Les nouveaux élus socialistes ou communistes, tout en maintenant le personnel en fonction, s’entourent d’un noyau de militants, introduits dans les rouages de l’appareil municipal et sur lesquels ils peuvent s’appuyer pour mettre en œuvre leurs politiques. Pendant la Guerre froide, la radicalisation des rapports de force, exprimés notamment lors des grandes grèves politiques de 1947 et 1953 ou encore lors de la manifestation contre le général Ridgway le 28 mai 1952, mobilise également le personnel des mairies communistes. Cette politisation assumée se révèle encore lors de la préparation de la fête de l’Humanité à laquelle une partie importante des ouvriers communistes des services techniques participent. Ces derniers exemples attestent de l’existence dans les municipalités socialistes ou communistes d’une forte cohésion entre le personnel politique et le personnel communal. Cette communauté d’intérêt contribue ainsi à resserrer le maillage sociétal (composé des communaux, d’une partie du corps enseignant, des associations para-municipales sportives ou d’éducation populaire, des compagnies locales de sapeurs pompiers...) liant plus étroitement la population à la municipalité.

75Aussi, assimiler la mobilisation ou l’intéressement du personnel communal à l’application des politiques municipales (naturellement encouragés par les maires) à des formes classiques de « politisation clientélaire », paraît-il réducteur. L’histoire commune du personnel communal et des élus est à l’origine de la constitution d’une « légitimité partagée ». En ce sens, bien que de nature différente, la légitimité du suffrage universel des élus locaux et celle professionnelle des fonctionnaires communaux (et plus encore des cadres communaux) sont indissociables.

76Au lendemain de la Grande Guerre, l’action municipale de maires socialistes et communistes, faire valoir du municipalisme français, sont sources de reconnaissance et de cohésion pour les municipalités. De façon similaire durant les Trente Glorieuses, le succès du « communisme municipal » est inséparable à la fois du professionnalisme de ses cadres comme de l’adhésion de l’ensemble du personnel au projet municipal renforcée par la longévité des maires communistes et par l’absence d’alternance.

77Dans ce contexte de bonne intelligence, voire de complicité, il est plus aisé de comprendre pourquoi sur toute la durée du XXe siècle, l’épuration du personnel est exceptionnellement rare. En dehors du cas dyonisien, stigmatisé par la gestion PPF et marqué par un « esprit revanchard » (131 agents communaux sur 700 sont sanctionnés), la stabilité du personnel communal, gage de continuité de l’activité des services publics, est un modèle dominant. Aussi, lors d’alternance politique, les élus issus du mouvement ouvrier, dépourvus de connaissances suffisantes en matière de gestion des affaires municipales et sans accointance avec les autorités de tutelle, privilégient-ils le plus souvent la continuité administrative et la promotion interne. De la fin du XIXe siècle à la fin des années 1960, l’histoire de l’activité municipale révèle l’existence d’une dimension collective et assimilatrice. Ces liens étroits entre les élus, les cadres et la majorité du personnel résultent non seulement des recrutements affinitaire, familial et local, mais aussi du nombre limité d’employés évoluant dans un esprit de « petite famille ». Ces liens ont ainsi contribué à intégrer le personnel communal aux formes de sociabilité municipale.

  • 47 Ce titre est le nom d’un documentaire de propagande à la gloire des municipalités communistes à la (...)

78Dans la propagande d’après-guerre, la municipalité communiste est présentée comme une « conquête du bonheur »47, reposant sur les réalisations de ses administrateurs. Depuis les années 1920, les mairies sont pour le Parti communiste un lieu de ressource logistique et humain, mais aussi un pôle d’ancrage qui tempère ses périodes de déclin et lui assure une représentation parlementaire. La légitimité du « communisme municipal » s’est forgée dans une longue et progressive adaptation à la construction et au développement d’un espace urbain en mutation : la Seine-banlieue, espace caractérisé par la permanence des services publics, la continuité des modes d’intervention et la grande stabilité du personnel communal. Dans ce cadre géographique particulier, où les solidarités intercommunales sont ancrées, où les expériences administratives et politiques sont partagées au sein de groupements « amicalistes » et de lieux de délibération, la gestion communale a eu tendance à s’uniformiser, nuançant ainsi les représentations communément admises, atypiques et exemplaires, d’un socialisme et d’un « communisme municipal ».

