1Quatre cent trente-six hommes ont représenté le département de la Seine entre 1871 et 1940. Ils n’ont pas la même connaissance des grands événements historiques qui jalonnent les XIX^e et XX^e siècles. Ils sont nés et ont vécu sous des régimes politiques aussi dissemblables que peuvent l’être la Restauration, la monarchie de Juillet, la Deuxième République, le Second Empire, les débuts de la République. L’enfance et la jeunesse de plus de 44 % d’entre eux se déroulent sous l’Empire, à une époque où l’on accorde plus d’importance à la notabilité sociale qu’au diplôme. Ceux nés entre 1876 et 1895, soit 21 % du total, sont pour la plupart des combattants de la Grande Guerre, ayant pris conscience de leur identité en tant que classe d’âge. La dernière génération, entre 1896 et 1920, avec les 32 futurs élus, bénéficie d’une scolarité devenue plus générale. Par un vécu des évènements nationaux, et des possibilités d’ascension économique et sociale sans comparaison, ces hommes forment bien un agrégat de sensibilités très différentes1.

Provinciaux, habitants de Paris, parisiens

2« Parisiens de hasard ou de nécessité, habitants de Paris déguisés en Parisiens, ou vrais Parisiens » ?2 Leur premier contact avec la capitale passe par la famille, les études et le mariage.

3L’origine géographique ne donne pas une place aussi considérable aux provinciaux « montés » à Paris, bien que les Parisiens « de souche » demeurent relativement rares. 27,3 % des élus sont nés à Paris intra-muros, et plus de 6 % sont de vrais parisiens, bien enracinés, dont le père ou la mère est né à Paris. Toutes les régions n’approvisionnent pas la capitale de la même façon : la banlieue parisienne (5,7 %), le Nord-Est (23,8 %), le Sud-Est (12,1 %), le Grand Ouest (13,1 %), le Sud-Ouest (9,1 %)3. Une densité plus forte est constatée au nord de la Loire, avec quelques zones privilégiées comme la Bourgogne et le Centre-Val de Loire. Quarante-deux futurs élus sont nés dans un des quatre départements suivants : Hérault (11), Cher (9), Nord (13), Gironde (9), tous connus pour être des « foyers » actifs politiquement. Différentes analyses sur l’installation du provincial à Paris ont démontré qu’il existait des quartiers bien spécifiques, comme les 12^e et 13^e arrondissements pour les Bourguignons, les 19^e et 20^e arrondissements, et plus généralement l’Est parisien pour les Alsaciens-Lorrains. Deux sur les 27 élus d’origine bourguignonne représentent ces quartiers et 4 sur les 18 élus d’origine alsacienne et lorraine4 Ce provincial, installé à Paris, se désolidarise du milieu dont il émane. Il adhère rarement aux nombreuses sociétés d’originaires qui marquent le renouveau régionaliste du XIX^e siècle5.

4La plupart de ces hommes, soit plus de 32 % du total, ont poursuivi des études supérieures à Paris, dans les écoles les plus réputées, fréquentant l’École normale supérieure (11)6, la Faculté de droit (100), la Faculté de médecine (28) ou la Faculté des sciences (3). Certains avaient suivi un enseignement secondaire dans les meilleurs établissements de la ville de Paris : Charlemagne (13), Condorcet (19), Henri IV (7), Louis-le-Grand (25), Montaigne (1), Saint-Louis (10)7. Le mariage est un autre indicateur de leur attachement à Paris et à la proche banlieue : 64,3 % des mariages civils sont célébrés à Paris, et 73,2 % en comptant la grande couronne8. Leur installation est effective lors de la constitution du couple. L’essentiel de leur carrière professionnelle et politique, de leur vie même, se déroule dans la capitale, près des pouvoirs. Ce fort attachement est réaffirmé puisque 39 % des élus ou anciens élus y décèdent, et plus de 63 %, en comprenant la banlieue parisienne.

5Quinze futurs parlementaires naissent hors de France, de parents français ou étrangers9. Les 7 étrangers naturalisés illustrent le bel exemple de l’intégration des nouveaux venus, exception faite de Garibaldi. Italien (Gambetta, 1859), polonais (Wolowski, Bompard, Erlich, Lacroix, 1868), cubain (Heredia, 1870), et originaire de Bade (Spuller, 1856) obtiennent la nationalité française. Leur élection peut être contestée comme celle de Sigismond Lacroix aux municipales de 1884, invalidée sous le prétexte d’une non-présentation sous son nom d’origine de Krzyzanowski. Dans les années 1880, l’étranger est un enjeu des polémiques entre la droite et la gauche.

La tradition familiale

6Grandir au foyer familial dans une ambiance politique concerne plus de 10 % de l’ensemble, mais la plupart n’ont vécu ni de la politique ni pour la politique. Ils y acquièrent le goût de la politique et de l’exercice des responsabilités. Fils ou petit-fils de parlementaires, ils bénéficient de la transmission de génération en génération d’un certain héritage10. Ils sont issus de milieux très privilégiés et ils ont vu conforter les chances qui leur étaient données au départ. L’hérédité politique par le père (plus de 10 %), par le grand-père (plus de 6 %), par l’oncle (2 %) mais, de ce qui a pu être déterminé, seulement 5 % des frères suivent la même voie. L’héritage direct des suffrages parisiens est rare et montre la difficulté de transmettre sa circonscription et son siège de député. Denys Cochin est le fils d’Augustin Cochin, conseiller municipal de Paris (1858-1860), le petit-fils d’un conseiller municipal de Paris et député de la Seine (1837-1839), l’arrière-petit-fils d’un maire et député de Paris (1824-1827). Louis Decazes est le fils aîné d’Élie Decazes, député de la Seine (1815) et pair de France (1818), le neveu de Joseph Decazes, député légitimiste du Tarn (1831-1834 et 1839- 1846). Ernest Denormandie est le petit-fils de Louis Bonnet, député de la Seine (1820-1822 et 1824-1827). Charles de Lasteyrie est le petit-fils de Ferdinand de Lasteyrie du Saillant, député de la Seine en 1842-1848 puis en 1848-1849. Henri Coutant prend la succession de son père, député de la Seine (1893-1913). Jean Lerolle est le fils du conseiller municipal du VIIe arrondissement et député de la Seine (1898-1912), c’est l’un des rares exemples de la reprise d’une circonscription électorale. Cette vocation héréditaire engendrée par le suffrage universel, recrute dans la haute et moyenne bourgeoisie, généralement républicaine, exception faite des Coutant père et fils. Leur fils, leur gendre et même leur fille leur succèdent en tant que maire, conseiller municipal ou conseiller général (8 cas), député (7 cas), 9 gendres deviennent députés et après 1945, une fille devient député.

7La tradition familiale, jointe à la tradition religieuse, rassemble les membres de la haute société parisienne, liés aux milieux dirigeants de l’industrie, des affaires, de la banque, et aux grands corps de l’Etat. Cette filiation est représentée par des noms aussi prestigieux que ceux d’André, Dietz-Monnin, Freycinet, Pressensé, Say, Steeg, Scheurer-Kestner, ou encore Duval-Arnould, Proche11.

