Chapitre VI : Après la conquête
p. 269-346
Texte intégral
1Après l’incroyable fenêtre ouverte sur le monde gaulois par César, la Gaule retourne au brouillard littéraire. Les guerres civiles captant toute l’attention des témoins, les sources deviennent au mieux allusives. La pratique épigraphique n’ayant pas encore pénétré les mentalités gauloises, l’archéologie et la numismatique sont nos seules auxiliaires. Tracer un portrait politique et institutionnel des peuples gaulois dans les décennies suivant la conquête aboutit donc à un résultat lacunaire. Néanmoins, on ne doit pas s’interdire toute réflexion sur cette période très mal connue mais primordiale.
2La Gaule reçut, dans l’immédiat, peu d’attention des organisateurs romains, et les États gaulois connurent peu de changements institutionnels. Le contexte est celui de l’après-conquête, soit l’épuisement après la violence des combats et la présence d’armées romaines. Cette présence bénéficie en France, depuis quelques années, d’un renouveau d’intérêt grâce à l’étude des militaria et de l’histoire militaire1 qui permet de poser quelques grandes orientations pour la période.
L’impact de la conquête
Des peuples diversement touchés
3Les guerres civiles ne sont pas l’unique toile de fond de cette période. Les peuples gaulois furent bien plus touchés par la conquête tout juste finissante que par la guerre qui, née en Italie, s’étendit aux provinces. Il est difficile de se représenter l’état humain et matériel de la Gaule, mais l’impact des batailles successives, de la politique de terre brûlée gauloise et des pillages romains ne saurait être surestimé. Plutarque évoque un million de morts et autant de prisonniers sur trois millions d’ennemis (Cés., 15, 1), soit l’annihilation de deux tiers des combattants ! Cela représenterait, rapporté à une population de 10 millions d’âmes – estimation par ailleurs relativement haute –, une ponction huit fois supérieure à celle que la Première Guerre mondiale exerça sur la population française2 ! Chr. Goudineau, Bellum Gallicum en main, fait une estimation comparable3. On peut discuter des proportions précises, mais l’ordre de grandeur est bien là. Il s’agit par ailleurs d’une moyenne : certains peuples furent en grande partie épargnés grâce à leur alliance avec les Romains et d’autres entrèrent tardivement en guerre. Ainsi, les Éduens connurent peu de massacres consécutifs aux déroutes sur le champ de bataille4. Leurs contingents et ceux des Arvernes ne furent pas, après Alésia, réduits en esclavage comme ceux des autres peuples. Puis ils évitèrent les saignées postérieures à 52 av. n. è., en particulier le siège d’Uxellodunum et ses suites. Le sort des Rèmes, du côté romain dès 57 av. n. è., est encore plus enviable. D’autres furent frappés de plein fouet, parfois plusieurs fois, tels les Carnutes, les peuples armoricains et de nombreux peuples de Belgique, les Nerviens en particulier. Certains encore furent anéantis, comme les Éburons et les Atuatuques. Les peuples de Gaule au lendemain de la conquête connaissent donc des situations humaines et matérielles très différentes. Cette guerre fut une saignée difficilement concevable de nos jours, et dont il faut tenir compte pour juger des comportements postérieurs. On peut être surpris de trouver auprès des Romains des chefs qui leur avaient été opposés. La lassitude et le dégoût de la défaite peuvent l’expliquer, et la certitude qu’ils ont mesuré l’invincibilité romaine explique la magnanimité de César. Auguste, plus tard, pardonna bien au roi alpin Cottius et le fit même chevalier5.
Des territoires sous surveillance
4Les guerres civiles n’épargnèrent pas la Gaule, et leur premier effet fut de renvoyer l’organisation de la province, selon les formes administratives romaines, à la fin des combats. Pendant plusieurs décennies, les peuples de Gaule restèrent, en quelque sorte, dans l’état politique et institutionnel où ils se trouvaient avant et pendant la conquête. Sur quelques points cependant la domination romaine apportait des changements notables, nous le verrons.
5La conquête de la Gaule avait été violente, et il était inconcevable de laisser sans surveillance ces peuples jugés turbulents et belliqueux. Les récentes recherches archéologiques en matière de vestiges militaires sur les premières décennies après la conquête le confirment, et les indices de la présence de troupes aux ordres de Rome sont nombreux. Les recherches en ce sens en étant encore à leur début, les sites répertoriés ne concernent pour l’heure qu’une partie des peuples gaulois (carte 1). La prise de possession du territoire par les troupes romaines est décelable grâce aux militaria, diverses trouvailles d’armement et d’équipement, ainsi que par les vestiges des campements ou de travaux utilisant des techniques militaires. Un colloque de 2008 qui établit un recensement – encore incomplet – de ces militaria6 permet de dresser quelques constats.
6On relève plusieurs cas de présence de forces d’occupation dans les oppida, dès la fin de la conquête. On sait, par le Bellum Gallicum, qu’après Alésia César installa trois légions à Bibracte, et qu’en plus d’une autre, elles y casernèrent l’hiver suivant afin, écrit Hirtius, de contrôler l’influence éduenne et d’« assurer la tranquillité de la Gaule » (BG, VIII, 54, 5). Cette présence, qui perdura sans doute encore quelques années, n’a guère laissé de militaria proprement dits ou suffisamment explicites. On trouve en revanche sur l’oppidum des deniers d’argent en quantité et de très nombreux dupondii de Nîmes – 61 % des monnaies découvertes. Ces monnaies, qui servaient à payer les troupes, indiquent, par leur quantité, la présence de ces dernières à Bibracte jusque vers 10 av. n. è., soit le moment de désaffection de l’oppidum7 pour Augustodunum. Ces militaria, rares à Bibracte, sont bien présents ailleurs en Gaule, en particulier sur les sites urbains indigènes. Ainsi à Gergovie, investi dès la victoire sur les forces gauloises8, dans l’Est, où les troupes s’installent sur les oppida contrôlant les axes fluviaux9 – oppida leuques de Boviolle et de la Butte-Sainte-Geneviève à Essey-lès-Nancy, celui du Châtelet à Gourzon (Meuse) chez les Lingons. L’oppidum trévire du Titelberg accueille un vaste camp légionnaire10, des troupes s’installent sur l’oppidum rauraque de Bâle-Münsterhügel11 et investissent celui de La Chaussée-Tirancourt12 chez les Ambiens. Peut-être doit-on penser à un schéma identique à Lutèce13 chez les Parisii. Les troupes peuvent caserner aussi à proximité immédiate de l’oppidum comme chez les Santons, à Saintes (Mediolanum Santonum), chez les Sénons à Melun (Melodunum), chez les Rèmes à Faux-Vésigneul près de Châlons-en-Champagne14. L’installation au cœur ou à proximité immédiate des oppida n’est pas le seul schéma observé. D’autres points importants sont tenus, comme le sanctuaire de Mirebeau devant lequel des ouvrages de défense romains césaro-augustéens ont été découverts15. Sur le territoire atrébate, près d’Arras, un fortin est établi en 50-40 av. n. è., au contact des demeures des propriétaires d’un vaste domaine, contrôlant un axe routier, et qui perdure jusqu’à la première moitié du ier siècle ap. n. è. Aux alentours, dans l’Arrageois, des vestiges militaires – rempart de terre et fossés – ont été aussi trouvés à Étrun, à 10 kilomètres de la Scarpe16. Les colonies romaines créées à cette période comptent aussi : Augusta Raurica (Augst) en territoire rauraque en 44 av. n. è., Lugudunum (Lyon) sur un ancien territoire ségusiave l’année suivante, Colonia Iulia Equestris (Nyon) chez les Helvètes, sans doute peuplée en partie de vétérans17, fondée en 43 av. n. è. ou peut-être plus tardivement18. La Gaule est donc loin d’être dépourvue de troupes d’occupation : le souci de surveiller le territoire était réel dès les lendemains de la conquête. Les points stratégiques pour des raisons géographiques, politiques, économiques ou religieuses, sont tenus. Un quadrillage serré du territoire, fait de garnisons de quelques dizaines ou centaines d’individus19, au profil varié – légionnaires, « auxiliaires20 », troupes mixtes –, est établi. Rome préféra cela à un système de campements plus imposants mais plus lâche. La plupart des peuples gaulois sont donc sous surveillance ou peuvent estimer l’être. Évidemment, les liens avec l’autorité romaine étaient variables. Seuls les indéfectibles soutiens de Rome échappèrent à cette tutelle : les Rèmes, les Lingons, peut-être les Leuques. Tous ces derniers pourtant accueillent des troupes. Rome voulait sans doute quelques points d’occupation sûrs, une base arrière en cas de problème, et peut-être les officiers résidaient-ils préférentiellement là. Dans quelle mesure ces petits contingents – si tel est effectivement le cas – pouvaient-ils tenir d’éventuels révoltes ou mécontentements ? Cela n’empêcha pas quelques peuples de reprendre les armes – mais qu’en aurait-il été sans cela ? Rappelons que les forces militaires de beaucoup de peuples étaient très amoindries, que certains Gaulois avaient suivi César ou Pompée et que d’autres formaient les contingents « auxiliaires » dont on ne sait pas s’ils ne surveillaient pas d’autres populations que la leur. Il ne devait parfois plus rester grand-monde pour porter les armes et résister à la pression romaine. La meilleure option était de se rallier au monde nouveau qui s’annonçait et sauver ce qui pouvait l’être.
7Il ne s’agit pas ici de trancher la question sur la nature des troupes d’occupation21 qu’il peut être malaisé d’identifier. On pense d’abord aux légions, mais beaucoup évoquent des troupes « auxiliaires » d’alliés gaulois dont on ignore les modalités précises d’incorporation dans l’armée romaine. Les indices semblent désigner des troupes levées et commandées par les partisans de Rome, mais stipendiées et chapeautées par l’armée romaine22. Ce recours à des troupes locales était rendu d’autant plus nécessaire que, durant les années immédiatement postérieures à la conquête, une grande partie des légions furent engagées dans les guerres civiles en dehors de Gaule23. Les modalités de la présence romaine peuvent donc être interrogées, mais cette présence, elle, ne peut plus être remise en question.
8Ces troupes n’avaient pas pour seule fonction d’étouffer les révoltes. Les nombreux camps installés dans les oppida des peuples les plus urbanisés, au plus près du pouvoir politique, montrent qu’il s’agissait aussi de contrôler la politique des États gaulois en même temps que leur tête24. Si les institutions restaient indigènes, elles pouvaient donc être encadrées et modifiées selon les besoins romains. On ne peut donc être sûr, même lorsqu’on connaît les institutions d’un peuple gaulois, qu’elles n’aient pas été infléchies par l’autorité romaine, à moins que ce peuple ait un statut privilégié lui laissant, théoriquement, sa liberté institutionnelle.
Politique et institutions dans une époque troublée
9Après Alésia, César attribua aux peuples de Gaule des statuts définissant leur rapport avec l’autorité romaine : fédéré, libre ou stipendiaire25. Les peuples fédérés bénéficiaient d’un foedus qui, bien qu’inégal, assurait théoriquement le respect de leur souveraineté ; ce statut privilégié était peu répandu. Les peuples libres – liberi et immunes –, théoriquement libérés du stipendium des vaincus26, jouissaient de conditions moins avantageuses que celles des peuples fédérés mais cependant préférables à celles des peuples stipendiaires. En fait, l’exemption des servitudes imposées aux stipendiaires était accordée au cas par cas27. Les peuples fédérés et libres pouvaient conserver leurs propres lois, au contraire des peuples stipendiaires pleinement considérés comme vaincus et, à ce titre, assujettis au tribut marquant la soumission.
Les Gaulois au service armé de Rome
10Ainsi, après la conquête, l’autorité romaine recourut largement aux troupes gauloises pour tenir les peuples de Gaule dans l’obéissance. Ce pouvait être, pour les peuples stipendiaires, compris comme une obligation des vaincus ou bien, pour les peuples libres et fédérés, comme une aide « volontaire » à fournir en tant qu’alliés. Quoi qu’il en soit du fondement juridique de cette fourniture de troupes, il s’agissait d’« auxiliaires », dont l’archéologie, bien plus que les textes, révèle l’existence.
11Bien qu’ayant rejoint Vercingétorix, les Éduens conservèrent leur statut d’alliés de Rome. À ce titre, ils eurent, comme les autres peuples fédérés, le privilège de conserver des troupes théoriquement indépendantes, c’est-à-dire sans doute menées par des officiers éduens obéissant eux-mêmes à un chef de guerre éduen. S’il ne reste aucune trace de cet engagement possible des Éduens pour tenir la Gaule aux côtés, et presque à la place de Rome, il en va autrement pour d’autres peuples fédérés.
12Les Rèmes, au contraire des Éduens, s’étaient montrés d’une fidélité envers César à toute épreuve, aussi étaient-ils tout désignés pour apporter leur aide à la maîtrise de la Gaule. En ce sens les éditeurs de DT soulignent que RIG, IV, 54, que nous attribuons au Rème Atesos, et les deniers de CVPINACIOS et SENODON(os ?)/CALEDV, sont très nombreux dans le Belgium sur les camps militaires préaugustéens, et même parfois augustéens, ou dans des sanctuaires proches28. Ces deniers servaient manifestement en grande partie à payer des militaires. Selon les vues actuelles, il s’agirait, en partie sinon en quasi-totalité, de troupes gauloises « auxiliaires » que nous serions tenté d’identifier aux troupes rèmes. Elles auraient donc été chargées de surveiller le Belgium, ou au moins d’y contribuer, ce qui en quelque sorte prolongeait la domination rème sur la Belgique et confortait leur seconde position en Gaule.
13Dernier peuple fédéré renseigné, les Carnutes ont livré quelques données sur leur engagement militaire aux côtés de Rome. À Ménestreau-en-Villette (Loiret) a été découverte la tombe d’un homme datée de 50-25 av. n. è.29 comprenant une épée longue, une amphore Dressel 1B et dix pièces de vaisselle en céramique – service à boire et plats30. La découverte étant ancienne – 1889 –, les données sont incomplètes, et il n’est pas exclu que le mobilier fût à l’origine plus important. Néanmoins, cet homme, s’il était de l’aristocratie carnute31, n’était pas un de ses membres les plus illustres, et on peut le placer, selon la typologie relative au banquet établie par M. Poux, dans les convives du second cercle32 (fig. 55a-b). C’est un cavalier « auxiliaire » comme le montre la taille de l’épée qu’il put conserver. On ignore s’il servit hors du territoire carnute ainsi que son « grade » – si l’on peut parler de grades dans une troupe d’alliés en partie régie selon des habitudes indigènes. On peut en revanche être plus précis pour un « auxiliaire » dont la demeure, un établissement agricole de 12-13 hectares, sis à Richebourg en territoire carnute, a été fouillée. Bâtie entre 40 et 10 av. n. è., c’est en fait une uilla construite selon des critères romains. Un petit fanum à l’usage du propriétaire montre que ce dernier était gaulois. Or, quelques monnaies33 et le modèle de la pars urbana, puisé semble-t-il dans l’architecture militaire, tendraient à prouver qu’il s’agissait d’un auxiliaire ayant participé aux guerres civiles. Qu’il ait eu des responsabilités confiées par Rome paraît envisageable en raison des structures de stockage de grains qui excèdent largement les possibilités du domaine, suggérant un rapport avec les services annonaires ou la levée de denrées tributaires34. D’après la monnaie d’Utique découverte, il était issu des contingents césariens d’Afrique – sans doute appartenait-il à cette élite de trois mille cavaliers que César emmena de Gaule (BC, I, 39, 2). Une intaille d’onyx représentant Agrippa, ou plus probablement Octavien35, montre qu’il était un fervent partisan de Rome, de ses maîtres, ainsi que des vainqueurs. Les responsabilités confiées par le pouvoir romain au retour en Gaule en font assez sûrement un bénéficiaire de la citoyenneté romaine à titre uiritim, gagnée sur le théâtre africain, ou à son retour. De tout cela, et si ce domaine était déjà le sien avant son départ, on peut estimer qu’il était officier. On n’en déduira en revanche pas qu’il commanda un contingent carnute car il est possible que nous soyons face à une réussite individuelle sans rapport avec une implication particulière des Carnutes aux côtés des Romains.
14Viennent ensuite les peuples libres, dont les Arvernes sur lesquels les sources sont, pour l’après-conquête, très limitées. Elles ont en partie déjà été sollicitées, surtout celles sur Epasnactos. Vraisemblablement chef militaire avant 52 av. n. è.36, Epasnactos était un homme important dont l’amitié était recherchée. Gratifié du titre d’amicissimus populi romani par César, cela le place sans grand risque d’erreur dans les reliqui principes qui soutinrent Gobannitio contre Vercingétorix en 52 av. n. è. Luctérios, un des amici d’Epasnactos, vint trouver ce dernier en 51 av. n. è. pour échapper à César, pensant les obligations créées par ce lien personnel plus fortes que l’allégeance d’Epasnactos à Rome. Qu’il eut tort montre la force du ralliement d’Epasnactos – voir le superlatif amicissimus. Il y a donc peu de doute qu’après la défaite, Rome et lui purent compter l’un sur l’autre pour asseoir leur position respective. Les monnaies illustrent ce retour au premier plan et la faveur de Rome qui se traduisit par de nouvelles responsabilités. L’iconographie de cette émission (fig. 18) a un caractère romain très prononcé : le droit est celui d’un denier de la gens Plaetoria de 67 av. n. è. (fig. 19) et le revers montre un guerrier équipé et portant une enseigne romaine. Ces pièces furent trouvées sur un grand nombre de sites, particulièrement sur les sites arvernes de la Roche-Blanche (Gergovie) et de Corent – selon toute probabilité la capitale arverne. Epasnactos eut donc à nouveau, après la conquête, des responsabilités militaires. Officiait-il au nom des Arvernes ou bien de Rome ? Que les premiers aient émis des monnaies en son nom place Epasnactos dans le cadre de l’État arverne, mais l’enseigne romaine et le recours aux « auxiliaires » gaulois tend à le placer à la tête d’une telle troupe37. Les deux options sont compatibles, puisque l’on insiste aujourd’hui sur la différence entre ces « auxiliaires » et ceux de l’époque augustéenne. Epasnactos fut donc vraisemblablement le chef militaire arverne38, « enrôlé » avec ses troupes par Rome au sein du système de surveillance installé au lendemain de la conquête, recevant un « grade » romain, au moins honorifique. Cela ménageait les peuples épargnés après Alésia, puisqu’ils conservaient, au moins théoriquement, une armée, alors que la plupart des peuples furent désarmés.
15Le dépôt de Malintrat (Puy-de-Dôme) – un cénotaphe – illustre encore cet engagement arverne39. La fosse était à l’intérieur d’un enclos funéraire de 100 m2, tout près d’un établissement rural occupé depuis le iie siècle av. n. è. Le mobilier comprenait de l’armement (épée dans son fourreau, lance), une boucle de ceinturon de l’armée romaine, quatorze céramiques, et des offrandes animales avaient été ajoutées (moitiés de porcs). L’enclos fut le lieu de cérémonies funéraires, à cette date et après : on y a trouvé les restes calcinés de céramiques (soixante vases au moins), de faune, d’objets en métal (fer et bronze), de douze amphores Dressel 1B au moins, et deux dépôts dont un fragment de casque en fer à paragnathide daté de 20 av. n. è. – 10 ap. n. è. L’homme correspondant à cette structure de 50-25 av. n. è.40 était un cavalier auxiliaire (épée et ceinturon). Si l’on se fie au nombre élevé d’amphores, il doit être classé, dans la typologie de M. Poux, parmi les convives du premier cercle (fig. 55a-b), et on ne peut l’imaginer qu’avec le « grade » d’officier. Était-il l’égal d’Epasnactos ? On a trouvé dans les dépôts de l’enclos deux graffites qui montrent, le premier, BRI – daté des deux dernières décennies du ier siècle av. n. è. –, le second, BR – daté de 5-20 ap. n. è. Ce pourrait être un anthroponyme récurrent, induisant qu’il s’agisse d’une nécropole familiale, et que notre homme put porter un nom débutant ainsi, ou plutôt qu’un homme avec un tel anthroponyme fût une figure familiale. Peut-être la monnaie de BRIGIOS41, de la conquête ou de peu antérieure, ressortit-elle de cette famille ?
16Plusieurs tombes souvent qualifiées d’aristocratiques montrent l’implication des élites bituriges au service armé pour Rome. On en compte trois pour la période préaugustéenne42 : Fléré-la-Rivière (Indre), Fontillet à Berry-Bouy et Dun-sur-Auron (Cher). De nombreux objets issus de leur très riche mobilier renvoient au banquet gaulois, ce qui montre que les défunts n’avaient pas abandonné les pratiques de sociabilité de l’époque précédente. Selon l’étude de M. Poux, ils sont au sommet de la société biturige43 (fig. 55a-b). Ces tombes, aux forts points communs, traduisent un statut social comparable44, une même appartenance aux élites bituriges réagissant aux mêmes besoins et réflexes culturels, certains directement issus de la protohistoire finissante, d’autres empruntés au monde romain tel qu’ils le percevaient. Le défunt de Fontillet, inhumé à Berry-Bouy45, à une dizaine de kilomètres de la capitale biturige, Auaricum (Bourges), servit les Romains en tant qu’« auxiliaire », sans aucun doute comme officier. Ses cendres furent enterrées avec son équipement : une lance, un glaive (arme romaine) et un bouclier typique des troupes auxiliaires46. Les restes de son incinération étaient dans un coffre, lui-même dans une fosse avec plancher, le tout dans un enclos fossoyé. L’impressionnant mobilier déposé dans la fosse comprenait – en plus de l’armement – un service à banquet suivant la tradition gauloise – service à boire avec simpulum et corne à boire47, nécessaire à ablution en bronze avec cruche, patère et bassins, une pince à feu pour le foyer – dix amphores Pascual 1 – ce qui date cette tombe de 20-10 av. n. è. – et des restes d’offrandes animales – cheval, peut-être aussi porc et chien. Dans le fossé extérieur, on trouva le corps d’un homme48, des céramiques gauloises et quelques objets évoquant des rites funéraires annexes. Appartenant, selon la typologie de M. Poux, au premier cercle des convives lors des banquets49 (fig. 55a-b), ce Biturige restait inférieur à quelques-uns de ses concitoyens, tels les deux hommes suivants. Les tombes de Fléré-la-Rivière50 et de Dun-sur-Auron51 contenaient plusieurs panoplies guerrières. Le défunt de Fléré-la-Rivière avait trois épées et deux lances, celui de Dun-sur-Auron trois panoplies complètes avec épées longues, lances, poignards. Ils possédaient un service à banquet du même type que celui de Fontillet avec des ustensiles en céramique, en bronze ou fer, d’origine méditerranéenne pour boire – mais aussi ceux pour distribuer boisson et victuailles : chaudron à crémaillère et louche à Dun-sur-Auron – et ceux pour cuire la viande et la manger – grill à Fléré-la-Rivière, fourchette à chaudron, pince à feu à Dun-sur-Auron. Cette abondance d’attributs liés au banquet fait d’eux des « organisateurs » de banquets (fig. 55a-b), ce qui les place au rang ultime de la société biturige, rang matérialisé par la bague en or trouvée à Fléré-la-Rivière et la possible présence de roues de char à Dun-sur-Auron52. Cependant, à la différence de l’auxiliaire de Fontillet, les deux hommes avaient placé dans leur mobilier des objets évoquant la source de leur richesse : la terre et son exploitation (meules53), et les mines à Dun-sur-Auron (outils et lingots de fer54). Le défunt de Fontillet, qui a sans doute participé aux guerres civiles, aura suivi les armées romaines en dehors du territoire biturige et a terminé sa vie sur son domaine. Quant aux défunts de Fléré-la-Rivière et de Dun-sur-Auron, ils servirent Rome comme cavaliers55, aux environs de leur assise domaniale et territoriale. Ces derniers sans doute, plus probablement que l’homme de Fontillet, eurent d’importantes responsabilités politiques, les plus hautes peut-être.
17S’agissant des Meldes, libres également, certaines monnaies de ROVECA56 ont été trouvées dans des oppida hors de leur territoire : Pommiers (Suessions), Vernon (Véliocasses), Vendeuil-Caply (Bellovaques), ou dans l’agglomération d’Arras (Atrébates57). Il se pourrait que cela soit la trace du cantonnement d’auxiliaires meldes.
18Chez les Suessions, c’est l’iconographie monétaire qui permet de penser que Criciru tint des responsabilités militaires. Ses statères58 – quatre en or, un en bronze – portent au droit le motif aux trois cercles tandis que leurs revers montrent une fibule au-dessus d’un cheval ce qui, selon M. Poux, pourrait être un rappel des liens établis avec Rome à l’époque de l’Indépendance ou peu après, ou bien une sorte d’insigne d’officier « auxiliaire59 ».
19Chez les Ségusiaves, une tombe découverte à Feurs, datée de 50-25 av. n. è.60, contenait une épée longue, proche des spathae italiennes plus tardives, pliée selon un rite gaulois, une pointe de lance, six céramiques, des tessons d’amphore Dressel 1, des restes de faune. Ce Ségusiave était donc auxiliaire, sans doute cavalier. Le mobilier de sa tombe n’est pas très riche, mais sur toute la période d’utilisation de la nécropole – du milieu du iie siècle av. n. è. jusqu’à l’époque augustéenne –, il n’y a que trois tombes à armes sur quarante-cinq inhumations, ce qui suffit à la distinguer. Il est douteux cependant qu’il ait été officier.
20La valeur militaire des Trévires, en particulier de leur cavalerie, était chose connue, et ils fournirent de nombreuses recrues durant le principat. Il y a peu de traces en revanche de cette vocation à la période préaugustéenne. Une première tombe, située à Olewig (Trèves, Rhénanie-Palatinat), à cheval sur La Tène D2b (60-30 av. n. è.) et la période augustéenne, correspond au profil recherché – appartenance à l’aristocratie et présence d’armes. Il s’agit d’un homme enterré avec des pièces d’équipement militaire – casque de bronze, épée, fer de lance –, quelques outils évoquant le travail agricole – forces, rasoirs –, des céramiques liées au banquet et peut-être une amphore Dressel 1B61. La tombe est celle d’un cavalier62 « auxiliaire » issu de la petite aristocratie terrienne63, dont il est difficile de dire s’il avait un poste de commandement. On est loin du faste contemporain des sépultures bituriges ou trévires de la nécropole de Göblingen-Nospelt. On trouve en effet dans cette dernière un enclos funéraire avec cinq tombes au profil très clairement aristocratique64 dont les propriétaires vécurent à la période préaugustéenne – deux datent de 50-40 av. n. è., les autres de la première moitié du règne d’Auguste. Deux de ces trois dernières tombes comprenaient de l’armement, la troisième devant être celle d’une femme. La tombe A comprenait de l’armement (glaive, lances), des ustensiles de banquet en bronze (situle, deux passoires, bassin), un couteau en fer, un vase globulaire, un fragment de meule, une amphore Dressel 1B complète et trois autres au moins, brisées. La tombe B est une des plus riches du territoire trévire65. Le défunt, inhumé dans une chambre funéraire surmontée d’un tertre, était avec son armement (épée, lance), de la vaisselle de bronze qui montre son appartenance, comme l’occupant de la tombe A, aux organisateurs de banquet66 (fig. 55a-b) (passoire, chaudron, cruches et bassins en trois exemplaires, deux seaux aux décorations métalliques), quatre amphores complètes et un anneau passe-guide de char. De plus, seize amphores de vin avaient été consommées durant le banquet funéraire ! Le glaive de la tombe A établit qu’il s’agit d’un « auxiliaire », qui dut être officier de cavalerie. C’est probable mais moins sûr pour le défunt de la tombe B, au mobilier plus riche mais à l’armement plus réduit, sans pièce défensive ni aucune d’origine romaine.
21Viennent finalement les peuples stipendiaires. Un bronze épigraphe avec NIREI MVTINOS au droit et VORONANT au revers67 apporte quelques lumières sur les décennies suivant la conquête. Ce revers montre l’insigne militaire aux trois globules sous les pattes antérieures du cheval et une enseigne romaine en travers de l’animal68 (fig. 20 comparée à fig. 21a-b69 et 19). Ces monnaies ont donc été frappées par un chef militaire au service de Rome, peut-être d’un contingent de cavalerie comme l’indiquerait le cheval, mais l’absence de cavalier et l’oiseau sous l’équidé évoquent une scène mythologique. Les éditeurs de RIG, IV attribuent la monnaie, sans avis définitif, aux Ambiens, tandis que ceux de DT la donnent aux Véliocasses en raison de la grande proximité du droit avec celui d’une monnaie de ce peuple – DT I, 64870. La lecture de Voronantos oblige à reconsidérer cette hypothèse puisqu’une autre monnaie, un unicum trouvé en territoire ambien, à Bois-l’Abbé, porte également ce nom abrégé à l’identique (fig. 2271). Les deux seules occurrences se trouvent donc dans un tout petit périmètre spatial et chronologique. De plus, les droits des bronzes de NIREI MVTINOS et de la monnaie véliocasse, bien que ressemblants, ne sont pas des mêmes (fig. 23) : profils orientés l’un à droite, l’autre à gauche, mèches sur le front d’un des profils seulement, casques différents, petits annelets derrière la tête de NIREI MVTINOS absents sur la monnaie véliocasse. La Tour en avait d’ailleurs fait des dessins bien différents72 (fig. 24). Nous préférons donc tenir compte du croisement des anthroponymes plutôt que de la ressemblance des droits. De plus, dans les provenances des différents types, seuls les territoires calète et ambien apparaissent deux fois73. Or le monnayage calète74 est pour l’heure anépigraphe et, hormis les monnaies d’or, d’une exécution singulièrement fruste, deux caractéristiques étrangères aux monnaies de Voronantos. Aussi retenons-nous, sans absolue certitude, l’attribution aux Ambiens. Le service de Voronantos pour Rome dut suivre l’échec de la coalition belge de 51 av. n. è. à laquelle participèrent les Ambiens, les Calètes, les Bellovaques et les Véliocasses (BG, VIII, 7, 4) où l’on a trouvé une de nos monnaies. Difficile d’être plus précis sur ses lieux de cantonnement, chaque occurrence de ces monnaies reposant sur quelques unités, souvent un seul exemplaire. Les trouvailles proviennent d’oppida (Pommiers, Vendeuil-Caply, Étretat, Fécamp) et d’un sanctuaire (Bois-l’Abbé) qui correspondent aux endroits tenus par les troupes romaines, mais aussi aux lieux les plus fréquentés et donc susceptibles de fournir, par la circulation usuelle, les quelques monnaies qui nous intéressent.
