• Contenu principal
  • Menu
OpenEdition Books
  • Accueil
  • Catalogue de 15412 livres
  • Éditeurs
  • Auteurs
  • Facebook
  • X
  • Partager
    • Facebook

    • X

    • Accueil
    • Catalogue de 15412 livres
    • Éditeurs
    • Auteurs
  • Ressources numériques en sciences humaines et sociales

    • OpenEdition
  • Nos plateformes

    • OpenEdition Books
    • OpenEdition Journals
    • Hypothèses
    • Calenda
  • Bibliothèques

    • OpenEdition Freemium
  • Suivez-nous

  • Lettre d’information
OpenEdition Search

Redirection vers OpenEdition Search.

À quel endroit ?
  • Éditions de la Sorbonne
  • ›
  • Histoire moderne
  • ›
  • La permanence de l’extraordinaire
  • ›
  • Troisième partie. Violences et émancipat...
  • ›
  • Chapitre 7. Publicité, équité, consentem...
  • Éditions de la Sorbonne
  • Éditions de la Sorbonne
    Éditions de la Sorbonne
    Informations sur la couverture
    Table des matières
    Liens vers le livre
    Informations sur la couverture
    Table des matières
    Formats de lecture

    Plan

    Plan détaillé Texte intégral « Populaires donc, les révoltes anciennes, mais pour autant, sont-elles vraiment politiques ? » L’impôt, objet politique Chiffrer et déchiffrer l’impôt : publicité et participation Équité fiscale et ordre social Consentement des contribuables et droit d’imposer : sujétion et redevabilité Concurrences normatives et élaborations politiques Notes de bas de page

    La permanence de l’extraordinaire

    Ce livre est recensé par

    Précédent Suivant
    Table des matières

    Chapitre 7. Publicité, équité, consentement : redéfinitions du pouvoir

    p. 289-327

    Texte intégral « Populaires donc, les révoltes anciennes, mais pour autant, sont-elles vraiment politiques ? » L’impôt, objet politique Accéder aux revendications : paroles de sujets, paroles d’avocats Chiffrer et déchiffrer l’impôt : publicité et participation « Que l’on manifeste véritablement et expressément la quote assignée par l’Empire » Lutte des chiffres et concurrence des comptabilités (milieu xviie-milieu xviiie siècle) Publicité et reddition de comptes (seconde moitié du xviiie siècle) • L’ère du soupçon : confiance, fidélité et publicité dans la seigneurie de Gera, 1763-1778 • De la « communication » à la reddition de comptes (Schönburg 1778-1797) Mémoire des conflits et évolution de l’exigence de publicité Équité fiscale et ordre social Équité, conformité et statut social : la chevalerie face à l’impôt d’Empire Équité et ordre social à la fin du xviiie siècle : répartir l’impôt • Franckenhausen, 1793 : « Ce n’est pas le titre, mais le bien qui doit être la mesure, si l’on ne veut pas agir de manière inéquitable » • Schönburg, 1791-1797 : « Il ne peut exister véritablement qu’une seule équité » Consentement des contribuables et droit d’imposer : sujétion et redevabilité Consentement et jus collectandi (Reuss-Greiz, 1715) Consentement, arbitraire et tyrannie (Gera, 1774 ; Schönburg, 1778-1790) Concurrences normatives et élaborations politiques Notes de bas de page

    Texte intégral

    [Les sujets] ne veulent s’accommoder ni se résoudre à l’acquittement d’aucun impôt ni aucune charge d’Empire, […] et de cette manière veulent s’arroger indûment une liberté si absurde qu’à aucun peuple dans tout le Saint-Empire romain germanique, ni même presque sous le soleil, il n’en est accordée ni concédée de pareille1.

    1Les chapitres précédents ont permis de comprendre la dimension politique de la révolte sans la rabattre ni sur un éternel retour, ni sur un folklore a- ou infrapolitique, de comprendre l’action collective comme rationnelle en finalité et en valeur, de l’appréhender comme un processus constructeur et non comme un simple frein à une construction politique, car les interventions collectives contre l’impôt participent à élaborer un pouvoir qui n’est pas assignable aux seules autorités. Il faut maintenant appréhender les revendications portées par ces refus d’impôt, moins pour évaluer la « réussite » des actions collectives en établissant la liste des exigences satisfaites et non satisfaites, que pour en dégager la portée politique et analyser leur circulation dans l’espace et leur évolution dans le temps. Cela requiert de se départir des discours qui pensent l’espace public sans, voire contre le peuple2. Ce chapitre s’efforce donc de restituer les constantes et les glissements des revendications antifiscales en fonction des univers sociaux ; il s’emploie à observer la circulation des revendications dans l’espace, entre « pays » ; enfin, il tente de rendre compte de ce qui, sur le long terme, change et ne change pas. Cette triple circulation sociale, spatiale et temporelle doit permettre de comprendre combien la fiscalité en général et la fiscalité d’Empire en particulier sont un point de cristallisation essentiel des rapports sociaux et politiques : l’impôt d’Empire porte en lui l’assentiment au pouvoir, le classement du monde social et l’ensemble de l’organisation politique impériale. Refuser l’impôt d’Empire, c’est toujours mettre en discussion la nature du pouvoir, depuis l’ensemble du corps impérial jusqu’à la communauté locale.

    « Populaires donc, les révoltes anciennes, mais pour autant, sont-elles vraiment politiques3 ? »

    2Les revendications portées par les sujets et les contre-argumentations des autorités posent la question de la nature politique des soulèvements populaires. Longtemps considérés par l’historiographie comme intrinsèquement réactionnaires, parce que fondés sur la mobilisation des « anciens droits » (alte Rechte4), les soulèvements populaires, a fortiori ruraux, ont été analysés dans le cadre d’une vision rétrospective qui, soit les analysait comme des révoltes « primitives », soit les rabattait sur une rupture malencontreuse, individuelle et toujours exceptionnelle, de l’harmonieuse complémentarité des classes et des ordres5. La vision primitiviste a paradoxalement connu un apogée avec la conception de la « politisation » comme apprentissage, elle-même étroitement corrélée à l’idée d’une diffusion du haut vers le bas du corps social. Cette vision pyramidale est à son tour nouée à une acception de la « politique » pour le moins restrictive. Ainsi Maurice Agulhon :

    La politisation des campagnes c’est, logiquement, la pénétration dans les campagnes de la politique. Mais qu’est-ce, à son tour, que la politique ? Nous avons peut-être trop tardé à l’expliciter : nous parlons de la politique moderne, la nôtre, c’est-à-dire, en termes précis, la démocratie libérale. […] Dans nos grands États d’Europe occidentale au contraire, le système est venu de l’État, ou de la Capitale, ou de la Bourgeoisie, ou des idées modernes, façons équivalentes de dire du Haut, si l’on veut bien utiliser, par pure et conventionnelle commodité, la vieille image de la pyramide sociale qui situe le peuple à la base et les élites au sommet. […] Si l’on admet que la vraie politisation c’est la substitution de conceptions modernes, libérales, individualistes aux conceptions communautaristes traditionnelles, si l’on admet d’autre part que les premières étaient celles de l’État bourgeois légiférant tandis que les secondes étaient les plus répandues chez les paysans, alors l’idée selon laquelle la conception moderne du politique aurait opéré la trop fameuse « descente » n’est pas vraiment une absurdité6 .

    3Trois éléments cruciaux sont ici liés : le fait que la politisation ne soit pas pensée en termes d’interaction ou d’appropriation, mais d’imposition normative ; le fait de penser le monde social sous sa forme pyramidale ; le fait d’entendre la « politique » dans le sens restrictif auquel l’entendent les élites bourgeoises du xixe siècle. Pourtant cette « vraie politisation », celle du xixe siècle, nous paraît hériter en partie de pratiques et de conceptions qui lui sont antérieures. On pourrait même ajouter que la forme dominante de la politique dans le cadre de la démocratie libérale n’est pas la seule forme du politique – et les politistes ont beaucoup contribué, ces dernières années, à repenser les frontières et les formes du politique et de la politisation7. Quant à la métaphore de la pyramide, il nous paraît qu’il y a là bien davantage qu’une « pure et conventionnelle commodité » : elle conditionne puissamment la façon de penser l’intervention des couches populaires dans la politique. C’est pourquoi il semble préférable d’envisager la circulation des idées « politiques » non pas sur le mode de la « coulée » ou de la descente, mais sur celui du transfert culturel : les paysans ne sont pas « une cire molle8 ».

    4À cet égard, l’historiographie allemande a affronté la question de manière bien plus riche que l’historiographie française. Contre l’idée de soulèvements essentiellement réactionnaires au motif qu’ils invoquaient l’« ancien droit », Peter Blickle et, à sa suite, Andreas Würgler ont montré avec force comment les « désordres » (Unruhen) recelaient une force d’intervention et de construction politiques, car ils engendrent une « rationalisation » et des processus de participation accrus9 :

    Les désordres sont des actions de protestation de (la plupart du temps tous) les sujets soumis à une autorité pour affirmer ou mettre en œuvre leurs intérêts et leurs représentations. Ils sont de nature éminemment politique dans la mesure où ils mettent en cause la légitimité des mesures prises par les autorités (et partant, l’autorité en elle-même)10.

    L’impôt, objet politique

    5Les désordres populaires, par nature, mettent en cause et en question la relation à l’autorité11. Mais la fiscalité d’Empire, plus que tout autre objet de contestation, est à cet égard un point nodal. En tant qu’élément d’administration elle est au cœur des arcanes et de la répartition des prérogatives entre gouvernants et gouvernés. En tant que prérogative régalienne elle est un élément cardinal de définition du pouvoir : la levée de l’impôt d’Empire engage l’exercice de la supériorité territoriale, la définition du statut d’état d’Empire et de l’immédiateté12. Bien au-delà du droit politique, ce sont là, on l’a vu, des supports essentiels de l’existence sociale des comtes et princes d’Empire. On a vu en outre combien l’impôt contribuait à diviser les lieux et les hommes : il s’élabore corollairement dans son refus un classement du monde social alternatif à celui qui était proposé par les autorités, mais également une forme de pression à l’unification. En tant que prédation et que manifestation par excellence du pouvoir comme coercition, mais aussi en tant que symbole d’allégeance et de sujétion, l’impôt pose enfin la question de l’obéissance et de l’insoumission, du bon et du mauvais sujet, du bon et du mauvais gouvernant et cette lutte de définition-là est peut-être au fond l’élément primordial de l’ensemble de ces conflits. Contester l’impôt, c’est toujours définir le pouvoir, en lui assignant un contenu, mais aussi des bornes, c’est contester que l’on est inconditionnellement redevable et tenter d’imposer une autre conception de l’assentiment au pouvoir.

    Portées par les noblesses territoriales, par les bourgeoisies urbaines ou par les paysans, les contestations de l’impôt connaissent des inflexions, mais également des lieux communs. Et la lutte pour la définition du pouvoir et des droits et devoirs de chacun passe par ces mots qui sont des lieux du consensus, investis pourtant chaque fois d’un contenu concret et d’un réseau de connotations différents. Chacune des deux parties reproche à l’autre une « privatisation » du « bien commun », ou de rechercher un intérêt privé au détriment de l’intérêt général ; de même, elles se reprochent mutuellement l’« arbitraire » et l’usurpation indue de droits (Willkür, Eigenmächtigkeit) ; les deux parties se reprochent ou, selon les cas, revendiquent leurs « libertés » (Freiheit, Libertät). Enfin, et c’est sans doute le terme où le malentendu est le plus grand, les deux parties exigent que les contribuables « consentent » (bewilligen, willig sein, Consens) à l’impôt : consentement actif et circonstanciel chez les sujets qui réclament un droit de participation aux affaires publiques, redevabilité (Schuldigkeit) permanente et consentement inconditionnel exigés des contribuables par les gouvernants. Là où les autorités enjoignent aux sujets de bien vouloir payer l’impôt, ceux-ci réclament un droit de consentir – et, partant, de refuser. Ces malentendus n’en sont pas. Ils sont bien plutôt le lieu où se déroule la « lutte à la corde » pour la définition du pouvoir. Reste que, si l’on peut souvent assigner une situation d’énonciation précise aux discours des autorités et parvenir à savoir qui dit quoi, concernant les contribuables, cela relève de la gageure.

    Accéder aux revendications : paroles de sujets, paroles d’avocats

    6Si les paroles portées par les contribuables contre la fiscalité d’Empire sont difficiles à saisir, si, toujours, elles sont altérées par la mise en écrit, par l’intervention d’intermédiaires ou parce que ce sont les autorités qui les recueillent, en un mot, s’il n’existe pas de paroles pures, on ne saurait pour autant renoncer à les analyser. Les avocats, personnages clés de ces désordres, sont ceux qui traduisent les revendications pour les rendre recevables juridiquement, y compris, comme on l’a vu, les suppliques portées par les sujets eux-mêmes devant leur propre régence13. En revanche, comme l’a montré le chapitre précédent, la communication et la circulation des argumentaires entre l’avocat et, du moins, les syndics ou les représentants communautaires est forte, si bien que l’on peut en conclure à un va-et-vient entre les exigences formulées par les sujets et leur reformulation par l’avocat, « exprimant et façonnant tout ensemble la protestation14 », leur diffusion par les rassemblements comme par le biais des protocoles d’audition de témoins, et enfin la collecte par les sujets des pièces justificatives censées étayer l’argumentaire juridique. Il n’en demeure pas moins qu’il est bien souvent délicat de faire la part entre les revendications « des sujets » et ce qui relève de l’exercice rhétorique de la plaidoirie. Du moins ces exigences donnent-elles la mesure de ce qui est recevable et de ce qui ne l’est pas.

    Ces revendications circulent dans le temps, dans l’espace géographique et dans l’espace social. Les séditions, désordres, procès font par ailleurs l’objet d’un traitement médiatique important, dans les gazettes et les journaux15 : elles appartiennent à un espace public qui n’est pas restreint à la « sphère publique bourgeoise » habermassienne. Trois revendications, éminemment liées entre elles, sont structurantes. L’exigence la plus universellement répandue est celle d’une publicité des affaires et la volonté de contrôler le pouvoir pour en percer les arcanes16 : dans cette exigence-là se joue la tentative d’obtenir une prise sur le gouvernement, voire une participation politique, d’autant plus que l’impôt est justifié par le « bien commun ». La seconde revendication transversale est celle de l’équité, qui représente une manière de penser le monde social : participer à la répartition de l’impôt, c’est revendiquer le droit de produire un classement et une hiérarchie. Ces deux premières exigences s’organisent, fondamentalement, autour d’une troisième : la question du consentement à l’impôt, qui est toujours en même temps celle d’un consentement à l’autorité – et que les deux parties brandissent, tout en y mettant une signification complètement différente. Le contenu de ces trois exigences se modifie sur la période étudiée, mais il se sédimente aussi et crée une tradition, si bien qu’il faut les appréhender dans ce continuum d’identité et de changement.

    Chiffrer et déchiffrer l’impôt : publicité et participation

    Chez un peuple qui n’a point de part à l’administration publique par ses représentants, on doit employer à la conduite du crédit public de plus grands ménagements qu’ailleurs ; parce que ce peuple retire d’autant plus vite sa confiance qu’il est plus facile d’en abuser, et parce que les combinaisons générales ne venant point à sa connaissance, chacun n’en juge que par les effets personnels17.

    7L’exigence de percer les arcanes est une constante de toutes les révoltes, elle ne se limite pas aux révoltes antifiscales : c’est un élément essentiel de la subversion18. Mais elle prend dans le contexte antifiscal une acuité singulière. Les contribuables n’ont de cesse de réclamer que leur soit fournie la somme exacte de ce qui a été exigé, de ce qui a été effectivement levé et de ce qui a été reversé à l’Empire, afin de contrôler l’équivalence des montants et de démasquer les éventuelles surponctions. Il s’engage alors de véritables batailles de comptabilités, dans lesquelles les contribuables s’arrogent des prérogatives qui ne leur sont que très partiellement et inégalement reconnues. Mais, plus essentiellement encore, c’est une réponse aux efforts des autorités pour construire par le secret l’éloignement et l’inatteignabilité du pouvoir, pour rendre le gouvernement inaccessible, impénétrable ou, à défaut, inintelligible. Face à cela, les administrés s’emploient à être là, à exister dans l’exercice du pouvoir en se ménageant un droit de « regard », au propre comme au figuré, et à déchiffrer l’indéchiffrable. En ce sens, et quelles que soient les formes prises par cette exigence, des plus rudimentaires aux plus élaborées, réclamer les chiffres de l’impôt est une revendication éminemment subversive, parce qu’elle présuppose que ce regard des sujets dans les affaires publiques est légitime. Elle constitue une réponse aux tactiques de l’illisibilité mises en œuvre, consciemment ou non, par les autorités19. Cette « publicité » pourtant demeure toujours partielle et parcellisée, et ne concerne que rarement l’« extérieur » du pays, quand il ne s’agit pas seulement de certaines franges de la population – et en particulier, des représentants des états. Derrière l’exigence unanime d’une « manifestation » et d’une publication se dessinent donc des revendications très différenciées.

    « Que l’on manifeste véritablement et expressément la quote assignée par l’Empire20 »

    8Les contribuables exigent presque systématiquement de pouvoir vérifier les montants exacts réclamés par l’Empire, voire de contrôler qu’un impôt d’Empire a bien été exigé, afin de mettre en concordance ce chiffre-là avec celui des impôts réclamés par les seigneurs, celui des impôts effectivement levés et celui des impôts reversés à l’Empire : le soupçon d’un détournement des deniers destinés au « bien commun » est permanent, et partagé socialement – Moser lui-même en souligne l’ampleur21. Il confirme au demeurant l’obligation de « rendre publique l’aide [i. e. l’impôt] aux sujets, et ce a) véritablement et b) expressément ; ce qui signifie qu’il faut que soit nommé le montant qui revient au prince territorial22 ». Mais il y a plus : tant que l’ordre émanant de l’Empire n’a pas été dûment manifesté, les sujets ne sont pas tenus de payer23. Réclamer la manifestation des ordres impériaux ou prétendre qu’elle n’a pas eu lieu est donc aussi une manière commode de fonder en droit un refus de payer. En janvier 1663, les sujets Schönburg écrivent à la Chambre de justice impériale :

    Quoique nous sachions suffisamment qu’un sujet est redevable [schuldig] de s’acquitter des redevances dont il est redevable [schuldig] en impôts, contributions et autres à sa haute autorité, et que nous n’ayons jamais refusé de donner ce dont nous étions redevables [schuldig], et que nous ne le refuserons pas à l’avenir. Mais il convient avant toute chose que le bailli nous présente et nous expose l’ordre de la haute autorité qui dit que nous devons donner des impôts turcs, des deniers pour le cortège romain ou d’autres impositions, et nous avons à de nombreuses reprises réclamé la présentation de cet ordre gracieux, mais nous n’avons jamais pu l’obtenir, seulement le bailli prétend qu’il ne nous appartient pas de voir cet ordre, pourtant avant et tant que l’ordre de la haute autorité ne nous a pas été présenté, nous ne sommes pas redevables [schuldig] de nous acquitter de ces impositions24.

