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La discontinuité critique

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Jean-Paul Hubert

Deuxième partie. La discontinuité dans la théorie de la forme urbaine

Chapitre VII. Les mécanismes de l’organisation géographique

Texte intégral

Le mécanisme de différenciation des trajectoires par le contrôle de la mobilité

  • 1 En conséquence, ce champ de potentiel ne doit vraisemblablement pas pouvoir être modélisé par un si (...)

1Le vacuum est l’origine d’un référentiel par rapport auquel des positions peuvent être déterminées. En attirant et en repoussant les sujets, le lieu interdit réoriente les trajectoires et produit l’équivalent d’un champ de potentiel. Ce champ n’est pas a priori uniforme car l’effet du vacuum sur les trajectoires de l’établissement (et donc sur les lieux auxquels elles aboutissent) n’est pas homogène selon que le sujet en franchit ou non la discontinuité1. Il n’en reste pas moins que les lieux acquièrent une valeur en fonction de leur position relativement au vacuum. Cette valeur commande l’appréciation des trajectoires de l’établissement et peut a priori différencier les lieux : ceux qu’on atteint en traversant le vacuum et ceux qu’on atteint sans le traverser. Les trajectoires, du fait de leurs déterminations, font émerger des formes dans l’écoumène, et ces formes solidarisent les lieux, leur donnent une identité et les différencient.

2Nous pouvons ainsi faire l’hypothèse théorique que toutes les discontinuités objectives pour la géographie humaine se sont propagées à partir d’un vacuum qui en était le germe. Mais cette propagation doit avoir ses règles sans quoi les trajectoires ne feraient émerger aucune forme stable. Dans ces conditions, il ne pourrait exister aucun ordre ni aucune organisation du substrat terrestre. Les règles de la constitution des formes dans l’organisation ont une valeur transcendantale. Ces règles conditionnent la réalisation des trajectoires des sujets dans l’écoumène, et donc toute relation de causalité (ou relation « mécanique », au sens de Kant) entre des trajectoires canalisées par une forme. L’étude du mécanisme des trajectoires au travers duquel émergent les formes de l’organisation, représente le troisième moment transcendantal de la constitution de l’objet géographique, associé à la catégorie de relation.

3Le dynamisme du vacuum constitue le moteur des mécanismes qui vont déployer la forme abstraite dans l’écoumène et faire évoluer l’organisation géographique. Ces mécanismes sont essentiellement des processus de transmission et de transformation de la valeur investie dans le vacuum. Or cette valeur n’est pas une énergie simple, c’est un sens, le sens politique d’une légalité : celui de la rencontre des individus partageant une volonté collective et décidant des règles contrôlant leur mobilité dans le territoire. Ce sens ne se transmet que par une mise en forme, qui est également mise en forme de l’écoumène.

4Pour émerger dans son substrat, la structure doit se déployer grâce aux trajectoires des sujets qui s’approprient des parties de la surface terrestre. La théorie de la forme urbaine distingue deux modalités pour les trajectoires selon que le sujet en a ou non la maîtrise, ou encore : selon que le sujet détient ou non le « contrôle de sa mobilité ». La mobilité politique est un droit a priori du sujet, en tant qu’il est membre virtuel du groupe social. Mais il peut y renoncer, au titre d’une créance par exemple. Ce droit ne lui est pas naturellement attaché. La théorie envisage que n’importe quel individu peut acquérir ou perdre le contrôle de sa mobilité à l’extérieur du vacuum, et qu’il peut priver un de ses semblables de ce contrôle. Le contrôle de la mobilité se gagne ou se perd selon un mécanisme profond du déploiement de la structure, qui conditionne l’utilisation des ressources de la nature et l’aménagement du paysage.

  • 2 Ritchot, Feltz, 1985, p. 29-38.

5Selon que le sujet possède, pendant sa trajectoire spatiale, le contrôle de sa mobilité ou qu’il en est dessaisi au profit d’un de ses semblables, la trajectoire débouche, selon G. Ritchot, sur une « appropriation réfléchie » de l’espace géographique ou sur une « attribution transitive ». L’auteur introduit sur cette base les concepts de « nomadisme » et de « sédentarité »2. L’établissement humain résulte d’un double processus : d’une part, la sédentarisation des individus dépossédés du contrôle de leur mobilité et, d’autre part, la sélection d’un site par des individus nomades qui gardent en réserve le contrôle de leur mobilité ; selon G. Ritchot, le nomadisme est toujours « sélectif » envers les lieux du substrat terrestre.

