Chapitre 5. L’épilogue Saunier-Seïté
p. 219-244
Texte intégral
1Le départ de Jean-Pierre Soisson du secrétariat d’État aux universités, le 12 janvier 1976, précède de peu celui de Rémond de la présidence de Nanterre, programmé le 25 février 1976. Cet événement doit marquer la fin de sa participation à la CPU et, partant, au champ de la politique universitaire à l’échelle nationale, tout du moins d’un point de vue institutionnel. Du fait de la personnalité et de la politique du successeur de Jean-Pierre Soisson, Alice Saunier-Seïté, ce désengagement ne s’opère pas de la manière dont Rémond aurait pu le souhaiter.
La disgrâce
2La nouvelle secrétaire d’État est née en 1925 en Ardèche dans un milieu modeste. Après une formation d’institutrice, un métier qu’elle ne fera jamais, elle exerce différentes activités tout en poursuivant des études de géographie à l’université, qui l’amènent à préparer une thèse sur les conditions d’existence et de développement économique dans les vallées septentrionales du haut Tyrol puis à entrer au CNRS en 19581. Docteure en 1963, elle est élue la même année maître de conférences à Brest. C’est le début d’une carrière universitaire, marquée par le goût pour les responsabilités : elle exerce le décanat à la faculté des lettres de Brest et accepte la direction de l’IUT de Sceaux. À l’époque, elle est au Snesup et à gauche, comme le raconte Lionel Jospin (qu’elle a recruté à Sceaux) dans ses mémoires2. Soutenue par son deuxième mari, Jérôme Seïté, inspecteur général de l’administration de l’enseignement supérieur et haut dignitaire de la franc-maçonnerie, elle devient en 1973 la première femme recteur de France, nommée à Reims3. Jean-Pierre Soisson, qui ne se doutait pas qu’elle lui prendrait sa place, se rappelle que lors des conférences de recteurs qu’il convoquait, elle apportait le champagne et prenait progressivement de plus en plus d’importance4. Selon Jean-Claude Casanova, c’est dans le bureau d’Yves Cannac, le secrétaire général adjoint de la présidence de la République, que Valéry Giscard d’Estaing aurait repéré Saunier-Seïté5. Alors qu’elle devait être nommée recteur en Corse, le chef de l’État, séduit par cette femme énergique et volontaire, « décide aussitôt qu’elle aurait d’autres responsabilités6 ». Il demande à Chirac de la prendre dans son gouvernement remanié.
3Les premières déclarations de la nouvelle secrétaire d’État, nommée le 11 janvier, montrent aux présidents d’université sa volonté de s’inscrire dans l’œuvre de son prédécesseur : « L’autonomie des universités, c’est quelque chose que nous avons bâti ensemble en 1968. J’y crois. Et les procédures de concertation qui ont été mises en place, éprouvées par mon prédécesseur, j’y crois aussi7. » Le programme qu’elle leur expose, vraisemblablement suggéré par Jean-Louis Quermonne, toujours directeur des enseignements supérieurs, se place dans la continuité de celui de Soisson : mettre en œuvre la réforme du deuxième cycle, faire évoluer l’aide aux étudiants dans le respect des orientations déjà prises, développer la recherche scientifique dans les universités, ouvrir les établissements vers des publics nouveaux, développer une politique contractuelle d’allocation des ressources, rénover les statuts enseignants. Cela dit, dans la deuxième partie de son discours, elle apporte sa note personnelle, n’hésitant pas à demander aux présidents de se remettre en cause, en des termes qui peuvent paraître abrupts par rapport au ton très policé jusqu’alors en vigueur à la CPU :
Je suis trop universitaire, j’ai assumé suffisamment de responsabilités universitaires et des responsabilités au CNRS pour ignorer que l’on pourrait éviter certains gaspillages avec une meilleure organisation, avec une meilleure répartition […]. Dites-moi combien sont les universités qui ont réellement, sur le plan de l’Université dans son ensemble, décidé de leurs activités et de leurs structures en fonction de leurs objectifs pédagogiques, scientifiques ou de recherche, combien d’universités évaluent réellement leurs activités en fonction de ces objectifs ? […] vous êtes tous des responsables d’administrations importantes puisque vous êtres présidents d’université, et vous savez très bien que, dans ces conditions, on gaspille ses efforts et on gaspille les moyens8.
4Saunier-Seïté semble donc initialement vouloir continuer la politique de Soisson tout en étant plus exigeante avec le monde universitaire, dont elle connaît, de l’intérieur, les « travers ». Par rapport à son prédécesseur, elle semble aussi soucieuse de se positionner, elle l’ancienne syndiquée du Snesup, comme une femme de droite qui s’assume. Recevant Guy Herzlich, l’un des journalistes éducation du Monde à la fin du mois de janvier, elle exprime une vision traditionnelle de l’université, lieu de transmission d’une culture et de recherche de débouchés professionnels9. L’une de ses premières décisions est de scinder l’université de Clermont-Ferrand, accédant ainsi aux souhaits des UER les plus « à droite » et les mieux connectées aux débouchés économiques (médecine, pharmacie, odontologie, droit et sciences économiques) qui veulent se séparer des UER les plus « à gauche » et/ou sans débouchés (sciences, lettres, éducation physique, technologie)10.
5Autant les rapports de René Rémond avec Jean-Pierre Soisson étaient amicaux, autant ceux qu’il entretient avec Alice Saunier-Seïté sont exécrables : « L’hostilité était si grande entre eux que l’homme modéré qu’était Rémond ne pouvait s’empêcher, où qu’il fut, de dire tout le mal qu’il pensait de la ministre, qui de son côté n’en faisait pas moins11. » Selon une anecdote, qui bruissait dans le tout-Paris et qui nous a été rapportée à de très nombreuses reprises, la secrétaire d’État aurait dit à propos de Rémond : « Je lui mordrai les couilles. » Il est vrai que, coutumière d’un langage pittoresque, elle n’en était pas à son coup d’essai comme le raconte Bruno Frappat, alors journaliste universitaire au Monde :
Les « éclats » de Mme Saunier-Seïté, qui ne s’embarrasse pas de fleurs de rhétorique pour dire son mépris aux interlocuteurs qui lui déplaisent, alimentent la chronique depuis sa nomination au secrétariat d’État en janvier 1976 […]. Les témoignages abondent d’universitaires ou de hauts fonctionnaires soumis à la véhémence du secrétaire d’État12.