    9Tout en proclamant à quatre reprises leur nature d’êtres redevables, les sujets s’engouffrent dans l’une des seules brèches que le droit d’Empire leur ouvre en matière d’impôts impériaux, pour le reste globalement favorable aux droits des princes territoriaux25.

    10En 1715, chez les Reuss, les sujets protestent contre le manque de transparence dans les exigences fiscales, en prétextant cette fois que le nom de l’impôt ne cesse de changer. En avril 1715, lorsque Oschmann est envoyé pour les exécutions26, il rapporte qu’à Gablau

    les paysans ont dit qu’on avait donné l’ordre pour des impôts de couronnement et qu’ils ne donneraient pas [d’impôt] et l’un d’entre eux a aussi prétendu que la seigneurie les avait dupés avec des faussetés et qu’il maintiendrait bien volontiers son assertion et lui, l’exécuteur, a demandé au juge comment s’appelait le paysan et l’homme a commencé à dire qu’il maintenait de nouveau ce qu’il disait, que la seigneurie les dupait faussement et que le messager avait affiché la patente et que sur le mur il était écrit que c’étaient des impôts de couronnement27.

    11Les propos du paysan sont ici révélateurs : l’illisibilité des prélèvements fiscaux est présentée comme entretenue à dessein par les autorités pour semer la confusion et donner prise aux éventuelles surponctions.

    Face à ces accusations, les autorités demeurent dans l’ambivalence. Tantôt elles protestent que la manifestation de la quote impériale a bien eu lieu, tantôt elles affirment qu’il est impossible d’y procéder : s’il n’y a pas lieu de douter de cette impossibilité concrète, elle n’est en rien incompatible avec le fait que le droit l’exige. La demande des sujets est pourtant considérée comme un défi dont l’illégitimité tient sans doute moins à son contenu même qu’au fait d’imposer par là une certaine conditionnalité du versement de l’impôt : ce faisant, les contribuables transforment subrepticement le geste fiscal d’un don obligé et obligatoire, mais qui n’oblige pas celui qui le reçoit, en un versement activement consenti28.

    12L’exigence de la manifestation de la quote impériale par les sujets court tout au long de la période. En 1793 encore, l’avocat des sujets Schönburg plaide :

    Les seigneurs défendeurs se sont arrogés le droit d’exiger des demandeurs le versement des prestations de l’Empire et du cercle sur-le-champ et de façon arbitraire [eigenmächtig], sans au préalable manifester spécialement et expressément la quote assignée par l’Empire, sans faire le compte des contributions levées et sans octroyer aux demandeurs de concurrence dans la levée ni de droit de regard dans l’utilisation et la comptabilité de ces contributions29.

    13Si les connotations du discours ont changé et si les revendications se sont fait plus offensives, l’argument demeure structurellement le même. Mais on voit poindre plus nettement qu’ailleurs dans cette plaidoirie de Friedrich Albert Schmidt la fonction de doute radical que revêt la non-manifestation des exigences de l’Empire. Les princes et comtes de Schönburg sont accusés de

    plonger les demandeurs dans toutes sortes de dommages et de coûts qui portent d’autant plus préjudice aux demandeurs que les seigneurs défendeurs ne disposent aucunement du droit d’exiger arbitrairement [willkürlich] des impôts extraordinaires et que de surcroît, sous le nom d’impôts extraordinaires, ils prétendent lever et encaisser – et pour partie, ont encaissé – des prestations extraordinaires de l’Empire et du cercle tout à fait injustifiées, des avances qu’ils auraient prétendument faites pendant la Guerre de Sept Ans et des dépenses qu’ils seraient censés avoir faites pour le soulagement des demandeurs […]30.

    14La série des conditionnels irréels et des modélisateurs exprimant le doute, de même que les expressions « sous le nom » ou « prétendus », révèlent sans ménagement la méfiance qui s’insinue dans les affaires publiques dès lors que les chiffres sont mal établis. C’est pourquoi, dans tous les conflits sans exception, les contribuables entendent obtenir ou, à défaut, calculer eux-mêmes le montant de ce qui a été exigé, levé et payé.

    Lutte des chiffres et concurrence des comptabilités (milieu xviie-milieu xviiie siècle)

    15Dans cette lutte pour l’établissement des montants de l’impôt se joue bien autre chose qu’une simple affaire de comptabilité. Produire le chiffre est une prérogative des autorités, qui sont chargées aussi d’en protéger le secret. En élaborant à leur tour des comptes concurrents, les contribuables s’arrogent un droit qui ne leur revient pas, et l’existence d’une assemblée d’états change étonnamment peu de choses à cet égard. Si la revendication d’une publicité des montants est transversale sur la période, le contenu concret de cette « publicité » et ses destinataires évoluent, sous la double influence de la sédimentation de décennies de luttes antifiscales et des évolutions intellectuelles et politiques de la réflexion sur l’impôt31.

    16Lors du procès des années 1660, l’avocat des sujets affirme que ces derniers ont contribué « dix fois plus (que le montant de leur contingent) aux impôts impériaux depuis la conclusion de la paix32 » : pour l’entretien de la Chambre de justice impériale, les reliquats se seraient montés à 266 florins, mais la seigneurie aurait réclamé 1200 florins ; pour la célébration de la paix, la seigneurie aurait été redevable de 5340 florins, mais on aurait exigé des contribuables 45000 florins ; pour l’impôt turc, 20 mois romains étaient dus, mais on a exigé 20400 florins, et les contribuables se seraient montrés de « bonne volonté » (willig) pour satisfaire ces exigences infondées, mais l’avocat suggère que les deniers « n’ont pas été envoyés là où ils devaient l’être33 ». Suivent un ensemble de pièces justificatives. Les sujets auraient contribué au total depuis la conclusion de la paix à hauteur de 66610 florins courants. L’avocat réclame donc que les contribuables soient épargnés par les futures impositions d’Empire, ou que le surplus leur soit restitué. Mais l’ensemble de ces chiffres concerne uniquement l’impôt exigé des contribuables – et non les rentrées réelles, dont on a vu qu’elles étaient en moyenne équivalentes au tiers de l’impôt exigé.

    17Le simple fait que les montants de l’impôt soient mis en discussion par l’avocat des sujets en leur nom et que les seigneurs soient contraints de les justifier représente l’une des ruptures majeures introduites par le recours judiciaire par rapport à la révolte. En outre, si l’intervention de l’avocat joue un rôle dans la formalisation de revendications qu’il faut rendre recevables, c’est aussi l’organisation qui préside au procès qui rend possible la collecte et l’élaboration d’une information financière qui n’est plus fragmentée à l’échelle communautaire. Précisément, cette tentative de faire le compte à l’échelle de tout le territoire va à l’encontre des efforts des autorités pour restreindre à la fois l’information financière et l’action en justice à l’échelle de chaque branche régnante : on ne sait jamais véritablement, dans les chiffres des autorités, s’ils concernent les quatre seigneuries de Glauchau, Waldenburg, Lichtenstein et Hartenstein, ou bien la seule seigneurie de Waldenburg. Opacité et illisibilité sont bel et bien maintenues34.

    18Pourtant, à la faveur même du procès, l’avocat des seigneurs est contraint de répondre à celui des sujets, et qui plus est, de produire un compte détaillé des impôts35. Mais l’avocat de la défense se dit

    confiant dans le fait qu’il deviendra clair comme le jour que les sujets Schönburg n’ont aucune raison fondée en droit de se plaindre de leur autorité, mais que bien au contraire ils devraient rendre avec reconnaissance et gratitude ce qui a été prêté et avancé pour eux par amour et bonté de la seigneurie36.

    19S’il entend ainsi prouver que les contribuables n’ont pas été surprélevés, il n’en reste pas moins que les seigneurs ont dû produire et faire circuler auprès d’une juridiction extérieure leurs comptabilités fiscales. Les sujets obtiennent par là une manière indirecte de reddition de comptes, à laquelle ils ne peuvent ordinairement prétendre. La comptabilité, d’ailleurs, ne permet pas d’établir clairement le départ des impôts impériaux et territoriaux37. Erhard mentionne prudemment que « la majorité de l’impôt levé38 » a été employée pour les frais d’Empire : la question de l’emploi représente la seconde source de méfiance.

    Dans ce cadre, les conflits avec la Saxe jouent un rôle éminent, tout particulièrement durant la première moitié du xviiie siècle, qui est un moment de basculement important, en lien avec la conclusion des différents recès. Car la Saxe a de son côté tout intérêt à obtenir une information financière aussi précise que possible. On a vu comment les sujets de Heringen et de Kelbra font appel à elle – du moins le prétend-elle – et invoquent sa « protection » contre le surprélèvement en impôts impériaux dont ils estiment faire l’objet, comment celle-ci fait envoyer le bailli et le vice-bailli de Tennstedt, et comment ces derniers convoquent les sujets de Kelbra et de Heringen, leur réclament les livres de comptes, « font la somme » de ce qui a été payé et concluent à un surprélèvement de 27000 à 29000 thalers39. Praun, l’agent des Schwarzburg à Vienne, affirme que le calcul effectué par le bailli de Tennstedt est « totalement inexact, nul et invalide » (ganz unrichtig, null und nichtig) et que « d’autres inexactitudes et erreurs presques indénombrables (fast unzehlicher Unrichtigkeiten und nullitaeten) ont été commises dans cette prétendue comptabilité40 ». L’administration de Rudolstadt fait de surcroît établir que les sujets n’ont rien payé au titre des mois romains depuis 1711 et que les reliquats s’élèvent à plusieurs milliers de thalers41.

    La pression de la Saxe pour faire intrusion dans les arcanes vient à la rencontre de l’exigence des sujets d’une transparence fiscale accrue, mais c’est seulement au cours de la seconde moitié du xviiie siècle que l’exigence de publicité prend un tour nouveau, car elle apparaît progressivement comme le signe d’un bon gouvernement. De surcroît, les sujets réclament désormais quelque chose qui s’apparente de plus en plus à une reddition de comptes en bonne et due forme, voire à une publication des comptabilités, du moins à l’« intérieur » du « territoire ». Si les mots changent peu, les conflits qui surviennent dans les trois pays donnent la mesure des glissements qui se sont opérés, sous l’apparence de la permanence.

    Publicité et reddition de comptes (seconde moitié du xviiie siècle)

    • L’ère du soupçon : confiance, fidélité et publicité dans la seigneurie de Gera, 1763-1778

    C’est une vérité très solidement ancrée dans les droits naturels et des peuples, et qui est en concordance avec l’équité [Billigkeit], que nul ne peut être forcé à payer par des moyens coercitifs, tant qu’on ne lui a pas fourni au préalable le compte de ce qu’il doit. L’aubergiste donne une addition au mendiant quand il doit payer et Votre assemblée des états de Gera devrait ne pas jouir de ce droit de l’humanité42 ?

    20Le long conflit qui oppose les états de Gera au XXXe comte de Reuss sur l’administration des dettes issues de la guerre de Sept Ans relève des conflits, bien connus de l’historiographie des origines du parlementarisme43, entre le pouvoir (Herrschaft) et les états (Stände). Les états de Gera réclament que leur soit donné à connaître le « véritable montant de la dette du pays44 ». À cette tension entre la publicité exigée par les états et les efforts du pouvoir pour préserver les arcanes se superpose dans le discours des états une rhétorique de la croyance et de la confiance (Vertrauen), elle-même fondée sur une fidélité (Treue) entendue ici dans son sens vassalique45 : si l’administration de la dette demeure cachée aux états de Gera de même que son montant, ceux-ci n’auront plus confiance dans le gouvernement – et cette situation de défiance est en même temps une situation de défi, au sens féodal d’une rupture de la foi jurée.

    21À l’issue de la guerre, en 1764, une Diète est réunie, pour l’ensemble des seigneuries de la branche cadette. Mais le XXXe comte de Reuss refuse de rendre des comptes sur l’impôt impérial. Assez rapidement, deux chiffres suscitent la méfiance des états. La chevalerie apprend tout d’abord que le montant de la dette n’est finalement pas de 134000, mais de 177129 thalers46 :

    Et donc, les états de Gera ne pouvaient plus être sûrs [sicher] que cette somme soit fiable [zuverlässig] ni qu’elle soit complète puisqu’à l’époque où les dettes ont été contractées durant la guerre, ils n’avaient pas été associés et que depuis, ils n’ont pas été mis en état d’avoir une vue d’ensemble sur l’affaire et que pourtant ils ne voient aucune raison qui puisse expliquer qu’on leur fasse un secret [Geheimniß] d’une affaire si importante et qui concerne si essentiellement les états47.

    22Le discours articule ici fiabilité, sécurité et transparence : la confiscation de l’information et le caractère peu fiable des sommes révélées engendrent insécurité et méfiance. Le second chiffre source de méfiance est celui du nombre d’impôts levés. En juillet 1766, « on s’aperçoit qu’au lieu des 6 impôts de guerre consentis à la Diète, déjà 9 impôts complets avaient été exigés des sujets48 » et l’on espère pouvoir consulter les comptes qui n’ont pas été justifiés depuis 1763, mais les autorités refusent. C’est enfin au tour des villages de faire des remontrances, car ils estiment avoir payé, cette fois, 18 ½ impôts.

    Désormais l’ensemble du pays se trouvait dans la plus grande gêne, puisqu’au lieu des six impôts annuels consentis, qui, d’après la coutume, auraient dû être exigés deux par deux, par exemple en trois fois, de quatre mois en quatre mois, on se trouvait avec de nouvelles exigences toutes les six semaines, si bien que le nombre de ces impôts était monté à 18 et plus sans pour autant que la commission qui avait été établie par contrat pour administrer ces impôts ne consente à parler d’autre chose que de six impôts et sans que les états puissent recevoir la moindre information [Nachricht] plus précise quant à l’utilisation de tous ces impôts. Ces circonstances furent bien douloureuses pour l’ensemble du pays, car si les choses continuaient dans cette voie, aucun sujet dans tout le pays n’était sûr [sicher] que le nombre des impôts n’allait pas être augmenté encore davantage par ces exigences arbitraires [eigenmächtig] et par là, toute la constitution du pays [Landesverfassung] était anéantie, et tout le pays courait le risque d’être précipité dans la ruine la plus totale49.

    23La description recourt aux motifs classiques, dans le discours des états, de l’arbitraire et de l’accablement : l’impôt est une servitude s’il n’est pas consenti et seule une autorité tyrannique – dont la figure archétypale est celle du roi de France – peut extorquer l’impôt de son pays. Mais on retrouve comme dans le texte précédent l’articulation entre la question de la publicité et celle de la sécurité : c’est non seulement l’augmentation arbitraire du poids de l’impôt qui est dénoncée mais encore l’absence de visibilité et de prévisibilité qui fait que ces exigences non consenties s’abattent sans transparence aucune sur le pays. En 1770, au terme de six années au cours desquelles les états ont été tenus à l’écart de l’administration de l’impôt et où ils n’ont pu avoir accès aux comptabilités, le XXXe comte annonce qu’il reste encore 100000 thalers de dette à rembourser. Les états s’interrogent : alors qu’on leur a annoncé en 1764 un montant de 134000 thalers, qui, au terme d’un calcul approximatif, devait pouvoir être recouvré par les contributions extraordinaires durant six années, ils ont appris deux ans plus tard que le montant était de 177129 thalers. Mais comment peut-il rester encore 100000 thalers à payer, alors même que l’on ne s’en est pas tenu aux impôts consentis, mais que l’on est monté jusqu’à 18 et plus50 ? Au mois de février 1778, la chevalerie obtient finalement les comptabilités – mais pas les justifications. Les états entendent examiner précisément les dettes des impôts de guerre « et non pas les reconnaître pour exactes bona fide comme ç’a été jusqu’à présent le cas51 ».

    24On voit dans le contenu des revendications un glissement net par rapport aux conflits menés par les classes roturières, car c’est ici toute une rhétorique de l’honneur qui est mobilisée52. Pourtant, l’exigence de publicité est transversale : si sa forme change un peu, on retrouve une homologie très nette avec les revendications portées par les sujets Schönburg au même moment, avec pour point de départ également les impôts impériaux issus de la guerre de Sept Ans. Les allusions explicites au conflit des états de Gera, ajoutées à la parenté des revendications, laissent présager une circulation.

    • De la « communication » à la reddition de comptes (Schönburg 1778-1797)

    Mémoire des conflits et évolution de l’exigence de publicité

    25Tout en prenant appui sur les événements qui se produisent en même temps chez les Reuss, en 1778, la contestation renoue chez les Schönburg avec celle des années 1660-1740. À première vue, seules changent les circonstances dans lesquelles l’impôt a été exigé et la réclamation d’un chiffre exact qui mette en concordance les montants exigés, levés et reversés à l’Empire paraît étonnamment stable. Pourtant, elle se charge d’une exigence de publicité qui rompt subrepticement avec la simple demande d’une transmission de l’information financière : les sujets s’estiment désormais en droit de demander des comptes sur « ce qu’il advient de leur bien » (wo das Ihrige bleibt53). La non-reddition de comptes, qui a toujours été assimilée à une privatisation du bien commun, prend désormais les traits d’une exigence de responsabilité financière.

    26On se souvient de la violence avec laquelle les sujets Schönburg ont été repoussés lorsqu’ils sont venus réclamer la consultation des comptes de l’impôt en novembre 177854. Plusieurs suppliques avaient au préalable exigé cette communication aux mois de février et mars 177855. Ici aussi, la méfiance est perceptible d’emblée : les sujets mentionnent les « deniers dus au titre du contingent d’Empire qui sont supposés être encore arriérés56 ». Le cœur de la demande des sujets est que la régence consente à

    nous communiquer de façon très bienveillante à combien se monte la somme totale des deniers dus au titre du contingent d’Empire que nous avons eu à payer, combien de ce total a été déjà acquitté, aussi bien par le moyen des récépissés qui ont été donnés par l’ensemble des localités des hauts comtés de Schönburg qu’en argent comptant, et quelle est la hauteur du montant qui demeure présentement encore arriéré57.

