Morales littéraires et politiques au temps de l’insurrection
Les romanciers journalistes et les insurrections sous la Deuxième République
p. 51-69
Texte intégral
« Vouloir classer les hommes de lettres, c’est vouloir classer les nuages1. »
1Dans son Histoire de la littérature française sous le gouvernement de Juillet (1854), Alfred Nettement, journaliste et essayiste légitimiste, pointe la responsabilité du roman dans l’avènement de Février 1848. En 1853, l’Académie des sciences morales et politiques lance un concours sur le sujet « Exposer et apprécier l’influence qu’a pu avoir en France sur les mœurs la littérature contemporaine, considérée surtout au théâtre et dans le roman ». Si, comme le montrent ces deux exemples, beaucoup trouvent exagérée et disproportionnée l’influence prêtée au roman contemporain, ce dernier n’en demeure pas moins sous la surveillance des pouvoirs politiques et objet de débats permanents dans les cercles politiques et lettrés et les journaux, littéraires et politiques2. D’ailleurs, le 16 juillet 1850, deux mois et demi après l’élection d’Eugène Sue à l’Assemblée nationale, le roman-feuilleton est désormais taxé. Ne sont pas seulement atteints par ce moyen les revenus littéraires et visées les transgressions politiques, sociales et morales de la littérature industrielle, mais le journal en son entier, en tant que moyen d’expression politique, est très encadré3. La pression ne s’arrête pas à la taxation : après avoir investi la presse politique et continué à publier leurs œuvres au rez-de-chaussée des journaux, des romanciers sont inquiétés par la justice.
2Des études littéraires ont mis en lumière la sacralisation des poètes entre 1820 et 1850, après une première tentative entre 1760 et 1789, et la distinction entre mages romantiques et école du désenchantement autour de 1848 (Paul Bénichou), l’art social (Neil McWilliam) ou le romantisme social (Arthur Mitzman) des années 1840, la modernité littéraire permise par les journées de juin 1848 (Dolf Oehler) ou la relégation du peuple à l’arrière-plan des romans historiques après ces journées (Georges Lukacs), appuyés sur une poétique des supports (Marie-Ève Thérenty, Alain Vaillant), si divers au temps des insurrections. Frank Paul Bowman a quant à lui souligné l’importance de la figure du Christ lors des barricades de 18484. La question du « pouvoir littéraire » n’est ainsi pas nouvelle en 1848. Écrivains romantiques, courants humanitaires et socialistes, théoriciens de l’art classique ou de l’art social, débattent déjà avec férocité, depuis le début du siècle, de la mission de l’écrivain post-révolutionnaire et de la littérature.
3Toutefois, si la « question littéraire » continue d’inquiéter élites politiques et littéraires et pouvoir politique, il est beaucoup plus difficile de définir ce qu’est un « écrivain littéraire » sous la Deuxième République, comme plus largement durant la majeure partie du xixe siècle.
4Dans quelle mesure ce « pouvoir littéraire », décrypté par Alexis de Tocqueville dans L’Ancien Régime et la Révolution (1856) et dont l’avènement est souhaité par Alexandre Dumas et Victor Hugo, tant lors des Trois Glorieuses que lors de la révolution de Février, influence-t-il « Jean-Louis le Journalier5 », et plus largement la population française sous la Deuxième République ? Quels sont les moyens utilisés par ces écrivains pour atteindre les « neuf millions d’électeurs6 » ? Pour répondre à ces questions, nous retiendrons dans notre corpus les romanciers professionnels investissant la presse politique parisienne sous la Deuxième République. Plus spécifiquement nous nous intéresserons aux romanciers directement visés par la loi du 16 juillet 1850 : les romanciers feuilletonistes – déjà écrivains sous la monarchie de Juillet ou débutant leur carrière sous la Deuxième République et journalistes politiques entre 1848 et 1852. Pour ces romanciers journalistes politiques, le journal, source de revenus littéraires, est aussi un moyen d’expression politique, de plus en plus encadré par le régime républicain, comme les planches de théâtre ou encore le colportage de livres et écrits divers.
5Au cœur de cette presse politique parisienne des romanciers, se trouve l’événement insurrectionnel, qu’une histoire mouvementée de la Deuxième République ne cesse de remettre sur le devant de la scène (Février 1848, journées de Juin 1848, résistance au coup d’État). Pour autant, ces romanciers, plus ou moins déstabilisés par le « moment révolutionnaire » républicain, se distinguent-ils des autres écrivains, ou plus largement des autres acteurs, dans l’appréhension de l’insurrection ? Existe-t-il une morale spécifique, une « morale littéraire » intrinsèquement liée au moment révolutionnaire, à l’insurrection ? Y a-t-il un durcissement du pouvoir vis-à-vis des romanciers journalistes ? Sont-ce seulement les écrivains démocs-socs qui subissent les foudres de la justice, tandis que s’affirme le parti de l’Ordre à l’Assemblée ? Quelles sont donc les réactions des romanciers journalistes vis-à-vis des insurrections ? Et au-delà, quelle est l’influence de ces dernières sur leur rapport à la République et à la littérature ? Voici quelques-unes des questions que notre enquête voudrait soulever.
Les romanciers dans la presse politique parisienne sous la Deuxième République
6La libération de la presse politique au printemps 1848 – le 4 mars le timbre des écrits périodiques est aboli, le 6 mars le Gouvernement provisoire abroge les lois coercitives sur la presse de septembre 1835 – entraîne une démultiplication des feuilles périodiques politiques, la plupart éphémères, et suscite de nombreuses vocations journalistiques.
7En s’appuyant sur les collections des Archives nationales, de la Bibliothèque nationale de France, de l’Institut de France mais surtout de la Bibliothèque historique de la Ville de Paris (BHVP), nous pouvons évaluer à au moins 500 le nombre de journaux politiques parisiens, publiés entre 1848 et 18527.
8En mars 1852, le gouvernement estime à 52 le nombre de journaux politiques paraissant encore entre novembre 1851 et cette date8. Parmi ceux-là mentionnons La Liberté de penser (décembre 1847-novembre 1851), mensuel auquel collabore Eugène Sue entre septembre 1850 et février 1851, L’Assemblée nationale (1er mars 1848-8 juillet 1857) dans lequel Amédée Achard offre régulièrement, à partir de 1849, un « Courrier de Paris » quotidien puis des « Lettres parisiennes » les dimanches ; L’Avènement du peuple (19 septembre-1er décembre 1851) des Hugo, successeur de L’Événement (1er août 1848-18 septembre 1851), que gère notamment Paul Meurice ; Le National (janvier 1830/1834-1er décembre 1851), dans lequel Alphonse Karr publie une chronique politique et judiciaire en 1851.
