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    Plan détaillé Texte intégral Les mots de l’impôt d’Empire : l’aide, l’obligation et le fardeau Caractéristiques générales de l’impôt d’Empire « Matricule d’Empire » et « mois romains » Définir l’impôt d’Empire Notes de bas de page

    La permanence de l’extraordinaire

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    Table des matières

    Préambule. Qu’est-ce que l’impôt d’Empire ?

    p. 31-43

    Texte intégral Les mots de l’impôt d’Empire : l’aide, l’obligation et le fardeau Caractéristiques générales de l’impôt d’Empire « Matricule d’Empire » et « mois romains » Définir l’impôt d’Empire Notes de bas de page

    Texte intégral

    1Sans perdre le lecteur dès l’orée de l’ouvrage dans les méandres d’une complexité fiscale aussi technique que rébarbative, il n’est pas inutile d’apporter quelques précisions liminaires afin de mieux cerner celui qui, s’il n’est pas le personnage principal du récit, en sera tout de même le fil conducteur. Avant de le suivre au gré de la diversité des gestes qui lui sont accotés, il faut en saisir quelques caractéristiques propres. L’extrême complexité de l’objet fiscal n’est pas l’apanage de l’Ancien Régime et constitue bien plutôt une constante anthropologique. Sans que cette complexité soit le fruit d’une intention malveillante que l’on pourrait assigner à un individu ou à un choix singulier, elle génère cependant une opacité, qui, jadis comme aujourd’hui, est la source de nombreuses inégalités.

    2Sous l’expression « impôts d’Empire » se cache toute une série de prélèvements, les uns réguliers, les autres non ; certains consentis, d’autres non ; les uns en argent, les autres en nature. De manière générale on définit aujourd’hui l’impôt comme un prélèvement obligatoire, monétarisé, définitif, sans contrepartie et opéré au profit des administrations publiques1. Cela permet de le distinguer de l’emprunt, qui est volontaire et remboursable. L’absence de contrepartie, qui implique la non-affectation préalable de l’impôt à une dépense particulière, s’enracine dans son caractère collectif – la fiscalité sert à financer l’ensemble des dépenses communes à une société. Mais ces caractéristiques ne sont que rarement valables pour définir l’impôt d’Ancien Régime, et moins encore pour l’impôt d’Empire. S’il est « obligatoire », c’est avant tout parce qu’il est l’expression d’une obligation sociale, ancrée dans la vassalité, qui se dit dans les catégories de l’obéissance (Gehorsam) et de la fidélité (Treue). Il est consenti, de façon spécifique et circonstancielle, par la Diète d’Empire, où siègent l’ensemble des états d’Empire, ce qui n’exclut pas l’obligation, mais la nuance, et il n’est pas « obligatoire » de la même manière pour ceux qui le consentent – les princes de l’Empire – et pour ceux qui le paient – les sujets soumis à l’autorité de ces princes. La faculté de consentir étant l’apanage d’une frange étroite du monde social, l’impôt prend régulièrement, à l’échelle locale et au niveau des simples contribuables, les traits d’une prédation pure et simple. Du point de vue de son caractère obligatoire, et selon les agents que l’on choisit d’appréhender, l’impôt d’Empire se meut donc aux confins du don, du tribut et de la prédation. Il n’est pas non plus systématiquement monétarisé et un même impôt peut, selon les moments et les niveaux auxquels on tente de l’appréhender, être payé en numéraire ou en nature. Enfin, l’impôt d’Empire, toujours soumis à consentement, toujours levé dans des circonstances particulières, relevant de la « nécessité » et de l’« urgence », est toujours affecté à une dépense particulière – dans l’écrasante majorité des cas, il s’agit de l’effort de guerre – sur laquelle ceux qui le consentent exigent en retour un droit de regard. On est donc au plus loin d’une fiscalité comme instrument de régulation économique et de redistribution : il s’agit d’une captation d’argent qui n’est jamais réinvestie dans le territoire, sinon sous la forme délétère du passage des troupes de soldats.

    Les mots de l’impôt d’Empire : l’aide, l’obligation et le fardeau

    3Quand il n’est pas nommé par des termes techniques (tels que « mois romain », « deniers surérogatoires », « deniers de reluition »), l’impôt d’Empire est désigné dans les sources par une série variable de termes que l’on peut classer en trois catégories. Un premier ensemble (impôt [Steuer], aide [Hilfe], contribution [Beitrag]) met l’accent sur la dimension gracieuse et le don, sur l’impôt comme secours et comme soutien qui prend son sens au cœur de la relation féodale. C’est l’impôt comme contrepartie qui se dit ici dans le cadre de l’échange cardinal : aide et conseil (Rat und Hilfe) contre protection (Schutz und Schirm). Le terme le plus fréquent est celui de Steuer, équivalent du français « impôt » du point de vue de l’usage, mais non pas du point de vue de ses implications connotatives. Tandis qu’« impôt », et plus encore le verbe « imposer », font presque explicitement référence à la contrainte et à la verticalité, l’allemand Steuer signifie avant tout le soutien (Unterstützung2) et l’aide (Hilfe) : le terme suppose une démarche active de celui qui paie, quand « impôt » dit la passivité du contribuable qui subit le prélèvement. Au reste, la première série d’équivalences donnée par le dictionnaire des Grimm pour Steuer est « soutien matériel, présent, don3 ». Elle désigne donc à l’origine toute forme de présent destiné à aider, à soutenir ou à se concilier des bonnes grâces. Par le recours au champ lexical de l’« aide », comme en français, la fiscalité met d’emblée en jeu tout le système social de la protection et du soutien et nous place directement au cœur des relations de pouvoir et des « réciprocités feintes » qui le caractérisent4.