22À Boiroux (Corrèze) a été trouvée la sépulture d’un Lémovice75 inhumé vers 20-10 av. n. è. Il fut actif dans la période préaugustéenne, surtout avant les réformes administratives augustéennes. Dans un coffrage, à ses côtés, se trouvaient un fer de lance, un grand couteau, un bouclier, vingt-quatre céramiques comprenant un service à boire en céramique fine et des assiettes, des offrandes alimentaires – deux vases contenaient des céréales, des offrandes animales sont postulées. Trois amphores Dressel 1B avaient été déposées complètes entre le coffre et les parois de la fosse. On a suggéré que l’homme était chasseur plutôt que guerrier76, mais il est peu réaliste qu’il ait conservé son attirail sans servir Rome, et le bouclier est un outil de guerrier plutôt que de chasseur77. Le couteau à partir duquel une telle hypothèse a été formulée78 ne doit pas faire oublier le reste de l’armement. On peut être « auxiliaire » et vouloir affirmer sa fibre aristocratique par la pratique de la chasse. Ce couteau peut aussi être rapporté au matériel lié au banquet, ce qui, avec le reste du mobilier, permet de classer le défunt de Boiroux dans les convives du premier cercle (fig. 55a-b). L’homme était donc bien placé dans l’aristocratie lémovice, sans être un de ses tout premiers représentants. Il fut « auxiliaire » et peut-être vécut-il la réforme augustéenne de ce type de troupes. Son statut social paraît suffisamment élevé pour qu’on ne l’imagine pas entièrement dû à son passage dans l’armée. Il dut donc tenir un commandement de troupes « auxiliaires », sans doute comme officier supérieur. On ignore s’il servit dans un contingent spécifiquement lémovice, bien que son grade supposé tende à l’induire.
23Chez les Nitiobroges, la tombe de Boé, que l’on pense être celle du roi Teutomatos ou d’un de ses descendants, montre que ce dernier avait encore des attributions guerrières qui ne purent survivre que pour être mises au service de Rome. Ayant conservé ses armes personnelles et portant une boucle de ceinturon romaine, l’homme de Boé eut, L. Pernet le souligne, des contacts étroits avec l’armée romaine. Il dut même avoir des responsabilités militaires. Rome comptait manifestement sur lui pour prêter son concours à la tenue du territoire nitiobroge et alentours, peut-être plus loin encore. Cela signifie-t-il pour autant qu’il commandait à une troupe constituée de ses congénères ? C’est possible mais ne doit pas être considéré comme allant de soi.
24Aux confins du territoire des Pictons, à proximité de celui des Turons, se trouve la « tombe » d’Antran (Vienne)79. L’absence de corps a fait douter du caractère funéraire du dépôt, mais son mobilier et sa mise en scène permettent de retenir le caractère sépulcral de l’ensemble, sans doute un cénotaphe80. La tombe étant datée des deux dernières décennies du ier siècle av. n. è., cela situe son destinataire dans cette période et celle des guerres civiles, comme un denier de Marc Antoine de 32 ou 31 av. n. è. l’assure81. Le mobilier, très riche, fait du défunt un haut aristocrate picton et un membre du « club » fermé des organisateurs de festins82. Dans une chambre charpentée, le dépôt comprend sept amphores complètes, de la vaisselle de bronze (œnochoé, cruche, patère, bassin, casserole, passoire, simpulum), trois seaux cerclés de bronze, une lanterne, deux strigiles, des récipients en céramique et en verre et une panoplie militaire composée de deux lances et deux boucliers. Les umbos de ces derniers, de type circulaire comme à Fontillet, signalent le défunt comme étant un « auxiliaire83 ». Il servit durant les guerres civiles triumvirales, en tant qu’officier si l’on se fie à ce qui transparaît de son statut social.
25L’épigraphie de l’époque du principat fait connaître une troupe auxiliaire, l’ala Atectorigiana (CIL, XIII, 1041), aile quingénaire dont le nom vient d’un anthroponyme, Atectorix, attesté par une monnaie un peu plus tardive – nous y reviendrons – qui nous apprend que l’homme était Picton84. Que cette ala Atectorigiana soit une aile de Gaulois – Gallorum – et non d’Aquitains – Aquitanorum – portant le nom d’un homme montre qu’elle fut levée avant la réorganisation administrative d’Auguste85. Atectorix est donc un aristocrate picton qui leva une troupe de cavaliers parmi ses clients, au sein de son peuple, et qui la mit au service de Rome86. Que cet enrôlement ait été fait par ses propres moyens à titre personnel est assuré par l’intégration de son nom dans celui de l’aile. Il devait encore la commander quand Auguste modifia le statut de ces troupes pour en faire des auxiliaires dûment intégrés à l’armée romaine, et c’est peut-être pourquoi cette appellation anthroponymique fut pérennisée. Le défunt d’Antran put être à l’origine d’une aile identique, ou faire partie des cadres de l’ala Atectorigiana, mais ce ne peut être Atectorix puisque ce dernier était encore vivant à l’époque augustéenne. Cela montre que les aristocrates pictons, du moins certains, avaient mis leurs armes et leurs ressources au service de Rome dès le début de l’après-conquête.
26Quelques sépultures éclairent la position des Turons en tant qu’auxiliaires. La nécropole d’Esvres-sur-Indre, qui réunit vingt-neuf sépultures depuis La Tène D1a (seconde moitié du iie siècle av. n. è.) jusqu’au début de l’époque augustéenne87, a livré celles de deux Turons. La tombe F. 165 comprenait un cercueil où était allongé un défunt avec ses armes (épée et fourreau, un épieu, arme typique des camps militaires et des champs de bataille) et quelques amulettes. Sur et autour du cercueil, des offrandes : amphore Pascual 1, céramiques, pièces de boucherie, fragment de meule. L’épée, l’amphore, la meule et la relative modestie de cette tombe la désignent comme étant celle d’un membre de la petite aristocratie, un « auxiliaire » que l’on hésite à qualifier d’officier. La tombe F. 139, un peu plus tardive88, et plus modeste – l’armement se réduit à un javelot et le mobilier supplémentaire à un peu de céramique, dont une amphore Dressel 7/11 –, n’est sans doute pas celle d’un aristocrate, mais probablement d’un auxiliaire.
27L’activité militaire des peuples et des individus n’avait donc pas cessé en Gaule. Le contexte des guerres civiles favorisait cette continuité, avec cependant une modification des visées politiques selon les besoins romains. Qu’en était-il dans le domaine institutionnel ?
Les dirigeants politiques
Les termes institutionnels des légendes monétaires
28La période qui suit immédiatement la conquête voit l’apparition de termes institutionnels dans les légendes monétaires. Ce fait, ni général ni anecdotique, livre d’importantes données auparavant inaccessibles.
29Parmi les innovations les plus notables, les mentions qui renvoient au peuple ou à l’État. Nous avons vu qu’à l’époque de l’Indépendance les Aulerques Éburovices, les Lexoviens et les Véliocasses avaient vraisemblablement formé une zone monétaire commune et, peut-être, avaient appartenu à un ensemble politique de forme indéterminée. L’époque qui suit montre encore de grandes similitudes monétaires, dont une singulière : le vocable ectha – ECΘA/ECTA/ EΓΘA89. La présence du théta assure qu’il s’agit d’un terme gaulois puisque les Gaulois l’ajoutèrent à l’alphabet latin pour les sons affriqués (/ts/ puis /ss/)90. Ce n’est pas un anthroponyme tant il est improbable que l’on ait au même moment trois homonymes, mais un terme institutionnel dont on ignore le sens précis, les lexiques gaulois n’ayant aucun mot approchant. On peut cependant en deviner la signification. Il est deux fois associé à l’ethnique : EBVRO AVLIRCO chez les Aulerques Éburovices et LIXOVIO chez les Lexoviens. Or les ethniques apparaissent sur d’autres monnaies de ces peuples :
chez les Lexoviens : CISIAMBOS au droit, PVBLICOS. SEMISSOS. LEXOVIO (ou LEXOVO) au revers (RIG, IV, 109 = DT II, 2483) ; PVBLICOS. SEMISSOS. LIXOVIO au droit, VERCOBRETO. CISIAMBOS. CATTOS au revers (RIG, IV, 226 = DT II, 2481-2482) ; SIMI[SSOS. P]VBLICOS. GΛL au droit, ARCANTODAN MAVPENNOS au revers (RIG, IV, 262 = DT II, 2487) ; SIMISSOS. PVBLICOS. LIXOVIO au droit, ARCANTODA. MAVPENNOS au revers (RIG, IV, 263 = DT II, 2486) ;
chez les Aulerques Éburovices : AVLIRCVS au droit (RIG, IV, 66 = DT II, 2429) ; EBVROVICOS au droit, AVLIRCOS au revers (RIG, IV, 151= DT II, 2430) ; AS. PVBLICVS. EBVROVICO au droit, AVLIRC au revers (DT II, 2431) ; IB(u) R(o) VIXS au droit (RIG, VI, 183 = DT II, 2434), sur quelques revers mentionnés par DT II, p. 109, les lettres VICI, sans doute la répétition de l’ethnique ;
chez les Véliocasses : SVTICCOS au droit, VELIOCAΘI au revers (RIG, IV, 272 = DT I, 651, 652).
30Ces ethniques sont dans tous les cas – la monnaie véliocasse fait exception – associés à des termes désignant l’État ou en rapport avec lui. On peut donc proposer de ranger ectha dans la même catégorie que publicos/-us, et y voir une désignation de l’État, ou quelque chose d’approchant, mais cette fois-ci en gaulois91. Ce croisement unique des pratiques monétaires entre ces peuples frappe d’autant plus que le terme publicus, et peut-être le terme ectha, ne s’observe nulle part ailleurs.
31Les monnaies que nous venons d’évoquer, et auxquelles il faut ajouter un bronze portant au droit SIMI[SSOS. P]VBLICOS. GAL. (fig. 45)92, permettent, de plus, la reconstitution unique du titre que se donnait alors l’État lexovien : RESPVBLICA GALLICA LIXOVIORVM93. On peut supposer qu’il en allait de même chez les Éburovices et les Véliocasses.
32Ces émissions, auxquelles on peut ajouter deux bronzes mentionnant les Médiomatriques94, ne sont pas les seules à porter un ethnique95. Ils peuvent se rapporter au peuple, et dans ce cas il s’agit d’une monnaie émise par celui-ci, ou bien renvoyer à l’aristocrate qui assume la frappe. On peut s’interroger sur la réalité de beaucoup de ces ethniques d’aristocrates dans la mesure où ils paraissent parfois sans aucune relation avec la répartition des lieux de découverte. Ainsi les monnaies de TVRONOS/CANTORIX dont St. Martin note qu’elles « circulent principalement autour de Bâle96 », très loin du territoire turon. Pour les cas rentrant dans le cadre de notre étude, on dispose de deux monnaies montrant des ethniques correspondant aux localisations des trouvailles. La première avec ATESIOS REMOS au droit (RIG, IV, 56 = DT I, 594-596 ; fig. 30), la seconde portant la légende ORGETIRIX / EDVIS (RIG, IV, 156 = DT III, 3225). Dans ce dernier cas on ignore si Eduis renvoie au peuple ou caractérise simplement Orgetirix.
33Ces mentions, ethniques et termes institutionnels, établissent qu’il s’agit bien d’émissions assumées par les peuples, ou au moins par des aristocrates le faisant par délégation au nom de leur peuple. Il est clair dans ce cas que les anthroponymes présents sont ceux de responsables politiques, pour la plupart sans doute ceux des plus hauts magistrats.
34Cette identification peut être profondément simplifiée par un autre changement important, la mention de magistratures. César était peu enclin à livrer des termes institutionnels gaulois, et les monnaies gauloises étaient plus avares encore. La fin de la conquête apporte son lot de changements, avec en particulier des noms de magistratures qui viennent enrichir un lexique jusqu’ici limité au uergobretus éduen. Ce dernier est alors attesté chez les Lexoviens par des bronzes97 portant au droit PVBLICOS. LIXOVIOS. SIMISSOS, et au revers CISIAMBOS. CATTOS. VERCOBRETO. Ces deux noms, Cattos et Cisiambos, ont d’abord fait croire à un collège, hypothèse écartée depuis98. On peut, à partir des données éduennes99, affirmer que le vergobret est le plus haut responsable civil des Lexoviens à ce moment, et que nous disposons du nom d’un d’entre eux, Cisiambos ou Cattos. Il est possible qu’il y ait eu d’autres vergobrets en Gaule, en plus de celui des Éduens et des Lexoviens, mais les autres attestations sont plus tardives, et nous verrons qu’il ne va pas de soi qu’ils aient existés antérieurement. On connaît en revanche une magistrature chez les Rèmes, le ulatos dont tout porte à croire qu’il s’agit là aussi de la magistrature suprême. Ce terme, bien qu’attesté comme anthroponyme dans des formes proches100, doit être, ici, un nom commun. Il apparaît sur plusieurs deniers rèmes datés de 45-31 av. n. è.101, dont RIG, IV, 54 avec la légende de droit ATEVLA qui doit, à la lumière des monnaies d’Atesios102, être développée en ATE(sios) VLA(tos). Le deuxième terme n’est donc pas un anthroponyme. Il qualifie Atesios, tout comme sur RIG, IV, 56 REMOS n’est pas une personne mais l’ethnique d’Atisios. Selon B. Fischer et J.-B. Colbert de Beaulieu, ulatos est le nom d’une magistrature monétaire103. Pourquoi pas une magistrature plus élevée ? Tout va dans ce sens. Les Rèmes n’inscrivant qu’un seul titre sur leurs monnaies, il paraît plus logique que cela soit celui de la plus haute magistrature. Le sens de ulatos, « souverain » ou « prince »104, consolide cette lecture, de même que l’iconographie des droits qui montre un buste portant le torque – seul RIG, IV, 170 fait exception.
35Les monnaies lexoviennes révèlent également l’argantodannos105, une magistrature monétaire106. Des rapprochements de forme et de sens ont été faits avec le gaulois argantokomatereko- de l’inscription gallo-latine de Verceil107 en Cisalpine, pour lequel on a proposé une charge d’« argentier108 » ou de « trésorier109 ». Cette magistrature, que l’on peut envisager comme monétaire ou peut-être trésorière, est attestée maintenant par quelques autres monnaies. Chez les Meldes, un certain Roveca fut argantodan110, et deux monnaies, des bronzes de l’après-conquête et de la période préaugustéenne, portent ARTOIAMOS au droit, NAVMV(?) ARCANTO au revers111. La configuration est identique à celle des monnaies lexoviennes contemporaines au nom de CATTOS et CISIAMBOS, et l’on déduira que NAVMV(?) est argantodan, tandis que ARTOIAMOS doit être le ou un des magistrats suprêmes de ce peuple inconnu. L.-P. Delestrée et M. Tache attribuent ces émissions à un peuple de « la région de la Loire moyenne », ce qui peut être les Andécaves, les Turons, les Pictons, les Carnutes, les Bituriges, les Sénons ou les Éduens ! Une des monnaies ayant été trouvée sur le Camp-d’Amboise (Indre-et-Loire) dans le territoire turon, l’autre chez les Cénomans à Allonnes, il peut être préférable de considérer d’abord le nord-ouest de la zone de départ, soit les Andécaves, les Turons et les Carnutes, mais cela reste spéculatif.
36D’autres termes pourraient correspondre à des magistratures, sans qu’il soit possible dans la mesure des sources actuelles de le vérifier. Ainsi une monnaie de Bois-l’Abbé (RIG, IV, 31 = DT II, 686), sans doute lexovienne112, porte la légende ANTII[/MAVP (= Mag (u) p (ennos). Selon la répartition des termes sur les monnaies lexoviennes, ANTII serait un terme institutionnel. Il n’y a rien avant le A, la frappe excentrée empêche de savoir ce qu’il y avait après le dernier trait vertical, et RIG, IV, 31 présente la lecture ANTII[? – en fait la dernière haste pourrait appartenir à une consonne. On ne peut le développer en argantodannos. Le seul terme gaulois connu correspondant est anto- – ante- ou anti- en composé –, signifiant « limite, borne113 ». Cette fonction, dont le fond nous échappe, permet de penser, si l’on accepte l’attribution aux Lexoviens, que le cursus de ce peuple ne se limitait pas à deux charges, mais en comprenait au moins trois.
37Chez les Éburovices cette fois, on trouve le terme BRANO provenant de leur unique monnaie avec deux noms114 – hormis celle d’Eppudunos mentionnant son père –, qui plus est sur la même face, ce qui pose la question de la fonction de ce terme. Brano, « le guerrier, le chef115 », dans l’optique d’un titre, peut faire sens. Nous avons vu que les Lexoviens, très proches des Éburovices, mentionnaient des magistratures aux côtés du nom de leur détenteur. Les similitudes entre les monnaies des deux peuples étaient, à l’époque préaugustéenne, un fait déjà ancien et toujours d’actualité. Les monnaies éburovices aux légendes AS PVBLICVS EBVROVICO / AVLVRC116 par exemple ne trouvent de comparaison possible qu’avec l’émission lexovienne qui, à la même époque, porte PVBLICA SEMISSOS LEXOVIO au revers117. Ces liens et cette proximité pourraient donc se traduire par une pratique identique chez les deux peuples, celle de faire figurer sur les monnaies des titres avec le nom de leur détenteur. Il se pourrait alors que brano désigne une charge et Eppudunos celui qui l’aura tenue. Mais on est alors étonné qu’il n’y ait pas d’autres fonctions connues et que brano n’apparaisse que sur deux séries associées à Eppudunos. Peut-être est-ce une éphémère charge d’exception ? Ou bien seulement un anthroponyme de plus ? Seules de nouvelles découvertes permettront de trancher.
Les légendes gauloises à filiation
38Parmi les monnaies des personnages évoqués plus haut, quelques-unes concernant trois hommes présentent l’originalité de porter des légendes faisant état d’une filiation118 (tableau D). Cette pratique, due à l’influence de modèles romains, ne connaît pas de précédent à l’époque de l’Indépendance. Nous sommes donc en droit de nous questionner sur les motivations d’une telle innovation.
N° | Références | Attribution | Légende |
- | LT, XII 4353 = TPS 4353 | Arvernes ? | D : SIIX. F |
- | LT, XXVI 10383 | Inconnu | D : PENILLI F |
1 | LT, XVI 5405-5411 = RIG, IV, 228 = DT 3245 | Séquanes | D : Q.DOCI |
2 | LT, 4800, 4805 = RIG, IV, 57 = DT 3226-3228 (fig. 25) | Éduens | D : ATPILI. F |
3 | DT 2437, 2438, S 2437 A (fig. 27) | Aulerques | D : VICICNOS / |
Tableau D : Légendes monétaires gauloises faisant état d’une filiation
39Le premier des trois cas finalement retenus (n° 1) se rapporte à un chef séquane dont la dénomination, Q. Doci (?), apparaît sur trois potins et quatre monnaies d’argent, parmi lesquelles deux exhibent une légende avec filiation. Bien qu’il manque un élément onomastique pour former des tria nomina, le prénom, la filiation à la manière romaine ainsi que l’usage du F et du Q, lettres inconnues en gaulois119, nous assurent qu’il s’agit bien d’une dénomination romaine. Il manque donc le gentilice ou le cognomen, ce qui, tout en étant assez déroutant, n’est pas sans parallèle dans la numismatique gauloise120. La légende du droit doit être développée en latin sous la forme Q(uintus) Doci (?). Au revers, le F pour f (ilius) signale, à la manière romaine, une filiation : Sam (---i) f (ilius). Le second cas (n° 2) est celui de légendes à filiation éduennes gravées sur trois quinaires identiques, à quelques variations iconographiques mineures près121. Ces deniers portent ATPILI. F au droit et ORCETIRIX/ORCITIRIX au revers (fig. 25). Le F, non utilisé en gaulois, et le S d’un bronze abrégeant la mention romaine semissos122 datent cette monnaie de l’après-conquête. Ce droit, développé en At(e)pili f(ilius)123, présente lui aussi une filiation à la manière romaine. Pour finir, le monnayage éburovice (n° 3) livre six bronzes frappés au nom d’Eppudunos, dont quatre portent une légende à filiation, avec deux variantes linguistiques (fig. 26). Dans un premier cas, elle prend une forme identique à celle déjà vue : VICI.F EPPVDN soit Vici f(ilius) Eppud(u)n(us)124. Dans le second, la légende VICICNOS EPPVDVN(OS)125 est entièrement gauloise. Vicicnos, formation patronymique classique en gaulois, construite grâce au suffixe –icnos126, est l’exact décalque du latin Vici f(ilius), et signifie donc « fils de Vicos ». Cette filiation en langue gauloise est, à ce jour, la seule des légendes monétaires.
40Sam(?), Atepilos et Vicos étaient approximativement de la génération de Celtillos, le père de Vercingétorix, et d’Epotsorovidios, ancêtre des Santons C. Iulius Rufus et C. Iulius Victor. Le fait que leurs fils aient jugé bon de mettre en avant leurs noms et de se réclamer de leur héritage, militaire, politique ou social, montre que cette mention devait faire sens pour celui qui l’avait inscrite comme pour ceux qui la liraient. Dans ces trois cas, la mise en avant des pères ne peut avoir été faite que pour en tirer un avantage politique. Le fait que les légendes soient écrites en latin montre que les émetteurs tenaient à être compris des Romains. C’est particulièrement évident pour les Éduens qui accueillaient des troupes romaines à Bibracte. Ces Éduens, comme les Séquanes, avaient tissé depuis le iie siècle av. n. è. des contacts fructueux avec Rome, et il était opportun de le rappeler. Il est donc clair qu’Atepilos et Sam(?) devaient être des partisans de l’alliance avec Rome, et des personnages importants. Les Gaulois faisaient également partie du public auquel ces légendes étaient destinées. Certes, elles étaient pour la plupart écrites en latin, mais elles devaient tout de même leur être compréhensibles. Il est, à cet égard, intéressant de noter que, chez les Aulerques Éburovices qui n’eurent pas de contact avec Rome avant la conquête, on trouve cette légende en gaulois ce qui montre que, plus qu’ailleurs, Eppudunos visait en priorité ses compatriotes. Ces trois ancêtres, Sam(?), Atepilos et Vicos eurent donc certainement en leur temps des responsabilités politiques telles qu’il était intéressant de rappeler cette ascendance prestigieuse. Peut-être Sam(?) succéda-t-il à Catamantaloédis sur le trône séquane, puisque son fils ne le fit pas. Vicos et Atepilos, eux, durent avoir un rang important, celui que leur régime leur offrait. Atepilos fut certainement vergobret ou chef militaire. Peut-être même les Éduens eurent-il le principatus totius Galliae quand ce dernier fut au pouvoir.
Des dirigeants gaulois sous la coupe romaine
41L’examen des monnaies gauloises épigraphes, en plus des renseignements institutionnels et autres exposés ci-dessus, permet de mettre en évidence un phénomène bien visible et commun à de nombreux peuples : la prédominance, depuis la fin de la conquête et durant la période préaugustéenne, de frappes attribuables à un unique personnage. Le tableau E montre que les peuples concernés sont nombreux. Certes, par les stocks monétaires très variables d’un peuple à l’autre, certains cas paraissent plus probants que d’autres. Néanmoins, le phénomène est aisément lisible. On peut ajouter que les émissions des hommes parvenus en première position dans le décompte ont été aussi très majoritairement retrouvées en plus grande quantité que les autres. Si quelques-uns des éléments mis en évidence dans les pages qui suivent établissent clairement que certains de ces monnayages sont des monnayages civiques, ainsi ceux des Lexoviens, des Éburovices et des Véliocasses, auxquels on peut ajouter celui des Rèmes au moins127, peut-être celui des Éduens, la chose est plus incertaine pour les autres émissions. En effet, il semble qu’il faille, dans la majeure partie des cas, cesser d’attribuer la responsabilité de ces frappes à des peuples, tant la répartition des monnaies ainsi que d’autres éléments, cadrent mal avec cette idée. On les attribue maintenant plus volontiers à des aristocrates qui, sur leurs moyens personnels, faisaient frapper monnaie128. Mais, si ces émissions ont bien été réalisées à titre privé, cela n’induit pas que les émetteurs n’aient pas, à un moment ou un autre, assumé des responsabilités publiques, a fortiori au moment des frappes. Le fait de frapper monnaie de manière abondante montre que ces aristocrates étaient, au sein de leur peuple, les plus éminents, riches, puissants, ainsi que les plus engagés dans une recherche de pouvoir et d’influence. Cela fait donc d’eux de parfaits candidats au pouvoir suprême, d’autant plus si des éléments épigraphiques, iconographiques, et statistiques en rapport avec ces monnaies appuient cette hypothèse. En effet nous verrons que beaucoup de ces monnaies examinées ici, par leur légende ou leur iconographie, montrent qu’elles ont été frappées par des hommes disposant d’un pouvoir institutionnel.
Peuple | Nom | 2e nom | Autres noms |
Éduens | Orgetirix131 9/29 (122) | Dubnoreix 7/29 (370) | Litaviccos 4 (72) ; Dubnocov 4 (90) ; Anorbos 3 (175) ; Viipotal |
Rèmes | Atesios 7/14 (538) | Caledu 3/14 (98) | Cupinacios 2 (17) ; Senodon 2 (37) ; Kraccus 1 (1) ; Esugnat 1 (1) ; Vocarant 1 (49) ; Lucotios 1 (65) |
Carnutes | Pixtilos (?) 10/27 (333) | Catal 4/27 (46) | Tascobienos 3 (2) ; Titius 2 (10) ; |
Arvernes | Epadnactos 6/37 (278) | Cas 4/37 (30) | Atavi[?]nis 3 (22) ; Donnadu 3 (17) ; Adcanaunos 3 (56) ; Siinoniis |
Meldes | Roueca 23/25 (294) | Epienos 1 (142) ; Roud 1 (?) | |
Nerviens | ver (ti) cio 3 (104) | Viros 4/10 (122) | Mie 2 (?) |
Suessions | Criciru 11/17 (192) | Δειουιγιιαγοκ | Di[?]o : 1 (?) |
Trévires | Arda / Αρδα 10/11 (818) | Pottina 1/11 (157) | - |
Ambiens | Vericius 4/10 (279) | Voronantos 3/10 (1) | Nirei Mutinos 2 (8) ; Epilus 2 (1) ; |
Aulerques | Eppudunos 7/18 (6) | Tur[?]atiius 2 (2) ; Duniccos | |
Lexoviens | Cisiambos 7/12 (43) | Magupennos / | Cattos 3 (25) |
Pictons | Viretios 5/7 (74) | Durat (ios) Iulios 1 (40) ; Sactios | |
Séquanes | Togirix 7/17 (859) | Doci 6/17 (664) | Turonos 2 (139) ; Cantorix |
Véliocasses | Suticcos 7/19 (6) | Ducomaro 2 (?) ; Stratos 2 (6) ; | |
Turons132 | - | - | Atepilos 2 (46) ; Toutobocio 2 (46) ; Drucca 2 (13) ; Agvssros 2 (15) ; Triccos 1 (54) ; Exobnos 1 (10) ; Artos 1 (12) ; Acvtios 1 (?) ; |
Tableau E : Répartition par peuple et anthroponyme
des monnaies épigraphes
42Le nom de l’Éduen Orgetirix – en différentes variantes – se trouve sur neuf monnaies. Seul Dumnorix, qui était un des tout premiers parmi les Éduens et avait obtenu les plus grandes responsabilités, politiques comme vergobret en 60 ou 61 av. n. è., militaires comme chef de la cavalerie éduenne en 58 et 54 av. n. è. et, peut-être auparavant, de toutes les forces éduennes, peut lui être comparé avec sept émissions. Mais il périt en 54 av. n. è. tandis que la série d’Orgetirix date de la période suivant immédiatement la conquête133. Plusieurs droits des monnaies de ce dernier ont une iconographie évoquant directement le pouvoir avec un buste portant le torque134 qui est, par trois fois, associé à la mention de l’ethnique EDVIS135. On ne peut douter que cet Orgetirix fût lui-même un personnage majeur, comparable à Dumnorix et qu’il assuma les plus hautes responsabilités entre 52 et 36 av. n. è. dans un cadre institutionnel en théorie sauvegardé par le statut de fédérés. Les monnaies à filiation qu’il émit montrent combien il fut soucieux de se placer dans une continuité, familiale évidemment, mais sans doute aussi d’exercice du pouvoir et de ralliement à Rome.