6Rémond, interrogé en 2000 dans le cadre du programme Acteurs et témoins des politiques de l’éducation de l’INRP, gardait encore de l’animosité envers Saunier-Seïté. Quand ses intervieweuses lui disent que l’ancienne secrétaire d’État n’a pas souhaité les rencontrer, il leur répond : « Bon et bien ça vous n’y perdez rien13. »
7Pour Rémond, l’origine de l’antagonisme est liée à son vibrant plaidoyer, lors de sa dernière participation à la Conférence des présidents d’université, au sujet de la partition de Clermont-Ferrand :
Ma dernière intervention a été pour adresser à Alice Saunier-Seïté, qui venait d’arriver, une mise en garde contre la tentation de multiplier les partitions d’universités […]. Je l’avais fait d’ailleurs avec beaucoup de modération. C’était la première ou la deuxième séance à laquelle elle assistait. Elle ne me l’a jamais pardonné. Elle n’a pas compris quelle était ma préoccupation. Elle s’est imaginé… Elle me l’a dit un jour : « Vous avez voulu me faire la leçon. » Je ne lui faisais pas la leçon. Fort de notre expérience, je la mettais en garde contre le risque14.
8Le recours aux archives permet de confirmer la modération du propos :
Je n’en sais pas assez pour me prononcer valablement et je doute même que ce soit de la compétence de la Conférence d’émettre des avis singuliers sur des cas concrets. Je crois que cela relève de votre initiative et de votre responsabilité, Madame le Ministre. Mais, par contre, je crois qu’il est de notre compétence d’arrêter une position de fond sur le problème du nombre, de la partition, des modes d’évolution de notre enseignement supérieur. C’est non seulement notre compétence mais je crois que c’est notre devoir et que nous y manquerions si nous n’attirions pas votre attention – qui n’a d’ailleurs pas besoin d’être informée à ce sujet – sur la gravité de la question.
9La modération n’empêche néanmoins pas que Rémond laisse entendre à la secrétaire d’État que sa décision n’était pas judicieuse : « S’il doit intervenir des modifications, elles ne doivent jamais se faire en crise et à chaud. Elles doivent se faire de sang-froid, être dûment et longuement méditées, réfléchies et préparées. » À la fin de son allocution, comme il en avait l’habitude avec ses prédécesseurs, il se permet de proposer une politique de rechange :
Il est donc indispensable de porter un coup d’arrêt, de manifester clairement que, si vous croyez devoir, sur le cas particulier de Clermont, vous résigner, la mort dans l’âme, à une solution qui n’aura pas notre aveu ni notre aval, cela ne peut-être qu’une solution exceptionnelle et insolite. Il faut encourager la volonté de vivre ensemble. La volonté de vivre ensemble n’est pas une donnée de la nature, c’est une donnée de la culture : il faut qu’y interviennent l’adhésion, l’effort, le temps. Or, le temps, cinq années, c’est trop court pour juger une expérience15.
10On se rend compte en lisant ces lignes de leur potentiel conflictuel. Des habitudes se sont prises, depuis Guichard, d’une coresponsabilité entre les présidents d’université et les ministres. Ces derniers, non universitaires, acceptaient libéralement les critiques et les conseils des présidents, vus comme des partenaires experts. Rémond, qui était jusqu’à présent une sorte de conseiller occulte de Jean-Pierre Soisson, se permet donc tout naturellement de donner son avis à la nouvelle secrétaire d’État. Mais Saunier-Seïté, qui est universitaire elle aussi, et qui s’est présentée comme telle lors de sa première rencontre avec la CPU16, accepte peut-être moins facilement les conseils que ses prédécesseurs, qui assumaient le fait d’être étrangers au monde académique. Elle s’estime aussi compétente et expérimentée qu’eux pour apprécier les situations. Par ailleurs, il faut souligner que Saunier-Seïté vient de quitter un rectorat. Dans cette fonction, elle a développé un autre type de relations, propres aux fonctionnaires d’autorité, marquées par l’obéissance. Selon Jean-Pierre Soisson, du temps où elle était recteur, « elle-même pensait que la conférence des recteurs devait avoir dans l’esprit du ministre prééminence par rapport à la conférence des présidents d’université et la conférence des recteurs, c’était un mode de gestion autoritaire17 » .
11Une autre version des origines de l’hostilité entre Rémond et Saunier-Seïté est rapportée par Jean-Maurice Verdier : « Lorsqu’elle devient ministre, elle fait un discours devant la Conférence des présidents d’université. René Rémond aurait dit d’une voix un peu trop forte : “Ça ne volait pas très haut.” Elle l’aurait entendu et n’aurait pas apprécié18. » Jean-Claude Casanova pense l’hypothèse peu probable car Rémond était un homme extrêmement courtois qui ne serait pas permis ce genre de propos devant l’intéressée, même mezza voce19. En revanche, il considère que cette phrase est révélatrice d’un état d’esprit :
« Ça ne vole pas très haut » , c’est que pensait le milieu universitaire normalien classique d’Alice Saunier-Seïté depuis le début. Il est évident pour Sirinelli, pour Rémond, pour Furet, Le Goff, pour nous tous, qu’elle nous faisait rigoler. Nous la trouvions « primaire » . C’est exactement ce que cela veut dire. Elle était institutrice, ayant fait de la géographie parce qu’elle ne savait pas le latin20.
12Saunier-Seïté perçoit avec acuité les sentiments qu’elle inspire : « Mon programme était simple. Il parut simpliste […]. Je fus cataloguée comme “la technicienne” ou comme la “petite institutrice” » , rapporte-t-elle dans ses mémoires21. Face à la morgue ressentie, sa réaction est virulente : « Elle se déchaînait contre tous les gens un peu intellectuels parce qu’elle percevait chez eux la condescendance, l’ironie et le mépris22. » L’affrontement opposant Rémond à Saunier-Seïté serait en fait la manifestation d’une « lutte des classes à l’intérieur du système d’éducation23 » , opposant ceux qui sont passés par « l’école du peuple » et ceux qui sont passés par « l’école de la bourgeoisie » , ceux qui ont une culture du « primaire » et ceux qui ont une culture universitaire. Les nominations de Saunier-Seïté comme d’Haby témoigneraient d’une victoire des premiers sur les seconds : « Si on réfléchit sur les années 1970, c’est la période où le monde de l’enseignement primaire gagne définitivement sur le monde des normaliens et des agrégés24. »
13Parallèlement aux raisons sociologiques, l’antagonisme entre le président de Nanterre et la secrétaire d’État se nourrit peut-être aussi d’une forme de « guerre des sexes » . En déclarant vouloir s’attaquer au membre viril de René Rémond, Saunier-Seïté se présente elle-même en femme castratrice. Les rapports de la nouvelle secrétaire d’État aux hommes sont ambigus. Ceux-ci, en l’appelant « Alice » , la ramènent sans cesse à son statut de femme25. Les journalistes, même ceux du quotidien de référence, ne peuvent s’empêcher de décrire son attitude et son physique. Le ferait-il pour un homme ?