    4Les composés de Steuer et de Hilfe sont légion : l’impôt peut ainsi être d’Empire (Reichssteuer, Reichshülffe), turc (Türkensteuer, Türkenhülffe) ou du cercle (Creÿß-Steuer, Creÿß-Hülffe) ; l’aide est aussi souvent urgente (eilende Hülffe), pour souligner sa nécessité. Steuer et Hilfe peuvent être ordinaires (ordentlich) ou extraordinaires (außerordentlich). Mais le caractère coercitif de l’impôt transparaît parfois : l’expression « freiwillige Hilfe » (« aide librement consentie ») implique a silentio qu’une « aide » puisse être extorquée. De même que le don, aide et soutien peuvent être imposés de manière fort coercitive, par une obligation morale, sociale ou par un rapport de force : d’emblée, le « consentement » à l’impôt apparaît dans sa complexité5. Le terme de Beitrag (ou son équivalent latin, « contribution ») renvoie lui aussi à une démarche consentante qui implique l’existence d’un bien commun, ou d’une totalité dans laquelle le contribuable s’inscrit et pour laquelle il œuvre, même si le radical « tragen » (porter) connote déjà la fiscalité en tant que « poids ».

    5Un second ensemble de termes renvoie plus nettement à un réseau de sens fondé sur l’accomplissement d’une obligation. Il s’agit alors souvent de mots qui peuvent avoir une acception large, bien au-delà de leur sens strictement financier ou fiscal, et qui révèlent combien la fiscalité s’insère dans le réseau des dépendances et des contraintes sociales. Le terme de Leistung (prestation), que l’on trouve plus souvent encore sous sa forme verbale (leisten, faire, accomplir), indique très clairement une prestation qui vise à honorer une obligation ou à accomplir un devoir. Les occurrences proposées par le dictionnaire des frères Grimm sont révélatrices : « Être fidèle, être obéissant, accomplir son devoir, effectuer un paiement6. » De même pour l’équivalent latin praestanda : « Praestiren signifie en droit accomplir ou faire effectivement ce qu’un chacun est obligé, et qui lui revient d’accomplir ou de faire7. » Le terme Obliegenheit (obligation) relève du même réseau sémantique et inscrit la fiscalité dans un devoir. Ce devoir est fondé sur un rapport de pouvoir, qui lui-même découle d’un rapport de force. Mais Obliegenheit est beaucoup plus souvent utilisé pour parler du paiement fait par les princes et comtes à l’Empire8, que pour désigner l’obligation des sujets9, qui se dit davantage dans les termes de la redevabilité (Schuldigkeit). Au reste il ne faut pas s’y leurrer : cette « obligation » n’est, dans les deux cas, pas exactement la même.

    6Enfin, un dernier ensemble de termes apparaît fréquemment, qui disent l’impôt comme poids et comme fardeau : Beschwerde, Last et Bürden font référence à l’impôt comme peine et comme charge. Ce réseau de sens indique une troisième direction : l’impôt comme tribut, voire comme extorsion, en tout cas comme dessaisissement. Mais dans l’expression très fréquente des « Reichslasten, Reichsbürden » (les fardeaux de l’Empire), on ne sait pas véritablement pour qui l’impôt est un fardeau : pour l’Empire dans son ensemble, ou pour ceux qui en sont redevables ? La forme verbale (aufbürden, charger, lester) est fréquemment utilisée pour désigner l’imposition des contribuables, mais jamais pour désigner l’obligation des princes de l’Empire.

    7Chez les Reuss, lors d’une procédure de recouvrement militaire, qui est un moment de paroxysme des tensions autour du prélèvement et révèle l’impôt dans sa dimension la plus ouvertement prédatrice, le bailli chargé de la saisie fiscale à Naitschau, le 10 janvier 1715, rapporte les propos des contribuables : « [Ils disent] qu’ils ne donneront pas d’impôt [Steuer] et ne se laisseront pas imposer de nouveau fardeau10 » ; on voit bien ici que la Steuer se donne – et la tournure est active – mais que ce don est un fardeau, imposé de l’extérieur, comme en témoigne la tournure passive de la seconde partie de la phrase ; ce balancement résume, à lui seul, les pôles entre lesquels oscille la fiscalité, tantôt don, tantôt extorsion, ou plutôt, indissociablement l’un et l’autre.

    8Toutes ces connotations en apparence contradictoires des mots de l’impôt tendent à souligner l’importance du geste social que représente son versement. D’emblée se pose, à travers la question du consentement à l’impôt, celle du consentement au pouvoir, et de sa nature différenciée selon les univers sociaux. Pour les princes et comtes, on le verra, il est le signe paradoxal de leur supériorité sociale manifestée par leur soumission à l’empereur. Pour les contribuables, il est un stigmate de roture, et au cœur de ce qui fonde leur sujétion : une redevabilité que leurs autorités voudraient sans condition.

    Caractéristiques générales de l’impôt d’Empire

    9L’impôt est justifié par la « sauvegarde du bien commun », ce qui, hier comme aujourd’hui, fonde, du moins en théorie, son caractère collectif : l’impôt a vocation à servir à tous. Mais cette proximité apparente doit aussitôt être nuancée : le caractère consenti et extraordinaire de l’impôt impérial fait que, loin d’être établi une fois pour toutes, ce « bien commun » doit être chaque fois déterminé en contexte, d’autant qu’il existe différents ordres de justification (nécessité, volonté, urgence11).