    27On retrouve donc la volonté d’une mise en équivalence des différentes sommes pour éviter les surprélèvements et contrôler les impositions. Si la supplique de février est encore tout entière truffée de formules déférentes et de protestations d’humilité et de sujétion, aux mois de mars et d’avril la menace d’une plainte en haut lieu devient plus explicite : c’est ainsi une instance extérieure au territoire qui fait office de levier pour réclamer une reddition de comptes.

    28La contestation s’appuie aussi sur la mémoire des conflits et du siècle précédent : la plaidoirie de l’avocat Christian Jakob von Zwierlein non seulement convoque le mandat impérial de 1664 et le recès de Karlsbad, mais encore les reproduit intégralement à titre de pièces justificatives, tout en livrant des deux textes une interprétation « ajustée aux besoins du présent58 » en affirmant que le recès

    a reconnu explicitement aux localités des comtés de Schönburg le droit [Befugnis], lors de la reddition des comptes des impôts de l’Empire et du cercle, que soit par eux-mêmes, soit par l’entremise d’un expert de finances, ils puissent savoir où et à quoi les impôts levés ont été employés et l’augmentation privée des impôts a été entièrement interdite aux hautes seigneuries comtales. […] Par quoi donc la participation des bourgeois et des sujets Schönburg aux affaires de comptabilité fiscale est mise hors de doute59.

    29La lettre du recès est en réalité bien en deçà de l’interprétation qu’en propose l’avocat et il n’y est nulle part question de rendre compte de l’utilisation des deniers devant les sujets60.

    30Au mois d’avril, les comptabilités ont été finalement transmises aux sujets, qui y trouvent matière à légitimer leur protestation, car les 44776 florins de « soi-disant reliquats [ont] été acquittés par les sujets depuis longtemps et encaissés par le moyen d’une exécution militaire61 ». Une supplique procède alors à l’exercice désormais familier de la comptabilité concurrente et la plaidoirie de Zwierlein reprend à peu de choses près les mêmes chiffres62 : les seigneuries Schönburg ont, d’après les tableaux préparés par l’ancien receveur de Glauchau, 89347 soixantaines (Schock) viables, ce qui, imposé à 5 groschens par soixantaine donne un total annuel de 18613 thalers63 et, en vingt-deux ans (depuis 1756) en ajoutant l’impôt extraordinaire à 5 groschens levé en 1760, un total de 428121 thalers64. De ce montant on soustrait le tiers dû à l’électeur « sans le consentement des sujets et selon la rumeur » – l’expression fait allusion ici à la non-publication du recès – entre 1756 et 1773, soit 75433 thalers en treize ans, ainsi que 41184 thalers pour le contingent impérial. Il devrait donc rester 311503 thalers dans les caisses (d’après la plaidoirie de Zwierlein) et 223503 thalers d’après la supplique d’avril 1778 qui soustrait en outre 88000 thalers pour les frais coutumiers de l’Empire et autres dépenses publiques, « quoique ceux-ci ne dussent pas être entièrement à la charge des sujets, mais aussi être payés sur les caisses privées de la haute seigneurie comtale », en particulier pour ce qui concerne la rétribution des officiers.

    31La nouvelle exigence fiscale extraordinaire au « prétexte » de l’impôt d’Empire est donc entièrement infondée, car, conclut Zwierlein, « les quelques deniers pour l’entretien de la chambre de justice et autres impôts de l’Empire et du cercle auraient très bien pu être acquittés [sur cette somme] et il serait encore resté une somme extrêmement importante65 ». La supplique d’avril 1778, quant à elle, en conclut :

    Dans ces circonstances, ce ne sont pas le pays ni les sujets, mais les hautes seigneuries comtales elles-mêmes, étant donné que la somme totale pour la reluition du contingent d’Empire a été levée près de 7 fois sur les sujets, qui sont redevables de payer cette somme aux très hautes instances66.

    32L’élaboration de comptabilités alternatives permet donc non seulement de justifier un refus de payer, mais aussi – et c’est assez nouveau – d’établir que ce sont les comtes qui en sont redevables. Cette mise en cause ouvre la voie aux deux autres revendications essentielles que sont la fin de l’exemption seigneuriale et une nouvelle répartition de l’impôt – et l’on entrevoit ici la dimension subversive que commence à receler la question des chiffres et des montants. Mais, dans les années 1790, contrairement aux années 1770, les sujets obtiennent le soutien d’un allié puissant en la personne de l’électeur qui, tout comme eux, a intérêt à percer les arcanes du gouvernement Schönburg : le procès se déroule cette fois-ci non plus devant une juridiction d’Empire, mais devant la cour d’appel de l’électeur.

    33L’avocat réclame en 1790 pour les sujets un « droit de regard [Einsicht] sur l’utilisation et la comptabilité de ces contributions67 » et affirme que la somme totale des impôts impériaux se monte à 40713 thalers, mais que ces coûts n’ont pas été « annoncés » (angegeben), ni « certifiés » (bescheinigt), ni « prouvés » (bewiesen), que la version in rem de ces dépenses n’a pas été « démontrée » (dargethan) et qu’il manque « la preuve de la réalité de ces dépenses prétendûment faites et niées [par les demandeurs]68 » : on retrouve ici l’alternative de la publicité et de la transparence d’un côté, de l’opacité et du soupçon, de l’autre. En ces temps d’Aufklärung, le champ lexical n’est pas anodin.

    34L’avocat des Schönburg affirme lui-même que les impôts levés « n’ont pas été prescrits au denier près, et que quelques thalers restent parfois dans le compte, qui sont comptabilisés parmi les reliquats, de sorte qu’on peut tantôt dire qu’il y a un reliquat, tantôt non69 ». Mais fondamentalement, la défense s’appuie surtout sur l’idée que les comtes et prince n’ont aucun compte à leur rendre : c’est à l’électeur de Saxe qu’ils rendent des comptes – sur la levée et non sur l’emploi des deniers –, car ils ont été expressément déclarés libres de cette obligation par le recès de 174070.

    Ce qui est en jeu, aussi bien chez les Reuss que chez les Schönburg, dans la « manifestation », la « communication » et la preuve des sommes exigées et dépensées n’est pas une simple affaire de chiffre ou de contrôle des montants : derrière la reddition de comptes se dessine en fait l’exigence d’une responsabilité du gouvernement envers les administrés, et il faut entendre ici la « responsabilité » au sens que lui donne le droit constitutionnel d’une « obligation pour le titulaire d’un mandat politique de répondre de son exercice devant celui ou ceux de qui il la tient71 ». L’avocat des seigneurs rétorque bien évidemment que les Schönburg détiennent un droit d’imposer illimité (uneingeschränkt) fondé sur le jus collectandi qu’ils exercent en tant qu’états d’Empire. Mais plus profondément, il entend montrer que les sujets n’ont aucun compte à réclamer en les rappelant à ce qui fonde la sujétion : la redevabilité.

    Il ne peut naître nulle méfiance entre un seigneur et ses sujets s’ils font les prestations dont ils sont redevables [was sie schuldig sind] et ne désirent pas des choses qu’ils ne peuvent pas désirer car bien plutôt, ils doivent s’en remettre aux décisions de leur prince territorial qui au préalable a examiné la prescription des impôts et le cas échéant les a diminués72.

    35Le sujet est renvoyé à sa nature d’être redevable et contribuable : il doit payer et « s’en remettre » au seigneur. La confiance viendra non pas d’une participation des sujets aux affaires publiques, mais bien au contraire d’une abdication. Et pourtant, le procès devant la cour d’appel de Dresde résout le conflit de manière extrêmement favorable aux sujets : le tribunal de l’électeur conclut que « la manifestation et reddition de comptes concernant les impôts de guerre extraordinaires d’alors et pour ceux qui sont à venir devra être faite chaque fois par l’office supérieur de la recette des impôts de Glauchau73 », les sujets devront être associés à la répartition de l’impôt et les seigneurs seront obligés d’y contribuer. Conformément à cela, une comptabilité est produite et imprimée à Waldenburg en 1797 sur les impôts levés entre le 1er mars 1793 et le 1er mars 1794, avec ses justifications, qui donne lieu à un commentaire détaillé de la part de l’avocat des sujets.

    La question du chiffre et de sa publicité – vis-à-vis du moins des contribuables – met ces derniers au cœur même de la question de la répartition des prérogatives. Revendication transversale sur l’ensemble de la période et dans tous les conflits survenus, la teneur de cette « publicité » comme les mots qui la disent ne sont pourtant presque jamais les mêmes : hormis à l’extrême fin de la période, c’est avant tout de « manifestation » et de « communication » qu’il s’agit. L’antonyme du public, le « privé », est mobilisé avec une fréquence bien plus grande. Les gouvernants reprochent aux insurgés de s’approprier indûment l’impôt levé lors des mobilisations collectives ; les contribuables reprochent aux gouvernants, en l’absence de transparence, un accaparement et une « privatisation » de leurs deniers destinés au « bien commun » : « Une calamité impériale générale est transformée par les seigneurs défendeurs en source de revenus domaniaux, et les impôts extraordinaires sont utilisés dans leur intérêt privé74. » Au cœur de la question du chiffre et de la publicité se trouve une volonté des gouvernés d’accéder aux arcanes et de se ménager une marge d’intervention dans les affaires publiques. Cette tentative d’imposer une participation aux affaires de gouvernement, ou de la défendre quand elle existe, est également au cœur des deux autres revendications : répartir équitablement l’impôt et y « consentir ».

    Équité fiscale et ordre social

    36Si la question de l’établissement du chiffre était cruciale parce qu’elle manifestait l’effort du pouvoir pour se soustraire aux regards des administrés, la revendication d’équité et d’une juste répartition de l’impôt révèle à quel point celui-ci est le support d’une organisation et d’un classement des hommes et des lieux. Répartir l’impôt, dire qui le doit et qui ne le doit pas, mais aussi qui doit combien, et justifier ces divisions par une forme d’« équité », c’est toujours mettre chacun à sa place, si bien que contribuables et gouvernants se disputent non seulement les critères du classement, mais également le droit à l’opérer. C’est, pour la même raison, un des lieux où se révèle le mieux combien l’impôt fracture ce front des contribuables, périodiquement fort désuni : c’est l’une des fonctions sociales et politiques de l’impôt que de créer ces divisions qui sont la manifestation de l’ordre social. Et pourtant, la revendication d’équité peut aussi se muer en l’exigence d’une péréquation qui exerce une forme de pression à l’unification. Répartir l’impôt pose à la fois la question de l’information et du cadastre, du choix de l’assiette et des exemptions et, par là, noue ensemble des questions techniques et des questions statutaires : il faut avoir les moyens concrets de répartir équitablement l’impôt, et cela suppose une information démographique et économique de bonne qualité, ce qui est bien souvent une gageure. Mais il faut aussi que chacun paie selon son rang, selon son état et, de plus en plus, selon sa richesse, si bien qu’il se joue dans les conflits de répartition des conflits de position. Si les exigences qui ont trait à la répartition de l’impôt courent tout au long de la période, le contenu précis de cette « équité » (Billigkeit) se modifie légèrement et prend, à la fin de la période, un tour radical.

    Équité, conformité et statut social : la chevalerie face à l’impôt d’Empire

    37La seconde moitié du xviie siècle est marquée par des tentatives de la noblesse vassale pour défendre son exemption fiscale. Toujours justifié par des circonstances d’extrême nécessité et par un danger qui menace l’ensemble du corps impérial, l’impôt d’Empire a souvent conduit à essayer de mettre à contribution les ordres théoriquement exemptés, qu’il s’agisse des dons gratuits (Donativ) de la chevalerie d’Empire ou de la mise à contribution universelle, noblesse incluse, dans le cadre du Denier commun75. Rappelons en outre que l’impôt d’Empire lui-même est théoriquement dû par les états d’Empire sur leurs revenus propres, et non par leurs sujets ou leur noblesse vassale – du moins la question fait-elle débat dans le droit d’Empire76.

    38Au moment de solder les comptes et les dettes de la guerre de Trente Ans, la noblesse vassale, chez les Schwarzburg, tente précisément de défendre ses prérogatives. Lors de la réunion du conseil restreint de la Diète territoriale à Rudolstadt au sortir de la guerre de Trente Ans, la chevalerie du territoire refuse de payer les mois romains, car elle affirme que ses biens en sont exempts77. Elle réclame parallèlement une information précise sur le montant des reliquats et l’emploi des deniers collectés, et s’efforce de s’ériger en porte-parole du pays. Mais à la faveur des exigences nouvelles pour l’impôt turc en 1661-1663, elle entre en conflit avec les représentants des villes et des bailliages, qui entendent la mettre à contribution. Se joue également dans cet antagonisme l’articulation entre l’ordinaire et l’extraordinaire : tandis que la chevalerie invoque son privilège d’exemption fiscale, la bourgeoisie et le plat pays lui opposent les circonstances d’extrême nécessité et la sauvegarde du bien commun. Mais ils arguent aussi du fait que les termes de l’échange sont remodelés, car la chevalerie « ne protège pas » (beschirmen) le pays des ennemis, et l’on aperçoit de nouveau comment les termes officiels de l’exercice du pouvoir peuvent à l’occasion être retournés contre ceux dont ils légitiment ordinairement la domination.

    39Le conflit s’engage par conséquent sur l’assiette et le type d’impôt, puisque l’impôt d’Empire peut être levé selon n’importe quel pied, et que cette indétermination est propice aux conflits. La chevalerie plaide en faveur d’un impôt sur le bétail et d’impôts sur la consommation (bière et viande principalement) en s’opposant avec virulence aux accises sur la farine, afin de préserver les capacités contributives de ses dépendants. Les villes et le plat pays obtiennent de leur côté en 1689 que soit décidée une capitation presque universelle qui touche aussi bien les bourgeois que les paysans, les veuves, les domestiques, les ouvriers, la noblesse, les serviteurs seigneuriaux, les ministres et administrateurs, les ecclésiastiques et les travailleurs miniers ; seuls en sont exemptés les ecclésiastiques, les veuves pauvres et les personnes âgées de moins de 14 ans et de plus de 70 ans78. Le registre est préparé, mais l’impôt n’est jamais levé.

    40Un conflit analogue se déroule parallèlement dans la branche Schwarzburg-Sondershausen, dont la chevalerie en 1683 n’accepte de contribuer aux impôts impériaux que « si du moins la confirmation écrite de [leurs] immunités et libertés [leur] est transmise79 ». La chevalerie craint, si le prélèvement se pérennise, d’être ramenée à une condition « plus basse que tous les autres sujets80 ». L’impôt est la manifestation visible d’un rang et d’un statut – la chevalerie ne saurait y contribuer que si cet impôt est un don, unique, décidé par elle et qui ne saurait faire précédent. Ce n’est donc pas tant sur le montant que la contribution achoppe que sur le stigmate social associé au geste du versement et à la sujétion qu’il implique : contrairement à la noblesse d’Empire, la chevalerie vassale, elle, n’a strictement rien à gagner au paiement, de sorte que l’on en revient à une simple lutte pour l’appropriation des surplus paysans où préservation du rang et préservation des capacités contributives de dépendants se rejoignent. La réflexion sur l’équité de l’impôt est le lieu même où peuvent saillir le caractère distinctif de la fiscalité et sa capacité à fragmenter le monde social, car la multiplicité des modes de prélèvement et l’indétermination a priori de l’assiette de l’impôt extraordinaire ouvrent la voie à de nombreux conflits et concurrences entre les groupes sociaux. À la fin du siècle suivant, une radicalité nouvelle se fait pourtant jour et la répartition de l’impôt devient très nettement le lieu d’une manière nouvelle de penser le pouvoir et le monde social.

    Équité et ordre social à la fin du xviiie siècle : répartir l’impôt

    • Franckenhausen, 1793 : « Ce n’est pas le titre, mais le bien qui doit être la mesure, si l’on ne veut pas agir de manière inéquitable81 »

    41La longue et difficile réflexion et négociation sur le mode d’imposition le plus approprié à Franckenhausen durant la guerre contre la France révolutionnaire révèle plus que toute autre combien la recherche de l’équité génère la division des contribuables, et combien cette division est le support d’un exercice du pouvoir qui repose sur la mise en concurrence des différents groupes et sur l’administration de leurs rivalités. Mais dans ces conflits font également surface des conceptions nouvelles de l’impôt et du pouvoir, aussi bien du côté des contribuables que de celui des autorités.

    42Il faut ici répartir les 3000 thalers dus par la ville pour la guerre contre la France révolutionnaire82. Le rapport de la régence du mois d’octobre 1793, vraisemblablement rédigé par Ketelhodt, relate les négociations et les discussions qui ont eu lieu83. La première échéance de mille thalers a été avancée par un prêt. Le conseil urbain propose que 2000 thalers soient payés par des impôts sur la mouture de la farine et sur la consommation de viande et de vin. 1000 thalers pourraient être levés par des impôts sur la consommation de bière et de sel. Mais certains reprochent à l’impôt sur le sel d’être de mauvais rendement. Quant à l’impôt sur la mouture, il suscite la désapprobation de certains membres du conseil, « parce que par là, la partie la plus pauvre est opprimée ». On envisage donc plutôt une capitation, afin « de soulager la partie la plus pauvre », qui exclurait « en particulier les journaliers ». Les six classes proposées sont : les conseillers (5 thalers) ; les docteurs, secrétaires et le maire (3 thalers) ; les avocats « et autres personnes honoraires » (2 thalers 12 groschens) ; les gens de commerce, divisés en trois catégories (respectivement 2 thalers, 1 thaler et 12 groschens) ; les brasseurs et autres bourgeois aisés qui n’ont pas de métier particulier (1 thaler 12 groschens) ; les maîtres de métiers et les autres personnes qui ont un métier équivalent (aequiparirend) (16 groschens ou 12 groschens). Le conseil urbain espère en tirer 428 thalers et les « Quatre » (Vierleute84), très hostiles aux impôts sur la consommation qu’ils accusent de ruiner le commerce, prônent même de lever l’intégralité du montant par une capitation. De fait, contrairement à la très grande majorité des autres formes d’imposition, la capitation prélève davantage à mesure que l’on s’élève dans l’échelle sociale85.