Derrière la table de marbre, installée par son prédécesseur, Mme Alice Saunier-Seïté s’apprête à ne pas avoir l’air d’un secrétaire d’État. Les cheveux noirs à peine dérangés ( « le casque de cheveux à la Cléopâtre » , dont les journalistes ont déjà parlé), le cil charbonneux, l’œil parfois pensif ou impérieux, comme l’élégance juste un peu négligée – le gilet de laine à peine rustique sur le chemisier de soie noire – et la pose un peu familière : on sent la nouvelle responsable du secrétariat d’État aux Universités presque un peu tendue à ne pas le vouloir paraître26.
14Chez certains représentants du sexe dit « fort » , elle provoque une séduction certaine. Giscard d’Estaing l’écrit sans ambages dans Le Pouvoir et la Vie : « Je la regarde parler devant moi, tournée de trois quarts. Son corps est musclé, avec des mouvements d’une aisance féline, et des jambes qui me paraissent bronzées. Une pensée bizarre me traverse l’esprit : quand elle faisait l’amour elle devait y mettre la même véhémence27. » Un des témoins interrogés, universitaire de son état, la décrit comme « extraordinairement sexy » : « Elle avait une présence corporelle extraordinaire. » Selon ce témoin, René Rémond n’avait pas ce type de relation avec elle : « Alice ne voyait sans doute pas Rémond la regarder comme Giscard la regardait. » Sans verser dans la psychologie de comptoir, on peut supposer que Rémond, insensible au charme de Saunier-Seïté, condescendant à son égard, a représenté pour elle le prototype du mandarin phallocrate qu’il fallait symboliquement émasculer.
La politique universitaire : la fin d’un cycle
15Désormais mal en cours, René Rémond ne peut plus peser sur les affaires universitaire à l’échelle nationale et doit apprendre, douloureusement, à assister en observateur plus qu’en acteur à l’émergence d’une nouvelle politique, différant de celle menée depuis Edgar Faure, en cela qu’elle remet en cause une certaine conception de l’autonomie des universités.
La grève de la réforme du deuxième cycle
16À l’origine du changement de politique universitaire se trouve la grève de la réforme du deuxième cycle.
17Le texte de la réforme, en gestation depuis 1973, a été signé le 16 janvier 1976 et publié quatre jours plus tard au Journal officiel. Par rapport au dispositif existant, l’arrêté fait évoluer la notion de diplôme national. Le ministère ne fournit pas un cadre horaire et disciplinaire a priori pour chaque cursus de deuxième cycle. À partir d’un certain cadrage (volume horaire, présence de stages), chaque université construit une maquette qui est ensuite habilitée. C’était là une revendication pressante de René Rémond et de la Conférence des présidents d’université. Un deuxième aspect de la réforme consiste dans la volonté de faire correspondre le plus possible les formations universitaires aux débouchés professionnels. Des stages obligatoires sont introduits. Par ailleurs, les groupes techniques chargés d’habiliter les maquettes proposées par les universités comportent des représentants du monde économique. Enfin, la réforme ouvre la possibilité de soumettre à un contrôle supplémentaire, avant l’admission en licence, les étudiants ayant obtenu le diplôme de premier cycle dans un autre établissement.
18C’est cette disposition, qui apparaît attentatoire à la valeur nationale des diplômes, qui déclenche le mouvement de protestation dans les petites universités de province, dont les étudiants s’estiment plus menacés que ceux des établissements parisiens28. Une manifestation est signalée à Tours dès le 28 janvier 197629. Fin février, les universités de Rennes, Toulouse et Amiens sont touchées par la grève. Des manifestations ont lieu à Grenoble30. À la crainte des étudiants provinciaux d’une mobilité géographique contrainte s’ajoute la dénonciation, par les syndicats de gauche, de la place des professionnels dans les groupes techniques. Pour eux, c’est « soumettre le choix des formations et de leur contenu à l’arbitraire du patronat31 » . Leurs propos semblent confirmés par la publication le 25 février de la circulaire d’application de l’arrêté32. Non seulement celle-ci renforce la place du monde de l’entreprise dans la conception, l’évaluation et la mise en œuvre des formations à l’échelle nationale comme au niveau des établissements33, mais elle invite aussi les universités à ne pas demander l’habilitation de formations sans débouché professionnel, qui absorbent beaucoup de moyens tout en ne concernant qu’un petit nombre d’étudiants34. Les formations artistiques, littéraires, culturelles semblent à terme condamnées. Le spectre d’une université utilitariste, rejetant la culture désintéressée sous la pression du « grand capital » , est présent dans nombre d’esprits. À ces motifs d’inquiétude s’ajoutent les projets de réforme de la formation des maîtres de Haby, qui semble déterminé à exclure le plus possible les universités. Plus généralement, toute la politique universitaire du gouvernement donne prise aux soupçons, comme le souligne Guy Herzlich :
C’est que la discussion sur la réforme se place dans un climat d’aigreur et d’insatisfaction provoqué notamment par la dégradation des crédits des universités (notamment en matière de recherche), des interventions tatillonnes ou arbitraires des autorités de tutelle, et un sentiment général d’exclusion, chez les enseignants comme chez les étudiants35.
19Il faudrait ajouter à cet inventaire la réforme du quorum, votée à la sauvette en juillet 1975, au début des vacances, qui n’a pas généré d’opposition sur le moment mais qui n’a pas été « digérée » par les syndicats de gauche, qui y voient à juste titre un moyen pour freiner leur progression.
20La contestation du deuxième cycle est aussi à replacer dans un contexte de montée en puissance de l’opposition, tant à l’échelle des universités (lors des élections de la fin 1975 et du début 1976, de nombreux conseils d’université ont glissé à gauche et ont élu des présidents moins favorables au pouvoir giscardien) qu’à l’échelle nationale : les cantonales des 7 et 14 mars 1976 sont un succès pour le Parti socialiste36. Pour Rémond, c’est un facteur à prendre en compte : « Le résultat des élections cantonales, en révélant l’évolution du rapport de forces, a enhardi tous les opposants tentés d’abréger le délai et de tâter la résistance des pouvoirs publics37. »
21Enfin ce mouvement étudiant est à replacer dans un contexte économique dégradé, où l’augmentation du chômage et la raréfaction des débouchés nourrissent l’inquiétude des étudiants et semblent rendre aléatoire la professionnalisation des enseignements.