    10La deuxième caractéristique de l’impôt d’Empire est d’être soumis au consentement des états d’Empire réunis à la Diète d’Empire à Ratisbonne : depuis 1648, le consentement des trois collèges est requis, et non plus celui des seuls électeurs. La Diète de 1654, qui deviendra « perpétuelle », voit s’ouvrir un important débat sur la question du consentement en matière fiscale12. Qui plus est, le fait que ceux qui sont chargés de déterminer le bien commun et « l’urgence et la nécessité » de l’impôt ne soient pas ceux qui le paient introduit un hiatus crucial. Cette disjonction entre celui qui consent et celui qui paie est une différence essentielle avec la fiscalité des régimes démocratiques, mais aussi avec la fiscalité de la plupart des territoires de l’Empire, pourvus de Diètes territoriales (Landtag ou Landschaft), dans le cadre desquelles une partie au moins des contribuables peut consentir l’impôt. La nécessité d’obtenir le consentement des états d’Empire distingue en outre en principe l’impôt d’Empire de la fiscalité de la monarchie absolue et constitue un élément propre aux monarchies dites parlementaires. Ce trait fut une source sans cesse renouvelée de fierté « nationale » et d’exaltation des « libertés allemandes » (teutsche Freiheiten) par opposition, implicite ou explicite, avec un peuple français que l’on présente comme accablé d’impôts et gisant dans la servitude13. L’historiographie, elle, l’a considéré – souvent un peu vite – comme l’une des causes principales de l’affaiblissement du pouvoir impérial14.

    11Le consentement des états réunis à la Diète est enfin la disposition qui fonde l’équivalence spontanée, faite par les contemporains, entre le paiement des impôts à l’Empire et le statut d’état d’Empire (Reichsstand), défini par le fait de siéger à la Diète. Les états d’Empire paient en fonction de la part qui leur est assignée dans la matricule d’Empire15 ; leur inscription dans cette matricule fait elle aussi parfois office d’argument pour établir le statut d’état d’Empire (Reichsstandschaft) lorsque celui-ci est contesté, quoique cette équivalence, nous y reviendrons, ne soit pas établie par le droit16.

    « Matricule d’Empire » et « mois romains »

    La matricule d’Empire n’est rien d’autre qu’un registre de tous les états d’Empire, qu’ils soient aujourd’hui exemptés ou non, avec le nombre des troupes dont ils sont redevables pour l’armée d’Empire, ou leur équivalent en contributions numéraires pour les dépenses communes17.

    L’impôt d’Empire est levé selon un système complexe que l’on dit « matriculaire », du nom de la « matricule » d’Empire, qui recense le montant dû par chacun des quelque trois cent états d’Empire. Ce montant correspond à un certain nombre d’hommes à pied et à cheval pour sa participation à la défense commune de l’Empire, et l’on peut ainsi convertir aisément la prestation en hommes armés en espèces sonnantes et trébuchantes. La fiscalité impériale s’enchevêtre ainsi de près avec la « constitution militaire de l’Empire » (Reichskriegsverfassung). Lorsque des subsides sont consentis par la Diète d’Empire, on décide d’un certain nombre de « mois » dits « romains », en référence à la solde nécessaire pour l’entretien mensuel d’un soldat lors des expéditions à Rome pour le couronnement impérial. On multiplie donc le nombre de cavaliers et de fantassins à charge pour chaque état d’Empire par le nombre de « mois romains » consentis. Lorsque la prestation s’effectue en argent, la conversion est établie selon le dénominateur fixe de 4 florins par fantassin et de 12 florins par cavalier18. Cette équivalence de principe entre la contribution par le sang – fût-ce par procuration – et l’impôt en numéraire est fondamentale pour justifier l’exemption nobiliaire, et la fluctuation entre les deux est ici poussée à l’extrême. En témoigne la définition des « aides turques » par Moser : « Les aides turques consistent dans un certain nombre d’hommes d’armes et leur équipement, ou bien dans une somme d’argent19. » La Diète consent parfois une aide militaire et, de surcroît, des mois romains ; parfois seulement l’un ou l’autre ; et l’on convertit parfois l’un en l’autre. La conversion en argent des prestations en nature ne s’est néanmoins pas faite sans mal et a suscité, au cours du xvie siècle, nombre de controverses et de résistances20. On voit bien à cette occasion combien l’impôt, sous sa forme monétarisée, est un stigmate social : les états d’Empire tiennent à tout prix à maintenir la fiction d’une contribution en hommes armés.

    Fig. 1. Contributions matriculaires des trois Maisons (matricule de 1521) pour un mois romain

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    Aussi le montant total des prestations dues par les états d’Empire pour un mois romain simple est-il l’objet de vives controverses : si l’on suit Johann Jacob von Moser, on parvient à un total de 4000 hommes à cheval et 20000 à pied, qui, une fois converti en argent, se monterait à 128000 florins21. En 1669, on augmente le contingent à 10000 hommes à cheval et 20000 à pied et, en 1681, à respectivement 12000 et 28000 ; mais une matricule imprimée de 1654 et de 1665, sans doute produite par le maître du Denier impérial (Reichspfennigmeister), donne un total de 68260 florins 21 kreuzers, tandis qu’une autre, imprimée en 1697, donne un total de 88464 florins22. Zedler, quant à lui, compte « 2681 hommes à cheval et 12795 hommes à pied, soit en argent 83964 florins d’Empire ». Bref :

    Toutes ces choses prises ensemble créent, en ce qui concerne la matricule d’Empire, une grande confusion, et ni l’empereur, ni les états d’Empire, ni les receveurs impériaux, etc. ne savent de façon certaine : qui doit payer ? ni combien23 ?

    Fig. 2. Liste des montants consentis en impôts d’Empire, en mois romains ou en florins24

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    La décision de lever des impôts d’Empire est, comme le déclenchement d’une guerre d’Empire, prise par la Diète de Ratisbonne sur demande de l’empereur. Cette décision a, dans la grande majorité des cas, un lien avec un conflit militaire ; mais la décision de mener une guerre d’Empire n’entraîne pas nécessairement la levée d’impôts d’Empire. Inversement, tous les impôts d’Empire ne sont pas levés pour mener à bien des guerres d’Empire25. Une fois l’impôt consenti par la Diète, plusieurs possibilités existent : soit a été décidé le versement d’un certain nombre de mois romains et, dès lors, chaque état d’Empire verse directement à l’Empire la somme qu’il doit en fonction de la matricule d’Empire ; soit a été fixée une somme totale due à l’Empire, qui est ensuite répartie entre les dix cercles d’Empire, à charge pour eux de procéder à la sous-répartition – cette deuxième solution présente l’avantage d’une plus grande prévisibilité, puisque la somme nécessaire est fixée à l’avance. L’argent est versé soit directement par chaque état d’Empire dans la ville qui a été définie, soit par l’intermédiaire du cercle, selon le mode de prélèvement qui a été retenu.