6La mobilité est polarisée par le vacuum qui attire et repousse les sujets. Les lieux, qui par leur position permettent le contrôle effectif (empirique) de l’accès au vacuum, prennent donc une importance d’ordre politique et les sujets entrent en concurrence pour se les approprier. Ainsi l’écoumène se structure. Les individus qui se sont approprié ces positions gardent l’accès au vacuum en l’absence de l’autre asymétrique qui en est le propriétaire formel. Ils peuvent s’ériger en délégués de cet autre transcendant, et les autres sujets, immanents, qui désirent également entrer dans le vacuum, doivent se soumettre à leurs conditions. Ces nouveaux arrivants sont amenés à renoncer au contrôle politique de leur mobilité au profit des délégués, eu égard à l’attrait que leur inspire la propriété de l’autre asymétrique. En renonçant au contrôle de leur mobilité, ils reconnaissent implicitement les délégués comme les dépositaires des valeurs transcendantes et ils acceptent les positions que ces derniers leur attribuent. Le premier type de positions confère à l’acteur qui est en mesure de les occuper le contrôle de sa mobilité. Il lui confère également le contrôle de la mobilité des sujets qui le reconnaissent comme délégué de l’autre asymétrique. Ce délégué peut fixer les sujets en question dans l’espace, à la position qu’il choisit. On constate alors que le pouvoir de se déplacer est corrélatif d’un pouvoir de fixer les autres dans l’espace. G. Ritchot montre que ce pouvoir est détenu par le « nomade sélectif », par opposition au « sédentaire » qui a perdu le contrôle de sa mobilité au profit du premier. Les définitions du nomade sélectif et du sédentaire sont intimement liées, contrairement aux conceptions traditionnelles des genres de vie qui sont définies séparément.

Le contrat entre nomades et sédentaires

7Les institutions juridiques qui énoncent les modalités de cession du contrôle de la mobilité sont à la base du contrat social entre nomades sélectifs et sédentaires. Elles fixent éventuellement les conditions sociales d’accès à la position de nomade sélectif. Cette position peut être conservée héréditairement, et les institutions peuvent en interdire l’accès aux roturiers ; elle peut être obtenue par l’accumulation du capital et interdite aux pauvres ; elle peut également être obtenue par concours et interdite à ceux qui ne répondent pas aux critères de l’excellence intellectuelle. Cependant, on ne peut pas déduire de ces différences sociologiques que le droit positif de l’établissement est un simple produit empirique des conflits sociaux. Ces différences ne sont pas essentielles pour le mécanisme interne de la structure, mais seulement pour rendre sensible l’organisation géographique par des phénomènes sociaux. L’exposé théorique des concepts montre que les positions de nomade sélectif ou de sédentaire ne se rapportent en aucun cas aux propriétés intrinsèques des personnes. Les privilèges octroyés par la position de nomade sélectif (qui est celle d’une aristocratie) ne sont légitimés a priori, ni par la naissance et les faits d’armes (comme cela a été le cas, par exemple, pour la noblesse), ni par le travail et le respect des conventions sociales (bourgeoisie), ni par l’intelligence et la maîtrise des technologies (technocratie). L’accès aux positions de nomades sélectifs, tout comme la possibilité de s’y maintenir, ne doit dépendre théoriquement que de la conscience qu’ont ces acteurs de la finalité interne de la structure, qui est en dernière instance pensée comme morale.

8Cependant, le mécanisme peut certainement fonctionner un temps sur sa propre inertie, contre la dynamique morale du vacuum, bien qu’elle en constitue le niveau sous-jacent. La contradiction peut exister, mais elle ne peut pas être permanente. En effet, la valeur investie dans le vacuum transcende les désirs purement individuels et apporte le critère de stabilité structurale de la société dans l’espace géographique. Si cette transcendance n’est plus convertie par les discontinuités géographiques sensibles, celles-ci perdent leur objectivité, c’est-à-dire leur fonction d’orientation des trajectoires humaines. Il n’y a plus de contrôle politique de la mobilité possible. La différence entre nomades sélectifs et sédentaires s’estompe, et avec elle le contrat social. L’organisation est donc bien, d’une certaine façon, la cause du mécanisme qui la fait apparaître.

Formalisation sémiotique du conflit pour le contrôle de la mobilité

  • 3 Cf. Desmarais, 1991, Chapitre 4, p. 115-123. Nous soulignons les concepts de la sémiotique structur (...)
  • 4 Desmarais, 1991, p. 117, souligné dans le texte.