22Le mouvement prend de l’ampleur la première semaine de mars, surtout en province. En région parisienne, Nanterre fait figure de pionnière. Le 4 mars, une grosse semaine après le départ de Rémond de la présidence, une assemblée générale vote une grève de vingt-quatre heures38. Le lendemain, la totalité des enseignements est touchée. En quelques jours, l’établissement qui avait été la matrice de « 68 » devient le fer de lance de « 76 ». La parenthèse ouverte par le décanat puis la présidence de Rémond semble se refermer. Les communistes qui, jusqu’ici, avaient été amenés, face à la menace gauchiste, à coopérer sans le dire avec le gouvernement sur le terrain universitaire, sont en première ligne du mouvement. Le 16 mars, ils publient un tract dénonçant en bloc toute la politique de la droite au pouvoir :
Le thème de l’autonomie largement activé par le gouvernement pour opérer une tentative de séduction et d’intégration a tourné court, et la revendication d’une autonomie réelle dans le cadre d’une gestion démocratique s’est retournée contre lui. Les avis du CNESER sont ignorés ; les établissements à statut dérogatoire se sont multipliés ; des administrateurs provisoires sont nommés, des organismes désignés doublent des assemblées élues. La clause du secret est introduite dans des contrats. Le quorum pour les étudiants a été instauré pour la représentation des étudiants dans les conseils d’université39.
23Le maire communiste de Nanterre, Yves Saudmont, encourage publiquement la grève au nom du conseil municipal :
Nous tenons à assurer les étudiants, enseignants et personnels de Paris X en lutte pour l’abrogation du scandaleux décret sur le IIe cycle des études supérieures du soutien résolu que nous leur apportons en tant que représentants de la population de Nanterre. Votre lutte est juste. Il n’est pas tolérable que dans la France de 1976, la jeunesse ne se voie proposer que des études tronquées, cloisonnées, contrôlées par les experts du grand capital40.
24Le 17 mars, Nanterre est le lieu d’un meeting commun rassemblant la CGT, la FEN, le Sgen-CFDT et le comité de grève de Paris X-Nanterre41. Le lendemain, l’établissement est le point de rassemblement de cinq mille étudiants venus des universités parisiennes mais aussi de province pour discuter d’une plate-forme unitaire à l’appel de la « coordination nationale des comités de grève ». Prenant le train pour Saint-Lazare, ils partent ensuite défiler en chantant l’Internationale vers le secrétariat d’État aux Universités42.
25Les congés de Pâques, du 20 mars au 4 avril 1976, marquent l’arrêt du mouvement quoiqu’à Amiens, des étudiants occupent les locaux en signe de protestation43. Mais, contre toute attente, au retour des vacances, la grève est à nouveau votée dans plusieurs établissements et de nouvelles manifestations s’organisent44. À la fin de la semaine de rentrée, le mouvement a retrouvé une dynamique ascendante. Le 15 avril, les opposants à la réforme semblent prendre l’avantage : les manifestations rassemblent plus de cent mille participants45 tandis que la Conférence des présidents d’université, jusqu’à présent divisée quant à l’attitude à adopter, demande par trente-cinq voix contre vingt-six le retrait d’une réforme qualifiée de « malthusienne46 » . Sont notamment critiquées la rupture introduite entre la licence et la maîtrise, l’atteinte au caractère national des diplômes et la demande de redéployer les formations en fonction des débouchés47.
26Le pouvoir reprend la main la semaine suivante. Lors de sa conférence de presse télévisée du 22 avril, le chef de l’État consacre un long développement à la nécessité de la réforme et déclare qu’il « n’y a pas matière à modifier l’arrêté » . Parallèlement à cette fermeté exprimée au plus haut niveau de l’État, des ouvertures sont faites quant aux modalités d’application. La semaine qui suit l’allocution de Giscard d’Estaing, Saunier-Seïté annonce plusieurs concessions aux présidents d’université. La circulaire d’application du 23 février, qui menaçait les filières les moins connectées aux débouchés, est annulée. Les présidents obtiennent la garantie que les formations existantes pourront être reconduites sur simple demande. Le rôle des comités techniques dans l’habilitation devient uniquement consultatif. Des moyens supplémentaires pour mettre en œuvre les nouvelles filières sont promis48. Avec les étudiants, la secrétaire d’État adopte un ton beaucoup plus ferme, jouant sur la menace de ne pas délivrer les diplômes si la grève se poursuit.
27Malgré ce faisceau d’initiatives, relayées par les présidents49, la grève continue encore trois semaines. Pour René Rémond, interviewé par La Croix fin mai, c’est une manifestation du symptôme qu’il appelle, par analogie avec les conflits sociaux, du paiement des jours de grève : « Les étudiants disent “pas de pénalisation”, par conséquent “validation d’un contrôle continu”50. » Ce n’est que la deuxième semaine de mai que la tendance à la reprise des cours s’accentue51. À Nanterre, la situation n’est toujours pas réglée fin mai, malgré les appels pressants du conseil d’université52. La contestation s’élargit même à de nouveaux objets. De la remise en cause de la réforme, on passe à une protestation plus globale, qui vise certains enseignants. Selon Pierre Riché, dans le département d’histoire, un « comité de base » , animé par les étudiants marxistes, organise des réunions pour « démystifier » l’enseignement des professeurs « réactionnaires » : parmi eux, René Rémond est nommé53.
Rémond, entre les coulisses et la salle
28Tout au long de ces événements, l’historien rédige un document, intitulé « Ma participation à la crise » , où il consigne ses différentes interventions54. En écrivant cette forme de journal, il semble vouloir se persuader qu’il peut garder une influence sur le cours des choses bien que, dans cette pièce qui se donne, pour la première fois depuis cinq ans, il n’est plus sur la scène. Il lui faut explorer de nouveaux lieux où vivre ce qui se joue : les coulisses et la salle.
29Côté coulisses, Rémond commence à agir après le 15 avril, jour où les présidents ont demandé le retrait de la réforme. Selon l’historien, il s’agit d’un « tournant décisif » dans la crise : « Il a apporté au mouvement une légitimité qui lui faisait défaut et tend à constituer un certain consensus des partenaires, organisations, conseils d’université, présidents, qui isole le secrétaire d’État55. » Ce n’est pas de son propre chef que Rémond se met à agir dans l’ombre, mais suite à plusieurs sollicitations :
Samedi 17 avril 1976 : Appel téléphonique de Jean-Pierre Bady [chargé de mission au cabinet de Jacques Chirac] qui m’invite à un déjeuner pour mercredi et me laisse prévoir un petit-déjeuner de travail mardi matin. Début d’après-midi : appel de Verdier qui en son nom et celui de Kahane [président de l’université Paris XI] me demande d’intervenir auprès de Quermonne [directeur des enseignements supérieurs et auteur de la circulaire d’application controversée]56.