    L’impôt d’Empire présente donc un certain nombre de singularités. Impôt presque exclusivement extraordinaire, il doit être chaque fois consenti par les états de l’Empire réunis à la Diète, et se meut dans l’ambivalence entre un geste d’allégeance stigmatisant – la fiscalité étant symbole de roture et, plus largement, de soumission – et un indice de la liberté teutonne, par opposition aux peuples opprimés qui ne consentent pas à l’impôt, comme les sujets du roi de France, tels du moins qu’ils sont construits dans l’imaginaire allemand. Cela étant, l’exemption nobiliaire y est, du même fait, moins nette, étant donné que, si la mise à contribution des sujets est de fait reconnue comme légale, elle n’est cependant pas le principe fondateur de la fiscalité impériale en droit : celle-ci est théoriquement due par les états d’Empire – c’est-à-dire par les princes, seigneurs, comtes et villes libres immédiats d’Empire, la chevalerie d’Empire représentant une catégorie à part. L’impôt d’Empire sert en outre à faire la preuve du statut d’état d’Empire : quoique cette équivalence soit contestée par tous les juristes26, elle est socialement validée. En imposant leurs sujets et en exerçant publiquement leur droit de collecte (jus collectandi), les états d’Empire asseoient en outre leur supériorité territoriale (Landeshoheit) et renforcent leur statut de prince territorial (Landesherr), ce qui de nouveau contribue à l’élaboration du statut d’état d’Empire. Le système matriculaire, qui laisse les états d’Empire libres de déterminer l’assiette de l’impôt, a permis qu’ils s’instituent en intermédiaires entre l’empereur et les sujets de l’Empire27.

    Définir l’impôt d’Empire

    12Face à l’extrême labilité de cet impôt, nous avons voulu opter pour une définition restrictive, qui retienne uniquement les impôts à la fois impériaux et extraordinaires28. La définition concrète de ce que recouvrent les « impôts d’Empire » finit ainsi par englober principalement l’ensemble des prélèvements liés aux conflits militaires, ceux-ci n’étant toutefois pas limités aux guerres d’Empire. Et nous rejoignons la tentative de délimitation de Johann Jacob Moser, qui inclut dans les impôts d’Empire :

    1. Tous les mois romains consentis par l’empereur et l’Empire, quelle que soit la finalité de leur emploi – la guerre, l’entretien des forteresses, la récompense de tel ou tel général, la construction d’une chambre de justice, etc.
    2. Toutes les sommes décidées d’un commun accord entre l’empereur et l’Empire, qui ne sont pas levées selon les mois romains, mais d’après une somme fixée, versée à la caisse d’opérations militaires de l’Empire.
    3. Tout ce que coûte à mettre sur pied et à entretenir le contingent d’un état d’Empire, en hommes, chevaux, artillerie et tout le reste, et qu’il doit mettre à disposition d’après un ordre impérial […].
    4. D’après une conclusion d’Empire du 14 octobre 1690, il faut compter de fait comme impôts d’Empire les subsides exigés dans le cadre d’une alliance entre l’empereur et un état d’Empire contre un état d’Empire, et ils doivent donc être levés selon les constitutions de l’Empire.
    5. Quand un état d’Empire doit livrer à l’armée d’Empire des denrées en nature, telles que pain, farine, avoine, paille etc., ce n’est pas pour le compte d’un prince territorial, mais pour celui de l’empereur et de l’Empire ; par conséquent cela fait partie des impôts d’Empire.
    6. De même, tout ce que les troupes, de l’Empire, de l’empereur, ou encore alliées et auxiliaires, peuvent causer comme frais, en fourage ou en logement, dans un pays.
    7. Lorsqu’il a fallu contracter des dettes afin de payer les subsides précédemment mentionnés, le principal et les intérêts sont pareillement à considérer comme des impôts d’Empire, dont elles sont le Surrogat […]. Au contraire, je ne compterais pas dans cette catégorie : ce qui a pu être commis comme dommages 1. durant les guerres d’Empire, comme excès ou par accident, par les alliés de l’Empire ou les troupes auxiliaires 2. ou d’une manière ou d’une autre par l’ennemi de l’Empire […]29.

    La huitième catégorie est constituée par les subsides pour l’entretien de la Chambre de justice, que nous avons exclus de l’analyse. Toutes les autres catégories ont cela de commun qu’elles contribuent, à divers titres, au financement de la guerre, mais non pas exclusivement au financement de la guerre d’Empire, comme le souligne bien la quatrième catégorie. Toutes concernent des prélèvements spécifiquement consentis, et affectés à des dépenses précises, dans un contexte militaire particulier. Enfin, ces prestations ne sont pas nécessairement monétarisées et peuvent également inclure les dettes, principal et intérêts, contractées pour payer ces frais. Les catégories que Moser prend soin d’exclure se situent à la lisière du coût de la guerre : si le logement des gens de guerre en fait partie, les frais entraînés par les excès commis par les troupes, ennemies ou non, ne sont pas inclus. Cela étant, comme on le verra, il est concrètement souvent malaisé de faire le partage entre les frais occasionnés par le logement des troupes ou leur passage, et les excès commis. La définition de Moser rejoint très exactement le cadre qui émerge à la lecture des actes de la pratique : il y a donc là quelque chose qui relève d’un certain sens commun même si, à l’échelle locale, l’impôt d’Empire, on le verra, est désigné par une multitude d’appellations qui varient dans le temps et dans l’espace et rendent difficile toute catégorisation ferme.