79Quelles que soient les orientations partisanes, dans toutes les municipalités les écarts entre la rhétorique des élus et l’action municipale se creusent. La conduite des affaires communales tranche en effet avec l’oralité du personnel politique qui doit répondre aux besoins de ses administrés, sans alourdir de façon excessive la pression fiscale. Après l’élection, la pratique gestionnaire des maires communistes, encadrée par l’autorité tutélaire, est en effet soumise aux contraintes budgétaires dont la portée conditionne l’application des politiques municipales d’investissement, de fonctionnement des services et de gestion du personnel communal.

  • 48 Rousselier (N.), Le Parlement de l’éloquence. Paris, Presses de la FNSP, 1997.
  • 49 Lefait (P.), Quatre ministres et puis s’en vont…, Paris, Les Éditions de l’Atelier, 1995.

80S’il existe un « Parlement de l’éloquence », de la délibération, du compromis48, il existe également une culture municipale du compromis entre élus et tutelle, entre élus et parti, entre élus et collaborateurs. Selon Jack Ralite, adjoint puis maire d’Aubervilliers depuis 1959, « la réalité est bien plus complexe que les discours ne le disent »49. Pour autant, la gestion communale n’a pas gommé toute forme d’acculturation politique. Savoir gérer une ville et être entouré de professionnels compétents n’induisent pas l’abandon de toutes références idéologiques.

81La diversité de l’habitat et des profils sociologiques des communes révèlent que l’étendue et la nature des besoins des habitants de la Seine-banlieue n’ont pas été homogènes. En période de récession, l’intervention municipale ne revêt pas en tous lieux la même intensité. Dans ces circonstances, elle s’est davantage renforcée auprès des villes populaires plus exposées au chômage dans les années 1930, aux pénuries dans les années 1940 ou aux reconversions industrielles dans les années 1980. La comparaison monographique met bien en évidence que les traditions de prestation de service sont inégalement ancrées. Tout au long du XXe siècle, à Sceaux, à Neuilly, à Vincennes ou à Saint-Mandé, l’activité municipale, davantage cantonnée dans ses missions régaliennes, reste très éloignée de l’élaboration et de la mise en œuvre d’un municipalisme régulateur.

82Le Parti communiste, par l’intermédiaire de ses maires, n’a pas initié de « contre-société », ou du moins pas plus qu’un Charles Auray à Pantin ou un Henri Sellier à Suresnes qui défendait en juin 1940 l’institution d’une « dictature municipale ». S’appuyant sur leur longévité, les maires des « vieilles municipalités communistes » ont contribué à imposer un « communisme de clocher » au grand dam de leur dirigeant qui critiquait ce « patriotisme étroit ».

Notes

1 Dans le cadre de son séminaire, Jacques Girault, tout comme nos témoins élus ou secrétaires généraux communistes, a insisté sur l’usage de cette terminologie qui n’appartient pas au discours communiste.

2 En application de la loi du 6 juin 1859, onze communes sont annexées par la ville de Paris. La Seine-banlieue ne compte plus alors que 69 communes. Cette perte est cependant compensée, entre 1866 et 1929, par la création de onze cités autonomes nées de fractionnements.

3 Fourcaut (A.), Bobigny, banlieue ronge, Paris, Les Éd. ouvrières/Presses FNSP, 1986.

4 Bellanger (E.), « Les secrétaires de mairie de la Seine-banlieue », Conférence internationale d’histoire urbaine, Venise, 1998.

5 Tartakowsky (D.), Les premiers communistes français, formation des cadres et bolchevisation, Paris, Presses de la FNSP, 1980.