43Chez les Rèmes une série de monnaies, dont beaucoup reviennent à un seul individu, Atesios, montrent des éléments directement reliés au pouvoir :
RIG, IV, 54 = DT I, 640, 641 (fig. 27) : deniers d’argent, attribuables probablement aux Rèmes ; au droit un buste orné d’un torque et la légende ATEVLA que nous développons Ate (sios) vla (tos) ; au revers un taureau mâtiné de cheval flanqué d’un motif en S, et la légende VLATOS. Les pièces proviennent de cinq trésors datés entre 45 et 31 av. n. è.136 ;
RIG, IV, 130 = DT I, 646, 647 (fig. 28) : denier d’argent probablement rème – mais sans certitude ; au droit un buste orné d’un torque et la légende CVPINACIOS ; au revers un cheval et la légende VLATOS ; provient de la même trouvaille que RIG, IV, 54 et doit être daté à l’identique ;
RIG, IV, 56 = DT I, 594-596 (fig. 29) : denier d’argent dont le centre émetteur est probablement l’oppidum rème de Château-Porcien137 ; au droit un buste orné d’un torque et la légende ATISIOS REMOS ; au revers un lion avec un motif en S ; daté de 40-30 av. n. è. ;
RIG, IV, 53 = DT I, 597 (fig. 30) : bronze ; au droit un buste orné d’un torque ; au revers un bœuf avec un motif en S et la légende ATESOS. La pièce est attribuée aux Rèmes par ses ressemblances avec RIG, IV, 56 ou 54 et son lieu de trouvaille (Reims). Effectivement, le revers est identique à celui de RIG, IV, 54, inversé, et si le personnage du droit diffère de celui des autres monnaies citées ici, on retrouve les singuliers pectoraux saillants ;
DT ajoute RIG, IV, 170 = DT I, 599 (fig. 31) ; au droit un bucrane et la légende ATIOS que les auteurs proposent de développer en ATI(si) OS ; au revers une tête janiforme rappelant des bronzes rèmes et l’anthroponyme IISVCNAT (Esugnat (os).
44Le flottement orthographique des inscriptions gauloises permet d’identifier ATISIOS et ATESOS (= Ates (i) os) présents sur ces monnaies parfaitement synchrones. Les convergences iconographiques entre ces monnaies sont d’ailleurs nettes. Tous les droits, excepté celui de RIG, IV, 170, portent un buste orné du torque, insigne de pouvoir, tandis que les revers montrent tous un animal qui, trois fois sur quatre, est flanqué d’un S inversé ou couché. Cet Atesios, après Vertiscos en 51 av. n. è., détint donc le pouvoir supérieur chez les Rèmes entre 45 et 30 av. n. è. Le statut de fédérés garantissant à ce peuple de conserver leurs institutions, ce ulatos conserva des pouvoirs civils et militaires, d’autant plus que César comptait sur les Gaulois pour l’aider à maintenir l’ordre en Gaule.
45L’ensemble au nom du Melde Roveca, daté de l’immédiat après-conquête, comprend trois statères d’or, six quinaires d’argent et quatorze bronzes138. Un de ces bronzes (RIG, IV, 239) porte au droit un buste de Vénus tiré d’un denier de la gens Concidia daté de 49 av. n. è. Autre signe d’une date précoce, le nom est écrit neuf fois en caractères grecs (POOYIKA), dont sept fois aux côtés du même nom en caractères latins139. Sept monnaies, d’argent ou de bronze, ont au droit un buste portant un torque140, et le motif aux trois cercles apparaît sur huit bronzes141. L’une de ces monnaies, un bronze, mentionne ARCANTODAN (RIG, IV, 240 = DT I, 574-575), soit le titre argantodannos connu par d’autres monnaies. L’ensemble de ces données suggère qu’il fut également à la tête des Meldes durant les années qui suivirent la conquête142.
46Chez les Nerviens Q. Cicéron, assiégé en 54 av. n. è., recouru pour joindre César aux services d’un ressortissant de ce peuple :
Il y avait dans le camp un Nervien, du nom de Vertico, homme de bonne naissance (loco natus honesto), qui dès le début du siège avait passé à Cicéron et lui avait juré fidélité (fidem). Il décide un Gaulois, son esclave, en lui promettant la liberté et de grandes récompenses, à porter une lettre à César (BG, V, 45, 2-3).
47Les termes loco natus honesto montrent que, sans appartenir à une grande et ancienne famille, ce Nervien appartenait aux couches privilégiées. Dans la clientèle de Cicéron, alors que l’offensive était le fait de son peuple, c’était un proromain convaincu. Son aide fut capitale dans la survie des Romains et la défaite des Nerviens : par ses conseils qui, sans doute, convainquirent Cicéron de ne pas croire les chefs nerviens, et par l’envoi de son esclave gaulois pour avertir César de la situation. César ne dit plus rien sur l’homme, mais plusieurs bronzes pourraient s’y rapporter. Deux potins, datés de la conquête et de la période préaugustéenne143 portent le nom VARTICE/VARTICEO144 qui présente d’évidentes similitudes avec Vertico, et il est fort probable qu’il s’agisse du même homme. Puis, trois bronzes portent le nom VERCIO145, que l’on peut développer en VER(ti) CIO, d’autant mieux que les faces sur lesquelles se trouvent les légendes sont très chargées et que les lettres peinent à s’y faire de la place (fig. 32), ce qui justifie que le graveur ait escamoté quelques lettres. Ces monnaies nous informeraient des conséquences du geste de Vertico. César n’aura pu manquer de le récompenser, ni de voir l’avantage qu’il avait à lui donner un poste de pouvoir chez les Nerviens. Quand cela se fit-il ? Les Nerviens, présents dans l’armée de secours de 52 av. n. è., rentrèrent tard dans le rang. Vertico aurait donc été promu au mieux cette année-là, et sans doute dès ce moment. Un certain VIROS est, lui, connu par quatre monnaies146 dont trois en or, à mettre en face des bronzes de Vertico, ce qui le placerait plus sûrement dans la course pour le pouvoir suprême chez les Nerviens.
48Le monnayage épigraphe des Suessions consiste pour cette période en deux séries attribuables à deux hommes, Criciru147 et Diviciacos, avec une domination nette du premier. Le nom de Diviciacos est écrit en caractères grecs sur quatre bronzes148, en caractères latins sur un autre149. DT fait de ces monnaies, contrairement à RIG, IV, un ensemble attribuable au même peuple et au même homme. RIG, IV ne refuse pas définitivement l’attribution au roi suession Diviciacos, tandis que DT date ces monnaies de la conquête et de la période préaugustéenne, ce qui écarte cette éventualité. On peine à croire que des monnaies suessionnes portant ce nom n’aient pas rapport avec cet homme si puissant et si proche chronologiquement. On peut l’expliquer en acceptant l’idée probable de liens familiaux entre Galba et Diviciacos. Ce pourraient être des monnaies frappées par Galba, portant le nom de ce père supposé pour rappeler et célébrer sa puissance familiale alors qu’elle semblait en danger. Les peuples belges s’inspiraient souvent de monnaies existantes, et L.-P. Delestrée écrit que « les Belges s’inspiraient même d’exemplaires anciens de leur propre monnayage pour les réinterpréter à une date plus tardive150 ». La reprise de l’iconographie éburovice (fig. 33) pourrait être un rappel du temps où, d’après César, Diviciacos était « le plus puissant chef de la Gaule entière, qui, outre une grande partie de ces régions, avait aussi dominé la Bretagne » (BG, II, 4, 7). Ce Diviciacos peut aussi être le fils de Galba, ainsi nommé en l’honneur de son ancêtre151, parvenu au trône après la défaite de 57 av. n. è. qui aura poussé son père – chef de cette coalition belge – vers la sortie après intervention romaine. L’utilisation de l’iconographie éburovice aurait alors le même but que celui qui vient d’être évoqué. Quoi qu’il en soit, le monnayage de Diviciacos est dépassé en quantité et en qualité par celui de Criciru qui compte cinq statères, dont quatre d’or et un de bronze, deux deniers d’argent et cinq bronzes152 (fig. 34a-g). Les deniers ont au droit un buste portant un torque, et le motif aux trois points est au premier plan sur le droit des statères. Criciru fut donc au pouvoir chez les Suessions153 durant la période préaugustéenne. Ses monnaies tendent à nous faire croire qu’il cumulait les pouvoirs civils et militaires, mais cela reste une hypothèse.
49Les monnaies épigraphes des Trévires ne livrent que deux noms : ARDA ou ΑΡΔΑ par une série de dix monnaies, et POTTINA par une seule154. ARDA peut être un titre, ce qui expliquerait sa récurrence, ou bien un anthroponyme. Ses dix émissions présentent une grande hétérogénéité stylistique :
RIG, IV, 36 = DT I, 601 (fig. 35) ; statère « à l’œil », très proche de celui de POTTINA (fig. 36), mais aussi de ceux de VOCARANT, et LVCOTIOS donnés aux Rèmes (fig. 37). La légende est, chose rare, en grec. Ce type de statère date essentiellement de La Tène D2a, entre 80 av. n. è. et la fin de l’Indépendance ; il semble qu’il faille placer celui-ci sur la fin de la période155 ;
RIG, IV, 38 = DT I, 603 (denier) ; RIG, IV, 40 = DT I, 606 (bronze) ; RIG, IV, 41 = DT 611 (bronze) ; RIG, IV, 42 = DT I, 609-610 (bronze) (fig. 38a-
c). Ces monnaies seules portent ARDA sur les deux faces. Leur style graphique est encore très empreint de manières gauloises : profils peu réalistes voire un peu difformes, chevaux qui, trois fois sur quatre (RIG, IV, 40 fait exception), répondent aux canons de stylisation des monnaies gauloises. Ces pièces – excepté RIG, IV, 38 non datée – sont de l’après-conquête, RIG, IV, 40 étant, selon RIG, IV, de 49 av. n. è.156 ;RIG, IV, 37 = DT I, 605 (denier) ; RIG, IV, 39 = DT I, 607, 608 (bronzes) ; RIG, IV, 43 = DT I, 611A. Copies de monnaies romaines dont le style n’a rien de gaulois. Le denier reprend une pièce du roi numide Juba Ier157, ce qui le place en 48 av. n. è. au plus tôt, après 46-45 d’après Loscheider158. Le modèle de RIG, IV, 39 est un denier de M. Terentius Varro de 49 av. n. è. Le style de ces monnaies les place assez loin dans l’après-conquête, « basse époque » précise RIG, IV, 39159 qui, pourtant, présente l’archaïsme d’une légende en lettres grecques. Pour finir, le bronze RIG, IV, 43 a pour modèle une émission de 42 av. n. è. du césaricide Cassius160.
50La première possibilité est qu’ARDA soit un nom commun, une magistrature, la plus élevée sans doute car la seule inscrite, et les monnaies concerneraient alors plusieurs personnages. Inconnue avant la conquête, la pratique d’inscrire des titres sur les monnaies apparaît dans les années suivantes. Cela conviendrait au sens d’ARDA puisqu’en gaulois arduo- signifie « haut », d’où le théonyme Arduunos, « l’Eminente161 », et que les Trévires étaient dirigés par un magistrat unique à l’époque de la conquête. Cependant plusieurs objections s’y opposent. La première étant de citer la magistrature mais jamais le détenteur alors que les deux côtés de la pièce sont épigraphes – ARDA y est répété sur RIG, IV, 38, 40-43. Puis, sur les émissions contemporaines de POTTINA et ARDA, les noms sont au même emplacement (fig. 35 et 36), ce qui tendrait à leur donner le même statut grammatical, bien plus probablement des anthroponymes que des noms de fonctions. De plus, cette dernière émission date de l’Indépendance, époque pour laquelle un titre est très improbable.
51Il faut donc admettre qu’Arda est un homme. Le grand écart stylistique de ses monnaies et leurs datations montrent qu’elles ne peuvent être toutes strictement contemporaines. On peut estimer, assez grossièrement il est vrai, qu’elles furent émises sur une dizaine d’années au moins, probablement bien plus. Cet Arda aura pu diriger les Trévires durant la conquête (RIG, IV, 36), peut-être lorsqu’ils agirent aux côtés des Romains et obtinrent leur titre d’« amis », soit entre 58 et 54 av. n. è., année où Indutiomaros est en charge. Il aura pu être remis au pouvoir en 51 av. n. è., comme le proposent J. Metzler et C. Gaeng, et y demeurer longtemps, jusqu’à son opposition à César qui lui aura été fatale. Les émissions copiées de pièces romaines s’inspirent en effet de monnaies pompéiennes, puis césaricides, émises durant les guerres civiles. Ainsi, R. Loscheider, J. Metzler et C. Gaeng, et B. Woytek, dont les positions ont été récemment rappelées par S. Martin162, font de cet Arda un chef trévire ayant opté pour l’opposition à César pendant cette période mouvementée, durant les guerres civiles césariennes pour les premiers, après la mort de César pour le dernier. La politique césarienne de clémence, y compris à l’égard de chefs gaulois, expliquerait que cet Arda ait pu survivre à la conquête et de nouveau tenter sa chance devant le cours des événements qui lui parurent favorables. Il est possible, ainsi que le propose R. Loscheider, qu’il ait fait partie des Gaulois ayant servi en Afrique, d’abord du côté de Labiénus puis du côté césarien. Revenu en Gaule, il aura pu prendre le pouvoir en 45-46 et émettre des monnaies inspirées de celles de Juba Ier, pour rappeler son service en Afrique ou bien pour manifester un positionnement politique. La mort de César proche de cette date lui aura permis alors d’échapper aux représailles et de renforcer son positionnement anticésarien en 42. Les détails sont difficiles à cerner, mais on peut être sûr de l’issue de son « aventure » et du fait que les Trévires finirent par rentrer dans le rang.
52La plupart des monnaies épigraphes des Aulerques Éburovices sont placées par DT à cheval sur la fin de la conquête et la période préaugustéenne. Ainsi la terminaison latine sur la monnaie de TVR[?]ATIIVS163 la place après la conquête. Plus intéressante est la monnaie avec le nom latinisé Tatinius au droit et, au revers, en gaulois, G(aios) Iulios Anadgouomag (os). Mais, sur onze hommes ayant frappé monnaie164, c’est le monnayage d’Eppudunos qui prédomine avec six types différents dont l’iconographie est très homogène. Cinq d’entre eux ont un revers qui présente, avec de légères variantes, un cheval sans cavalier. Les droits de ces cinq monnaies montrent un buste portant un torque, tandis que la sixième (DT II, 2439) a au droit une sorte de licorne avec l’enseigne-sanglier, emblème des Éburovices. Par ailleurs, tout comme Orgetirix chez les Éduens et Doci (?) chez les Séquanes, il mit en avant sa filiation dans une démarche sans doute de justification de son pouvoir. Il est possible cependant qu’il ait dû compter avec Pixtillos, dont l’origine est incertaine.
53Ce dernier est connu par dix monnaies165 dont la distribution ne permet pas de fixer une origine sûre, mais qui semble être Carnute166. DT classe cependant ces monnaies dans un large ensemble qualifié de « péri-aulerques167 ». Un des dix revers présente effectivement un cheval au-dessus d’une enseigne sanglier, motif très fréquent chez les Éburovices168, comme une autre monnaie qui, de fait, est associée à la série de PIXTILOS, celle de TITIVS169. Ce recoupement inciterait à faire de Pixtillos un Aulerque Éburovice mais, des neuf autres monnaies, aucune ne montre de sanglier, un motif omniprésent sur les monnaies éburovices. Ce monnayage, dont l’iconographie est très inspirée de prototypes romains des années 40 av. n. è.170, peut être placé entre 40 et 20-10 av. n. è.171, tout comme les émissions de TITIVS. L’iconographie des droits est, à sept reprises sur les dix émissions, directement inspirée des monnaies romaines, mais une des trois restantes qui montrent une iconographie propre porte un buste masculin casqué et orné d’un torque. Pixtillos fut donc peut-être au pouvoir chez les Carnutes à cette date mais, si on le considère Éburovice, on peut proposer la reconstitution suivante : Eppudunos aurait exercé le pouvoir le premier, en raison du caractère fortement gaulois de l’iconographie de ses revers, Titius aurait suivi, brièvement, émettant des monnaies dans la lignée de celles de son prédécesseur, tandis que Pixtilos, plus tard au pouvoir, se maintint. Ses premières émissions pourraient être celles qui, dans la continuité d’Eppudunos et de Titius, ont une iconographie éburovice typique, puis il sera passé à des motifs romains à un moment où l’on a d’autres exemples dans la région – Trévires, Bellovaques.
54Une exceptionnelle série de monnaies épigraphes des Lexoviens, centrée autour des anthroponymes Magupennos et Cisiambos, datée de l’immédiat après-conquête et de la période préaugustéenne, présente un caractère romain très poussé pour l’époque :
RIG, IV, 153 = DT II, 2489, 2490 (fig. 39), bronze, EΓΘA LIXOVIO au droit, MAGVPE au revers ;
DT, II, 2493, petit bronze, MAV[PE au droit ;
RIG, IV, 107 = DT II, 2491, 2492 (fig. 40), bronze, CISIAMBOS au droit ;
RIG, IV, 108 = DT II, 2485 (fig. 41), bronze, CISIAMBOS au droit, ARCANTODA au revers ;
RIG, IV, 109 = DT II, 2483, 2484 (fig. 42), bronze, CISIAMBOS au droit, PVBLICA SEMISSOS LEXOVIO au revers ;
RIG, IV, 195 = DT II, 2488 (fig. 43), bronze, LIXOVIATIS au droit, [LIX]OVIATI au revers ;
RIG, IV, 226 = DT II, 2481, 2482 (fig. 44), bronze, PVBLICOS. LIXOVIOS. SIMISSOS au droit, CISIAMBOS. CATTOS. VERCOBRETO au revers ;
RIG, IV, 262 = DT II, 2487 (fig. 45), bronze, SIMI[SSOS. P]VBLICOS. GAL. au droit, ARCANTODAN MAVPENNOS au revers ;
RIG, IV, 263 = DT II, 2486 (fig. 46), bronze, SIMISSOS. PVBLICOS. LIXOVIO au droit, ARCANTODA. MAVPENOS au revers.
55Nous y ajoutons une monnaie de Bois-l’Abbé :
- RIG, IV, 31, = DT I, 686 (fig. 47), bronze, ANTII au droit, MAVP au revers. Trouvée sur ce sanctuaire ambien, elle pourrait être une émission lexovienne de Magupennos172. Ambiens et Lexoviens sont frontaliers, et cet unicum se trouvait avec des pièces produites sur place et d’autres exogènes, dont les monnaies lexoviennes citées ci-dessus (RIG, IV, 107, 195, 226)173. Par ailleurs, elle a un droit presque identique à celui de RIG, IV, 107. Au revers, un mystérieux quadrupède est, pour l’exécution, dans la veine celtique, comme un bon nombre des monnaies lexoviennes. Pour finir, le nom MAVP (Ma (g) up (ennos) n’apparaît que sur les monnaies lexoviennes.
56Comme le remarquait J.-B. Colbert de Beaulieu174, on peut sans doute différencier l’époque d’émission de ces monnaies par leur iconographie. Celle des petits bronzes (RIG, IV, 107, 153, 195 ; DT II, 2493) a des manières héritées de l’Indépendance, tandis que les bronzes lourds (RIG, IV, 108, 109, 195, 226, 262, 263) sont inspirés de manières romaines. On ne peut en déduire avec certitude que les premiers dateraient de l’Indépendance. Les seconds sont en revanche de l’après-conquête. Ces monnaies, à la forte influence romaine, sont considérées comme émises entre 50 et 25 av. n. è. mais on peut, avec Colbert de Beaulieu, placer les premières avant les secondes. On pourrait être tenté de repousser un peu la date de ces monnaies, la deuxième série surtout, tant elles détonnent par rapport aux émissions de cette époque, mais les traits linguistiques l’en empêchent. En effet, les monnaies aux mentions les plus typiquement romaines (RIG, IV, 109, 226, 262, 263) ont des termes latins gallicisés (semis, publicus inscrits avec une terminaison nominative en -os des thèmes en - o- gaulois175), processus très rare, observé pour des tria nomina juliens uniquement176. Ce trait marque donc ces émissions comme précoces. En outre, les deux groupes de monnaies montrent les noms de Cisambos et Magupennos, ce qui garantit leur proximité chronologique. Ces monnaies montrent donc des dirigeants lexoviens qui se mirent à l’heure romaine avec une rapidité étonnante. L’emploi du gaulois – noms des magistratures et termes latins gallicisés – oblige cependant à relativiser cette conclusion.
57Il en ressort qu’il existait chez les Lexoviens, vers 30-20 av. n. è.177, la charge de vergobret, tenue par Cattos ou Cisiambos, tandis que ce dernier et Magupennos178 tinrent la charge d’argantodannos peu après la conquête. Ce cursus lexovien, si l’on accepte de leur attribuer RIG, IV, 31, comprenait peut-être une troisième charge, l’ante[. Doit-on déduire des monnaies plus anciennes aux noms de Cattos, Cisiambos et Magupennos, qu’ils eurent, avant ces magistratures, des responsabilités de nature ? On imagine mal qu’ils aient été vergobrets avant d’obtenir une charge moins prestigieuse, mais n’est-ce pas un raisonnement trop « romain » ? On a vu qu’en 58 av. n. è., Dumnorix était chef de la cavalerie éduenne après avoir eu des responsabilités bien supérieures. Quant à la pérennité des institutions lexoviennes, on ne peut être sûr que les institutions observables sur ces monnaies prolongent celles de l’Indépendance, même si cela est très probable. Les Romains pourraient les avoir modifiées d’après le modèle éduen. Par ailleurs, sur le plan du personnel dirigeant, on ne dispose que de trois noms dont deux revenant trois fois, ce qui paraît peu, d’autant plus que les occurrences de Cisiambos et Magupennos pourraient s’étaler sur plusieurs années. Cela suggère qu’il y eut peu de renouvellement des dirigeants, du moins dans les deux ou trois décennies suivant la conquête.
58Les événements de 51 av. n. è. permirent au Picton Duratios de prouver sa fidélité à Rome, et de s’illustrer dans Lemonum (Poitiers) assailli par Dumnacos. Il fut aussitôt récompensé par la citoyenneté romaine et sans doute la direction des Pictons, ou plus probablement celle-ci lui fut-elle confirmée179. Cependant, seules deux émissions portent son nom, tandis que quatre, sans doute cinq, montrent celui de VIRETIOS180. Les monnaies – d’argent – de Duratios ont au revers un cheval galopant avec, au-dessus de lui, un édifice avec fronton et trois colonnes, un temple sans doute méditerranéen181, éléments également présents sur les monnaies de Viretios comme sur l’unique émission de Sactios182. L’unique frappe exécutée par Duratios laisse penser que, s’il obtint le pouvoir, il n’eut pas le temps de profiter durablement de son ralliement durant la conquête. Viretios peut-être, tint le pouvoir juste après lui.
59Chez les Séquanes prédominent très largement les noms de Togirix et Doci (?)183. Leurs monnaies ont été trouvées en très grande quantité, dont une part notable sur des sites au profil militaire, d’où l’on a déduit qu’elles servaient à payer des troupes. Cela expliquerait que certaines ne soient que de mauvaises copies à l’iconographie de plus en plus simple et dégradée et dont les légendes originelles sont parfois déformées184. Doci (?) apparaît sur deux potins et quatre monnaies d’argent, dont trois ont la légende Q.DOCI/SAM F, la dernière étant une dégénérescence du modèle des trois autres185. Quant à la dénomination, nous avons vu que le prénom, la filiation à la manière romaine et la lettre F, inconnue en gaulois186, assurent qu’il s’agit de tria nomina bien qu’il en manque un élément. Doci (?) n’est pas le gentilice, puisque alors ce Gaulois, qui aurait omis son surnom – pourtant son anthroponyme originel –, aurait été promu par un Q. Doc (?) dont on ne voit pas qui il pourrait être, ce gentilice étant inconnu. Q. Doci (?) reçut certainement la citoyenneté à titre viritim par César et devait donc porter le très prestigieux nomen Iulius. Pourtant il ne le mentionne pas, et son praenomen n’est pas celui de César, tout comme pour un autre Séquane, Togirix qui apparaît sur quatre quinaires, un bronze et deux potins. L’un de ces quinaires est frappé au nom de Q.IVLIVS/TOGIRI. Étant donné le parallèle du prénom Quintus, extrêmement rare à ce moment en Gaule où les Gaulois citoyens romains sont quasiment tous des Caii Iulii, nous avons proposé que les deux hommes aient obtenu la citoyenneté simultanément et de la même manière, et que Quintus, non attesté dans la gens Iulia, ait été choisi par les deux hommes en hommage à Q. Tullius Cicero qui les aura recommandés auprès de César et leur aura permis d’obtenir la citoyenneté romaine187 dès avant Alésia et sans doute assez tôt après son arrivée188. En effet les deniers de Q DOCI/SAM F apparaissent dès La Tène D2a, soit au plus tard entre 60 et 50 av. n. è.189 et on dispose de monnaies de Togirix trouvées à Alésia qui montrent qu’il avait déjà choisi son camp. Que les tria nomina de Togirix manquent sur les monnaies d’Alésia ne prouve pas qu’il n’avait pas encore la citoyenneté romaine190, puisque les Gaulois citoyens romains ne la mettaient pas toujours en avant, chose étonnante mais connue même aux premières décennies du ier siècle ap. n. è.191. On peut donc penser que Q. Iulius Doci (?) se rallia rapidement à Rome et parvint au pouvoir, avant Alésia peut-être. Mais il dut dans ce cas connaître une éclipse temporaire puisque les Séquanes participent à l’armée de secours en 52. Tout comme l’Éduen Orgetirix un peu plus tard, il émit des monnaies à filiation mettant en avant un père qui, sans doute lui aussi, avait été favorable à Rome une cinquantaine d’années plut tôt. On peut penser qu’il retrouva sa position après Alésia, mais il est probable qu’il restât moins longtemps au pouvoir que Togirix. En effet plusieurs des monnaies de Doci (?) datent probablement d’après sa mort comme le suggère la dégénérescence des légendes et de l’iconographie. Les potins présentent des cacographies multiples192 et un des deniers – RIG, IV, 185 = DT III, 3247 – présente sur son droit IMIOCI pour Q.DOCI. Que cette perte de sens n’ait gêné personne implique que ces monnaies furent réalisées alors que Doci (?) n’était plus là pour les voir et les corriger. Reste à déterminer si Q. Iulius Togirix et Q. Iulius Doci (?) furent au pouvoir en même temps, ce que les événements de 43 av. n. è. nous permettent de savoir. D. Brutus, qui fuit alors la Gaule et passe par le territoire séquane, est capturé :
Ayant été capturé et attaché par des brigands, il [D. Brutus] demanda qui était le chef (δυνάστου) de ce peuple gaulois. Apprenant qu’il s’agissait de Camilos, pour qui il avait fait beaucoup de bien par le passé, il demanda à être conduit à lui. Quand ce dernier vit le prisonnier il lui montra publiquement de l’amitié, et il blâma ceux qui l’avaient attaché et qui, par ignorance, avaient outragé un si grand homme, mais en secret il envoya un message à Antoine. Antoine fut ému de ce changement de fortune, et n’eut pas le courage de le voir, mais il ordonna à Camilos de le tuer et de lui envoyer sa tête (Appien, BC, III, 98, trad. Cougny 1881-1886, modifiée).
60Appien n’est pas le seul à avoir écrit sur cet épisode. Velleius Paterculus qualifie le Gaulois de nobilis uiri, nomine Cameli (II, 64, 1), Tite-Live le nomme par erreur Capénus (Per., 120), Orose (VI, 18, 7), lui, n’apprend rien. Ce Camilos – forme gauloise de son nom –, dont certains avancent qu’il eut une prestigieuse descendance dans la cité helvète193, était donc de la plus haute noblesse et, d’après Appien qui emploie les termes de δυνάστης τὸ ἔθνος, il dirigeait les Séquanes. Il n’est ici question ni de Togirix ni de Doci (?). Leur pouvoir prit donc fin avant 43 av. n. è., par leur mort ou une autre raison – mauvais calculs politiques en ces temps troublés par exemple. Appien apprend aussi que les Séquanes avaient à leur tête un homme seul, ce que confirment les autres sources qui ne mentionnent aucun autre nom que le sien. Il devait donc en être de même pour Togirix et Doci (?).
61Le monnayage épigraphe des Véliocasses montre une nette domination des monnaies de RATVMAGOS et SVTICCOS194. Chacun apparaît sur sept monnaies de bronze, la plupart du temps seul, mais il en est une avec les deux noms. Ratumagos est seul associé au terme ECΘA195 dont nous avons vu qu’il avait une valeur institutionnelle, tandis qu’une monnaie de Suticcos porte la mention de l’ethnique VELIOCAΘI sur son revers (RIG, IV, 272). On peut donc penser que Suticcos et Ratumagos eurent le pouvoir sur leur peuple vers 40/30 av. n. è.196. Peut-être les Véliocasses, très proches des Lexoviens, avaient-ils le même système institutionnel, avec un vergobret et un argantodan au moins, qui pouvaient associer leurs noms sur une monnaie. Nous pourrions avoir alors un premier vergobret au nom de Suticcos alors que Ratumagos aurait été argantodan, ce dernier devenant vergobret à son tour, tandis que Ducomaros serait alors argantodan. Il est possible que Suticcos et Ratumagos aient formé un collège de magistrats suprêmes, mais les deux autres monnaies véliocasses connues (RIG, IV, 182 ; DT I, 659) ne montrent, comme la plupart des monnaies de Suticcos et Ratumagos, qu’un nom et, pour l’heure, on ne connaît pas de collège en Gaule à la période préaugustéenne.