    Qu’on tente de l’appréhender par les mots employés pour le désigner, par les définitions des juristes, ou par les pratiques, l’impôt d’Empire apparaît comme un objet labile et mouvant : en l’absence de norme transcendante susceptible de s’appliquer universellement, il est, comme toute institution de l’Empire, objet de conflits30. Mouvant par les significations qui lui sont adjointes – de l’extorsion pure au don volontaire –, mouvant par son contenu concret – prestation en troupes armées ou en espèces sonnantes et trébuchantes –, mouvant encore par les rythmes et les mécanismes parfois chaotiques de la prise de décision qui l’entourent, mais aussi en raison du fait que nul n’est à même d’établir clairement qui doit combien, l’impôt d’Empire ne saurait être circonscrit à un champ parfaitement clair de versements monétarisés levés sur des contribuables pour le compte d’une institution « centrale » à laquelle ils seraient par la suite transmis.

    13Contrairement à l’impôt actuel, l’impôt d’Empire est un prélèvement extraordinaire, affecté à une dépense particulière et fixée à l’avance ; celle-ci concerne dans une majorité écrasante de cas les frais occasionnés par les conflits militaires ou la défense de l’Empire ; soumise, chaque fois, au consentement des états d’Empire, mais non pas à celui des contribuables, la détermination du danger et de l’ennemi n’appartient pas à ceux qui paient. L’impôt n’est pas nécessairement monétarisé et peut être levé, en partie, en nature – comme on le verra, il existe au reste de nombreuses fluctuations et un impôt exigé des contribuables en numéraire peut se transformer au niveau impérial en une prestation en hommes armés. Difficile à définir et à délimiter, l’impôt d’Empire est en retour un vecteur de définition : le payer, c’est dire son rang sur la scène impériale et, malgré le caractère controversé en droit de l’amalgame entre l’inscription dans la matricule d’Empire et le statut d’état d’Empire, il est, socialement, l’un des marqueurs essentiels de ce statut.

    Notes de bas de page

    1 A. Vallée, Les systèmes fiscaux, Paris, Seuil, 2000, p. 11. Définition efficace et concise dans N. Delalande, Les batailles de l’impôt. Consentement et résistances de 1789 à nos jours, Paris, Seuil, 2011 : « Au sens strict, l’impôt, direct ou indirect, est un transfert financier, exercé sous la contrainte, du citoyen aux administrations publiques, sans contrepartie immédiate. Il se distingue ainsi de l’échange économique par la relation de subordination qu’il implique et par l’invisibilité de son utilisation », p. 9.

    2 Steuer provient de stützen, « soutenir ».

    3 Materielle unterstützung, geschenk, gabe, J. Grimm, W. Grimm, Deutsches Wörterbuch, Munich, München Deutscher Taschenbuch Verlag, 1991, « Steuer ».

    4 G. Algazi, « Feigned Reciprocities. Lords, Peasants, and the Afterlife of Late Medieval Social Strategies », dans G. Algazi, V. Groebner, B. Jussen (dir.), Negociating the Gift : Premodern Figurations of Exchange, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2003. Pour l’insertion de l’impôt dans les relations féodales, voir K. Bosl, « Schutz und Schirm, Rat und Hilfe als Voraussetzung von Steuer, Abgabe und Dienst im Mittelalter », dans E. Schremmer (dir.), Steuern, Abgaben und Dienste vom Mittelalter bis zur Gegenwart : Referate der 15. Arbeitstagung der Gesellschaft für Sozial- und Wirtschaftsgeschichte vom 14. bis 17. April 1993 in Bamberg, Stuttgart, F. Steiner, 1994, p. 43-51.

    5 Sur l’ambivalence intrinsèque de l’acte de don qui est toujours en même temps un acte de prédation et l’origine indo-européenne de cette ambiguïté, voir A. Guéry, « Le roi dépensier. Le don, la contrainte et l’origine du système financier de la monarchie française d’Ancien Régime », Annales. Économies, sociétés, civilisations, 39/6, 1984, p. 1241-1269, en particulier p. 1244.

    6 S. v. « Leistung », dans J. Grimm, W. Grimm, Deutsches Wörterbuch…, op. cit., vol. 12.

    7 S. v. « Praestieren », dans J. H. Zedler, Grosses vollständiges Universal-Lexicon aller Wissenschaften und Künste, welche bishero durch menschlichen Verstand und Witz erfunden und verbessert worden, Leipzig, 1731-1754, vol. 32.

    8 Voir par exemple : « J’ai transmis hier à Ratisbonne les dix derniers mois romains, qui étaient dus en septembre, de sorte qu’ainsi, nous avons entièrement rempli notre obligation en tant qu’état d’Empire », HStAG, Geheimes Kabinett Greiz, 4/111.

    9 Quelques contre-exemples, mais beaucoup plus rares, tels que : « Ramener les sujets à leur obligation par des moyens et des chemins conciliants », dans un contexte de révolte en 1740, HStAC, Rechnungsarchiv, 322.

    10 « Sie […] geben auch keine Steüer, ließen sich nichts neües aufbürden », HStAG, Hausarchiv Ober- und Untergreiz, Schrank IV, Fach 7a, Nr. 7, fol. 12.

    11 J. J. Moser, Von der Landeshoheit in Steuer-Sachen, wie auch anderen Geld- und Natural-Abgaben, Nach denen Reichs-Gesetzen und dem Reichs-Herkommen, wie auch denen Teutschen Staats-Rechts-Lehrern, und eigener Erfahrung…, Francfort/Leipzig, 1773, p. 3. Pour une présentation générale, voir A. Schwennicke, « Ohne Steuer kein Staat ». Zur Entwicklung und politischer Funktion des Steuerrechts in den Territorien des Heiligen Römischen Reichs (1500-1800), Francfort, Klostermann, 1996, en particulier p. 222-288.