9G. Desmarais propose une formalisation du mécanisme de l’attribution du contrôle de la mobilité par les concepts de la sémiotique structurale. Il considère que ce mécanisme exprime une dynamique interne au niveau de structures sémio-narratives3. Selon l’auteur, les concepts d’« autre asymétrique », de « nomade sélectif » et de « sédentaire » peuvent être considérés comme des rôles thématiques, c’est-à-dire des « positions abstraites où convergent au moins un acteur du niveau discursif et une articulation particulière de rôles actantiels du niveau sémio-narratif »4. Dans la problématique « morpho-sémiotique », G. Desmarais explore le parallélisme entre les positions actantielles dans les structures sémio-narratives et les positions géographiques dans la structure abstraite de la forme urbaine. Ce parallélisme trouve sa justification dans la propriété de dualité entre les positions géographiques et les trajectoires de l’établissement humain, d’une part, et, d’autre part, dans le fait que les programmes narratifs peuvent expliciter la dynamique interne de ces trajectoires. Cette analyse repose sur une distinction importante entre acteur et actant, que G. Desmarais présente ainsi :

« Par acteur, nous entendons une unité syntaxique du niveau discursif, dont le contenu sémantique consiste dans la présence de certains traits distinctifs définissant son individuation, qui le font apparaître comme une figure autonome. [...] En revanche, Y actant est une unité syntaxique du niveau sémio-narratif, c’est-à-dire un rôle ayant un caractère proprement formel. Sous-jacentes au niveau discursif où sont reconnus les acteurs, les structures actantielles comprennent un nombre très restreint d’archétypes d’interactions :

  1. les jonctions (disjonction/conjonction) entre Sujet et Objet ;

  2. les conflits entre Sujet et Antisujet ;

  3. les transferts entre Destinateur et Destinataire-sujet.

  • 5 Ibid., p. 115, souligné dans le texte.

Nous appelons actant les termes aboutissants de ces interactions sémio-narratives, strictement définis par leurs relations syntaxiques. »5

10Les actants représentent des rôles que peuvent tenir des acteurs - individuels ou collectifs - pour un moment donné, mais qui ne sont pas attachés à leur personne. Ces rôles sont définis par la position dans le programme narratif. Par conséquent, ils se définissent mutuellement par leurs différences réciproques au sein des structures sémio-narratives. Un même acteur peut occuper plusieurs positions actantielles.

11La dynamique interne débute avec la saisie par l’individu des valeurs anthropologiques auprès de l’autre asymétrique. Ce dernier est en position de Destinateur, c’est-à-dire détenteur des valeurs axiologiques. Comme il est suprasensible, il est un Destinateur transcendant. Le moment de la saisie esthétique est formalisé par une opération de transfert de valeur entre Destinateur transcendant et Destinataire sujet.

  • 6 Ibid., p. 120-122.
  • 7 Cette convention ne préjuge en rien de l’acteur qui sera choisi. Elle implique simplement que cette (...)

12A la suite de ce transfert, le Destinataire sujet a acquis la connaissance de l’axiologie. Il détient l’objet valeur et sait décider ce qui doit être. Lorsqu’il faut choisir entre deux rôles actantiels, c’est-à-dire pendant une phase de conflit6, l’objet valeur permet d’attribuer une compétence, un objet modal7, à l’un des rôles. Muni de cette compétence, en l’occurrence la mobilité politique, le rôle actantiel peut être endossé par l’individu dans l’espace géographique. Dans la théorie sémiotique, le conflit pour l’objet modal oppose deux actants : un antisujet (S2) et un sujet (S1). Il est réglé par un sujet de faire (S3). L’objet modal échoit à l’antisujet.

13Entre la phase de transfert et la phase de conflit, les acteurs changent de rôles actantiels. L’acteur en position de Destinataire sujet dans la phase de transfert est devenu Destinateur délégué, et il peut tenir la position de sujet de faire dans le conflit. Lorsque deux acteurs différents prétendent obtenir le pouvoir de régulation (p.r.) qui leur confère le contrôle politique de leur mobilité, l’acteur qui peut occuper le rôle actantiel du Destinateur délégué sera en mesure d’occuper également celui de l’antisujet et d’emporter le pouvoir de régulation. Tout autre acteur voulant se mesurer avec lui pour obtenir le contrôle de sa mobilité perdra et se fera sédentariser. Au début du conflit, les deux positions actantielles peuvent prétendre donner accès au pouvoir de régulation : les deux actants sont en conjonction (noté n) avec l’objet modal. A l’issue du conflit, l’antisujet est toujours en conjonction avec l’objet modal, mais le sujet est en disjonction (noté u) avec lui. La phase de conflit est symbolisée ainsi :

  • 8 Desmarais, 1991, p. 121.

14« F {S3 → [(S2 ∩ p.r. ∩ SI) → (S2 ∩, p.r. ∪ SI)]} »8

15S3 « fait » que S2 emporte le pouvoir de régulation qu’il se dispute avec S1. On remarque que, selon ce schéma, le résultat du conflit ne dépend pas a priori de l’emploi de la violence, qui est contingente, mais de la possibilité pour un individu d’être en position de délégué de l’autre asymétrique, ce qui revient à avoir le droit avec soi. Le conflit est donc réglé dans le cadre d’un contrat. Cette séquence peut aussi être illustrée graphiquement en représentant la relation de conjonction par une contiguïté entre des domaines dans un espace. La figure illustre également l’analogie entre les positions actantielles et les positions géographiques. Au début de la phase de conflit, les domaines S1 et S2 sont contigus au domaine « p.r. » ; à la fin, seul S2 est contigu, S1 étant rejeté à l’écart de « p.r. ».