8La structure familiale est aussi révélatrice de cette notion de tradition. Le faible nombre de célibataires, soit 28 de l’effectif total, s’explique par le fait que le statut de célibat est difficilement compatible avec l’exercice d’un mandat électif. Il faut recevoir et être reçu pour se faire connaître. Prendre femme légitime avant de se lancer dans la carrière politique reste le modèle populaire suivi par la grande majorité, révélant un mariage d’inclination. Les unions sans contrat où les questions d’argent ne sont pas forcément abordées sont au nombre de 83 pour 118 contrats de mariage, le reste n’ayant pas pu être déterminé soit 202. Les stratégies d’alliances sont repérables en comparant la date de cette première union avec celle de l’exercice d’un premier mandat national. 88,5 % des futurs parlementaires ont pris femme avant de se présenter devant les électeurs12.

9Le Parisien se doit de disposer d’un espace de réception et d’un cercle étendu de relations, reflétant une sociabilité bien spécifique. C’est en ce domaine que le rôle de la femme apparaît primordial. Par leur forte personnalité, les idées qu’elles diffusent, elles le prouvent en tenant un salon13. Elles le prouvent encore en étant des femmes de lettres, comme Amélie Dewailly, épouse de Mesureur, ou Clémence Royer, compagne de Duprat. Elles se lancent aussi dans la politique comme Jeannette Vermeesch épouse Thorez, Marie-Claude Vogel épouse Vaillant-Couturier ou Henriette Charles-Vallin ; elles militent comme Thérèsa Pereira épouse Blum, Valéria Desvaux épouse Longuet, Raymonde Barbé épouse Tillon et Julia Chesnel épouse Touchard.

10Le mariage d’intérêt repose sur le choix du beau-père. Prestige, relations, fortune du père de la future aident et accélèrent les succès du gendre. Allain-Targé, en s’unissant à Geneviève Villemain, devient le gendre d’un pair de France, académicien. Dietz-Monnin, en s’alliant à la famille Japy, prend la direction de la succursale de Paris. Dupuy épouse la fille de Frédéric Mestreau, député puis sénateur de la Charente-Inférieure. Flourens épouse la fille de Michel Chevalier, professeur au Collège de France, ancien député. Messimy épouse la fille d’André Comil, député puis sénateur de l’Allier. Sans reprendre le mandat législatif du beau-père, ils bénéficient sans doute des relations sociales de la belle-famille14.

Les compétences mises au service de la nation

11Tout homme détenant un mandat politique doit nécessairement se faire connaître progressivement des électeurs. Ce n’est pas sans conséquences sur la répartition socioprofessionnelle du Parlement.

12Paris attire une proportion de sommités intellectuelles qui est loin d’être négligeable, bien que les professeurs et cadres supérieurs de la fonction publique soient peu attachés à conquérir le pouvoir politique. Et les quelques universitaires semblent plus introduits dans les milieux scientifiques que dans les couloirs du pouvoir, mais leur présence dépasse généralement le mandat unique15. Ils forment un groupe que les partis cherchent à attirer pour profiter de l’importance de leurs relations et de leur clientèle, et du prestige attaché à leur réputation et à leur fonction. Ils sont membres de l’institut de France16, médecin de renom (Pinard), explorateur (Bonvalot), architectes (Brandon, Trelat).

13Quelques « spécialistes » siègent au Parlement. Avec leur formation comportant une part importante de technicité professionnelle, ils sont plus aptes à comprendre certains dossiers. C’est ainsi que plus de 6 % du total semblent exercer une profession médicale. Pourtant, à examiner de plus près les 22 médecins dont 2 ont exercé en province, seulement 18 sont des médecins exerçant dans leur propre cabinet médical17 ou dans des services hospitaliers18. Seulement 2 des 5 pharmaciens exercent au moment de leur mandat (Charles-Bernard, Féron). Bien que cette poignée d’hommes ait la possibilité d’être en contact quotidien avec leurs électeurs, leur faible nombre montre parfaitement que la préoccupation de ces professions est de faire fonctionner leurs cabinets. Il est difficile de cumuler des fonctions de député et un exercice professionnel quotidien. Ils n’exercent pas (Vaillant), abandonnent la pratique de la médecine pour se consacrer au journalisme (Clemenceau, Poirier de Narçay), changent radicalement de métier (Cadet, propriétaire d’une brasserie, Bamberger, bibliothécaire au Muséum d’histoire naturelle, Rigaud, parfumeur), font un passage relativement bref au Parlement19, se présentent au Sénat (G. Martin, Mounié). Certains donnent des consultations à titre gratuit dans des sociétés de bienfaisance de leur quartier d’élection comme Émile Chautemps, Frébault, Georges Martin, Navarre, Paulin-Méry et Piettre.

14Le corps des officiers de carrière forme une catégorie socioprofessionnelle tout aussi peu représentée, mais dont la renommée dépasse largement les rangs de l’armée : le colonel Denfert-Rochereau, le général Boulanger, le général de division Frébault, le vice-amiral Pothuau, tous deux devenus inamovibles en 1875, le vice-amiral Saisset. Leur démission n’est pas liée directement à une présentation aux élections puisqu’elle se situe généralement plusieurs années auparavant, comme le lieutenant-colonel Fabry, l’aviateur et fondateur de l’escadrille des Cigognes Brocard, le chef d’escadrille Isnard, le chef d’état-major général de la marine Bienaimé, les vice-amiraux Jaurès et Touchard. La plupart des 35 anciens élèves des grandes écoles militaires restent dans l’armée moins de dix ans20. Anciens militaires, ils embrassent, en grande majorité, la profession de journaliste (Blacque-Bélair, Fabry, Gaulier, Gervais, Laisant, Maujan, Paté), ou après avoir passé la licence de droit, exerce au titre d’avocat (Robaglia), exceptionnellement s’occupent de leurs terres (Douville-Maillefeu).

15Le nombre d’ingénieurs est lui aussi relativement faible. Parmi eux, on compte un ingénieur agronome, sorti de l’École d’horticulture de Versailles (Nomblot), des ingénieurs des mines, plus représentés que les ponts et chaussées21, des écoles dites de second rang telles que l’École supérieure de physique et chimie industrielle de Paris (Perrin), l’École centrale d’arts et manufactures (Trelat et Vaillant). Tout montre qu’ils ne constituent pas un groupe homogène et ne se représentent généralement pas à un second mandat.