9Cependant, au printemps 1848, les romanciers sont beaucoup plus nombreux à avoir investi la presse politique parisienne que cette liste ne le laisse penser. En effet des romanciers, outre leur collaboration à des journaux littéraires, fondent des journaux politiques et/ou y participent. Si les transgressions politiques et sociales de romanciers feuilletonistes, comme Sue, ont déjà été étudiées et soulignées9, montrant la difficulté de séparer œuvre de fiction et roman politique et social sous la monarchie de Juillet puis sous la Deuxième République, il convient ici de souligner la rédaction d’articles, de premiers-Paris par des écrivains, connus et moins connus, dans les journaux de la capitale10 – journaux par ailleurs véritables sources hybrides, comme l’ont souligné Marie-Ève Thérenty et Alain Vaillant11. Ces romanciers sont issus de la bohème littéraire, comme le « buveur d’eau » Adrien Lelioux (1819-1894), membres (Alexandre Dumas, Julien Lemer, Xavier de Montépin) ou non (Alphonse Karr) de la Société des gens de lettres12 et/ou de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (Victor Hugo). Ces romanciers journalistes sont soit ou tour à tour fondateurs et/ou rédacteurs en chef de journaux politiques, collaborateurs, réguliers ou ponctuels, de journaux entièrement rédigés par des écrivains littéraires ou non. Ainsi, Julien Lemer (1815- 1893)13 est rédacteur en chef des Nouvelles du soir. Journal quotidien, politique et littéraire devenu La Propriété puis L’Égalité. Journal des intérêts de tous (avril 1848) et collabore par ailleurs en 1849 et 1850 à La Semaine et au Progrès. Revue démocratique. Certains journaux, politiques, satiriques, sont exclusivement ou en grande partie rédigés par des romanciers, poètes, dramaturges et artistes. C’est le cas du Pamphlet (61 nos, 24 mai-5/9 novembre 1848), auquel participent, entre autres, Amédée Achard, Paul Féval, Loys L’Herminier, Julien Lemer, Léo Lespès et Arthur Ponroy, et de La Revue comique (38 nos, novembre 1848-décembre 1849) auquel collabore Gérard de Nerval et Nadar.
10Ces quelques exemples illustrent l’engagement des romanciers dans la presse politique parisienne. De plus, lorsque la révolution de Février éclate, l’industrie littéraire est en pleine crise. Selon l’imprimeur Paul Dupont, le total des affaires de la librairie a diminué de 27 % en 1848 par rapport à l’année précédente14. D’ailleurs, la Société des gens de lettres ne manque pas de souligner dans une pétition du 3 juillet 1848 que « [l]es publications de librairie étant momentanément annihilées, les journaux sont devenus l’unique ressource des écrivains, des typographes, et de toutes les industries qui se rattachent à la fabrication et à la distribution des écrits imprimés15 ».
11S’il reste difficile d’évaluer le nombre exact de journaux publiés entre 1848 et 185216, même en s’en tenant à l’aire parisienne et à la presse politique, l’on peut estimer au minimum à 10 ou 15 % la part des journaux politiques parisiens liés à des romanciers, et le nombre de romanciers journalistes à une cinquantaine17. Notons toutefois une tendance soulignée par Rémi Gossez, tout au long de la Deuxième République, de la concentration des journalistes et de leur participation multiple aux feuilles de l’époque18.
Naissance d’un pouvoir littéraire insurrectionnel ?
L’échec des candidatures littéraires
12La Société des gens de lettres, reçue le 1er mars par Garnier-Pagès et Marrast à l’Hôtel de Ville, tient à se rebaptiser la Société républicaine des gens de lettres. Cette dernière et d’autres, notamment la Société des auteurs et compositeurs dramatiques, s’organisent pour porter leurs revendications au Gouvernement provisoire puis à l’Assemblée nationale et se réunissent pour choisir leurs représentants, présentés dès les premières élections législatives d’avril 1848.
13Parallèlement, des romanciers décident de se présenter aux élections législatives. Cependant, si aux élections de 1848, Balzac, Étienne Enault (dans le département de Seine-et-Oise), Paul Féval (dans le Finistère), Alphonse Karr (dans la Seine-Inférieure), Eugène Labiche (dans la Seine), Félicien Mallefille (dans la Seine-et-Oise), Arthur Ponroy (dans l’Indre), Alfred de Vigny (dans le Cher) se présentent, seuls quelques romanciers journalistes sont élus. Victor Hugo, sur la liste comprenant le général Changarnier et Thiers, obtient 87 000 voix aux élections partielles de juin 1848 et est réélu en 1849. Eugène Sue, sur la liste démoc-soc, obtient, aux élections partielles d’avril 1850, 127 812 voix – tandis que le poète Lamartine est élu en 1848 et que l’auteur de mélodrames (ces « sans-culottes de l’art ») à succès Félix Pyat, auparavant commissaire général de la République dans le Cher, l’est en 1848 et 1849.
14On pourrait aussi évoquer les quelques romanciers journalistes devenus commissaires de la République ou employés de préfecture. C’est le cas d’Adrien Lelioux, commissaire de la République dans l’Aisne puis employé de la préfecture de Laon de mai à octobre 1848. Le romancier et dramaturge Félicien Mallefille est quant à lui envoyé à Versailles par le Gouvernement provisoire au commencement de la révolution de 1848 pour défendre la ville et le château menacés d’être dévastés, avant d’être nommé, le 13 juin 1848, chargé d’affaires à Lisbonne, fonction qu’il occupe pendant un an19.
15La médiatisation de l’action politique de ces romanciers journalistes ne doit pas faire oublier leur échec massif dans la conquête de l’Assemblée. Bien qu’ils insistent tous sur leur républicanisme et sur la défense de Février, le désir d’unir roman et politique – ce que propose Léo Lespès dans son journal Les Soirées républicaines (avril 1848) – et la mise en lumière de leur statut de romancier – comme Dumas clamant aux électeurs de l’Yonne : « Je suis l’auteur des Mousquetaires, c’est-à-dire d’un des livres les plus emprunts du cachet national et de la couleur française qui existent dans notre littérature20 » – expliquent en grande partie leur échec. Journalistes et électeurs s’en donnent à cœur joie pour moquer les prétentions politiques des écrivains littéraires, tout particulièrement des romanciers feuilletonistes.
Un lectorat populaire ?
16Quant au lectorat des journaux politiques liés aux romanciers journalistes, il demeure difficile à évaluer. Lorsque le suffrage universel masculin est proclamé le 2 mars 1848, il existe encore un tiers d’analphabètes en France, même si à l’échelle inter-régionale la France du Nord est plus alphabétisée que la France du Sud, selon une ligne imaginaire Saint-Malo/Genève21. La culture visuelle et orale est encore dominante.
17Quelques chiffres sont offerts par l’administration publique et par des témoins et acteurs contemporains. L’Assemblée nationale, qui tire entre 20000 et 50000 exemplaires dès les premiers jours, rencontre un large écho en province, où il est distribué. Les « Courriers de Paris » d’Achard sont « goûtés des dames22 ». La Commune de Paris (87 nos, 9 mars-8 juin 1848), auquel Sand (26 avril 1848) et Sue (30 mars et 26 avril 1848) collaborent ponctuellement, tire jusqu’à 5 000 exemplaires23. Le Pamphlet tire entre 10000 et 20000 exemplaires. Le second numéro (mars 1850) des Veillées du peuple (2 nos, novembre 1849-mars 1850), dont Sue appartient au comité d’administration, est tiré le 23 mars 1850 à 8000 exemplaires. Dumas avance le chiffre de 20000 abonnés pour son Mois (26 nos, mars 1848-février 1850)24. L’Événement atteint les 100000 exemplaires le 20 juillet 185025.
18Les journaux liés aux romanciers feuilletonistes restent cependant avant tout lus par les Parisiens. L’unique numéro de La Bourgeoisie revient sur ce public de lecteurs parisiens :
Les lecteurs politiques de Paris se divisent à peu près de la manière suivante :
Il y a environ 60 000 abonnés directs aux journaux politiques, et 40 000 abonnés aux cabinets de lecture. Total : 100 000 abonnés.
Il se vend chaque jour sur la voie publique environ 200 000 numéros des journaux de toutes nuances.
Et le nombre de lecteurs flottants qui ne s’abonnent à aucun journal, et qui lisent irrégulièrement, soit dans les cafés, soit dans les cabinets de lecture, soit dans les cercles, soit en empruntant le journal à leurs amis ou connaissances, est d’environ 300 000.
Total approximatif des lecteurs politiques de Paris, 600 00026.