  • 9 Nous considérons qu’il y trois types de domaines dans ces deux schémas et non cinq ou quatre, du fa (...)

Fig. 11 Représentation graphique de la phase de conflit9

  • 10 Desmarais, 1991, p. 118-120.

16Enfin, l’issue de ce conflit conditionne une phase d’action10 : celle de la réalisation des trajectoires spatiales entre deux positions O1 et O2. Ces trajectoires peuvent être traduites par un programme narratif de changement d’état l’acteur en mouvement est en position actantielle de sujet d’état (S1). Dans cette phase, il quitte un état de conjonction avec une position considérée comme un objet, et de disjonction avec l’autre position pour l’état inverse. Ce changement d’état résulte de l’action d’un sujet de faire (S2), qui a acquis la compétence lors de la phase de conflit et qui est, soit le même acteur que le sujet d’état (S1), soit un acteur différent. Si les rôles S1 et S2 sont tenus par le même acteur, alors il s’agit d’une trajectoire de nomade sélectif. Si les acteurs sont différents, il s’agit d’une trajectoire de sédentaire.

17Les trajectoires peuvent être symbolisées ainsi :

  • 11 Ibid., p. 119.

18« S2 → [(O1 ∩ S1 ∪ 02) → (O1 ∪ S1 ∩ O2)] »11

19L’acteur en position de nomade sélectif peut invoquer à son profit la figure de l’autre asymétrique pour avoir le droit de s’approprier un lieu ou de l’attribuer transitivement à un autre acteur au nom de la règle de propriété. L’acteur qui n’est pas en mesure de se réclamer de l’autre asymétrique doit renoncer à s’approprier un territoire par lui-même, et se fait sédentariser. Néanmoins, il est permis de dire que ce renoncement est libre puisqu’il présuppose l’existence d’un contrat social, c’est-à-dire d’un minimum de droit. Il n’est pas réalisé a priori sous la contrainte de la force et de la peur.

  • 12 Cela peut paraître paradoxal. On aurait tendance à penser que le sujet devrait pouvoir monnayer le (...)
  • 13 Ces remarques débouchent sur des questions fondamentales de l’économie qui sont extérieures à notre (...)

20Contrairement au nomade sélectif, le sujet sédentarisé n’a pas pu réaliser complètement sa quête auprès de l’autre asymétrique. Il a interrompu son parcours lorsque le nomade sélectif a converti l’aspiration transcendante en l’assurance d’une satisfaction à une époque ultérieure (voire dans un autre monde), si bien que le contrôle de sa mobilité ne lui est plus nécessaire. Il s’ensuit que le sujet sédentarisé sort de la « phase de conflit » en laissant en dépôt le contrôle de sa mobilité, contre une créance qu’il contracte à l’égard du nomade sélectif en position de « Destinateur »12. Le point est d’importance : l’attribution transitive d’une position sur la Terre est corrélative d’un endettement du sédentaire, qui doit compter sur le fruit de son travail pour racheter sa dette13.

Le mécanisme de catégorisation de l’étendue par le mode d’appropriation

  • 14 Cf. Chapitre premier.

21La structure abstraite différencie les trajectoires de l’établissement. Or le résultat de ces trajectoires est qu’un ou plusieurs individus acquièrent le droit d’occuper durablement une partie de la surface terrestre. La qualité des trajectoires, différenciées selon le contrôle politique, influe sur la façon de faire valoir ce droit. La différence qualitative se transporte donc vers les positions atteintes par ces trajectoires. Montrant une propriété de dualité caractéristique des objets structuraux14, les trajectoires différenciées catégorisent l’étendue et font émerger la structure. Ce faisant, structure de positions et mécanisme manifestent une relation de détermination réciproque.

  • 15 L’écoumène est ouvert, on ne peut pas atteindre vraiment ce bord qui ne lui appartient pas rigoureu (...)
  • 16 Cf. Ritchot, Feltz, 1985, p. 282.

22La fonction de référentiel du vacuum permet de définir une direction pour les trajectoires visant l’établissement. Les trajectoires vont, soit vers le centre (attirées par le bord du vacuum15), soit vers la périphérie (repoussées par lui). La propriété de dualité est encore vérifiée. La différenciation des trajectoires selon la direction est la manifestation empirique de l’organisation géographique dans l’étendue de son substrat mais on peut également affirmer que les trajectoires différenciées produisent empiriquement le centre ou la périphérie16.

  • 17 Cf. Ritchot, 1991, p. 43-46.

