Les ornements de la République, un héritage décoratif
p. 363-372
Texte intégral
1Les ornements de la République constituent un héritage issu d’une longue tradition de l’ornementation « psychanagogique » (c’est-à-dire qui « conduit la pensée vers le haut1 ») à la fois religieuse et politique. Cette ornementation est constituée de symboles, d’emblèmes, d’allégories, et exprime les vertus et la force du pouvoir divin, de la nation ou du souverain auquel doit se soumettre le fidèle, le citoyen ou le sujet2. Elle est issue des monuments de l’Empire romain, qui fixent pour longtemps l’analogie entre symbolique et politique3, et où le culte de l’empereur divinisé démêle difficilement les attributs du sacré et du terrestre. Ceux-ci seront continuellement utilisés, sous des régimes différents et en perpétuel changement de forme, mais assez fidèlement à leur sens éthique originel, jusqu’au xxe siècle4.
2On connaît les plus célèbres : les victoires, les trophées, les armes sous l’Empire romain, auxquelles succéderont l’alouette gauloise, le lys, le bleu royal et l’héraldique médiévaux ; d’autres moments marquants de cette évolution sont l’époque Louis XIV avec la symbolique ornementale de Versailles autour de la personne du Roi-Soleil, dont font partie le masque radié, le trépied d’Apollon et le coq de l’ordre français censé se substituer à l’ordre corinthien ou ionique ; la Révolution, puis l’Empire, portés par le retour à l’Antique, qui ont en quelque sorte politisé le langage ornemental gréco-romain, en lui conférant de nouvelles interprétations, en accointance avec les nouvelles idéologies, tout en sélectionnant les symboles qui semblaient correspondre le mieux à celles-ci, n’hésitant pas à convoquer l’archéologie, afin d’exhumer les emblèmes oubliés tels que le bonnet phrygien, le cygne, le faisceau des licteurs. Si, comme l’indique André Comte-Sponville, le choix de ces symboles est déterminé par le fait qu’ils « sont souvent suggestifs parce qu’ils unissent le sensible et l’intelligible, l’imaginaire et la pensée5 », l’inventio se combine à l’effort d’actualisation constaté6 (fig. 1). C’est précisément cette question que nous voulons analyser en détail.
Inventio ornementale et symbolique : un essai de catégorisation
3Dans l’ornementation politique, il convient, à mon sens, de distinguer deux types d’inventio. Le premier est de nature représentative et le second, de nature cumulative. Nous voyons apparaître ces deux types dans l’art antique, et plus précisément gréco-romain. Le premier d’entre eux, de loin le plus complexe et le plus élaboré, repose sur une représentation figurative, chargée de niveaux de lecture différents où le regard erre à la recherche d’une interpretatio plausible et cohérente. C’est ce que l’on voit sur l’Ara Pacis (Autel de la Paix) d’Auguste, dont l’entremêlement dynastique (les personnages de la lignée et de l’aréopage augustéens) et ornemental (constitué de rinceaux peuplés) a été analysé brillamment par Gilles Sauron comme une affirmation et une explicitation du pouvoir impérial7. Grâce au recours détourné à la figure et à la composition, l’ornemental se trouve projeté à un niveau d’art majeur. Le regard des Anciens, pétri de culture mythologique et symbolique, se délectait à retrouver le(s) sens caché(s) dans de telles représentations. Le second type d’ornementation politique peut être décrit comme cumulatif. Il est, lui aussi, une invention antique et, comme le précédent, il faut sans doute lui trouver une origine en Égypte, tant les fresques et les reliefs des temples, des palais ou des tombes de la civilisation du Nil fourmillent de symboles et de messages politico-religieux. Toutefois, dans son souci d’ordre, l’Empire romain apporte davantage de clarté dans l’organisation des symboles. Ils deviennent en un sens plus objectifs et plus rationnels. Leur humanisation et leur inspiration naturaliste en font des ornements accessibles. Rappelons que la préoccupation des Romains de civiliser et de développer un empire unifié a sans nul doute présidé à cet effort : les symboles civiques devaient être perçus de tous, et identifiés aisément par chacun. C’est une pure opération de communication politique, dont l’efficacité toute moderne, largement commentée par Maurice Agulhon8, lui vaut un succès attesté encore de nos jours par les références classiques que nous rencontrons sur les emblèmes de la République (fig. 2 et 3).
