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Des communistes en France

 | 
Jacques Girault

Communisme et mouvements sociaux

Aux origines du communisme à Oyonnax (Ain) : socialisme et Maison du Peuple

Charles Sowerwine

Texte intégral

  • 1 Même aujourd’hui, il ne compte que trois villes dont la population dépasse 10 000 : Bourg-en-Bresse (...)

1L’Ain est un département à caractère rural1. Mais, au cœur des collines à l’est de la rivière de l’Ain qui divisent le département, la petite ville d’Oyonnax a été une forteresse communiste entre les deux guerres, autant voire plus que les communes de la banlieue rouge parisienne. Le Parti communiste, dominé par René Nicod, a su s’implanter si bien, qu’à partir des élections municipales complémentaires de 1923 et jusqu’en 1939, tous les conseillers municipaux étaient communistes.

2L’implantation du Parti communiste a des racines profondes. C’était effectivement le Parti qui gérait la Maison du Peuple ouverte en 1912 par Nicod, plaque tournante de toute la vie sociale et économique de la ville. Les coopératives de consommation et de production y étaient logées, ainsi que les syndicats, un restaurant familial, un café, et un cinéma. Le Parti communiste était donc l’expression de l’activité populaire oyonnaxienne ; toute la vie passait par le Parti.

3Pour expliquer l’enracinement du Parti à Oyonnax, il faut partir d’une analyse de la vie économique oyonnaxienne et de son imbrication dans la vie de la communauté. Alors que dans la banlieue rouge parisienne, le Parti s’est implanté en jouant de la protection sociale et de la solidarité de classe, à Oyonnax, il s’est enraciné dans la base productive. En effet, des petits ateliers familiaux se concurrençaient à l’intérieur d’un système de règlement communautaire qui avait pour but essentiel d’empêcher les négociants de s’emparer du commerce et de détruire les petits ateliers.

Les bases du Parti

  • 2 Nous y comprenons 20 personnes (15 rentiers et 5 propriétaires) qui jouissaient de rentes mais qui (...)

4Comment une forteresse communiste a pu se construire à Oyonnax ? Quelles en sont les racines ? Jusqu’à l’avènement du plastique après la guerre de 1939-1945, Oyonnax est dominée par l’industrie du peigne, c’est-à-dire du celluloïd. Pour le recensement de 1896, 2 646 Oyonnaxiens (soit 58 % de la population) déclaraient avoir une activité rémunérée,2 dont 1 547 dans le peigne : ainsi un Oyonnaxien sur trois travaillait dans le peigne. Ces 1 547 personnes appartenaient à 819 ménages comptant 2 933 personnes : deux Oyonnaxiens sur trois dépendaient du peigne.

  • 3 Dubois (E.), Histoire d’Oyonnax, Paris, Res Universis, 1990 [1902], p. 112-113.

5Depuis longtemps, les habitants d’Oyonnax passaient les mois d’hiver à fabriquer des peignes pour gagner un peu d’argent, utilisant le buis qui encombrait leurs champs. Au début du XIXe siècle, la corne de bœuf a remplacé le buis, grâce à des procédés qui permettaient d’amollir la corne. En 1878, une délégation oyonnaxienne à l’Exposition universelle de Paris a découvert le celluloïd. De retour, les délégués ont fait des démonstrations de cette matière, peu chère et facile à travailler, ne nécessitant aucun investissement lourd et se prêtant donc merveilleusement à la fabrication artisanale des peignes. L’industrie s’est donc convertie rapidement au celluloïd3.

6En 1885, le chemin de fer est arrivé à Oyonnax. D’un seul coup, les Oyonnaxiens accédaient facilement au marché national, voire international. C’est le boom : chacun se met à fabriquer des peignes chez soi ou dans un atelier construit derrière sa maison. La population d’Oyonnax a doublé en quinze ans, et en 1926, la ville atteint son apogée (11 464 habitants). Après la guerre de 1939-45, le plastique donnera un nouvel essor à l’industrie oyonnaxienne, mais ici c’est la capitale du peigne qui nous intéresse.

  • 4 Cette analyse fait partie d’une étude informatisée en cours sur les recensements de 1896 à 1936.

7L’industrie du peigne est organisée sans gros capitaux, basée sur les réseaux familiaux, la dextérité et l’habileté de chaque ouvrier. Les outils requis pour fabriquer les peignes de celluloïd sont simples et peu chers, comme la matière première elle-même. C’est l’habileté de l’ouvrier qui permet un rendement suffisant ; le sens de la mode ouvre des marchés. Les entreprises restent donc généralement petites et la plupart sont des entreprises familiales. En 1906, sur les 2 497 personnes recensées comme actives dans le peigne, 1 305 travaillent pour la famille dans la résidence familiale4.

  • 5 Sabel (C.) et Zeitlin (J.), « Historical Alternatives to Mass Production : Politics, Markets and Te (...)

8L’industrie du peigne à Oyonnax fournit un exemple parfait de ce qu’on peut appeler la « fabrique collective », une communauté industrielle composée de petits ateliers qui développent ou exploitent des technologies nouvelles sans pour autant devenir plus grandes. D’autres exemples connus sont la soie à Lyon, les spécialités métallurgiques dans le bassin stéphanois, les couteaux à Solingen et à Sheffield et surtout les diverses régions industrielles de l’Italie du Nord5.

  • 6 Ibid, p. 312.
  • 7 Le Play (F.), La réforme sociale en France déduite de l’observation comparée des peuples européens, (...)

9Frédéric Le Play a introduit le concept de « fabrique collective », dans La réforme sociale en France6. Dans la première édition, il ne semble avoir pensé qu’à des formes de production domestique contrôlée par les négociants, mais à travers les éditions successives, le concept a évolué. Dans la septième édition, de 1887, Le Play donne la définition suivante : « des petits ateliers dont la congrégation dans une localité est désigné fabrique collective »7.

  • 8 Becattini (G.), « Dal “settore industriale” al “distretto industriale”. Alcune considerazioni sull’ (...)
  • 9 Becattini (G.), « The Marshallian Industrial District as a Socio-Economic Notion », in Industrial d (...)

10Plus récemment, en 1979, Giacomo Becattini a proposé d’utiliser le terme « district industriel » pour les communautés industrielles de l’Italie du Nord, telles Sassuolo (carrelages), Prato (textiles), Marche (chaussures) et Nogara (meubles en bois)8. Becattini définit le district industriel comme « un espace socio-territorial caractérisé par la présence active à la fois d’une communauté de personnes et d’une concentration d’ateliers dans une région déterminée par la géographie et l’histoire », où la communauté économique est imbriquée dans la communauté sociale qui domine l’économie, et où des considérations sociales jouent un rôle important dans les transactions économiques9.

  • 10 Marshall (A.). Principles of economics : an introductory volume. 8th ed., London : Macmillan, 1930, (...)
  • 11 Marshall (A.), op.cit, p. 271.

11Les historiens italiens ont élaboré leur concept à partir, non pas de l’œuvre de Le Play, mais de celle de l’économiste anglais Alfred Marshall10. Dans ces districts industriels, selon lui, les connaissances techniques sont partagées : « les mystères du métier cessent d’être mystérieux ; ils sont comme dans l’air que respirent les habitants, et les enfants les apprennent inconsciemment »11. Devenus adultes, ces enfants coopèrent pour faciliter des avancées techniques qu’aucun atelier ne saurait trouver seul :

  • 12 Ibid.

« Le bon travail est apprécié de tous ; les inventions et les améliorations dans les outils de travail, dans les processus et dans l’organisation du métier sont discutées par tous. Si l’un met en œuvre une nouvelle idée, d’autres la reprennent à leur compte, tout en l’améliorant, et ainsi devient-elle la base d’autres améliorations. »12

  • 13 Piore (M. J.), « Work, Labour and Action : Work Expérience in a System of Flexible Production », in (...)
  • 14 Saglio (J.), Industrie locale et stratégie des acteurs : Du peigne à la plasturgie dans la zone d’O (...)

12Nous sommes donc en présence d’une culture coopérative. Il y a concurrence, bien sûr, mais elle est limitée par des contraintes sociales, par ce que le sociologue lyonnais Jean Saglio appelle « les règles du jeu »13. Pour lui, Oyonnax est une communauté déterminée par la géographie, évidemment, mais aussi par l’acceptation commune d’une culture coopérative qui dérive du travail de la communauté14.