    43La régence considère que l’élaboration d’un cadastre prendrait trop de temps et de travail pour que soit mis en place un impôt sur la fortune et, de surcroît, la déclaration assermentée du patrimoine risquerait de conduire les sujets au parjure. Il entraînerait enfin une publication du patrimoine qui pourrait mettre en péril le crédit de certains, obligés de manifester leurs actifs et leurs passifs. Les impôts sur la consommation, qui ont très clairement la préférence du rédacteur du rapport, ont ceci d’avantageux pour la régence qu’ils sont relativement indolores et que, n’étant pas susceptibles d’engendrer une exécution fiscale, ils offrent au contribuable une forme de sécurité, tandis qu’ils épargnent aux autorités de nombreux coûts intermédiaires et frais de levée :

    Le mauvais payeur, qui a coutume de ne rien donner pour les contributions ordinaires, rit de bon cœur de ce mode d’exécution-là, car il sait bien qu’il ne fera pas l’objet de saisies, que sa petite maison ne sera pas mise aux enchères et celui qui préfère manger et boire l’argent avec lequel il pourrait payer ses contributions, il a dû le donner avant même d’avoir pu manger et boire […]86.

    44Quant à l’argument selon lequel les plus pauvres seraient plus opprimés par les impôts sur la consommation, il est rejeté, car :

    [Le pauvre] les paie successivement, en heller et en deniers et pour partie, ne s’aperçoit pas qu’il paie ; en revanche, les contributions en argent, ce n’est ni successivement, ni non plus en heller et en deniers qu’il s’en acquitte auprès du receveur87.

    45Notons toutefois qu’il est probable qu’aux « plus pauvres » l’augmentation des prix de la farine et de la bière ne passe pas inaperçue. Ces remarques révèlent plusieurs choses : en masquant au contribuable le geste du prélèvement et en le médiatisant, la confrontation est supprimée. L’impôt n’est plus versé au receveur, et les impôts sur la consommation achèvent d’euphémiser le geste fiscal, adoucissant la terreur de la levée et celant aux gouvernés le geste du versement. A changé la conception que le pouvoir se fait de son propre exercice, en rupture avec la politique de l’effroi, au bénéfice d’une administration éclairée, rationnelle, manifestement nourrie de science camérale, dont il ne faut pas sous-estimer les capacités de coercition, mais où la domination s’épargne le spectacle de la violence.

    46En affirmant rechercher l’unanimité et l’équité, l’administration se heurte pourtant à la diversité des rangs et à la concurrence des différents groupes sociaux qui en découle. Le rédacteur du rapport, qui s’efforce de penser les inégalités qui traversent le corps urbain et sur lesquelles achoppe l’équité, finit par rejeter la capitation, car

    [e]lle n’a pas non plus de juste proportion, car elle est faite davantage d’après les rangs et les titres que d’après les biens [Vermögen]. Mais ce n’est pas d’un rang et d’un titre que l’on vit, c’est de son bien, de son revenu et de ses affaires.

    47Il faut donc répartir l’impôt et penser le monde social sur une base économique et non plus statutaire. Pourtant, les deux demeurent étroitement entrelacées, et les réflexions du rédacteur du rapport sur les consommations respectives du « riche » et du « pauvre88 » révèlent aussi qu’il en demeure à une alternative entre deux figures archétypales, qu’il appelle « les deux classes » et qui sont plus bibliques que sociologiques89.

    48Alors que la régence s’apprête à publier l’ordre exigeant les impôts sur la consommation, différents groupes urbains viennent protester chacun à leur tour90. C’est la supplique des sauniers, le 5 avril 1794, qui est sans doute la plus frappante, car elle révèle que derrière les apparences d’harmonie, en cette période révolutionnaire, la sédition est prête à ressurgir91. Les sauniers dénoncent l’intervention des bourgeois de la ville pour refuser les impôts sur la consommation et proposer une contribution volontaire, car « sous le prétexte d’épargner la pauvreté, [ils] allègent les redevances pour eux-mêmes, veulent refuser les impôts sur le vin et l’eau de vie, qu’eux-mêmes ils vendent et qu’ils distillent ». Selon les sauniers, ce n’est pas le sort des « plus pauvres » qui est leur préoccupation primordiale, mais bien plutôt leur propre désir d’être épargnés par l’impôt. Les sauniers prônent, de leur côté, une mise à contribution des biens nobles et exemptés92 pour « diminuer [la contribution] du plat pays et de la ville, eu égard à l’ensemble de la somme à payer ».

    49C’est donc l’intérêt particulier qui préside aux doléances des bourgeois qui sont intervenus, et non un bien « commun » entendu ici comme l’intérêt d’une majorité. Car les Quatre ont réclamé que l’impôt soit levé selon le pied ordinaire des contributions et, ainsi, ont parlé « bien plus pour le bien de quelques bourgeois, qui doivent peu de choses, voire rien du tout, selon le pied des contributions, que pour le bien de l’ensemble de la bourgeoisie et aux dépens de la partie de la bourgeoisie qui a du bien93 » et, ce faisant, ils ont « abusé du nom de la bourgeoisie » – et l’on voit combien se tapit toujours, derrière la revendication fiscale, la question de la représentation. Les sauniers argumentent également contre le pied des contributions ordinaires, qui laisse de nombreux reliquats, et ajoutent non sans bon sens qu’« on ne paie pas des contributions de guerre avec des spécifications de reliquats ». Il s’ensuit enfin une réflexion sur la meilleure imposition : les sauniers prônent, eux, le recours aux impôts sur la mouture et la consommation – ceux qui « vivent mieux », gagnent davantage et boivent davantage de vin paieront davantage ; ceux qui détiennent une maison peu imposée mais ont un métier de bon rapport et « qui sont habitués à vivre mieux » paieront davantage que ceux, comme les sauniers, qui sont plus pauvres et « tiennent le vin pour dispensable, ou n’en consomment qu’avec parcimonie », et c’est là chose équitable (billig).

    50Dans chacune des propositions élaborées pour un autre mode d’imposition se révèlent toute une vision et une hiérarchisation de la société urbaine et, face à ces constructions concurrentes du monde social dans lesquelles la ligne entre « pauvres » et « riches » ne cesse de bouger, la régence est en position d’arbitre. La solution qui est choisie au mois de décembre 1794 est celle des impôts sur la consommation, lorsque l’on s’aperçoit à la fois que la guerre va durer et que les contributions ne rentrent pas. De même, il est décidé en février 1795 d’imposer les biens de la chevalerie, les biens exemptés, et les juifs94. Parallèlement, la tension s’accroît, la régence suspecte des rassemblements et des bourgeois venus porter une supplique « disent tout haut qu’ils ne savent pas dans quel état se trouve la caisse des impôts et réclament pour cela une commission expresse pour mener une enquête avec implication d’un avocat étranger95 » : les temps sont à l’agitation des populations urbaines et rurales et l’on retrouve chez les Schönburg voisins, à la même époque, des interrogations, des revendications et des réflexions sur l’impôt tout à fait analogues.

    • Schönburg, 1791-1797 : « Il ne peut exister véritablement qu’une seule équité »

    51Sur fond de double soulèvement des villes et des campagnes saxonnes, de guerre contre la France et sans doute aussi en lien avec la personnalité de l’avocat, la revendication d’équité se mue chez les Schönburg, lors des deux procès des années 1790, en un véritable réquisitoire contre les exemptions nobiliaires, pour une juste répartition de l’impôt et pour une responsabilité des gouvernants devant leurs sujets.

    52Contrairement au cas de Franckenhausen, l’union des contribuables s’opère ici, car elle se construit en prenant pour cible trois catégories bien définies de la population : d’une part, les Schutzverwandten, une catégorie aux contours mal définis96 ; d’autre part, les propriétaires de terrains non imposables97 (unbeschockte Grundbesitzer) ; et enfin, les comtes et princes eux-mêmes, accusés de s’être « épargnés » (verschont) de l’impôt et de n’avoir pas « compati » (zur Mitleidenheit ziehen) aux charges communes. À l’avocat des Schönburg, qui affirme que le pied des soixantaines est l’unique mode possible de répartition, l’avocat des demandeurs oppose que les comtes ont bien recouru par le passé, et notamment pendant la guerre de Sept Ans, à des modes d’imposition universelle, et il conclut :

    Si de telles excuses pouvaient être d’un quelconque poids et s’il fallait que pour lever les sommes nécessaires aux nécessités publiques ce soit tantôt ceci, tantôt cela qui devait être équitable et juste [recht und billig], il y aurait bien vite tout un régiment d’équités. Mais pour la levée d’une contribution destinée à repousser une calamité publique, il ne peut exister véritablement qu’une seule équité98.

    53En 1794, les impôts d’Empire sont répartis selon un système proche de la capitation, le conflit précédent ayant débouché sur une victoire des sujets à cet égard : l’impôt est réparti par « unité de personne » (Mannschaft), chaque unité étant redevable de 2 thalers 12 groschens, et le nombre d’unités étant fonction à la fois du montant de l’impôt à répartir et de la qualité du contribuable. Les comptes de l’impôt levé et des dépenses sont imprimés et probablement publiés, du moins sont-ils transmis aux sujets, ce qui constitue une rupture majeure par rapport au premier procès où l’avocat de la défense plaidait que l’emploi des deniers ne « concernait en rien » les contribuables.

    54La classification est faite selon un mélange de préséance et de proximité avec le pouvoir99. Les sujets – leur avocat ou leurs représentants – s’emparent derechef du compte et se livrent à un commentaire assidu en quarante-quatre remontrances, les trente-quatre premières contre les revenus et les dix suivantes contre les dépenses100. La toute première remontrance concerne la contribution des Schönburg aux impôts – que les sujets ont donc obtenue :

    Les seigneurs de Schönburg appellent les 1200 thalers qu’ils doivent au titre des contributions extraordinaires une « libre contribution volontaire » [freywillige Beyträge] et par là, ils n’ont nulle autre intention que de s’y soustraire de nouveau à l’avenir. […] D’un autre côté, les seigneurs de Schönburg ont tant de possessions que si l’on compte leurs nombreuses possessions par Mannschaft et chacune à 2 thalers 12 groschens, ils doivent contribuer beaucoup plus que 1200 thalers. On ne peut donc pas reconnaître ces 1200 thalers comme une contribution volontaire, mais ce chapitre doit être intitulé « contributions consenties [verwilligte Beyträge] par l’ensemble de la haute Maison princière et comtale de Schönburg », si l’on ne veut pas donner l’occasion à des mésinterprétations101.

    55Non seulement est réaffirmée l’obligation pour les princes et comtes de contribuer définitivement aux impôts impériaux, mais encore la volonté d’augmenter leur contribution en l’asseyant sur leurs possessions : l’impôt juste n’est pas fonction du rang, mais du patrimoine. De même pour les vassaux dont les biens ne sont « dans aucune proportion » (zu keinem Verhältnis) avec ceux des bourgeois et des paysans. Pour « conserver une certaine égalité » (eine Gleichheit erhalten), il faut procéder à une évaluation de leurs biens et leur assigner un nombre de Mannschaften, faute de quoi continuent à régner « l’inégalité la plus manifeste » et « la plus grande disproportion ». Les remontrances suivantes démasquent les unes après les autres toutes les inéquités survenues : les contributions qui ont changé d’une année sur l’autre ; les montants disparates pour un même statut, ou inversement, des contributions analogues pour des statuts disparates :

    Espérons qu’il y a une différence entre un musicien pensionnaire de la ville et un joueur de village. Et pourtant, l’un comme l’autre, ils doivent 8 groschens, bien que le musicien pensionnaire puisse facilement en donner 16.

    56Les marchands sis dans les villages des bailliages de Glauchau, Waldenburg et Lichtenstein sont nombreux, et pourtant ils ne sont pas mentionnés dans le registre de capitation. Les champs, prés et jardins urbains n’ont pas été pris en compte. Les marchands en gros de Lichtenstein sont imposés en tant que groupe pour 60 thalers, sans que soit spécifié leur nombre, ni de combien chacun est redevable. Les merciers sont distingués des marchands au détail, ce qui n’a pas de sens, et la liste est encore longue. Bref : c’est l’ensemble de la hiérarchie entre les sujets telle qu’elle est produite par l’impôt qui est patiemment contestée, détissée et remaniée au nom de l’équité mais aussi de plus en plus au nom d’une conformité (Gleichheit) dont les occurrences se multiplient et dont le caractère géométrique est avéré par la multiplication des références aux relations entre les individus et les groupes (Verhältnisse, [Dis-]proportion).

    57Enfin, la seizième remontrance, tout en reconnaissant que ce serait un « coût inutile » que de faire imprimer les contributions individuelles de chaque sujet, estime que le résumé par bailliage est « trop général », réclame que les sommes soient spécifiées localité par localité et affirme que « tant que cela n’aura pas eu lieu, on ne peut pas reconnaître la somme des revenus de 4747 thalers 5 groschens 9 deniers comme exacte ». En exigeant la connaissance des montants et en commentant la comptabilité publiée, les sujets s’arrogent un droit de regard et de décision qui confine au droit de consentement et à l’exigence d’une responsabilité des gouvernants. C’est la procédure judiciaire qui rend possible ici cette conquête de droits nouveaux : mais c’est un infléchissement considérable de la vocation initiale de l’institution.

    58À travers les revendications de publicité du chiffre ou d’équité de la répartition entre les hommes et entre les lieux, c’est toujours le consentement des contribuables à l’impôt qui est en jeu et, derrière lui, leur participation au pouvoir. En revendiquant ces droits ou en se les appropriant de fait, les contribuables remettent en question l’ensemble de la répartition des prérogatives, dans le cadre de pouvoirs déjà mal définis et sans cesse contestés. Corollairement, derrière le consentement, c’est l’essence même de la sujétion qui est en jeu et, en particulier, la redevabilité permanente et inconditionnelle qu’elle présuppose. En aspirant à « consentir » à l’impôt, les sujets s’efforcent de circonscrire le champ de leur redevabilité, et les gouvernants n’entendent pas les laisser faire, en leur opposant une autre forme du « consentement », qui relève de l’acquiescement inconditionnel.

    Consentement des contribuables et droit d’imposer : sujétion et redevabilité

    59Si l’impôt se dit presque toujours, du côté des autorités, dans les catégories du « don » (geben) et de l’aide (Hilfe), c’est parce que le consentement des contribuables à l’impôt est considéré par la majorité des juristes depuis le xvie siècle comme une condition nécessaire de sa légitimité et de l’exercice d’un pouvoir non tyrannique : il faut l’approbation de la Diète d’Empire ou des états du territoire. Mais l’usage qu’en font les contribuables s’éloigne quelque peu de ce principe général ou plutôt, en constitue une interprétation audacieuse102. Ce « don » et cette « aide », on l’a vu, sont intrinsèquement ambigus, comme l’atteste la racine indo-européenne *do, qui dit à la fois donner et prendre, offrir et saisir103. Corollairement, le consentement à ce geste ambigu l’est tout autant lui-même. Les contribuables en invoquent une version forte et emploient le terme bewilligen, qui signifie donner expressément son consentement à quelque chose, et qui implique donc la possibilité d’un refus ; les autorités, elles, emploient des termes plus faibles comme willig sein : être consentant, témoigner sa bonne volonté ou, plus faible encore, sich bequemen : se résoudre, se rendre à quelque chose, obéir104. La revendication d’un consentement entendu au sens fort les met directement face aux limites de leur jus collectandi : si les sujets peuvent refuser l’impôt, c’est que leur droit de collecte a des bornes. Conséquemment, la définition des types d’impôts, ordinaires et extraordinaires, impériaux ou « territoriaux », et leur différenciation est aussi au cœur de la discussion, car l’impôt d’Empire, consenti par la Diète d’Empire, n’est pas susceptible d’être consenti par les contribuables, déjà liés par la décision de la Diète. Ces derniers n’entendent pourtant pas demeurer les objets passifs d’un droit de collecte dont on craint toujours qu’il devienne illimité à la faveur de ces ponctions extraordinaires, si bien que la lutte pied à pied sur le partage des prérogatives entre gouvernants et gouvernés s’opère principalement autour de l’alternative entre la réclamation d’un droit de consentir du côté des contribuables, et l’affirmation du statut d’état d’Empire, muni de la supériorité territoriale et du jus collectandi, du côté des autorités105. Dans le contexte de mise en cause de leur statut d’états d’Empire, les seigneurs, princes et comtes sont contraints de réaffirmer leurs droits avec d’autant plus de véhémence : si donc l’impôt d’Empire est le vecteur d’une consolidation du jus collectandi et de la supériorité territoriale106, il est aussi le vecteur d’une contestation par les sujets qui contribue à faire vaciller et à mettre perpétuellement en question ces efforts du pouvoir pour asseoir et définir son autorité. La présence d’une Diète territoriale ou d’états institutionnalisés (Landtag, Landschaft) modifie la structure du conflit et la légitimité des revendications, mais seulement très marginalement leur contenu.

    Consentement et jus collectandi (Reuss-Greiz, 1715)

    60Dans une période où l’antagonisme avec la Saxe est particulièrement intense et où les gouvernants mènent l’offensive pour tenter d’établir un pouvoir aussi étendu que possible sur les sujets, ces derniers optent chez les Schönburg et les Reuss pour des tactiques légèrement différentes. Tandis que les premiers tentent de circonscrire le droit de prélèvement des seigneurs et mettent des bornes au jus collectandi en affirmant qu’ils ne sont pas tenus de payer de manière inconditionnelle, les seconds invoquent que seul l’empereur peut exiger d’eux des impôts. Ce faisant et contrairement aux apparences, ils portent une revendication beaucoup plus subversive, puisqu’ils dénient à leurs seigneurs et comtes la détention même du jus collectandi et qu’ils soulignent que le consentement de la noblesse du pays ne saurait les obliger, eux, à payer – et l’on voit ici combien la convocation de la figure de l’empereur répond aussi à une nécessité tactique. En 1715, ils écrivent une supplique à Prague et affirment :

    Nous sommes d’avis que personne d’autre que Votre Majesté impériale romaine également royale en Espagne, Hongrie et Bohême ne peut réclamer de nous des impôts, et nous nous sommes toujours montrés aussi consentants et obéissants que redevables [so willigst und gehorsambst, alß schuldigst] pour transmettre ceux qui étaient exigés en votre très haut nom et ce qui nous a été attribué jusqu’à présent depuis l’année 1709 en impôts ordinaires dits de guerre et d’Empire, nous l’avons transmis exactement, comme l’atteste la pièce no 1107.