16Les rapports du capitalisme et de la politique sont difficiles à cerner. Cette minorité établit des liens avec le grand capital et détient l’argent et le pouvoir économique. Au moins 46 de ces hommes ont une implantation dans le monde des affaires, des conservateurs plus que des républicains. Treize hommes sont liés à de prestigieuses institutions financières. Parmi eux, il faut citer Alfred André, associé de la banque du même nom, régent de la Banque de France et représentant à l’Assemblée nationale, Archdeacon, commanditaire de la maison de banque Leroy et député (1902-1906), Maurice Binder, administrateur de la banque française pour le Brésil (1915- 1924), et député (1893-1924), Ernest Denormandie, président de la Caisse d’épargne et de prévoyance de Paris (1882-1898) et sénateur inamovible (1875-1902), Plœuc, fondateur directeur de la banque impériale ottomane, sous-gouvemeur de la Banque de France (1868-1878) et représentant à l’Assemblée nationale22. La corporation des agents de change de Paris est représentée à l’Assemblée nationale par Ferdinand Moreau, premier syndic. Les membres de la Chambre de commerce de Paris ne semblent pas s’immiscer dans la politique nationale, exception faite de Dietz-Monnin nommé en 1876 puis président de 1883 à 1885, de l’industriel Poirrier, membre en 1879, qui assume successivement les fonctions de secrétaire, vice-président puis président en 1887, ou du banquier André. Ce sont, pour la plupart, des propriétaires ou administrateurs de sociétés, détenteurs de grosses fortunes, qui coexistent avec des créateurs d’entreprise, l’entrepreneur de travaux publics Lucien Besset, l’industriel de la carrosserie Maurice Binder, le propriétaire d’une maison de commerce Brelay, l’associé de la Maison Brounn, Pernolet et Cie, le fabricant de papiers peints Petitjean, le président de la société Champagne Taittinger. Ces hommes d’affaires professionnels entrent au Parlement, assument des responsabilités dans les commissions quand un problème précis se pose dans leurs rapports avec le pouvoir. Escudier est administrateur d’une compagnie d’assurances et député de 1910 à 1931, le médecin entomologiste Marmottan assume la présidence des mines de Bruay et des mines d’Albi (1871-1914), il est président fondateur de la société française des charbonnages du Tonkin tout en étant député de la Seine de 1876 à 1883 et 1889 à 1898.

17Ils siègent aux conseils des sociétés les plus puissantes, s’intéressant à la métallurgie, aux mines, et aux grandes compagnies des chemins de fer23.

18L’Exposition universelle, œuvre éminemment nationale, intéressant le commerce et l’industrie du pays, est un excellent révélateur de l’intervention des gros industriels et commerçants dans la vie politique. Ces personnalités influentes dans le monde économique sont en nombre réduit. La palette des activités est très limitée : la coiffure représentée par Muzet, la bijouterie avec Tirard et Mascuraud, la chimie et les produits dérivés avec Poirrier et Scheurer-Kestner, la papeterie avec L. Brunet, la passementerie de meubles avec Louvet, la plomberie avec Thuillier, la quincaillerie avec Dietz-Monin. Leur influence est certaine puisqu’ils assument ou assumeront après leur mandat la présidence de leur chambre syndicale (Muzet, Mascuraud, Poirrier, Dietz-Monin et Thuillier, vice-président), du conseil des prud’hommes (Muzet, Mascuraud)24.

19Le pouvoir politique passe par le circuit du langage, et ne peut se concevoir sans un don d’éloquence et une parfaite maîtrise de la parole. Les juristes sont le seul groupe socioprofessionnel homogène, représenté en nombre, qui associe l’expérience du discours public et la confrontation aux textes de loi. Plus d’un quart des élus de la Seine sont des hommes de lois au contact des réalités sociales dont au moins 92 avocats – la moitié de ceux-ci peuvent s’orienter vers le journalisme en dilettante ou pas. L’exercice d’un mandat politique conjugué à leur profession leur permet d’élargir leur réputation et d’attirer une clientèle supplémentaire. D’autres viennent siéger comme le notaire et président de la Chambre des notaires, Sebert, les avoués près le tribunal de première instance, Lefoullon et Denormandie, ce dernier présidant la Chambre des avoués. Les juristes titulaires d’une thèse sont au nombre de 42, diplômes obtenus à Paris (sauf Millière à Dijon et Berry à Bordeaux). Vingt-six sont des avocats ou d’anciens avocats, 10 entrent dans la haute fonction publique au Conseil d’État ou à la Cour de cassation25. Ils enseignent comme Jean Lerolle à l’École supérieure des sciences économiques et commerciales, Léveillé, professeur de droit criminel et de législation pénale à la Faculté de droit, ils donnent des cours comme Michelin et Oudin. Quelques rares membres du barreau parisien seront chargés de fonctions officielles en tant que membre du Conseil de l’Ordre comme Hérisson, ou de bâtonnier comme Héraud et Goblet.

20La presse est pour le candidat aux élections un moyen de sortir de l’anonymat, de se faire connaître des électeurs de sa circonscription ; c’est aussi un moyen de maintenir un contact en vue de sa réélection. Le métier de journaliste recouvre des situations très différentes : les rédacteurs, les directeurs et fondateurs d’un quotidien, les collaborateurs depuis au moins deux années ou de deux quotidiens. Plus de 52 % des élus de la Seine ont un rapport étroit avec le monde de la presse26.

21L’acquisition d’une formation influence nécessairement la façon de faire de la politique et plusieurs d’entre eux, pour la plupart d’origine modeste, ont bénéficié d’une bourse pour poursuivre leurs études supérieures27. Ces hommes, par leur formation littéraire et un certain type d’éloquence, consacrent leur temps aux activités politiques, mais ils ne dédaignent pas la plume en se faisant auteurs de biographies d’hommes politiques28.

22Les primaires comme les désignent si justement François Grèzes-Rueff29, regroupent l’ensemble des autodidactes qui n’ont pas dépassé le niveau du certificat (plus de 15 %). La cohérence politique de ce groupe est certaine, majoritairement de gauche, d’origine sociale modeste, se rencontrant essentiellement dans les périodes de changement (1919, 1924 et 193 6)30. Quelques-uns n’hésitent pas à reprendre des études comme Baranton, titulaire d’un certificat d’études, qui obtient la capacité en droit. Au moins 34 d’entre eux acquièrent un savoir technique, par l’apprentissage chez un patron. Ils suivent des cours du soir afin d’améliorer leur situation professionnelle comme Bassinet qui, de simple manœuvre, devient entrepreneur des travaux publics, dirigeant une société qui porte son nom, de même Chenal devenu entrepreneur de menuiserie31. Elle peut aussi être directement liée à l’exercice d’un mandat32. L’acquisition d’un savoir et d’un savoir-faire pour les ouvriers, diffère donc radicalement, parfois ils multiplient les métiers de la jeunesse, sources d’expérience : Parsal, ouvrier agricole, cultivateur puis ouvrier dans une entreprise de construction, ou Rhul, cultivateur devenu employé à la Compagnie du gaz.

L’entrée en politique

23L’apprentissage de la vie politique ne repose pas seulement sur le type d’études suivies et l’acquisition d’un savoir-faire. S’y ajoutent la fréquentation des conférences d’éloquence parlementaire, des appareils de direction et équipes d’animation des partis politiques, des entourages d’hommes publics.

24Les conférences d’éloquence ont formé la plupart des grands hommes d’État dès 1830. C’est là qu’ils ont commencé à révéler leurs aptitudes dans l’art oratoire. Plus de 11 % des futurs élus, dont la moitié est née entre 1836 et 1875, ont appris à débattre des problèmes d’actualité dans les règles de la délibération parlementaire en fréquentant les conférences Molé et Molé-Tocqueville. Préparant également à la vie publique, la fréquentation de la conférence du stage favorise l’initiation à l’exercice du magistère de la parole, aux lois et aux usages de la justice33. On compte 23 secrétaires de la conférence du stage des avocats du barreau de Paris dont 5 présidents de l’association. La plupart sont des héritiers issus de la bonne bourgeoisie de robe parisienne34. Cette formation intellectuelle par les études de droit, les exercices de préparation au concours de la Conférence peut être complétée par un passage à l’École libre des Sciences politiques35.