13Pour maintenir une telle communauté dans un environnement capitaliste moderne, il faut non seulement les pressions traditionnelles de la communauté villageoise, mais aussi une expression politique du règlement de cette communauté. Voici donc le rôle du Parti communiste à Oyonnax entre les deux guerres : à travers les institutions locales, il maintient l’esprit de coopération ou, d’un autre point de vue, la subordination de la vie économique à la vie sociale, « aux règles du jeu ».

14Depuis la conquête de la mairie par le Parti socialiste d’Oyonnax en 1919 jusqu’à la construction du Pôle européen des plastiques en 1994, la ville d’Oyonnax a élaboré des institutions coopératives pour que les petits ateliers puissent ensemble faire face à un monde difficile. L’alternative dans le modèle libéral est la domination des forts, donc en contrepartie la banqueroute des faibles et leur prolétarisation. L’enjeu est de taille.

15C’est dans l’intérêt de tous d’empêcher le développement du sweating System, d’éviter que les négociants puissent utiliser la main-d’œuvre bon marché des villageois habitant dans la région d’Oyonnax. Leur réussite entraînerait une baisse de salaires. Les petits fabricants de peigne (la grosse majorité de fabricants) comprennent que leur intérêt ne réside pas dans la réduction du coût de la main-d’œuvre, qui ne pourrait favoriser que les grandes entreprises, mais dans le maintien des tarifs traditionnels, qui défavorisent les grandes entreprises. En effet, les petits fabricants utilisent leur famille immédiate, et, pour faire face à des commandes, engagent des parents, voisins et amis comme sous-traitants. Chacun y trouve son intérêt, car si l’année suivante c’est le voisin qui a les commandes, on ne sera pas mis en faillite et prolétarisé, comme dans le modèle libéral. On maintient son atelier en sous-traitant et en préparant une nouvelle gamme pour la saison prochaine ; on tentera de nouveau sa chance en tant que petit fabricant, alors que dans le modèle libéral on serait définitivement prolétarisé.

  • 15 Chassagne (S.), « Industrialisation et désindustrialisation dans les campagnes françaises : quelque (...)

16Serge Chassagne soutient que l’évolution normale réside dans l’émergence d’une classe de négociants « qui finit par assurer une fonction hégémonique de contrôle du processus de production », ce qui amène la désagrégation de là communauté industrielle15. Mais l’exemple d’Oyonnax et d’autres fabriques collectives nous montre une alternative à l’intérieur du capitalisme. À Oyonnax, une coalition d’ouvriers en peigne et de petits fabricants s’est développée à partir de l’introduction de celluloïd. Le seul désavantage du celluloïd, introduit dans les années 1880, était précisément la facilité avec laquelle on pouvait le travailler. Le savoir-faire artisanal n’était plus aussi important. Vers 1890, certains négociants cherchaient à réduire les coûts de fabrication des balles de ping-pong, nouvelle spécialité oyonnaxienne de bon rapport. Un négociant – Gustave Anel – contractait avec des villageois pour la fabrication de balles à un tarif très réduit.

  • 16 « Arrondissement de Nantua : Oyonnax : Les abus », Le Montagnard, 2 avril 1893 ; cf. Ibid., 23 juil (...)
  • 17 « La Grève », Le Montagnard, 11 mai 1893 ; « Arrondissement de Nantua : Oyonnax : La Victoire », ib (...)

17Enlever ainsi du travail à la ville vexait les Oyonnaxiens. L’hebdomadaire socialiste, à ses débuts, en fait une cause importante16. La colère locale s’est déclenchée au premier mai 1893. Comme il avait été convenu, la grève générale du Premier Mai se prolonge spontanément. Le 5 mai, les grévistes ont cherché tous ceux qui travaillaient encore. Ils les ont forcés à se joindre à eux et à défiler jusqu’au village de Bellignat, trois kilomètres au sud d’Oyonnax, où Anel avait un dépôt de moules de balles. Les Oyonnaxiens ont établi un inventaire de ces moules en présence du maire de Bellignat, qui fut contraint de le signer. Ensuite, ils ont emmené toutes les moules à Oyonnax. Les autres négociants, de crainte de perdre eux aussi leurs moules, les ont vite ramenés à Oyonnax, ce qui a entraîné la cessation du travail. L’activité n’a pu reprendre qu’après la signature d’un accord prévoyant des tarifs communs et excluant toute utilisation des villageois. Anel s’est plaint au préfet « que pendant trois jours des gens ont dansé la Carmagnole sous mes fenêtres », une sorte de charivari moderne17.

18La coalition à ses origines employait des rites traditionnels, avec des manifestations spontanées pour forcer la volonté commune. Ensuite, quelques organisations de petits producteurs se sont développées, mais sous cette forme, elles n’ont pu maintenir les accords de 1893. Pour y parvenir, il a fallu des organisations plus modernes et des structures étatiques fournies par le conseil municipal.

  • 18 Jonas (R.A.), Industry and politics in rural France : Pensants of the Isere 1870-1914, Ithaca, NY, (...)

19Les années 1890 étaient marquées par une lutte entre les radicaux et les socialistes pour avoir le soutien populaire. Rien en fait n’empêchait les radicaux d’être les garants de tels accords et rien n’assurait aux socialistes le triomphe. Ils ont dû lutter pour prouver qu’ils sauraient mieux maintenir l’accord communautaire, pour convaincre les Oyonnaxiens qu’ils sauraient défendre avec efficacité les intérêts des ateliers familiaux, des petits fabricants et des ouvriers. Ici, comme ailleurs, on voit que s’élabore une distinction idéologique « entre la propriété “individuelle” (qui est bonne) et la propriété “capitaliste” (mauvaise) »18.

20L’idéologie de la guerre de classe qui n’était pas dirigée contre les petits fabricants, servait à rallier les petits ateliers contre les forces du gros capital qui semblaient les menacer de l’extérieur : les banques, les compagnies d’électricité, les négociants, les distributeurs et surtout les chemins de fer. Jusqu’à 1914, les socialistes faisaient des campagnes de plus en plus vigoureuses contre ces forces et les Oyonnaxiens ont fini par comprendre que la lutte de classe était la lutte des petits producteurs, ouvriers et fabricants réunis, contre le gros capital. Restait le problème de la base familiale des petits ateliers.

  • 19 Des analyses classiques de ce genre de socialisme artisanal ont été fournies par Johnson (C.), Utop (...)
  • 20 Par exemple, Élisa Cochet, Veuve Sage, est notée comme fabricant de peignes en 1896, son fils de 25 (...)
  • 21 Chiffres des tableaux manuscrits du recensement de 1896, Archives départementales (AD) de l’Ain. En (...)

21Le socialisme à Oyonnax, comme ailleurs, s’était construit sur la base artisanale, adoptant le point de vue du chef de famille et chef de l’atelier toujours masculin formulé à ses origines par Proudhon. Les fabricants étaient, par définition, des hommes, des artisans qui, avec leurs familles, fabriquaient les peignes et gardaient à la fois leur indépendance et leur position suprême dans la famille19. Les femmes « fabricant[e]s », sont toujours des veuves qui tiennent la place de leur époux jusqu’à ce que leurs fils puissent les remplacer20. En 1896, il y avait 19 femmes fabricantes, dont 17 veuves, sur 155 fabricants21. L’aspiration à devenir fabricant répondait non seulement à un espoir d’améliorer sa situation financière, mais aussi de s’épanouir personnellement en tant qu’homme.

22Les fabricants tenaient une place très importante dans la société oyonnaxienne. Le recensement de 1896 en dénombrait 155. Ces fabricants représentaient 137 ménages comprenant 513 personnes en tout. Si l’on se rappelle qu’il y avait en tout 819 ménages comptant 2 933 personnes, on s’aperçoit que les fabricants constituaient une élite. Mais une élite accessible, car près d’un cinquième des personnes qui dépendaient du peigne, vivaient dans un ménage de fabricant.

23À Oyonnax à la fin du siècle, « les ouvriers » étaient les fabricants de peignes ou ceux qui espéraient devenir fabricants. Il y avait beaucoup plus d’ouvriers en peignes que de fabricants, 1 386 contre 155 en 1896. Mais sur ces 1 386 ouvriers en peignes, 534 étaient des hommes chef de ménages où au moins un membre de la famille travaillait. Ils avaient donc la structure productive des petits fabricants. Il ne leur fallait qu’une réussite commerciale pour se mettre directement en rapport avec les négociants et cesser de sous-traiter. Ainsi l’espoir de devenir fabricant était vif dans la grosse majorité des ménages oyonnaxiens qui dépendaient du peigne (534 sur 819).