    12 Les états protestants s’opposent au caractère contraignant pour tous d’un vote majoritaire, voir J. J. Moser, Von denen Teutschen Reichs-Tags-Geschäfften, Nach denen Reichs-Gesezen und dem Reichs-Herkommen, wie auch aus denen Teutschen Staats-Rechts-Lehrern, und eigener Erfahrung…, Francfort-sur-le-Main, 1768, p. 1347 ; A. Müller, Der Regensburger Reichstag von 1653/54. Eine Studie zur Entwicklung des Alten Reiches nach dem Westfälischen Frieden, Francfort-sur-le-Main, Peter Lang, 1992, p. 175-209.

    13 Par exemple J. J. Moser, Von der Landeshoheit…, op. cit. : « Ceux qui gouvernent en Allemagne, aussi longtemps que le nom allemand a existé, n’ont jamais eu ni le pouvoir, ni le droit de charger les sujets d’impôts et autres taxes selon leur bon plaisir », p. 5. Pour la mise en perspective générale de cette fierté « nationale », voir G. Schmidt, Geschichte des Alten Reichs…, op. cit.

    14 À l’inverse, la tentative intéressante de comparaison de Hoffman et Norberg sur les taux de prélèvement dans l’Europe moderne, aboutissant à l’idée que la forme parlementaire aurait permis de lever bien davantage d’impôts que la monarchie absolue, contrairement à l’image véhiculée par l’historiographie whig : P. T. Hoffman, K. Norberg (dir.), Fiscal Crises, Liberty and Representative Government, 1450-1789, Stanford, Stanford University Press, 1994, p. 299 : In condemning the continental monarchies, it [the whig historiography] implicitely supposes that the lighter the tax burden the greater the liberty, the weaker the state the more freedom the citizens enjoyed. Ils permettent ainsi de remettre en cause plusieurs équivalences implicites entre parlement, liberté, fiscalité et puissance de l’État. Cela étant, l’analyse ne vaut pas pour la fiscalité d’Empire, effectivement faible par les montants prélevés sur la période qui nous concerne. Voir également P. C. Hartmann, Das Steuersystem der europäischen Staaten am Ende des Ancien Régime. Eine offizielle französische Enquete (1763-1768). Dokumente, Analyse und Auswertung. England und die Staaten Nord- und Mitteleuropas, Munich, Beihefte der Francia, 1979.

    15 Sur ce point, cf. infra.

    16 Cf. chap. 3.

    17 K. H. von Römer, Staatsrecht und Statistik des Churfürstenthums Sachsen, und der dabey befindlichen Lande…, Halle, J. J. Curts Wittwe, 1787-1792, vol. 1, p. 485-486.

    18 La première fois qu’une somme d’argent est exigée des états sur la base d’une conversion de la matricule date d’après Rudel de 1486, T. Rudel, Über die Römermonate, Inaugural-Dissertation… zur Erlangung der Doktorwürde, Halle, 1886, p. 5.

    19 J. J. Moser, Von der Landeshoheit…, op. cit., p. 517. Nous soulignons.

    20 P. Schmid, Der Gemeine Pfennig von 1495…, op. cit., et Id., « Reichssteuern, Reichsfinanzen und Reichsgewalt in der ersten Hälfte des 16. Jahrhunderts », dans H. Angermeier (dir.), Säkulare Aspekte der Reformationszeit, Munich/Vienne, 1983, p. 153-198, en particulier p. 164-165. C’est la conséquence de l’échec du Denier commun, tombé progressivement en désuétude au cours du xvie siècle.

    21 J. J. Moser, Von denen Teutschen Reichs-Tags-Geschäfften…, op. cit., p. 1141-1142 ; H. Weigel, Die Kriegsverfassung des alten deutschen Reiches von der Wormser Matrikel bis zur Auflösung, Bamberg, W. Gärtners Buchdruckerei, 1912, p. 10-20 ; s. v. « Römer-Monathen », dans J. H. Zedler, Grosses vollständiges Universal-Lexicon…, op. cit.

    22 T. Rudel, Über die Römermonate…, op. cit., p. 7 et 28.

    23 J. J. Moser, Von denen Teutschen Reichs-Tags-Geschäfften…, op. cit., p. 1136.

    24 D’après ibid. ; P. Rauscher, « “Armeesatisfaktionen” und Wahlgeschenke… », art. cité, et Id., Kriegführung und Staatsfinanzen…, op. cit. ; T. Rudel, Über die Römermonate…, op. cit. ; K. Härter, Reichstag und Revolution, 1789-1806. Die Auseinandersetzung des immerwährenden Reichstags zu Regensburg mit den Auswirkungen der französischen Revolution auf das Alte Reich, Göttingen, Vandenhoeck und Ruprecht, 1992 ; K. O. von Aretin, Das Alte Reich, 1648-1806. Kaisertradition und österreichische Großmachtpolitik (1684-1745), Stuttgart, Klett-Cotta, 1997 et Id., Das Alte Reich, 1648-1806. Das Reich und der österreichisch-preußische Dualismus (1745-1806), Stuttgart, Klett-Cotta, 1997.

    25 J. J. Moser, Von denen Teutschen Reichs-Tags-Geschäfften…, op. cit., p. 737-759.

    26 Cf. supra, mais aussi Zedler : « Il est faux de vouloir prouver le statut d’état d’Empire, comme le font Limnäus et d’autres publicistes, à partir de la matricule [d’Empire], car celle-ci n’a jamais valu comme une telle preuve : de même que le fait de contribuer aux impôts impériaux ne suffit pas non plus à signifier le statut d’état d’Empire », s. v. « Reichsmatrikel », dans J. H. Zedler, Grosses vollständiges Universal-Lexicon…, op. cit., vol. 31.

    27 P. Schmid, « Reichssteuern, Reichsfinanzen und Reichsgewalt… », art. cité.

    28 Cela suppose principalement d’exclure les subsides pour l’entretien de la Chambre de justice impériale (Kammergerichtszieler), les frais liés à la participation au banc des comtes de Wetteravie et à l’entretien d’envoyés à Vienne ou Ratisbonne. Il s’agit là de frais de fonctionnement, qui ne relèvent pas de l’extraordinaire, n’étant pas consentis spécifiquement pour chaque circonstance singulière.