62À ces cas, on peut en ajouter deux autres qui n’apparaissent pas par le jeu des décomptes de monnaies. Les Bellovaques, clients des Éduens en 57 av. n. è. mais sans être proromains, commandent en 51 une coalition belge défaite par César. Ce peuple était un élément central de la Belgique, par sa valeur militaire et son influence, et César dut s’appliquer à placer à leur tête des hommes de confiance. Parmi eux, C(aius) Iuli (us) Teledhi (us) connu par deux monnaies197 dont le centre émetteur est le sanctuaire de Digeon – Morvillers-Saint-Saturnin (Somme) – ce qui a conduit à en faire des émissions d’un pagus bellovaque198. En raison de leur revers repris d’un denier de César, ces monnaies sont datées par L.-P. Delestrée des environs de 40 av. n. è. Si on admet que ces monnaies livrent le nom d’un homme assumant des responsabilités publiques, on considérera qu’il les assuma à l’échelle du pagus. Il est intéressant de voir que César plaça – ou confirma – des hommes qui lui étaient acquis à différents niveaux territoriaux, et pas seulement à la tête des peuples, et qu’il n’hésita pas à octroyer à des hommes de ce rang la citoyenneté romaine. Cela corroborerait par ailleurs l’hypothèse que les Bellovaques aient eu à leur tête durant l’Indépendance un collège de magistrats représentant les différents pagi. Ce Gaulois, sans doute en liaison avec les guerres civiles, signala son allégeance au camp césarien en prenant pour modèle pour cette monnaie un denier de César199, cela au moment où le Trévire Arda exprimait son ralliement au camp pompéien.
63Les Nitiobroges ensuite avaient, à l’époque de la conquête, un roi, Teutomatos, rallié à Vercingétorix. On pouvait s’attendre à ce que César mît un terme à la monarchie nitiobroge dont on imagine mal qu’elle ait pu perdurer sous la domination romaine. Or, on sait que les Sotiates d’Aquitaine continuèrent à être gouvernés après la conquête par leur roi200 Adiatuanos puisqu’une monnaie, dont la légende est REX ADIETVANVS FF SOTIATIA201, assure par le double F qu’elle date de l’après-conquête202. Adiatuanos s’était pourtant opposé à Publius Crassus et ses légions en 56 av. n. è. (BG, III, 20-22). Il avait sans doute obtenu le pardon de César et, de fait, on n’entend plus parler de lui ni des Sotiates203 dans la suite du Bellum Gallicum. La tombe de Boé (Lot-et-Garonne) en territoire nitiobroge, à quatre kilomètres et demi de leur capitale, l’oppidum d’Agen/LErmitage, suggère qu’Adiatuanos n’était pas une exception. Cette tombe – peut-être un cénotaphe –, du troisième quart du ier siècle av. n. è., soit l’immédiat après-conquête, contenait un mobilier d’une telle richesse204 qu’elle est comptée comme une des plus exceptionnelles de Gaule205, et on estime qu’elle pourrait être royale. Le différentiel avec les autres tombes connues à la même époque établit qu’il ne s’agit pas d’un aristocrate comme les autres : le mobilier montre qu’il s’agit d’un chef de guerre206, d’un organisateur de banquet de premier ordre207 (fig. 55a-b), d’un homme dont le statut social exceptionnel est mis en scène dans la mort comme il devait l’être de son vivant. On y a trouvé un fragment de céramique brûlé où sont incisées les trois lettres TRO[que M. Schönfelder a suggéré de développer en T(eutomatus) R(ex) O(llouiconis) [filius], proposant que cette tombe soit celle de Teutomatos208. Dernièrement, L. Pernet a proposé qu’il s’agisse du successeur de Teutomatos, arguant que ce dernier dut être écarté du pouvoir après 52 av. n. è., et que sa boucle de ceinturon indique une proximité avec l’armée romaine209. Ce serait donc un « auxiliaire » dont le nom pourrait être TRO[- GUS]210. De ces deux solutions, la première a l’avantage de reposer sur des éléments concrets : la pratique césarienne d’utiliser, quitte à les installer, des rois ayant quelques titres à régner211, la clémence de César quand cela lui était utile – le statut d’ami du peuple romain d’Ollovico pouvait ici la justifier –, la richesse exceptionnelle de la tombe qui cadre mieux avec une famille illustre au prestige ancien. Mais le développement proposé par M. Schönfelder paraît difficile à admettre en l’état. César pourrait avoir pardonné aux Nitiobroges leurs agissements en 52 av. n. è. Teutomatos s’était retrouvé aux côtés de Vercingétorix, mais ils furent nombreux dans ce cas. Et les Nitiobroges ne s’illustrèrent pas par une haine farouche contre Rome avant et après cette date. César avait bien pardonné aux Éduens et même aux Arvernes, et on connaît d’autres chefs gaulois s’étant illustrés en 52 av. n. è. qui furent pardonnés, ainsi l’Éduen Eporédorix et le Cadurque Luctérios (CIL, XIII, 2728, 2805 ; ILTG 223). On peut aussi évoquer les paroles de Iulius Classicus en 69 :
préfet d’un corps de cavalerie trévire. Classicus surpassait les autres en noblesse et en fortune ; il était de sang royal et sa race s’était illustrée dans la paix comme dans la guerre ; pour lui, il se vantait d’avoir eu dans ses aïeux plus d’ennemis (hostis) que d’alliés (socios) du peuple romain (Tacite, Hist., 55).
64Cela constitue une nouvelle preuve de la clémence de César au lendemain de la conquête, sans que l’appartenance à une lignée royale ne pose problème. Quant à Teutomatos, son rang auprès de Vercingétorix (BG, VII, 31, 5) montre plutôt combien l’homme était estimé et quelle pouvait être son influence sur les autres dirigeants gaulois. Sa famille avait, de plus, montré l’intérêt qu’elle portait à Rome, son père Ollovico ayant obtenu le titre d’ami du peuple romain (BG, VII, 31, 5). Aussi, César eut sans doute à cœur d’utiliser l’auctoritas d’une lignée au prestige inégalé plutôt que de le remplacer par un parvenu à la position fragile. Sans doute les mêmes raisons conduisirent à conserver Adiatuanos avec son titre. Mais, si on accepte que le graffite est une partie du nom du défunt – ce qui n’est pas prouvé –, il faut admettre qu’il ne s’agit pas de Teutomatos. Ce pourrait être alors un parent, un de ses fils peut-être. Nous sommes donc d’avis de comprendre cette sépulture comme la marque du maintien de la famille d’Ollovico à la tête des Nitiobroges avec, si ce n’est la dignité royale, un rang équivalent. La formula prouinciae ne put cependant que mettre un terme à cette exception.
Conclusion
65Les peuples gaulois abordent la période de l’après-conquête selon des situations différentes. Les pertes humaines et les destructions matérielles subies diffèrent beaucoup d’un peuple à l’autre – que l’on songe aux Rèmes qui toujours furent du côté des vainqueurs, ou aux Éburons que César s’acharna à détruire. L’épuisement des peuples gaulois facilita sans doute l’installation de l’autorité romaine dont on commence à cartographier la présence militaire. On note ainsi la présence de troupes sur les points (oppida, sanctuaires) et axes stratégiques (fleuves, vallées, routes), et le schéma qui se dégage est celui d’un maillage assez serré de garnisons de quelques centaines ou quelques dizaines d’individus, légionnaires et/ou « auxiliaires » gaulois, ces derniers provenant d’abord de contributions réclamées par Rome. Loin d’être désarmée, la Gaule était donc sillonnée de troupes romaines et d’« auxiliaires » gaulois sous autorité romaine, et la conquête et ses suites immédiates voient la multiplication des tombes à armes, du moins chez certains peuples comme les Bituriges et les Turons212. Les aristocrates se mirent au service des armes romaines, et le recours aux guerriers indigènes est attesté chez de nombreux peuples (carte 10), quel qu’ait été leur comportement lors de la conquête. C’est le cas des Arvernes, des Bituriges, des Trévires, des Ambiens, des Nitiobroges, des Pictons, des Lémovices, sans doute des Séquanes, peut-être des Meldes, des Turons, et des Rèmes. Il y eut parmi ces « auxiliaires » des engagés à titre individuel pouvant venir de n’importe quel peuple213, mais cela ne saurait être le cas de tous. Dans le cas d’un aristocrate, sa position sociale est telle que ses choix entraînent une nombreuse clientèle. Il ne s’agit alors plus vraiment d’engagement individuel, mais collectif, sans être « nationaux ». Ce dernier pas est franchi dans le cas d’un responsable officiel, frappant monnaie, avançant sur ses émissions sa qualité de chef de guerre intégré aux structures militaires romaines. C’est le cas de ceux qui montrent des insignes légionnaires : Epasnactos et Voronantos. Les aristocrates engagés commandaient à leurs troupes, et on s’interroge sur leur statut précis. Appartenaient-ils aux cadres de l’armée romaine, avec un grade officiel ? C’est improbable si près de la conquête. Ils devaient, au mieux, être gratifiés d’une appellation générique du type praefectus equitatus comme celle que César et Hirtius donnaient à leurs équivalents de l’Indépendance214. L’activité militaire des peuples et des individus n’avait donc pas cessé en Gaule. Le contexte des guerres civiles favorisait cette continuité, avec cependant une modification des visées politiques selon les besoins romains. Ceux-ci étaient largement modelés par les guerres civiles qui sévirent depuis l’entrée des armées de César en Italie en 49 jusqu’à la victoire d’Octavien sur Marc Antoine en 31 av. n. è. Les luttes entre prétendants occupant entièrement la tête de l’Empire romain, l’organisation des provinces gauloises par l’autorité romaine fut retardée d’autant.
66Or on observe dans les monnaies épigraphes de nombreux peuples gaulois des noms qui prédominent par le nombre d’émissions qui leur sont associées. L’iconographie de la plupart de ces monnaies montre par ailleurs des éléments qui renvoient directement au pouvoir. Le torque est par exemple largement utilisé par l’Éduen Orgetirix, le Rème Atesios, Pixtilos – Carnute ou Éburovice –, le Melde Roveca, le Suession Cricicu et l’Aulerque Eppudunos. On trouve aussi des insignes qui renvoient au pouvoir militaire, comme les trois cercles sur des bronzes de Roveca et des statères de Criciru, ou les enseignes romaines visibles sur les monnaies d’Epadnactos et de Voronantos. Ces éléments suggèrent que ces monnaies portent les noms des dirigeants de peuples, chefs politiques et/ou militaires. Les légendes, dont le contenu s’enrichit souvent après la conquête, livrent des éléments qui vont dans ce sens. Mentionnons d’abord les ethniques, celui de l’émetteur – ainsi Remos pour Atesios, Eduis chez les Éduens – ou bien du peuple – Lixoviatis chez les Lexoviens, Aulercos Eburovicos chez les Aulerques Éburovices, Veliocathi chez les Véliocasses. Plusieurs légendes portent également des éléments institutionnels qui renvoient au peuple en tant qu’entité politique. C’est le cas des mentions Publicus chez les Lexoviens, et Ectha chez les Véliocasses, les Lexoviens et les Aulerques Éburovices, ainsi que des mentions de magistratures : ulatos chez les Rèmes, uergobretos chez les Lexoviens, argantodannos chez les Lexoviens, les Meldes et un peuple de la région de la Loire moyenne.
67Si tel était bien le cas, le nombre élevé d’émissions pourrait être le signe que ces hommes sont demeurés longtemps au pouvoir, plus qu’à l’accoutumée, au moment de l’immédiat après-conquête jusqu’à la fin des guerres civiles sans doute, voire jusqu’à l’organisation administrative menée par Auguste, en 16-13 av. n. è. vraisemblablement. On doit voir là l’influence romaine sur la désignation des dirigeants gaulois. En effet, sous la surveillance de troupes, les peuples gaulois subissent les contraintes liées à la présence continuelle de l’autorité romaine, ce qui se traduit par la prorogation de dirigeants gaulois pendant plusieurs années. Le but recherché est clair : la stabilité politique par le recours à des hommes jugés sûrs, ce qui passait même par le maintien de rois quand il y avait intérêt à le faire (Nitiobroges, Sotiates). Dans le contexte troublé des guerres civiles, il était nécessaire de compter sur le calme des provinces et sur certaines de leurs ressources, humaines surtout. Les cavaliers gaulois étaient en effet recherchés pour faire respecter l’ordre en Gaule comme pour combattre les rivaux au pouvoir sur Rome.
68Les lacunes du tableau E ne doivent pas laisser croire que ce phénomène ne concerna que les peuples ici représentés. Cette politique de l’autorité romaine était globale, appliquée en Celtique comme en Belgique (carte 11) et concernait tous les types de peuples, quelles que soient leurs relations avec Rome : fédérés, libres ou stipendiaires. Ainsi on relève la présence des Éduens et surtout des Rèmes ! Que les frères de sang du peuple romain et les plus fidèles alliés de Rome n’aient pu se soustraire à cette tutelle suggère ce qu’il en fut pour les autres, et il paraît improbable qu’un peuple y échappât. Cette politique, certainement initiée par César, et qui ne différait pas de ce qu’il faisait en Gaule Transalpine215, fut prolongée par ses successeurs. C’est ce que montrent les assemblées générales des dirigeants des peuples gaulois de 44 av. n. è. immédiatement après la mort de César, et de 43 av. n. è., présidées par Hirtius puis Plancus. Les monnaies montrant le nom du gouverneur du moment pourraient traduire ce phénomène : ainsi on connaît plusieurs pièces de la région parisienne au nom de Hirtius, une monnaie rutène avec celui de Lucius Munatius Plancus216, auxquelles on ajoutera celle du Bellovaque C(aius) Iuli (us) Teledhi (us) qui reprend l’iconographie d’un denier de César. On comprend l’intérêt qu’Hirtius, Plancus et les gouverneurs suivants avaient à s’appuyer sur les responsables que César avait choisis et renforcés. Là comme sur d’autres points, ses successeurs poursuivirent son action. En bien des domaines donc, en tout cas dans celui des institutions, la donne issue de l’Indépendance fut conservée, ce qui ne signifie pas que la vie politique antérieure suivit son cours puisqu’il n’y avait plus, ou peu, de renouvellement régulier des dirigeants. Cela put avoir d’importantes conséquences. Le rôle de conseiller politique des druides, là où il s’était maintenu, ne put que perdre en pertinence et en poids. La fin des guerres civiles et la pacification du monde romain signifièrent sans doute un changement de la politique romaine en Gaule. Le conventus de Narbonne en 27 av. n. è., et la séparation de la Narbonnaise de la Gaule Chevelue en 22 av. n. è., sont les premières mesures concrètes, mais il fallut vraisemblablement attendre le découpage provincial en 16-13 av. n. è. pour que la politique romaine soit progressivement assouplie, impliquant qu’elle put perdurer quelque temps.
69Quant aux formes institutionnelles, les régimes avec un dirigeant unique sont une tendance affirmée. Il est difficile de dire s’il s’agit d’une initiative romaine ou de la prolongation de pratiques antérieures. D’une part, la discontinuité des données gêne l’analyse et, d’autre part, la disparition des chefs militaires gaulois là où ils étaient distincts des chefs civils a naturellement conduit à une direction unique. Dans le cas d’un régime aristocratique avant la conquête – sans doute le cas des Lexoviens –, il n’y a pas de raison de penser que Rome aura changé les institutions ou son vocabulaire, et le vergobret lexovien doit être hérité de la période précédente. La situation est tout autre pour les peuples aux régimes monarchiques qui, tôt ou tard, durent adopter des régimes aristocratiques. Il est alors possible, et cela dépendait des liens unissant ces peuples à l’autorité romaine, que Rome fût assez directive sur les formes à adopter.
70On note chez certains peuples une hâte à se conformer aux critères institutionnels romains, si ce n’est sur le fond, du moins sur la forme. Il ne s’agit cependant pas seulement d’imitation. Les titres apparaissant sur les monnaies, tout comme les filiations, s’adressent aux Romains bien plus qu’aux Gaulois. Il s’agit sans doute, dans une période de troubles propices aux audacieux et aux parvenus, d’afficher et de légitimer son statut, et de capter l’intérêt et de susciter la bienveillance du vainqueur.
71Devant cette présence militaire et le maintien des dirigeants vient à l’esprit l’idée de J. Drinkwater d’une sorte de loi martiale durant l’après-conquête217. Elle paraît plausible pour les territoires où les cadres politiques et sociaux avaient éclaté – on pense aux Éburons ou aux Atuatuques exterminés et dont les débris, avec les Condruses, formèrent la base des Tongres. Le rôle de l’armée dans la création du chef-lieu de la nouvelle cité est à cet égard logique218. Hors de ces territoires, les preuves du maintien des pouvoirs traditionnels sont là, et il est inutile de les imaginer remplacés par des officiers romains ou des « commissaires » locaux, comme J. Drinkwater l’a proposé. Pour autant, la marche « normale » des choses était entravée, et les éléments qui montrent la pression romaine, relayée par les Gaulois, sont manifestes.
72Si les décennies qui suivent la conquête jusqu’à la fin des guerres civiles sont caractérisées par un certain immobilisme institutionnel, on ne peut en dire autant des suivantes. La pacification du monde romain par Octavien/ Auguste ouvrit en effet la voie à l’organisation territoriale et institutionnelle de la Gaule.
La mutation civique
73Cette organisation impliquait le découpage en provinces, dont un des aboutissements fut la redéfinition de l’Aquitaine et la création de cités. L’affirmation ou la création d’un chef-lieu, centre de la vie civique, s’accompagna-t-elle d’une transformation des institutions ? Cela n’avait rien d’obligatoire, mais cette évolution politique majeure put conduire les Gaulois à opérer des modifications pour s’approcher des canons italiens en matière de gestion municipale. Les évolutions institutionnelles furent très diverses, et il est difficile de dégager des rythmes communs. Nous avons donc pris ici comme facteur typologique l’appartenance linguistique, indigène ou latine, de la magistrature suprême ou, lorsque cette dernière est inconnue, de la plus haute magistrature recensée.
Cités avec une magistrature suprême gauloise : le vergobret
74La fin du monnayage gaulois est heureusement et avantageusement contrebalancée par l’adoption progressive de la pratique épigraphique. Concomitant de la mutation civique des peuples gaulois, ce phénomène entraîne la croissance notable des données institutionnelles. Plusieurs cités ayant des magistratures indigènes dans leurs institutions sont ainsi portées à notre connaissance.
75En 1978 des fragments de céramique sont découverts dans un puits sacrificiel à Argenton-sur-Creuse (Argentomagus) (Indre) chez les Bituriges Cubes (fig. 48), dont certains portent les graffites gaulois VIIGTA (fig. 49)219 et VIIRCOBRIITOS RIIADDAS (fig. 50). La seconde inscription – dont le début manque – fut analysée et traduite ainsi : uercobretos readdas = « [Untel] vergobret a sacrifié ». D’après M. Lejeune, l’espace précédant le titre de vergobret correspond au mieux à quatre lettres220. Même abrégé, le nom du vergobret, s’il y en avait un, aurait donc été unique, pérégrin. Le contenu de la fosse permet de dater ce graffite de 20-30 ap. n. è. et d’en reconstituer le contexte : un banquet public – nous y reviendrons. La dédicace fut gravée et jetée dans la fosse avec les reliefs du banquet et une offrande à la divinité (pièces de porcs et tête de truie). Ce que l’on sait du vergobret aux périodes précédentes, et le fait que ce soit l’unique inscription avec ce titre dans ce dépôt clos et fait en une fois, permet d’affirmer que le magistrat agit dans le cadre d’un sacrifice public au nom de la cité. Qu’il n’y ait qu’un vergobret mentionné et représenté dans la fosse, donc présent au sacrifice, tendrait à prouver qu’il n’y avait pas de collégialité à la tête des Bituriges. Tout porte à croire cependant que le vergobret n’était pas le seul personnage important présent. Les fragments des céramiques221 sont ceux de 30 vases à boire dont 3 gobelets ACO, 10 gobelets de Bavay et 17 coupes sigillées, 20 récipients à liquide, 22 assiettes, 11 ollae, 23 grands vases de céramique commune, 25 céramiques « diverses ». Les vases à boire furent, lors du banquet, l’apanage d’une élite formant une petite portion des participants : on n’imagine pas que 30 convives aient pu dévorer la viande de 36 animaux au moins, et vider 20 récipients de boisson, si ce n’est plus222. On peut classer ces vases à boire selon leur nombre qui décroît avec leur qualité223. Le vergobret dut utiliser un des gobelets ACO, ainsi que deux autres personnes que la vaisselle place sur un même plan que lui. Dix gobelets de Bavai furent utilisés par des personnages sans doute de moindre rang, de même pour les utilisateurs de sigillée encore plus nombreux. On ne peut identifier ceux qui étaient aux côtés du vergobret, hormis qu’il s’agissait vraisemblablement de représentants de la cité, d’autres magistrats, peut-être des membres du conseil (sénat ou ordo), un druide ? Cette dernière hypothèse peut paraître hardie. Pourtant, le vergobret, dans le cadre de ce sacrifice, dut être secondé d’un prêtre ou d’un officiant pour assurer une partie au moins des gestes techniques consécutifs à l’acte rituel. Or, ce sont les druides exclusivement qui, à l’époque de l’Indépendance, étaient habilités à pratiquer les sacrifices. Aussi les couteaux à lame large qualifiés de feuille de boucher, identifiés pour l’Indépendance à l’outil du sacrificateur, leurs ont été attribués224. Un tel couteau figure justement dans le contenu de la fosse d’Argenton-sur-Creuse (fig. 51). Le vergobret n’a donc sans doute pas fait le travail de boucherie nécessaire au banquet et à l’offrande, et l’intervention de l’auxiliaire à la feuille de boucher, spécialiste du sacrifice, s’impose. Est-ce, à cette époque, un druide ? La mise aux normes civiques sous Auguste avait dû régler à leur désavantage la question du magistère sur la religion publique, mais il n’est pas sûr qu’ils aient été écartés de la pratique rituelle car l’interdiction d’Auguste ne concernait que les citoyens romains (Suétone, Claud., 25, 13) : il s’agissait de les frapper d’indignité plutôt que de les interdire. La fosse a par ailleurs livré une deuxième inscription non commentée, gravée sur un même support (olla grise) : VEGTA225. Que les supports des deux inscriptions soient de qualité identique, et qu’il n’y ait dans le dépôt aucune autre inscription, tend à les placer, ainsi que leurs auteurs, sur le même plan. Ces deux inscriptions ne désignent certainement pas le même personnage car elles seraient alors sur le même support. Mais VEGTA est-il un nom commun ou un nom propre ? Cette forme ne mène qu’à uecti- qui signifie « voyage, raid, bataille226 ». G et C sont souvent, en gaulois, interchangeables, mais uecti- n’est connu qu’en composition, et le i final ne mute jamais en a-. Le terme rappelle cependant ECTA/ ECΘA/EΓΘA des monnaies éburovices, lexoviennes et véliocasses, relié au domaine institutionnel et comparable au latin publicus. Reste toutefois le V initial. Il pourrait signaler à lui tout seul un anthroponyme, mais rien ne le prouve. Ce peut être un signe plutôt qu’une lettre227, peut-être un chiffre cinq, tout comme on lit sur une monnaie éburovice ECTA au droit et AVLIRCO III EBVROVIC au revers228. On ignore donc si VEGTA est une personne ou une mention politico-institutionnelle.
76La découverte d’un vergobret biturige soixante-dix ans après la conquête assure-t-elle que les institutions de la cité prolongeaient celles du peuple protohistorique ? Il est tentant de le penser. Les Bituriges, peuple libre, disposaient d’une bonne marge de manœuvre pour leurs institutions et, sauf contre-indication majeure, Rome les leur aura laissées. L’absence de collégialité conforte l’idée d’une continuité institutionnelle au moins partielle – de forme si ce n’est de fond – puisqu’elle signe l’origine indigène de la magistrature. Cela serait confirmé par l’existence du préteur des Bituriges Vivisques229.
77Le dossier de la cité des Santons est un des plus volumineux pour cette période. Les inscriptions du début du ier siècle ap. n. è. permettent de restituer le destin de deux familles. L. Maurin, dans ILA Santons, a récemment livré une analyse précise de ces inscriptions, qui fournit l’essentiel de notre exposé.
78La première famille est connue par deux inscriptions au contenu identique (CIL, XIII, 1048, 1074 ; ILA Santons, 20) :
C(aio) Iulio, C(aii) Iuli (i) Ricoueriugi f (ilio), Vol (tinia), Marino, [flamini] Augustali primo, c (uratori) c (iuium) R(omanorum), quaestori, uerg[obreto], Iulia Marina uac. filia […]
À C. Iulius Marinus, fils de C. Iulius Ricoveriugus, (inscrit dans la tribu) Voltinia, premier flamine augustal, curateur des citoyens romains, questeur, vergobret, Iulia Marina sa fille.
79C. Iulius Ricoveriugus est sans aucun doute celui par qui ses descendants tinrent la citoyenneté romaine. L’inscription dans la tribu Voltinia marque le fait qu’il l’obtint uiritim, par Auguste lors des guerres civiles selon L. Maurin. On ne peut être plus précis sur Ricoveriugus, sinon supposer, de par l’exceptionnel cursus de son fils, qu’il dut aussi exercer des responsabilités au sein de son peuple, et qu’il dut avoir son fils Marinus à un âge avancé – vers 40 ans – si l’on veut joindre l’élévation à la cité romaine et la date proposée pour Iulius Marinus. Selon L. Maurin, il naquit en 20-10 av. n. è. et aura réalisé son cursus à partir de Tibère. À la différence de ce que montre l’inscription de C. Iulius Rufus, Iulia Marina ne remonte pas à la quatrième génération mais, ce qui est plus habituel, à la troisième. On pourrait penser que sa famille était d’un prestige moindre, mais rappelons que C. Iulius Victor, cousin de Rufus et partageant ses ascendants, ne mentionnait pas Epotsorovidios et se contentait aussi de trois générations. Marinus, à la différence de Rufus et de Victor, n’eut pas de carrière dépassant le cadre de sa cité mais, comme eux – sans doute – tint les plus hautes charges municipales et réalisa une carrière complète. Son cursus est clairement exposé et aucune charge ne pose problème230. La difficulté vient de la présence simultanée de titres de magistratures romaines et gauloise et de l’ordre à leur assigner qui, selon le choix, oriente l’interprétation. R. Mowat, au xixe siècle, proposait d’y voir un cursus cohérent à la fois avec les horizons romain et gaulois231. Selon lui, le vergobret santon était, comme celui des Éduens durant l’Indépendance, le sommet du cursus, mais aussi une magistrature romaine, le duovirat, affublée d’un nom gaulois232. Selon L. Maurin, le flaminat, qui apparaît d’abord en raison de son prestige supérieur, doit être reporté à la fin, ce qui aboutit à l’ordre suivant : questeur, vergobret, flamine augustal. L’institution du flaminat augustal, dont Marinus est le premier détenteur chez les Santons, daterait du passage au droit latin, association que W. Van Andringa et J. Scheid confirment233. Le cursus municipal précédant cette prêtrise serait donc antérieur au droit latin, et la questure serait en conséquence une magistrature gauloise, l’argantodan234, qui aurait pris un nom et un caractère romains après la conquête, tandis que la magistrature suprême, le vergobret, aurait gardé son nom d’origine. M. Dondin-Payre propose une autre lecture. Marinus aurait d’abord réalisé un cursus complet dans une cité pérégrine, obtenant la magistrature suprême, le vergobrétat. Puis la cité aurait gagné le droit latin et il aurait obtenu la questure qui ne serait donc pas une magistrature indigène dénaturée235. Elle ne précise pas, en revanche, quand placer la prêtrise puisqu’elle ne pourrait rester avant l’indication du vergobret. On comprend mal pourquoi Marinus aurait été questeur après avoir détenu les plus hautes responsabilités. Et si l’on retient que le premier flamine augustal signe le passage au droit latin, il faut alors placer le flaminat entre la mention du vergobret et celle de la questure. On comprend alors encore moins la présence de cette dernière, à moins qu’il n’ait voulu exercer des responsabilités après le passage au droit latin. Mais, vu ses antécédents, il aurait sans doute obtenu aussitôt la charge la plus élevée236, ce qui n’est pas le cas puisqu’il est questeur et n’atteint jamais le duovirat. Bref, la reconstitution de M. Dondin-Payre suscite plus de problèmes qu’elle n’en résout et, puisqu’il ne paraît pas possible de conserver le flaminat en début de cursus237, la reconstruction de L. Maurin, plus simple, paraît préférable. Par ailleurs, M. Dondin-Payre souligne que le droit latin ne pourrait s’accommoder du titre gaulois de vergobret comme le propose L. Maurin, ce pourquoi elle place cette charge quand la cité est encore pérégrine. Mais L. Maurin ne propose le passage au droit latin qu’au terme du cursus municipal pérégrin de Marinus, ce qui ne concerne donc ni le vergobrétat ni la questure, et il n’y a donc pas lieu de chercher à résoudre un problème qui n’existe en fait pas.