    61Derrière les protestations de soumission et de redevabilité, le fait que les sujets se placent immédiatement sous l’autorité impériale n’est pas dénué de subversion, ce qui n’échappe pas, au demeurant, à la comtesse douairière. Celle-ci rédige un brouillon de réponse destiné à Prague, que le directeur de la chancellerie corrige en lui conseillant d’adopter un ton « plus neutre » et « sans passion ». Le brouillon donne donc la mesure du défi que représente le recours des sujets. La comtesse se propose de relater

    dans quelle mesure mes paysans rebelles et impies ont eu l’audace de faire un recours au sujet des impôts exigés d’eux de plein droit et même, de me disputer de manière hautement insolente le jus collectandi qui […] me revient indubitablement et à prétendre effrontément, qu’ils ne seraient redevables de donner aucun autre impôt que ceux qui seraient prescrits par Sa Maj. impériale et royale108.

    62On peut noter au passage que, si les paysans emploient un terme strictement descriptif du processus, « verser » (abführen), pour désigner l’acquittement de l’impôt, la comtesse, elle, emploie le mot « donner » (geben) et l’on voit surgir de nouveau l’ambiguïté d’un don inconditionnellement dû, qui est au cœur de la question du « consentement ». Le point nodal est bel et bien le droit d’imposer du prince territorial en tant qu’état d’Empire. Quoique les pays de Reuss-Obergreiz disposent d’une assemblée d’états, l’absence de représentation paysanne conduit à un refus des impôts territoriaux, les paysans ne s’estimant pas tenus de contribuer à ce à quoi ils n’ont pas consenti : on se souvient que lors de l’exécution de Naitschau en janvier 1715, les paysans avaient effrontément rétorqué à l’exécuteur que la noblesse pouvait bien consentir à l’impôt, mais qu’elle devait alors payer, soulignant le caractère injuste de la disjonction entre ceux qui consentent et ceux qui contribuent109. Quant à l’impôt d’Empire, les paysans finissent par le refuser également.

    63Un demi-siècle plus tard, toujours chez les Reuss, la question est à la fois même et autre : le cadre sémantique et l’univers de pensée dans lesquels elle s’exprime ont changé et l’on dénonce en des termes nouveaux l’arbitraire du pouvoir et la tyrannie, si bien que le consentement prend une place beaucoup plus centrale dans les revendications.

    Consentement, arbitraire et tyrannie (Gera, 1774 ; Schönburg, 1778-1790)

    64Lorsque les états de Gera contestent le montant des dettes héritées de la guerre de Sept Ans, ils recourent à une rhétorique bien rôdée, qui relève de l’auto-célébration d’institutions impériales supposées préserver l’harmonie du corps social et les « libertés allemandes ». Mais ils entendent également s’arroger pour l’impôt d’Empire les prérogatives qu’ils détiennent pour l’impôt du pays : le droit d’y consentir.

    Mais nulle part [y compris dans les pays sans états], fort heureusement pour l’Allemagne, ne règne le despotisme, et jamais la supériorité territoriale ne peut dégénérer en ce monstrum arbitrarii iuris territorialis décrit par Treuer110.

    65La monstruosité n’est plus, comme chez Pufendorf, du côté de l’Empire mais, bien au contraire, dans une dégénérescence de la supériorité territoriale en une souveraineté arbitraire qui serait celle de l’absolutisme : le dualisme entre les autorités régnantes et les états du pays est ici pensé comme l’un des facteurs de cette harmonie qui fait barrage à la tyrannie111. La fiscalité joue un rôle éminent dans cet équilibre harmonieux de pouvoirs qui se contrebalancent réciproquement : nulle part, y compris là où il n’y a pas d’états, un état d’Empire n’a le droit d’imposer ses sujets « contre leur volonté selon son bon plaisir ».

    Par conséquent rien n’est aussi certain que le fait qu’il aille essentiellement à l’encontre de la constitution de la Maison et du pays Reuss, qu’un des comtes veuille exiger des impôts de ses sujets sans le consentement préalable des états, ou bien, après que ce consentement a eu lieu, qu’il entreprenne de prescrire davantage d’impôts qu’il n’en a été consenti112.

    66La Landschaft n’entend pas renoncer à son droit de consentir, bien que le droit d’Empire pourtant ne le lui arroge pas et, pour borner le « despotisme » incarné par les prescriptions fiscales arbitraires, elle joue la corde du patriotisme impérial.

    En 1778 apparaît de même chez les Schönburg la question du consentement à l’impôt (Bewilligung) qui, comme celle de la répartition, était entièrement absente auparavant : jusque-là, le terme n’intervenait que pour désigner le consentement des états d’Empire à la Diète d’Empire. L’invocation d’un droit de consentir à l’impôt est ici triplement audacieuse : d’une part, parce que les pays Schönburg n’ont pas d’assemblée d’états mais, comme le font remarquer les états de Gera eux-mêmes dans leurs remontrances, les pays sans états doivent être également prémunis de la tyrannie. D’autre part, parce que le recès de 1740 libère explicitement les comtes de Schönburg des redditions de comptes pour l’impôt ordinaire. Enfin et surtout, parce que les impôts impériaux n’ont jamais été soumis au consentement des contribuables. L’impôt ordinaire sert ici, comme chez les Reuss, de point d’appui pour une extension du droit de consentement à l’impôt extraordinaire, et les sujets rabattent audacieusement les deux sortes d’impôt l’une sur l’autre. Le 20 mars 1778, ils protestent dans une supplique à la régence « contre la levée exécutive de tous les impôts non consentis ordinaires et extraordinaires », sans que l’on puisse déterminer si « non consentis » s’applique véritablement uniquement à l’ordinaire113. La plaidoirie de Zwierlein franchit un pas supplémentaire et affirme que les sujets « ne peuvent être imposés et chargés sans leur consentement au-delà des prestations effectives de l’Empire et du cercle par des impôts et des redevances arbitraires [willkürlich], et d’autres prestations114 ». L’argument joue à dessein sur l’équivoque : de fait, si les comtes de Schönburg veulent imposer leurs sujets au-delà de la part réclamée par l’Empire, ils sont hors du droit et l’on voit ici comment se nouent ensemble les deux questions de la publicité du chiffre et du consentement. Lors du procès des années 1790, la plaidoirie des demandeurs va plus loin encore : les dépenses et les avances qui ont été faites par les comtes pendant la guerre de Sept Ans l’ont été « sans connaissance préalable [Vorwissen] ni consentement [Bewilligung] des demandeurs115 » et, par conséquent, elles ne sauraient les obliger. L’avocat de la défense accuse en retour les demandeurs de vouloir établir de facto une assemblée d’états, et répond que les comtes de Schönburg « sont en possession vel quasi du droit patrimonial de lever de façon illimitée les impôts sur leurs sujets imposables [beschockt] sans consentement préalable116 ». De même que l’accusation postule l’existence d’un très hypothétique droit de consentement, de même la défense entend affirmer un tout aussi hypothétique droit « illimité » d’imposer les sujets, car le recès de 1740 a explicitement interdit aux Schönburg toute augmentation de l’impôt ordinaire. Si ces derniers reconnaissent être soumis à un consentement, c’est uniquement celui de l’électeur de Saxe, dont l’approbation leur est depuis 1740 également nécessaire pour lever des impôts extraordinaires. À travers les plaidoiries des deux avocats, ce sont ici non seulement deux conceptions du droit qui s’affrontent, mais également et plus profondément deux philosophies politiques, et chacun est pleinement conscient de l’horizon de l’autre.

    Au cœur du débat se trouve la question de l’arbitraire, elle-même au cœur de la répartition des pouvoirs et des prérogatives : car l’arbitraire dit une usurpation, celle de qui agit de son propre chef en s’arrogeant un droit qui ne lui revient pas et qui, ce faisant, bafoue les droits de ceux qui sont fondés à exercer ces prérogatives. L’arbitraire se dit dans deux mots : Willkür et Eigenmacht. L’Eigenmacht est ambivalente : tout en désignant de façon neutre ce qui est fait par un agent de sa propre autorité, elle tend à signifier, surtout dans sa forme adjectivale, l’arbitraire et l’usurpation. Lusage court tout au long de la période et, on l’a vu, le terme est utilisé dans les différents conflits. La Willkür est tout aussi polysémique, elle peut être entendue en bonne part et recouvre également quelque chose qui ressortit au libre-arbitre et à la libre décision. Son usage en mauvaise part est plus récent117 et c’est au demeurant dans ce procès que le terme surgit pour la première fois : les demandeurs affirment que les Schönburg « n’ont pas le droit d’exiger des impôts de manière arbitraire118 ». À cela, la défense répond avec véhémence que lorsqu’un état d’Empire prescrit un impôt, ce n’est pas « par arbitraire » (nach Willkühr),

    mais ils ont le droit de le faire [dürfen] dans les situations de nécessité, d’utilité publique [öffentliche Utilitaet], pour le bien [Nuzen] de leurs pays et de leurs fiefs, lors des calamités extraordinaires et pour les fardeaux communs du pays, de l’Empire et du cercle, et comme les demandeurs ne peuvent pas [können] le faire, mais que ce sont les domini territoriali qui sont responsables des revenus et des dépenses ; ils ne peuvent rien opposer à cela, ni se plaindre119.

    67L’impôt est justifié, classiquement, par l’urgence, la nécessité, et l’« utilité » ; et l’avocat remet ici en place l’ordre du pouvoir, dans lequel le prince territorial décide et les sujets obéissent. Il est remarquable qu’alors que les seigneurs peuvent lever l’impôt parce qu’ils en « ont le droit » (dürfen), les sujets, eux, ne le peuvent pas, car ils en sont « incapables » (nicht können). Quant à l’Eigenmacht, elle dit plus précisément encore le fait que les gouvernants se sont soustraits aux lois de l’Empire ou ont usurpé les prérogatives des contribuables : l’impôt a été exigé « immédiatement, de façon arbitraire » sans manifester au préalable la quote de l’Empire (sofort eigenmächtig, ohne die vom Reich assignierte Quotam zuförderst speciell und ausdrücklich zu manifestiren120) – c’est ici le droit d’imposer de l’empereur qui est bafoué, car les seigneurs, en s’arrogeant ce droit, usurpent celui d’un autre et l’exercent à sa place au lieu de l’exercer en son nom ; ils ont, en outre, exigé cet impôt « d’après le pied des soixantaines, selon une répartition faite arbitrairement par eux-mêmes » (nach einer eigenmächtig nach dem Schockfuß selbstgemachten Repartition121). Son usage est corrélé à celui du verbe « ansinnen » (exiger, mais avec une connotation d’arbitraire). Là encore, la défense s’élève contre l’emploi d’un terme dont elle affirme qu’il suggère une attitude contraire aux lois (Gesetzwidrigkeit), alors que la prérogative est exercée de plein droit par les défendeurs en tant qu’états d’Empire.

    68Lusage s’est renversé : jusqu’au milieu du xviiie siècle, l’Eigenmächtigkeit est presque exclusivement un reproche adressé par les seigneurs aux sujets qui s’arrogent des prérogatives auxquelles ils ne sauraient prétendre. Le terme est employé chaque fois pour dénoncer la sédition, et la plupart du temps en lien avec la « liberté » que les sujets tentent de se ménager – et cette liberté-là, qui est entendue en mauvaise part, se dit toujours au singulier avec le terme latin germanisé (Libertät), comme lorsque au xviie siècle, les sujets tentent de « s’arroger une liberté usurpée, en ne faisant dans la semaine qu’un seul jour de corvée, voire seulement quelques heures122 ». Cette Libertät est au fond l’exact contraire de la redevabilité (Schuldigkeit) qui, pour les seigneurs, est au fondement de la sujétion.

    Au cœur de ces discussions sur la légitimité de l’impôt et sur la répartition des prérogatives entre gouvernants et gouvernés, ce qui, essentiellement et en permanence, est mis en cause, implicitement ou explicitement, ce sont les termes de la sujétion et la définition d’un statut politique et social. En contestant l’impôt, les sujets et leurs avocats mettent en discussion les termes publics de l’exercice et de la définition du pouvoir. Et la lutte à la corde de chacune des deux parties pour faire valoir sa « partition » est peut-être, pour reprendre les termes de James C. Scott, « l’arène la plus ordinaire de la lutte des classes123 », si l’on veut bien entendre cette dernière moins au sens d’un antagonisme entre des groupes constitués a priori, que comme une lutte entre fractions du monde social structurées par des relations de pouvoir et de domination, lutte qui participe, précisément, à leur constitution comme groupes124.

    Les circulations et les déclinaisons sociales, spatiales et temporelles des revendications dessinent un espace politique à la fois fragmenté et uni. Davantage qu’ils ne révèlent une politisation qui serait un processus linéaire, uniforme et orienté vers la réalisation des formes actuelles de la politique, les désordres antifiscaux empruntent à la fois à une culture politique partagée dans toute l’Europe moderne et à des traits propres à la situation particulière de ces petits pays immédiats d’Empire. La « politisation », ici, est liée à des contextes, elle est susceptible de rétractions et correspond davantage à la densification contextualisée d’une intensité politique125. Le siècle et demi de contestation de l’impôt apparaît ainsi comme une sédimentation progressive d’activité politique plus ou moins intense selon les lieux, les moments et les groupes sociaux, mais fondé dans tous les cas sur une intense circulation à ce triple égard.

    69Ces conflits sont également le matériau sur le fond duquel s’opèrera par la suite la politisation des xixe et xxe siècles, en particulier dans ces régions qui deviendront au cours du xixe siècle des bastions de la politisation socialiste – et la transition demeurerait à étudier. Malgré tous ses efforts pour exclure le populaire de la sphère publique au nom de son irrationalité, l’Ancien Régime fonctionne malgré lui avec un peuple qui entend intervenir dans les affaires publiques, qui reprend à son compte les argumentaires élaborés par la « sphère publique bourgeoise », voire par la noblesse, lorsque celle-ci s’érige en porte-parole du pays, et inversement : car ni les plaidoiries des avocats ni les remontrances de la chevalerie ne s’élaborent indépendamment des suppliques issues des couches roturières126. Ces mondes mis en contact ne parlent et ne pensent pas à l’identique, mais ils pensent en relation les uns avec les autres, comme ils pensent en relation avec la mémoire des conflits antérieurs et avec les pays voisins. Le « politique » dont il s’agit ici n’est pas celui des « conceptions modernes, libérales, individualistes127 », ce n’est pas un politique désenclavé du monde social et il circule fortement, selon des lignes tracées par des lieux sociaux communs. Mais il est décliné chaque fois selon les aspirations propres au contexte et aux groupes mobilisés. Publicité, répartition et consentement forment les trois grands cas de cette déclinaison. Régulièrement, l’impôt ménage aux contribuables – ou plutôt, les contribuables se ménagent par l’impôt – des espaces de publicité, qui leur assurent la possibilité de contribuer à élaborer la définition des termes de la domination.

    *

    Concurrences normatives et élaborations politiques

    De cette confusion [entre la multiplicité des normes et des lois] arrive que l’un dit que l’essence de la justice est l’autorité du législateur, l’autre la commodité du souverain, l’autre la coutume présente, et c’est le plus sûr. Rien suivant la seule raison n’est juste de soi, tout branle avec le temps. La coutume fait toute l’équité, par cette seule raison qu’elle est reçue. C’est le fondement mystique de toute autorité. Qui la ramènera à son principe l’anéantit. […] L’art de fronder et de bouleverser les États est d’ébranler les coutumes établies, en sondant jusque dans leur source pour marquer leur défaut d’autorité et de justice. […] Il ne faut pas qu’il [le peuple] sente la vérité de l’usurpation, elle a été introduite autrefois sans raison, elle est devenue raisonnable128.

    70Cette faille de la coutume et la multiplicité des normes rendent visible un « défaut d’autorité et de justice » qui explique peut-être le haut degré de conflictualité de ces petits territoires : l’équité est sans ancrage coutumier solide, les gouvernés « secouent le joug dès qu’ils le reconnaissent129 ». La multiplicité des normes et la possibilité de les faire jouer les unes contre les autres ouvrent à l’ensemble des agents des marges de manœuvre importantes au sein du jeu institutionnel. Les espaces du pouvoir, structurés par les stratégies sociales des gouvernants et l’intrication des réseaux de conflictualité, voient également se dérouler, dans ce processus où le « joug » est secoué, une perpétuelle déconstruction et reconstruction politique. L’impôt d’Empire, extraordinaire, n’a pas pour lui la légitimité de la coutume, et fait ressurgir l’« usurpation ».

    71La troisième partie s’est donc attachée à explorer, sous trois facettes, les formes de la construction politique qui pouvaient découler du refus de l’impôt d’Empire, afin de les appréhender non pas seulement comme des « résistances », mais comme une force propre de construction et de définition. L’exécution fiscale, démonstration éclatante et magistrale de la force du pouvoir, par la destruction des biens, la violence physique et la perpétuation de l’endettement, est apparue comme un élément cardinal de la reproduction de l’ordre social. Mais elle révèle également combien protection et prédation sont des rôles à géométrie variable et sont en concurrence perpétuelle dans un univers impérial où les différents niveaux d’autorité, qui ne sont pas attachés, une fois pour toutes, à des fonctions. Ce rappel à l’ordre intervient à son tour en réponse au désordre de la révolte et du procès, si bien que les deux menaces s’équilibrent et se répondent. Révoltes et procès contre l’impôt d’Empire jouent, eux, un rôle essentiel dans la création d’un groupe de contribuables autonome vis-à-vis des autorités comme des représentants traditionnels, et dont l’aspiration à l’unité emprunte bien des motifs à la représentation par les assemblées d’états. Révoltes et procès forment deux modes d’action complémentaires et non exclusifs, bien au contraire : les seconds ne viennent pas remplacer les premières dans un mouvement de pacification, et ces deux formes d’action collective sont le lieu d’élaboration d’un certain nombre de droits. Mais les procédures judiciaires jouent un rôle majeur dans la publication du désordre. Après avoir exploré les modalités pratiques de la « lutte à la corde » comme vecteur de l’élaboration d’un pouvoir des sujets, il fallait donc rendre compte de ses modalités discursives, en étudiant trois revendications présentes sur l’ensemble de la période, et leurs variations : la revendication de publicité, la revendication d’équité et la revendication d’un consentement à l’impôt se déclinent différemment selon les univers sociaux, les époques et les circonstances, mais ces trois exigences révèlent combien l’impôt d’Empire nous met au cœur de l’équilibre des relations sociales et politiques. Les évolutions sur la période révèlent des inflexions parfois profondes et le milieu du xviiie siècle marque une façon nouvelle d’envisager les relations de pouvoir et les relations sociales.