23A partir de ces deux différenciations, il est possible de définir a priori quatre classes qui n’existent pas en elles-mêmes, mais s’inter-définissent et s’ordonnent selon le croisement des attributs de directionnalité et de régulation17. G. Ritchot les dénomme « rassemblement », « concentration », « dispersion » et « évasion ».

Tabl. 1. La différenciation des trajectoires de l’établissement

trajectoires

régulation

directionnalité

endorégulée

exorégulée

focalisante

rassemblement

concentration

diffusante

évasion

dispersion

24Les trajectoires de l’établissement humain sont sanctionnées par une appropriation et cette opération subsume une étendue homogène sous le nom d’un propriétaire. Ces trajectoires engendrent donc des domaines distincts de l’espace géographique : des aires dites « endorégulées » pour les trajectoires du nomade sélectif, des aires dites « exorégulées » pour les trajectoires du sédentaire. Ainsi, la dynamique liée au contrôle politique de la mobilité et de l’accès au vacuum engendre-t-elle le déploiement de discontinuités dans l’espace géographique. Les domaines engendrés par des trajectoires qualitativement différentes reçoivent les propriétés des trajectoires et l’espace est ainsi catégorisé par le déploiement de ces discontinuités qui font émerger une structure abstraite. Par les relations contractuelles entre nomades sélectifs et sédentaires, il s’établit des relations fonctionnelles entre les domaines endorégulés et exorégulés, qu’ils soient centraux ou périphériques. La forme abstraite est donc également un système spatial où interagissent les éléments du substrat terrestre en fonction de leur mode d’appropriation.

La différence qualitative entre les domaines urbains et ruraux

25G. Ritchot propose que l’opposition structurale aire endorégulée / aire exorégulée soit au fondement de l’opposition entre la ville et la campagne en tant que formes concrètes. Il définit l’« urbain » comme la qualité de l’espace approprié à la suite d’une trajectoire endorégulée, le « rural » résultant d’une trajectoire exorégulée. L’urbain qualifie alors le lieu de la concurrence pour l’appropriation du sol, celui où se jouent les conflits pour le contrôle de la mobilité. Le domaine urbain est également, de ce fait, un lieu de conversion des différentes sortes de mobilités et il est essentiel à leur articulation. Enfin, il est un lieu qui apporte une émotion esthétique. Ces trois propriétés apparaissent comme caractéristiques de la ville.

26Toutefois, cette définition appelle une remarque. Tel qu’il est défini, l’urbain n’est qu’une qualité d’appropriation de l’espace, non une agrégation de formes concrètes ou de fonctions économiques (immeubles, voirie, monuments, réseaux divers, services, habitats, industries, etc.). De même, le rural n’est pas nécessairement synonyme de champs et de fermes. Cette définition théorique rapporte l’urbain et le rural au politique considéré dans ce qu’il a d’universel. La manifestation phénoménale de l’urbain et du rural est historique. Elle dépend du système économique qui organise l’échange, du système juridique qui régit l’accès aux places de nomade sélectif et institue le type de contrat qui lie ces derniers avec les sédentaires. Elle dépend enfin des formes architecturales récentes ou anciennes. Pour la théorie de la forme urbaine, l’opposition urbain-rural est dégagée de toute connotation historique, contrairement aux concepts de ville et de campagne qui désignent des phénomènes concrets en interaction, et contrairement au système dynamique de discontinuités qui catégorise l’étendue selon cette opposition qualitative. On peut alors concevoir de rencontrer l’urbain hors des agglomérations, dans des zones de villégiature interrompant la campagne, et le rural inséré dans les faubourgs de la ville.

27Il n’y aurait contradiction que s’il était possible d’opposer aux propositions de la théorie de la forme urbaine une définition cohérente de la ville et de la campagne qui permette de considérer « urbain » et « rural » comme les adjectifs qui qualifient ces objets. Or, ainsi que le remarquent G. et Ph. Pinchemel :

  • 18 Pinchemel, 1988, p. 72.

« La typologie des unités de peuplement pose certains problèmes. On s’est longtemps satisfait d’une division binaire, élémentaire, entre le rural et l’urbain, entre la campagne et la ville, la limite entre les deux reposant sur des critères et des seuils d’une grande diversité, suivant les États et les époques. Cette distinction n’a plus guère de sens, sauf à y introduire d’autres clivages, qui attirent l’attention sur l’extrême pluralité des situations et sur les différences de nature des pôles et des centres qui en résultent. »18

  • 19 On en revient toujours aux critères définis par les instituts de statistiques nationaux, qui porten (...)

28Il est tout aussi difficile d’expliquer la frontière d’une ville que celle d’un pays. Il existe en outre de nombreux paysages dont on ne sait dire s’ils indiquent une ville ou une campagne. Enfin, il n’existe pas de critère non arbitraire pour identifier la classe des villes parmi toutes les formes concrètes de l’établissement humain19.