80Nous sommes donc en présence d’une cité pérégrine qui a entamé très tôt une latinisation partielle des termes institutionnels. On peut s’interroger sur le traitement différent de la magistrature trésorière et de la magistrature suprême : pourquoi conserver les atours gaulois pour l’une, et les changer pour de nouveaux, romains, pour l’autre ? On peut penser qu’il s’agit d’une question de prestige, celui attaché au vergobret expliquant la réticence à lui tourner le dos, sa charge symbolique – il est directement relié à l’idée de souveraineté – pouvant aussi être invoquée238. Peut-être les attributions de la charge financière gauloise avaient-elles subi plus de modifications – à relier avec l’hypothèse que Mediolanum ait été la capitale d’Aquitaine ? – que le vergobret. L. Maurin, qui propose que les Santons aient obtenu le droit latin au début du règne de Tibère, avant 20, avance aussi, avec plus d’incertitude, que cela n’ait pas effacé toute trace du passé institutionnel gaulois, et qu’en particulier les Santons aient conservé leur vergobret. Cela repose sur un fragment d’inscription daté de Claude (fig. 52), où il propose de restituer le terme de vergobret. Mais l’incertitude de cette lecture a été soulignée par L. Maurin lui-même239. Si la chose paraît donc possible – vraisemblable dit-il –, la démonstration ne peut reposer sur ce seul éclat à la reconstitution trop incertaine. A. Chastagnol a cherché à contrer la proposition en avançant que le passage au droit latin impliquait, d’après lui, l’adoption de règles institutionnelles romaines essentielles comme la collégialité des charges, et, suivant Mommsen, une latinisation du vocabulaire institutionnel240, ce qui ne peut s’accommoder de la persistance d’un vergobret. La Narbonnaise, où le droit latin n’entraîne pas l’application systématique de certaines de ces règles, en particulier la collégialité des charges, contredit ces affirmations241. En outre, le cas d’une magistrature unique dans une cité latine est avéré chez les Trévires242.
81Comme les Rèmes, les Lémovices offrent cette possibilité rare de pouvoir comparer les institutions de l’Indépendance avec celles de l’époque romaine. En 52 av. n. è., ils étaient gouvernés par un magistrat nommé Sedullos – Sédullus chez César –, cumulant pouvoirs civils et militaires. S’il fallait comparer les institutions lémovices à d’autres cas de la même époque, c’est à celui des Trévires ou des Rèmes et non à celui des Éduens qu’il faudrait le faire. Or, et c’est là que le dossier s’avère très instructif, ce n’est plus le cas cinquante ans plus tard. Une inscription, trouvée à Limoges, livre de nombreux renseignements (AE, 1989, 521) :
Postumus Du[m]norigis f (ilius), uerg (obretus), aquam Martiam Decamnoctiagis Granni d(e) s (ua) p (ecunia) d (edit).
Postumus, fils de Dumnorix, vergobret, a offert de ses deniers, l’eau de Mars pour la Fête des dix nuits de Grannos.
82Cette inscription date du début d’Augustoritum (Limoges), chef-lieu lémovice fondé en 15-10 av. n. è., et M. Lejeune la place à la fin du règne d’Auguste ou durant celui de Tibère. L’onomastique et le fait que Grannos ne soit pas associé à Apollon comme il le sera systématiquement plus tard appuient cette datation. Postumus, le vergobret, et son père Dumnorix ont des anthroponymes simples, sans tria nomina, et ne sont pas citoyens romains. Par ailleurs, le père a un nom gaulois, alors que son fils porte un anthroponyme italien, ce qui est caractéristique des débuts de la période julio-claudienne. Postumus a fait réaliser l’adduction d’une fontaine243 à l’occasion d’une fête dont il cite le nom gaulois. Les traits culturels gaulois sont très présents, ce qui confirme une datation proche du tournant de l’ère chrétienne. Postumus est donc vergobret des Lémovices, ce qu’on comprendra comme le magistrat suprême de la cité. Il apparaît seul, comme les autres vergobrets connus, et réalise cette évergésie l’année de sa charge, d’où l’absence de mention de charges antérieures. La question est de savoir si cette magistrature est issue de l’époque de l’Indépendance. Sedullos était magistrat unique et chef militaire, contrairement au vergobret éduen. Mais cette dernière magistrature existait ailleurs, chez les Bituriges par exemple, sans doute avant la conquête. Rien ne garantit que les différents vergobrets eurent des attributions parfaitement identiques. César cite les caractéristiques du vergobret comme celles d’une magistrature éduenne seulement, et si l’on suit le sens que nous proposons pour le terme uergobretos, cela ne s’opposerait pas à ce que, hors des Éduens, le vergobret ait eu des pouvoirs militaires et civils. Il existe donc plusieurs possibilités. Il se peut que le magistrat suprême lémovice durant l’Indépendance portât déjà le titre de vergobret, et son héritier de l’après-conquête aura conservé le nom avec des pouvoirs redéfinis – suppression de la sphère militaire. Au contraire, il se pourrait qu’il portât un nom différent à l’époque de l’Indépendance, ce que nous serions portés à croire. En effet, Sedullos est un des rares magistrats suprêmes dont César donne le nom et caractérise le pouvoir. Il aurait pu le qualifier de vergobret ou de son équivalent latin césarien, magistratus, ce que le lecteur aurait compris puisqu’il avait, quelques paragraphes auparavant, longuement exposé l’affaire de l’élection éduenne de 52 av. n. è. et défini la magistrature éduenne. Or il le qualifie de princeps Lemovicum. De plus, même si ce cumul des pouvoirs n’est pas un obstacle majeur pour le rapprochement avec le vergobret, cela ne plaide pas en ce sens. Il y aura donc eu modification des institutions lémovices après la conquête, rendue nécessaire par l’imbrication des pouvoirs civils et militaires. On ignore, en revanche, si cela fut fait dans l’immédiat après-conquête, ou bien avec la réduction en cité sous Auguste.
83Un fragment très court d’une inscription de la cité des Vellaves (CIL, XIII, 1579 = ILA Vellaves 26) (fig. 53) sur laquelle on lit DVBNOCOVE est l’objet d’interprétations diverses. On a proposé les développements DVBNOCOVE[, ou DVBNOCO VE[--- FILIO ou bien DVBNOCO VE[RCOBRETO, tous trois possibles. Dans les deux derniers développements, l’homme s’appellerait Dubnocus. Quant au premier, Dubnocove ne correspondant à aucun nom connu, il est délaissé. Or, l’anthroponyme Dubnocoveros qui apparaît sans doute sur une monnaie éduenne de l’époque de la conquête244, convient, tandis que celui de Dubnocus n’offre aucune occurrence autre que celle supposée ici245. L’hypothèse d’une césure après le second O pourrait s’appuyer sur la graphie qui paraît vouloir marquer un événement graphique – alors la fin d’un mot – à moins que le premier O et le C entrelacés ne soient une figure géométrique246 complétée par le petit cercle du deuxième O, mais cela reste conjecturel. Bref, la lecture restituant un vergobret est fragile : beaucoup d’anthroponymes gaulois débutent par VE, et ce pourrait même n’être qu’un seul mot. Nous pensons donc qu’il n’y a pas de solides raisons de conserver le vergobret vellave247.
84Sur la période suivant les guerres civiles, seule une découverte a priori insignifiante peut être utile pour éclairer les institutions des Véliocasses. Parmi les incinérations de la nécropole du uicus de Pître (Eure), dont les sépultures s’étalent depuis La Tène D1 (iie siècle av. n. è.) jusqu’au ive siècle, a été découvert un graffite réalisé sur une petite cruche où vercobretus apparaît deux fois248 :
ΛΛ uercobreti ΙΛΙ / uercobr
85La céramique date du iie siècle, et rien n’interdit qu’une telle charge ait survécu dans une cité de droit latin – si l’on suit L. Maurin plutôt qu’A. Chastagnol – d’autant plus si l’on se situe au début du siècle, quelques décennies après l’octroi du droit latin – que le bienfaiteur soit Claude ou Vespasien. Cependant, il est difficile de croire à la tombe d’un vergobret signalant ainsi sa fonction pour lequel on attendrait plus de faste. La sépulture appartient d’ailleurs à un ensemble d’incinérations dont beaucoup sont modestes, dans une plus vaste nécropole. Le génitif uercobreti oriente vers une banale marque de propriété, mais cela n’interdit pas que ce soit un nom commun. Il s’agit plus vraisemblablement d’un anthroponyme, ou d’une survivance du titre dans une fonction autre et négligeable en comparaison de ce qu’elle était à l’origine. On peut pourtant tirer profit de cette inscription car elle montre que ce mot était connu chez les Véliocasses. Et s’il ne correspond plus alors à une fonction, il devait en être autrement avant car, P.-Y. Lambert le souligne249, il s’agirait d’un « nom de fonction devenu un élément d’onomastique », ce qui prouverait qu’avant la mise en sépulture de cet homme les Véliocasses eurent des vergobrets à leur tête. Que ce fut le cas au moins à partir de la mise aux normes civiques sous Auguste est certain puisque cela ne put avoir lieu plus tard. La question demeure de savoir si cela était le cas à la période préaugustéenne.
86Chez les Rèmes, un vase de sigillée trouvé à Cernay-lès-Reims portait l’estampille VERCOB250. Le centre de production, non indiqué par le CIL et par F. Oswald, se situe à Reims (carte 2)251. Le potier doit donc être un Rème nommé Vercob (?) pour lequel CIL, XIII et F. Oswald proposent Vercobius qui n’est attesté qu’une fois, en Gaule Cisalpine252. CIL, XIII propose aussi vercob (retus) qui, lui, est attesté en Gaule Chevelue. Plutôt qu’un nom commun, il s’agirait d’un anthroponyme, et la situation serait donc semblable à celle rencontrée précédemment chez les Véliocasses. Cela établirait donc que les Rèmes connaissaient et usaient de ce terme, seule façon pour qu’il soit passé du vocabulaire institutionnel à un usage anthroponymique. Nous aurions donc la trace d’un vergobret à la tête de la cité rème, ce qui n’était pas le cas durant l’Indépendance et la période préaugustéenne.
Cités avec une magistrature suprême latine
87Il est généralement admis que les Bituriges Vivisques étaient une partie des Bituriges de l’Indépendance que César, ou plutôt Octavien, aura placés sur le territoire d’une peuplade aquitaine253, plutôt qu’un peuple présent là depuis le iiie siècle av. n. è. Leurs institutions ne peuvent alors que calquer celles des Bituriges Cubes.
88Entre 1831 et 1865, sont découvertes à Bordeaux cinq inscriptions plus ou moins complètes (CIL, XIII, 596-600 = ILA Bordeaux 38-41 a et b). Identique à l’origine, en voici la teneur :
C(aius) Iul (ius) Secundus, praetor, aquas ex HS XX testamento dedit
C. Iulius Secundus, préteur, a donné par testament 2 millions de sesterces (pour la construction d’un) aqueduc.
89La dépense, deux fois le cens sénatorial romain, est exceptionnelle. C. Iulius Secundus appartenait, à tous points de vue, à l’élite de sa cité : citoyen romain, son ancêtre ayant obtenu ce privilège de César ou d’Auguste, il portait le nom prestigieux de Iulius. Sa fortune était colossale et les Bituriges Vivisques lui avaient confié les responsabilités les plus élevées. Si des préteurs sont connus ailleurs dans l’administration municipale du monde romain, en particulier en Narbonnaise, chez les Voconces et à Aix-en-Provence par exemple, celui de Bordeaux est le seul de Gaule Chevelue. Plutôt que la transplantation d’une magistrature italienne254, cette préture est tenue pour une magistrature d’origine indigène ayant subi une première phase de mutation vers un standard romain de forme et sans doute de fond255. Le préteur d’Aix-en-Provence, étudié par M. Christol, conforte cette analyse. Sur ce préteur d’une cité de Transalpine de droit latin – mais sans, alors, le rang de colonie –, il conclut : « on peut envisager qu’une magistrature (plutôt non collégiale) définie par ce terme venu d’Italie, introduit dans les institutions locales et accepté, aurait existé lorsque le peuple des Salluvii avait été organisé sur le modèle de la cité. Si l’époque césarienne doit être considérée comme un repère décisif dans l’histoire de l’institution des cités de Transalpine, c’est peut-être alors qu’il apparut256 ». Or, le préteur vivisque apparaît seul et ne semble ne pas avoir de collègue, ce qui rejoint les informations sur le vergobret des Bituriges Cubes. Ce préteur serait donc la mutation d’un vergobret, unique magistrat à la tête de son peuple. ILA Bordeaux propose que ce préteur soit un remplaçant du vergobret, une sorte de « vice-vergobret », en raison de l’impossibilité de dupliquer le vergobret biturige par essence unique, et demeurant chez les Bituriges Cubes257. Pourtant, une fois les Vivisques extraits des Bituriges et formant une cité propre, rien n’empêchait de créer un vergobret vivisque. À moins que ces deux fractions bituriges n’aient formé une seule cité, ce qui n’est pas le cas. Il est possible en revanche que les élites vivisques, en accord avec Rome, aient décidé, simultanément à la création de leur cité, de signifier ce nouveau départ dans une configuration romaine par l’adoption de formes institutionnelles correspondantes.
90Le même raisonnement est suivi pour le statut de peuple libre des Vivisques, identique à celui des Bituriges Cubes. Là aussi, la séparation des Vivisques daterait d’Auguste. L’appartenance à un peuple libre plusieurs décennies durant expliquerait que les Vivisques aient conservé ce statut permettant de garder, en théorie, la maîtrise des institutions. La latinisation de leur magistrature suprême fut donc une initiative des Bituriges Vivisques, peut-être pour manifester leur volonté d’obtenir le droit latin. À moins que cela signifie le passage au droit latin accompagné alors d’une romanisation au moins formelle du pouvoir politique, mais les renseignements manquent pour en juger. De plus ces inscriptions ne peuvent être précisément datées. Hirschfeld, d’après la gravure, désigne le début du ier siècle. ILA Bordeaux propose la période julio-claudienne, avec une préférence pour Tibère ou Claude.
91Une inscription des Trévires et deux inscriptions des Helvètes montrent des mag () ayant officié dans le cadre de cités258. Or, ces mag () sont, à l’évidence, les magistrats les plus élevés dans la hiérarchie politique de leur cité.
92La première inscription, trévire, présente ce cursus :
[---] Prisc (o) / [f]lamini (Leni Martis) / [s]acerd (oti) Rom (ae) et / [A]ug (usti) mag (istro) q (uaestori) c (iuitatis) T(reuerorum) / [pr]aef (ecto) coh (ortis) I Aresac (um)259.
À (---) Priscus, flamine (de Lenus Mars), prêtre de Rome et d’Auguste, magister, questeur de la cité des Trévires, préfet de la Ire cohorte des Aresaces.
93Le développement de mag. q. c. t. en mag (istro), q (uaestori) c (iuitatis) T(reuerorum) proposé dès 1926, date de la publication de l’inscription par J. B. Keune260, s’est rapidement imposé261. Pourtant, comme nous allons le montrer, le développement mag (istratus) est plus indiqué262. Si certains hésitent encore263, la plupart voient dans ce mag () la magistrature suprême de la cité trévire264. En effet, le cursus est manifestement en ordre inverse. Les prêtrises sont les premiers éléments cités : le flaminat de Lenus Mars265 et la prêtrise du culte impérial, qui sont les plus prestigieuses de la cité. W. Van Andringa rappelle qu’elles sont habituellement obtenues après un cursus municipal complet, et peuvent être confiées à un citoyen d’exceptionnel prestige qui, pour cette raison, pouvait être dispensé de tout cursus municipal266. Par ailleurs, les prêtrises étaient bien souvent les éléments les plus prestigieux d’un cursus, même s’il ne s’agissait pas des plus élevées de la cité. Ces dernières n’étant dévolues qu’aux membres les plus illustres de la communauté civique, on peut déduire que ce Trévire, socialement très élevé, était très en vue dans sa cité. On attend donc, en toute logique, immédiatement après les éléments les plus prestigieux du cursus civique, la plus haute magistrature remplie. Que ce mag () soit cette magistrature civique suprême s’impose, d’autant qu’elle est suivie de la questure qui lui serait inférieure267. Peut-être la mention de la cité trévire détermine-t-elle les deux charges, ou bien même tout ce qui précède, afin d’éviter toute confusion avec les Aresaces mentionnés qui étaient peut-être une petite peuplade voisine des Trévires, ou bien même, si l’inscription date d’avant la constitution des districts de Germanie par Tibère, une portion de territoire trévire, sans doute un pagus268. On voit aussi dans le cursus de T. Iulius Conteddius Tiberinus – cité ci-dessous – que la questure apparaît avec la même spécification, ce qui suggère qu’il pourrait s’agir d’une formulation habituelle269.Vient ensuite une responsabilité dépassant cette fois le cadre de la cité : une préfecture de cohorte, soit une milice équestre, qui fait de lui l’un des rares Gaulois de rang équestre julio-claudiens de Gaule Chevelue270. Ce mag () ne peut donc être une magistrature inférieure, un magister pagi par exemple271, qui n’aurait pas sa place entre une questure de cité et une prêtrise du culte impérial comme c’est le cas ici. Il serait par ailleurs étonnant qu’un personnage qui accumule les marques du prestige le plus élevé n’ait, pour plus haute magistrature, qu’une questure, et qu’il prenne, de surcroît, la peine de mentionner une magistrature locale. Pour finir, ajoutons que dans le cas d’un magister de pagus, le ressort territorial n’est pas implicite mais explicitement gravé272, ce qui n’est pas le cas ici. La prêtrise de Rome et d’Auguste ne pouvant être acquise qu’après un cursus municipal complet – ou peut-être sans cursus du tout pour les membres les plus socialement élevés de la cité –, et cette dernière étant placée durant le premier tiers du ier siècle ap. n. è273, on peut insérer la charge de mag () au même moment ou un peu avant. Notons de plus qu’il y a de grandes chances que la cité trévire disposât déjà du droit latin. En effet, selon J. Scheid et W. Van Andringa, le flaminat doit être relié à l’obtention du droit latin ou romain, voire au statut de colonie274. Or, on place généralement la fondation de la colonie à l’époque de Claude275, ce qui implique qu’à partir de ce moment des duouiri dirigèrent la cité. Leur absence ici, et la présence en lieu et place de ce mag (), conduisent à placer ce cursus avant cette période, au tout début des Julio-Claudiens276, dans une cité qui, sans être une colonie, avait sans doute le droit latin.
94À ce cursus trévire sont venues s’ajouter plusieurs inscriptions helvètes. La première concerne C. Iulius Camillus qui, selon R. Syme, descendrait du Séquane Camilos, hypothèse acceptée par beaucoup277, dont D. Van Berchem et R. Frei-Stolba, qui, avec A. Bielman et H. Lieb, a repris le dossier des institutions helvètes après la conquête278 :
[C(aio)] Iul (io) C(aii) f (ilio) Fab (ia) Camillo, / [s]ac (erdoti) Aug (usti), mag (istro), trib (uno) mil (itum) / [l]eg (ionis) IIII Maced (onicae), hast (a) pura / [e]t corona aurea donato / [a] Ti (berio) Claudio Caesare Aug (usto) / [G]er (manico), cum ab eo euocatus / [i]n Britannia militasset ; / [C]ol (onia) Pia Flauia Constans / Emerita Heluetior (um), / ex d (ecreto) d (ecurionum)279.
À C. Iulius Camillus, fils de C., de (la tribu) Fabia, prêtre d’Auguste, magister, tribun militaire de la 4e légion Macédonique, (a reçu) une lance pure et une couronne d’or par don de Tibère Claude César Auguste Germanicus, lorsque rappelé par lui280, il a servi en Bretagne ; (inscription élevée) par décret des décurions de la colonie Pia Flauia Constans Emerita des Helvètes.
D(ecimus) Iul (ius) C(aii) f (ilius) Fa[b (ia) / Consors sac (erdos) / Augustal (is) mag (ister) / cur (ator) c (iuium) R(omanorum) conven (tus) / Hel (uetici) ex vis[u]281.
D. Iulius Consors, fils de C., (de la tribu) Fabia, prêtre augustal, magister, curateur des citoyens romains du conventus helvète, à la suite d’une vision (?).
95À la suite d’une nouvelle interprétation proposée en 1989 par H. Wolff d’abord, puis reprise par U.-M. Liertz et R. Frei-Stolba282, il est apparu que dans la cité helvète précédant la fondation de la Colonia Pia Flauia Constans Emerita Heluetiorum Foederata par Vespasien en 71, le formulaire sac. Aug. mag., longtemps compris comme un bloc désignant une responsabilité religieuse, sac (crorum) Aug (ustalium) mag (ister), devait être scindé en deux : une prêtrise, le sac (erdos) Aug (usti), et une magistrature civique, comprise comme étant un magister283. On trouve cette séquence de manière assurée dans deux cursus helvètes284, tandis qu’une troisième inscription, une dédicace pour […]dius Flavus très fragmentaire et de reconstitution malaisée, atteste d’un MAGIS[T]R[---]285. Nous serions donc en présence de cursus présentés de manière assez classique, en ordre inverse comme sur l’inscription trévire, puisqu’il s’agirait en définitive de l’énoncé successif et normal de la prêtrise suprême de la cité suivie de la plus haute magistrature du cursus municipal. Ces occurrences établiraient donc l’existence à la période julio-claudienne, alors que la cité a encore le statut pérégrin, d’une magistrature suprême qui présente un nom latin, mag (), mais dont les racines sont sans doute indigènes.
96En Gaule, la mention de mag () seul, sans autre précision, désignerait donc la plus haute magistrature municipale. Mais le développement mag (ister) est toujours envisagé comme le seul possible, alors qu’il pourrait tout aussi bien s’agir de mag (istratus)286. En effet, si les occurrences de magister pagi ne manquent pas en Gaule comme ailleurs287, on ne trouve, dans la totalité du monde romain, aucune attestation de magister qui, seul et inscrit en totalité, désigne avec certitude une magistrature municipale288. En revanche, on a, dans d’autres provinces, des inscriptions faisant état de magistratus qui, très manifestement, sont les magistrats suprêmes de leur peuple289. Ainsi en Tarraconnaise aux ier siècle av. n. è. et ier siècle ap. n. è.290, chez les Bataves dans les districts germaniques291 au ier siècle ap. n. è.292, en Afrique au iie siècle ap. n. è. et plus tard, où magistratus désigne la magistrature suprême de cités pérégrines concurremment avec sufet dans les territoires de culture punique293, ou encore en Mésie, à Nicopolis au début du iiie s. ap. n. è.294. Dans un contexte pérégrin, magistratus est donc compris par les Romains comme désignant la magistrature suprême – on retrouve cet usage de magistratus pour summus magistratus chez César295 –, ce qui explique pourquoi, le terme apparaît seul. Ainsi, bien que magistratus ne soit pas attesté pour l’heure dans les provinces gauloises pour désigner spécifiquement une magistrature ou dans une acception générique296, il nous paraît infiniment préférable de voir dans les mag () helvètes et trévires, non des magistri mais des magistratus. À ces occurrences on peut ajouter, au début du ier siècle ap. n. è. en Aquitaine, celle du Consorannus Hanarrus (CIL, XIII, 5)297.
97En résumé, on trouve cette magistrature, magistratus, exprimée selon un vocable latin, dans plusieurs cités gauloises. Cette magistrature unique, malgré son nom latin, ne doit pas être d’essence italienne mais bien plutôt indigène, quoique modifiée pour satisfaire aux critères civiques. Chose étonnante, on la trouve aussi bien dans une cité pérégrine que dans une cité de droit latin, ce qui laisse supposer que ce terme générique de magistratus devait rassembler des magistratures qui, à l’origine, différaient sur bien des points. Il faut d’ailleurs rappeler que les Trévires avaient, durant l’Indépendance, un magistrat unique à leur tête, tandis que les Helvètes présentaient sans doute à la même place deux collèges, l’un civil et l’autre militaire.
98Si l’on n’en sait pas plus sur les institutions helvètes à cette époque, il n’en est pas de même pour les Trévires. Une inscription découverte à Mayence révèle que leur situation évolua rapidement :
[Ti (berio) Iulio T]i (berii) fil (io) Fab[ia] / [Conted]dio Tiber[ino], / [sacerdot] i Romae [et Aug (usti)], / [duouir (o) c]olon (iae) Tre[ueror (um)], / [praefec]to ad ripa[m Rheni], / [praef (ecto) fab]rum, qua[estori] / [in ciuita]te Treue[rorum] / [- - - - -]298
Pour T. Iulius Conteddius Tiberinus, fils de Tiberius, de la (tribu) Fabia, prêtre de Rome et d’Auguste, duovir de la colonie des Trévires, préfet sur la rive du Rhin, préfet des ouvriers, questeur dans la cité des Trévires.
99Il est question de la colonia Treverorum, signifiant que la cité est devenue une colonie, latine ou peut-être romaine. H. Wolff date cette inscription, et l’octroi du statut de colonie de Claude, ce en quoi il est habituellement suivi299. Dans la mesure où le duovirat est restitué300, il n’y a aucun commentaire à faire sur sa présence qui correspond à ce qu’on peut attendre d’une colonie. On peut juste s’étonner du désordre de ce cursus, les charges municipales n’étant pas regroupées.
100Dernière pièce du dossier trévire, le terme dannus, sur lequel les avis sont partagés : fonction ou élément anthroponymique ? Ce mot apparaît une seule fois dans l’épigraphie, sur une inscription trouvée près de Pachten, à Dillingen (Sarre) (CIL, XIII, 4228) :
Deo Mercurio c / oloni Crutisio / nes fe (ce) runt de / suo per dannum [ou Dannum ?] Giamillum.
Au dieu Mercure, les colons Crutisions ont fait [cette dédicace] par l’entremise du dannus Giamillus [ou de Dannus Giamillus] avec ses deniers.
101La mention Deo Mercurio date ce texte du iie siècle301 – après 135 –, hors de notre période, alors que la cité était une colonie. Mais, si dannus est une charge, elle serait d’origine indigène – puisque le terme est gaulois – qui existerait dès notre période, voire avant, durant l’Indépendance – cela sans préjuger de son contenu qui put évoluer. Le vocable dannus est en effet une forme latinisée du gaulois danos/dannos connu en composition302 pour des termes à valeur institutionnelle avérée ou postulée et qui aurait le sens de « magistrat », tandis que le glossaire d’Endlicher indique le sens de iudex303. Ces deux définitions se complètent plus qu’elles ne s’excluent car, si dans nos sociétés démocratiques les pouvoirs législatif et judiciaire sont séparés, ce n’était pas le cas durant l’Antiquité. On ignore si la glose tardive – Ve siècle – du glossaire tient compte de la valeur du terme à l’époque de l’Indépendance ou bien si cela concerne celle qui suit. M. Dondin-Payre a repris le dossier du dannus trévire304, et conclut que ce n’était pas une magistrature, mais une curatelle à l’échelle du pagus – sans exclure totalement que ce soit un anthroponyme associé à Giamillus. Le ressort local est en effet indiqué par la mention de la communauté des colons qui recourut à Giamillus. Nous n’ajoutons rien à cette étude, si ce n’est que l’argument qui écarte la lecture onomastique – Dannus devrait avoir une forme différente : Dannius – paraît plus concluant que les autres, ce qui nous pousse à y voir une charge comme proposé. En revanche, il n’y a pas de bonnes raisons de trahir la signification de dannos qui, dans argantodannos si ce n’est aussi dans platiodannos305, signifie « magistrat ». La seule incongruité est que dannos n’est pas ici en composition et n’est précisé par aucun mot associé, ce qui est, pour les autres occurrences, toujours le cas. Ce point ne suffit pas à balayer les autres arguments, et nous préférons donc conclure ici à la mention d’une magistrature locale. Cela amène à souligner que le droit latin n’a pas fait disparaître les magistratures locales d’origine indigène, ce qui est, pour la Gaule Chevelue, cohérent avec l’une des spécificités du tableau institutionnel dégagées par M. Dondin-Payre : l’affirmation du pagus comme « rouage usuel de l’administration municipale306 ».
Les cas indéterminés
102Les informations de quelques cités, trop incomplètes, ne permettent pas de savoir comment se présentaient leurs institutions. Les quelques bribes présentées ici permettent toutefois de préciser le tableau général des institutions en Gaule.
103Nous disposons sur les Ségusiaves d’un unique document, une inscription funéraire trouvée près de Feurs (CIL, XIII, 1645) :
C(aio) Iul (io) Iullo / funus et moni (mentum) / ciuitas Segusiauor (um) / publ (ice) principi suo.
Pour C. Iulius Iullus, la cité des Ségusiaves [a offert] officiellement des funérailles et un monument à son prince.
104Contre M. Dondin-Payre, pour qui princeps a un sens honorifique et non institutionnel307, L. Lamoine souligne les éléments créant un lien particulier entre le défunt et la cité des Ségusiaves308 – le possessif suus, le rapprochement des éléments publice et principi suo, le don par la cité des funérailles et du monument. Il conclut, après une revue des honneurs funèbres décrétés par les autorités locales en Gaule, que princeps renvoie à un statut de décurion ou de magistrat. Puisque la cité – donc l’ordo – a décidé de payer les funérailles et le monument, il ne peut s’agir que d’un personnage qui eut une action bénéfique pour elle, disposant d’un prestige exceptionnel. Ce prestige découlait d’une richesse et d’une position sociale dont on conçoit mal qu’elle n’ait pas été étayée par l’exercice de charges. Si elle avait été exercée en dehors de la cité ségusiave, comme grand prêtre à l’autel du Confluent, cette condition aurait été rappelée plus clairement que par ce terme princeps. Il est très probable que, comme le propose M. Dondin-Payre, ce mot n’ait pas de valeur institutionnelle précise, mais il est à peu près certain qu’il correspond tout de même à quelqu’un qui exerça les plus hautes responsabilités, et pas seulement « des » responsabilités comme peut l’être l’appartenance à l’ordo309 ou une magistrature quelconque310. Ces éléments, et ceux en rapport avec la datation rappelés par L. Lamoine – emploi du datif et formulaire laconique311 –, incitent donc à penser que les Ségusiaves avaient à leur tête, dès la période augustéenne, un magistrat unique.