19Les journaux sont en fait souscrits avant tout par la bourgeoisie, voire l’élite des salariés et des ouvriers. Ils fonctionnent avant tout par abonnement, sont lus dans des cabinets de lecture, voire achetés au numéro. De plus, la multiplication des journaux se heurte bientôt à un mur d’argent – le cautionnement est rétabli dès août 1848 et le rétablissement du droit de timbre le 16 juillet 1850 – et les abonnés quelque peu perdus devant cette multiplication se reportent vers les anciens organes de presse.
Essais, romans et almanachs
20Outre les journaux, il y a les romans, publiés ou non en feuilleton, et des publications, plus ou moins périodiques, comme les almanachs.
21Des journaux provinciaux peuvent reprendre en feuilleton les romans ou les essais politiques des écrivains, comme Le Républicain de l’Allier publiant en « rez-de-chaussée » Le Berger de Kravan de Sue, qui combat la candidature de Louis-Napoléon Bonaparte, en décembre 184827. Par ailleurs, cette première partie et la seconde, cette fois en vue des élections législatives de 1849, sont diffusées à travers le réseau de la Librairie sociétaire et de la Librairie phalanstérienne de La Démocratie pacifique (août 1843-novembre 1851), qui envoie un exemplaire à chacun des journaux démocrates et socialistes des départements28.
22De même, l’article de Sue sur le suffrage universel, publié dans La Liberté de penser29, est destiné à l’Almanach du peuple.
23Ainsi un écrit peut-il être destiné à un ou plusieurs journaux et/ou almanachs, voire être extrait ou réinvesti dans des romans ou des essais historiques. Les Impressions de voyage en Suisse (1833-1834) et Gaule et France (1833) d’Alexandre Dumas sont cités dans son Mois, dont les articles nourrissent à leur tour l’histoire dumasienne de la monarchie de Juillet (Histoire de la vie politique et privée de Louis-Philippe, Paris, Dufour et Mulat, 1852).
24L’audience de ces romanciers ne se limite donc pas aux seuls articles politiques. Par ailleurs, si tous les romans ne sont pas exclusivement « idéologiques », nombre de romans et de nouvelles font écho à l’actualité politique, sinon par de discrètes allusions, du moins par des préfaces (Dumas, Les Mille et un fantômes et Féval, Alizia Pauli en 1849).
La réception par le pouvoir
25S’il demeure difficile d’évaluer exactement le lectorat des romanciers journalistes, il est sûr que la surveillance et la législation d’un pouvoir républicain, de plus en plus conservateur, sur la presse, sur le roman-feuilleton, sur le théâtre, sur le colportage, diminuent la vente des numéros, des volumes et des représentations. Que les élites politiques et culturelles soient libérales ou socialistes, plus ou moins conservatrices ou plus ou moins révolutionnaires, elles entendent encadrer les lectures populaires, signe de cette croyance dans le pouvoir de la littérature. Du critique artistique, républicain et socialiste, de l’art social, Thoré, au critique littéraire légitimiste Alfred Nettement, la plupart des sensibilités littéraires et politiques croit au pouvoir politique effectif de la littérature. D’ailleurs, nombre d’essayistes et de bibliographes soulignent le rôle de la presse et de la littérature dans l’anarchie républicaine. Littérature, société et morale sont jugées interdépendantes. L’essayiste et journaliste républicain démoc-soc rallié au Second Empire, Hippolyte Castille, revenant sur le journalisme sous la Deuxième République, rappelle en 1858 qu’il n’y eut jamais autant de procès de presse en si peu de temps30. Pour autant, les journaux des romanciers devenus journalistes politiques sont-ils explicitement visés par les gouvernements républicains ?
26Si les sources administratives des ministères de l’Intérieur et de la Justice permettent d’apprécier la surveillance de quelques romanciers journalistes dès 1848, c’est notamment à partir des nouvelles lois sur la presse et le roman-feuilleton de l’été 1850 que le romancier, avant tout socialiste, est pourchassé. L’exemple d’Eugène Sue est probant : de la poursuite d’œuvres publiées en pleine page d’un mensuel ou en volumes, respectivement Monsieur Duchignon dans les Veillées du peuple entre novembre 1849 et mars 185031 et Les Mystères du peuple, publiés à partir de 1849, du représentant montagnard Eugène Sue, l’on peut apprécier la potentialité révolutionnaire prêtée à toute la littérature socialiste, et ce dès après l’insurrection du 15 mai 1848 et les journées de juin 1848, par un pouvoir républicain qui cherche à faire taire toute velléité socialiste, réformiste ou révolutionnaire. Les Mystères du peuple, publiés en livraisons – et non en feuilleton – entre décembre 1849 et août 1857, entraînent des sanctions pour tous ceux qui collaborent à la diffusion d’un véritable manuel républicain de l’électeur et de l’insurgé et d’histoire plébéienne de 6 000 pages32. Ils mettent en scène la lutte multiséculaire entre les bons Gaulois et les mauvais Francs, alliés des jésuites, entre le peuple, c’est-à-dire les paysans, les artisans et les bourgeois industrieux, et les nobles oisifs et les prêtres parasitaires. L’ouvrage bénéficie d’une publicité dans la presse démoc-soc et d’une distribution par la Librairie Sociétaire et la Librairie phalanstérienne, liées à La Démocratie pacifique. Leur diffusion est soigneusement surveillée par le pouvoir. Imprimeurs, colporteurs sont inquiétés par le gouvernement, qui cherche jusqu’à entraver les lectures privées du romancier socialiste. Ainsi, lorsque le romancier fait alternativement à Lusignan (Vienne), chez trois personnes, des lectures privées à une soixantaine d’auditeurs en avril 1850, celles-ci sont rapportées par la gendarmerie et la cour de Poitiers tente, malgré leur caractère non public et le fait qu’elles n’occasionnent aucun trouble extérieur, d’interdire ces réunions, en raison de leur périodicité et de leur but politique, en s’appuyant sur l’article 14 de la loi du 28 juillet 184833. Puis l’imprimeur Decan est condamné en novembre 1850 à 3 000 francs d’amende pour avoir tiré une lettre de Sue à ses abonnés sans y mentionner le nom de l’auteur ni en faire le dépôt34. En avril-mai 1852 le ministère de la Justice continue de s’inquiéter du colportage des Mystères du peuple35. Finalement, le romancier suspend sa publication entre novembre 1851 et juin 1853.
27Les procès de presse se multiplient de même contre la presse démoc-soc. La Propagande démocratique et sociale européenne, qui regroupe entre autres La Démocratie pacifique, La Feuille du peuple, Les Veillées du peuple, est régulièrement inquiétée par la justice. L’Événement, un des derniers bastions du combat hugolien, et au succès croissant, disparaît en même temps que les derniers vestiges de la presse démoc-soc en décembre 1851. Champfleury est lui aussi inculpé d’« excitation à la haine entre les citoyens » et interrogé au parquet de la Seine par le juge d’instruction Delalain pour avoir écrit sept ans plus tôt une petite ballade, L’Hiver, qui se trouve dans son volume de Contes, publié par Michel Lévy. La ballade a reparu dans des journaux provinciaux puis dans des journaux parisiens et surtout dans des journaux démocratiques, La République et La Révolution. Le Républicain démocrate de la Côte d’Or a inséré la ballade et s’est vu saisir son numéro par le procureur de la République de Dijon : il n’aime pas les petits poissons « rouges », précise l’écrivain réaliste36.