    72Montrer que l’affrontement, y compris dans ses formes violentes, pouvait être le lieu d’une construction du pouvoir par les sujets, par le double processus consistant à délimiter le pouvoir des gouvernants et à élaborer le leur en concurrence avec celui des autorités : tel était le propos de cette troisième partie. Cette vision n’est possible qu’à la condition de se défaire des représentations pyramidales ou dyadiques du monde social, pour faire place aux courts-circuits, aux alliances de circonstance et aux reconfigurations permanentes des relations, sur le fond d’une concurrence perpétuelle des autorités et des sources normatives – sans pour autant que ces concurrences, ces courts-circuits et ces reconfigurations excluent le moins du monde que l’ensemble soit structuré par des lignes claires de domination et de subordination.

    Notes de bas de page

    1 HStAD, Reichskammergericht, 41, vol. 2, fol. 345-348b, lettre des Schönburg à l’électeur, 15 juillet 1663.

    2 Cf. R. Chartier, Les origines culturelles de la Révolution française, Paris, Seuil, 2000, p. 45 : « Le public contre le peuple » et p. 46-47 : « L’universalité de ses décrets [ceux de l’opinion publique] comme l’évidence contraignante de ses jugements lui viennent de cette constance sans variations ni déchirements. Elle est donc l’inverse de l’opinion populaire, multiple, versatile, habitée par les préjugés et les passions. »

    3 R. Chartier, « Culture populaire et culture politique d’Ancien Régime : quelques réflexions », dans K. M. Baker (dir.), The French Revolution and the Creation of Modern Political Culture, 1, The Political Culture of the Old Regime, Oxford/New York, Pergamon Press, 1987, p. 243-258, citation p. 250.

    4 Pour une critique de cette approche, voir A. Würgler, « Das Modernisierungspotential… », art. cité.

    5 Il s’agit alors souvent d’expliquer les révoltes par les manquements individuels d’un mauvais seigneur (O. Brunner, Land und Herrschaft…, op. cit.), ou de souligner que la contestation antiétatique prime sur la contestation antiseigneuriale (R. Mousnier, Fureurs paysannes. Les paysans dans les révoltes du xviie siècle [France, Russie, Chine], Paris, Calmann-Lévy, 1968).

    6 M. Agulhon, « Présentation », art. cité, p. 2 et 5.

    7 Camille Hamidi définit ainsi le politique par sa « fonction de résolution des conflits par un appel à des principes d’arbitrage extérieurs aux parties en présence et tirés des valeurs centrales de la société », une définition qui nous paraît étonnamment adéquate également pour l’époque moderne (C. Hamidi, « Éléments pour une approche interactionniste de la politisation. Engagement associatif et rapport au politique dans des associations locales issues de l’immigration », Revue française de science politique, 56/1, 2006, p. 5-25).

    8 A. Corbin, « Recherche historique et imaginaire politique, à propos des campagnes françaises au xixe siècle », dans La politisation des campagnes au xixe siècle : France, Italie, Espagne, Portugal, actes du colloque de l’École française de Rome, février 1997, Rome/ Paris, École française de Rome/De Boccard, 2000, p. 47-55 : « Il s’agit de montrer que les habitants des campagnes ne constituent pas une cire molle ; qu’ils possèdent, bien avant la IIe République, et qu’ils conservent bien plus tard dans le siècle, leurs propres réseaux d’intérêts, qu’ils effectuent, en permanence, leurs propres calculs », p. 51, et Id., « L’histoire de la violence dans les campagnes françaises », Ethnologie française, 21/3, 1991, p. 224-236, ici p. 228-229 : « C’est toutefois avec raison […] que Giovanni Levi conseille de se garder de réduire la logique des comportements à la résistance que de telles sociétés opposent aux pouvoirs qui les surplombent. Leur attitude n’est pas toute de passivité. En même temps qu’ils s’opposent, qu’ils s’arqueboutent, les villageois nourrissent une visée de transformation, pensent à utiliser les modifications qui s’opèrent dans la société et dans le milieu naturel afin de mieux maîtriser l’avenir. »

    9 A. Würgler, « Das Modernisierungspotential… », art. cité, et Unruhen und Öffentlichkeit…, op. cit. ; P. Blickle, Unruhen…, op. cit. ; Id., Studien…, op. cit. ; Id. (dir.), Gemeinde und Staat…, op. cit.

    10 P. Blickle, Unruhen…, op. cit., p. 5.

    11 Pour un aperçu éclairant du caractère éminemment politique d’autres objets de conflit et en particulier des droits seigneuriaux, voir C. Castiglione, Patrons and Adversaries…, op. cit.

    12 Cf. chap. 3.

    13 Cf. chap. 6, p. 272.

    14 R. Chartier, Les origines culturelles…, op. cit., p. 206.

    15 Cf. A. Würgler, « Das Modernisierungspotential… », art. cité, en particulier p. 211-215.

    16 Sur cette revendication, ibid., en particulier p. 202-203.

    17 F. Véron de Forbonnais, Recherches et Considérations sur les finances de la France, depuis l’année 1595 jusqu’à l’année 1721, Bâle, 1758, cité par J.-M. Thieveaud, dans P. Bernoux, J.-M. Servet (dir.), La construction sociale de la confiance, Paris, Montchrestien, 1996, p. 4.

    18 Cf. A. Würgler, « Das Modernisierungspotential… », art. cité, en particulier p. 202-203.

    19 Cf. chap. 2.

    20 Die vom Reich assignirte Quota eigentlich und außdrücklich manifestiren.

    21 Cf. J. J. Moser, Von der Landeshoheit…, op. cit., p. 505.

    22 Ibid., p. 519.

    23 HStAD, Reichskammergericht, 41, vol. 1, fol. 13-15, jugement des échevins de Leipzig, octobre 1662, et de la Cour supérieure de justice, 6 juillet 1663.

    24 Ibid., vol. 2, fol. 368, les sujets Schönburg à la Chambre de justice impériale, 13 janvier 1663.

    25 J. J. Moser, Von der Landeshoheit…, op. cit., p. 520.

    26 Cf. chap. 5 pour le contexte.

    27 HStAG, Hausarchiv Ober- und Untergreiz, Schrank IV, Fach 7a, Nr. 9, fol. 22-28.

    28 Le conflit des années 1660 chez les Schönburg, qui concerne également le caractère illimité des corvées, pose au fond la même question : les sujets sont-ils indéfiniment redevables ?

    29 HStAD, Appellationsgericht, 5209, plaidoirie de Friedrich Albert Schmidt, fol. 11-20.

    30 Ibid.

    31 Sur le rôle croissant du chiffre comme mise en forme du réel, voir L. Behrisch (dir.), Vermessen, Zählen, Berechnen. Die politische Ordnung des Raums im 18. Jahrhundert, Francfort-sur-le Main/New York, 2006. Sur le chiffre comme instrument nouveau d’un pouvoir « rationalisé », où le pouvoir est moins légitimé par ses fondements que par ses missions (Ziel), voir Id., « “Politische Zahlen”. Statistik und die Rationalisierung der Herrschaft im späten Ancien Régime », Zeitschrift für Historische Forschung, 31, 2004, p. 551-577, qui montre très bien comment l’instrument de gouvernement et de persuasion qu’est le chiffre ouvre aux sujets gouvernés de nouvelles marges de manœuvre.

    32 HStAD, Reichskammergericht, 41, vol. 1, plaidoirie d’Eichrodt, fol. 100-107.

    33 Ibid.

    34 HStAD, Reichskammergericht, 41, vol. 3, fol. 576b-577.

    35 Cf. chap. 2, fig. 8.

    36 HStAD, Reichskammergericht, 41, vol. 2, fol. 197.

    37 Cf. chap. 2.

    38 HStAD, Reichskammergericht, 41, vol. 1, fol. 23-32, plaidoirie d’Erhardt, 22 novembre 1664.

    39 Cf. chap. 4, p. 172-174.

    40 HStAR, Kanzlei Rudolstadt, E XVI 4a Nr. 6, rapport de Praun, 15 janvier 1715.

    41 Le 29 décembre 1714, le chancelier de Rudolstadt, Georg Ulrich von Beulwitz, annonce : « Nous, chancelier et conseillers de la régence de Schwarzburg-Rudolstadt, attestons par la présente sur demande qu’après avoir enquêté, en consultant les comptes de la caisse des impôts ici même, en particulier les bilans de Franckenhausen et de la seigneurie inférieure, nous avons trouvé que les deux bailliages Heringen et Kelbra, depuis l’année 1711, n’ont pas contribué le moindre denier à la part qui leur revenait, aussi bien pour les importantes dépenses survenues pour le bien public et celui de l’Empire et pour la caisse des opérations, que pour l’entretien de la milice mise sur pied à l’occasion de la guerre d’Empire et que par conséquent demeure à payer une somme d’argent qui s’élève à plusieurs milliers de Taler d’Empire », ibid., Meurer et Zeuner aux habitants de Greußen, 27 novembre 1714.

    42 HStAG, Hausarchiv Schleiz, 1311, Remontrances du 14 février 1778.

    43 L’historiographie consacrée aux états est pléthorique, si bien que nous nous contenterons de quelques remarques. Peter Blickle (Landschaften im Alten Reich…, op. cit.) a voulu remettre en cause l’idée héritée de Günter Franz selon laquelle la paysannerie n’aurait plus de rôle politique après la guerre des paysans, et voit dans les Landschaften le vecteur de leur représentation. La thèse a été critiquée par Volker Press (« Steuern, Kredit und Repräsentation… », art. cité ; « Herrschaft, Landschaft… », art. cité ; « Von den Bauernrevolten des 16. Jahrhunderts… », art. cité), qui lui reproche, outre son anachronisme, de manquer de voir que les Landschaften sont avant tout une institution seigneuriale qui vise à faire porter le poids de la dette aux sujets, lesquels n’ont aucunement accès au lieu véritable de la décision politique – à savoir le conseil. Il lui reproche également de ne pas tenir suffisamment compte du contexte impérial et de la manière dont il imprime sa marque aux institutions « territoriales ». Depuis, outre les travaux de Barbara Stollberg-Rilinger déjà mentionnés sur la notion de représentation (Vormünder des Volkes ?…, op. cit., et « Was heißt landständische Repräsentation ?… », art. cité), les historiens se sont attachés à montrer la manière dont les revendications circulaient, depuis les populations paysannes jusqu’à la Diète (A. Würgler, « Desideria und Landtagsordnungen : Kommunaler und landständischer Einfluß auf die fürstliche Gesetzgebung in Hessen-Kassel, 1650-1800 », dans P. Blickle, Gemeinde und Staat…, op. cit., p. 150-207). D’autres, comme Petr Mat’a, proposent enfin de revoir le dualisme en posant la question « Qui sont les états ? », c’est-à-dire en essayant de les appréhender en tant qu’objet d’histoire sociale de l’État, de reproduction des élites et de construction sociale du pouvoir : cf. P. Mat’a, « Wer sind die Landstände ? », dans G. Ammerer, W. Godsey, M. Scheutz, P. Urbanitsch, A. S. Weiß (dir.), Bündnispartner und Konkurrenten der Landesfürsten ? Die Stände in der Habsburgermonarchie in der Neuzeit, Vienne/Munich, Oldenbourg, 2007, p. 68-89.

    44 Cf. chap. 4, p. 177 et suiv.

    45 De manière significative, le créancier (der Gläubiger) est en allemand celui qui croit (glauben). Sur la « construction sociale de la confiance », voir P. Bernoux, J.-M. Servet, La construction sociale…, op. cit.

    46 HStAG, Hausarchiv Schleiz, 1311, remontrances du 14 février 1778, § 32.

    47 Ibid.

    48 Ibid., § 33.

    49 Ibid., § 35.

    50 Ibid., § 39-45.

    51 Ibid.

    52 Voir R. Renault, « Crédit, défiance et “fidélité” dans le territoire Reuss (années 1770) », dans Hypothèses 2012, Paris, Publications de la Sorbonne, 2013, p. 115-124 pour une analyse détaillée.

    53 HStAD, Appellationsgericht, 5209, fol. 543 (triplique du 17 septembre 1794).

    54 Cf. chap. 6, p. 272-277.

    55 HStAD, Reichskammergericht, 41, vol. 4, suppliques du 23 février, fol. 936, du 21 mars, fol. 942, et du [?] avril, fol. 976.

    56 Ibid., nous soulignons.

    57 Ibid., supplique du 23 février, fol. 936.

    58 P. Bourdieu, « Espace social et genèse des “classes” », art. cité, p. 5.

    59 C. J. von Zwierlein, Unterthänigste Supplication…, op. cit.

    60 R. Renault, « Seigneurs et sujets face à la mémoire des révoltes dans le territoire Schönburg, xviie-xviiie siècles », dans S. Haffemayer (dir.), L’écriture et la mémoire des révoltes et révolutions, Caen, Centre de recherches en histoire quantitative (Cahiers du CRHQ, 4), 2013.

    61 C. J. von Zwierlein, Unterthänigste Supplication…, op. cit.

    62 HStAD, Reichskammergericht, 41, vol. 4, fol. 976.

    63 De fait, 5 × 89347 = 446734,99 ; et ce dernier chiffre divisé par 24 (puisque 1 thaler = 24 groschens) = 18613.

    64 Les chiffres sont les mêmes dans la plaidoirie de Zwierlein, C. J. von Zwierlein, Unterthänigste Supplication…, op. cit.

    65 Ibid.

    66 HStAD, Reichskammergericht, 41, vol. 4, fol. 976.

    67 HStAD, Appellationsgericht, 5209, plaidoirie de Friedrich Albrecht Schmidt, fol. 11-20.

    68 Ibid.

    69 HStAD, Appellationsgericht, 5209, fol. 380.

    70 Ibid.

    71 Définition issue du Trésor de la langue française, http://www.cnrtl.fr/definition/responsabilité.

    72 Ibid., fol. 412.

    73 HStAD, Appellationsgericht, 5048, fol. 2b.

    74 HStAD, Appellationsgericht, 5209, fol. 268, réplique du 22 mai 1794.

    75 Pour l’analyse des controverses juridiques sur la question de l’imposition de la noblesse, voir A. Schwennicke, « Ohne Steuer kein Staat »…, op. cit., p. 95-100 et 173-181. Que la noblesse soit exemptée d’impôts est acquis, mais la portée concrète et l’étendue de cette exemption sont en permanence objets de controverse : vaut-elle pour tous les biens ? Est-elle réelle ou personnelle ? Vaut-elle aussi dans les cas exceptionnels d’extrême nécessité ?

    76 À la question « Qui doit payer les aides turques ? Le seigneur, ou bien les sujets, ou bien les deux ? », Moser note que le congé d’Empire se contredit ; d’une part il est écrit que les états d’Empire doivent fournir cette aide « uniquement à partir de leurs biens caméraux et de leurs revenus » ; mais il est précisé ensuite qu’« il est laissé à leur libre détermination de lever dans ce but des impôts sur leurs sujets, mais ni davantage, ni au-delà du montant convenable auquel s’élèvera la contribution de chaque autorité » ; Moser commente qu’« ainsi leur [aux états d’Empire] fut autorisé de faire porter l’intégralité de la charge sur leurs sujets », J. J. Moser, Von der Landeshoheit…, op. cit., p. 504-505 et 518.

    77 Cf. H. Herz, Ständische Land- und Ausschußtage…, op. cit., p. 23-49.

    78 E. von Ranke, Das Fürstentum…, op. cit., p. 39.

    79 HStAR, Kanzlei Sondershausen, 1612, fol. 36.

    80 Ibid., fol. 50.

    81 HStAR, Geheimes Ratskollegium Rudolstadt, 1708, réflexions sur l’assiette de l’impôt, Franckenhausen, 4 octobre 1793.

    82 Sur la structure et le déroulement du conflit, cf supra, chap. 4.

    83 HStAR, Geheimes Ratskollegium Rudolstadt, 1708, réflexions sur l’assiette de l’impôt, Franckenhausen, 4 octobre 1793.

    84 Il s’agit de quatre bourgeois élus à vie, chargés de surveiller la caisse urbaine, et qui font le lien entre la ville et le conseil urbain. E. von Ranke, Das Fürstentum…, op. cit., p. 26-27.

    85 Cf. J. H. G. von Justi, Staatswirthschaft…, op. cit., p. 443-444, qui la recommande pour les impositions extraordinaires.

    86 HStAR, Geheimes Ratskollegium Rudolstadt, 1708, réflexions sur l’assiette de l’impôt, Franckenhausen, 4 octobre 1793.

    87 Ibid.

    88 Ibid.

    89 C’est un topos de la littérature juridique des xvie et xviie siècles sur l’impôt que les plus riches doivent contribuer davantage, justifié par le fait qu’ils bénéficient davantage de la « protection » de l’État. Cf. A. Schwennicke, « Ohne Steuer kein Staat »…, op. cit., p. 168. L’argumentation du rédacteur du rapport se rattache très manifestement aussi à cette tradition.

    90 Cf. chap. 4 : les maîtres des corporations s’opposent aux impôts sur la consommation et demandent une contribution volontaire ; la « plus grande partie de la bourgeoisie » s’oppose aux contributions volontaires et demande que l’impôt soit levé selon le pied des contributions ordinaires.

    91 HStAR, Geheimes Ratskollegium Rudolstadt, 1708, supplique des sujets de Franckenhausen, 5 avril 1794. Cf. aussi supra, chap. 5, sur la répression qui s’abat sur eux.

    92 Ou plus exactement : ils reprochent aux Quatre de ne pas l’avoir recommandée, ce qui est une manière légèrement détournée de la réclamer.

    93 HStAR, Geheimes Ratskollegium Rudolstadt, 1708, supplique des sujets de Franckenhausen, 5 avril 1794 : plus loin dans le texte, les Vierleute sont qualifiés de « trois personnes qui n’ont aucune idée de l’état de prospérité du tout ».

    94 HStAR, Geheimes Ratskollegium Rudolstadt, 1708, rapport de la régence de Franckenhausen du 15 février 1795.

    95 Ibid., protocole d’audition des Vierleute, pièce jointe au rapport de Ketelhodt du 29 janvier 1795.

    96 Il s’agit sans doute de juifs ou d’étrangers domiciliés : dans tous les cas, le terme renvoie à ceux qui s’acquittent d’un droit spécifique en échange de la protection (Schutz) seigneuriale.