4Le principe cumulatif romain repose sur l’addition et l’association hiérarchisée de symboles tels que trophées, pampres à fleurs et à fruits évoquant la richesse des pays conquis ou celle des provinces bien gouvernées, victoires ailées, scènes guerrières, couronnes de laurier, trompettes de la renommée et armes, carquois, armures, etc. La profusion est positive : les spolia (butins pris aux vaincus) viennent conforter l’ornamenta, le bien patrimonial de la cité et des triomphateurs9, voire aussi le décor (Cicéron), c’est-à-dire la dignité de l’homme libre, car « être noble, c’est gaspiller » (Georges Duby). Suivant un « sens de l’ordre » qu’a pu analyser Gombrich10, ces emblèmes sont unifiés au moyen d’une composition d’ensemble qui assure le sens de lecture et les ordonne selon des séquences et des niveaux gradués, afin de renforcer et de diversifier la symbolique générale liée à l’idée de pouvoir. Le meilleur exemple de l’ornementation cumulative peut être trouvé sur les arcs de triomphe, tel celui de Constantin à Rome, mais aussi ceux du Carrousel et de la place de l’Étoile à Paris, ainsi que les portes Saint-Denis et Saint-Martin, ou encore le portique de l’arsenal de Toulon.
Évolution de la double catégorisation ornementale
5Jusqu’au début du xixe siècle, l’ornementation a suivi les deux voies déjà tracées, avec toutefois une déperdition notable pour la voie représentative. Le destin de cette dernière, compte tenu de la complexité de ses significations et de l’importance de la composition qui structure celle-ci, est ambigu et multiple. En effet, on constate qu’il migre clairement vers les arts « libéraux », comme le montrent les natures mortes du Grand Siècle (Lubin Baugin, Nature morte à l’échiquier), à la suite des recherches maniéristes qui développent à l’envi les stratifications de sens que le spectateur aime à s’ingénier à décrypter qui dans les œuvres d’art, qui dans les jardins, qui dans le décor. La galerie des Glaces à Versailles ne procède pas autrement11. À l’époque baroque, en effet, se maintiennent très clairement une union, une imbrication étroites du décor et du narratif pictural ou sculptural, ce qui rend l’ornementation particulièrement riche de sens. Les commandes royales, et en tout premier lieu celles de Versailles avec son interaction entre les symboles nouveaux du pouvoir, d’une part, et la représentation des hauts faits et des grandes vertus du régime, d’autre part, sont un exemple très abouti de ce brouillage des technai (τέχναι) et du décor en une figuration doublée d’ornements.
6À cette époque, rappelons-le, aucun décor « gratuit » n’est possible ; le décor fait toujours sens, d’une manière religieuse, morale ou politique, et souvent l’une et l’autre combinées. Fort de ses vertus propitiatoires et éthiques, il n’est jamais oublié, au point qu’il n’est pas rare que l’on constate une véritable inflation d’ornement, situation qui suscite des réactions pouvant amener son épuration. C’est d’une certaine manière la continuation de l’Ara Pacis d’Auguste ; son influence se fait sentir nettement dans les beaux-arts, non seulement dans les natures mortes mais aussi dans les tableaux, tels ceux d’un Nicolas Poussin à l’inspiration néoplatonicienne12. On en perçoit encore les traces dans un panneau sculpté en tilleul offert par Parent au roi Louis XVI au moment de la Révolution, exhortant le souverain, sous couvert d’une charmante scène bucolique et zoomorphe alors à la mode, à rester le père de la nation. Au xixe siècle, on assiste à une disparition de ces œuvres à clef, qui faisaient la délectation des amateurs (si ce n’est dans certains courants de la modernité comme le Symbolisme, le Surréalisme ou dans la non-figuration d’un Georges Mathieu).