29Puisqu’il n’y a pas de véritable définition théorique de la ville ni de la campagne, et, surtout, qu’il n’y a pas de démonstration possible de l’objectivité de la discontinuité entre une ville et la campagne environnante, il n’est pas possible de définir l’urbain à partir de la ville, ni le rural à partir de la campagne. Il n’y a que le sens commun qui s’oppose, sur certains aspects seulement, à la définition théorique proposée par G. Ritchot. Celle-ci est donc parfaitement licite dans son objectif scientifique.

30Le mécanisme des conflits pour le contrôle de la mobilité catégorise l’étendue selon une opposition de concepts. Comme l’écrit G. Ritchot :

  • 20 Ritchot, 1991, p. 33, souligné dans le texte.

« Les domaines globaux de l’urbain et du rural [...] ne signifient pas primordialement un rapport de forces subjectives qui se projettent spatialement en réseau de villes qui assujettissent les campagnes. Le conflit objectif s’inscrit dans ce processus de spatialisation du sens par la propriété. Cette actualisation engendre les domaines différenciés urbains et ruraux [...]. Il est nécessaire que des valeurs anthropologiques s’actualisent contradictoirement et abstraitement par l’intermédiaire d’appropriations privatisantes. »20

31La discontinuité est nécessaire à la représentation de l’existence simultanée de qualités distinctes de l’occupation du sol. Répétons-le : elle n’est pas la conséquence d’un conflit violent non spatial. Elle est la condition de la résolution contractuelle d’un conflit local et politique. C’est cette nécessité qui donne à la discontinuité son pouvoir de contrainte et en fait la condition de l’exécution des principes juridiques.

Représentation en carré sémiotique

32Dans la sémiotique structurale d’A.-J. Greimas, la structure du carré sémiotique organise le niveau profond (ou dynamique interne) de la narrativité qui est la manifestation du sens. Le carré sémiotique a cette propriété remarquable qu’il peut être considéré à la fois du point de vue sémantique (ou taxinomique) et du point de vue syntaxique.

33En tant que structure taxinomique, le « carré » articule une catégorie sémantique selon des relations de contrariété, de contradiction et de présupposition (ou implication). A partir de la catégorie « appropriation réfléchie / attribution transitive » et de la direction donnée par le vacuum, la structure du carré sémiotique produit une taxinomie des programmes narratifs et donc des trajectoires de l’établissement humain. Les trajectoires se différencient en quatre types qui se déterminent mutuellement : le rassemblement contrarie une concentration qui présuppose une dispersion contrariant une évasion (qui implique un rassemblement, etc.).

  • 21 Desmarais, 1991, p. 30.

34En tant que structure syntaxique, le carré sémiotique apporte, selon les termes de G. Desmarais, « un enchaînement syntaxique réglé, un algorithme de transformations des termes de la catégorie sémantique », c’est-à-dire un « parcours cyclique »21, à savoir :

  • 22 Puisqu’il s’agit d’un cycle, on peut partir de n’importe quelle phase, mais, selon G. Desmarais, la (...)

35rassemblement => dispersion => concentration => évasion =>...22

36Cette structure introduit immédiatement l’idée de cycles temporels dans la morphogenèse de la forme urbaine. La théorie peut donc prévoir une succession de phases pendant lesquelles apparaissent :

  1. des trajectoires de rassemblement de nomades sélectifs cherchant à se conjoindre au vacuum et qui, corrélativement, dispersent en périphérie les sédentaires qui se trouvaient là ;

  2. des trajectoires d’évasion des nomades sélectifs qui laissent vides les places autour du vacuum et rendent possible une concentration de sédentaires au centre.

37La première catégorie correspond aux phases d’investissement de sens axiologique dans la forme urbaine pendant lesquelles les nomades sélectifs sont attirés au bord du vacuum. La seconde catégorie correspond à une phase où l’axiologie ne serait plus perçue dans le vacuum, qui ainsi perdrait son attractivité ; d’où le départ des nomades sélectifs vers la périphérie. Il s’agit d’une phase de « désinvestissement » de sens. Au cours de chaque étape du cycle, un type de trajectoires apparaît de façon dominante, différencie les positions atteintes et produit une discontinuité. C’est dire que, si une discontinuité ne reproduit pas intégralement le tracé de celle qui correspondait au cycle précédent, chaque phase est irréversible et la structure évolue historiquement dans l’espace.

38Puisqu’ils représentent le centre organisateur de la structure, le vacuum et les domaines centraux, qui sont le but des trajectoires de rassemblement et de concentration, contiennent vraisemblablement les discontinuités les plus stables. Les domaines périphériques apparaissent comme beaucoup plus malléables, d’où l’hypothèse que les trajectoires d’évasion et de dispersion peuvent davantage modifier la structure globale à partir de la périphérie. Cette modification se répercutera au centre puisque l’évasion et la dispersion conditionnent respectivement le rassemblement et la concentration. C’est également grâce à ces trajectoires diffusantes que le sujet peut rencontrer d’autres sujets, d’autres sociétés. C’est pourquoi nous porterons une grande attention à ces trajectoires au chapitre suivant.