    97 L’unique impôt, chez les Schönburg, est un impôt foncier réparti par « soixantaines » (Schock). Cf. chap. 2.

    98 Nous soulignons. Ibid., réplique.

    99 Cf. HStAD, Appellationsgericht, 5048. Sur le classement fiscal comme ordonnancement de la population par le pouvoir et en fonction de lui, voir A. Guéry, « État, classification sociale et compromis sous Louis XIV : la capitation de 1695 », Annales. Économies, sociétés, civilisations, 41/5, 1986, p. 1041-1060.

    100 HStAD, Appellationsgericht, 5048, fol. 25-58, remontrances contre les comptabilités de l’impôt.

    101 Ibid., monitum 2.

    102 Sur la question du consentement à l’impôt sur le plan juridique, voir A. Schwennicke, « Ohne Steuer kein Staat »…, op. cit., p. 64-65 et 142-144.

    103 Cf. A. Guéry, « Le roi dépensier… », art. cité.

    104 Le dictionnaire de Schwan propose les traductions suivantes : « Se disposer, se résoudre, s’accommoder, se rendre à, en passer par, […] consentir, condescendre, se conformer, obéir. » S. v. « Bequemen », dans C. F. Schwan, Nouveau dictionnaire…, op. cit.

    105 Celle-ci prend sens dans le cadre des évolutions juridiques postérieures à la guerre de Trente Ans qui conduisent au renforcement juridique des prérogatives des états d’Empire sur leurs sujets. Voir pour la question fiscale, A. Schwennicke, « Ohne Steuer kein Staat »…, op. cit., p. 139-141.

    106 Sur toutes ces questions, cf. chap. 3.

    107 HStAG, Hausarchiv Ober- und Untergreiz, Schrank IV, Fach 7A, Nr. 14, fol. 2-6, supplique des paysans d’Obergreiz à Prague, 17 janvier 1715.

    108 HStAG, Hausarchiv Ober- und Untergreiz, Schrank IV, Fach 7A, Nr. 14, fol. 29 [postérieur au 22 janvier 1715].

    109 Cf. chap. 5, p. 216.

    110 Nähere Erläuterung und Begründung…, op. cit., § 1.

    111 Cf. B. Stollberg-Rilinger, Vormünder des Volkes ?…, op. cit., p. 234-240, pour l’analyse de la mobilisation de ces « libertés » comme créatrice d’une fausse continuité avec la représentation des États territoriaux comme avec les droits des états d’Empire.

    112 Nähere Erläuterung und Begründung…, op. cit., § 17.

    113 HStAD, Reichskammergericht, 41, vol. 4, fol. 941. Nous soulignons.

    114 C. J. von Zwierlein, Unterthänigste Supplication…, op. cit.

    115 HStAD, Appellationsgericht, 5209, plaidoirie de Friedrich Albert Schmidt, fol. 11-20.

    116 Ibid., réponse à l’accusation, § 35.

    117 Le dictionnaire de Grimm cite Fichte, 1798 : « Es ist kein Wille ohne Willkür » (« il n’y a pas de volonté sans libre-arbitre ») et note que « c’est dans la seconde moitié du xviiie siècle qu’est intervenu le changement, de sorte que le mot, indépendamment du contexte ou de l’environnement, a souvent un arrière-goût déplaisant », s. v. « Willkür », dans J. Grimm, W. Grimm, Deutsches Wörterbuch, op. cit.

    118 HStAD, Appellationsgericht, 5209, plaidoirie de Friedrich Albert Schmidt, fol. 11-20. Le terme est souligné dans le manuscrit.

    119 Ibid., réplique, fol. 402.

    120 Ibid., plaidoirie de Friedrich Albert Schmidt, fol. 11-20.

    121 Ibid.

    122 Eine solche eigenmächtige libertät zu ergreifen, daß sie wöchentlich nur ein Tagk, ja nur etzliche Stunden fröhnen, Reichskammergericht, 41, vol. 1, fol. 27.

    123 « Finalement, il est évident que la frontière entre les textes public et privé forme une zone de lutte constante entre dominants et subordonnés – mais ne constitue pas un mur solide. La capacité des groupes dominants à l’emporter – qui n’est jamais totale – en définissant et en décidant ce qui compte pour texte public et ce qui est maintenu à l’arrière-scène est, comme nous allons le voir, une bonne indication de leur pouvoir. La lutte sans relâche organisée autour de ces frontières est peut-être l’arène la plus fondamentale des formes ordinaires de conflit et de lutte des classes », J. C. Scott, La domination…, op. cit., p. 28.

    124 Cf. P. Bourdieu, « Espace social… », art. cité, mais également E. P. Thompson, « Eighteenth-Century English Society : Class Struggle without Class ? », Social History, 3/2, mai 1978, p. 133-165.

    125 Cf. L. Bourquin, P. Hamon (dir.), La politisation…, op. cit., p. 7-15.

    126 Sur la dynamique liée à une multiplicité de sphères publiques concurrentes, et à la collision de ces publics pluriels qui s’élaborent dans le repli sur soi – telles les assemblées secrètes des paysans insurgés – pour ensuite se confronter aux autres au sein de la sphère publique légitime, voir N. Fraser, M. Valenta, « Repenser la sphère publique : une contribution à la critique de la démocratie telle qu’elle existe réellement », Hermès, 31/3, 2001, p. 125-156, où qui montre très bien comment les « contre-publics subalternes », dans cette dialectique du repli et de la confrontation, « compensent les privilèges de participation injustes » (p. 139).

    127 M. Agulhon, « Présentation », art. cité, p. 5.

    128 Pascal, Pensées, Paris, Gallimard, 1977, p. 88, fragment 56.

    129 Ibid.

    Précédent Suivant
    Table des matières

    Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

    Voir plus de livres
    Noblesse seconde et pouvoir en Champagne aux XVIe et XVIIe siècles

    Noblesse seconde et pouvoir en Champagne aux XVIe et XVIIe siècles

    Laurent Bourquin

    1994

    Les Jacobins de l’Ouest

    Les Jacobins de l’Ouest

    Sociabilité révolutionnaire et formes de politisation dans le Maine et la Basse-Normandie (1789-1799)

    Christine Peyrard

    1996

    Une société provinciale face à son devenir : le Vendômois aux xviiie et xixe siècles

    Une société provinciale face à son devenir : le Vendômois aux xviiie et xixe siècles

    Jean Vassort

    1996

    Aux marges du royaume

    Aux marges du royaume

    Violence, justice et société en Picardie sous François Ier

    Isabelle Paresys

    1998

    Pays ou circonscriptions

    Pays ou circonscriptions

    Les collectivités territoriales de la France du Sud-Ouest sous l’Ancien Régime

    Anne Zink

    2000

    La permanence de l’extraordinaire

    La permanence de l’extraordinaire

    Fiscalité, pouvoirs et monde social en Allemagne aux xviie- xviiie siècles

    Rachel Renault

    2017

    Un désordre européen

    Un désordre européen

    La compétition internationale autour des « affaires de Provence » (1580-1598)

    Fabrice Micallef

    2014

    Entre croisades et révolutions

    Entre croisades et révolutions

    Princes, noblesses et nations au centre de l’Europe (xvie-xviiie siècles)

    Claude Michaud

    2010

    J.-J. Guyenot de Châteaubourg (1745-1824) ou le commerce des relations

    J.-J. Guyenot de Châteaubourg (1745-1824) ou le commerce des relations

    Anne Conchon

    2009

    François de Neufchâteau

    François de Neufchâteau

    Biographie intellectuelle

    Dominique Margairaz

    2005

    Clergés, communautés et famille des montagnes d’Europe

    Clergés, communautés et famille des montagnes d’Europe

    Serge Brunet et Nicole Lemaitre (dir.)

    2005

    La plume et le sabre

    La plume et le sabre

    Michel Biard, Annie Crépin et Bernard Gainot

    2002

    Voir plus de livres
    1 / 12
    Noblesse seconde et pouvoir en Champagne aux XVIe et XVIIe siècles

    Noblesse seconde et pouvoir en Champagne aux XVIe et XVIIe siècles

    Laurent Bourquin

    1994

    Les Jacobins de l’Ouest

    Les Jacobins de l’Ouest

    Sociabilité révolutionnaire et formes de politisation dans le Maine et la Basse-Normandie (1789-1799)

    Christine Peyrard

    1996

    Une société provinciale face à son devenir : le Vendômois aux xviiie et xixe siècles

    Une société provinciale face à son devenir : le Vendômois aux xviiie et xixe siècles

    Jean Vassort

    1996

    Aux marges du royaume

    Aux marges du royaume

    Violence, justice et société en Picardie sous François Ier

    Isabelle Paresys

    1998

    Pays ou circonscriptions

    Pays ou circonscriptions

    Les collectivités territoriales de la France du Sud-Ouest sous l’Ancien Régime

    Anne Zink

    2000

    La permanence de l’extraordinaire

    La permanence de l’extraordinaire

    Fiscalité, pouvoirs et monde social en Allemagne aux xviie- xviiie siècles

    Rachel Renault

    2017

    Un désordre européen

    Un désordre européen

    La compétition internationale autour des « affaires de Provence » (1580-1598)

    Fabrice Micallef

    2014

    Entre croisades et révolutions

    Entre croisades et révolutions

    Princes, noblesses et nations au centre de l’Europe (xvie-xviiie siècles)

    Claude Michaud

    2010

    J.-J. Guyenot de Châteaubourg (1745-1824) ou le commerce des relations

    J.-J. Guyenot de Châteaubourg (1745-1824) ou le commerce des relations

    Anne Conchon

    2009

    François de Neufchâteau

    François de Neufchâteau

    Biographie intellectuelle

    Dominique Margairaz

    2005

    Clergés, communautés et famille des montagnes d’Europe

    Clergés, communautés et famille des montagnes d’Europe

    Serge Brunet et Nicole Lemaitre (dir.)

    2005

    La plume et le sabre

    La plume et le sabre

    Michel Biard, Annie Crépin et Bernard Gainot

    2002

    Accès ouvert

    Accès ouvert freemium

    ePub

    PDF

    PDF du chapitre

    Suggérer l’acquisition à votre bibliothèque

    Acheter

    Édition imprimée

    Éditions de la Sorbonne
    • amazon.fr
    • leslibraires.fr
    • placedeslibraires.fr
    • lcdpu.fr
    ePub / PDF

    1 HStAD, Reichskammergericht, 41, vol. 2, fol. 345-348b, lettre des Schönburg à l’électeur, 15 juillet 1663.

    2 Cf. R. Chartier, Les origines culturelles de la Révolution française, Paris, Seuil, 2000, p. 45 : « Le public contre le peuple » et p. 46-47 : « L’universalité de ses décrets [ceux de l’opinion publique] comme l’évidence contraignante de ses jugements lui viennent de cette constance sans variations ni déchirements. Elle est donc l’inverse de l’opinion populaire, multiple, versatile, habitée par les préjugés et les passions. »

    3 R. Chartier, « Culture populaire et culture politique d’Ancien Régime : quelques réflexions », dans K. M. Baker (dir.), The French Revolution and the Creation of Modern Political Culture, 1, The Political Culture of the Old Regime, Oxford/New York, Pergamon Press, 1987, p. 243-258, citation p. 250.

    4 Pour une critique de cette approche, voir A. Würgler, « Das Modernisierungspotential… », art. cité.

    5 Il s’agit alors souvent d’expliquer les révoltes par les manquements individuels d’un mauvais seigneur (O. Brunner, Land und Herrschaft…, op. cit.), ou de souligner que la contestation antiétatique prime sur la contestation antiseigneuriale (R. Mousnier, Fureurs paysannes. Les paysans dans les révoltes du xviie siècle [France, Russie, Chine], Paris, Calmann-Lévy, 1968).

    6 M. Agulhon, « Présentation », art. cité, p. 2 et 5.

    7 Camille Hamidi définit ainsi le politique par sa « fonction de résolution des conflits par un appel à des principes d’arbitrage extérieurs aux parties en présence et tirés des valeurs centrales de la société », une définition qui nous paraît étonnamment adéquate également pour l’époque moderne (C. Hamidi, « Éléments pour une approche interactionniste de la politisation. Engagement associatif et rapport au politique dans des associations locales issues de l’immigration », Revue française de science politique, 56/1, 2006, p. 5-25).

    8 A. Corbin, « Recherche historique et imaginaire politique, à propos des campagnes françaises au xixe siècle », dans La politisation des campagnes au xixe siècle : France, Italie, Espagne, Portugal, actes du colloque de l’École française de Rome, février 1997, Rome/ Paris, École française de Rome/De Boccard, 2000, p. 47-55 : « Il s’agit de montrer que les habitants des campagnes ne constituent pas une cire molle ; qu’ils possèdent, bien avant la IIe République, et qu’ils conservent bien plus tard dans le siècle, leurs propres réseaux d’intérêts, qu’ils effectuent, en permanence, leurs propres calculs », p. 51, et Id., « L’histoire de la violence dans les campagnes françaises », Ethnologie française, 21/3, 1991, p. 224-236, ici p. 228-229 : « C’est toutefois avec raison […] que Giovanni Levi conseille de se garder de réduire la logique des comportements à la résistance que de telles sociétés opposent aux pouvoirs qui les surplombent. Leur attitude n’est pas toute de passivité. En même temps qu’ils s’opposent, qu’ils s’arqueboutent, les villageois nourrissent une visée de transformation, pensent à utiliser les modifications qui s’opèrent dans la société et dans le milieu naturel afin de mieux maîtriser l’avenir. »

    9 A. Würgler, « Das Modernisierungspotential… », art. cité, et Unruhen und Öffentlichkeit…, op. cit. ; P. Blickle, Unruhen…, op. cit. ; Id., Studien…, op. cit. ; Id. (dir.), Gemeinde und Staat…, op. cit.

    10 P. Blickle, Unruhen…, op. cit., p. 5.

    11 Pour un aperçu éclairant du caractère éminemment politique d’autres objets de conflit et en particulier des droits seigneuriaux, voir C. Castiglione, Patrons and Adversaries…, op. cit.

    12 Cf. chap. 3.

    13 Cf. chap. 6, p. 272.

    14 R. Chartier, Les origines culturelles…, op. cit., p. 206.

    15 Cf. A. Würgler, « Das Modernisierungspotential… », art. cité, en particulier p. 211-215.

    16 Sur cette revendication, ibid., en particulier p. 202-203.

    17 F. Véron de Forbonnais, Recherches et Considérations sur les finances de la France, depuis l’année 1595 jusqu’à l’année 1721, Bâle, 1758, cité par J.-M. Thieveaud, dans P. Bernoux, J.-M. Servet (dir.), La construction sociale de la confiance, Paris, Montchrestien, 1996, p. 4.

    18 Cf. A. Würgler, « Das Modernisierungspotential… », art. cité, en particulier p. 202-203.

    19 Cf. chap. 2.

    20 Die vom Reich assignirte Quota eigentlich und außdrücklich manifestiren.

    21 Cf. J. J. Moser, Von der Landeshoheit…, op. cit., p. 505.

    22 Ibid., p. 519.

    23 HStAD, Reichskammergericht, 41, vol. 1, fol. 13-15, jugement des échevins de Leipzig, octobre 1662, et de la Cour supérieure de justice, 6 juillet 1663.

    24 Ibid., vol. 2, fol. 368, les sujets Schönburg à la Chambre de justice impériale, 13 janvier 1663.

    25 J. J. Moser, Von der Landeshoheit…, op. cit., p. 520.

    26 Cf. chap. 5 pour le contexte.

    27 HStAG, Hausarchiv Ober- und Untergreiz, Schrank IV, Fach 7a, Nr. 9, fol. 22-28.

    28 Le conflit des années 1660 chez les Schönburg, qui concerne également le caractère illimité des corvées, pose au fond la même question : les sujets sont-ils indéfiniment redevables ?

    29 HStAD, Appellationsgericht, 5209, plaidoirie de Friedrich Albert Schmidt, fol. 11-20.

    30 Ibid.

    31 Sur le rôle croissant du chiffre comme mise en forme du réel, voir L. Behrisch (dir.), Vermessen, Zählen, Berechnen. Die politische Ordnung des Raums im 18. Jahrhundert, Francfort-sur-le Main/New York, 2006. Sur le chiffre comme instrument nouveau d’un pouvoir « rationalisé », où le pouvoir est moins légitimé par ses fondements que par ses missions (Ziel), voir Id., « “Politische Zahlen”. Statistik und die Rationalisierung der Herrschaft im späten Ancien Régime », Zeitschrift für Historische Forschung, 31, 2004, p. 551-577, qui montre très bien comment l’instrument de gouvernement et de persuasion qu’est le chiffre ouvre aux sujets gouvernés de nouvelles marges de manœuvre.

    32 HStAD, Reichskammergericht, 41, vol. 1, plaidoirie d’Eichrodt, fol. 100-107.

    33 Ibid.

    34 HStAD, Reichskammergericht, 41, vol. 3, fol. 576b-577.

    35 Cf. chap. 2, fig. 8.

    36 HStAD, Reichskammergericht, 41, vol. 2, fol. 197.

    37 Cf. chap. 2.

    38 HStAD, Reichskammergericht, 41, vol. 1, fol. 23-32, plaidoirie d’Erhardt, 22 novembre 1664.

    39 Cf. chap. 4, p. 172-174.

    40 HStAR, Kanzlei Rudolstadt, E XVI 4a Nr. 6, rapport de Praun, 15 janvier 1715.

    41 Le 29 décembre 1714, le chancelier de Rudolstadt, Georg Ulrich von Beulwitz, annonce : « Nous, chancelier et conseillers de la régence de Schwarzburg-Rudolstadt, attestons par la présente sur demande qu’après avoir enquêté, en consultant les comptes de la caisse des impôts ici même, en particulier les bilans de Franckenhausen et de la seigneurie inférieure, nous avons trouvé que les deux bailliages Heringen et Kelbra, depuis l’année 1711, n’ont pas contribué le moindre denier à la part qui leur revenait, aussi bien pour les importantes dépenses survenues pour le bien public et celui de l’Empire et pour la caisse des opérations, que pour l’entretien de la milice mise sur pied à l’occasion de la guerre d’Empire et que par conséquent demeure à payer une somme d’argent qui s’élève à plusieurs milliers de Taler d’Empire », ibid., Meurer et Zeuner aux habitants de Greußen, 27 novembre 1714.