24Le socialisme oyonnaxien avait ses origines dans une sociabilité masculine. Les sections socialistes des années 1890 étaient peuplées de fabricants et d’ouvriers dont beaucoup avaient tendance à se concevoir comme artisans indépendants. Leurs réunions, typiquement dans l’arrière-salle d’un débit de boissons, valorisaient l’indépendance masculine, le vin et le tabac. Les socialistes n’ont réussi leur percée électorale qu’à la suite d’une réorientation familiale opérée par René Nicod.

René Nicod et la Maison du Peuple : vers un Parti socialiste familial

25René Nicod, venu à Oyonnax comme gérant de l’imprimerie ouvrière en 1901, était né en 1881 à Saint-Claude (Jura). Orphelin dès son jeune âge, il se joint aux mouvements socialistes et coopérateurs sous l’inspiration d’Henri Ponard, fondateur du socialisme sanclaudien et d’un mouvement coopératif que Charles Gide appellera l’École de Saint-Claude. Ponard préconise que les profits des coopératives doivent aller non pas à des bénéfices individuels, mais à des œuvres communautaires, telles la Maison du Peuple de Saint-Claude. On voit combien cette philosophie est utile pour une « fabrique collective » comme celle d’Oyonnax ou de Saint-Claude, capitale de la pipe.

26Le socialisme oyonnaxien dépend d’abord de celui de Saint-Claude. Le journal socialiste d’Oyonnax, L’Éclaireur de l’Ain, fondé en 1894, est le frère cadet du Montagnard de Saint-Claude. Le cercle socialiste d’Oyonnax est fondé également en 1894, sous l’impulsion de celui de Saint-Claude. Ce rapport étroit est facilité par la ligne de chemin de fer qui met les deux villes à moins d’une heure de distance. Nicod vient à Oyonnax, sans doute envoyé par Ponard, pour diriger l’Imprimerie ouvrière, coopérative qui publie L’Éclaireur de l’Ain. Il est donc, à vingt ans, un militant professionnel.

  • 22 Nicod a longtemps revendiqué la construction de la Maison du Peuple. En 1910 il écrit : « Nous pour (...)

27Une fois installé, Nicod commence une campagne pour construire une coopérative et une Maison du Peuple22. Un aspect-clef de la Maison du Peuple, aux yeux de Nicod, était de créer un espace familial où les femmes se sentiraient à l’aise. Il reconnaissait la nécessité d’un changement fondamental si le socialisme oyonnaxien devenait majoritaire dans la communauté, un changement permettant au socialisme d’inclure les femmes par le biais de la famille. Il fallait un Parti socialiste familial et non plus masculin. La Maison du Peuple est conçue en grande partie comme l’instrument de ce changement capital.

28L’inspiration vient des maisons du peuple belges, comme l’expliquait par la suite Nicod :

  • 23 « À Saint-Claude », L’Éclaireur de l’Ain, 25 septembre 1910.

« Notre camarade Ponard, frappé par l’organisation admirable des socialistes belges, conçut le projet de la Maison du Peuple. En communaliste convaincu, il rêvait d’agglomérer toutes les forces ouvrières et de dresser en face de la commune bourgeoise et capitaliste la commune socialiste et prolétarienne, groupée autour de sa Maison du Peuple centralisant tous les services de la coopérative de consommation. »23

  • 24 Hilden (P.), Women, work, and politics : Belgium 1830-1914, Oxford, New York, Clarendon Press, 1993 (...)

29Nicod à son tour utilise l’exemple du Vooruit de Gand comme idéal pour Oyonnax. Vooruit, mot flamand qui signifie « en avant », était le nom donné aux maisons du peuple flamandes. Déjà, à l’époque de la Première Internationale, les Belges francophones appelaient les locaux des mouvements syndicaux et socialistes des « Maisons du Peuple ». Or, comme nous l’a montré Patricia Hilden, le mouvement ouvrier belge, francophone et wallon, était basé sur l’inclusion de l’élément féminin, très important dans l’industrie belge. « Vooruit » ou « Maison du Peuple », ces désignations étaient volontairement plus inclusives des femmes que « cercles des travailleurs » et d’autres termes adoptés en France24.

  • 25 « Le Vooruit de Gand », L’Éclaireur de l’Ain, 13, 20, 27 juillet, 3, 10 août 1902.
  • 26 Ibid., 20 juillet 1902.

30Le 16 août 1902, les « Enfants du Peuple » du Vooruit de Gand visitaient Saint-Claude et Oyonnax. Pour préparer cette visite, L’Éclaireur de l’Ain en faisait une étude approfondie dans une série de cinq articles de fond, selon lesquels la réussite du Vooruit prouvait la nécessité d’une telle entreprise25. Un aspect important de cette réussite, selon l’auteur, reposait sur l’orientation familiale : « Tous les goûts, tous les âges, tous les sexes trouvent au Vooruit des groupements qui peuvent les attirer », y lisait-on notamment26. La série concluait avec un appel :

  • 27 Ibid., 10 août 1902.

« Le Vooruit de Gand est un modèle d’organisation aujourd’hui, que nos fédérations françaises pourraient et devraient parfaitement imiter […] C’est par la confiance en tous, faisant que tous sont vaillants dans leurs actes que la prospérité du Vooruit a été assurée, imitons donc nos camarades gantois et nous obtiendrons les mêmes résultats ! »27

31L’auteur de ces articles, Charles Meunier, militant socialiste de longue date et architecte, construisit la Maison du Peuple d’Oyonnax. Il semble avoir été envoyé en Belgique avec l’accord de Nicod précisément pour lancer une campagne pour construire une Maison du Peuple.

  • 28 Pour le point de vue de Nicod sur les coopératives traditionnelles, voir l’article d’Arthur Candor, (...)

32Mais des coopératives oyonnaxiennes étaient formées depuis longtemps et leurs dirigeants mesuraient leurs succès par le montant des bénéfices reversés aux membres28. Il en était autrement à Oyonnax où les socialistes n’avaient pas de capitaux pour construire une Maison du Peuple. Ponard avait réussi à imposer sa vision aux coopératives de Saint-Claude, comme le raconte Nicod par la suite :

  • 29 « À Saint-Claude », Ibid., 25 septembre 1910.

« Certes, la coopérative socialiste de consommation de Saint-Claude, “la Fraternelle”, aurait pu comme tant d’autres se contenter de réaliser des bénéfices considérables et de les répartir chaque année entre ses sociétaires au prorata de leurs achats. Les administrateurs eussent ainsi satisfait l’esprit de lucre de quelques naïfs que la perspective de toucher une ou deux pièces de vingt francs à la fin de l’année hypnotise et subjugue ; mais ils n’auraient pas pu mener à bien l’œuvre d’émancipation prolétarienne qu’ils poursuivent au nom d’un idéal de justice sociale […]. À partir de 1896, la “Fraternelle” ne répartit plus de bénéfices. Ceux-ci furent versés dans la caisse sociale, et servirent à la constitution d’un capital socialisé, impersonnel ; instrument d’émancipation entre les mains de la classe ouvrière, puis à la création d’une caisse de secours en cas de maladie et d’une caisse de retraite pour les vieux sociétaires. Ainsi, la “Fraternelle” se différenciait des autres coopératives – même des coopératives socialistes – en ce sens qu’elle ne distribuait pas de bons à ses sociétaires. C’est cette nouvelle et très heureuse conception de l’action coopérative qu’un théoricien de la coopération, M. Charles Gide, appela “l’École de Saint-Claude” en opposition à “l’École de Nîmes” prévoyant la répartition du bénéfice […] »29.

  • 30 « Les Enfants du Peuple à Oyonnax », Ibid., 20 juillet, 20 janvier 1907.
  • 31 « Coopération et socialisme », Ibid., 30 août 1908.

33En 1907 toutefois, Nicod réussit à décider le groupe socialiste à faire un pas réel vers une Maison du Peuple. La visite des enfants de la Maison du Peuple de Saint-Claude en fournit l’occasion, visite d’ailleurs comparée explicitement à celle des enfants belges30. La construction du bâtiment dont rêvait Nicod s’était révélée trop onéreuse pour qu’il soit réalisé immédiatement. Alors, « devant les difficultés pratiques, les impossibilités matérielles de réalisation, il [Le Parti socialiste d’Oyonnax] a dû se borner à ne créer, pour le moment, qu’une coopérative comprenant une salle de café »31. En effet, en 1908, les socialistes créent une nouvelle coopérative, « l’Aurore sociale », qui comprend un café, « lieu de réunion qui servira de rendez-vous familial à tous les citoyens désireux de collaborer à notre œuvre d’émancipation sociale ». Dès le départ, Nicod insistait sur l’aspect familial du cercle :

  • 32 « Pour le Cercle », Ibid., 25 septembre 1910.