7Une des explications à ce désamour est sans doute à chercher dans le rationalisme dans lequel baigne la formation de l’artiste. La sculpture réalisée par Aimé-Jules Dalou, place de la Nation, exprime le tiraillement entre une complexité de sens et sa lisibilité facilitée par la priorité donnée à la composition. À un moment où la République mobilise les artistes pour défendre et prôner sa légitimité13, l’ornement représentatif devient en effet un prétexte à un jeu de composition. Ici, il s’agit d’un char tiré par des allégories et portant une allégorie. C’est le char et son caractère, son principe même, qui donnent l’unité à la représentation. Cependant, chaque figure se distingue clairement, ce qui rapproche la composition de la seconde catégorie que nous avons déterminée, à savoir le sens cumulatif. Le char est un agrégat de formes et de symboles sous l’aspect d’une œuvre sculptée classicisante. Autrement dit, à partir de cette époque, le cumulatif devient prédominant. Les beaux-arts ne réussissent plus à se distinguer par une représentation à écheveau de sens. Si le rationalisme du siècle de l’industrie doit être pris pour responsable d’une telle déperdition et de cette évolution, ce n’est pas la seule raison. Il faut, à mon sens, en dégager une plus ancienne, celle due au retour du caprice à l’époque rocaille qui amorce un changement radical des mentalités.
8Les singeries, courbes organiques, turqueries et autres chinoiseries qui ont été employées à foison dans les arts décoratifs et l’architecture, voire la peinture avec un Jean Pillement ou un Jean-Baptiste Huet, ont durablement marqué l’ornementation. Il ne s’agit nullement d’un mouvement passager des arts, qui a d’ailleurs affecté l’ensemble des expressions artistiques comme l’a fait remarquer Robert Harbison14, mais la montée d’un bouleversement, d’un changement plus profond des mentalités et des usages de la représentation. À la lassitude pour la manifestation pompeuse des insignes du pouvoir, omniprésents à l’époque du « premier style » Louis XIV, à la culture savante, correspond une libéralisation des mœurs et une volonté d’épanouissement de l’individu dans le sens des Lumières. Les symboles sont encore admis, mais ils doivent être plus légers, plus ludiques, éventuellement au moyen de l’humour et de la fantaisie qu’ils véhiculent, mais surtout dans leur expression symbolique.
9Gilles Lipovetsky, dans Le luxe éternel, note qu’à partir de ce moment le vêtement masculin perd de sa superbe ; ses accessoires et autres dentelles, qui le rapprochaient du vêtement féminin, gagnent en simplicité, annonçant le futur costume noir et minimaliste de la bourgeoisie moderne15. De leur côté, les historiens ont relevé qu’à partir du xviiie siècle, le principe d’autorité et le sens du sacré perdent de leur importance dans les sociétés occidentales. Si l’on assiste à une tentative de restauration de l’ornement politique à la fin du règne de Louis XV, dont témoignent les boiseries du Café militaire par Claude-Nicolas Ledoux conservées au musée Carnavalet, cette velléité – qui d’ailleurs ne concerne qu’un décor cumulatif –, tout comme le soubresaut du bas-relief de Parent que nous avons vu, ne peuvent circonvenir la mort inéluctable de l’ornement représentatif.
Destin de l’emblème politique et cumulatif
10Le grand bénéficiaire de cette déperdition est l’ornement cumulatif, qui prend son essor. Il correspond à une volonté de rationalité et de simplification : on peut ainsi isoler, diminuer ou, à l’inverse, multiplier, hiérarchiser les emblèmes, les chiffres et les insignes, ce qui lui confère une souplesse remarquable. La Révolution, plus apte à inventer des insignes qu’à les exprimer esthétiquement dans le décor, a su user remarquablement de ces potentialités. L’ornement cumulatif peut alors accompagner l’évolution des régimes politiques qui se succèdent au xixe siècle, tout en se transformant au niveau formel. L’emblématique du Premier Empire, déjà très moderne en ce qu’elle use d’une typologie – accentuée par son rattachement, à partir de 1806, à l’étiquette –, pose ainsi les jalons d’une ornementation rationnelle qui évolue esthétiquement du néoclassicisme à l’éclectisme, puis de l’Art nouveau à l’Art déco.