28Si les journaux et les romanciers journalistes démocs-socs sont les principales victimes de la droitisation du pouvoir sous la Deuxième République, l’étude des journaux liés aux « républicains sans le vouloir37 » révèle que ceux-ci ont été dès l’été 1848, et une nouvelle fois autour du coup d’État du 2 décembre 1851, menacés par le pouvoir en place. Les « républicains sans le vouloir » ne tardent pas ainsi à déchanter. Amédée Achard se voit privé de sa tribune politique quotidienne durant la suspension de L’Assemblée nationale, qui court du 26 juin au 6 août 1848. Le Pamphlet, siège de ces « républicains sans le vouloir », connaît une interruption durant l’état de siège. Les journaux dont le peu connu encore Xavier de Montépin est le rédacteur en chef peinent à franchir les barricades de Juin. Le Canard (11 nos, 9/17 avril-18/25 juin 1848) s’arrête lors des journées de Juin. Le Lampion (42 nos, 28 mai-21 août 1848)38, suspendu en juin, reparaît le 19 août mais est suspendu à nouveau deux jours plus tard par arrêté du président du Conseil – en même temps que trois périodiques socialistes : Le Représentant du peuple de Proudhon, Le Père Duchêne et La Vraie République, à laquelle George Sand collabore depuis le 12 mai. Il tente désespérément de renaître de ses cendres dans l’éphémère journal La Bouche de fer (n° spécimen, 24 août 1848), saisi dès son impression.
29La condamnation, la suspension ou l’arrêt définitif d’un certain nombre de journaux dès après les journées du 15 mai et de juin 1848, mais aussi autour du coup d’État du 2 décembre 1851, révèlent ainsi que des romanciers aussi bien rouges que blancs subissent les tracasseries administratives. Plus que leur œuvre, leurs moyens de publication, ce sont les opinions et les réseaux politiques qui divisent la « République fraternelle des lettres ».
Le romancier journaliste « insurgé », entre morales révolutionnaires et morales contre-révolutionnaires
30Le corpus permet aussi d’interroger la figure de l’insurgé, issu de la bohème révolutionnaire, écrivain romantique, catholique et/ou réaliste engagé. Au rythme des insurrections, les romanciers journalistes soutiennent, combattent, renient les insurrections – et illustrent aussi des morales révolutionnaires et contre-révolutionnaires, où les rôles de la violence, de l’État, de l’Église, de la littérature sont interrogés.
De Février à Juin 1848 : la Fin de l’unanimisme révolutionnaire
31Lorsque la révolution de Février éclate, écrivains légitimistes comme socialistes saluent tous la fin de la corrompue monarchie de Juillet. Le parallèle entre ouvriers manuels des barricades des 22, 23 et 24 février et « ouvriers de l’intelligence »« debout sur les barricades de la pensée » est maintes fois énoncé. C’est dans ces termes que Victor Hugo s’exprime lors de la réunion de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques dans le foyer de l’Ambigu-Comique le dimanche 16 avril 1848, réunion destinée à choisir un candidat devant représenter la Société à l’Assemblée nationale. Victor Hugo, à la fin de la séance, est proclamé candidat à l’unanimité – face à Étienne Arago39. Cette expression « ouvriers de l’intelligence » n’est pas spécifique à Hugo : elle est déjà présente chez Lamartine lors de la campagne des banquets (1847). Chez Féval l’on trouve aussi celle de « soldats de la pensée », expression tout aussi symptomatique de cette coloration socio-économique ou militaire. Il y a volonté de faire des écrivains les représentants fidèles des travailleurs les plus modestes40.
32Féval, qui choisit comme épigraphe de son Bon sens du peuple : « Le peuple est l’universalité des citoyens français (Constitution de 1793, chap. IV, art. 1er) », commence par acclamer la révolution de Février, faisant représenter à cette occasion sur les planches, avec Pierre Zaccone, Le 24 Février, qui rend hommage aux combattants de Février, comme ses collaborateurs dans la petite presse politique, Xavier de Montépin et Alphonse de Calonne, auteurs des Trois journées de Février (La Liberté religieuse, 1-5, 16-30 mars 1848). Dans cette publication, ces derniers chantent la gloire du peuple, qui a épargné Louis-Philippe, et louent Lamartine, qui a évité le drapeau rouge. Les mêmes, rédacteurs en chef de La Liberté religieuse (mars-mai 1848), n’hésitent pas à offrir Jésus-Christ comme père des principes « Liberté, Égalité, Fraternité » proclamés par la révolution de Février.
33Pour Arthur Ponroy, la révolution non sanglante de Février, barricade renversant un régime né des barricades, n’est pas une insurrection :
À proprement parler, la France n’a pas fait une révolution ; elle a tout simplement mis à la porte un intendant malhabile et mal-intentionné ; mais, en vérité, les allures violentes et oppressives ne sont plus dans ses mœurs, ni dans ses besoins. Le monde moderne est tout scientifique et social ; il tend au bien-être de tous par le développement régulier des forces morales de chacun41.
34Cependant, cet unanimisme a fait long feu. Si Baudelaire, aux côtés de son ami chansonnier Paul Dupont, peut incarner un prolétariat littéraire prompt à monter sur les barricades insurgées de juin 1848, la plupart des écrivains restent silencieux ou s’opposent en combattant aux côtés de la Garde nationale, de la Garde mobile42 et de l’armée. Ponson du Terrail, débutant sa carrière de romancier sous la Deuxième République – il est admis à la Société des gens de lettres en octobre 1850 –, est capitaine de la Garde mobile, comme le soldat et écrivain Paul de Molènes.
35Les romanciers socialistes regrettent ce combat fratricide. Sue tente, dans ses Mystères du peuple, de réconcilier petite bourgeoisie et prolétariat urbain et rural, tout en appelant à choisir la voie légale, c’est-à-dire les élections, pour amender le conservatisme du pouvoir, du moins jusqu’en 1850 (restriction du suffrage universel masculin).
36Quant à Adrien Lelioux, « buveur d’eau » dans sa jeunesse bohémienne avec Nadar et Léon Noël43 et commissaire de la République dans l’Aisne après Février 1848, il s’est attaché à promouvoir pour les premières élections législatives, aux côtés de son ami, commissaire et préfet dans l’Aisne, Charles Mennesson, des républicains de longue date et à éviter l’élection de représentants de l’ancienne opposition dynastique. Conseiller et secrétaire général de la préfecture de l’Aisne dès mai 1848, il remplace ainsi parfois Mennesson à la tête de la préfecture de Laon, veillant par exemple à la mi-mai 1848 à encadrer par la garde nationale des manifestations ouvrières et faisant partie du détachement prévu pour se rendre à Paris en juin, au côté de la garde nationale de Laon44.