105J.-B. Colbert de Beaulieu signala en 1960 une monnaie des Suessions portant la légende ARXANTI312. Renvoyant à Changarnier313, il n’avait manifestement pas vu la pièce, ce qui explique sans doute qu’elle n’apparaît dans aucun recensement ultérieur314. X. Delamarre ignore cette forme dans son dictionnaire et son lexique des noms de personnes, mais P.-Y. Lambert la cite comme variante avec spirante(x) d’arganto315, terme bien attesté (carte 12) sur les monnaies de plusieurs peuples dans le terme argantodannos. Un anthroponyme est théoriquement possible. Mais, en raison des occurrences rappelées ci-dessus, du fait qu’un anthroponyme n’a jamais été envisagé et qu’il n’y a pas en Gaule d’anthroponyme bâti sur arganto ou arxanti316, on développera ARXANTI en ARXANTI(danos), ce qui fournit une nouvelle attestation de la magistrature monétaire d’origine gauloise317. Dater cette monnaie est difficile. L’iconographie décrite paraît très banale318 et on ne peut réexaminer la pièce. Cependant, P.-Y. Lambert estime qu’arxanti est plus tardif qu’arganto, ce qui placerait la monnaie au plus tôt vers l’époque d’Auguste, peut-être un peu plus tard. Il y aurait donc eu, chez les Suessions, un argantodannos, dès l’après-conquête, si ce n’est avant, et jusque sous le règne d’Auguste au moins.
106On ne connaît rien des institutions des Médiomatriques à l’époque de la conquête ou à la période préaugustéenne. Deux bronzes épigraphes (RIG, IV, 19 ; 45 = DT I, 617) rompent ce silence à l’époque augustéenne. Leur iconographie n’a guère d’intérêt ici, si ce n’est un portrait d’Auguste sur l’une d’elles qui permet de les dater. Les droits et revers sont inspirés de prototypes romains, donnant à ces monnaies une allure romaine. On trouve AMBACTVS au droit de la première, et ARG AMBACT sur celui de la seconde319. ARG peut être développé en arg (antodannos) ou arg (antodannus), soit la magistrature trésorière vraisemblablement héritée de l’époque précédente. AMBACTVS pose plus de problème. Il correspond à l’hapax connu par César, et il est tentant d’y voir un terme institutionnel plutôt qu’un anthroponyme. Néanmoins cela suscite les mêmes réserves que pour les monnaies d’ARDA : on ne comprend pas que cette monnaie affiche un terme institutionnel, sans doute une magistrature financière, sans mentionner le bénéficiaire. Cela poserait aussi problème pour la seconde monnaie qui alors montrerait sur la même face deux noms de magistratures sans en nommer les détenteurs, alors que la seconde face est vierge de toute inscription. Bref, AMBACTVS est bien un anthroponyme, que l’on jugera curieux néanmoins. De la magistrature suprême on ne sait rien.
107La cité des Tricasses fut probablement créée par Auguste à partir du territoire lingon ou, plus vraisemblablement, sénon. Deux Tricasses sont connus par une inscription trouvée à Rome (AE, 1953, 56) :
T(itus) Iulius T(iti) Iuli (i) f (ilius) Vol (tinia) / Lentinus, hic s (itus) est, uixit a (n nis) XVIII ; / praefect (us) fabrum ex ciuitate / Tricassium. / T(itus) Iulius C(aii) f (ilius) Vol (tinia) Couribocalus, / q (uaestor) ciuitatis suae, sacerdos / Augustalis, praefect (us) fabrum, / hic s (itus) est ; ex ciuitate / Tricassium : in f (ronte) p (edes) XXIV, in agr (o) p (edes) XII.
T. Iulius Lentinus, fils de T. Iulius, de la (tribu) Voltinia, repose ici, vécut dix-huit ans, préfet des ouvriers, (originaire) de la cité des Tricasses.
T. Iulius Couribocalus, fils de C., de la (tribu) Voltinia, questeur de sa cité, prêtre augustal, préfet des ouvriers, repose ici, (originaire) de la cité des Tricasses : vingt-quatre pieds en largeur, douze pieds en profondeur.
108L’inscription est ancienne : R. Bedon voit en Couribocalus un protagoniste des guerres civiles, Y. Burnand date l’inscription des années 30 ap. n. è., S. Demougin et W. Van Andringa la placent sous Tibère et Caligula320. On peut supposer que le père de Couribocalus321 obtint la citoyenneté romaine uiritim d’Auguste durant les guerres civiles plutôt que de César durant la conquête. Couribocalus serait né vers 25 av. n. è – en postulant que son père aurait eu vingt ans en 35 av. n. è. – et aurait donc été questeur durant la première ou la deuxième décennie du ier siècle ap. n. è. Nous avons vu précédemment que dès la période augustéenne on trouvait des questeurs dans certaines cités de Gaule de statuts juridiques différents. Il est ainsi attesté chez les Santons pérégrins aussi bien que chez les Trévires, alors dotés du droit latin. Mais on ignore le statut des Tricasses et donc le contexte dans lequel s’inscrit ce questeur, seule magistrature connue dans cette cité. Les Tricasses auront très tôt adopté une terminologie institutionnelle romaine – au moins partiellement –, ou bien auraient déjà disposé du droit latin, chose peu envisageable si tôt pour un peuple petit et obscur. Les Santons avaient, probablement à une date aussi précoce, importé quaestor sans doute en lieu et place d’argantodannos. Les Tricasses avaient-ils fait de même322 ? Le parallèle avec les Santons ne s’arrête pas là puisque Couribocalus pourrait avoir été préfet des ouvriers dès Tibère, ou un peu plus tard. Cette élévation précoce est d’autant plus intéressante que la mort de son fils, à dix-huit ans seulement, montre que, pour ce dernier au moins, la préfecture des ouvriers ne correspondait à rien en matière de charge. Lentinus, sans cursus préalable, devait cet honneur à ses ascendants paternels. Son père aura été remarqué par un magistrat exerçant en Gaule qui le prit comme assistant – la préfecture – et l’emmena, son commandement terminé, à Rome. On conçoit mal en effet qu’un Gaulois qui n’aurait pas été magistrat suprême de sa cité ait été élevé au rang équestre sans une accélération subite de son parcours.
109Durant la révolte de Civilis, deux hommes de pouvoir apparaissent chez les Tongres (Tacite, Hist., IV, 66, 1-3). À la tête d’une troupe levée hâtivement au sein des leurs (tumultuaria manu), ils obéissent à Claudius Labéo323 qui tente de stopper Civilis. Mais ils font défection : « Campanus et Juvenalis, deux notables chez les Tongres (primoribus Tungrorum), lui livrèrent leur nation tout entière (uniuersam ei gentem dedidere). » Les deux hommes faisant connaître le ralliement (deditio) de leur cité entière à Civilis, on en déduira qu’il ne s’agit pas ici d’officiers – la troupe est d’ailleurs improvisée – mais des dirigeants des Tongres qui seuls étaient habilités à faire une telle chose. Ils ne purent décider seuls de rallier Civilis, et il faut comprendre qu’ils prirent rapidement l’avis de quelques-uns des Tongres les plus influents. Au nombre de deux, il s’agit manifestement d’un collège dont on ignore s’il était constitué de duouiri ou de magistrats héritiers des magistratures indigènes324.
110Les Pictons « auxiliaires » de l’époque préaugustéenne avaient été l’occasion de se pencher sur Atectorix. Les bronzes à son nom sont augustéens, comme le montrent les droits inspirés d’un portrait d’Auguste325 (fig. 54). Le style des monnaies n’a plus grand-chose de gaulois – hormis une certaine lourdeur dans quelques-uns des portraits au droit – et l’iconographie est inspirée de monnaies romaines. Il appert qu’Atectorix, sans doute après le métier des armes, eut des responsabilités chez les Pictons. Les monnaies à son nom ont été trouvées en grande quantité sur le territoire picton326, et dans un assez grand nombre de cités : à Bibracte (Éduens), à Saint-Marcel/Argentomagus (Bituriges Cubes), Quimper (Osismes), à Saint-Seurin-d’Uzet (Santons), au camp d’Amboise (Turons), à Mouliets-et-Villemartin (jonction des Bituriges Vivisques, des Pétrocores et des Nitiobroges). Une magistrature de pagus présenterait une répartition bien plus réduite, et l’on préférera penser qu’il eut des responsabilités au niveau de la cité à l’époque augustéenne.
111Le cursus du Séquane Q. Adgennius Martinus327, gravé en 73 ou 74 et donc réalisé en grande partie sous les Julio-Claudiens, ne nous apprend rien sur les magistratures séquanes avant les Flaviens – son duumvirat est postérieur – mais livre, après analyse de l’onomastique, de précieux renseignements. Nous avons vu que la famille de Martinus avait obtenu la citoyenneté romaine par le droit latin. Un ancêtre de Martinus à l’anthroponyme gaulois forgea ce gentilice sur celui de son père – Adgennos ou Adgennus. Il eut donc pour nomen Adgennius, et pour cognomen son ancien anthroponyme. Le père de Martinus ayant un anthroponyme latin, Urbicus, il devait donc s’agir, au mieux – et selon toute vraisemblance – du père de ce dernier. La citoyenneté romaine étant donnée à celui qui remplissait une magistrature, à ses parents et à ses enfants328, cela put advenir alors qu’Urbicus était né. En tenant compte de diverses hypothèses, on peut proposer la généalogie suivante :

Stemma de Q. Adginnius Martinus :
hypothèse 1 – écart générationnel de vingt-cinq ans

Stemma de Q. Adginnius Martinus :
hypothèse 2 – écart générationnel de trente ans
112Cette citoyenneté romaine fut donc acquise dans une cité de droit latin. Or, on aboutit au règne de Claude et plus vraisemblablement à celui de Tibère puisque, sur sept possibilités envisagées ici, six correspondent à son règne. Et même dans le cas improbable, mais pas impossible, où c’est Urbicus qui aurait reçu la citoyenneté romaine, on pourrait encore sans problème placer sa magistrature avant Claude.
Les Gaulois dans l’armée romaine
113En même temps que la réforme administrative de la Gaule, Auguste réalise celle des troupes auxiliaires. Celles-ci dorénavant pleinement intégrées aux troupes romaines conservèrent une attractivité certaine pour de nombreux Gaulois.
114La tombe de Neuvy-Pailloux329 (Indre) chez les Bituriges Cubes, comme celles de l’époque préaugustéenne, fait partie du groupe dit de Fléré, et est sans doute un des exemplaires les plus spectaculaires. La tombe est cette fois maçonnée, avec un petit couloir et une chambre de 4,92 m sur 4,79 m décorée de fresques du style Pompéien III. Le mobilier dans la chambre montre dans la mort le statut exceptionnel du défunt. L’homme était équipé d’armes dont seule une lance reste identifiable330, et de deux masques-visières de casque, éléments de parade des cavaliers romains le classant dans les cavaliers auxiliaires, sans doute comme officier331. La tombe datant de 40-50, cette activité militaire dut se dérouler entre la dernière décennie du règne d’Auguste au plus tôt et le règne de Claude. Son grade lui donnerait, à cette date, le rang équestre. Ce statut supérieur dans l’armée renvoie à ses origines sociales que l’on devine élevées vu le mobilier. On trouve des bijoux personnels (bague en or et bronze, fibule et sans doute lanterne de bronze), des bandages de fer, vestige d’un char d’apparat réservé à la plus haute aristocratie, qui montrent que les pratiques de cet homme devaient encore beaucoup aux traditions bituriges. À l’identique, les ustensiles de banquet de tradition indigène sont bien représentés avec le nécessaire pour boire (amphorette, plat en bronze et un ensemble exceptionnel de cinquante-sept amphores) et pour manger (chaudron à crémaillère en bronze et fer, trépied, offrandes animales). Puis, un attirail renvoie aux pratiques agricoles qui alimentaient sa richesse et à sa capacité à fournir les éléments céréaliers du banquet : deux meules avec dépôt de grains, une faucille. La tombe a été mise en rapport avec un établissement rural d’un domaine qui devait appartenir au défunt. Cet homme se place donc dans la lignée de ceux évoqués pour la période précédente. Comme eux, il se signale par ses pratiques sociales héritées de la protohistoire : le banquet dans lequel on peut le considérer comme l’organisateur le plus élevé socialement (fig. 55a-b), la mise en scène dans la mort, le char d’apparat. Comme eux il mit ses talents guerriers au service de Rome. Mais il appartient cette fois à une troupe auxiliaire issue des réformes d’Auguste. Les Bituriges étaient de bons pourvoyeurs en hommes, fournissant deux cohortes auxiliaires, la cohors I Aquitanorum Biturigum et la cohors II Biturigum, ce qu’ils étaient, selon la documentation, les seuls à faire en Aquitaine332. Cependant, le défunt de Neuvy-Pailloux ne faisait pas partie de ces cohortes de fantassins. Il appartint donc à une ala ou à une cohors equitata mélangeant les deux armes333.
115Une inscription, commandée en l’honneur du Santon C. Iulius Macer par sa fille Iulia Matrona et son affranchi C. Iulius Primulus (CIL, XIII, 1041, ILA Santons, 14), livre son cursus complet :
C(aio) Iulio Ag[e]dili [f (ilio) Fabi]a Macro [ex ciuitate] / Sant (onum) duplicario alae Atectoriginae [Gallorum]/ stipendis emeritis XXXII aere incisso evocato [Diui Aug (usti)] / Gesatorum DC Raetorum catello Ircauio clupeo / coronis aenulis aureis donato a commilitionib[us suis] / Iulia Matrona f (ilia), C(aius) Iuli (ius) Primulus l (ibertus) h (eredes) e(x) / t (estamento) [fac (iendum) cur (auerunt)].
À C. Iulius Macer, fils d’Agedilus, inscrit dans la tribu Fabia, de la cité des Santons, duplicaire de l’aile atectorigienne des Gaulois, inscrit sur le bronze après trente-deux ans de service, évocat d’Auguste divinisé de 600 Gésates Rhètes dans le castellum d’Ircavium, décoré par ses compagnons d’armes d’un bouclier…, de couronnes et d’anneaux d’or, Julia Matrona, sa fille, C. Iulius Primulus, son affranchi, ses héritiers, ont fait construire ce mausolée suivant son testament.
116L’inscription était sur un mausolée dont la date est estimée à 15-40, ce qui place la naissance du défunt – en supposant une mort tardive, vers 60 ans – entre 45 et 20 av. n. è., ce qui ferait de son père, Agedilos, un jeune contemporain de la conquête, né entre 70 et 45 av. n. è.334. L’expression aere incisso et l’inscription de Macer dans la tribu Fabia, et non dans la Voltinia comme on pourrait s’y attendre, montrent qu’il ne tint pas la citoyenneté romaine de son père qui l’aurait acquise uiritim mais qu’il la gagna à la suite de son service auxiliaire – cette pratique n’était pas alors systématique comme sous Claude. Il réalisa une longue carrière de trente-deux ans comme cavalier, qu’il termina dans l’ala Atectorigiana au grade de duplicaire à la tête d’une turme de trente cavaliers. Il obtint là la citoyenneté romaine, âgé d’environ 50 ans. C’est sans doute lors de la révolte en Pannonie et en Dalmatie en 6-9 qu’il rempila, malgré son âge, à la demande d’Auguste qui lui confia un commandement de Gésates Rhètes équivalant à celui d’un préfet de corps auxiliaire. Il fut alors décoré plusieurs fois. Cette carrière appelle plusieurs commentaires. Iulius Macer ne semble pas issu de la plus haute aristocratie santonne. En effet son père est pérégrin et lui-même n’obtint la citoyenneté romaine qu’une fois démobilisé, à un âge avancé. Il finit ses trente-deux ans de service avec un grade d’officier certes, mais d’une turme seulement, et il lui fallut attendre d’être évocat pour enfin se trouver à la tête d’un corps auxiliaire complet, et encore n’eut-il pas le grade afférent. Lui accorder le grade de préfet lui aurait donné la dignité équestre, ce qu’Auguste – personnellement responsable, selon L. Maurin, de cette nomination à la tête de six cents Rhètes – se sera refusé à faire. L’honneur d’être, dans l’armée, au même niveau que les officiers appartenant à l’ordre équestre, suffisait, et le prince ne comptait pas l’élever aussi dans la vie civile. De sa présence quasiment sans discontinuer sous les enseignes, et de l’absence de toute mention dans l’inscription, on peut être certain qu’il n’eut aucune charge municipale. Sans doute Agedilos n’eut aucune responsabilité de ce type, et on l’imagine facilement dans l’entourage d’une de ces grandes figures connues par la numismatique ou le Bellum Gallicum, peut-être parmi ceux que M. Poux désigne comme convives du premier cercle. Nous avons donc l’exemple d’une vie passée à faire la guerre pour Rome, et sans doute de l’ascension d’un homme de la petite aristocratie grâce à des qualités exceptionnelles qui le menèrent au mieux de ce qu’il pouvait espérer : les portes de l’ordre équestre. S’il avait eu un fils, celui-ci aurait pu tabler sur ses ascendants paternels pour réaliser à son tour une belle carrière, militaire plutôt que municipale, et peut-être aurait-il pu obtenir l’honneur refusé à son père. C. Iulius Macer est donc bien différent de C. Iulius Victor et de C. Iulius Rufus, et devrait plutôt être comparé à l’auxiliaire éduen de Chassenard.
117L’engagement armé chez les Trévires ne se dément pas avec la réforme des troupes auxiliaires menée par Auguste. Les tombes à armes témoignent du maintien de l’engagement trévire dans l’armée romaine, lui-même lié à la proximité du front germanique qui stimulait une vocation martiale et équestre ancienne. Ainsi, pour l’époque augustéenne, la tombe de Feulen (Luxembourg)335 qui semble être celle d’un petit aristocrate, ou bien les tombes A et B de la nécropole de Göblingen-Nospelt (Luxembourg) qui, par leur mobilier, renvoient à un statut bien plus élevé336. La tombe en chambre de Hellange (Luxembourg), quant à elle, est celle d’un officier inhumé avec son casque de parade337. Ce dernier, ayant servi sous Auguste et Tibère, très probablement citoyen romain, provenait de la haute aristocratie trévire. À ces témoignages archéologiques, dont nous n’avons donné qu’un rapide aperçu, il faut ajouter d’autres sources qui permettent d’identifier de nombreux officiers trévires de rang équestre à la période julio-claudienne, en particulier sous Néron338, grâce au récit tacitéen de la révolte de Civilis. L’effet de loupe généré par les Histoires est évident, mais il ne doit pas être exagéré puisque ces données sont confirmées par l’épigraphie et l’archéologie339.
118Les premiers de ces officiers de rang équestre vécurent sous Tibère. Ainsi Iulius Indus dont on considère souvent, nous semble-t-il à tort, qu’il intervint d’abord de manière informelle dans la révolte de Florus et Sacrovir. Certaines ailes auxiliaires étaient nommées d’après un individu340 qui pouvait être le premier à avoir levé la troupe parmi ses dépendants ou les volontaires, ou celui commandant la troupe au moment de la réforme du statut d’auxiliaire sous Auguste. Les Pictons présentent le cas très connu mais unique de l’aile atectorigienne. L’épigraphie fait connaître plusieurs Trévires appartenant à des ailes nommées selon ce système341 mais dont aucune n’est spécifiquement trévire, et les anthroponymes à l’origine de leur dénomination sont italiens (Pansa, Auriana, Petriana, Agrippa), ce qui ne permet pas d’avoir de certitude sur l’origine de ceux qui les ont portés. Seule l’ala Indiana fait exception. Cette aile auxiliaire, connue par l’épigraphie342, est, chose rare, renseignée sur ses origines grâce au récit tacitéen des événements de 21 ap. n. è. :
Et l’on envoya en avant avec une troupe d’élite (delecta manu) Iulius Indus, compatriote mais adversaire de Florus, que cette rivalité rendait plus ardent à bien faire ; face à une multitude encore inorganisée (inconditam multitudinem), il la dispersa (Tacite, Ann., III, 42, 3).
119On considère que c’est lors de cette rébellion trévire menée par Iulius Florus que l’aile fut créée par Indus qui leva des cavaliers de manière impromptue et à titre privé. Ces circonstances expliqueraient que la troupe, d’abord informelle, ait pris le nom d’ala Indiana une fois officialisée par les autorités romaines343. Plusieurs faits s’opposent à ce scénario. La troupe de Iulius Indus n’a d’abord rien d’improvisé. Tacite la qualifie de troupe d’élite (dilecta manu), impliquant qu’elle était formée d’individualités de grande valeur militaire et constituait un ensemble efficace ayant déjà fait ses preuves. Ce savoir-faire est souligné par les troupes de Florus qualifiées, par opposition, de inconditam multitudinem, et qui furent aisément dispersées. De plus, posséder des armes de guerre demande d’être dans l’armée, légions ou troupes auxiliaires. En levant une troupe parmi ses clients, Indus eût abouti au même résultat que Florus – puisque c’est la méthode que ce dernier suivit (Tacite, Ann., III, 42, 1-2) – c’est-à-dire à un rassemblement de recrues inexpérimentées sans aucune chance d’avoir une troupe d’élite comme ce fut le cas. Iulius Indus commandait donc une unité déjà constituée, peut-être cette aile que Florus échoua à retourner (Tacite, Ann., III, 42, 1-2). Le nom de l’ala Indiana put être antérieur à 21, ou plus probablement fut donné à cette occasion, comme le suggérait Mommsen344. Iulius Indus n’était donc pas un civil intervenu sur le champ militaire par le hasard des événements, mais plutôt un soldat, un officier d’aile, un préfet. Que l’action d’Indus ait été très appréciée se voit dans le fait que l’aile a été rebaptisée d’après son nom, mais aussi dans le beau mariage de sa fille Iulia Pacata (CIL, XIII, 3337 ; RIB, 12) qui épousa C. Iulius Alpinius Classicianus, procurateur de Bretagne en 61 (RIB, 12). Leurs deux fils apparaissent durant la révolte de Civilis, en particulier Alpinius Montanus, préfet de cohorte dans l’armée de Vitellius et sénateur trévire (Tacite, Hist., V, 19, 3). Il aurait donc été les deux en même temps. Indus célébra sans doute les faits d’armes qui lui valurent, ainsi qu’à sa famille, gloire et renommée. Et si le mausolée d’un C(aius) Iulius [---] découvert à Bartringen, à trois kilomètres du uicus de Mamer et à quarante-huit de Trèves, n’est pas le sien, il put en faire construire un semblable345. On reconstitue trois niveaux, le premier avec une sculpture d’un combat victorieux de cavaliers contre des Gaulois – identifiables aux torques et aux boucliers losangiques à spina centrale –, le second comprenant les sculptures de deux ou trois personnages en toge. Associé à une uilla, il est daté de la fin de l’époque tibérienne.
120Il y aurait donc des officiers trévires de rang équestre dès Tibère, soit au même moment que chez les Santons avec C. Iulius Victor. Ces officiers trévires sont attestés plus tard sous Claude et Néron. On en ignore les effectifs et leur progression, contentons-nous de constater qu’ils paraissent élevés en 68-70.
121Chez les Véliocasses, dans la nécropole de Pîtres, la structure 68346, d’époque augustéenne, contient un mobilier guerrier important et correspondrait à la sépulture d’un défunt de haut niveau social. Démarquée des autres sépultures, 30 mètres au minimum la séparant du reste de la nécropole, elle ne contient pas de corps décelable, et l’on présume qu’il s’agit d’un cénotaphe347 – mais ce peut être un dépôt secondaire. Tout ce que contient la fosse carrée de 1,60 mètre de côté est détérioré par l’action du feu. L’équipement guerrier, outre un casque en fer, met en avant un glaive au centre d’une composition comprenant son fourreau en bronze, trois lances et autant d’umbos, et un talon de lance. On trouve aussi des restes d’ossements animaux – où se trouvent peut-être ceux du défunt – et de bois carbonisés, des fragments de deux amphores vinaires Pascual 1, d’un gobelet ACO, d’un balsamaire et de nombreux clous de fer et d’éléments inidentifiables. Tout cela rappelle les structures funéraires bituriges et trévires de la période précédente comme de celle-ci. La quantité d’armes importante, le service à boire remarquable pour la région348 et la configuration de la structure le positionnent donc comme membre de l’aristocratie véliocasse sans doute originaire de ce pagus, appartenant au premier ou peut-être au second cercle des convives des banquets aristocratiques (fig. 55a-b). Son armement en fait un auxiliaire, tant l’hypothèse qu’il provienne d’une prise de guerre349 paraît difficilement soutenable en pleine période augustéenne. L’homme est surarmé et on voit mal qu’il ait été autorisé à conserver tout cet attirail sans être auxiliaire. Il est même plus que vraisemblable qu’il fût officier, ce qui montre que l’engagement aristocratique véliocasse, s’il était passé inaperçu durant la période préaugustéenne, est au début de la période augustéenne une réalité.
122Les Éduens sont très peu voire pas documentés pour la période suivant la réduction en cité. Nous avons déjà donné les raisons qui permettent de penser que leurs institutions ne changèrent pas, au moins dans la forme. Ils avaient le plus avantageux des statuts, celui de fédérés, étaient alliés à Rome depuis le iie siècle av. n. è., bénéficiaient du titre exceptionnel de frères consanguins du peuple romain – laissé après 52 av. n. è. –, ce qui leur conférait peut-être des avantages inconnus des autres Gaulois350. De plus, des vergobrets sont attestés depuis la période préaugustéenne chez d’autres peuples, ce qui prouve que l’autorité romaine n’avait pas d’opposition de principe à ce que cette magistrature unique perdure. Il est même possible que les institutions éduennes aient servi de référence aux autorités romaines pour façonner les institutions de certains peuples gaulois. La pérennité de ce statut particulier auprès de Rome se lit dans la réceptivité précoce de l’aristocratie éduenne aux influences romaines telle qu’on l’aperçoit à Bibracte par la construction du bâtiment au plan basilical dès les premières décennies après la conquête351, et un peu plus tard par la fondation d’une capitale Augustodunum (Autun) portant le nom du prince, et bénéficiant du privilège unique de posséder une muraille, marque, en temps normal, de l’obtention du statut de colonie latine. Il a d’ailleurs été proposé que les Éduens aient eu le droit latin dès les réformes augustéennes352. Cependant, aucun élément institutionnel pour l’heure ne le confirme. Des Éduens usèrent assez tôt de l’épigraphie pour célébrer leur famille et ses membres les plus prestigieux, mais sans mentionner les responsabilités qu’ils purent exercer, en matière d’autorité politique dans leur cité ou bien d’exercice militaire. Du moins ces témoignages, s’il y en eut, ne nous sont pas parvenus. Les informations ne sont suffisantes que sur la lignée issue de C. Iulius Eporedirix (CIL, XIII, 2718, 2805) :
C(aius) Iul (ius), C(aii) Magni f (ilius), C(aii) / Epore[d]irigi[s] n (epos) Proculus d(e) s (uo) f (ecit).
C. Iulius Proculus, fils de C. Magnus, petit-fils de C. Eporedirix, a fait faire (ce monument) à ses frais.
C(aius) Iulius Eporedirigis f (ilius) Magnus / pro L(ucio) Iulio Caleno filiio / Bormoni et Damonae / uot (um) sol (uit).
C. Iulius Magnus, fils de Eporedirix, pour son fils L. Iulius Calenus, à Bormo et Damona, s’est acquitté de son vœu.
On envoya ensuite des messagers répandre la nouvelle en Bretagne et dans les Espagnes ; en Gaule on envoya le tribun Iulius Calenus, en Germanie le préfet de cohorte Alpinius Montanus, parce que ce dernier était trévire et Calénus éduen, tous deux anciens partisans de Vitellius, et qu’on voulait les montrer (Tacite, Hist., III, 35, 2).
123Le texte est issu des Histoires de Tacite, et la mission confiée à Iulius Calenus et Alpinius Montanus l’est par Vespasien qui vient de l’emporter sur Vitellius à la bataille de Crémone en 69. Chr. Goudineau a estimé que ce C. Iulius Eporedirix descendait de l’un des deux Eporédorix connus par César353 et a proposé l’arbre généalogique suivant354 :

Stemma descendant d’Eporédorix
124Qu’il s’agisse du vieux chef de guerre capturé en 52 av. n. è. comme l’induit Chr. Goudineau355 ou, selon A. Hostein356, de son jeune successeur, on ne peut avoir de preuve de cette ascendance, et il faut s’en remettre à la vraisemblance et à l’hypothèse de noms familiaux. On ne peut non plus décider duquel il s’agit, tant l’on pourrait trouver des arguments en faveur de l’un ou de l’autre. D’autant plus qu’un des points de départ de la reconstitution est discutable : l’âge et le cursus de Calenus. Il est en effet supputé, en vertu de la mission qui lui fut confiée, qu’il était dans la force de l’âge. Tacite expose les raisons du choix de Calenus : son ancienne appartenance au parti vitellien, il est Gaulois et, Éduen, il doit avoir de l’influence sur les autres Gaulois. Il n’est donc pas question de l’expérience de Calenus, et son grade de tribun – sans doute d’une cohorte légionnaire357 – n’en fait pas nécessairement quelqu’un d’âgé. Bref, Calenus pourrait tout aussi bien être né un peu avant 40 plutôt qu’en 20. Ces remarques n’infirment cependant pas l’hypothèse des deux Eporédorix également issus de la plus haute aristocratie, comme le montrent leurs hautes responsabilités militaires et les termes que César emploie à leur sujet.