25L’expérience du monde politique s’acquiert également en faisant partie de l’entourage des hommes publics, des cabinets ministériels. Une poignée de futurs élus ont fait leurs premières armes au sein d’un cabinet ministériel, lieu privilégié d’initiation aux affaires, permettant de se constituer un réseau de relations. Ce sont des postes qui peuvent être qualifiés de techniques. Berthon devient le collaborateur du socialiste Bouisson au commissariat à la Marine marchande. Léon Blum est le chef de cabinet du ministre des Travaux publics Marcel Sembat. Chiappe assume toute une série de fonctions avant son élection en 1936. Hector Depasse est le chef de cabinet d’Eugène Spuller, ministre de l’instruction publique et des Beaux-Arts. Pierre Dupuy sert de secrétaire particulier de son père, ministre de l’Agriculture. Fabry est attaché à l’état-major particulier du ministre de la Guerre, le général Brun en 1910. Lasteyrie est chef de cabinet au sous-secrétariat des Affaires étrangères d’octobre 1915 à mars 1917. Paul-Boncour devient le secrétaire particulier de Waldeck-Rousseau pendant sa présidence du Conseil (1899-1902) puis de Viviani. Pierre Richard débute comme archiviste au ministère de la Guerre et un an plus tard, devient chef du secrétariat du ministère de l’Agriculture et secrétaire particulier de François Paul Barbe mais démissionne rapidement de l’administration pour des motifs politiques. Onze futurs élus sont des collaborateurs de parlementaires ou d’hommes politiques qui ont la particularité d’être en majorité élu dans le département de la Seine ou dans les départements limitrophes, sans qu’une tendance politique ressorte36. Frédéric-Dupont cumule l’appartenance à la conférence du stage, la double formation dans les cabinets ministériels et dans le sillage d’un député. Il est le collaborateur du député, ancien ministre et dirigeant de l’Alliance démocratique, Charles Reibel et par la suite chef adjoint au cabinet de Désiré Ferry, ministre de la Santé publique.

26La formation des élus de gauche est liée au militantisme, favorisant la promotion politique par l’apprentissage et par les liens d’amitié mais aussi par le syndicalisme qui leur permet d’apprendre la technique et les règles du jeu. Pour les ouvriers de l’industrie et les employés, l’itinéraire commence et se poursuit à l’intérieur du syndicat37. Quant aux communistes, la fréquentation des écoles du Parti les aident à reformuler leur rapport avec la politique : l’école des propagandistes en 1922 pour Costes, de Bobigny en 1924 pour Auffray, Baranton, Beaugrand, Bourlois, Duclos, Grenier, de Pierrefitte en 1930 pour Monjauvis, léniniste internationale à Moscou pour Parsal, Pillot, W. Rochet.

L’homme en politique

27S’agit-il de professionnels de la politique ? Cette question renvoie à préciser la volonté, plus ou moins implicite, de faire une carrière politique, de se « fabriquer » un homme politique. Entrer dans une carrière politique ne s’improvise pas38 et leur rôle dans le fonctionnement de l’État, du département de la Seine et de la ville de Paris le prouve.

28Ils ont un passé politique personnel, ils ont assumé un mandat électif durant la Constituante de 1848, sont connus pour leur résistance au régime impérial, ont subi des condamnations et les affres de l’exil39 et ils vont siéger à l’Assemblée nationale en 1871. Il faut citer les cas de Thiers, élu de la Seine-Inférieure de 1830 à 1848, de la Seine de 1848 à 1851, de 1863 à 1870 puis en février 1871, et celui de Wolowski, représentant à la Constituante en 1848 et à la Législative de 1849, fondateur de la Banque financière de Paris (le futur Crédit foncier de France) en 1852, réélu en février 1871. D’autres détiennent un mandat législatif sous le Second Empire (Gambetta, Lefébure succédant à son père, Rochefort, et Thiers déjà cité). Au total 21 individus ont siégé avant l’installation de la Troisième République. Plusieurs acteurs de la Commune de Paris, après leur temps d’exil, entrent à la Chambre des députés. L’ancien directeur de la Monnaie Camélinat, exilé en Angleterre, est élu en 1885. L’initiateur des troubles du Creusot, Dumay, exilé à Genève est élu en 1889. L’animateur de la Commune révolutionnaire, Granger, exilé à Londres et chargé de la liaison avec les exilés de Suisse et de Belgique, ami intime de Blanqui, échoue en 1885 mais est élu en 1889. Un des membres de la commission exécutive de la Commune, délégué à l’instruction publique, Vaillant, exilé à Londres, échoue à quatre reprises et est élu en 1893. Le délégué à la Sûreté générale et exilé, Cournet tente de retrouver un siège aux élections législatives en 1881. Ces hommes, par leurs convictions politiques et leur passé, n’hésitent pas à se représenter devant les électeurs.

29La détention de mandats locaux est un élément primordial pour être candidat et élu aux législatives. C’est un moyen de s’initier à la maîtrise des rouages de l’administration municipale, de la gestion et des finances locales. Plus de la moitié des élus ont brigué puis détenu des fonctions locales, à l’échelle municipale ou cantonale. Parmi eux, 32 présidents, 22 vice-présidents et 34 secrétaires du conseil municipal de Paris40. Certains conseillers municipaux de Paris présentent leur démission et optent pour la Chambre des députés41. On compte 46 conseillers municipaux de la banlieue parisienne et seulement 27 de la province. Près de 48 % des parlementaires ont assumé un mandat de conseiller général de la Seine (y compris les conseillers municipaux de Paris), dont 26 ont été présidents du conseil général de la Seine42. Treize ont fait partie d’un conseil général en dehors de la Seine et parmi eux 3 furent présidents. Ce sont des députés parisiens qui se présentent en province après un passage plus ou moins long sur la scène de la capitale (Baudin, Bracke-Desrousseaux, Chautemps, Rhul), d’anciens élus qui n’ont pas réussi à obtenir un siège dans une circonscription provinciale (Berthon, Bos, Georges Martin), ou au contraire c’est le tremplin obligé avant la montée à Paris (Gambon en 1848, Goblet, Paul-Boncour).

30En reprenant les titulaires d’un mandat local devenus président du conseil municipal de Paris, on constate que la durée du mandat entre la mairie et le Parlement peut atteindre 40 ans, à l’exemple de Chassaigne-Goyon, la moyenne se situant autour de 20 ans43. Cette estimation, si on considère l’ensemble des titulaires d’un mandat local, porte sur 31 % de plus de 20 ans. Ces hommes ont un avantage de notoriété pour conquérir la circonscription législative. C’est le prolongement d’une carrière politique reconnue par les électeurs de Paris et c’est bien vers les détenteurs de fonctions électives locales qu’on se tourne pour trouver un candidat. Ce peut être aussi une position de repli puisqu’une trentaine d’anciens élus retrouvent des responsabilités municipales après 1940, dont, à Paris, 11 durant la période de Vichy et 10 après la Libération44, et 6 en province.