37Parallèlement, les utopies socialistes et les manifestations ouvrières et insurrections d’avril-mai 1848 en faveur d’une République sociale renforcent le légalisme de Féval, qui en appelle au bon sens du peuple dans ses journaux parisiens, s’éloignant définitivement de l’action insurrectionnelle après juin 1848. Quant à la politique extérieure de la France, Féval, qui chantait dans son Bon sens du peuple (10 nos, mars-avril 1848) la révolte irlandaise de la Jeune Irlande et critiquait le réformisme d’O’Connell, estime à la mi-juillet qu’elle doit se borner à garantir les frontières nationales, éviter d’amorcer la flamme révolutionnaire en Europe et se garder de toute ingérence internationale. Pour Féval, les provinciaux, à travers le renfort de gardes nationales venues à Paris, ont sauvé Paris en juin 1848. Il distingue alors un bon et un mauvais peuple. Le premier est celui qui écoute la voix de sa conscience et de son cœur, qui rejette toute théorie anti-libérale et qui combat les insurgés. Le second est le peuple sorti des immondices, des égouts et des barricades, comme l’écrit aussi Dumas45. Février, « jeunesse orageuse46 » de la République, devient désormais chez Féval une révolution parisienne, et les journées de Juin symbolisent la réconciliation entre Paris, déchristianisée, et les provinces chrétiennes – alors qu’émergent des campagnes rouges –, voire la véritable naissance de la France : « Notre France à nous, notre France nouvelle est née le 26 juin, le lendemain de la victoire47. » La capitale française, lieu de toutes les utopies (droit au travail) et insurrections socialistes et athées, s’est détachée du reste de la France, réformiste, libérale et chrétienne selon Féval. Comme Dumas père et Alphonse Karr, il dénonce régulièrement la doctrine anti-sociale et insurrectionnelle de Proudhon. Grâce à la réunion du comité de la rue de Poitiers (Thiers, Berryer, Duvergier de Hauranne, Falloux, Rémusat, Barrot), la France ne pourra être menée à la terreur par la minorité montagnarde ni subir « la pauvre comédie de la Révolution napoléonienne48 ». Dès la première quinzaine de juin 1848, après l’insurrection du 15 mai, le « célèbre romancier, aujourd’hui sans ouvrage49 » publiait en « rez-de-chaussée » du Pamphlet Les Tribulations, traverses et mystifications d’un terroriste de 1848 (6-14 juin 1848). Il y brossait un portrait sans concession de l’insurgé politique. Ainsi le « héros » de ses Tribulations, Désiré Théodore Langouty, est-il présenté comme un « homme mûr, père de famille et président du club démocratique-général-central-populaire-socialiste50 », un usurier qui élève son enfant dans la religion païenne, « comme tout père vertueux et de bon sens51 », ironise Féval. Dans le numéro 24 de son Avenir national, il résume ainsi le caractère des révolutions : « Les révolutions sont des calamités pures et simples où les peuples perdent leur pain et où la liberté n’est point en cause » ; ou encore : « Les révolutions sont des jeux de hasard où quelques ambitieux risquent le bien-être de la patrie52. »
De l’état de siège au coup d’État du 2 décembre 1851 : des romanciers journalistes « dépolitiqués53 » ?
38La collaboration de Sue à des journaux de la gauche révolutionnaire, de La Commune de Paris de son ami Sobrier, insurgé du 15 mai 1848 qu’il soutient lors de son jugement, au proudhonien Peuple de 1850, comme à des journaux de la gauche réformiste, de La Démocratie pacifique aux Veillées du peuple et à La Feuille du peuple (152 nos, 7 janvier 1849-28 novembre 1851), et ses amis politiques, Victor Schoelcher, Edgar Quinet, n’aident guère l’écrivain à échapper aux tracasseries administratives et judiciaires. Mais du côté de la presse républicaine et démoc-soc, soutenant Sue, l’argument est renversé. La menace insurrectionnelle pèse du côté des conservateurs. Leur socialisme réformiste et pacifique s’oppose au despotisme ultramontain. Toutefois, face à la répression de juin 1848, à l’intervention à Rome, à la restriction de la liberté de la presse et du suffrage universel masculin, le discours de Sue se radicalise, comme celui d’une partie des démocs-socs. En mai 1851, il conclut un article de presse sur une menace insurrectionnelle de la petite bourgeoisie et du prolétariat rural et urbain54. Son socialisme réformiste devient révolutionnaire, l’insurrection redevient un horizon politique. Après avoir espéré que Février soit la dernière révolution et souhaité que la parenthèse de Juin se referme, Sue développe une morale de la révolte contre l’ordre établi. Il dénonce la trahison du message biblique et de Jésus-Christ par l’Église et le parti de l’Ordre, tout en appelant à dépasser la morale socio-économique de Jésus (effacement de la charité et de l’aumône au profit de l’accès au travail et à la propriété pour tous) puis à l’insurrection collective, avant de s’opposer au coup d’État et de s’exiler en Savoie en janvier 1852.
39Pour sa part, si le romancier journaliste breton Féval applaudit en juin la répression de Cavaignac et soutient la peine de mort en matière politique face à ceux qui combattent avec le sabre et non avec des moyens pacifiques, il s’éloigne du général à partir du 20 août 1848. Face à la continuation de l’état de siège, à l’ordonnance de la Préfecture de Police interdisant toute vente d’écrits sur la voie publique, au rétablissement du cautionnement, Féval abandonne la publication de son quotidien L’Avenir national, ayant préalablement signé la protestation des journalistes du 24 août 1848, aux côtés d’autres romanciers journalistes comme Arthur Ponroy. De plus, une polémique est engagée entre Le Journal et L’Avenir national fin juillet 1848. Le quotidien d’Alphonse Karr, ainsi que L’Ére nouvelle, accusent Féval d’être légitimiste, ce dont se défend l’auteur des Mystères de Londres. De même, Karr, républicain modéré, soutien du général Cavaignac, accuse les rédacteurs – dont fait partie Xavier de Montépin – du Lampion et de La Bouche de fer de conspirer contre la République et d’appeler à la guerre civile. Mais Féval ironise sur une République sauvée par des prétendus royalistes, tandis que le régime est menacé par de prétendus républicains55. En effet, niant toute conspiration légitimiste, orléaniste, voire bonapartiste, il écrit :
Et pourtant il y a une conspiration. C’est la conspiration permanente, obstinée, éternelle du socialisme rallié à la république rouge, c’est la conspiration de ces implacables ennemis de la France que les défaites ne désespèrent point […] mais qu’elles exaspèrent. […] C’est là le mal chronique des citoyens qui ont vieilli dans les sociétés secrètes, dans les complots à la pipe, dans les conjurations parfumées à la bière et à l’eau-de-vie ; c’est le travers incurable des clubistes, des théoriciens de la barricade, des charlatans renouvelés de 1793, et des sacripants moitié flibustiers moitié agents de police avec lesquels on a voulu faire de l’ordre dans le désordre. […] Il n’y a pas de conspiration orléaniste, point de conspiration carliste, point de conspiration bonapartiste. il y a la conspiration de la terreur et la conspiration du communisme56.
40La République devient alors synonyme de déchéance ; et Achard, Féval, Ponroy défendent bientôt un roman-feuilleton conservateur, critiquent une société française matérialiste et arborent leur légitimisme après le coup d’État du 2 décembre 1851. Les « républicains sans le vouloir », plus ou moins libéraux catholiques, chantant parfois la libération des nations catholiques (Pologne, Irlande), affirment rapidement leur légitimisme ou leurs thèses fusionnistes. Ce qui ne les a pas empêchés de glorifier auparavant l’insurrection de Février, avant de se détacher du mythe unanimiste de Février, de suivre la défection de Lacordaire, de pleurer la mort du martyr Affre lors des journées de Juin, de critiquer la durée de l’état de siège de Cavaignac, de déplorer l’échec de toute république avec l’arrivée du « prétendant » Louis-Napoléon à sa tête.
41Quant à Dumas, républicain modéré accusé d’orléanisme, il est un tenant du parti de l’Ordre après le 15 mai et juin 1848, votant pour Louis-Napoléon Bonaparte en décembre, mais est déçu de la politique extérieure du gouvernement, qu’il juge trahir le manifeste de Lamartine (mars 1848), notamment après l’expédition française rétablissant la souveraineté temporelle du pape et mettant fin à l’éphémère République romaine en juillet 1849. Dans ses premiers-Paris du Mois de septembre et d’octobre 1849, il met en garde le prince-président et souhaite que ce dernier choisisse le camp des nations révoltées.