11L’éclectisme, fort de l’esprit d’amalgame et de superposition qui le caractérise, étoffe, en les nourrissant, les insignes politiques à l’aide de créations tout à fait originales. Il manifeste paradoxalement une réelle inventivité dans ce domaine, à l’instar de la République peinte par Cambon, tenant dans la main droite deux mains sculptées qui se joignent, symboles de la Fraternité. Les raisons qui expliquent ce phénomène sont la profusion des commandes, l’usage ostentatoire du décoratif, le goût démesuré pour l’historicisme, ainsi que la rivalité affichée des artistes avec les anciens maîtres.
12C’est non seulement la parfaite compatibilité entre le principe cumulatif et l’éclectisme qui facilite une telle créativité, mais aussi la prétention à imiter les symboles de pouvoir traditionnels de l’Ancien Régime afin de ne pas rompre avec les habitudes visuelles de chacun et d’assurer une légitimité aux nouveaux symboles, en particulier les symboles républicains de 1848-1850 et à partir de 1871. En revanche, le Symbolisme, mouvement d’essence littéraire et donc privatif, ne manifestera que peu d’intérêt à l’égard de l’ornementation politique, même si l’on peut voir dans certaines œuvres de Puvis de Chavannes ou dans les décorations des mairies réalisées au tournant du siècle dans cette veine, des réminiscences de décoration représentative. Le symbolisme, dans son appellation et sa définition même, est en tout cas la preuve patente du déficit de sens que l’on constate alors dans les arts, et dans le décor en particulier. De fait, il constitue à son tour une convulsion au sein d’un mouvement général de renforcement de la domination, de la prévalence du cumulatif.
13À décharge, notons que la prégnance du cumulatif n’est nullement un fait seulement occidental, et qu’on rencontre abondamment en Asie ce système d’ornementation dont la redondance assure en quelque sorte un effet de propagande universel en faveur du pouvoir politique qu’il véhicule. Il y est aussi porté par un goût superstitieux pour les symboles, d’ailleurs plus ou moins difficiles à décrypter. À telle enseigne que l’on peut d’ailleurs se demander si l’on n’a pas affaire ici à une troisième catégorie, intermédiaire entre le cumulatif et le représentatif, catégorie que l’on rencontre aussi bien sur les tympans romans et les vitraux gothiques que sur les façades des temples taoïstes. Il existe bien, en effet, plusieurs niveaux de compréhension qui se cachent derrière les éléments, mais ceux-ci restent des symboles et ne forment pas une autre scène narrative « décalant » le message : on n’use pas ici des natures mortes ou des peintures d’histoire pour raconter les vertus et les auspices, mais des symboles eux-mêmes, qui requièrent de très fortes connaissances en histoire religieuse. Contrairement à l’Occident, l’Asie n’a pas connu, en effet, de détournement et d’appropriation de la force symbolique par une sécession artistique autobaptisée « arts libéraux » en raison de son souci de distinction (au sens de distinction sociale et culturelle, comme l’entend Bourdieu) et d’individuation. La lecture hédoniste des symboles est restée vivace, même si l’on assiste, avec la laïcisation de la société à la manière occidentale, à sa déperdition progressive.
14Sans doute faudrait-il trouver un autre terme que « cumulatif » pour qualifier la dernière phase de l’évolution de notre seconde catégorie. Car si, au début du xxe siècle, les emblèmes sont toujours accolés et hiérarchisés au sein d’une composition habile, ils font l’objet d’une simplification grandissante, comme le montrent le monogramme RF gravé sur un service en cristal de Baccarat en 1899 puis un bas-relief apposé sur une mairie landaise dans les années 1920.