    42 HStAG, Hausarchiv Schleiz, 1311, Remontrances du 14 février 1778.

    43 L’historiographie consacrée aux états est pléthorique, si bien que nous nous contenterons de quelques remarques. Peter Blickle (Landschaften im Alten Reich…, op. cit.) a voulu remettre en cause l’idée héritée de Günter Franz selon laquelle la paysannerie n’aurait plus de rôle politique après la guerre des paysans, et voit dans les Landschaften le vecteur de leur représentation. La thèse a été critiquée par Volker Press (« Steuern, Kredit und Repräsentation… », art. cité ; « Herrschaft, Landschaft… », art. cité ; « Von den Bauernrevolten des 16. Jahrhunderts… », art. cité), qui lui reproche, outre son anachronisme, de manquer de voir que les Landschaften sont avant tout une institution seigneuriale qui vise à faire porter le poids de la dette aux sujets, lesquels n’ont aucunement accès au lieu véritable de la décision politique – à savoir le conseil. Il lui reproche également de ne pas tenir suffisamment compte du contexte impérial et de la manière dont il imprime sa marque aux institutions « territoriales ». Depuis, outre les travaux de Barbara Stollberg-Rilinger déjà mentionnés sur la notion de représentation (Vormünder des Volkes ?…, op. cit., et « Was heißt landständische Repräsentation ?… », art. cité), les historiens se sont attachés à montrer la manière dont les revendications circulaient, depuis les populations paysannes jusqu’à la Diète (A. Würgler, « Desideria und Landtagsordnungen : Kommunaler und landständischer Einfluß auf die fürstliche Gesetzgebung in Hessen-Kassel, 1650-1800 », dans P. Blickle, Gemeinde und Staat…, op. cit., p. 150-207). D’autres, comme Petr Mat’a, proposent enfin de revoir le dualisme en posant la question « Qui sont les états ? », c’est-à-dire en essayant de les appréhender en tant qu’objet d’histoire sociale de l’État, de reproduction des élites et de construction sociale du pouvoir : cf. P. Mat’a, « Wer sind die Landstände ? », dans G. Ammerer, W. Godsey, M. Scheutz, P. Urbanitsch, A. S. Weiß (dir.), Bündnispartner und Konkurrenten der Landesfürsten ? Die Stände in der Habsburgermonarchie in der Neuzeit, Vienne/Munich, Oldenbourg, 2007, p. 68-89.

    44 Cf. chap. 4, p. 177 et suiv.

    45 De manière significative, le créancier (der Gläubiger) est en allemand celui qui croit (glauben). Sur la « construction sociale de la confiance », voir P. Bernoux, J.-M. Servet, La construction sociale…, op. cit.

    46 HStAG, Hausarchiv Schleiz, 1311, remontrances du 14 février 1778, § 32.

    47 Ibid.

    48 Ibid., § 33.

    49 Ibid., § 35.

    50 Ibid., § 39-45.

    51 Ibid.

    52 Voir R. Renault, « Crédit, défiance et “fidélité” dans le territoire Reuss (années 1770) », dans Hypothèses 2012, Paris, Publications de la Sorbonne, 2013, p. 115-124 pour une analyse détaillée.

    53 HStAD, Appellationsgericht, 5209, fol. 543 (triplique du 17 septembre 1794).

    54 Cf. chap. 6, p. 272-277.

    55 HStAD, Reichskammergericht, 41, vol. 4, suppliques du 23 février, fol. 936, du 21 mars, fol. 942, et du [?] avril, fol. 976.

    56 Ibid., nous soulignons.

    57 Ibid., supplique du 23 février, fol. 936.

    58 P. Bourdieu, « Espace social et genèse des “classes” », art. cité, p. 5.

    59 C. J. von Zwierlein, Unterthänigste Supplication…, op. cit.

    60 R. Renault, « Seigneurs et sujets face à la mémoire des révoltes dans le territoire Schönburg, xviie-xviiie siècles », dans S. Haffemayer (dir.), L’écriture et la mémoire des révoltes et révolutions, Caen, Centre de recherches en histoire quantitative (Cahiers du CRHQ, 4), 2013.

    61 C. J. von Zwierlein, Unterthänigste Supplication…, op. cit.

    62 HStAD, Reichskammergericht, 41, vol. 4, fol. 976.

    63 De fait, 5 × 89347 = 446734,99 ; et ce dernier chiffre divisé par 24 (puisque 1 thaler = 24 groschens) = 18613.

    64 Les chiffres sont les mêmes dans la plaidoirie de Zwierlein, C. J. von Zwierlein, Unterthänigste Supplication…, op. cit.

    65 Ibid.

    66 HStAD, Reichskammergericht, 41, vol. 4, fol. 976.

    67 HStAD, Appellationsgericht, 5209, plaidoirie de Friedrich Albrecht Schmidt, fol. 11-20.

    68 Ibid.

    69 HStAD, Appellationsgericht, 5209, fol. 380.

    70 Ibid.

    71 Définition issue du Trésor de la langue française, http://www.cnrtl.fr/definition/responsabilité.

    72 Ibid., fol. 412.

    73 HStAD, Appellationsgericht, 5048, fol. 2b.

    74 HStAD, Appellationsgericht, 5209, fol. 268, réplique du 22 mai 1794.

    75 Pour l’analyse des controverses juridiques sur la question de l’imposition de la noblesse, voir A. Schwennicke, « Ohne Steuer kein Staat »…, op. cit., p. 95-100 et 173-181. Que la noblesse soit exemptée d’impôts est acquis, mais la portée concrète et l’étendue de cette exemption sont en permanence objets de controverse : vaut-elle pour tous les biens ? Est-elle réelle ou personnelle ? Vaut-elle aussi dans les cas exceptionnels d’extrême nécessité ?

    76 À la question « Qui doit payer les aides turques ? Le seigneur, ou bien les sujets, ou bien les deux ? », Moser note que le congé d’Empire se contredit ; d’une part il est écrit que les états d’Empire doivent fournir cette aide « uniquement à partir de leurs biens caméraux et de leurs revenus » ; mais il est précisé ensuite qu’« il est laissé à leur libre détermination de lever dans ce but des impôts sur leurs sujets, mais ni davantage, ni au-delà du montant convenable auquel s’élèvera la contribution de chaque autorité » ; Moser commente qu’« ainsi leur [aux états d’Empire] fut autorisé de faire porter l’intégralité de la charge sur leurs sujets », J. J. Moser, Von der Landeshoheit…, op. cit., p. 504-505 et 518.

    77 Cf. H. Herz, Ständische Land- und Ausschußtage…, op. cit., p. 23-49.

    78 E. von Ranke, Das Fürstentum…, op. cit., p. 39.

    79 HStAR, Kanzlei Sondershausen, 1612, fol. 36.

    80 Ibid., fol. 50.

    81 HStAR, Geheimes Ratskollegium Rudolstadt, 1708, réflexions sur l’assiette de l’impôt, Franckenhausen, 4 octobre 1793.

    82 Sur la structure et le déroulement du conflit, cf supra, chap. 4.

    83 HStAR, Geheimes Ratskollegium Rudolstadt, 1708, réflexions sur l’assiette de l’impôt, Franckenhausen, 4 octobre 1793.

    84 Il s’agit de quatre bourgeois élus à vie, chargés de surveiller la caisse urbaine, et qui font le lien entre la ville et le conseil urbain. E. von Ranke, Das Fürstentum…, op. cit., p. 26-27.

    85 Cf. J. H. G. von Justi, Staatswirthschaft…, op. cit., p. 443-444, qui la recommande pour les impositions extraordinaires.

    86 HStAR, Geheimes Ratskollegium Rudolstadt, 1708, réflexions sur l’assiette de l’impôt, Franckenhausen, 4 octobre 1793.

    87 Ibid.

    88 Ibid.

    89 C’est un topos de la littérature juridique des xvie et xviie siècles sur l’impôt que les plus riches doivent contribuer davantage, justifié par le fait qu’ils bénéficient davantage de la « protection » de l’État. Cf. A. Schwennicke, « Ohne Steuer kein Staat »…, op. cit., p. 168. L’argumentation du rédacteur du rapport se rattache très manifestement aussi à cette tradition.

    90 Cf. chap. 4 : les maîtres des corporations s’opposent aux impôts sur la consommation et demandent une contribution volontaire ; la « plus grande partie de la bourgeoisie » s’oppose aux contributions volontaires et demande que l’impôt soit levé selon le pied des contributions ordinaires.

    91 HStAR, Geheimes Ratskollegium Rudolstadt, 1708, supplique des sujets de Franckenhausen, 5 avril 1794. Cf. aussi supra, chap. 5, sur la répression qui s’abat sur eux.

    92 Ou plus exactement : ils reprochent aux Quatre de ne pas l’avoir recommandée, ce qui est une manière légèrement détournée de la réclamer.

    93 HStAR, Geheimes Ratskollegium Rudolstadt, 1708, supplique des sujets de Franckenhausen, 5 avril 1794 : plus loin dans le texte, les Vierleute sont qualifiés de « trois personnes qui n’ont aucune idée de l’état de prospérité du tout ».

    94 HStAR, Geheimes Ratskollegium Rudolstadt, 1708, rapport de la régence de Franckenhausen du 15 février 1795.

    95 Ibid., protocole d’audition des Vierleute, pièce jointe au rapport de Ketelhodt du 29 janvier 1795.

    96 Il s’agit sans doute de juifs ou d’étrangers domiciliés : dans tous les cas, le terme renvoie à ceux qui s’acquittent d’un droit spécifique en échange de la protection (Schutz) seigneuriale.

    97 L’unique impôt, chez les Schönburg, est un impôt foncier réparti par « soixantaines » (Schock). Cf. chap. 2.

    98 Nous soulignons. Ibid., réplique.

    99 Cf. HStAD, Appellationsgericht, 5048. Sur le classement fiscal comme ordonnancement de la population par le pouvoir et en fonction de lui, voir A. Guéry, « État, classification sociale et compromis sous Louis XIV : la capitation de 1695 », Annales. Économies, sociétés, civilisations, 41/5, 1986, p. 1041-1060.

    100 HStAD, Appellationsgericht, 5048, fol. 25-58, remontrances contre les comptabilités de l’impôt.

    101 Ibid., monitum 2.

    102 Sur la question du consentement à l’impôt sur le plan juridique, voir A. Schwennicke, « Ohne Steuer kein Staat »…, op. cit., p. 64-65 et 142-144.

    103 Cf. A. Guéry, « Le roi dépensier… », art. cité.

    104 Le dictionnaire de Schwan propose les traductions suivantes : « Se disposer, se résoudre, s’accommoder, se rendre à, en passer par, […] consentir, condescendre, se conformer, obéir. » S. v. « Bequemen », dans C. F. Schwan, Nouveau dictionnaire…, op. cit.

    105 Celle-ci prend sens dans le cadre des évolutions juridiques postérieures à la guerre de Trente Ans qui conduisent au renforcement juridique des prérogatives des états d’Empire sur leurs sujets. Voir pour la question fiscale, A. Schwennicke, « Ohne Steuer kein Staat »…, op. cit., p. 139-141.

    106 Sur toutes ces questions, cf. chap. 3.

    107 HStAG, Hausarchiv Ober- und Untergreiz, Schrank IV, Fach 7A, Nr. 14, fol. 2-6, supplique des paysans d’Obergreiz à Prague, 17 janvier 1715.

    108 HStAG, Hausarchiv Ober- und Untergreiz, Schrank IV, Fach 7A, Nr. 14, fol. 29 [postérieur au 22 janvier 1715].

    109 Cf. chap. 5, p. 216.

    110 Nähere Erläuterung und Begründung…, op. cit., § 1.

    111 Cf. B. Stollberg-Rilinger, Vormünder des Volkes ?…, op. cit., p. 234-240, pour l’analyse de la mobilisation de ces « libertés » comme créatrice d’une fausse continuité avec la représentation des États territoriaux comme avec les droits des états d’Empire.

    112 Nähere Erläuterung und Begründung…, op. cit., § 17.

    113 HStAD, Reichskammergericht, 41, vol. 4, fol. 941. Nous soulignons.

    114 C. J. von Zwierlein, Unterthänigste Supplication…, op. cit.

    115 HStAD, Appellationsgericht, 5209, plaidoirie de Friedrich Albert Schmidt, fol. 11-20.

    116 Ibid., réponse à l’accusation, § 35.

    117 Le dictionnaire de Grimm cite Fichte, 1798 : « Es ist kein Wille ohne Willkür » (« il n’y a pas de volonté sans libre-arbitre ») et note que « c’est dans la seconde moitié du xviiie siècle qu’est intervenu le changement, de sorte que le mot, indépendamment du contexte ou de l’environnement, a souvent un arrière-goût déplaisant », s. v. « Willkür », dans J. Grimm, W. Grimm, Deutsches Wörterbuch, op. cit.

    118 HStAD, Appellationsgericht, 5209, plaidoirie de Friedrich Albert Schmidt, fol. 11-20. Le terme est souligné dans le manuscrit.

    119 Ibid., réplique, fol. 402.

    120 Ibid., plaidoirie de Friedrich Albert Schmidt, fol. 11-20.

    121 Ibid.

    122 Eine solche eigenmächtige libertät zu ergreifen, daß sie wöchentlich nur ein Tagk, ja nur etzliche Stunden fröhnen, Reichskammergericht, 41, vol. 1, fol. 27.

    123 « Finalement, il est évident que la frontière entre les textes public et privé forme une zone de lutte constante entre dominants et subordonnés – mais ne constitue pas un mur solide. La capacité des groupes dominants à l’emporter – qui n’est jamais totale – en définissant et en décidant ce qui compte pour texte public et ce qui est maintenu à l’arrière-scène est, comme nous allons le voir, une bonne indication de leur pouvoir. La lutte sans relâche organisée autour de ces frontières est peut-être l’arène la plus fondamentale des formes ordinaires de conflit et de lutte des classes », J. C. Scott, La domination…, op. cit., p. 28.

    124 Cf. P. Bourdieu, « Espace social… », art. cité, mais également E. P. Thompson, « Eighteenth-Century English Society : Class Struggle without Class ? », Social History, 3/2, mai 1978, p. 133-165.

    125 Cf. L. Bourquin, P. Hamon (dir.), La politisation…, op. cit., p. 7-15.

    126 Sur la dynamique liée à une multiplicité de sphères publiques concurrentes, et à la collision de ces publics pluriels qui s’élaborent dans le repli sur soi – telles les assemblées secrètes des paysans insurgés – pour ensuite se confronter aux autres au sein de la sphère publique légitime, voir N. Fraser, M. Valenta, « Repenser la sphère publique : une contribution à la critique de la démocratie telle qu’elle existe réellement », Hermès, 31/3, 2001, p. 125-156, où qui montre très bien comment les « contre-publics subalternes », dans cette dialectique du repli et de la confrontation, « compensent les privilèges de participation injustes » (p. 139).

    127 M. Agulhon, « Présentation », art. cité, p. 5.

    128 Pascal, Pensées, Paris, Gallimard, 1977, p. 88, fragment 56.

    129 Ibid.

    La permanence de l’extraordinaire

    X Facebook Email

    La permanence de l’extraordinaire

    Ce livre est cité par

    • (2018) Le Saint-Empire. DOI: 10.3917/arco.lebea.2018.01.0241
    • Dupont, Alexandre. Renault, Rachel. (2022) Introduction. Mélanges de la Casa de Velázquez. DOI: 10.4000/mcv.15699
    • (2019) Buchbesprechungen. Zeitschrift für Historische Forschung, 46. DOI: 10.3790/zhf.46.1.83

    La permanence de l’extraordinaire

    Ce livre est diffusé en accès ouvert freemium. L’accès à la lecture en ligne est disponible. L’accès aux versions PDF et ePub est réservé aux bibliothèques l’ayant acquis. Vous pouvez vous connecter à votre bibliothèque à l’adresse suivante : https://freemium.openedition.org/oebooks

    Suggérer l’acquisition à votre bibliothèque Acheter ce livre aux formats PDF et ePub

    Si vous avez des questions, vous pouvez nous écrire à access[at]openedition.org

    La permanence de l’extraordinaire

    Vérifiez si votre bibliothèque a déjà acquis ce livre : authentifiez-vous à OpenEdition Freemium for Books.

    Vous pouvez suggérer à votre bibliothèque d’acquérir un ou plusieurs livres publiés sur OpenEdition Books. N’hésitez pas à lui indiquer nos coordonnées : access[at]openedition.org

    Vous pouvez également nous indiquer, à l’aide du formulaire suivant, les coordonnées de votre bibliothèque afin que nous la contactions pour lui suggérer l’achat de ce livre. Les champs suivis de (*) sont obligatoires.

    Veuillez, s’il vous plaît, remplir tous les champs.

    La syntaxe de l’email est incorrecte.

    Référence numérique du chapitre

    Format

    Renault, R. (2017). Chapitre 7. Publicité, équité, consentement : redéfinitions du pouvoir. In La permanence de l’extraordinaire (1‑). Éditions de la Sorbonne. https://doi.org/10.4000/books.psorbonne.56182
    Renault, Rachel. « Chapitre 7. Publicité, équité, consentement : redéfinitions du pouvoir ». In La permanence de l’extraordinaire. Paris: Éditions de la Sorbonne, 2017. https://doi.org/10.4000/books.psorbonne.56182.
    Renault, Rachel. « Chapitre 7. Publicité, équité, consentement : redéfinitions du pouvoir ». La permanence de l’extraordinaire, Éditions de la Sorbonne, 2017, https://doi.org/10.4000/books.psorbonne.56182.

    Référence numérique du livre

    Format

    Renault, R. (2017). La permanence de l’extraordinaire (1‑). Éditions de la Sorbonne. https://doi.org/10.4000/books.psorbonne.56062
    Renault, Rachel. La permanence de l’extraordinaire. Paris: Éditions de la Sorbonne, 2017. https://doi.org/10.4000/books.psorbonne.56062.
    Renault, Rachel. La permanence de l’extraordinaire. Éditions de la Sorbonne, 2017, https://doi.org/10.4000/books.psorbonne.56062.
    Compatible avec Zotero Zotero

    1 / 3

    Éditions de la Sorbonne

    Éditions de la Sorbonne

    • Mentions légales
    • Plan du site
    • Se connecter

    Suivez-nous

    • Facebook
    • X
    • Flux RSS

    URL : http://editionsdelasorbonne.fr/

    Email : edsorb@univ-paris1.fr

    Adresse :

    212, rue Saint-Jacques

    75005

    Paris

    France

    OpenEdition
    • Candidater à OpenEdition Books
    • Connaître le programme OpenEdition Freemium
    • Commander des livres
    • S’abonner à la lettre d’OpenEdition
    • CGU d’OpenEdition Books
    • Accessibilité : partiellement conforme
    • Données personnelles
    • Gestion des cookies
    • Système de signalement