« Un cercle n’est pas simplement un café où des consommateurs quelconques viennent absorber le traditionnel apéritif […] L’on ne s’y réunira pas dans l’unique but de trinquer avec des camarades, mais surtout pour discuter, lire, écrire et assister à des causeries ou des cours d’utilité pratique. […] Les scènes de beuverie et de pocharderie dont les estaminets offrent souvent le lamentable tableau en seront rigoureusement bannies. Les concerts qui y seront organisés seront moraux et éducateurs à l’encontre des pornographiques répertoires que des chanteuses lascives débitent d’une voix de rogomme dans les infects beuglants »32.

  • 33 « Coopération et socialisme », Ibid., 30 août 1908.
  • 34 « Action socialiste », Ibid., 14 juin 1908.
  • 35 « Recrutement socialiste », Ibid., 1er décembre 1912.

34« Plus que l’action politique, plus même que l’action syndicale », écrit Nicod en 1908, « l’action coopérative communiste (c’est-à-dire qui suit l’École de Saint-Claude), est une force de révolution parce qu’elle possède cette vertu souveraine d’intéresser la famille »33. « Intéresser la famille », c’est attirer les femmes : « Il est nécessaire d’intéresser à la vie de notre Parti les femmes et les enfants »34, car comme le dit Nicod en 1912, « si nous n’avons pas les femmes avec nous, nous les aurons contre nous ». En plus, la présence des femmes, selon Nicod, améliorerait la conduite des hommes : « Si […] nous intéressons les femmes à notre action, elles donneront l’exemple de l’assiduité aux réunions et rehausseront, de leur seule présence, la tenue de nos assemblées »35.

  • 36 « Action socialiste », Ibid., 14 juin 1908.
  • 37 « Pour le Cercle », Ibid., 25 septembre 1910.

« C’est par la coopérative et la Maison du Peuple que nous conquerrons la famille, que nous intéresserons les petits et les grands. Ce qu’il faut fonder, c’est un foyer de vie socialiste »36. « Nos compagnes surtout, […], retireront des profits d’une telle création. Elles se sentiront là chez elles, dans une atmosphère de chaude fraternité. […] Il n’y a que le Cercle qui nous permette de tenter quelque chose de semblable avec une chance de réussite »37.

  • 38 « À la Coopérative », Ibid., \2 mai 1905 ; « Pour le Cercle », Ibid., 3 novembre 1907 ; « Action so (...)

35Ces thèmes, ainsi que les exemples belges et sanclaudiens, sont cités dans tous les appels pour créer le cercle38. Nicod employait même un vocabulaire presque féminin pour s’expliquer, parlant souvent de « chaude fraternité » ou de « foyer ». Le choix du mot « foyer », métaphore la plus adaptée aux femmes, rompt avec les usages précédents. L’inauguration de la Maison du Peuple de Saint-Claude, le 18 septembre 1910, fournit l’occasion de redoubler les efforts :

  • 39 « Inauguration de la Maison du Peuple de St-Claude », « À Saint-Claude », Ibid., 25 septembre 1910.

« la Maison du Peuple [de Saint-Claude] est debout, large, spacieuse, immense et gaie, avec sa buvette dominant la Bienne, sa salle des fêtes artistement décorée, pouvant contenir deux mille personnes, ses locaux où les syndicats ouvriers seront désormais à l’abri des coups de force de la municipalité bourgeoise, ses fours avec pétrin mécanique, sa cave de gros où se dressent des foudres géants. Ce bâtiment colossal, d’une valeur de 250 000 francs, atteste la puissance d’un prolétariat organisé et discipliné »39.

  • 40 « Le projet de la Maison du Peuple », Ibid., 28 mai 1911.
  • 41 « Oyonnax s’embellit », Ibid., 8 octobre 1911.
  • 42 Voir Sowerwine (C.), Les femmes et le socialisme : cent ans d’histoire, Paris, Presses de la Fondat (...)
  • 43 « Pour la Maison du Peuple », L’Éclaireur de l’Ain, 2 décembre 1923.

36En mai 1911, les socialistes oyonnaxiens annonçaient qu’ils avaient emprunté 250 000 francs pour construire une Maison du Peuple40. C’est la coopérative l’Aurore sociale – autrement dit, les socialistes – qui construit et qui gère la Maison du Peuple d’Oyonnax. En octobre, la construction battait son plein41. En même temps, on ne perdait point de vue le but d’attirer les femmes. Suite à la constitution à Paris du Groupe des femmes socialistes en 191242, les Oyonnaxiens annonçaient leur intention de créer une section féminine pour attirer « l’élément féminin, qui n’est pas le moins sérieux et le moins énergique ». Cette section fonctionnerait à côté des sections normales, comme le Groupe parisien : les femmes resteraient aussi membres des sections mais participeraient en plus à la « section féminine »43. Un tel procédé n’offrait que peu d’attrait aux femmes. C’est plutôt la vie de la Maison du Peuple qui attira les femmes.

  • 44 « Au café coopératif », Ibid., 13 octobre 1912.
  • 45 « Chronique coopérative », Ibid., 13 août, 7 septembre, 7 décembre 1913 ; « Bibliothèque populaire  (...)

37La Maison du Peuple d’Oyonnax n’a pas eu une inauguration avec fastes, comme celle de Saint-Claude, car sa construction s’est déroulée en plusieurs étapes, face à la difficulté qu’éprouvaient les socialistes à trouver les fonds. « Samedi soir (le 5 octobre 1912), le nouveau café de l’Aurore sociale ouvrait ses portes au public. Quoique l’installation intérieure de l’établissement ne fut pas entièrement terminée », ajoutait L’Éclaireur44 . Durant toute l’année 1913, la Maison du Peuple s’est mise en route progressivement, la boulangerie et la bibliothèque populaire suivant le café45.

  • 46 « Chronique coopérative », Ibid., 7 septembre 1913. La Bibliothèque populaire n’avait que 80 membre (...)
  • 47 « Comment j’ai été guéri du jeu », Ibid., 24 août 1913 ; « Un groupe d’éducation et du culture phys (...)

38La Maison du Peuple d’Oyonnax rencontrait un certain succès avant la guerre. L’Aurore sociale a dépassé cinq cents membres avant la fin de 191346. Mais la ville était en plein essor, suite au boom du peigne. Sur les 9 303 habitants et 2 843 ménages en 1911, les 530 membres de la coopérative représentaient moins d’un ménage sur cinq. L’importance de la Maison du Peuple avant la guerre reposait surtout sur l’exemple de la participation familiale qu’elle représentait, conjuguée avec des campagnes qui touchaient les sensibilités féminines : opposition au jeu et à l’abus de l’alcool, contraste fourni par les « plaisirs sains et éducatifs » offerts par la Maison, comme l’éducation physique pratiquée dans la nouvelle Salle des Fêtes de la Maison47. La Maison du Peuple devint ainsi la preuve tangible du sérieux des socialistes et semble avoir réussi à attirer les femmes en créant une ambiance effectivement familiale.

39À l’aube de la guerre de 1914-1918, ces deux politiques avaient réussi et le socialisme apparaît comme la plus importante formation politique, dépassant les radicaux. Enfin en 1919, René Nicod se fait élire maire d’Oyonnax ainsi que député. Soutenue par la municipalité, la Maison du Peuple devint rapidement un pilier du communisme oyonnaxien : en 1923, L’Éclaireur faisait fièrement état de son « développement prodigieux en quelques années » :

  • 48 « Recrutement socialiste », Ibid., 29 décembre 1912.

« Pendant cette seule année, l’Aurore [la coopérative au cœur de la Maison du Peuple] aura […] vendu plus que durant les dix premières années de son existence […] L’Aurore possède trois camionnettes automobiles […] un bureau moderne […] un magasin de gros […]. Il nous restera ensuite à terminer la salle des fêtes, à prévoir une salle d’éducation physique pour les jeunes gens, à créer un groupe artistique et sportif, à étudier la question de la colonie des vacances, etc. »48.

40Le communisme s’est établi en Oyonnax avant la création du Parti communiste, en somme grâce à un communisme réel, incarné par la Maison du Peuple.