30Rémond semble considéré, dans ce contexte de rupture du dialogue entre la CPU et la secrétaire d’État, comme susceptible de jouer les bons offices. Il s’exécute sans trop de difficultés : « Dimanche 18 avril […]. Le soir j’appelle Quermonne chez lui à Grenoble. Nous prenons rendez-vous pour mardi soir57. » Pour préparer l’entretien, Rémond rédige une note où il analyse la situation. Son regard sur l’attitude de la secrétaire d’État est sévère : « plusieurs occasions de rétablir une situation normale ont été négligées ou compromises par des erreurs de conduite, des déclarations intempestives ou contradictoires ». Il considère que le fait de s’être mis la CPU à dos est une grave erreur tactique de la part de Saunier-Seïté. Envisageant les différentes portes de sortie possible, il récuse à la fois le pourrissement et la capitulation devant l’agitation :
Sans céder à la pression, sans consentir à l’abrogation, ne pourrait-on retenir l’idée d’une seconde lecture assortie de la proposition d’un moratoire ou d’une trêve qui permettrait au moins de remettre les universités au travail, de terminer l’année en bon ordre, de sauver les examens, d’éviter l’extension de la grève aux lycéens ou aux concours, de démobiliser la masse et de désensibiliser l’opinion ? Une commission mixte associant quelques présidents à l’administration et qui consulterait largement pourrait être chargée d’examiner les aménagements, ou, pour mieux dire, les précisions souhaitables. En toute hypothèse des apaisements et des éclaircissements peuvent être apportés, sans toucher à l’essentiel, sur l’entrée directe en licence, sur le passage de la licence à la maîtrise, sur l’admission par équivalence d’une université à une autre, sur la composition des groupes d’experts58.
31L’entretien se passe bien et Quermonne semble convaincu : « Le soir, je vois longuement Quermonne, je lui fais part de mes impressions et je lui remets ma note dont il approuve l’inspiration59. » Si Jean-Pierre Bady semble avoir oublié ses rendez-vous, il prend néanmoins connaissance du document60.
32Rémond a-t-il eu une influence sur le compromis trouvé entre la CPU et la secrétaire d’État le lundi suivant,26 avril ? Le Canard enchaîné croit le savoir. Après avoir décrit tout le travail de conviction mené par le cabinet de Chirac pour persuader les présidents de revenir à de meilleures dispositions concernant la réforme du deuxième cycle61, son journaliste écrit : « Ainsi se renforça ce que les étudiants appellent “la magouille des mandarins” et dont ils vous jurent que le chef de file est l’historien démocrate-chrétien René Rémond, ex-président de Nanterre62. » Rémond aurait donc été l’inspirateur ou l’instigateur de la solution adoptée entre les deux parties, sous l’égide de Matignon, qui aurait d’une part convaincu Saunier-Seïté de « mettre de l’eau dans son vin » , et d’autre part « travaillé au corps » quelques présidents.
33Côté salle, Rémond essaye d’assister à la scène en spectateur intelligent et engagé. Il revient en quelque sorte au rôle du politologue qu’il avait tenu en 1968, lorsque France Inter avait fait appel à lui pour analyser à chaud le mouvement naissant. Le 19 avril, il est invité par Ivan Levaï sur Europe 1 : « L’entretien me vaudra de très nombreuses approbations » , écrit-il dans ses notes63. Le 13 mai, il est interviewé par Philippe Harrouard sur Antenne 2 et passe au Journal de 20 heures64. Fin mai, c’est l’entretien déjà mentionné à La Croix65. Face aux journalistes, Rémond s’emploie à montrer que l’arrêté du deuxième cycle n’est que la cause apparente d’une grève qui est avant tout la manifestation d’une angoisse profonde chez les étudiants :
Nous avons affaire à une masse d’étudiants, fort nombreuse, qui a le sentiment que le pays se désintéresse d’elle, qui ne sait pas comment traduire son inquiétude, une inquiétude qui confine souvent à l’angoisse et à l’anxiété. Il faut bien voir que cette grève a été une grève d’inquiétude et de désespoir, que les étudiants n’y sont pas entrés de gaieté de cœur. Ils y sont entrés à reculons. Elle exprime la lassitude. Elle est très comparable à ces mouvements de désespoir qui s’emparent de catégories sociales qui se considèrent comme menacées. Pour un peu je la rapprocherais de l’agitation des viticulteurs du Midi. C’est une catégorie qui se demande : qu’est-ce que nous allons devenir ? Surtout quand il s’agit d’adolescents qui ont la conviction qu’ils ne trouveront pas d’emplois. Et l’arrêté n’a été que l’occasion de matérialiser et si la grève se prolonge c’est précisément parce qu’elle est de désespoir, qu’elle n’est pas une épreuve politique à proprement parler. Elle est la traduction d’un marasme, d’un malaise social66.
34Ce recours aux causes profondes permet à Rémond de mettre en perspective l’événement. Il lui permet aussi d’ « innocenter » un arrêté, qu’il avait partiellement inspiré (pour l’absence de cadrage) et approuvé en tant que président d’université : « L’inspiration de l’arrêté du 16 janvier est juste. Il ne mérite pas les reproches qu’on lui a faits et notamment il n’introduit pas la sélection » , déclare-t-il à La Croix.
35Ayant cherché les explications du mouvement, Rémond s’emploie à le caractériser, en le mettant notamment en perspective avec 1968 :
[Les universités] vivent quelque chose de très différent de mai 1968, mais d’aussi grave, probablement même de plus inquiétant pour l’avenir. D’abord, parce que la crise dure plus longtemps. Celle de 68 fut plus courte, elle n’a eu d’autre conséquence que de faire reporter les sessions des examens du printemps à l’automne, elle n’a pas compromis profondément le fonctionnement des universités. Je ne crois pas qu’il y ait l’équivalent d’une paralysie aussi prolongée que celle d’aujourd’hui, qui affecte près de la moitié de l’année universitaire. Pour nombre d’universités de province la grève dure depuis février […]. Le climat ensuite n’est plus du tout le même. 1968 comportait des provocations, des idées folles, mais, dans l’ensemble la volonté de faire quelque chose d’autre. Il y avait donc des éléments positifs à partir desquels il a été possible de reconstruire l’université. Il n’y a rien de tel dans le mouvement actuel qui n’a aucun projet, ne cherche pas à en avoir, qui est l’expression d’une inquiétude (mais le terme est trop faible), d’une espèce d’anxiété voire de désespoir. Cette grève est nihiliste67.