125On ignore les cursus des membres de cette famille à l’exception de ceux d’Eporédorix et de Calenus. Cela est d’autant moins compréhensible que le rappel de la lignée montre le désir de mettre en exergue la famille. La dédicace à Bormo et Damona à Bourbon-Lancy, à une soixantaine de kilomètres du chef-lieu éduen, étant un acte de dévotion privée, on peut comprendre qu’il n’y ait pas de rappel de ce type. Mais cela paraît moins explicable pour l’autre inscription placée sur la base d’un monument – peut-être une statue – qui, à Augustodunum, devait se trouver dans un espace public, le forum éventuellement. Peut-être la renommée attachée à cette famille était-elle telle chez les Éduens358 qu’il n’était pas nécessaire d’aller plus loin que la mention des noms attachés à la geste familiale ? Ou bien les responsabilités tenues n’étaient pas de nature politique, mais exclusivement militaires, ce qui placerait Calenus dans la lignée des deux Eporédorix qui furent chacun chef suprême des armées éduennes ?
126Ce Calenus n’est pas le seul des Éduens à s’être engagé dans les armées romaines. Un peu plus tôt, un Éduen qui servit sous les règnes de Tibère et de Caligula, et qui trouva la mort en service, se faisait inhumer à Chassenard en territoire éduen359, vers 30-40, peut-être sur ses terres familiales. L’urne comprenant ses restes carbonisés était accompagnée de tout un attirail militaire et d’un mobilier précieux : un masque-visière de parade, un casque portant une couronne360, une cotte de maille, un glaive et son fourreau décoré, une pointe de flèche, un ceinturon garni de quatre plaques ouvragées représentant Tibère, quatre coins et quelques monnaies – trois, peut-être plus –, un torque en bronze, un bassin, un vase – œnochoé –, une coupe et deux strigiles en bronze, et quelques objets usuels ou décoratifs – une boîte en os décorée, peut-être un style, des outils en silex, des clous ou outils de fer, un coquillage. Son masque montre qu’il s’agit d’un cavalier d’une aile auxiliaire ou de la cavalerie légionnaire puisqu’il était citoyen romain. En effet, le système d’attache de sa cotte de maille portait une inscription graffitée, interprétée comme étant son nom. Sa lecture est difficile, mais on voit qu’il se compose de plusieurs parties ce qui exclut un anthroponyme pérégrin qui serait unique, et oriente vers des tria nomina qui pourraient être, au génitif, A(uli) BLVCII MVCI[IANI]361. Ce mobilier permet de retracer un peu de sa vie. Valeureux, il fut décoré d’une couronne, et peut-être d’un torque362 – à moins que ce ne soit un bijou se rapportant à ses origines gauloises –, et était, à sa mort, responsable de la surveillance d’un atelier monétaire. La richesse de son mobilier et de ses décorations le désigne comme un sous-officier au moins – décurion ou centurion selon qu’il était auxiliaire ou légionnaire –, sans doute même un officier, un préfet d’aile auxiliaire, ce qui ferait de lui un membre de l’ordre équestre. Par certains aspects cette tombe rappelle la tradition funéraire de l’aristocratie gauloise : la sépulture que l’on suppose sur le domaine familial, la vaisselle liée au banquet – mais est-il encore gaulois ? –, l’armement, les objets de prestige – ici les décorations, en particulier le torque. Pour autant, on est loin des tombes du groupe de Fléré : pas d’amphore ni de céramique. Le problème vient surtout de ce que l’homme est mort en service. Il y a fort à parier que, mort vieux, après plusieurs années voire plusieurs décennies de retraite dans sa cité, réinséré dans un réseau social local et municipal, sa tombe aurait eu une tout autre allure. Ici, nous avons surtout un aperçu d’une étape de son parcours.
127La plupart de ces hommes manifestent leur appartenance à la cavalerie, ce qui équivaut à revendiquer un statut social supérieur, puisqu’elle était à l’époque de l’Indépendance l’arme de l’aristocratie. Certains vont plus loin en montrant, par la richesse de leur sépulture, un statut social que l’on comprend exceptionnel. Pour ces hommes on peut inférer un grade élevé dans les troupes auxiliaires, tant il paraît improbable que, appartenant à la strate la plus élevée de leur peuple, ils aient pu être de simples hommes de troupe. Cela suggère qu’en plus d’avoir été officiers dans les troupes auxiliaires, ils purent assumer des responsabilités politiques élevées. Les Santons montrent en effet que les deux aspects, militaire et politique, se mariaient fort bien dans un même cursus, et même se complétaient. On ne sait si C. Iulius Rufus, lors de son inhumation ou de son incinération, était paré d’atours issus de la période précédente, ou s’il avait décidé de prendre des allures plus romaines pour son dernier voyage. À l’inverse, on ignore quelle aurait pu être la sépulture du défunt de Chassenard si celui-ci avait fini ses jours paisiblement et à un âge avancé. Aussi, de la tonalité protohistorique des tombes bituriges ou trévires, il ne faut pas déduire que nous sommes uniquement en face de guerriers et qu’ils ne purent être magistrats. C’est d’ailleurs cette dernière interprétation que nous privilégions pour les tombes les plus riches au moins. Il en est ainsi du défunt de Neuvy-Pailloux, ou bien des officiers trévires, peut-être du Véliocasse de Pîtres – que l’on peut envisager comme un homme rayonnant à l’échelle de son pagus plutôt qu’au sommet de sa cité.
Conclusion
128Après la période d’immobilisme que furent les guerres civiles, vint celle du changement avec l’organisation des provinces gauloises menée par Auguste. Le passage au cadre civique entraîna des changements institutionnels plus ou moins importants. Les monarchies ne survécurent pas à leur dernier représentant, et les modifications ne s’arrêtent pas là. Là où, à l’époque de l’Indépendance, et sans doute encore dans quelques peuples à l’époque préaugustéenne, on pouvait rencontrer des configurations variées, une homogénéisation partielle eut lieu qui, si elle laisse subsister des particularités héritées des institutions indigènes, simplifie le tableau. Les cités sont dirigées par des magistrats uniques, sans trace de collégialité (carte 13). On trouve alors un vergobret chez les Bituriges Cubes, les Santons, les Lémovices, et peut-être chez les Rèmes et les Véliocasses. Les cas lémovice et rème montrent que certaines cités purent l’adopter tardivement, peut-être sur sollicitation de Rome. Si l’on cumule les attestations de ce titre, toutes époques confondues – il est possible qu’ils se soient ajoutés les uns aux autres –, on voit qu’il est, très tôt, de loin le plus fréquent. Le terme magistratus, attesté dans plusieurs cités – abrégé mag. –, est aussi utilisé pour la magistrature suprême, mais avec une fréquence moindre. Ce passage à un vocable latin montrait une volonté de se conformer un peu plus aux canons institutionnels italiens, et devait faciliter l’accession au droit latin. Quant au princeps ségusiave, il pourrait être magistratus, vergobret ou autre, la dimension honorifique du terme empêchant de le déterminer. Le préteur des Bituriges Vivisques, lui, est un cas isolé qui est peut-être lié à l’histoire particulière de ce peuple, quoi qu’il dût à l’origine s’agir d’une duplication du vergobret biturige cube.
129On ignore si la différence entre vergobret et magistratus se limite à la linguistique, s’il y avait une différence de nature et/ou historique, ou simplement chronologique. Tous les cas de figure semblent exister puisque, parmi les peuples qui n’usaient pas du terme « vergobret » durant l’Indépendance, les Lémovices et les Rèmes l’adoptèrent, au contraire des Trévires qui prirent magistratus, tandis que les Bituriges Vivisques, extraits des Cubes, prirent une terminologie romaine là ou les précédents utilisèrent le terme « vergobret ». Il ne semble pas que des cursus spécifiques aient été attachés à ces appellations, puisque la questure coexiste avec le vergobret santon comme avec le magistratus trévire, et que ce dernier est attesté chez les Helvètes pérégrins, comme chez les Trévires sans doute déjà dotés du droit latin. De plus, derrière ce terme magistratus se cachent peut-être des magistratures bien différentes. Par ailleurs, le dannus trévire, attesté à une époque où les Trévires étaient devenus une colonie romaine dirigée par des duouiri, suggère que les institutions au niveau des pagi pouvaient demeurer inchangées, ou tout du moins ne pas être intégralement modifiées, lors de l’obtention du droit latin ou romain, ou du statut colonial. On ignore aussi si l’argantodan est, à l’origine, plus lié à une de ces magistratures suprêmes ou s’il était des institutions de tous les peuples puis cités gauloises. On ne peut déterminer non plus si les argantodans sont tous progressivement remplacés par des questeurs. Cependant, ils ne sont attestés au plus tard qu’au début de la période augustéenne et ils n’apparaissent jamais dans l’épigraphie, ce qui plaide pour la disparition relativement rapide de l’appellation, d’autant plus vite que les cités gauloises perdent la capacité à frapper monnaie dès Auguste, ce qui devait être, à l’origine, leur fonction première.
130L’implication militaire des Gaulois reste notable dans la période ouverte par la municipalisation. Les auxiliaires, désormais réformés par Auguste et pleinement intégrés dans les cadres de l’armée romaine, se recrutent en nombre chez les Bituriges Cubes et les Trévires. Des destins individuels, éclairés par l’archéologie, les textes, en particulier l’épigraphie, montrent que le fait militaire demeurait pleinement associé à l’aristocratie et parfois à l’exercice de responsabilités politiques.
Notes de bas de page
1 Reddé (dir.) 1996, Poux (dir.), 2008.
2 1,4 millions de morts et disparus sur une population de 41 millions, 27 % des hommes de 18-27 ans.
3 Goudineau 1990, p. 308-313. Drinkwater 1978, p. 824 évoque la noblesse gauloise fauchée en grande quantité ; Galliou 2011, p. 83, mentionne 15-20 % de pertes, comparés aux 4 % de Français victimes de la Première Guerre mondiale.
4 Brulé 1999, p. 58-60.
5 Ammien Marcellin, X, 2 ; CIL, V, 7231.
6 Poux (dir.) 2008.
7 GP, p. 100-101.
8 Poux, Feugère, Demierre 2008, p. 212-3.
9 Dechezleprêtre 2008.
10 Metzler chez Poux 2008, p. 412.
11 Deschler-Erb, Pernet, Voirol-Reymond 2008 ; Berger, Helmig 1991.
12 Reddé 2006.
13 Poux 1999 ; Poux, Robin 2000.
14 Reddé 2008, p. 434.
15 Pernet, Poux, Teegen 2008, p. 126-128.
16 Jacques, Prilaux 2008, et p. 56 sur Étrun.
17 Frei-Stolba 1999, p. 32-36.
18 Poux 2005, p. 15-19 propose une fondation en 25-26 ou 13-12 av. n. è.
19 Poux 2008, p. 427-428.
20 Devant l’insistance récente à différencier ces auxiliaires de ceux de l’époque du principat (Reddé 2008, p. 437 ; Pernet 2008, p. 292), nous emploierons des guillemets pour l’époque qui précède la réorganisation augustéenne.
21 Reddé 2008 insiste sur la variété des cas et solutions appliqués par Rome pour assurer une présence militaire.
22 Reddé 2008, p. 437.
23 Martin 2015, p. 155-158.
24 Pernet, Poux, Teegen 2008, p. 128, parvient à cette conclusion au sujet des Éduens en comparant les profils successifs des militaria de Bibracte puis d’Autun.
25 Pline, NH, IV, 106-109. Jacques, Scheid 1990, p. 226-230.
26 Sans doute rebaptisé tributum sous Auguste pour éviter la valeur dépréciative de stipendium. Il était en effet la marque des vaincus et d’une infériorité, tandis que le tributum était un impôt citoyen à l’époque républicaine (sur ces aspects de la politique fiscale des débuts du principat, voir France 2006).
27 Lintott 1981, p. 63-64.
28 DT I, p. 125.
29 Poux 2004, p. 570 ; Riquier 2008, p. 183. Ferdière, Villard 1993, p. 145-146 la plaçait dans le premier quart du ier siècle ap. n. è.
30 Ferdière, Villard 1993, p. 139-147 ; Riquier 2008, p. 183.
31 Bien que sur le territoire carnute, la position de sa sépulture à la limite avec le territoire biturige et la proximité avec les sépultures du « groupe de Fléré » nourrissent un doute sur son appartenance ethnique (Ferdière, Villard 1993, p. 139 ; Poux 2004, p. 101, n. 301 ; Riquier 2008, p. 183, n. 2).
32 Poux 2004, p. 218, 223-224.
33 Quinaire de Caton d’Utique (RRC 462/2) émis en Afrique en 46 av. n. è. et denier de M. L. Palikanus (RRC 473/1) émis en 45 av. n. è. à Rome (Barat 1999, p. 149).
34 Barat 1999, p. 150.
35 Barat 1999, p. 126.
36 Voir p. 243-244.
37 Poux et alii 2007, p. 215 le place dans les « corps auxiliaires de la légion » sur la foi de cette monnaie.
38 Poux, Feugère, Demierre 2008, p. 216-217 le place à la tête des Arvernes.
39 Poux 2004, p. 519-522 ; Riquier 2008, p. 191-192.
40 Riquier 2008, p. 191.
41 RIG, IV, 77 = DT III, 3567 ; DT III, 3568.
42 Fléré-la-Rivière date des deux dernières décennies du ier siècle av. n. è., avec une préférence pour 20-10 av. n. è. (Ferdière, Villard 1993, p. 91-92), plaçant l’activité du défunt dans les vingt-cinq années précédentes ; Dun-sur-Auron pourrait dater de 50-20 av. n. è. (Ferdière, Villard 1993, p. 119).
43 Poux 2004, p. 218. La tombe de Neuvy-Pailloux est postérieure de plusieurs décennies, et la tombe de Dun-sur-Auron apparaît loin dans le classement en raison de l’absence d’amphores, due à l’ancienneté et aux circonstances de la découverte ; les autres marqueurs d’un statut très élevé y sont en nombre important.
44 Ferdière, Villard 1993, p. 112.
45 Beck, Chew 1991, p. 111-118 ; Ferdière, Villard 1993, p. 121-139 ; Perrin 1999, p. 14.
46 Son umbo, circulaire, a longtemps été vu comme germanique (ainsi Ferdière, Villard 1993, p. 136). Or ce type existait en Gaule au ier siècle av. n. è. (Feugère, 2002, p. 96) et serait associé aux troupes auxiliaires (Poux 2008, p. 346-348, 411).
47 Mentionnée dans Poux 2004, p. 265. Objet exceptionnel et très rare, un autre exemplaire figure dans la tombe de Boé en territoire nitiobroge.
48 Ferdière, Villard 1993, p. 124 évoque un sacrifice humain ce qui, pour cette date, est douteux.
49 Poux 2004, p. 223-226.
50 Ferdière, Villard 1993, p. 15-93. La tombe est datée des deux dernières décennies du ier siècle av. n. è. Le défunt vécut à la période préaugustéenne.
51 Ferdière, Villard 1993, p. 107-121. La tombe est datée entre la fin de La Tène D2b (60-30 av. n. è.) et l’ère augustéenne. Le défunt vécut à la période préaugustéenne.
52 Ferdière, Villard 1993, p. 111 souligne que les cerclages de bronze à la base de cette proposition pouvaient appartenir à des récipients.
53 Elles évoquent aussi le statut de pourvoyeur de « denrées céréalières (pains, bière) dans le cadre du festin » (Poux 2004, p. 123).
54 César mentionne les riches mines bituriges (BG, VII, 22, 2). Voir aussi Batardy, Buchsenschutz, Dumasy 2001, p. 146-150.
55 Poux 2008, p. 331.
56 Voir p. 295.
57 Hirtius, VIII, 46, 6, cite Nemetocenna comme lieu d’hivernage, mais il semble que la ville date de l’époque augustéenne. Bedon 2001, p. 84 parle d’une « agglomération sanctuaire » à l’époque césarienne.
58 Voir p. 295-296.
59 Poux 2008, p. 381-384 ; Poux et alii 2007, p. 215-216.
60 Riquier 2008, p. 194-195, tombe S. 9.
61 Metzler, Waringo, Bis, Metzler-Zens 1991, p. 132-133.
62 Sur l’épée et le casque, voir Poux 2008, p. 242 et 331.
63 Il serait, si l’amphore trouvée à quelques mètres de la sépulture lui appartient, un convive du deuxième cercle (Poux 2004, p. 223).
64 Metzler 1984, p. 289-299 ; 2002, p. 182 en particulier ; Metzler et aliii 1998, p. 6.
65 Metzler 2002, p. 182, Poux 2004, p. 218.
66 Poux 2004, p. 223.
67 RIG, IV, 213 = DT I, 657 = DIT IV, S657 A.
68 Cette lecture a, depuis notre soutenance en mars 2013, été confirmée par Fournier 2016.
69 Nombreuses enseignes romaines dans Rebuffat 1997.
70 L.-P. Delestrée et M. Tache décidèrent de cette attribution alors que VORONANT n’était pas encore « apparu » sur le bronze de NVREI MVTINOS.
71 RIG, IV, 164 = DT I, 415 = DT IV, S414 A.
72 LT, 7363, 7976.
73 RIG, IV, 164 = DT I, 415 vient de Bois-l’Abbé (Ambiens), DT IV, S414 A d’Étretat (Calètes), RIG, IV, 213 de Pommiers (Suessions), Vendeuil-Caply (Bellovaques), Amiens (Ambiens) ; DT I, 657 vient des Andelys (Véliocasses) ; DT IV, S657A vient de Fécamp (Calètes).
74 DT IV, p. 41. DT I, 98-99, 664-667.
75 Dussot, Lintz, Vuaillat, 1992.
76 Dussot, Lintz, Vuaillat 1992, p. 26.
77 Le « testament du Lingon » énumère un attirail de chasseur où il n’y a pas de bouclier (Le Bohec, Buisson 1991, p. 20-21, l. 22-27). Lintz, Vuaillat 1987-1988 ne mentionne pas de bouclier dans leur corpus.
78 Lintz, Vuaillat 1987-1988.
79 Pautreau (dir.) 1999, Riquier 2008, p. 182.
80 Pautreau (dir.) 1999, p. 108-109.
81 Pautreau (dir.) 1999, p. 95-96.
82 Poux 2004, p. 218, 223-224.
83 Riquier 2008, p. 183 ; Poux 2008, p. 347-348.
84 Tassaux 1996, p. 153.
85 Tassaux 1996, p. 153.
86 Mommsen 1905-1913, VI, p. 145 ; Birley 1978, p. 368.
87 Riquier 2008, p. 184-188.
88 Riquier 2008, p. 187.
89 Véliocasses : RIG, IV, 154 = DT I, 655, 655 A ; Lexoviens : RIG, IV, 153 = DT II, 2489 ; Aulerques Éburovices : RIG, IV, 65 = DT II, 2432-2433.
90 Un « d barré »- d (Lambert 2003, p. 46) peut le remplacer dans les inscriptions latines.
91 Guihard 2012, p. 134, fait une conclusion comparable, mais propose, par une étymologie germanique (p. 134 n. 487), le sens de simissos publicos.
92 RIG, IV, 262 = DT II, 2487.
93 Lejeune 1985, p. 273.
94 RIG, IV, 207 = DT I 615, 616.
95 Martin 2015, p. 117 recense 27 attestations, toutes manières confondues.
96 Martin 2015, p. 117.
97 RIG, IV, 226 = DT II, 2481, 2482.
98 Sur le duel en gaulois, voir p. 231.
99 Voir p. 230-236.
100 Delamarre 2007, p. 203.
101 RIG, IV, 54 = DT I, 640-641 (ATEVLA/VLATOS) ; RIG, IV, 130 = DT I, 646, 647 (CVPINACIOS/VLATOS).
102 Voir p. 294.
103 RIG, IV, p. 23.
104 Delamarre 2003, p. 323.
105 RIG, IV, 108 = DT II, 2485 : CISIAMBOS / ARGANTODA ; RIG, IV, 262 = DT II, 2487 SIMI[SSOS. PVB]LICOS. GAL / ARCANTODAN MAVPENNOS ; RIG, IV, 263 = DT II, 2486 SIMISSOS. PVBLICOS. LIXOVIO / ARCANTODA. MAVPENOS.
106 Delamarre 2003, p. 54 : arganto- « argent », et dannos « magistrat ».
107 RIG, II-1, E-2, p. 25-37.
108 RIG, II, 1, E-2, p. 33.
109 Lambert 2003, p. 78.
110 RIG, IV, 240 = DT I, 574-575 : ARCANTODAN / ROVECA.
111 RIG, IV, 48 = DT II, 2663 (ARTOIAM) ; RIG, IV, 49 ; DT IV, S2663A (ARTOIAMOS/ NAVMV ARCANTO).
112 Voir p. 301.
113 Delamarre 2003, p. 49-50.
114 RIG, IV, 334 = DT 2435-2436 : BRANO EPPVDVNO.
115 Delamarre 2003, p. 85.
116 DT II, 2431. On peut y ajouter RIG, IV, 64 avec au droit AVLERCO, au revers EBVROVICES ; RIG, IV, 65 = DT II, 2432, 2433 avec au revers ECΘA AVLIRCO III EBVROVIC (en croisant les légende des deux lectures) ; RIG, IV, 151 = DT II, 2430 avec EBVROVICOS au droit et AVLIRCO au revers ; DT II, 2429 avec AVLIRCVS au droit.
117 Voir p. 300.
118 La monnaie portant la légende latine T(itus) POM(peius)/ SEX(tii) F(ilius) ne peut être conservée tant son attribution pose problème. Certains la donnent aux Arvernes, d’autres aux Cavares de Transalpine ou encore à une colonie de cette même province. Impossible donc de s’accorder sur cette monnaie qui montre une influence romaine très prononcée puisqu’aucun élément onomastique de la légende n’a de caractère gaulois. La monnaie à la légende PENNILLI F(ilius) RVPPEΘ(---), pour laquelle on ne peut proposer d’attribution, doit aussi être écartée.
119 Le phonème /f/ a disparu en gaulois (Lambert 2003, p. 46).
120 Voir le cas de Cn. Volunt. RIG, IV, 246. Par ailleurs, il existe encore à cette époque, dans l’onomastique romaine, des duo nomina, dénomination sans cognomen, ainsi Marcus Antonius.
121 RIG, IV, 57 = DT 3226 (= LT, 4805), 3227, 3228 (= LT, 4800).
122 RIG, IV, 217, p. 341.
123 Delamarre 2007, p. 31 le référence sous la forme Atpil (i) os (*Ate-pilio-). La légende étant en latin, il est préférable de considérer que le – i final est la marque d’un génitif et que le nom est Atpilos, voire At(e) pilos qui est attesté sur une monnaie carnute – RIG, IV, 288.
124 DT II, 2438 A. DT développe le second anthroponyme avec une terminaison gauloise en -os, mais l’emploi du latin dans le reste de l’inscription conduit plutôt à proposer Eppud (u) n (us).
125 DT IV, S2437 A.
126 Lambert 2003, p. 30-31.
127 Martin 2015, p. 118-119.
128 Martin 2015, p. 49, 115-120, 354-360.
129 Décomptes à partir de RIG, IV et de DT.
130 Décomptes à partir de Depeyrot 2002-2005. Le nombre de monnaies trouvées pour chacun de ces hommes a été indiqué entre parenthèses.
131 Pour GP 20.2, RIG, IV, 57, 112, 156, sont du même homme. On peut ajouter RIG, IV, 217, à l’iconographie très proche – mais d’exécution différente – à celles de RIG, IV, 57 et 112. DT III, pl. X-XI tient toutes ces monnaies pour éduennes et « sans doute postérieures à la guerre des Gaules ».
132 Pour l’attribution de ces monnaies aux Turons, Troubady 2016.
133 DT III, p. 79 estime ces émissions « sans doute postérieures à la guerre des Gaules ». L’emploi du F, inconnu en gaulois, le confirme. GP, p. 166 précise « La Tène D2b (avant 36 av. n. è.) ».
134 RIG, IV, 156 = DT III, 3223, DT III, 3224-3225, RIG, IV, 112 = DT III, 3229, 3230.
135 RIG, IV, 156 = DT III, 3225.
136 RIG, IV, 54, p. 114 ; Scheers 1983, p. 111.
137 Lambot 2002, p. 87.
138 RIG, IV, 236, 238-244, 333 ; DT I, 565-586.
139 RIG, IV, 241 = DT I, 582-584 ; RIG, IV, 242 = DT I, 577, 579-581 ; RIG, IV, 244 = DT I, 576 ; DT I, 576A.
140 RIG, IV, 236, 238 = DT I, 568 ; RIG, IV, 333 = DT I, 569 ; RIG, IV, 242 = DT I, 577, 580, 581 ; DT IV, S568 A.
141 RIG, IV, 240 = DT I, 574-575 ; RIG, IV, 242 = DT I, 577, 579-581 ; DT I, 582.
142 Même coïncidence entre ses émissions et le territoire civique que pour Criciru (voir p. 297).
143 DT I, p. 22.
144 RIG, IV, 296 = DT I, 634 ; DT I, 633.
145 RIG, IV, 303 = DT I, 626-8.
146 RIG, IV, 310 = DT I, 623 ; RIG, IV, 311 = DT I, 625 ; DT I, 624 ; DT I, 624A.
147 Sur son nom et ses variantes, voir p. 159, n. 295.
148 RIG, IV, 133 = DT I, 558 ; RIG, IV, 134 = DT I, 559, 560 ; DT IV, S560A : ΔΕΙΟΥΙΓΙΙΑΓΟC et quelques variantes.
149 RIG, IV, 158 = DT I, 561 : [D]EIVICIACOS.
150 Delestrée 1996, p. 22.
151 Goudineau, Peyre 1993, p. 191 accepte l’idée de noms « familiaux » chez les Éduens.
152 RIG, IV, 125 = DT I, 547, 548, 549, 550 ; RIG, IV, 126 = DT I, 552, 553 ; RIG, IV, 127 = DT I, 554, 555, 556, 557 ; DT I, 551.
153 Ses émissions présentent une carte de répartition qui coïncide avec le territoire suession, ce qui renforce cette idée (Martin 2015, p. 119, qui relativise cependant).
154 RIG, IV, 225 : POTTINA ; RIG, IV, 312 = DT I, 591 ; RIG, IV, 36-43 = DT I, 601-611 A : ARDA ou ΑΡΔΑ. Nous avons suivi DT II pour qui les monnaies de LVCOTIOS (RIG, IV, 201 = DT I, 592) et de VOCARANT (RIG, IV, 312 = DT I, 591) sont rèmes car, au contraire de RIG, IV, il ne mentionne pas d’incertitude pour l’attribution.
155 Metzler, Gaeng 2009, p. 513-514 ; RIG, IV, p. 353 ; DT II, pl. XXV.
156 RIG, IV, p. 28.
157 RIG, IV, 37, p. 93, Loscheider 1997 ; Loscheider 1998, p. 175.
158 Loscheider 1997, p. 33.
159 RIG, IV, 39, p. 95.
160 RRC, 500/3.
161 Delamarre 2003, p. 51.
162 Martin 2015, p. 128.
163 RIG, IV, 202 = DT II, 2444 = DT IV, S2444 A.
164 DT II, 2443 ([?]VTI[?] = [?]uti[?]) ; RIG, IV, 202 (TVR[?]ATIIVS = Tur[?]ate (i) us) ; DT II, 24440, 2441 (DVNICCOS = Duniccos) ; RIG, IV, 116 (CONTII[?]D[?] = Conte[?]d[?]) ; RIG, IV, 334 = DT II, 2435, 2436 ; DT II, 2437, 2438, 2438 A, 2439 ; DT IV, S2437 A (. RANO EPPVDVNO/VICICNOS ou VICI.F. = (b ?) rano Eppuduno(s) / Vicicnos ou Vici f (ilius) ; RIG, IV, 336 (IICOYDA = Esouda) ; DT II, 2446 (DVLOTA ou SVLOTA = Dulota ou Sulota) ; DT II, 2446 B (ASIIDOMARO = Asedomaro(s) ; DT II, 2445 (TATINIVS/ ANADGOVOMAG-GIVLIOS = Tatinius / G(aios) Iulios Anadgouomag (os).
165 RIG, IV, 224 = DT II, 2465-2474.
166 RIG, IV, suivant Scheers 1979, fig. 3, pl. XIII-XIV qui suit Blanchet 1905, p. 204.
167 DT II, p. 114 « au sud de la Seine, des confins carnutes-éburovices jusqu’au littoral marin ».
168 DT II, 2474 pour la monnaie de PIXTILOS, DT II, 2434 = RIG, IV, 183 (parmi plusieurs) pour la monnaie éburovice.
169 RIG, IV, 279 = DT II, 2475, 2476. Selon Guihard 2012, p. 376, la légende sur le droit serait S]EX. TITIVS. II.
170 Scheers 1983, p. 120 et p. 155 n. 353 sur les prototypes romains qui y sont tous cités.
171 Guihard 2012, p. 142 propose cette nouvelle datation.
172 DT I, p. 133.
173 Delestrée 1996, p. 35.
174 Colbert de Beaulieu 1960, p. 115.
175 Lambert 2003, p. 51.
176 Quelques Gaios Iulios : RIG, IV, 145 = DT III, 3687 ; DT II, 2445 ; RIG, IV, 177 ; DT II, 2358, 2359.
177 Guihard 2012, p. 401.
178 En recoupant RIG, IV 153 et 262-263 et en considérant qu’il s’agit du même personnage, on reconstitue Ma (g) upennos ; Maupennos étant une variante (Delamarre 2007, p. 130 indique *Magu-pennos).
179 Dans le cas, peu probable, où il aurait été roi des Pictons, il dut être le dernier. La monarchie aura alors cédé la place à un régime aristocratique en même temps qu’un successeur lui était trouvé.
180 (Caios) Iulios Durat (ios) : RIG, IV, 145 ; DT III, 3687 ; Viretios/Viredios : RIG, IV, 306 = DT III, 3692 ; RIG, IV, 307 = DT III, 3688 ; RIG, IV, 308 ; DT III, 3689, 3691 ; DT IV, S3692 A. Il n’est pas sûr que RIG, IV, 306 soit une émission de VIRETIOS (RIG, IV p. 471), et DT III, 3689, dont l’iconographie est identique à celle de 3688 (l’exécution diffère légèrement) doit porter la légende hors flan.