René Nicod, la Troisième Internationale et l’installation du communisme

41L’adhésion à la Troisième Internationale sera plutôt une entrave au développement du communisme oyonnaxien, mais une fois cette étape franchie, le communisme s’avère en fait mieux implanté que le socialisme pour construire la forteresse nécessaire pour contrôler la concurrence et fournir à Nicod, ainsi qu’à la municipalité, un outil de travail plus adapté.

42Devant la question de l’adhésion, la Fédération de l’Ain reproduit la division classique : les élus et en général les militants d’avant-guerre vont s’opposer à l’adhésion, René Nicod le premier :

  • 49 « La motion d’adhésion », Ibid., 7 novembre 1920.

« Nous voici, nous, infortunés militants, qui avons passé vingt-cinq ans de notre vie à définir le socialisme devant les foules ouvrières et paysannes, nous voici à bref délai obligés d’expliquer que nous ne sommes plus des socialistes mais des communistes.
Le nouveau Parti sera dirigé par vingt-quatre dictateurs parisiens détenant une autorité incontestée basée sur la confiance des militants. Au sommet, la dictature incontrôlée de vingt-quatre camarades, purs parmi les purs. À la base, la discipline la plus stricte. […] plus de liberté de pensée, plus de liberté de la presse […]. Bientôt, la confession des militants deviendra obligatoire et le Comité directeur accordera l’absolution ou prescrira la pénitence. »49

  • 50 A. Geoffroy, dans « Avant l’Irréparable », Ibid., 24 octobre 1920.
  • 51 « Jeunesse socialiste d’Oyonnax », Ibid., 24 août 1919.
  • 52 Gustave Dessertine, Secrétaire de la Jeunesse socialiste d’Oyonnax, « Le Coin des Jeunes », Ibid., (...)
  • 53 Le poids des sections bressanes rend le vote de la fédération plus serré sans toutefois mettre en d (...)

43En revanche, les jeunes recrues reprochent au socialisme son soutien à l’Union sacrée et son réformisme. Pour eux, l’adhésion « est pour l’instant, un projet de radeau pour transborder les passagers d’un “bateau” affrété par des bandits, où les RONGEURS sont en surnombre […] Vive la IIIe Internationale ! »50. La Jeunesse socialiste d’Oyonnax est à l’avant-garde : en août 1919, elle s’est décidée à quitter la Fédération socialiste pour se joindre à la Fédération communiste51 . Il va donc de soi qu’elle se déclare pour l’adhésion en octobre 1920 : « Nous devons entrer dans l’ère des réalisations. Moscou nous en donne un exemple »52. Et, tout comme ailleurs, la Fédération votera l’adhésion malgré la demande d’ajournement soutenue par Nicod. Malgré son prestige à Oyonnax, il n’y a que deux voix pour l’ajournement et neuf contre (dont une de la Jeunesse socialiste)53.

  • 54 « Au prochain congrès », Ibid., 16 janvier 1921 ; « Fédération socialiste de l’Ain », Ibid. ; « Dem (...)

44Nicod et les autres dirigeants fédéraux se plient à la décision du Congrès de Tours, tout en essayant d’éviter la scission dans la Fédération de l’Ain. En janvier, Nicod prône « une certaine autonomie interfédérale ». Il propose une résolution dans ce sens au Congrès extraordinaire de la Fédération, toujours socialiste, de l’Ain, tenu le 6 février 1921. Le Congrès refuse de voter la motion pour l’autonomie par 55 contre 32 mandats, comprenant aussi une « désapprobation énergique et formelle du télégramme injurieux du citoyen Zinoviev », qui montre à quel point Nicod est encore loin de la Troisième Internationale !). La motion de Bellegarde, centre ferroviaire, prônant le respect des décisions de Tours, l’emporte par 43 mandats contre 3354.

45Devant cette décision, Nicod s’incline. Dorénavant, il siège avec le groupe communiste au Parlement et il entraîne avec lui la quasi-totalité des socialistes oyonnaxiens, qui se mettent donc tous à construire une section communiste. Ainsi Nicod réussit à éviter la scission à Oyonnax. Dorénavant, le département se divise sur le plan géographique : à l’ouest de l’Ain, sur la plaine bressane, c’est une Fédération socialiste qui rivalise avec les radicaux, les communistes étant impuissants sinon inexistants ; à l’est de l’Ain, dans les collines jurassiennes, Oyonnax et Bellegarde construisent une Fédération communiste qui n’a pas de rivale à gauche sur le plan local.

  • 55 Cf. Jonas, op.cit : « Institutions had to create an environment in which skills and capital equipme (...)

46La ségrégation géographique et l’importance de la discipline communiste permettent aux communistes oyonnaxiens de créer un petit Moscou : une ville ouvrière qui connaît sa singularité. Ainsi le communisme réunit la grosse majorité du peuple oyonnaxien contre les éléments de discorde de la ville et surtout contre le monde capitaliste à l’extérieur. Il faut insister sur deux aspects du fonctionnement de la municipalité communiste qui contribuent pour beaucoup à cette réussite. D’un côté, Nicod gagne une bataille politique sur un vieux terrain, celui de la laïcité de l’hôpital et réunit toute la gauche derrière lui. D’un autre côté, les communistes composent un conseil municipal où les ouvriers en peignes et les fabricants seront en position de parité, un conseil qui fonctionne comme une super commission de prud’hommes, mais aussi comme soutien coopératif de toute l’industrie et de protection des règles du jeu55. Le résultat a été d’entériner l’équilibre entre la concurrence et la coopération fondés sur les mœurs traditionnelles et de lui donner une forme moderne. Cet équilibre reste la clef de voûte de la réussite d’Oyonnax. Illustrons par la bataille engagée sur la laïcité à l’hôpital d’Oyonnax.

  • 56 « Élections cantonales », L’Éclaireur de l’Ain, 21 mai 1922.
  • 57 « Petite réforme », Ibid., 21 mai 1922.

47En effet, si les socialistes avaient emporté facilement les élections municipales à Oyonnax et si Nicod a été élu député grâce aux voix d’Oyonnax et de Bellegarde, les élections cantonales de mai 1922 ont permis à l’ancien maire – conservateur – d’Oyonnax de maintenir sa place au conseil d’arrondissement56. La semaine suivant la défaite du candidat communiste, Nicod propose la laïcisation de l’hôpital, en des termes qui risquaient de choquer le Bloc National : « La prière ne sera plus dite dans les salles. Les insignes, emblèmes et attributs religieux seront enlevés […]. D’autre part, les salles de malades qui portaient des noms de saints ou de saintes inconnus autant que périmés, s’appelleront dorénavant : salle Bichat, salle Pasteur, salle Jaboulay et salle Ollier »57.

  • 58 « Le coup de force », Ibid., 13 août 1922 ; « Compte rendu de mandat municipal », Ibid., 1er octobr (...)
  • 59 « À l’Hôpital », Ibid., 8 octobre 1922.

48Le préfet de l’Ain engage la bataille en nommant un inspecteur des finances pour faire un rapport sur les finances de l’hôpital. L’inspecteur soumet son rapport en août 1922. Il trouve des « irrégularités administratives ». Il s’agissait du fractionnement des factures importantes en plusieurs lots afin de les payer sans passer par la préfecture. Le préfet dissout la commission administrative de l’hôpital et la remplace par une nouvelle, composée de l’ancien maire et de ses alliés. Lors de la première réunion de la nouvelle commission, « des incidents assez violents se sont produits », malgré la présence d’effectifs importants de la police58. La nouvelle commission se prononce contre la laïcisation59.

49Le 8 décembre 1922, le préfet suspend Nicod et son adjoint de leurs fonctions, puis les révoque « pour violation flagrante et systématique de dispositions légales et réglementaires relatives à l’administration municipale et à la comptabilité des deniers publics ». Nicod présente cette révocation comme un coup de main du Bloc national, en constatant qu’il reproduisait la méthode de l’ancienne municipalité de droite pour éviter les retards dans le paiement de fournisseurs locaux.

  • 60 Le docteur Jules Pernet prend les fonctions de maire pendant l’inéligibilité de Nicod, à la demande (...)
  • 61 Exception faite d’Augustin Piccinaly, militant communiste peu apprécié de la population.