36Ce dernier mot « nihiliste » vaut la peine d’être relevé. Rémond, interviewé par Yves Mourousi le 5 mai 1968, avait porté le même jugement sur la contestation étudiante naissante :
Autant je crois qu’il y a des transformations à faire et souhaitables, autant ces explosions de violence en définitive sont aveugles et brutales et désorganisent. Je ne pense pas que l’on puisse aboutir à une révolution si l’on donne à ce mot un sens positif et constructif c’est-à-dire de substituer un autre ordre social avec ses règles, car en définitive c’est plutôt une protestation sociale contre toute règle et toute société68.
37Rémond, face aux contestations, semble avoir comme première réaction une forme d’inquiétude. Il n’est pas spontanément persuadé du caractère bénéfique des mouvements sociaux.
Un « désastre national » ?
38Dans ses interviews, Rémond cherche aussi à évaluer la portée du mouvement. Il utilise à ce propos une expression choc : la crise est un « désastre national69 ». Pour Rémond, la grève est d’abord une catastrophe pour les étudiants : « Elle est suicidaire, car plus la grève dure, plus elle discrédite, plus elle déconsidère, moins elle rend crédibles les étudiants et à travers eux les universités70. » Ce n’est pas tant le fait de perdre une année en ne la validant pas que d’écorner la réputation des formations dispensées par l’université qui préoccupe l’ancien président de Nanterre. Les diplômés de l’université risquent d’être durablement déconsidérés par rapport à ceux des grandes écoles. Rémond explique ce « jusqu’au-boutisme » désastreux par un manque de sens politique des leaders du mouvement qui, selon lui, auraient dû appeler à la reprise après que la secrétaire d’État a fait des concessions le 26 avril : « Ils n’ont pas l’expérience et la stratégie des organisations responsables dans un conflit social : ils ne savent pas quand décrocher et les “inorganisés” sont devenus des intransigeants71. »
39Désastreuse pour les étudiants, la grève l’est aussi pour les universités, qui voient renaître des groupuscules violents que l’on croyait éradiqués : « La prolongation de la grève a reconstitué les bataillons de gauchistes qui n’existaient plus guère72. » L’historien a sans doute été frappé par ce tract néomaoïste, qu’il a conservé dans ses archives personnelles. Sous le titre « On a raison de se révolter contre l’université réactionnaire ! Mai 68-Mai 76, que se passe-t-il de nouveau sous le soleil ? », ses auteurs anonymes magnifient la révolte, tout en plaidant pour son organisation afin qu’elle débouche sur une prise du pouvoir73. L’influence réelle de tels mouvements est très limitée, mais ce document n’en témoigne pas moins d’une nouvelle radicalisation des étudiants.
40Si la grève est désastreuse pour les universités, c’est aussi, selon Rémond, qu’elle réveille en son sein les multiples clivages qui divisent les enseignants : « Un mouvement qui dure a des effets destructeurs de l’intérieur. Il réveille beaucoup d’antagonismes, de tensions [… ]74. » Au sortir de la grève, les enseignants modérés reprochent aux syndicalistes d’avoir soutenu ce mouvement qui se termine en impasse. Les syndiqués sont eux-mêmes divisés : ceux du Snesup en veulent à ceux du Sgen de ne pas avoir appelé à la reprise fin avril75. Au-delà de la résurgence des violences et des conflits, Rémond craint que la grève ne remette en cause tout le travail fait par la première génération des présidents pour adapter les formations aux débouchés. En braquant les étudiants contre cette idée, désormais assimilée à la mainmise du patronat sur l’université, la secrétaire d’État compromet gravement l’indispensable modernisation :
Le drame est qu’en quelques semaines on voit détruire le résultat et le fruit des quatre ou cinq années de travail précédentes. On ne sait peut-être pas assez qu’au cours des dernières années, les universités ont fait de gros efforts d’imagination, d’invention et de modernisation pour répondre à ce problème et que ces quelques semaines de grève, par l’enchaînement des maladresses, des bévues ou des provocations aboutit à détruire le fruit de ce travail76.
41La seule pour qui la grève ne soit pas une catastrophe est peut-être la secrétaire d’État. Au plus fort de la crise, elle semblait s’attendre à être remerciée à cause de sa gestion hasardeuse. Selon Le Canard enchaîné, elle aurait confié mi-avril à ses collaborateurs : « J’aimerais bien obtenir une ambassade. Celle de Rome par exemple. » Jacques Chirac ayant eu vent de ce souhait aurait lâché ce commentaire : « Elle n’est pas assez distinguée77. » Pourtant, elle réussit à traverser la tempête en conservant la confiance du président et en gagnant la bataille de l’opinion publique qui, selon Antoine Prost, « donne tort aux étudiants, trouve faibles les enseignants et apprécie la fermeté de Mme Saunier-Seïté78 » . La presse de droite la soutient. Dominique Jamet, de L’Aurore, lui consacre à l’été un vibrant hommage sous le titre « Allez Alice » :
Elle ne quêtait pas l’applaudissement des étudiants, le consensus des professeurs, l’approbation des syndicats, les compliments des présidents, la faveur de la presse, mais cherchait plutôt l’intérêt du service public, lésât-il certains intérêts, et la bonne marche de son administration, allât-elle contre les vœux de ses administrés, l’application de la loi, fût-ce la loi Edgar Faure, et le retour à l’ordre dans cette Université de Capoue qui se complaisait aux délices dissolvants d’une autonomie mal comprise, mal conçue, mal gérée et mal digérée.
42Pour son combat, le titre de « mère courage » du gouvernement lui est attribué :
Car ce ministre a osé braver l’impopularité, c’est-à-dire les huées des minorités bruyantes, affronter la haine des grands féodaux qui s’étaient taillé des domaines dans la chienlit, aller contre le train du Monde et du Nouvel observateur réunis et ouvrir la brèche dans toutes ces Sorbonne devenues Kremlin, n’ayant pour elle que le bon sens, le courage et le silence complice de sa majorité79.