31Une forte majorité de ces hommes exercent des fonctions locales, sont connus dans leurs circonscriptions, créant ainsi un réseau de relations, bénéficiant d’une certaine popularité. Ils militent aussi dans un parti avant d’être désignés comme candidats aux élections législatives ou sénatoriales. Quelques-uns assument les plus hautes responsabilités politiques (fondateur de parti), bénéficiant d’une notoriété et d’une autorité obtenues au sein des équipes de direction et de propagande des groupements politiques. Cela semble aussi accentué à droite qu’à gauche. On peut citer Denais, membre du comité directeur de l’Action libérale populaire, Chassaigne-Goyon, Lasies et Marius Martin, membres fondateurs du comité central de l’Appel au peuple, en 1904, Benoist, président de la Fédération républicaine, Thibout, fondateur président du Parti démocrate populaire en 1924, Taittinger, président fondateur des Jeunesses patriotes en 1924, Isnard, premier vice-président du Parti républicain national et social. S’y ajoutent les principaux initiateurs ou animateurs des partis de gauche comme Edouard Vaillant, leader du Comité révolutionnaire central vers 1881, Paul Brousse, de la Fédération des Travailleurs socialistes de France en 1882, Jean Allemane du Parti ouvrier socialiste révolutionnaire en 1890, Dejeante et Groussier de l’Alliance communiste révolutionnaire en 1897. Durant cette période, les rivalités idéologiques et tactiques, de gauche comme de droite, ont pour origine des noms d’élus de la Seine comme Taittinger, Duclos, Cachin, Thorez, Mesureur, Deloncle, Blum. Plus de 11 % d’entre eux appartiennent au bureau d’une des deux assemblées. Ils deviennent les présidents des principales commissions à la Chambre des députés45. Ils président leur groupe parlementaire46.

32Ils assument les plus hautes responsabilités nationales en étant Président de la République (Thiers, d’août 1871 à mai 1873, Millerand, de novembre 1920 à juin 1924), candidat à la présidence de la République (Brisson en 1894 et 1895, Vaillant en 1913, Clemenceau en 1920, Camélinat en 1924, Duclos en 1969), président de la Chambre des députés (Gambetta, Brisson [4 fois], Floquet [2 fois], Painlevé), ou du Sénat (Léon Say).

33Certains constituent le vivier des ministères. Des 108 gouvernements de la Troisième République, 28 sont présidés par des élus de la Seine47, mais la moitié détient un siège en province au moment de leur nomination. Sur un total de 653 hommes politiques qui accèdent à un portefeuille, 10,7 % sont parisiens. Ce chiffre monte à 16 % si on prolonge sur les Quatrième et Cinquième Républiques. Un tiers se voit confier à quatre reprises des responsabilités ministérielles. La moitié de ce petit groupe s’accapare les départements ministériels les plus importants, passant de l’un à l’autre48. Ce sont les leaders qu’il convient de nommer à des portefeuilles importants, pour les autres, des techniciens qui connaissent le domaine. La vocation ministérielle semble liée à la longévité du passage sur la scène parlementaire (près de la moitié ont 20 ans et plus de mandats électifs) et à une certaine notoriété. Ils appartiennent aux mêmes cabinets ministériels (9 dans les cabinets Ribot, 12 dans ceux de Briand). Viviani en recrute 4 en constituant son gouvernement (Messimy, Sembat, Albert Thomas, Millerand), comme Laval (Déat, Fabry, François-Poncet, Rollin), Blum (Le Troquer, Paul-Boncour, Henri Sellier, Théodore Steeg), 5 dans ceux de Clemenceau (Dubois, Ignace, Maujan, Pichon, Viviani).

34Une vingtaine ont des ministres dans leur entourage familial, pères (Berthelot, Decazes, Dupuy, Trelat), grand-pères maternels (Guyot de Villeneuve/Montalivet), beau-pères (Allain-Targé), oncles (Passy), mais aussi fils (Bokanowski, Chautemps, François-Poncet, Tony-Révillon, Taittinger), gendres (Barbier/Flandin, Bompard/Pleven et Ménard, Le Pelletier/Viviani, Spuller/Delpeuch, Thuillier/Landry, Wolowski/Passy).

35Environ 30 % des futurs parlementaires subissent des échecs préalables à leur élection, allant jusqu’à quatre échecs. Le socialiste Édouard Vaillant échoue le 8 février 1871, dans la 2e circonscription de Bourges en 1881 et 1885, à Lyon en 1888, et dans la 2e circonscription du XX^e arrondissement de Paris en 1889, pour être élu six fois de 1893 jusqu’à son décès en 1915. L’échec se répartit entre les régimes successifs : Deuxième République (4) – Second Empire (6) – République conservatrice 1871-1877 (16) – République opportuniste 1877-1899 (29) – République radicale 1899-1914/1918 (26) – Entre-deux-guerres 1919-1940 (26). Cela concerne les hommes de gauche en grande majorité, trois échecs et plus : les socialistes Jean Allemane, Bachelet, Dejeante, Vaillant, Cachin (avant 1920), le communiste Bonte.

36Près de 38 % d’entre eux accèdent au Parlement avant 40 ans, mais 10,7 % ont 60 ans et plus. Parmi ces derniers, il faut retrancher les 12 élus d’un régime précédent, les 13 ayant assumé un mandat local, et les 3 ayant subi des échecs antérieurs. C’est par conséquent une poignée d’hommes qui se lancent dans la politique nationale tardivement : des officiers supérieurs (Jaurès, Pilate, Saisset, Touchard), des industriels, des membres de la communauté intellectuelle (Buisson, Trelat à plus de 70 ans, Vacherot), des nationalistes. La plupart des hommes de moins de 40 ans forgent leurs premières armes politiques beaucoup plus tôt, parfois même en essuyant un revers politique, surtout pour les 25-29 ans. Parmi eux, on peut citer Louis Dumat le plus jeune élu de la législature de 1928 à 27 ans. Laguerre âgé de 25 ans en 1883, Millerand a 26 ans en 1885 et 25 ans aux municipales. André Parsal voit son élection annulée en 1925 aux municipales de Capestang, faute d’avoir l’âge requis. Pichon est élu conseiller municipal de Paris à 25 ans, Sautumier, député à 27 ans en 1896, ou encore Vaillant-Couturier à 27 ans en 1919.

37Le renouvellement de la Chambre des députés s’appuie sur l’étude du contingent des nouveaux élus par législature. Elle montre une proportion plus élevée au scrutin de 1889, aux scrutins de liste de 1919 et 1924, en 1928 et surtout en 1936. L’analyse du nombre de mandats à la Chambre des députés est tout aussi intéressante. Près de 46 % obtiennent un mandat unique dont près de 22 % interrompu par un décès, le pourcentage augmentant avec le nombre de mandats. Bénéficiant d’une remarquable longévité, P. Dupuy, Millerand, Puech assurent 8 mandats électifs et plus.