50Tous les communistes donnent leur démission et font campagne en bloc. Le 25 février 1923, tous sont élus avec huit colistiers nouveaux. La liste communiste obtient une moyenne de 1 113 voix contre 1 022 à l’opposition. Les huit conseillers de droite sont battus et le conseil municipal d’Oyonnax devient un des rares de France à être entièrement composés de communistes (avec une exception, le docteur Pernet, grand ami de Nicod60). Cette victoire est confirmée aux élections municipales des 3 et 10 mai 1925. Dès lors, la liste de Nicod, totalement composée de communistes, à part le fidèle Pernet, est élue au deuxième tour61. Ce fut un véritable triomphe, car l’opposition n’était pas seulement de droite, mais aussi du Cartel des gauches, pour lequel la droite se désista au deuxième tour. Oyonnax demeura alors une forteresse communiste incontestée jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. En 1929, la liste de Nicod gagne tous les sièges, sauf trois, au premier tour et les trois autres au second tour ; en 1935 toute la liste est élue au premier tour.

51Comme le conclut le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français : « c’est ainsi que la ville d’Oyonnax dut à René Nicod un parc municipal, des écoles maternelles de quartier, un hospice de vieillards, l’aménagement de l’hôpital et une action attentive aux besoins d’une population ouvrière. » Nicod lui-même parle surtout de ce type de réalisations quand il engage la bataille avec le préfet :

  • 62 « Compte rendu du mandat municipal », L’Éclaireur de l’Ain, 8 octobre 1922.

« – Nouveau cimetière
 – Deux écoles maternelles à 150 élèves en voie de construction
 – Transfert de l’Hôtel des Postes dans la Grenette
 – Adduction d’eau. Études sur le barrage de la Sarsouille
 – Redressement du lit de la Sarsouille
 – Lavoir public, quartier sud
 – Abattoir (rachat par la commune refusé par la Préfecture)
 – L’électricité : conflit avec la Compagnie lyonnaise ; défense par la commune des consommateurs
 – Fournitures scolaires : 20 000 fr. au Sou des Écoles laïques
 – Écoles de filles et de garçons : nouvelles classes créées
 – Cours professionnels
 – Musée industriel : création décidée
 – Caisse de chômage
 – Assistance aux vieillards : amélioration du taux d’assistance rejetée par le Ministre. »62

52Mais l’œuvre caractéristique de la municipalité d’Oyonnax ne se réduit pas à ces réalisations, communes à d’autres municipalités communistes, voire socialistes. Elle apporte aussi son soutien à l’industrie locale et s’efforce de maintenir les règles du jeu, comme nous allons le voir en examinant les rapports de l’industrie du peigne et du militantisme oyonnaxien entre les deux guerres.

Le militantisme oyonnaxien

53Cette industrie fournit un militantisme très fort et très politique. Toutes ces œuvres correspondent au besoin d’institutions communautaires d’une « fabrique collective ». La prédominance du peigne était déjà frappante au début du siècle. En 1921, sur 10 002 habitants, la population active est de 7 042, soit plus de deux personnes sur trois. Sur ces actifs, plus de la moitié (3 578) travaillent dans le peigne. Donc, parmi toute la population de la ville, plus d’une personne sur trois doit son emploi au peigne !

54Il s’agit d’ailleurs de l’apogée du peigne. Mais cette industrie, frappée d’abord par la mode des cheveux courts, souffre ensuite de la dépression. En 1936, pour une population totale semblable à celle de 1921, la population active tombe de 7 042 en 1921 à 5 222 en 1936, soit un travailleur sur deux habitants. Et sur cette population active, seulement 2 228 seront employées, moins de la moitié des personnes actives et moins du quart de la population totale.

  • 63 J’ai assuré la responsabilité de ces notices avec le concours de Michel Rivollier. Voir Dictionnair (...)

55Entre les deux guerres, l’industrie du peigne fournit beaucoup de militants. Une analyse des 669 notices de militants du département de l’Ain de l’entre-deux-guerres, que nous avons recensés pour le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français63, démontre le poids du peigne. La base du militantisme de l’Ain en dehors d’Oyonnax repose sur les transports et les services publics (cheminots, fonctionnaires, enseignants). Dans le département, ces corps de métiers pèsent plus que les ouvriers en peignes. En revanche, Oyonnax et le peigne fournissent un corps de militants axés sur la politique parmi lesquels nous trouvons le souci constant d’équilibrer ouvriers en peignes et fabricants de peignes.

1. Canton d’Oyonnax – Militants par corps de métier

1. Canton d’Oyonnax – Militants par corps de métier

1 : Agriculture
2 : Médecine
3 : Affaires
4 : Vendeurs
5 : Cafetiers
6 : Coopérateurs
7 : Ouvriers spécialisés
8 : Fonctionnaires
9 : Éducation
10 : Bâtiment
11 : Métaux
12 : Livre
13 : Transports
14 : Fabricants de peignes
15 : Ouvriers en peignes
16 : ?

56Cette prédominance du peigne se voit dans la composition des militants d’Oyonnax. Sur les 151 militants du canton d’Oyonnax, 67 vivent principalement du peigne (19 fabricants, 48 ouvriers, graphique n° 2). Le peigne représente près de la moitié des militants du canton. Si l’on suppose, comme ce serait logique, qu’un bon nombre de militants dont le métier nous est inconnu dépendaient aussi du peigne, ce serait facilement plus de la moitié des militants du canton qui seraient dans le peigne. La présence de nombreux fabricants confirme la confusion entre l’état de fabricant et d’ouvrier dans la communauté et le militantisme oyonnaxien.

2. Canton d’Oyonnax – Distribution des militants par métier

2. Canton d’Oyonnax – Distribution des militants par métier

57Dans la commune d’Oyonnax, cette prépondérance est encore plus frappante. Sur 133 militants qui résident à Oyonnax, 54 vivent principalement du peigne ; en plus, 65 ont vécu du peigne entre les deux guerres. En revanche, la part des autres métiers est extrêmement restreinte (trois cheminots et un conducteur des tramways de l’Ain, auxquels s’ajoutent deux instituteurs dont l’un d’eux, Marie-Louise Berthon, joue un rôle capital lors de la scission syndicale à Oyonnax.)

  • 64 II y a un conseiller municipal socialiste avant la guerre de 1914-1918, qui continue à militer aprè (...)
  • 65 Voir L’Éclaireur de l’Ain, 17 décembre 1922.

58Cette situation résulte en partie du fait que le conseil municipal d’Oyonnax est entièrement communiste de 1923 à 1939, ce qui fournit un surcroît de militants communistes et politiques. Effectivement, 31 % des militants sont des conseillers municipaux (OxC 1-3 dans le graphique n° 3), 28 % entre les deux guerres (OxC2), alors que 1 % le sont avant 1914 (OxC1) et 2 % le seront après la guerre de 1939-1945 (OxC2)64 Avec les 7 % de militants communistes qui ne sont pas conseillers, cela fait 38 % de militants communistes. Les coopérateurs sont associés à la Maison du Peuple d’Oyonnax, qui comme la Libre-pensée et la Ligue des droits de l’homme, sont liées au Parti communiste. Lors de la révocation de Nicod, toutes ces organisations protestent vivement, presqu’en chœur65. Il y a aussi 8 % de militants de la SFIO. Les militants politiques constituent 52 % du total. Rappelons qu’à Bourg-en-Bresse, les syndicalistes sont 132 sur 168 militants soit 79 % et qu’à Bellegarde et Ambérieu les proportions sont à peu près les mêmes. Au total, nous avons 41 conseillers, 10 militants communistes, 10 socialistes et 10 adhérents d’autres organisations, soit 71 militants politiques et 62 syndicalistes.

3. Ville d’Oyonnax – Militants par type

3. Ville d’Oyonnax – Militants par type

59Le militantisme oyonnaxien ne se limite point à la politique dans le sens étroit. Il repose dès le départ sur des œuvres collectives qui fournissent à leur tour une plate-forme politique. Oyonnax bénéficie d’un journal socialiste (puis communiste) hebdomadaire, L’Éclaireur de l’Ain, avec sa propre imprimerie, et d’une coopérative, L’Aurore sociale. Entre les deux guerres, trois militants travaillent pour l’Imprimerie ouvrière et sont de ce fait des militants professionnels salariés. Un des bras droits de Nicod, le typographe Alexis Falnot, vient à Oyonnax, vers 1910, pour travailler dans l’Imprimerie ouvrière. Il y fait sa carrière comme gérant, ce qui lui permet de militer à plein temps, de soutenir Nicod au conseil municipal et dans toutes ses campagnes politiques.

60Pas moins de six militants travaillent à un moment donné pour la coopérative L’Aurore sociale ; s’ils ne sont pas des militants professionnels, ils ont tout de même bénéficié du militantisme. Plusieurs d’entre eux seront des « réfugiés », des militants dans le besoin (dont deux cheminots révoqués) pour qui Nicod trouvera des emplois.