  • 23 Rappelons qu’il s’agit de la liberté dans son usage pratique qui se constitue dans le temps, et non (...)

39On a pu voir que l’évolution des structures est liée à la réalisation d’une fin morale par le sujet, et que la loi morale représente le principe de stabilité structurale. En outre, si cette réalisation passe par le développement de l’usage que chacun fait de sa liberté23, elle introduit nécessairement une irréversibilité dans la perception qu’a chaque sujet des formes de l’établissement humain. Ces formes ont, par conséquent, une histoire. On peut alors dire que l’historicité des structures urbaines est inscrite dans leur objectivité.

Récapitulatif

40L’analyse du concept de discontinuité géographique, selon les principes transcendantaux, a fixé trois conditions sur l’objet de ce concept :

  1. La simple possibilité des trajectoires en tant que phénomènes ;

  2. La réalité de la différence des qualités d’espace ;

  3. La nécessité de la discontinuité.

41On trouve, dans la théorie de la forme urbaine, trois propositions essentielles qui peuvent répondre aux trois questions posées par les Postulats de la pensée expérimentale. Ces propositions se révèlent fécondes et capables de renouveler pour une bonne part la façon de considérer l’organisation géographique du monde. Elles abordent à chaque fois des problèmes fondamentaux qu’il n’était pas question d’espérer traiter ici. L’ambition des pages précédentes n’a été que de mettre en place l’éclairage nouveau qu’apporte la géographie structurale sur ces problèmes.

42Ce chapitre et les deux précédents montrent que les propositions théoriques fondamentales de la géographie structurale permettent de satisfaire ces conditions transcendantales. Ces propositions sont :

  1. le sujet peut a priori refuser d’aller vers la nature pour subvenir à ses besoins ;

  2. le rapport de l’homme à la nature est médiatisé par la règle de propriété ;

  3. la forme urbaine organise le contrôle de la mobilité des membres du groupe social entre des nomades sélectifs et des sédentaires.

  • 24 Cf. ci-avant, Chapitre IV.

43Le concept de forme urbaine répond aux conditions de possibilité d’une connaissance objective en géographie, telles qu’elles ont pu être dégagées par l’analyse transcendantale du concept de discontinuité. Il représente une structure abstraite qui se manifeste en contraignant les trajectoires de l’établissement humain, mais non pas l’apparition de ces trajectoires. En postulant que l’homme peut a priori refuser d’aller vers la nature pour satisfaire ses besoins, la théorie relie la liberté du sujet à l’indétermination portant sur la manifestation d’un phénomène en général. En explicitant le lien entre la constitution du vacuum et celle du sujet en tant que membre d’une société, elle prouve la réalité des différences qualitatives entre les domaines colocalisés dans la structure. En fondant l’organisation politique de la mobilité sur la règle de propriété, elle établit des relations nécessaires entre les phénomènes de position liés et différenciés dans la forme abstraite. Ainsi, la théorie de la forme urbaine rend compte des déterminations apportées par le quatrième Principe de l’entendement pur24. Elle franchit le troisième moment transcendantal de la constitution de l’objectivité géographique. Et l’on constate, comme il était prévisible, que ses conséquences débordent largement du contexte traditionnel de la géographie humaine. La théorie relie, par sa conception de l’espace géographique, les fondements a priori des notions de régulation sociale, de projet politique et de droit positif.

44En introduisant de la sorte la forme urbaine, il est manifeste que celle-ci n’est pas seulement, en tant que construction intellectuelle, une entité socialement investie d’un sens axiologique, mais qu’elle est au fondement même de toute organisation sociale et au cœur de la phénoménologie de l’organisation géographique de la Terre. Ce concept permet de comprendre comment l’organisation géographique est à la fois cause et conséquence des mécanismes techniques, sociaux, économiques ou juridiques. Elle est exogène au relief de la surface terrestre parce qu’elle l’immerge dans l’espace géographique. Mais elle est conditionnée par ce relief, car sans la saisie esthétique du paysage sensible, elle ne pourrait pas émerger et il n’y aurait pas d’organisation géographique pensable. La forme abstraite est une structure dynamique authentique qui permet de dégager la géographie de l’antinomie de la faculté de juger réfléchissante.

Notes

1 En conséquence, ce champ de potentiel ne doit vraisemblablement pas pouvoir être modélisé par un simple gradient.

2 Ritchot, Feltz, 1985, p. 29-38.

3 Cf. Desmarais, 1991, Chapitre 4, p. 115-123. Nous soulignons les concepts de la sémiotique structurale qui se comprennent en référence au contexte de cette théorie, selon les définitions données dans Greimas, Courtés, 1981 et 1986.