15La phase ultime de ce développement vers une efficacité visuelle, vers la lisibilité à distance et l’identification immédiate à l’âge de la publicité et du matraquage de la communication commerciale, est bien entendu le logotype institutionnel, tel que nous pouvons le voir sur les en-têtes de papiers administratifs et les bandeaux des sites internet gouvernementaux. Ne subsistent plus désormais qu’un ou deux symboles (comme le binôme Marianne et son bonnet phrygien qui se renforcent mutuellement au point de presque devenir un et inséparables), qui plus est réduits à leurs traits essentiels ; le code couleur national (bleu-blanc-rouge) se trouve associé à une figure, celle de Marianne ou de la Justice, s’il s’agit d’une déclinaison sous forme d’application particulière pour un ministère. Réalisée par des agences de design graphique, cette emblématique de choc visuel constitue l’héritage d’une évolution que nous nous sommes attachés à retracer. En cela, le destin continu de l’ornement de pouvoir se différencie de l’ornement pour le luxe. Ce dernier est en soi un acte de κοσμέω (kosméo, parer), destiné au bonheur et à l’apparence du profane, dont la flore constitue sans doute le champ d’inspiration favori, et qui se révèle bien plus inconstant tant il est sujet aux fluctuations de la mode.
16La question est de savoir si le logotype, en faisant de l’emblème une marque, ne menace pas la spécificité et la portée du caractère psychanagogique de l’ornement républicain, dont la richesse de sens est déjà altérée par l’érosion d’une culture iconographique des symboles classiques ; qui peut en effet encore remarquer, comme le note Maurice Agulhon, la référence au cimier du casque de Minerve que constitue le volume rond infléchi et pointant vers l’avant du bonnet phrygien de Marianne16 ? Dans ce cas, l’appauvrissement de l’ornement sous couvert d’une moderne économie restreinte des signes serait révélateur d’une prémonition à l’emprise absolue du capitalisme global.
Notes de bas de page
1 À la suite de Jean Scot Érigène, qui parle de voie « anagogique » (ana, ανα : « haut » ; agô, αγω : « conduire »).
2 Jacques Soulillou, Le livre de l’ornement et de la guerre, Marseille, Éditions Parenthèses, 2003 : « […] l’ornement constitue un facteur d’ordre en ce sens que sa consommation et son ostentation sont indispensables à la reproduction sociétale. Bénéfice somptuaire, le tribut payé à l’ennemi [vise] à affaiblir symboliquement l’adversaire ainsi dépouillé de ses plus beaux ornements » (p. 66) ; l’auteur voit même une « sublimation de la violence à travers l’ornementation », en ce que « le premier ornement fut une dépouille arrachée à un ennemi, exhibée et arborée » (p. 147), et de citer également le matériau décoratif des cérémonies aztèques ainsi que l’habit du toréador, où « par la médiation de l’ornement, la violence se libère de sa peur face à la mort » (p. 148).
3 Voir Serge Berstein, « Symbolique et politique : nature et fonction des symboles partisans », dans Maurice Agulhon, Annette Becker, Évelyne Cohen (dir.), La République en représentations, autour de l’œuvre de Maurice Agulhon, Paris, Publications de la Sorbonne, 2006, p. 43-47. Le symbole politique est ainsi défini par André Comte-Sponville : « Un signe non arbitraire et non exclusivement conventionnel, dans lequel le signifiant (par exemple l’image d’une colombe ou l’image d’une balance) et le signifié (par exemple l’idée de paix ou l’idée de justice) sont unis par un rapport de ressemblance ou d’analogie » (André Comte-Sponville, Dictionnaire philosophique, Paris, Puf, 2001, p. 569).