42Ainsi, les romanciers journalistes, qu’ils soient républicains socialistes, modérés ou conservateurs, regrettent juin 1848 et le coup d’État de décembre 1851 et préfèrent l’action légale (le bulletin de vote) à l’insurrection. Face à la restriction du suffrage universel masculin (31 mai 1850) et encore plus après l’échec de la résistance au coup d’État, dont font partie Sue et Hugo, les romanciers journalistes démocs-socs envisagent toutefois l’insurrection de plus en plus comme ultime solution, tandis que les insurrections républicaines, l’élection de Louis-Napoléon puis son coup d’État entraînent un glissement des romanciers journalistes catholiques vers le légitimisme ou les thèses fusionnistes et vers le reniement de leur enthousiasme révolutionnaire de Février 1848. Quant aux républicains modérés du parti de l’Ordre, ils se retrouvent écartelés entre résistance et défense du coup d’État.
43Wallon, écrivain catholique proche de la bohème littéraire, offre une classification politico-littéraire des écrivains de 1848 dans sa Bibliographie des journaux parisiens57. Il dénigre alors le « journalisme littéraire », c’est-à-dire, pour lui, la méthode du roman (l’imagination) appliquée à la politique (la raison). Il distingue alors plusieurs écoles : l’école du bon sens représentée par les romanciers socialistes (Eugène Sue), défenseurs de l’art utile ; l’école romantique (Victor Hugo et L’Événement) ; l’école de l’esprit autour de La Revue comique58 (Nerval) ; l’école de la fantaisie politique (L’Herminier). À la fin de sa classification, il donne sa définition du réalisme, en s’appuyant sur Balzac, qui a ses faveurs.
44La République des lettres, parcourue par différentes éthiques littéraires et opinions politiques et religieuses, offre ainsi diverses morales de l’action mais souligne surtout la singularité des parcours individuels sous la Deuxième République. Il est possible toutefois de les regrouper entre :
ceux qui conservent, malgré juin 1848 et le coup d’État, l’insurrection comme un horizon littéraire et politique, soit par la révolte individuelle (Dumas) soit par la révolte collective (Sue) ;
ceux qui se détournent, voire condamnent l’expérience révolutionnaire de Février et de Juin 1848 et défendent à partir de 1849-1850 un roman conservateur (Féval et les « républicains sans le vouloir » ; Achard, Ponroy) ;
et ceux qui sont contre une littérature politique/une œuvre littéraire politisée, que ce soit les tenants de l’idéal classique ou des tenants de l’art pour l’art (Gautier).
45Bien sûr, ces prises de position ne sont pas exclusives les unes des autres et les écrivains peuvent se retrouver tour à tour dans l’une et l’autre. Par exemple, le romantisme social nourrit à la fois l’idéal prophétique et l’idéal scientifique, séparément (Sue, Champfleury) ou conjointement (Dumas).
46La Deuxième République offre donc un terrain privilégié pour l’étude des liens entre littérature et insurrection. Si elle n’inaugure pas cette intrusion du littéraire dans le politique, elle offre une amplification, certes éphémère, du phénomène. Le pouvoir littéraire a été sous la Deuxième République, comme auparavant, considéré comme insurrectionnel. Si le roman socialiste et le roman-feuilleton, ainsi que le théâtre, sont particulièrement surveillés, ce sont bien toutes les lettres contemporaines, aussi bien de fiction que politiques, qui sont mises en cause, sous la Deuxième République, comme le traduit une législation sur la liberté d’expression et d’opinion de plus en plus restrictive, qui doit entre autres permettre de dépolitiser les lettres contemporaines. Tandis que la foi dans le pouvoir des lettres demeure une constante du pouvoir politique institutionnel, celle-ci vacille parmi les républicains des lettres, engagés de quelque manière dans le tourbillon insurrectionnel. La littérature quarante-huitarde et post-quarante-huitarde traduit alors la variété des rapports entre insurrection, morale et littérature. Tour à tour appels à la révolte individuelle et/ou collective et défenses de l’autorité politique et/ou religieuse, signes d’une morale révolutionnaire, d’une morale contre-révolutionnaire ou d’une morale littéraire autonome, les œuvres littéraires conservent l’insurrection ou y renoncent comme horizon politique. Et la « faillite » de juin 1848 a rendu difficile, improbable, cette rencontre entre insurgés littéraires et insurrection populaire, malgré la diversité des supports médiatiques et la polymorphie des textes. Soulignons de plus que ce pouvoir littéraire a été aussi bien freiné par le pouvoir politique institutionnel que par la relative audience et la réussite plus relative encore des candidatures et des journaux politiques des romanciers journalistes lors des élections et des appels ou des tentatives dans les journaux politiques pour éviter toute insurrection. Ces écrivains « parisiens » sont souvent jugés trop fantaisistes ou trop rouges. Surtout plus que le statut d’hommes de lettres, plus que l’appartenance à une société littéraire, artistique, de morale littéraire, c’est avant tout le rapport au pouvoir, l’opinion politique et religieuse de ces écrivains littéraires et leur rapport immédiat aux événements insurrectionnels contemporains vécus ou connus, qui déterminent l’engagement des lettres contemporaines et des ouvriers de l’intelligence. Entre morales religieuses et morales séculières, leurs religions de la conscience se sont heurtées aux désabusements nés des conflits républicains : politique sociale du Gouvernement provisoire, insurrection de juin 1848, restriction du suffrage universel masculin, législation sur la presse et le roman-feuilleton et coup d’État. De plus, leurs discours sur la morale et le pouvoir que l’on prêtait à l’expressivité de la littérature au xixe siècle ont entraîné un raidissement des autorités politiques et religieuses. Littérature de divertissement comme littérature politique – ou politisée – ont été jugées par les autorités comme par les écrivains catholiques conservateurs et socialistes comme pernicieuses dès 1848, l’anathème ou la louange individuels n’étant pas exclus de cette police des mœurs littéraires. Enfin, de même que les théories, courants littéraires et politiques (art prophétique, art social, romantisme social, art pour art) n’épuisent pas la diversité esthétique et politique des écritures en temps d’insurrection, la multiplication de sociétés littéraires, de canaux de diffusion (imprimerie, édition, colportage, journaux, affiches, bibliothèques), d’écrivains montre la diversité et l’évolution des comportements des romanciers journalistes face aux insurrections républicaines.
Notes de bas de page
1 « […] il n’y a pas, dans la société, de classe si nombreuse, si variée, si composée que celle des hommes de lettres : il n’y a pas de métier où il y ait tant de concurrents, pas de camp où il y ait tant de rivaux. Poètes, historiens, philosophes, romanciers, dramaturges, journalistes, publicistes, feuilletonistes, vaudevillistes, tous se pressent, se poussent, se heurtent, se coudoient, se foulent, s’écrasent. […] Chaque jour voit improviser une page nouvelle qui constitue les droits d’un nouveau littérateur. Comme les titres ne se fondent ni sur le bon ni sur le mauvais, mais simplement sur une façon, sur un arrangement de mots, le moindre essai fait un écrivain, la moindre rime fait un poète. Devant cette population si mobile, si élastique, l’analyse s’arrête, la statistique recule impuissante. […] » (Elias Regnault, « L’homme de lettres », dans éd. par Léon Curmer, Les Français peints par eux-mêmes. Encyclopédie morale du xixe siècle, 1839-1842, p. 352-353).