61L’industrie du peigne domine le pouvoir à Oyonnax. Elle représente la majorité du conseil municipal, beaucoup plus que sa proportion parmi la population totale, parmi la population active, ou même parmi les militants en général. Ces faits sont frappants si l’on compare ce tableau avec celui des métiers des militants ou si l’on compare le graphique n° 2 (Oyonnax – Distribution des militants par métier) avec le tableau des métiers des conseillers municipaux. Le peigne représente 70 % des conseillers municipaux et 48 % des militants.

62Dans le conseil municipal, les fabricants sont à égalité avec les ouvriers en peignes. Les fabricants ne représentent que 13 % des militants, mais 33 % des conseillers municipaux. En somme, quoique communiste, le conseil municipal d’Oyonnax sert les intérêts d’une industrie. Mais il les sert en les harmonisant, en fournissant les bases communautaires nécessaires pour équilibrer la concurrence et permettre une sécurité que les industriels ne peuvent pas assurer eux-mêmes. Ils peuvent par ailleurs avoir besoin eux-mêmes de cette communauté quand, à l’approche de la vieillesse, ils ferment leur petite entreprise et redeviennent ouvriers. Et enfin, il les sert en fournissant l’infrastructure que ne peut assurer une industrie à petite échelle. Le socialisme puis le communisme servent parfaitement ces intérêts. Aussi représentent-ils la quasi-totalité de la population oyonnaxienne.

Métiers des conseillers municipaux communistes d’Oyonnax

Métiers des conseillers municipaux communistes d’Oyonnax

63Dans une région caractérisée par les mutations technologiques au service d’un développement industriel, du peigne à l’utilisation diversifiée du plastique, le communisme pénètre et se diffuse. Deux structures lui assurent des bases solides, la mairie et la Maison du Peuple. Par ces espaces de conquêtes militantes, le communisme prolonge l’esprit de coopération qui caractérise le fonctionnement de l’économie et de la société.

64La logique économique, fondée sur le maintien de rapports de proximité, donne aux communistes des positions fortes, voire quasiment hégémoniques. Héritier d’une sociabilité masculine épanouie dans l’adhésion au socialisme, ils continuent à élargir vers la famille ces activités socialisées. Sous la direction d’un maire, influencés par les conceptions communautaires fort répandues dans la région, ils élargissent leurs actions en réalisant, avant 1914, la Maison du Peuple qui devient rapidement un lieu décisif de l’influence communiste. Ainsi se révèle une identification entre action communiste et militantisme communautaire. Une culture spécifique au monde communiste, préexistante à la naissance officielle du Parti communiste, se précise et correspond parfaitement aux aspirations des travailleurs du peigne. La municipalité, conquise en 1919, puis conservée par la suite, assure, par sa politique, une fonction de modèle où le pouvoir communal correspond à la volonté populaire s’exprimant dans des réalisations ouvrières.

  • 66 Sabel et Zeitlin, op. cit., p. 144, pour les trois premiers points.

65Comment expliquer ce caractère fortement politique du militantisme oyonnaxien ? Par le besoin, comme le disent Sabel et Zeitlin, « d’institutions communautaires et coopératives qui atténuent la compétition meurtrière » aussi bien que de moyens d’entraide mutuels enracinés dans un réseau dense de rapports de parenté et de voisinage autour de la municipalité66. Ces caractéristiques concourent à la formation d’un militantisme orienté non pas vers les luttes avec le patron, mais vers la conquête des moyens de contrôler la société pour favoriser cette industrie et maintenir l’égalité entre concurrents, « les règles du jeu ». Ce profil militant constitue le symptôme du fonctionnement industriel et économique du conseil municipal.

Notes

1 Même aujourd’hui, il ne compte que trois villes dont la population dépasse 10 000 : Bourg-en-Bresse (40 407), Oyonnax (20 122) et Bellegarde-sur-Valserine (11 274). Il ne compte d’ailleurs que quatre villes de plus de 5 000 : Ambérieu-en-Bugey, Belley, Miribel et Hauteville-Lompnès.

2 Nous y comprenons 20 personnes (15 rentiers et 5 propriétaires) qui jouissaient de rentes mais qui semblent tout de même avoir maintenu une activité personnelle.

3 Dubois (E.), Histoire d’Oyonnax, Paris, Res Universis, 1990 [1902], p. 112-113.

4 Cette analyse fait partie d’une étude informatisée en cours sur les recensements de 1896 à 1936.

5 Sabel (C.) et Zeitlin (J.), « Historical Alternatives to Mass Production : Politics, Markets and Technology in Nineteenth-Century Industrialization », Past and Present, N° 108 (1985), p. 133-176, p. 142.

6 Ibid, p. 312.

7 Le Play (F.), La réforme sociale en France déduite de l’observation comparée des peuples européens, 7e éd, Tours, Alfred Mame, 1887, vol. II, p. 147.

8 Becattini (G.), « Dal “settore industriale” al “distretto industriale”. Alcune considerazioni sull’unità d’indagine dell’economia industriale », L’industria : Rivista di economia e politica industriale, N° 1 (1979) ; Bellandi (M.), « The Industrial District in Marshall », in Small firms and industrial districts in Italy, eds Goodman (E.), Bamford (J.), et Saynor (P.), Londres, New York, Routledge, 1989, p. 136-152.

9 Becattini (G.), « The Marshallian Industrial District as a Socio-Economic Notion », in Industrial districts and inter-firm co-operation in Italy, eds Pyke (F.), Becattini (G.), et Sengenberger (W.), Genève, International Institute for Labour Studies, 1990, p. 39.

10 Marshall (A.). Principles of economics : an introductory volume. 8th ed., London : Macmillan, 1930, p. 271. Voir, pour des discussions générales de l’influence de Marshall sur cette question, PYKE (F.) et Sengenberger (W.), « Introduction », in Industrial districts and inter-firm co-operation in Italy, op. cit., p. 3, et Bellandi, « The Industrial District in Marshall », op. cit., p. 136-152. Pour l’historiographie du concept, voir Brusco (S.), « The Idea of the Industrial District : Its Genesis », ibid., p. 10-19.

11 Marshall (A.), op.cit, p. 271.

12 Ibid.

13 Piore (M. J.), « Work, Labour and Action : Work Expérience in a System of Flexible Production », in Industrial districts and inter-fïrm co-operation in Italy, op. cit., p. 54. Voir aussi l’analyse de Jean-Daniel Reynaud, Les Règles du jeu : L’action collective et la régulation sociale, Paris, Armand Colin, 1993, p. 49, 78, 83-5.

14 Saglio (J.), Industrie locale et stratégie des acteurs : Du peigne à la plasturgie dans la zone d’Oyonnax, Lyon, Groupe lyonnais de la sociologie industrielle, 1991 ; Saglio (J.) et Raveyre (M.-F), « Les systèmes industriels localisés », Sociologie du travail, n° 2 (1984), p. 169-170. Voir aussi l’analyse de Cottereau (A.), « The Distinctiveness of Working-Class Cultures in France, 1848-1900 », in Working-Class Formation : Nineteenth-Century Patterns in Western Europe and the United States, eds Katznelson (I.) et Zolberg (A.R.), Princeton, Princeton University Press, 1986, p. 115. Voir aussi Heywood (C.), The development of the French economy, 1750-1914, Londres, Macmillan, 1992, p. 10.

15 Chassagne (S.), « Industrialisation et désindustrialisation dans les campagnes françaises : quelques réflexions à partir du textile », Revue du Nord, Vol. 63, n° 248, jan-mars 1981, p. 37.

16 « Arrondissement de Nantua : Oyonnax : Les abus », Le Montagnard, 2 avril 1893 ; cf. Ibid., 23 juillet 1893.

17 « La Grève », Le Montagnard, 11 mai 1893 ; « Arrondissement de Nantua : Oyonnax : La Victoire », ibid., 14 mai 1893 ; « Arrondissement de Nantua : Oyonnax », Le Montagnard, 23 juillet 1893,.

18 Jonas (R.A.), Industry and politics in rural France : Pensants of the Isere 1870-1914, Ithaca, NY, Cornell University Press, 1994, p. 189.