43À l’extrême droite, Rivarol n’hésite pas à lui adresser une « déclaration d’amour » pour ses propos anticonformistes sur le système universitaire et les étudiants : « Il y a un signe qui ne trompe pas : c’est la haine dont vous êtes l’objet. Dans la France minée où nous vivons, c’est l’apanage du très petit nombre de personnes qui s’opposent activement à la subversion80. »
44Les députés de la majorité sont aussi conquis, d’après Le Nouvel observateur :
S’il est une femme qui plaît aux députés de la majorité, c’est bien Alice Saunier-Seïté, secrétaire d’État aux Universités. Ils rivalisaient d’amabilité, l’autre semaine, au cours du débat parlementaire consacré au budget de l’enseignement supérieur. Premier galant, Jean-Claude Rohel, député Républicain indépendant du Finistère : « Votre courage, votre lucidité, votre ténacité vous permettent de faire triompher des solutions justes et novatrice en résistant à l’éternel brouhaha des démagogues de tout bord »81.
45La secrétaire d’État, pour qui le créneau de la « mère courage » ou de la « mère fouettard » s’est révélé politiquement payant, continue dans cette veine à l’issue de la crise. Elle met l’été à profit pour peaufiner son image de femme à poigne, tranchant avec la mollesse supposée de ses prédécesseurs masculins : « Depuis dix ans, le laxisme prévaut en milieu universitaire. Il est temps de renverser la vapeur et remettre en ordre ce qui ne va pas », déclare-t-elle à L’Aurore en juillet82. Enfonçant le clou, elle déclare en août sur TF1 : « Depuis dix ans, on n’a rien contrôlé, on a laissé aller les choses, au gré des initiatives individuelles et il est temps de faire fonctionner les universités de manière plus rationnelle83. » Joignant le geste à la parole, elle décide de supprimer l’aide du gouvernement à l’Unef, en tant que mouvement étudiant : « Je ne peux pas subventionner une association qui bafoue la liberté du travail », se justifie-t-elle84. Elle n’hésite pas à jouer le peuple contre les élites universitaires :
J’ai reçu un énorme courrier de province ; beaucoup de parents d’étudiants m’ont écrit. « Votre fermeté nous redonne courage. » Une lettre m’a particulièrement frappée : « Je suis ouvrier, je me suis saigné à blanc pour que mon fils fasse des études supérieures, quand tous ces désordres finiront-ils ? »85.
46Habilement, elle tempère sa rigueur en rappelant qu’elle est aussi une mère. À la question d’un journaliste l’interrogeant pour savoir si elle a reçu le soutien d’étudiants, elle répond : « J’en ai reçu beaucoup. D’abord mon fils, qui vient de réussir sa deuxième année de médecine et me disait souvent : “Maman, tu ne vas pas t’user la santé à t’occuper de gens qui se fichent éperdument de leurs études !”86 » .
47Selon Jean-Claude Casanova, ce positionnement ne serait pas uniquement d’opportunité mais s’expliquerait par à un basculement personnel de Saunier-Seïté au cours de la crise. La bataille du second cycle l’aurait rendue « réactionnaire » au sens premier du terme : « C’était une réaction au mouvement […]. Alice c’est une réaction à ça, à ce tumulte87. » Son positionnement serait aussi facilité par son origine sociale : « C’est une institutrice de l’Ardèche. Elle n’a aucune mauvaise conscience bourgeoise […]. Comme elle est de gauche, elle ne fait pas de complexes à l’égard du Snesup qu’elle “tape” et “cogne” sous l’œil approbateur des mandarins de droite qui l’idolâtrent88. »
L’autonomie remise en cause
48Cette volonté de Saunier-Seïté de faire régner l’ordre après l’agitation l’amène à promouvoir un retour au centralisme, rompant avec la politique d’autonomie menée depuis la loi Faure. Dans son esprit, l’autonomie des établissements signifie désormais le désordre. Seul l’État peut être le garant de la paix universitaire.
49Les présidents d’université sont les premiers à faire les frais de cette nouvelle conception. Saunier-Seïté a pris comme un camouflet personnel leur vote du 15 avril, demandant le retrait de la réforme89. Si, sur pression de Matignon, elle a été amenée à négocier et à se montrer conciliante, une fois la crise finie, elle leur fait payer leur attitude. Dans la presse de droite, à l’été, elle n’hésite pas à déclarer que les présidents se sont « déconsidérés » en prenant « cette décision irresponsable »90 qu’ils auraient tout de suite regrettée : « Ils ont cherché à me revoir et finalement la conférence s’est bornée à me demander de confirmer des décisions sur la mise en œuvre de la réforme que je lui avais proposées au mois de mars91. » Dès le mois de juin, elle leur manifeste qu’ils ont perdu sa confiance. Ce ne sont pas eux qui sont chargés de faire en sorte que les diplômes de 1976 ne soient pas de complaisance. Ce sont les recteurs, qui, pour la première fois, supervisent l’organisation des examens92. À Nanterre, le recteur Pierre Albarède s’exécute avec un zèle tout particulier, demandant à « se faire communiquer tous les sujets d’examen pour les vérifier et apprécier leur validité » . Au-delà de l’autonomie des présidents, il s’agit aussi d’une remise en cause de l’autonomie des enseignants du supérieur, comme l’écrit René Rémond, ulcéré, à Jean-Louis Quermonne :
Depuis quand les professeurs de l’enseignement supérieur sont-ils assujettis au contrôle d’un fonctionnaire d’autorité à qui la confiance de son Ministre ne confère pas une compétence scientifique en dehors de sa spécialité ? […] Personnellement, je ne pourrais me soumettre à cette exigence ; si c’est nécessaire je ferai un éclat. N’avons-nous donc tant travaillé pour l’exercice de la responsabilité que pour tomber dans cette dépendance93 ?
50En septembre 1976, lors de la séance de rentrée de la CPU, la secrétaire d’État aurait lancé aux présidents : « Ici, c’est pas le parlement, on n’est pas là pour débattre », avant de disparaître en expliquant avoir « des rendez-vous plus importants ». Elle y aurait gagné, au sein de cette assemblée, le surnom d’« Acide Saunier-Seïté »94. Après cette entrée en matière tonitruante, elle décide de réduire sensiblement le rythme des séances de concertation estimant qu’il s’agit d’une perte de temps. De mensuel, il devient trimestriel. Si les présidents continuent à se réunir informellement tous les mois, l’administration et la secrétaire d’État ne viennent plus qu’à trois ou quatre séances par an95. Alors qu’ils avaient un rôle déterminant dans l’élaboration des réformes, ils sont désormais tenus à l’écart :
Les présidents venaient à Paris lire dans les réunions les messages de leurs mandants, et dicter dans les bureaux du ministère des circulaires « parapluies » pour couvrir leur irresponsabilité, circulaires qu’ils déploraient et condamnaient quand ils se retrouvaient devant leur conseil d’université […]. Ma décision d’espacer les réunions officielles des assemblées consultatives s’accompagnait d’une volonté de mettre un frein à la production incontinente de circulaires ministérielles dictées par la Conférence des présidents à la direction des enseignements supérieurs, pour faire porter au ministre et à l’administration le chapeau des incompétences, des irresponsabilités et des bavures locales96.