181 C’est probable mais pas certain. Voir l’une des restitutions du sanctuaire de Gournay-sur-Aronde au iiie siècle av. n. è. de J.-Cl. Golvin dans Goudineau (dir.) 2006, p. 94.
182 RIG, IV, 249 = DT III, 3690.
183 Togirix : TOGIRIX : RIG, IV, 229 = DT III, 3251 ; RIG, IV, 281 = DT III, 3255 ; RIG, IV, 285 = DT III, 3258 ; RIG, IV, 286 = DT III, 3248 ; DT III, 3249 ; DT III, 3250 - TOG : RIG, IV, 280 = DT III, 3254.
Doci (?) : DOCI : RIG, IV, 137 = DT III, 3252 ; RIG, IV, 227 = DT III, 3253 ; RIG, IV, 228 = DT III, 3245 ; DT III, 3246 ; DT III, 3253A ; IMIOCI : RIG, IV, 185 = DT III, 3247.
184 RIG, IV, 230 qui porte la légende Q SAM est, selon nous, une corruption de la légende originelle Q DOCI / SAM F. Martin 2015, p. 76 pense que ce Q. Sam (?) est le fils de Q. Doci (?) et le petit-fils de Sam (?).
185 RIG, IV, p. 300 qualifie RIG, IV, 185 d’imitation de RIG, IV, 228, opinion suivie par DT III, p. 83 qui ajoute que les légendes de la première sont des déformations de la seconde. Martin 2015, p. 77, n 194 sépare ces monnaies à légende IMIOCI/SAM de la série de Doci (?).
186 Voir p. 289, n. 119.
187 Voir p. 155-156.
188 Voir p. 155. Selon Martin 2015, p. 76-78 le gain de la citoyenneté romaine dans la famille de Q. Doci (?) daterait de son père, Sam (?) dès le début du ier s. av. n. è. dans le cadre des guerres cimbriques au moment où Catamantaloédis gagnait le titre d’ami du peuple romain pour avoir capturé et livré les rois germains. Le fait qu’il n’y ait aucun autre exemple d’acquisition de la citoyenneté romaine si précoce, que les Éduens, grands alliés du peuple romain, n’aient pas bénéficié d’une telle largesse non plus que Catamantaloédis lui-même, rend ce scénario hautement improbable.
189 Martin 2015, p. 40.
190 Scheers 1969, p. 106.
191 CIL, XIII 1040, 1042-1045, 2805.
192 RIG, IV, p. 357.
193 Voir p. 154.
194 RATVMAGOS : RIG, IV, 134 = DT I, 655 (nouvelle lecture) ; RIG, IV, 231 = DT I, 654 ; RIG, IV, 275 = DT I, 653 ; DT IV, S654 A ; DT IV, S655 A ; DT IV, S659 A ; DT I, 659 B. L’interprétation de RATVMACOS/RATVMAGIATIS en tant qu’anthroponyme n’est pas certaine. Guihard 2012, p. 144-145, pense à un toponyme en rapport avec Rotomagus/Ratumagus (Rouen). D’après le rapprochement des deux noms, et le suffixe -ati signant l’appartenance (ex. : Lixovi-atis), il s’agirait d’une référence à un tout petit territoire, interprétation que l’auteur défend aussi pour les monnaies portant Voronantos et Anadgovomagos (p. 146). L’absence de parallèle gêne l’acceptation de cette lecture (Scheers, 1977, n° 683 ; Gauthier 1980, p. 9-10), et les autres cas soutenus par P.-M. Guihard posent parfois de gros problèmes (voir p. 153, n. 256 sur Anadgouomagos comme toponyme). SVTICCOS : RIG, IV, 271 = DT I, 650 ; RIG, IV, 272 = DT I, 651, 652 ; RIG, IV, 273 = DT I, 649 ; RIG, IV, 274 = DT I, 648 ; RIG, IV, 275 = DT I, 653 ; RIG, IV, 332 = DT I, 656 (nouvelle lecture).
195 RIG, IV, 275 = DT I, 655 ; DT IV, S655 A. Voir p. 284-285.
196 DT I, p. 20 ; GP, p. 187 ; Guihard 2012, p. 403.
197 RIG, IV, 80 = DT I, 288, 289.
198 DT I, p. 73.
199 RIG, IV, 80, p. 154.
200 ILA Nitiobroges, p. 11.
201 Voir p. 217, n. 111.
202 Voir p. 289, n. 119.
203 De même que tous les peuples de l’Aquitaine césarienne.
204 Schönfelder 2000 ; 2002 ; Gorgues, Schönfelder 2008. La tombe contenait un char d’apparat à quatre roues décoré de bronze rehaussé d’émail, un équipement guerrier avec casque, bouclier, cotte de mailles, talon de lance et boucle de ceinturon romain (Gorgues, Schönfelder 2008, p. 253 : il doit manquer des pièces à l’ensemble d’origine), le nécessaire pour organiser des banquets et y participer : deux chenets en fer à terminaison zoomorphe, un trépied, des quartiers de sanglier, une soixantaine d’amphores complètes (Dressel 1B et une Lamboglia 2), une corne à boire sertie de bronze, sans doute un seau en bois cerclé de bronze, des céramiques italiques dont de la campanienne, de la sigillée, plus de vingt lampes, un candélabre de fer décoré, une cuve en bois avec deux strigiles. L’origine de certains objets – corne à boire germanique, crémaillère bretonne, vaisselle méditerranéenne, lampe à visage négroïde – montre l’étendue du réseau de contacts du défunt.
205 Schönfelder 2000, p. 63 : « La plus grande connue à l’époque de La Tène. »
206 Gorgues, Schönfelder 2008, p. 253. Le casque (fig. 11e) porte d’ailleurs l’emblème militaire des trois cercles : trois rivets formant un triangle au-dessus de la paragnathide qui porte trois spirales – un triscèle désarticulé – formant un triangle aplati.
207 Selon la typologie dressée par Poux 2004, p. 218, 223-224, le défunt est au sommet de la pyramide sociale.
208 Schönfelder 2002, p. 336.
209 Selon Poux 1999, p. 66-69, 2008, p. 373-376, ce type de boucle, d’origine méditerranéenne, est un marqueur militaire.
210 Pernet 2010, p. 159.
211 Ainsi le Sénon Cavarinos (p. 217-218) et le Carnute Tasgétios (p. 218-219), que César a fait rois, sont de famille royale, et Adiatuanos qui fut conservé avec son titre.
212 Riquier 2008, p. 196 : une tombe sur trois chez les Turons, une sur deux chez les Bituriges.
213 Reddé 2010, p. 81-83. Wolters 1990, p. 109-128.
214 Voir p. 227-228. Birley 1978, p. 369 ; Pernet 2010, p. 33.
215 Ce qu’il rapporte de l’Allobroge Abducillus et de ses fils est éclairant, BC III, 59 : « Il y avait parmi les soldats de César, dans la cavalerie, deux frères, Roucillus et Ecus, fils d’Abducillus, qui avait été pendant de longues années à la tête de sa nation (principatum in ciuitate) ; c’étaient des hommes d’un courage extraordinaire, de qui César avait éprouvé, dans toutes les campagnes des Gaules, les services éminents et la très grande vaillance. À cause de cela il leur avait donné dans leur patrie les plus hautes magistratures (amplissimos magistratus), il s’était occupé de les faire nommer à titre exceptionnel membre du sénat (extra ordinem in senatum legendos), il leur avait distribué des terres gauloises prises à l’ennemi ainsi que de grosses récompenses en argent, et, de pauvres qu’ils étaient, il les avait rendus riches. »
216 Trois bronzes des Parisii et périphériques d’après DT : RIG, IV, 13 = DT I, 675-676 (AΘIIDIACI/A.HIR. IMP – bronze des Parisii et périphériques selon DT) ; RIG, IV, 187 = DT I, 677 (INIICRITVRIX/A.HIR. IMP – bronze des Parisii et périphériques selon DT) ; RIG, IV, 119 = DT I, 678 (CORIARCO[?]CA/A.HIR. IMP) ; DT I, 679 (]CARIVS[ou]CARIOS[/A.HIR. IMP – bronze des Parisii et périphériques selon DT) ; RIG, IV, 191 (ATTAMOC / AΠAMOC ou AΠAMOS / ATTALVC/L.MVNAT) ; RIG, IV, 209 (. TALLV/MVNAT – bronze rutène).
217 Drinkwater 1983, p. 19, p. 131.
218 Vanderhoeven 1996, p. 218-221 ; Reddé 2008, p. 435.
219 Allain, Fleuriot, Chaix 1981 ; RIG, II, 2, L-78.
220 Lejeune 1985, p. 275, n. 22.
221 Allain, Fleuriot, Chaix 1981, p. 18.
222 Allain, Fleuriot, Chaix 1981, p. 26 : 3 410 kg de viande (15 porcs, 12 bœufs et 9 caprinés). Le type et la contenance des récipients à liquide ne sont pas précisés, mais il est évident que chacun d’entre eux contenait plus que pour une seule personne.
223 Tuffreau-Libre 1992, p. 35-36 sur le gobelet ACO (céramique plombifère), p. 39-41 sur le gobelet de Bavay (terra rubra de la céramique gallo-belge ; voir le modèle en bas à droite de la planche p. 41 à comparer avec celui de la publication).
224 Lambot 2000, p. 34-35, Lambot, Friboulet, Méniel 1994, p. 164.
225 Allain, Fleuriot, Chaix 1981 mentionnent V(N ?) EGTA p. 21, puis Uegtai p. 24. RIG, II, 2, L-78 ne retient, à raison, que]vegta – le fragment précédant le V étant vierge, il n’y a pas de raison de douter de l’initiale qui est bien un V sans rien devant. La notation II vaut pour E.
226 Delamarre 2003, p. 309.
227 On trouve le même, inversé et répété autour du mot uercobreti sur le graffite véliocasse de Pître – voir p. 320.
228 RIG, IV, 65 = DT II, 2432-2433. Le terme ECTA apparaît dans DT II.
229 Voir p. 321-322.
230 Maurin 1978, p. 150-151 sur la curatelle des citoyens romains et le flaminat augustal de C. Iulius Marinus.
231 Mowat 1888.
232 Mowat 1888, p. 123.
233 Scheid 1991, p. 53 ; Van Andringa 1999, p. 434 ; Van Andringa 2002, p. 214-218. Cette association entre flaminat et promotion au droit latin ou romain ne vaudrait pas pour tout le monde romain, si l’on en croit Jacques 1990, p. 23-24, 28, qui cite un flamine à Lepcis Magna, dans une cité encore pérégrine.
234 Proposition reprise par Lamoine 2009.
235 Dondin-Payre 1999, p. 152.
236 C’est le cas, cité dans Van Andringa 2002, p. 215, de M. Valerius Severus, ancien suffète qui, quand Volubilis passe au droit latin sous Claude, devient duumvir et premier flamine de son municipe, tandis que sa femme devient première flaminique (IAM 2, 448 ; Jacques 1990, n° 14, p. 35-37).
237 Van Andringa 2002, p. 219 : le prestige de cette prêtrise conduit à ce qu’elle soit obtenue en fin de cursus ou dès le départ si on vient d’une grande famille, mais dans ce cas les charges de début de cursus municipal ne sont pas remplies et encore moins mentionnées.
238 Le cursus de M. Valerius Severus (voir n. 236) présente à Volubilis, en Maurétanie Tingitane, une succession des charges comparable – avec l’édilité en lieu et place de la questure de Marinus, obtenue dans une cité pérégrine : édile, sufète, duumvir, premier flamine.
239 ILA Santons, 10.
240 Chastagnol 1994, p. 10 ; Chastagnol 1995 p. 187-188.
241 Christol 2005-2006, p. 431-432 ; Christol, Fiches, Gasco, Michelozzi 2005-2006.
242 Voir p. 322-327, et Arbabe, 2018.
243 Grannos est une divinité des eaux bienfaisantes (Lacroix 2007, p. 149-155).
244 Voir p. 236.
245 Delamarre 2007, p. 90.
246 On peut évoquer le bassin de Bibracte dont le dessin (Goudineau, Peyre 1993, p. 42) présente une belle correspondance.
247 Dondin-Payre 1999, p. 143 y voit un « cas douteux ».
248 RIG, II-2, L-84 ; Decaens 1980 ; Varoqueaux 1982.
249 RIG, II-2, p. 223.
250 CIL, XIII, 10010, 2008 ; Oswald 1983, p. 329.
251 Cernay-lès-Reims, à cinq kilomètres de Reims, est un important centre de production de céramiques gallo-belges à l’époque augustéenne (Tuffreau-Libre 1992, p. 146-147).
252 CIL, VI, 2926 (Tertius Vercobius Surus).
253 Hiernard 1997 ; ILA Bordeaux, p. 19-28 ; Barraud, Sireix 2010, p. 164.
254 Configuration proposée pour le préteur des Volques dans Christol, Fiches, Gasco, Michelozzi 2005-2006, p. 419-420.
255 Jullian 1920-1926, IV, p. 337-338 ; Lejeune 1968-1970 ; Chastagnol 1995, p. 187 ; Lamoine 2009, p. 116-132, fait un résumé des positions sur les préteurs.
256 Christol 2005-2006, p. 435.
257 ILA Bordeaux, p. 224.
258 On peut ajouter hors de notre espace d’étude un mag () des Consoranni (CIL, XIII, 5) au centre d’une étude sur ces magistratus (Arbabe, 2018). Nous y renvoyons pour une démonstration plus détaillée.
259 AE, 1929, 173, BRGK, F 322.
260 Keune, Steinert, TZ, 1926, p. 157-161 (non uidi, mais propositions reprises dans BRGK, 17, 1927, 322).
261 Par exemple Meyers 1964 p. 114, Wolff 1977, p. 213, Dondin-Payre 1999, p. 175, Burnand 2006, p. 232. Wightman 1985, p. 56, voit en ce magister l’équivalent trévire du vergobret, ce qui découle d’une position identique.
262 Pour la clarté de l’exposé, nous avons gardé dans un premier temps le développement mag (ister) originel dans AE, 1929, 173, CIL, XIII 5093 et 11478.
263 Demougin, PCJ, 231 opte pour une magistrature de pagus et Burnand 2006, p. 232 la qualifie de « difficilement explicable, surtout dans le contexte d’une cité de droit latin ».
264 Meyers 1964, p. 115 ; Wolff 1976, p. 52, p. 113, n. 201 ; Wightman 1985, p. 56.
265 Scheid 1991, p. 48.
266 Van Andringa 2002, p. 220-221.
267 Cela doit être relativisé pour les institutions des cités italiennes où il n’est pas rare que la questure soit remplie et même réitérée plusieurs fois après la magistrature suprême (par exemple CIL, IX, 441).
268 Raepsaet-Charlier 1999, p. 311-315.
269 Mais pas systématique comme en témoigne la troisième occurrence (Dondin-Payre 1999, p. 167-168), CIL, XIII, 7555a.
270 On en dénombre pour l’heure une vingtaine environ.
271 Le magister pagi est bien attesté, dans les provinces gauloises et plus largement dans le monde romain.
272 CIL, XIII, 412, 604 ; 1670 ; 2507 ; 4316 ; Schenck-David 2014, p. 321.
273 Van Andringa 1999, p. 430.
274 Scheid 1991, p. 53 ; Van Andringa 1999, p. 434 ; Van Andringa 2002, p. 215-218. Van Andringa 2002, p. 218, date ainsi l’apparition du flaminat chez les Riédons, au siècle suivant, de l’obtention du droit latin.
275 Wolff 1977, p. 241-242 ; Le Roux 1992, p. 185 ; PCR 629 ; Chastagnol 1995, p. 173 ; Lamoine 2009, p. 197. Le Roux 1992 suggère néanmoins p. 185-186 la possibilité d’une datation sous Auguste. Comme l’inscription qui nous intéresse ici montre que les Trévires eurent le droit latin avant le statut de colonie, il nous semble que la proposition de P. Le Roux placerait l’obtention du droit latin trop précocement, à moins d’envisager que ces deux modifications de statut aient été réalisées par Auguste à quelques années ou décennies d’intervalle seulement.
276 Wolff 1977, p. 213, n. 36 qui la place « in die frühe Kaiserzeit », est suivi par Wightman 1985, p. 56, et par Van Andringa 1999 p. 430 (1-30 ap. n. è.). Burnand 2006, p. 231-232 pense au milieu du ier siècle, tandis que Dondin-Payre 1999, p. 175 indique ier ou iie siècle.
277 Voir p. 154.
278 Frei-Stolba 1999.
279 CIL, XIII, 5093 ; Frei-Stolba 1999, p. 74 n. 232 ; PME I 38 ; PCR 692. L’inscription 5094, au contenu identique, fournit une autre occurrence pour mag (). Seul le dédicant change, il s’agit de sa fille Iulia Festilla.
280 Frei-Stolba 1997, p. 265 souligne qu’euocato ne correspond pas aux euocati Augusti, mais signifie que l’empereur lui confia un second commandement.
281 CIL, XIII, 11478.
282 Wolff 1989a, p. 6, n. 10 ; Liertz, 1998, p. 34-36 ; Frei-Stolba 1999, p. 75-78.
283 Ces points ayant été exposés dans Frei-Stolba 1999, p. 74-78, nous pouvons faire l’économie d’un exposé plus détaillé.
284 CIL, XIII, 5093, Avenches, Helvètes ; Frei-Stolba 1999, p. 74 n. 232 ; PME, I, 38 ; PCR, 692, cité p. 325. CIL, XII 5094, au contenu identique, fournit une autre occurrence pour mag (ister). CIL, XIII, 11478, Avenches, Helvètes : D(ecimus) Iul (ius) C(aii) f (ilius) Fa[b (ia) / Consors sac (erdos) / Augustal (is) mag (ister) / cur (ator) c (iuium) R(omanorum) conven (tus) / Hel (uetici) ex vis[u]. Selon Van Berchem 1969, C. Iulius Camillus et D. Iulius Consors sont jumeaux.
285 Pekáry 1967, p. 83-89 ; AE, 1967, 326 ; Frei-Stolba, Bielman 1996, n° 1, donne le développement suivant : [---]dio Quir (ina) [Fl]auo, magis[t]r[o sacrorum / aug]us[t (alium ?), cu]ratori ciuium R(omanorum), sa[c]erd[oti---] / [c]iuitas Hel (uetiorum).
286 À notre connaissance, Van Andringa 2002, p. 214, est le seul qui – dans le fil d’un paragraphe et sans s’y arrêter – fait une remarque allant dans ce sens au sujet des inscriptions helvètes.
287 Occurrences en Gaule – responsabilités politiques ou administratives seulement, Narbonnaise comprise : CIL, XII, 5370, Moux (magistri pagi) ; XIII, 412, Hasparren, Tarbelles (pagiq (ue) magister), 1670, Lyon (magister pagi), 2507, Belley, Ambarres ([m]acistro p[agi]) ; AE, 1969/1970, 388, Bram, Carcassonne (magistri uici Eburomagi) ; 2001, 1317, Vallauris, Antipolis (magister pagi Cantabe).
288 La chose, relevée pour l’Afrique (Aounallah, 2001, p. 185-190), est valable pour les autres provinces. Certaines inscriptions pourraient laisser la place à une telle interprétation, mais sans que cela ne puisse être démontré.
289 Tarraconaise : CIL, II, 2633, AE, 1979, 377 ; Galatie : AE, 2009, 1474 ; Pannonies : CIL, III, 3585 ; Mésie : AE, 1991, 1376 ; Afrique proconsulaire : CIL, VIII, 12421, 17512, 23876 (lecture controversée, voir Belkahia, Di Vita-Evrard 1995, p. 268, et Beschaouch 2001), AE, 1992, 1803 ; Germanies : CIL, XIII, 8772.
Les seules exceptions que nous avons recensées sont, en Mésie, à Tropaeum Traiani où une inscription votive (AE, 1980, 795) postérieure à l’attestation de duouiri (CIL, III, 12465-12466) montre un μαγίστρατος, et en Numidie (CIL, VIII, 5884) où Sila, qui appartenait à la confédération cirtéenne et n’avait pas statut de municipe, avait un magistratus et un ordo propre.
290 Melchor Gil, 2011, p. 154-157. AE, 1979, 377, daté de 87 av. n. è., et CIL, II, 2633 de 27 ap. n. è.
291 Organisés en provinces sans doute par Domitien en 84 ou 85 ap. n. è. (Raepsaet-Charlier 1998, p. 163).
292 Raepsaet-Charlier 1999, p. 279 ; Willems, van Enckevort, 2009, p. 109.
293 Aounallah, 2001, p. 185-190.
294 AE, 1991, 1376.
295 Voir p. 227.
296 CIL, XII, 4234, Béziers, très fragmentaire, pourrait porter [omnibus magi]stratibus c[oloniae … functo].
297 Arbabe, 2018.
298 AE, 1968, 321 = AE, 1976, 505 ; la restitution est celle de Wolff 1977, p. 206-212, suivie par Demougin (PCR 629 et Demougin 1995, p. 191-192) ; Burnand 2006, n° 75. PME C 112 et Dondin-Payre 1999, p. 175 conservent l’hypothèse originelle de Alföldy 1968, p. 188, n° 69 du gentilice Claudius. Dondin-Payre 1999, p. 162 prend, sous les conseils de Van Andringa 1999, la correction de Wolff 1977, p. 210, qui ajoute le duovirat.
299 Voir p. 324.
300 Il apparaît en toutes lettres dans CIL, XIII, 3693.
301 Dondin-Payre, Raepsaet-Charlier 1999, p. Viii.
302 Lambert 2003, p. 31 ; Delamarre 2003, p. 135-136 : argantodanos ; platiodannus ; cassidanno(s).
303 Duval 1971, p. 788 ; Dottin 1920, p. 213.
304 Dondin-Payre 1999, p. 181-184.
305 Wolff 1989b, p. 268 y voit une sorte d’édile local.
306 Dondin-Payre 1999, p. 225.
307 Dondin-Payre 1999, p. 186.
308 Lamoine 2009, p. 84-88.
309 Lamoine 2003, p. 192.
310 Dondin-Payre 1999, p. 187.
311 Lamoine 2003, p. 191.
312 Il précise que le I pourrait être la haste d’une autre lettre, et le R un P – ce dernier point paraît peu probable : – px – n’apparaît dans aucune entrée dans Delamarre 2003.
313 Changarnier, Mémoire de l’académie de Dijon, 1926. Selon J.-B. Colbert de Beaulieu, Changarnier en possédait sans doute deux exemplaires au moins.
314 Scheers 1983 ; RIG, IV ; GP ; DT 2002-2008.
315 Lambert 2003, p. 48.
316 Delamarre 2007 indique des formes originaires d’Hispanie dont certaines ne sont en fait pas des anthroponymes, ainsi Arganticaeni (AE, 1965, 109), partie d’un ethnonyme (Hily 2007, p. 100).
317 Avis suivi par Lamoine 2009, p. 200 n. 56.
318 Colbert de Beaulieu 1960, p. 122 : droit avec tête à gauche, revers avec cheval à droite avec annelet sous lui.
319 DT ne mentionne que AMBACTI, mais ARG est bien visible sur la photo de RIG, IV.
320 PCR 415 ; Bedon 1993, p. 115 ; Burnand 2006, p. 96 ; Van Andringa 2002, p. 210.
321 Plutôt que Couribocalus lui-même comme le pense R. Bedon. Les prénoms, Caius pour le père, Titus pour le fils, rendent plus vraisemblable le gain de la citoyenneté par le premier. De plus, si Couribocalus était contemporain des guerres civiles, on aurait la questure dès 20 av. n. è. voire la décennie suivante. Or la cité tricasse n’existe alors probablement pas, et quand bien même, cela paraît anachronique – magistrature indigène ou non.
322 Pour Chastagnol 1995, p. 187, il s’agit bien d’une magistrature pérégrine dont seul le nom est romain.
323 PME C 150, Batave, préfet d’une aile batave.
324 Doit-on dans ce cas rapporter cela à la dyarchie éburonne ? Les Tongres furent créés en partie du territoire et du peuple éburon. Mais, selon César, le peuple éburon fut massacré et ses institutions disloquées. Il y a peu de chance que l’organisation territoriale en deux ensembles y ait survécu.
325 DT III, p. 176.
326 RIG, IV, 51.
327 CIL, XIII, 1674-1675. Voir p. 149.
328 Voir AE, 1986, 333, Lex Irnitana, cap. 21.
329 Beck, Chew 1991, p. 119-129, Ferdière, Villard 1993, p. 156-204.
330 Beck, Chew 1991, p. 119 juge, d’après la publication originelle (1845), qu’il y avait une épée, mais Ferdière, Villard 1993 p. 196 estime impossible de caractériser les fragments ferreux et ne mentionne, de manière assurée, qu’une lance
331 Beck, Chew 1991, p. 23.
332 Tassaux 1996, p. 154 ; Gayet 2006, p. 73-76.
333 Tassaux 1996, p. 153-154 et Gayet 2006 pour la liste des cohortes et ailes issues de l’espace gaulois.
334 Bedon 1999, p. 222 estime qu’il est en activité à l’époque de la conquête.
335 Metzler et alii 1998, p. 2-3 ; Poux 2004, p. 565.
336 Metzler 1984, 2002 ; Metzler et aliii 1998, p. 6.
337 Reinert 1993, p. 181-183 ; Krier, Reinert 1991, p. 130-151.
338 Anonyme, préfet de cohorte, d’aile, et tribun de légion (CIL, XIII, 4030 a et b). [---] Priscus, préfet de cohorte (AE, 1929, 173). Ti. Iulius [Conted]dius Tiber[inus], préfet ad ripa[m Rheni], préfet des ouvriers (AE, 1968, 321 = AE, 1976, 505). C. Antestius Seve[rus], préfet des ouvriers, de cohorte, tribun de légion (CIL, XIII, 6812 ; Devijver (PME) et Demougin (PCR) le pensent Italien). Iulius Classicus, préfet d’aile (Tacite, Hist., II, 14 ; IV, 55, 57-59, 63, 70-72, 74-79 ; V, 19-21 ; Flavius Josèphe, La guerre des Juifs, VII, 80-81). Alpinius Montanus, préfet de cohorte (Tacite, Hist., III, 35 ; IV, 31, 32 ; V, 19). Claudius Sagitta, préfet d’aile (Tacite, Hist., IV, 49 PME C 181-182, selon Devijver (PME) peut être italien).
339 Metzler, Gaeng 2009 sur la nécropole trévire de Göblingen-Nospelt ; sur la tombe de Hellange d’un cavalier, sans doute officier, datée de 40, voir Reinert 1993, p. 181-183 ; Beck, Chew 1991, p. 130-151.
340 Birley 1978.
341 AE, 1960, 127 : Ti. Iulius Acutus de l’ala Pansiana ; CIL, III, 14349, 8 (k151) : Reginus de l’ala Auriana ; CIL, XIII, 11605 : Fittius de l’ala Petriana ; CIL, XIII, 6235 (k121) : Partus de l’ala Agrippiana.
342 CIL, XIII, 6230 (k411) ; 8519.
343 Version suivie par Drinkwater 1978, p. 820, Le Bohec 1999, p. 698, Gayet 2006, p. 91.
344 Mommsen 1905-1913, VI, p. 145.
345 Kremer 2009.
346 Dechezleprêtre, Adrian, Roudié 2008 ; Dechezleprêtre 2009.
347 Dechezleprêtre, Adrian, Roudié 2008, p. 29 se prononcent en faveur de cette solution.
348 Dechezleprêtre, Adrian, Roudié 2008, p. 27.
349 Dechezleprêtre, Adrian, Roudié 2008, p. 29.
350 Hostein 2012, p. 360-361, relie les ateliers de fabrication d’armes en territoire éduen, attestée au iie ou iiie siècle par la Notitia Dignitatum, et les clauses du traité liant depuis le iie siècle av. n. è. Éduens et Romains.
351 Szabó 2007, p. 404.
352 Hostein 2012, p. 379-419.
353 Goudineau, Peyre 1993, p. 190.
354 Voir également Hostein 2010, p. 51-53. La date indiquée en caractères droits est celle de la naissance proposée par Christian Goudineau, la date en italique est celle proposée par Antony Hostein.
355 Il ne prend pas ouvertement position, mais cela découle de la date de naissance donnée à Eporédorix (100 av. n. è.) qui ne peut correspondre, dans les profils qu’il trace des deux Eporédorix, qu’à celui qui est mentionné lors de sa capture en 52 av. n. è.
356 Hostein 2010, p. 53.
357 PME 137 ; PCR 669 ; Burnand 2006, p. 244 précise qu’il devait commander une cohorte stationnée sur le Rhin ; Goudineau, Peyre 1993, p. 19, et Hostein 2010, p. 52, mentionnent son appartenance à l’ordre équestre, ce qui n’est pas incompatible avec un tribunat légionnaire, mais peut-être pensaient-ils à un tribunat auxiliaire ?
358 Voir p. 185 sur les superlatifs employés par César au sujet des deux Eporédorix.
359 Beck, Chew 1991, p. 14-107.
360 Cette couronne, mentionnée lors de la découverte, a disparu (Beck, Chew 1991, p. 25).
361 Beck, Chew 1991, p. 43.
362 La statue du « guerrier de Vachère » montre un auxiliaire gaulois équipé, comme le défunt de Chassenard, d’une cotte de maille et d’un torque qu’il porte autour du cou et qui n’est donc pas, dans ce cas, une décoration. Sur cette statue, voir Barruol 1996.
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