2 Comme le rappelle Françoise Mélonio, l’État, au xixe siècle, joue un rôle triplement institutionnel : par sa force de contrôle et de légitimation, par son rôle formateur et par son poids économique (via des commandes et des rémunérations diverses). La littérature est donc une affaire d’État (Françoise Mélonio, « Histoire littéraire/histoire culturelle : l’institution de la littérature », Romantisme, 143, 2009, p. 69-77). Des travaux historiques ont par ailleurs insisté sur la démocratisation de la culture politique sous la Deuxième République (Jean-Yves Mollier, « La culture de 48 », dans S. Aprile et al., La Révolution de 1848 en France et en Europe, Paris, Éditions Sociales, 1998, p. 127-178), notamment via le journal, et des travaux sociologiques sur la figure et le rôle des intellectuels (C. Charle, Naissance des « intellectuels », 1880-1900, Paris, Éditions de Minuit, 1990) et la professionnalisation et la responsabilisation de l’écrivain (Gisèle Sapiro, « De la responsabilité pénale à l’éthique de responsabilité. Le cas des écrivains », Revue française de science politique, 58/6, décembre 2008, p. 877-898).
3 « Tout roman-feuilleton dans un journal ou dans son supplément sera soumis à un centime par numéro. » (Loi du 16 juillet 1850. Titre II. Article 14). En dehors du roman-feuilleton, le journal politique est soumis à Paris à un cautionnement (9 août 1848). Le 27 juillet 1849 une nouvelle loi sur les délits de presse est adoptée et à l’été 1850 des taxes postales et la signature des articles sont imposées aux journaux et journalistes, avant de nouveaux décrets limitant la presse politique entre décembre 1851 et mars 1852.
4 Paul Bénichou, Le sacre de l’écrivain. 1750-1830. Essai sur l’avènement d’un pouvoir spirituel laïque dans la France moderne, Paris, Gallimard, 1996 ; Neil McWilliam, Rêves de bonheur. L’art social et la gauche française (1830-1850), Dijon, Les Presses du réel (Œuvres en sociétés), 2007 [1993] ; Arthur Mitzman, « Nationalisme et romantisme social dans l’Europe du xixe siècle. Le cas de Michelet », Europe, 900, avril 2004, Le Romantisme 0révolutionnaire, p. 68-89 ; Dolf Oehler, « Juin 1848 chez Baudelaire et Flaubert. Modernité et massacres », dans J.-L. Mayaud (dir.), 1848, Paris, Créaphis, 2002, p. 141-158 ; Georges Lukacs, Le Roman historique, Paris, Payot et Rivages, 2000 [1954] ; Marie-Eve Thérenty, Alain Vaillant (dir.), Presse et Plumes. Journalisme et littérature au xixe siècle, Paris, Nouveau Monde Éditions, 2004 ; Frank Paul Bowman, Le Christ des barricades, 1789-1848, Paris, Éditions du Cerf, 1987.
5 Titre générique d’une série d’articles consacrés par Eugène Sue à l’étude du prolétariat rural et publiés dans La Liberté de penser en novembre 1850, en janvier et février 1851.
6 Affiche promouvant la publication du Mois de Dumas, Paris, N. Chaix, mars 1848.
7 La BHVP offre en effet un large panel de cette presse politique de la Deuxième République en regroupant 124 volumes, comportant plus de 560 journaux, sous une même cote générique journaux et périodiques parisiens, nombre qui ne cesse de s’amoindrir tout au long de la Deuxième République. Quelques journaux provinciaux (Aisne, Indre, Somme ; Bordeaux, Limoges, Lyon), étrangers (francophones) (Bruxelles) et spécialisés, économiques (financiers – dont beaucoup sur l’or californien –, professionnels), confessionnels (catholiques, protestants, Israélites), littéraires, parfois des actes de société, des bulletins électoraux et des pamphlets viennent se glisser parmi (l’immense) presse politique générale. Des journaux politiques nés avant février 1848 se mêlent aussi à la collection de la BHVP.
8 *F/18/262/A, États de journaux cautionnés et non cautionnés, 2e dossier. Journaux politiques publiés à Paris (novembre 1851-mars 1852), f°195-196. Gustave Vapereau, inspecteur général de l’Instruction publique et auteur du Dictionnaire universel des contemporains (1858), rappelle au début de la Troisième République que la statistique, « science toute moderne », ne s’est appliquée que très tardivement aux journaux (Dictionnaire universel des littératures, 2e éd. rev. et augm. d’un suppl., Paris, Librairie Hachette et Cie, 1884 , 1876], p. 1111b-1114a).
9 Éd. par Lise Dumasy-Queffélec, La Querelle du roman-feuilleton. Littérature, presse et politique : un débat précurseur (1836-1848), Grenoble, Ellug, 1999 ; Judith Lyon-Caen, « Préface » et « Les Mystères de Paris. Sources, réception, postérité », dans Eugène Sue, Les Mystères de Paris, Paris, Gallimard (Quarto), 2009, p. 7-20 et 1217-1304.
10 Mais aussi en province.
11 Thérenty, Vaillant (dir.), Presse et Plumes…, op. cit.
12 La Société des gens de lettres comprend aussi des journalistes, des avocats, tout écrivain.
13 Julien Lemer, romancier, essayiste, journaliste politique et critique de musique, a publié en 1844-1845 Le Capitaine Perrin (Nancy, Hinzelin) et une nouvelle, Le Virgile de Taillebourg, dans le supplément du Progrès agricole (1846-1847).
14 Paul Dupont, Histoire de l’imprimerie, Paris, L’Harmattan, 1998 [1854], t. 2, p. 382, 399. Avant la révolution de 1848 et la crise de l’édition, le prix de vente moyen d’un volume de Dumas et Maquet atteint 3 500 francs en feuilleton et 2 000 francs en librairie et à l’étranger. La baisse des cours après février 1848 amène Cadot à vendre chaque volume 1 500 francs au lieu de 3 500 francs.
15 Comité de la Société des gens de lettres, Pétition adressée à l’Assemblée nationale (Paris, 3 juillet 1848), Paris, impr. Édouard Proux et Ce, s. d., p. 1.
16 II manque l’année 1850 au Dépôt légal conservé aux Archives nationales. Les collections de journaux conservés dans les bibliothèques demeurent arbitraires et partielles.
17 Ces chiffres sont indicatifs, s’appuyant sur l’état actuel de mes recherches. Il faut attendre la loi de l’été 1850, qui impose la signature des articles, pour identifier avec plus de certitude les romanciers journalistes politiques. Auparavant, l’absence de nom et l’usage de sigles et de pseudonymes compliquent le décompte. Ce sont donc des chiffres a minima.
18 Rémi Gossez, « Presse parisienne à destination des ouvriers, 1848-1851 », dans Jacques Godechot (dir.), La Presse ouvrière, 1819-1850, Paris, Société d’histoire de la Révolution de 1848 (Bibliothèque de la Révolution de 1848), 1966, p. 176-187.
19 Guyot de Fère, Biographie et dictionnaire des littérateurs et des savants français contemporains. Bibliographie, travaux littéraires et scientifiques, 1re partie, 1re sér., Notices biographiques, Paris, Au bureau du Journal des arts, des sciences et des lettres, 1859. Vapereau, Dictionnaire universel des contemporains, Paris, Librairie L. Hachette et Cie, 3e édition, 1865, p. 1176. Mallefille publie, entre autres romans, Marcel (1845) et Le capitaine La Rose (1849) – dont la page de titre chez l’éditeur parisien Souverain précise la fonction politique de l’auteur en Espagne : « Ambassadeur de la République en Espagne » – mais aussi des œuvres dramatiques, de la monarchie de Juillet au Second Empire.
20 Alexandre Dumas, « Aux électeurs de l’Yonne (vers le 29 juin 1848) », repris dans Cahiers Alexandre Dumas, 25, 1998, 1848. Alexandre Dumas dans la révolution, p. 337.
21 Lors du recensement de 1872, il est estimé que plus de 43 % des Français âgés de plus de 20 ans, donc nés avant 1852, sont toujours analphabètes (François Furet, Jacques Ozouf, Lire et écrire. L’alphabétisation des Français, de Calvin à Jules Ferry, Paris, Éditions de Minuit, 1977, 2 vol.).