38L’invalidation du mandat est une épreuve supportée par 16 élus. C’est le fait de nationalistes lors des élections de 1889 (Boulanger, Goussot, Laur, Paulin-Méry, Revest) et de 1902 (Syveton). Hémard est invalidé et battu en 1904, Belleval et Fernand-Laurent sont réélus quelques mois plus tard, Ménétrier ne se représente pas en 1928. Les autres invalidations portent sur des résultats en province. Chiappe, invalidé en Corse, se représente dans la Seine après le décès de Lasteyrie en 1936 ; Godelle, invalidé puis battu dans l’Aisne, se fait élire dans le VIII^e arrondissement de Paris ; Goy, après son échec dans la circonscription de Sceaux, tente de se faire élire dans le Calvados après le décès de Provost de la Fardinière mais est invalidé en 1938. Il faut ajouter à cette liste Decazes en 1878 dans les Alpes-Maritimes, Naquet en 1889 dans le Vaucluse et Clamamus en 1928.

39Près de 8 % des députés sont devenus sénateurs ce qui leur assure une longévité du mandat, sans connaître les affres des campagnes électorales. Cinq représentants à l’Assemblée nationale entrent au Sénat (Arnaud de l’Anège, Hugo, Say, Thiers, Tolain), 16 sont élus à vie. Près de 6 % du total sont attirés par le prestige du Sénat et son pouvoir d’attraction et ne connaîtront que la sécurité du mandat sénatorial. Seulement quatre d’entre eux affrontent à nouveau le suffrage universel direct : René Goblet, sénateur de la Seine en 1891 puis député du Ier arrondissement de Paris ; Labordère, sénateur puis député de la Seine ; Naquet, sénateur du Vaucluse puis député la 1re circonscription du Ve arrondissement de Paris en 1890 ; Thiers, sénateur du territoire de Belfort puis député du IX^e arrondissement de Paris en 1876.

40Un peu plus de 17 % vont connaître des carrières chaotiques, subissant successivement succès et échecs et réussissant à se relever. Le retour en grâce électorale peut toucher de hauts responsables politiques, ou ceux de groupes de pression. Ce peut être une tentative avortée d’obtenir un siège en province ou à la Chambre haute. Parmi eux, on peut citer de futurs présidents du Conseil (Blum, Clemenceau, Laval, Paul-Boncour, Reynaud, Viviani), des responsables politiques de la gauche (Buisson, Cachin, Clamamus, Déat, Duclos, Garchery, Longuet, Marty, Vaillant-Couturier), ou encore des hommes qui ont fait l’apprentissage des responsabilités dans le cadre des organisations d’inspiration nationaliste ou catholique (Barrè, Denais, Goy, Habert, Laguerre, Jean Lerolle, Michelin, Roche). Tous ont été, à un moment de leur existence politique, absents du Palais-Bourbon. D’autres vont se présenter en province et subir un échec électoral ou vice-versa, comme Basly, Brisson, Decazes, Douville-Maillefeu, Goblet, Godelle, Hugues, Lanessan, Messimy, Naquet, Pyat, Ranc, Saint-Martin49.

41En dehors des événements liés à la période 1870-187150, la démission est de nature professionnelle : Charles Benoist accepte le poste de ministre plénipotentiaire à La Haye, François Poncet, celui d’ambassadeur de France à Berlin, Émile Deschanel est élu professeur au Collège de France, Lanessan est envoyé comme gouverneur général en Indochine, Floquet est nommé préfet sous le ministère Gambetta, Pierre Richard obtient le poste de consul général à La Nouvelle-Orléans, Albert Thomas est élu président du Bureau International du Travail. Mais cette démission découle aussi d’une santé fragile (Hovelacque), de raisons familiales (Pierre Marmottan après la mort de son frère Jules), de raisons politiques (Labordère, Messimy, Godelle, Rochefort), après avoir obtenu un siège de sénateur (Spuller, Steeg, Viviani).

42La fin de leur carrière politique ne résulte pas majoritairement de leur propre volonté (25,6 % par décès, y compris les sénateurs inamovibles, et 35,7 % par échec). Le dernier tiers concerne le retrait, mais il semble difficile de mesurer les retraits spontanés, ceux qui procèdent d’un calcul politique, comme l’entrée au Sénat, et ceux qui anticipent sur un échec électoral soit un total de 21,6 %. À cela s’ajoute les communistes déchus (6,8 %) et la fin régime (8,9 %).

43Pour 33 élus, la carrière politique se poursuit sous la Quatrième République et la Cinquième République, un tiers obtenant un siège en province. Huit se représentent après 1958, avec un cas exceptionnel de longévité politique, Frédéric-Dupont51.

44La plupart avaient assumé des postes importants, ce qui leur avait donné la possibilité d’accumuler des relations qu’ils ont pu mettre au service de leur propre ascension politique. Que deviennent les victimes de ce mouvement de défaveur électorale ? Les professions exercées après le ou les mandats permettent d’apprécier l’influence de celui-ci sur la mobilité sociale. Certains entrent dans la haute fonction publique comme gouverneur ou résident général (Casse, Lanessan, Martineau, Pichon, Steeg), accèdent à des postes de l’administration départementale comme directeur de l’asile de la Ville-Evrard (Piettre de 1910 à 1911, Brousse de 1911 à 1912), comme directeur de l’Assistance publique (Mesureur de 1902 à 1920). Ils se retrouvent dans l’entourage des hommes politiques comme Lavy, républicain socialiste, qui devient chef de cabinet d’Alexandre Millerand, ministre du Commerce et de l’industrie après un échec électoral en 1898. C’est un bel exemple de l’ascension sociale due sans doute à la politique puisque de jeune instituteur devenu directeur d’école à 27 ans, il obtient le poste de commissaire du gouvernement près de sociétés de transport. Le communiste Piquemal, ancien clerc d’un avoué limousin, puis commis de PTT, devient quelques années après son mandat législatif, chef adjoint des cabinets ministériels de Lebas entre 1936 et 1940.

45D’autres, après leur premier passage au Parlement, utilisent sans doute leur notoriété comme un atout publicitaire. Les exemples ne manquent pas : Berger, directeur et administrateur des Etablissements Bréguet, plusieurs fois commissaire d’expositions internationales ; André Berthelot, collaborateur financier d’Édouard Empain en 1902 et administrateur délégué de la Compagnie de chemins de fer (1902-1919) ; Chassaigne-Goyon et Chautard, tous deux administrateurs d’une société industrielle. Congy, simple employé du gaz à 25 ans, rapidement attaché au secrétariat s’occupant d’œuvres de mutualité et de solidarité jusqu’au début de son mandat de député, devient après son échec électoral en 1906 directeur d’une compagnie d’assurances et termine sa carrière comme administrateur de la compagnie d’assurance maritime l’Éveil français en 1920. Farcy, capitaine de frégate avant son premier mandat, est administrateur de banque et fondateur d’une société anonyme en 1888, tout en étant député de 1876 à 1893 ; Fiancette, simple cocher de fiacre à Paris administre une société de transport urbain qui prend le nom de Garage moderne. Laur, après son mandat, se lance dans l’imprimerie tout en administrant la société anonyme des charbonnages de la Tarentaise en 1918. Marius Martin est commissaire aux Aciéries de France de 1895 à 1913, directeur d’entreprises de travaux métallurgiques et de construction après avoir été député de 1889 à 1893.