4 Pour plus de détails sur l’évolution de ces symboles, on consultera l’ouvrage de référence publié par P.E. Schramm, qui s’est livré à un décryptage des symboles politiques dans l’histoire, de l’Antiquité aux Temps modernes. Percy Ernst Schramm, Herschaftszeichnen und Staatssymbolik, Stuttgart, Hiersemann, 1954-1956 et 1978,4 vol.
5 André Comte-Sponville, Dictionnaire philosophique, op. cit.
6 « L’historicité de l’ornement relève à la fois d’une temporalité longue qui tient au fait que des formes en nombre limité jouissent d’une stabilité remarquable à travers le temps, donnant l’illusion que l’ornement échapperait à l’histoire événementielle, et d’une temporalité courte que l’on peut observer à travers l’irruption de motifs hétérodoxes au milieu de formes considérées comme “pures” » (J. Soulillou, Le livre de l’ornement et de la guerre, op. cit., p. 70). À cette irruption de motifs événementiels, tels ceux de la Révolution, il convient de penser l’évolution des formes au travers des changements de goût.
7 Gilles Sauron, L’histoire végétalisée : ornement et politique à Rome, Paris, Picard, 2000. Le monument, qui a été érigé par l’empereur après sa victoire d’Actium, porte un message politico-mythologique : au travers de l’expression de la victoire d’Apollon sur Dionysos est annoncé un nouvel âge d’or.
8 Maurice Agulhon parle de la nécessité d’une représentation allégorique pour parler d’une idée abstraite comme l’État. C’est ainsi que Marianne, en tant que figure féminine de la Liberté, s’impose particulièrement bien auprès du peuple sous la République française (Maurice Agulhon, Marianne au combat, l’imagerie et la symbolique républicaine de 1789 à 1880, Paris, Flammarion, 1979, p. 28, 33 et 42).
9 Yann Thomas, « Les ornements, la cité, le patrimoine », dans Id., Images romaines. Études de littérature ancienne, Paris, Presses de l’ENS, 1998, vol. 9, p. 263-284.
10 Ernst Gombrich, The Sense of Order : A Study in the Psychology of Decorative Arts, Ithaca, Cornell University Press, 1979.
11 Nicolas Milovanovic, Du Louvre à Versailles : lecture des grands décors monarchiques, Paris, Les Belles Lettres, 2005 ; Nicolas Milovanovic, Alexandre Maral (dir.), La galerie des Glaces : Charles Le Brun, maître d’œuvre, Versailles, Musée national du Château de Versailles, 2007.
12 Marc Fumaroli, « L’inspiration du poète » de Poussin. Essai sur l’allégorie de Parnasse, Paris, musée du Louvre, 1989 ; Id., L’école du silence, le sentiment des images au xviie siècle, Paris, Flammarion, 1994.
13 Voir Maurice Agulhon, Marianne au pouvoir, l’imagerie et la symbolique républicaine de 1880 à 1914, Paris, Flammarion, 1989.
14 Robert Harbison, Reflections on Baroque, Londres, Reaktion, 2000.
15 Gilles Lipovetsky, Elyette Roux, Le luxe éternel, de l’áge du sacré au temps des marques, Paris, Gallimard, 2003.
16 Après s’être intégrée au folklore populaire, Marianne connaît un glissement vers des évocations moins historiques : Petit Chaperon rouge ou bien encore coiffure à chignon. Voir Maurice Agulhon, Marianne au pouvoir…, op. cit., p. 341-342. On est loin ici de la culture du symbole telle qu’elle est énoncée par un Gilbert Durand lorsqu’il indique, par exemple, que la figure de la République se rattache à celle de la déesse mère, celle de l’eau et de la terre car les sources évoquent la féminité, de même que la « patrie » est souvent aussi une « matrie », autrement dit, presque toujours représentée sous des traits féminins, que ce soit à Athènes, Rome, avec la Germanie ou Britannia outre-Manche (Gilbert Durand, Les structures anthropologiques de l’imaginaire, Paris, Dunod, 1984, p. 245).
Auteur
Stéphane Laurent, maître de conférences HDR, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
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