22 Préfecture de police : Série E : Dossiers de presse : personnalités et lieux : EA 93 (3).
23 Gossez, « Presse parisienne… », art. cité.
24 Alexandre Dumas, « Aux abonnés du journal Le Mois », Le Mois, 1/12, 30 novembre 1848, p. 384.
25 L’Événement tire à 20000 exemplaires en juillet 1848, à 10000 en avril 1849, à 5000 en mai 1850. En 1851, il oscille entre 12000 et 100000 exemplaires. Le numéro du 8 avril 1851 atteint les 50000 exemplaires. Voir Michèle Fizaine, « Procès de presse en 1850-1851 : la défense de la littérature par Victor Hugo », dans Thérenty, Vaillant (dir.), Presse et Plumes…, op. cit., p. 261-272.
26 « Classes dans lesquelles se recruteront nos abonnements », La Bourgeoisie, 1, mai 1849, p. 6A. L’historien de la presse Pierre Albert jugeait ce nombre vraisemblable.
27 Nous retrouvons ainsi dans les cartons du Ministère de la Justice le n° 109 (1re année) du mardi 5 décembre 1848 du Républicain de l’Allier (AN. BB/30/333, Affaires politiques, 1848-1852, 1er dossier [1848]).
28 La Démocratie pacifique, 95, vendredi 6 avril 1849, p. 2A.
29 Eugène Sue, « Le suffrage universel et la vile multitude au iiie siècle », La Liberté de penser, 34, septembre 1850, t. 6, p. 306-310.
30 Hippolyte Castille, Les journaux et les journalistes depuis 1848 jusqu’à aujourd’hui, Paris, Ferdinand Sartorius, 1858.
31 Le projet de diffusion du mensuel inquiète par ailleurs le ministère de l’Intérieur, qui, dans une circulaire du 15 janvier 1850, demande aux préfets de surveiller ces manœuvres propagandistes et mesures anarchiques, jugées coupables en vertu de la loi du 27 juillet 1849 (AN, F/18/2).
32 Anne-Marie Thiesse, « Un roman/manuel d’histoire plébéienne : Les Mystères du peuple d’Eugène Sue », dans Henri Moniot (dir.), Enseigner l’histoire. Des manuels à la mémoire. Travaux du colloque Manuels d’histoire et mémoire collective, UER de didactique des disciplines, université Paris 7, Berne/ Francfort-sur-le-Main/Nancy/New York, Peter Lang, 1984, p. 25-41.
33 AN. BB/30/364. Réunions non publiques à Lusignan autour des Mystères du peuple (avril-mai 1850).
34 AN. BB/21/534. Demande en grâce de Decan (11 pièces, avril-septembre 1850).
35 BB/30/403.
36 L’Avènement du peuple, 74, 30 novembre 1851, p. 2A ; La Révolution, 58, 1erdécembre 1851, p. 2A-B.
37 Jean Wallon, La presse de 1848 ou Revue critique des journaux publiés à Paris depuis la révolution de Février jusqu’à la fin de décembre, Paris, Pillet fils aîné, 1849, P- 65.
38 Et auquel, selon Wallon, collaborerait Féval.
39 [Anon.], « Assemblée des auteurs dramatiques », L’Argus, 5e année, jeudi 20 avril 1848, p. 1A-2A.
40 L’appellation n’est pas propre aux romanciers, dramaturges et poètes engagés dans la vie politique. Thoré se présente aux candidats du printemps 1848 comme un prolétaire intellectuel, un ouvrier de la pensée.
41 Arthur Ponroy, « Aux électeurs du département de l’Indre (12 mars 1848) », cité dans [Anon.], « Professions de foi », Le Salut public, 10, samedi 25 mars 1848, p. 4A.
42 Créée le 25 février, la Garde mobile est constituée de volontaires recevant une solde, contrairement à la Garde nationale.
43 Adrien Lelioux, Nadar, Léon Noël, Histoire de Mürger, Paris, Hetzel, 1862.
44 AN, AB/XIX/706 ; F/1bI/167/17.
45 Dans un article non signé, « Le premier discours de M. Victor Hugo », paru dans La France nouvelle – dont il est rédacteur en chef du 1er au 24 juin 1848 – le 22 juin 1848, Dumas reprend la tripartition sociale et morale du peuple de son ami Victor Hugo selon le lieu occupé dans la rue : la maison représente la famille et la propriété, le pavé les émeutes, et les barricades et l’égout les immondices.
46 L’Avenir national, 4, vendredi 7 juillet 1848, p. 1A.
47 [Anon.], « Le Présent et l’Avenir. I. Le Présent », L’Avenir national, 19, lundi 12 juin 1848, p. 1A-B.
48 L’Avenir national, 9, mercredi 12 juillet 1848, p. 1B.
49 Le Pamphlet, 6, 30 mai 1848, p. 1A rdc. Le récit paraît dans le journal du mardi 6 juin 1848 (n° 13) au mercredi 14 juin 1848 (n° 21).
50 Le Pamphlet, 13, mardi 6 juin 1848, p. 3B.
51 Le Pamphlet, 19, lundi 12 juin 1848, p. 1A.
52 L’Avenir national, 24, jeudi 27 juillet 1848, p. 1A-B.
53 Le terme est utilisé par Baudelaire dans une lettre à Narcisse Ancelle (Paris, samedi 20 mars [1852]), dans Charles Baudelaire, Correspondance, Paris, Gallimard (Folio classique), 2000, p. 69.
54 « Qu’est-ce que la monarchie de droit divin ? », 125, vendredi 23 mai 1851.
55 Voir le n° 42 de L’Avenir national ; « Les vrais républicains », L’Avenir national, 46, p. 1A-B ; « Républicains et républicains » (L’Avenir national, 50). Dans « Les Incorrigibles » (L’Avenir national, 58, p. 1A-C), Féval explique qu’il y a les ultras de la République comme il y a eu les ultras de la Restauration, c’est-à-dire le parti de l’exclusion contre la concorde : « Mais, heureusement pour la République, ceux que les démocrates, purs, absolus, avancés, pacifiques ou sociaux appellent les ROYALISTES, sont les vrais républicains. […] La postérité appréciera ce fait merveilleux d’une République fondée, en dépit d’une faction républicaine, par une majorité de prétendus royalistes » (p. 1C).
56 L’Avenir national, 49, mardi 29 août 1848, p. 1A-B.
57 Wallon, Revue critique…, op. cit., p. 94-99.
58 Ibid., p. 112-114.
Auteur
Est ATER à l’université Paris 4 Paris-Sorbonne où il poursuit une thèse sous la direction de Jacques-Olivier Boudon sur Les romanciers journalistes à la recherche d’une morale républicaine. Engagement, politique et littérature sous la Deuxième République. Spécialiste des liens entre littérature, politique et morale en France au milieu du xixe siècle, il est membre du Centre de recherche en histoire de France au xixe siècle et du comité de rédaction de la revue Le Temps des médias. Il a dirigé le volume Morales en révolutions (France 1789/1940) (Presses universitaires de Rennes, 2015), collaboré au Dictionnaire Dumas de Claude Schopp (CNRS Éditions, 2010) et publié les articles « Alexandre Dumas et son journal Le Mois à la conquête de la Deuxième République » (Gavroche, 166, 2011) et « Aux frontières de la littérature et de la politique : les feuilletonistes Alexandre Dumas, Paul Féval et Eugène Sue sous la Deuxième République, des écrivains transgressifs ? » (Sociétés et représentations, 39, 2015).
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