46Avant, mais surtout après un passage au Parlement, une quinzaine de journalistes, le plus souvent des socialistes ou des communistes, deviennent administrateurs de presse (Le Populaire avec Gaston Allemane, L’Humanité avec Lauche (1906), Camélinat (avant 1920), Marty (1933-1935), Le Conscrit avec Dormoy. Au cours de son mandat, Laguerre est directeur administrateur de La Presse (1887-1892). Reprenant l’entreprise familiale, Pierre Dupuy est nommé propriétaire directeur gérant du Petit Parisien. Quant à Louis Dumat, il exerce la fonction de directeur politique et administrateur de la Presse marocaine (1947-1956).

En dehors du parlement

47Si l’on considère l’ensemble des sociétés littéraires, scientifiques et artistiques, seulement 10 % des élus les fréquentent. Il n’en demeure pas moins qu’il existe une étroite intrication des réseaux d’influence (cercles et sociétés parisiennes, sociétés professionnelles, sociétés de libre pensée, chevalerie du travail)52. L’appartenance aux sociétés maçonniques et de la libre pensée concerne au moins 175 de nos élus53.

48L’exemple de la Société de géographie, sorte de groupe de pression en faveur de « l’impérialisme colonial », rassemble des hommes de sensibilités différentes, l’explorateur Gabriel Bonvalot, le conservateur monarchiste Denys Cochin, Dietz-Monnin du Centre gauche, Pascal Duprat, le publiciste Émile de Girardin, le nationaliste Maurice Spronck54. Quatorze avocats ou journalistes appartiennent à la Société des gens de Lettres, là encore les différentes tendances politiques sont représentées : les fondateurs Victor Hugo et Félix Pyat, un de ses présidents Pierre Baudin, conseiller municipal de Paris (1890-1898), Révillon, plusieurs fois vice-président, Clemenceau, membre de l’Académie française, Galli, Yves Guyot, directeur du Siècle, Lepelletier, Charles Le Senne, le communard Malon, Paul-Boncour, le nationaliste Poirier de Narçay, Razoua. Certains sont membres de droit, en devenant conseiller ou député de leur arrondissement comme le prouve la liste des adhérents de la Cité, société historique et archéologique des III^e et IV^e arrondissements55. Peu de parlementaires de la Seine semblent s’intéresser aux activités des sociétés d’agriculture, et lorsque c’est le cas, ce sont des juristes. Duval-Amould siège au conseil d’administration et devient secrétaire général de la Société des agriculteurs de France, comme le beau-père de son fils, Laurent Prache, secrétaire-adjoint ; Liouville est secrétaire général adjoint de la Société des viticulteurs de France et Léon Say président de la Société d’horticulture de France. Ce peut être aussi des spécialistes reconnus dans leur domaine. Deloncle, inspecteur général de l’agriculture de 1901 à 1938, préside la Société d’aviculture de France, il est le fondateur président de la Société nationale d’agriculture et préside la Société régionale d’horticulture de Vincennes. Nomblot, horticulteur-pépiniériste réputé, est secrétaire puis président de la Société nationale d’horticulture de France.

49L’intérêt majeur des associations professionnelles est de rapprocher les différentes catégories et semble bien compris par les parlementaires. Il s’agit de défendre les intérêts d’une profession, et éventuellement de procurer des emplois. Plus de 39 % des élus adhèrent aux nombreuses associations de journalistes, spécialisés ou non, ce qui prouve tout à la fois le pouvoir de ce réseau, le rôle conciliateur dans les conflits entre directeurs et rédacteurs, mais cela signifie aussi des rapports de connivence entre les journalistes et les pouvoirs politiques. Plus d’une trentaine de syndicats et associations professionnels de la presse ont un rapport, plus ou moins étroit, avec nos élus anciens et futurs56. L’association des journalistes parisiens, créée en 1884, est fondée sur le seul critère professionnel d’appartenance à la direction ou à la rédaction d’une entreprise de presse, le journalisme constituant l’occupation habituelle et la principale profession57. On relève l’adhésion de Pierre Baudin, président en 1916-1917, Georges Berger, membre honoraire, Charles Bos, directeur politique du Rappel (1904-1907), Brisson, un des directeurs du Siècle, Louis Brunet, propriétaire de L’Africaine, Léon Daudet, sociétaire, Alfred Gaulier, Spronck, Terrail58. Le comité général des associations de la presse française représente l’ensemble de la presse française dans ses rapports avec les pouvoirs publics, les grandes administrations et la presse étrangère dont un des présidents est Jean Dupuy, père du député de la Seine, Paul Strauss et Ranc ayant assumé la fonction de vice-président. L’association syndicale professionnelle des journalistes parlementaires, fondée en 1891, compte dans ses rangs une douzaine d’élus, la plupart nationalistes : Barrès, Berry, Galli, Georges Berry, Millevoye, Spronck, mais aussi le protestant Georges Berger, le radical Bos. Cette énumération montre l’étroite relation entre le pouvoir de la presse et le pouvoir politique, elle n’est plus à démontrer avec un Lockroy, ministre et président des journalistes républicains français en 1885-1887, un Paul Strauss cofondateur, vice-président en 1904 puis président en 1909 de l’Association des journalistes républicains tout en étant sénateur de la Seine de 1897 à 1935.

50Près de 28 % des élus ont fait partie d’une des 37 associations d’anciens combattants recensées : 11 adhèrent à l’Association républicaine des anciens combattants59 ; 5 appartiennent à la Fédération nationale des combattants républicains60 ; 8 à la Ligue des chefs de section61 et 18 à l’Union nationale des combattants62. Ils sont à l’origine de la fondation ou de l’animation de la très grande majorité de ces associations : Joseph Petitjean, président de l’Association nationale des croix de guerre ; Louis Puech, fondateur de l’Aide immédiate aux invalides et réformés en 1914 ; Georges Boucheron, animateur de l’Association des anciens combattants au Palais ; Louis Delsol, fondateur et président de l’Association des officiers de liaison auprès de l’armée américaine ; Pinelli, président de l’Association des anciens combattants des Dardanelles et président de l’Association des officiers de réserve ; Bonte participe à la fondation de l’Association républicaine des anciens combattants du Nord en 1919 ; Paul Perrin, fondateur et président de la Fédération des officiers de réserve républicains ; Missoffe, président de la Fédération nationale des chasseurs à pied en 1928 ; Grisoni participe à la fondation de la Fédération nationale des combattants républicains ; Caujole, président fondateur de Médecin de l’Avant ; Charles Péchin, vice-président de la Société des officiers de réserve de France.

51Certains rassemblent sous leur nom de nombreuses responsabilités tel Jean Goy, secrétaire général de la Ligue d’action civique des anciens combattants et victimes de guerre, secrétaire général du Groupement des officiers mutilés, fondateur du Front républicain en 1925, président de l’Union nationale des combattants de 1935 jusqu’à sa démission. Pinelli est membre du conseil d’administration des anciens combattants et victimes de guerre en 1928 et fondateur président des aveugles de guerre. Charles Bertrand préside le comité d’entente de l’Union des mutilés et des anciens combattants, et est vice-président du groupement des officiers mutilés. Marcel Héraud est considéré comme le pilier de l’Union fédérale des anciens combattants et vice-président de l’Union fédérale des associations des mutilés et des victimes de guerre.