    29 J. J. Moser, Von der Landeshoheit…, op. cit., p. 502-504.

    30 Sur cette question et l’entretien permanent d’un « faux consensus » qui rend possible le fonctionnement politique impérial, voir B. Stollberg-Rilinger, Les vieux habits de l’empereur. Une histoire culturelle des institutions du Saint-Empire à l’époque moderne, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2013.

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    1 A. Vallée, Les systèmes fiscaux, Paris, Seuil, 2000, p. 11. Définition efficace et concise dans N. Delalande, Les batailles de l’impôt. Consentement et résistances de 1789 à nos jours, Paris, Seuil, 2011 : « Au sens strict, l’impôt, direct ou indirect, est un transfert financier, exercé sous la contrainte, du citoyen aux administrations publiques, sans contrepartie immédiate. Il se distingue ainsi de l’échange économique par la relation de subordination qu’il implique et par l’invisibilité de son utilisation », p. 9.

    2 Steuer provient de stützen, « soutenir ».

    3 Materielle unterstützung, geschenk, gabe, J. Grimm, W. Grimm, Deutsches Wörterbuch, Munich, München Deutscher Taschenbuch Verlag, 1991, « Steuer ».

    4 G. Algazi, « Feigned Reciprocities. Lords, Peasants, and the Afterlife of Late Medieval Social Strategies », dans G. Algazi, V. Groebner, B. Jussen (dir.), Negociating the Gift : Premodern Figurations of Exchange, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2003. Pour l’insertion de l’impôt dans les relations féodales, voir K. Bosl, « Schutz und Schirm, Rat und Hilfe als Voraussetzung von Steuer, Abgabe und Dienst im Mittelalter », dans E. Schremmer (dir.), Steuern, Abgaben und Dienste vom Mittelalter bis zur Gegenwart : Referate der 15. Arbeitstagung der Gesellschaft für Sozial- und Wirtschaftsgeschichte vom 14. bis 17. April 1993 in Bamberg, Stuttgart, F. Steiner, 1994, p. 43-51.

    5 Sur l’ambivalence intrinsèque de l’acte de don qui est toujours en même temps un acte de prédation et l’origine indo-européenne de cette ambiguïté, voir A. Guéry, « Le roi dépensier. Le don, la contrainte et l’origine du système financier de la monarchie française d’Ancien Régime », Annales. Économies, sociétés, civilisations, 39/6, 1984, p. 1241-1269, en particulier p. 1244.

    6 S. v. « Leistung », dans J. Grimm, W. Grimm, Deutsches Wörterbuch…, op. cit., vol. 12.

    7 S. v. « Praestieren », dans J. H. Zedler, Grosses vollständiges Universal-Lexicon aller Wissenschaften und Künste, welche bishero durch menschlichen Verstand und Witz erfunden und verbessert worden, Leipzig, 1731-1754, vol. 32.

    8 Voir par exemple : « J’ai transmis hier à Ratisbonne les dix derniers mois romains, qui étaient dus en septembre, de sorte qu’ainsi, nous avons entièrement rempli notre obligation en tant qu’état d’Empire », HStAG, Geheimes Kabinett Greiz, 4/111.

    9 Quelques contre-exemples, mais beaucoup plus rares, tels que : « Ramener les sujets à leur obligation par des moyens et des chemins conciliants », dans un contexte de révolte en 1740, HStAC, Rechnungsarchiv, 322.

    10 « Sie […] geben auch keine Steüer, ließen sich nichts neües aufbürden », HStAG, Hausarchiv Ober- und Untergreiz, Schrank IV, Fach 7a, Nr. 7, fol. 12.

    11 J. J. Moser, Von der Landeshoheit in Steuer-Sachen, wie auch anderen Geld- und Natural-Abgaben, Nach denen Reichs-Gesetzen und dem Reichs-Herkommen, wie auch denen Teutschen Staats-Rechts-Lehrern, und eigener Erfahrung…, Francfort/Leipzig, 1773, p. 3. Pour une présentation générale, voir A. Schwennicke, « Ohne Steuer kein Staat ». Zur Entwicklung und politischer Funktion des Steuerrechts in den Territorien des Heiligen Römischen Reichs (1500-1800), Francfort, Klostermann, 1996, en particulier p. 222-288.

    12 Les états protestants s’opposent au caractère contraignant pour tous d’un vote majoritaire, voir J. J. Moser, Von denen Teutschen Reichs-Tags-Geschäfften, Nach denen Reichs-Gesezen und dem Reichs-Herkommen, wie auch aus denen Teutschen Staats-Rechts-Lehrern, und eigener Erfahrung…, Francfort-sur-le-Main, 1768, p. 1347 ; A. Müller, Der Regensburger Reichstag von 1653/54. Eine Studie zur Entwicklung des Alten Reiches nach dem Westfälischen Frieden, Francfort-sur-le-Main, Peter Lang, 1992, p. 175-209.

    13 Par exemple J. J. Moser, Von der Landeshoheit…, op. cit. : « Ceux qui gouvernent en Allemagne, aussi longtemps que le nom allemand a existé, n’ont jamais eu ni le pouvoir, ni le droit de charger les sujets d’impôts et autres taxes selon leur bon plaisir », p. 5. Pour la mise en perspective générale de cette fierté « nationale », voir G. Schmidt, Geschichte des Alten Reichs…, op. cit.