19 Des analyses classiques de ce genre de socialisme artisanal ont été fournies par Johnson (C.), Utopian Communism in France : Cabet and the Icarians, Ithaca, Cornell University Press, 1974, 324 p ; « Economic Change and Artisan Discontent : The Tailors’History, 1800- 1848 », in Révolution and Reaction, 1848 and the Second French Republic, ed. Price (R.), Londres, Croom Helm, 1975, 333 p. ; « Patterns of Proletarianization : Parisian Tailors and Lodève Woolens Workers », in Consciousness and Class Expérience in Nineteenth-Century Europe, ed. Merriman (J.M.), New York, Holmes and Maier, 1979, 261 p. ; Moss (B.H.), The origins of the French labor movement, 1830-1914 : the socialism of skilled workers, Berkeley, University of California Press, 1979, 217 p.

20 Par exemple, Élisa Cochet, Veuve Sage, est notée comme fabricant de peignes en 1896, son fils de 25 ans, comme ouvrier en peignes. En 1906, elle est toujours chef de famille mais c’est son fils qui est fabricant de peignes alors qu’elle est ouvrière et son fils patron.

21 Chiffres des tableaux manuscrits du recensement de 1896, Archives départementales (AD) de l’Ain. En fait, 155 personnes étaient notées comme « fabricants de peignes », treize de plus comme « fabricants » sans qualification. Bien que la plupart de ces derniers se trouvaient membres de la Chambre syndicale des fabricants de peignes, nous ne les avons pas comptés.

22 Nicod a longtemps revendiqué la construction de la Maison du Peuple. En 1910 il écrit : « Nous pourrions l’avoir déjà notre Maison du Peuple, ici, […] Il y a neuf ans déjà, je formulais modestement ce projet au groupe socialiste d’Oyonnax, l’invitant à agir rapidement et à prendre exemple sur Saint-Claude » (« Inauguration de la Maison du Peuple de Saint-Claude », L’Éclaireur de l’Ain, 25 septembre 1910).

23 « À Saint-Claude », L’Éclaireur de l’Ain, 25 septembre 1910.

24 Hilden (P.), Women, work, and politics : Belgium 1830-1914, Oxford, New York, Clarendon Press, 1993, 357 p„ p. 215, 222, 230, 240.

25 « Le Vooruit de Gand », L’Éclaireur de l’Ain, 13, 20, 27 juillet, 3, 10 août 1902.

26 Ibid., 20 juillet 1902.

27 Ibid., 10 août 1902.

28 Pour le point de vue de Nicod sur les coopératives traditionnelles, voir l’article d’Arthur Candor, bras droit de Nicod : « À la Coopérative », Ibid., 12 mai 1905.

29 « À Saint-Claude », Ibid., 25 septembre 1910.

30 « Les Enfants du Peuple à Oyonnax », Ibid., 20 juillet, 20 janvier 1907.

31 « Coopération et socialisme », Ibid., 30 août 1908.

32 « Pour le Cercle », Ibid., 25 septembre 1910.

33 « Coopération et socialisme », Ibid., 30 août 1908.

34 « Action socialiste », Ibid., 14 juin 1908.

35 « Recrutement socialiste », Ibid., 1er décembre 1912.

36 « Action socialiste », Ibid., 14 juin 1908.

37 « Pour le Cercle », Ibid., 25 septembre 1910.

38 « À la Coopérative », Ibid., \2 mai 1905 ; « Pour le Cercle », Ibid., 3 novembre 1907 ; « Action socialiste », Ibid., 14 juin 1908.

39 « Inauguration de la Maison du Peuple de St-Claude », « À Saint-Claude », Ibid., 25 septembre 1910.

40 « Le projet de la Maison du Peuple », Ibid., 28 mai 1911.

41 « Oyonnax s’embellit », Ibid., 8 octobre 1911.

42 Voir Sowerwine (C.), Les femmes et le socialisme : cent ans d’histoire, Paris, Presses de la Fondation National des Sciences Politiques, 1978, chapitre VI.

43 « Pour la Maison du Peuple », L’Éclaireur de l’Ain, 2 décembre 1923.

44 « Au café coopératif », Ibid., 13 octobre 1912.

45 « Chronique coopérative », Ibid., 13 août, 7 septembre, 7 décembre 1913 ; « Bibliothèque populaire », Ibid., 5 octobre 1913.

46 « Chronique coopérative », Ibid., 7 septembre 1913. La Bibliothèque populaire n’avait que 80 membres (« Bibliothèque populaire », Ibid., 5 octobre 1913).

47 « Comment j’ai été guéri du jeu », Ibid., 24 août 1913 ; « Un groupe d’éducation et du culture physique à Oyonnax », Ibid., 15, 22, 28 février, 7, 14, 21, 28 mars 1914 ; « Contre l’alcool », Ibid., 8 mars 1914.

48 « Recrutement socialiste », Ibid., 29 décembre 1912.

49 « La motion d’adhésion », Ibid., 7 novembre 1920.

50 A. Geoffroy, dans « Avant l’Irréparable », Ibid., 24 octobre 1920.

51 « Jeunesse socialiste d’Oyonnax », Ibid., 24 août 1919.

52 Gustave Dessertine, Secrétaire de la Jeunesse socialiste d’Oyonnax, « Le Coin des Jeunes », Ibid., 31 octobre 1920.

53 Le poids des sections bressanes rend le vote de la fédération plus serré sans toutefois mettre en doute le résultat : 45 pour, 35 contre. Les délégués au Congrès de Tours seront Nicod et Mermet (Ibid., 26 décembre 1920).

54 « Au prochain congrès », Ibid., 16 janvier 1921 ; « Fédération socialiste de l’Ain », Ibid. ; « Demain ! Congrès extraordinaire de la Fédération socialiste de l’Ain », Ibid., 6, 13 février 1921. Cette résolution pour l’autonomie, présenté par Arthur Candor, le bras droit de Nicod, aurait permis à ce dernier de siéger avec le groupe socialiste au Parlement alors que la Fédération aurait respecté la neutralité.

55 Cf. Jonas, op.cit : « Institutions had to create an environment in which skills and capital equipment could be constantly recombined in order to produce a rapidly shifting assortment of goods and, as a precondition of this, firms were discouraged from competing by reducmg wages and cutting prices rather than creating new products and production processes. »

56 « Élections cantonales », L’Éclaireur de l’Ain, 21 mai 1922.

57 « Petite réforme », Ibid., 21 mai 1922.

58 « Le coup de force », Ibid., 13 août 1922 ; « Compte rendu de mandat municipal », Ibid., 1er octobre 1922.

59 « À l’Hôpital », Ibid., 8 octobre 1922.

60 Le docteur Jules Pernet prend les fonctions de maire pendant l’inéligibilité de Nicod, à la demande de celui-ci. Il ne cesse de couvrir Nicod d’éloges. Lors de sa mort, la municipalité communiste lui fera des funérailles grandioses.

61 Exception faite d’Augustin Piccinaly, militant communiste peu apprécié de la population.

62 « Compte rendu du mandat municipal », L’Éclaireur de l’Ain, 8 octobre 1922.

63 J’ai assuré la responsabilité de ces notices avec le concours de Michel Rivollier. Voir Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron. 43 vols, Paris, Éditions ouvrières, 1964-1993. Voir aussi mon article, « À la recherche du militant : les militants de l’Ain 1914-1939 », Cahiers d’Histoire – Revue d’histoire critique, n° 70, 1998, p. 109-134.

64 II y a un conseiller municipal socialiste avant la guerre de 1914-1918, qui continue à militer après la guerre et deux militants de l’entre-deux-guerres, qui deviennent conseillers municipaux après la guerre de 1939-1945. Comme nous avons codé les militants d’après le poste le plus en vue, ils semblent en dehors de la période 1914-1939, mais ont effectivement milité pendant cette époque.

65 Voir L’Éclaireur de l’Ain, 17 décembre 1922.

66 Sabel et Zeitlin, op. cit., p. 144, pour les trois premiers points.

Table des illustrations

Titre 1. Canton d’Oyonnax – Militants par corps de métier
Légende 1 : Agriculture2 : Médecine3 : Affaires4 : Vendeurs5 : Cafetiers6 : Coopérateurs7 : Ouvriers spécialisés8 : Fonctionnaires9 : Éducation10 : Bâtiment11 : Métaux12 : Livre13 : Transports14 : Fabricants de peignes15 : Ouvriers en peignes16 : ?
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Titre 2. Canton d’Oyonnax – Distribution des militants par métier
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Titre 3. Ville d’Oyonnax – Militants par type
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Titre Métiers des conseillers municipaux communistes d’Oyonnax
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Auteur

Professeur, Université de Melbourne

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