6 Sept cours sont enseignés : comment on devient orateur, les publics et l’orateur, cours pratique de parole en public, l’organisation socialiste, le syndicalisme, la coopération et le socialisme municipal.

7 Brochure de l’école du propagandiste. 1921, Archives municipales de Pantin.

8 Dictionnaire biographie du mouvement ouvrier français (DBMOF), notice de Jean Maitron et Claude Pennetier.

9 Bibliothèque centrale de Saint-Denis, Le Bloc ouvrier-paysan aux élections municipales, Paris, Librairie de l’Humanité, 1925.

10 Élections municipales de 1925, programme du Bloc ouvrier et paysan

11 Girault (J.), « L’implantation du Parti communiste en région parisienne » in Sur l’implantation du Parti communiste français dans l’entre-deux-guerres, Paris, Éditions sociales, 1977.

12 En 1924, cette école devient l’institut d’Urbanisme de l’Université de Paris, rattaché à la faculté de Droit.

13 Entretien avec sa fille, ancienne secrétaire générale adjointe de la ville de Saint-Denis.

14 Conscient de cette réussite, le ministre de l’Intérieur, Albert Sarraut, dans sa circulaire du 12 juillet 1927, est le premier à inciter les municipalités à recruter parmi les élèves de cette école « des secrétaires-chefs et des chefs de services capables de diriger avec compétence leurs services administratifs ».

15 Y compris les très rares secrétaires généraux communistes tels que Paulette Midol, belle-fille du syndicaliste cheminot député maire d’Athis-Mons ou Serge Petas, beau-fils d’André Duval, secrétaire général de Bagnolet et maire-adjoint de Bobigny (Cf. notice de J. Girault in DBMOF).

16 Bellanger (E.), « Les secrétaire de mairie de la Seine-Banlieue... »

17 Dreyfus (M.), « Implantation municipale et dissidences communistes dans la banlieue parisienne (1920-1940) », in Burlen (K.), dir., La banlieue oasis, Saint-Denis, PUV. 1987.

18 Le maire de Saint-Ouen (1929-1944), Gustave Lesesne, tout en réintégrant la SFIO, conserve sa liberté d’opinion en manifestant notamment son hostilité au Front populaire, tout comme les socialistes Georges Barthélémy, maire de Puteaux (1930-1944) et Georges Gérard, maire du Kremlin-Bicêtre (1919-1944). Les villes restées durablement fidèles à la SFIO se limitent à une dizaine de cités parmi lesquelles Suresnes, Châtenay-Malabry, Le Pré-Saint-Gervais et Boulogne-Billancourt.

19 Sur l’histoire de Saint-Denis et de son maire Jacques Doriot, on se reportera à la thèse et aux ouvrages de Jean-Paul Brunet.

20 Choisy-le-Roi, municipalité communiste depuis 1920, est perdue en 1925.

21 Wolikow (S.), Le Front populaire en France, Bruxelles, Éditions Complexe, 1996.

22 Figueres (L.) [maire de Malakoff de 1965 à 1996], Histoire des communistes français, Pantin, Le temps des cerises, 1996.

23 Bellanger (E.), « Ancrage des mairies et développement de l’activité municipale » in Ville-employeur et personnel communal élus et syndicalistes face à la question de l’emploi depuis 1919. Paris, Plan urbain, 2000.

24 Programme du parti communiste, élections municipales de 1935, Paris, Les Publications révolutionnaires, 1935.

25 Fourcaut (A.), op. cit.

26 Ce n’est qu’en juillet 1943, que Pierre Laval, maire d’Aubervilliers et chef du gouvernement de Vichy, met fin à l’octroi de la ville de Paris et de la banlieue parisienne.

27 Entretien avec Charles Auray fils publié in Bellanger (E.), Pantin, Mémoire de ville, mémoires de communaux, archives municipales de la ville de Pantin, 2001.