    14 À l’inverse, la tentative intéressante de comparaison de Hoffman et Norberg sur les taux de prélèvement dans l’Europe moderne, aboutissant à l’idée que la forme parlementaire aurait permis de lever bien davantage d’impôts que la monarchie absolue, contrairement à l’image véhiculée par l’historiographie whig : P. T. Hoffman, K. Norberg (dir.), Fiscal Crises, Liberty and Representative Government, 1450-1789, Stanford, Stanford University Press, 1994, p. 299 : In condemning the continental monarchies, it [the whig historiography] implicitely supposes that the lighter the tax burden the greater the liberty, the weaker the state the more freedom the citizens enjoyed. Ils permettent ainsi de remettre en cause plusieurs équivalences implicites entre parlement, liberté, fiscalité et puissance de l’État. Cela étant, l’analyse ne vaut pas pour la fiscalité d’Empire, effectivement faible par les montants prélevés sur la période qui nous concerne. Voir également P. C. Hartmann, Das Steuersystem der europäischen Staaten am Ende des Ancien Régime. Eine offizielle französische Enquete (1763-1768). Dokumente, Analyse und Auswertung. England und die Staaten Nord- und Mitteleuropas, Munich, Beihefte der Francia, 1979.

    15 Sur ce point, cf. infra.

    16 Cf. chap. 3.

    17 K. H. von Römer, Staatsrecht und Statistik des Churfürstenthums Sachsen, und der dabey befindlichen Lande…, Halle, J. J. Curts Wittwe, 1787-1792, vol. 1, p. 485-486.

    18 La première fois qu’une somme d’argent est exigée des états sur la base d’une conversion de la matricule date d’après Rudel de 1486, T. Rudel, Über die Römermonate, Inaugural-Dissertation… zur Erlangung der Doktorwürde, Halle, 1886, p. 5.

    19 J. J. Moser, Von der Landeshoheit…, op. cit., p. 517. Nous soulignons.

    20 P. Schmid, Der Gemeine Pfennig von 1495…, op. cit., et Id., « Reichssteuern, Reichsfinanzen und Reichsgewalt in der ersten Hälfte des 16. Jahrhunderts », dans H. Angermeier (dir.), Säkulare Aspekte der Reformationszeit, Munich/Vienne, 1983, p. 153-198, en particulier p. 164-165. C’est la conséquence de l’échec du Denier commun, tombé progressivement en désuétude au cours du xvie siècle.

    21 J. J. Moser, Von denen Teutschen Reichs-Tags-Geschäfften…, op. cit., p. 1141-1142 ; H. Weigel, Die Kriegsverfassung des alten deutschen Reiches von der Wormser Matrikel bis zur Auflösung, Bamberg, W. Gärtners Buchdruckerei, 1912, p. 10-20 ; s. v. « Römer-Monathen », dans J. H. Zedler, Grosses vollständiges Universal-Lexicon…, op. cit.

    22 T. Rudel, Über die Römermonate…, op. cit., p. 7 et 28.

    23 J. J. Moser, Von denen Teutschen Reichs-Tags-Geschäfften…, op. cit., p. 1136.

    24 D’après ibid. ; P. Rauscher, « “Armeesatisfaktionen” und Wahlgeschenke… », art. cité, et Id., Kriegführung und Staatsfinanzen…, op. cit. ; T. Rudel, Über die Römermonate…, op. cit. ; K. Härter, Reichstag und Revolution, 1789-1806. Die Auseinandersetzung des immerwährenden Reichstags zu Regensburg mit den Auswirkungen der französischen Revolution auf das Alte Reich, Göttingen, Vandenhoeck und Ruprecht, 1992 ; K. O. von Aretin, Das Alte Reich, 1648-1806. Kaisertradition und österreichische Großmachtpolitik (1684-1745), Stuttgart, Klett-Cotta, 1997 et Id., Das Alte Reich, 1648-1806. Das Reich und der österreichisch-preußische Dualismus (1745-1806), Stuttgart, Klett-Cotta, 1997.

    25 J. J. Moser, Von denen Teutschen Reichs-Tags-Geschäfften…, op. cit., p. 737-759.

    26 Cf. supra, mais aussi Zedler : « Il est faux de vouloir prouver le statut d’état d’Empire, comme le font Limnäus et d’autres publicistes, à partir de la matricule [d’Empire], car celle-ci n’a jamais valu comme une telle preuve : de même que le fait de contribuer aux impôts impériaux ne suffit pas non plus à signifier le statut d’état d’Empire », s. v. « Reichsmatrikel », dans J. H. Zedler, Grosses vollständiges Universal-Lexicon…, op. cit., vol. 31.

    27 P. Schmid, « Reichssteuern, Reichsfinanzen und Reichsgewalt… », art. cité.

    28 Cela suppose principalement d’exclure les subsides pour l’entretien de la Chambre de justice impériale (Kammergerichtszieler), les frais liés à la participation au banc des comtes de Wetteravie et à l’entretien d’envoyés à Vienne ou Ratisbonne. Il s’agit là de frais de fonctionnement, qui ne relèvent pas de l’extraordinaire, n’étant pas consentis spécifiquement pour chaque circonstance singulière.

    29 J. J. Moser, Von der Landeshoheit…, op. cit., p. 502-504.

    30 Sur cette question et l’entretien permanent d’un « faux consensus » qui rend possible le fonctionnement politique impérial, voir B. Stollberg-Rilinger, Les vieux habits de l’empereur. Une histoire culturelle des institutions du Saint-Empire à l’époque moderne, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2013.

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    Ce livre est cité par

    • (2018) Le Saint-Empire. DOI: 10.3917/arco.lebea.2018.01.0241
    • Dupont, Alexandre. Renault, Rachel. (2022) Introduction. Mélanges de la Casa de Velázquez. DOI: 10.4000/mcv.15699
    • (2019) Buchbesprechungen. Zeitschrift für Historische Forschung, 46. DOI: 10.3790/zhf.46.1.83

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    Renault, R. (2017). Préambule. Qu’est-ce que l’impôt d’Empire ?. In La permanence de l’extraordinaire (1‑). Éditions de la Sorbonne. https://doi.org/10.4000/books.psorbonne.56127
    Renault, Rachel. « Préambule. Qu’est-ce que l’impôt d’Empire ? ». In La permanence de l’extraordinaire. Paris: Éditions de la Sorbonne, 2017. https://doi.org/10.4000/books.psorbonne.56127.
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