4 Desmarais, 1991, p. 117, souligné dans le texte.

5 Ibid., p. 115, souligné dans le texte.

6 Ibid., p. 120-122.

7 Cette convention ne préjuge en rien de l’acteur qui sera choisi. Elle implique simplement que cette phase de conflit doit s’achever pour que l’action soit possible, quitte à ce qu’on revienne sur ses conséquences.

8 Desmarais, 1991, p. 121.

9 Nous considérons qu’il y trois types de domaines dans ces deux schémas et non cinq ou quatre, du fait des symétries. En l’absence de tout référentiel qui permette de distinguer la gauche de la droite, le haut du bas, les domaines symétriques par rapport au centre sont tenus pour équivalents. C’est pourquoi nous considérons que les domaines pouvant être individués doivent être globalement invariants par cette symétrie. Ils peuvent donc avoir plusieurs parties. Un raisonnement similaire a servi pour imaginer les morphologies de la figure 2.

10 Desmarais, 1991, p. 118-120.

11 Ibid., p. 119.

12 Cela peut paraître paradoxal. On aurait tendance à penser que le sujet devrait pouvoir monnayer le contrôle de sa mobilité, afin d’en retirer un profit et non une dette. Or cela est rigoureusement impossible. La quête du sujet est initiée par le refus intimé par l’autre de satisfaire les besoins naturels au plus près. Le contrôle de la mobilité est un droit subjectif et non un bien marchand. Il est ontologiquement antérieur à toute économie de marché, monétarisée ou simplement de troc. Il faut en conclure que l’économie commence par une créance, qui établit également un rapport de confiance. L’étymologie de ces mots a une grande importance.

13 Ces remarques débouchent sur des questions fondamentales de l’économie qui sont extérieures à notre problématique. Nous ne les poursuivons pas malgré leur intérêt certain. Nous renvoyons le lecteur aux travaux de G. Mercier sur le lien entre « l’économie capitaliste et le salut chrétien » (in Ritchot, Feltz, 1985), de G. Lavigne sur la rente (1987 et 1985, in Ritchot, Feltz), de G. Ritchot sur le « Sens urbain du capitalisme » (1991, p. 123-134) et sur la « Valorisation économique de l’espace géographique » (in Ritchot, Mercier, 1992, p. 175-214), ainsi qu’à la « Théorie du rachat » de Th. Rebour (1991).

14 Cf. Chapitre premier.

15 L’écoumène est ouvert, on ne peut pas atteindre vraiment ce bord qui ne lui appartient pas rigoureusement. C’est pourquoi il n’est pas logiquement contradictoire, bien que paradoxal, que l’établissement humain occupe progressivement ce qui apparaissait comme l’étendue du vacuum. Cela dépend des conditions de franchissement de la discontinuité.

16 Cf. Ritchot, Feltz, 1985, p. 282.

17 Cf. Ritchot, 1991, p. 43-46.

18 Pinchemel, 1988, p. 72.

19 On en revient toujours aux critères définis par les instituts de statistiques nationaux, qui portent sur la population, les services, etc. Ces critères sont conventionnels, et comme on le sait, il est très difficile de comparer les statistiques d’un pays à un autre lorsque, par exemple, les seuils statistiques de la ville varient de 1.000 à 25.000 habitants (cf. Pinchemel, 1988, p. 72).

20 Ritchot, 1991, p. 33, souligné dans le texte.

21 Desmarais, 1991, p. 30.

22 Puisqu’il s’agit d’un cycle, on peut partir de n’importe quelle phase, mais, selon G. Desmarais, la trajectoire primitive, au stade de l’hominisation, serait une dispersion du fait de l’occupation du vacuum par l’autre asymétrique. En effet, le processus de l’établissement humain ne peut pas commencer par des trajectoires de nomades sélectifs, car cela reviendrait à supposer une autonomie géographique du sujet. L’établissement humain commence donc par une sédentarisation car la loi morale arrête l’individu dans ses désirs naturels et égoïstes, de telle manière que, en tant que sujet moral, il refuse a priori de satisfaire les besoins naturels. Parmi les trajectoires de sédentarisation, la concentration est impossible car un système normatif ne peut obliger les sujets à s’établir en un lieu, mais seulement interdire des lieux. Il ne reste donc que la dispersion.

23 Rappelons qu’il s’agit de la liberté dans son usage pratique qui se constitue dans le temps, et non pas de la liberté transcendantale définie seulement négativement et absolument, comme une causalité inconditionnée.

24 Cf. ci-avant, Chapitre IV.

Table des illustrations

Légende Fig. 11 Représentation graphique de la phase de conflit9
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© Éditions de la Sorbonne, 1993

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