28 Jean-Luc Pinol a récemment mis en valeur l’inégale contribution de l’État et des départements dans le budget des communes, reflet « d’un système urbain très déséquilibré ». Nous restituons ici ses résultats publiés dans Pinol (J.-L.), « Villes “riches”, villes “pauvres” dans la France de l’entre-deux-guerres », Vingtième siècle, Revue d’histoire, octobre-décembre 1999.

29 Brunet (J.-P.), Un demi-siècle d’action municipale à Saint-Denis la Rouge 1890-1939, Éd. Cujas, 1981.

30 Nous nous inspirons ici du sous-titre de l’ouvrage dirigé par Fourcaut (A.), Banlieue rouge 1920-1960, années Thorez, années Gabin : archétype du populaire, banc d’essai des modernités, Paris, Autrement.

31 Pennetier (C.) et Peschanski (D.), « Partir, se taire, rester : les choix des élus de la Seine », in Azema (J.-P.), Prost (A.), Rioux (J.-P.), Le Parti communiste français des années sombres 1938-1941, Paris, Seuil, 1986.

32 Par petite couronne, nous désignons ici les communes de la Seine-banlieue. Les villes de l’ancienne Seine-et-Oise intégrées à partir de 1964 dans les départements de la Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne et des Hauts-de-Seine n’entrent pas dans notre champ de recherche.

33 En 1946, Levallois-Perret est dirigé par le maire communiste Lucien Marrane, frère du maire d’Ivry.

34 L’Amicale des maires patriotes obtient ainsi des mesures pour l’équilibre des budgets communaux.

35 Évènement cité par Jacques Girault in Seine-Saint-Denis, chantiers et mémoires, Paris, Autrement, 1998.

36 Cette conférence est restituée in Raymond Barbet, Louis Péronnet, Henri Quatremaire, Étienne Fajon et André Marty, Tout pour le Peuple et par le peuple, l’action des communistes dans les conseils municipaux. Éd. Union des municipalités communistes de la région parisienne, s.d.

37 Compte rendu de l’Amicale des maires patriotes, décembre 1944.

38 Fajon (É.) « Les principes de l’action des communes dans les mairies ». in Tout pour le peuple et par le peuple… op. cit.

39 « L’activité des élus communistes dans les municipalités » in Tout pour le peuple et par le peuple...

40 Bellanger (E.). Mémoire de Ville, mémoire de « communaux »…, op.cit.

41 41 DBMOF, notice de Claude Pennetier

42 À la Libération, André Lurçat travaille également à la reconstruction de la ville de Maubeuge. Auteur d’un traité théorique sur l’architecture au XXe siècle, il est nommé en 1963 membre du Conseil supérieur de l’enseignement de l’architecture et des beaux arts auprès du ministère des Affaires culturelles.

43 Le programme municipal du parti pour la banlieue, schéma de cours pour la préparation de la campagne électorale. Fédération de la Seine, 1947.

44 Le PSU fondé en octobre 1948 est opposé aux alliances de Troisième force et favorable à l’unité d’action avec le PCF.

45 Titre de l’Humanité-dimanche du 22 février 1959 annonçant les élections municipales des 8 et 15 mars 1959.

46 Dupuy (F.), Être maire communiste, Paris, Calmann-Levy, 1975

47 Ce titre est le nom d’un documentaire de propagande à la gloire des municipalités communistes à la veille des élections municipales d’octobre 1947. Jacques Girault en fait une description dans son article « Vers la banlieue rouge. Du social au politique », in Brunet (J.– P.), Immigration, vie politique et populisme en banlieue parisienne, Paris, L’Harmattan, 1995. Voir aussi l’article de Tangui Perron dans le présent ouvrage.

48 Rousselier (N.), Le Parlement de l’éloquence. Paris, Presses de la FNSP, 1997.

49 Lefait (P.), Quatre ministres et puis s’en vont…, Paris, Les Éditions de l’Atelier, 1995.

Table des illustrations

URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/60357/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 17k

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont sous Licence OpenEdition Books, sauf mention contraire.

Cette publication numérique est issue d’un traitement automatique par reconnaissance optique de caractères.
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search