52Rencontre dans les diverses sociétés parisiennes mais aussi rencontre pour défendre son honneur par la pratique du duel. Souvent bien qu’investis ou parce qu’ils sont investis d’un mandat parlementaire, 10 % des élus n’hésitent pas à répondre à une atteinte à leur honneur ou à la considération de leur personne par un combat à l’épée ou au pistolet. Lors de ces rencontres, plus d’un quart s’exposent à des blessures. Si toutes les tendances politiques sont représentées, il faut signaler une forte proportion de nationalistes (9 cas). C’est, en général, l’affaire d’hommes mûrs ayant dépassé 40 ans, n’hésitant pas à ferrer à plus de 50 ou 60 ans (Boulanger, Lacroix ou Floquet). Leur réputation de duellistes est reconnue par leurs contemporains. Pêle-mêle, il suffit de citer les noms de Clemenceau, Daudet, Camille Dreyfus, Rochefort, un passionné de l’escrime comme Cloutier, Gérault-Richard avec plus de 17 duels, Girardin, Le Pelletier, Laguerre. Tout est prétexte à provoquer en duel, surtout lorsqu’on est un homme public. Une des deux principales causes demeure les diffamations et injures à la Chambre ou pendant la campagne électorale. Cela concerne des hommes aussi différents qu’Allain-Targé et Robert Mitchell, bonapartiste, Jules Auffray et Painlevé, Benoist et Maurice Bertaux, Boulanger et le baron Clément de Lareinty, Boulanger et Floquet, Clemenceau, Douville-Maillefeu et Sans-Leroy, Gambetta, Guyot de Villeneuve, Humbert, Lacroix et Laguerre, Messimy, Sembat et Boutard. C’est aussi à la suite de la parution d’un article de presse jugé calomnieux63. Depuis septembre 1848, l’obligation de signer les articles contribue à personnifier la presse et cette mesure renforce la pratique du duel entre journalistes qui voyaient là une opération publicitaire comme l’a bien compris Rochefort.

53Les témoins sont choisis parmi l’entourage politique (Barrés pour Auffray, Clemenceau lors du duel de Floquet, Laisant et Lacroix, Gérault-Richard pour le duel entre Jaurès et Deroulède, Labordère pour Lacroix). Le duel est parfaitement intégré aux mœurs parlementaires, il faut défendre sa parole et ses idées. Edmond Le Pelletier, futur député de la Seine en 1902, propose la constitution d’un syndicat des affaires d’honneur qui suppléerait dans toutes rencontres projetées à l’absence du code du duel. Il s’agissait de « réunir les hommes connus pour leur compétence en matière d’armes, leur habitude du terrain, leur expérience des pourparlers préliminaires obligatoires en toutes rencontres et leur pratique du parrainage d’honneur. Cela servirait de guide, de règle, de formulaire aux combattants et aux témoins. Ceux-ci ont souvent la pratique du terrain, l’autorité de caractère et l’expérience nécessaire »64.

De la mort singulière à la reconnaissance de la patrie

54La majorité de ces parlementaires se sont éteints paisiblement. Plus de 25,6 % de l’ensemble (y compris les seize sénateurs inamovibles65) décèdent en cours de mandat, laissant leur siège vacant ce qui entraîne des élections partielles. Hommes politiques, hommes publics, certaines fins de vie sont liées directement aux grands évènements qui jalonnent la République : suicides de Boulanger et de La Forge, exécutions de Laval, Gitton et Piginnier, décès en déportation à Buchenwald de Sabatier, fusillés pendant la Commune comme Millière et Delescluze, mort mystérieuse de Syveton. Ils reçoivent le titre de « mort pour la France » (Nortier en 1914, Gervais en 1917, Michels en 1941 comme otage fusillé par les Allemands).

55Ces personnalités politiques se voient décerner des distinctions honorifiques, récompenses symboliques matérialisant un acte personnel de courage au combat ou une conduite exemplaire. La Légion d’honneur est portée par plus de 44 % des élus lors des cérémonies officielles. Parmi eux, on relève 19 dignitaires de l’Ordre (6 Grand-croix66 et 13 grands officiers), ainsi que 29 commandeurs. Émile Deschanel et Louis Sellier la refuseront, Dreyfus sera radié après sa condamnation. Les croix de guerre 1914-1918 et 1939-1945 sont conférées de plein droit à près de 12 % d’entre eux ayant fait l’objet d’une citation individuelle67. Quatre reçoivent la médaille de la Résistance française (Charles Auffray, Frédéric-Dupont, Paul-Boncour, Tastes).

56La renommée de certains dépasse largement le cercle des spécialistes. Frédéric Passy est lauréat du Prix Nobel avec Henri Dunant en 1901, ainsi que Ferdinand Buisson en 1927. La grande majorité des professeurs du Collège de France reste en dehors de l’arène politique, sauf Edgar Quinet, Émile Deschanel, et Alfred Martineau qui par la suite obtient une chaire. L’appartenance à l’institut de France est encore plus significative et révèle le lien fort entre pouvoir politique et pouvoir intellectuel avec la vingtaine de noms relevés par ailleurs. L’enjeu est de taille, celui de faire reposer la gloire de la Nation sur les représentants de l’élite intellectuelle. Autre témoignage de l’hommage de la Nation, les funérailles nationales, funérailles aux frais de l’État, transfert au Panthéon sont l’affirmation de l’intensité de l’émotion populaire (1878, Denfert-Rochereau ; 1882, Louis Blanc ; 1883, Gambetta ; 1885, Victor Hugo ; 1912, Henri Brisson ; 1923, Freycinet et Barrés ; 1925, Viviani ; 1933, Painlevé)68.

57Il faut s’approprier ces hommes bien au-delà de leur mort. Aujourd’hui comme hier, la traversée de Paris, en tant que ville capitale et centre politique, est marquée par la présence de ces fortes personnalités. Pour certains, le choix du site renseigne sur la topographie sociale. Ultime consécration, des places publiques portent le nom de Denfert-Rochereau, de Georges Clemenceau, comme des squares (Laurent-Prache), des stations du métropolitain (Louis Blanc, Ledru-Rollin, Charles Michels, Gambetta). D’autres indices de la mémoire collective renseignent sur les représentations et la nature de leur renommée. Des effigies publiques sont érigées en leur honneur. Plus d’une douzaine de monuments ont été dénombrés, rassemblant les « hommes de progrès », hommes de lettres et des arts, et hommes politiques69. Sur les 1 058 plaques commémoratives recensées à Paris, seulement 14 concernent les élus parisiens, chiffre à relativiser puis qu’il concerne des écrivains ou savants moins des hommes politiques70. Généralement, le texte de l’hommage se limite à son nom, ses dates de naissance et de décès et une mention indiquant qu’il a vécu dans l’immeuble.

58Certains ont laissé leurs noms à des œuvres littéraires (Hugo), des encyclopédies (Littré), des dictionnaires (Ferdinand Buisson). Sont publiés des recueils de leurs discours parlementaires (Thiers), leurs souvenirs (Benoist, Blum, Cogniot, Daudet, Quinet, Reynaud, Tillon), leurs correspondances (Barrès, Scheurer-Kestner).