51Inutile, voire néfaste, la CPU est aussi, dans l’esprit de la secrétaire d’État, antinomique avec l’autonomie des universités :
Cette assemblée n’était pas prévue dans la loi d’orientation de 1968. Elle est même contraire à l’esprit de cette loi, qui veut laisser chaque établissement suivre un destin original dans le cadre de son autonomie pédagogique. Or, il était prévisible que la réunion fréquente de l’ensemble des présidents d’université conduirait à des alignements, des mimétismes et des duplications97.
52C’est donc sans état d’âme qu’elle met fin à l’expérience de coresponsabilité tentée par ses prédécesseurs. Le recul de la participation des présidents à l’élaboration de la politique universitaire se traduit aussi par la démission de Jean-Louis Quermonne, en juillet 1976, de son poste de directeur des enseignements supérieurs98. Celui-ci, pourtant très mesuré, prend publiquement ses distances avec la stratégie suivie par la secrétaire d’État99. Désormais, c’est principalement le cabinet de la secrétaire d’État qui mène la politique100.
53L’argument selon lequel la conférence était un obstacle à l’autonomie aurait pu se discuter si Saunier-Seïté ne lui avait substitué, pour l’aider à gouverner, la conférence des recteurs, fonctionnaires d’autorité. L’emploi du terme « autonomie » par la secrétaire d’État apparaît comme un élément de langage du giscardisme, qui ne correspond pas à la vision foncièrement centralisatrice qu’elle se fait de ses relations avec les universités. En témoignent les propositions qu’elle formule pour le conseil restreint du 8 juin 1976 consacré aux problèmes universitaires. Elle plaide pour un renforcement de la tutelle de l’État sur les établissements d’enseignement supérieur, par le biais d’une modification de la loi Faure qui permettrait aux recteurs de se substituer aux présidents en cas de difficulté de fonctionnement101. Dans son élan, Saunier-Seïté va jusqu’à proposer d’instaurer au profit du ministère le pouvoir de révocation et de dissolution : « À la tutelle des actes, on pourrait juxtaposer une tutelle sur les personnes, ce qui comporterait la possibilité : d’une dissolution des conseils, d’une suspension et d’une révocation des directeurs d’UER et Présidents102. »
54Si les propositions ne sont pas suivies d’effets103, c’est que les conseillers de l’Élysée mettent solennellement en garde le président contre leur caractère potentiellement néfaste. Dans sa note, très critique par rapport à la philosophie des documents adressés par le secrétariat d’État104, Jean-Daniel Camus considère que les deux modifications proposées sont « à coup sûr une provocation pour les universités », et qu’elles seraient inefficaces105. Yves Cannac est tout aussi sévère, se permettant de mettre en cause l’attitude générale de la secrétaire d’État :
Plutôt que de heurter de front le milieu universitaire par des déclarations de principe, pas nécessairement suivies d’effets, il paraît préférable de ne pas remettre en cause publiquement les grandes lignes de l’organisation universitaire mais d’en améliorer les mécanismes concrets […]. Sur un plan politique, si la fermeté est payante, une attitude qui donnerait le sentiment d’une hostilité du gouvernement à l’égard de l’université en général ne le serait pas, non plus qu’un manque affiché de considération à l’égard des universitaires. Or, telle est parfois l’impression qui prévaut dans ce milieu. Peut-être que le président pourrait encourager le secrétaire d’État à rappeler l’importance des missions traditionnelles de l’université, son souci d’agir en concertation étroite avec les universitaires ainsi que la considération à laquelle ils pensent prétendre106.
55Dans sa remise en cause de l’autonomie, Saunier-Seïté prend garde de ne pas toucher à la loi Faure. Si elle remet en cause les pratiques de ses prédécesseurs, elle ne va pas jusqu’à critiquer le texte de la loi. Elle procède un peu à la manière des traditionalistes dans l’Église catholique : ce n’est pas le concile Vatican II qui est en cause, c’est son interprétation. Telle n’est pas l’attitude d’un certain nombre d’universitaires, pour qui la crise de 1976 est l’occasion de faire le procès de la loi d’orientation. Les maîtres à penser sont Raymond Aron et Annie Kriegel. L’historienne et sociologue de Nanterre publie à la mi-mai dans Le Figaro un article intitulé « Un mal institutionnel » où elle établit un lien entre la crise que viennent de connaître les universités et leur cadre légal, qui « contribue gravement à nourrir tous les ferments de décomposition et de déstructuration107 ». Prenant l’exemple du conseil de Nanterre – qui, sur quatre-vingts membres, ne compte que vingt-neuf enseignants et qui, selon elle, est victime d’un absentéisme endémique et voit s’affronter tendances politiques et syndicales –, elle affirme que la loi Faure a échoué à instaurer une instance délibérative efficace. Elle avance aussi que les présidents élus par de tels conseils manquent de légitimité et qu’« ils compensent le fait par une soumission renouvelée à l’air du temps ». Elle étaye son affirmation en mettant en avant l’attitude, jugée conformiste, de la Conférence des présidents d’université pendant la grève. Elle conclut par ces phrases sans appel :
On a déjà compris par là quelle formidable bévue a été la loi d’orientation de 1968, loi d’où procède un tel Conseil. L’ironie de l’histoire a voulu en effet que le général de Gaulle – qui fut à l’échelle nationale, le théoricien heureux du révisionnisme institutionnel –, ait été aussi l’homme qui a mis en place un système imposant à l’université ce « système des partis » qu’il avait rejeté pour la République.
56Jean Bastié, lui aussi Nanterrois, s’inscrit dans le sillage en publiant une tribune dans L’Aurore : « Tant qu’une majorité et un gouvernement n’auront pas le courage politique de reconnaître publiquement l’erreur magistrale commise en 1968 par un parlement affolé et trompé, nous en resterons au même point108. »
57De cette remise en cause, intellectuelle et pratique, de l’autonomie et de tout ce qui a constitué le cadre dans lequel il a inscrit son action, René Rémond ne peut prendre son parti. Ce qu’il craignait depuis le début du mois de mai se confirme avec l’été :
La crise du printemps dernier a fourni le prétexte au rétablissement de la tutelle administrative et l’opinion, même celle qui se croit libérale, a applaudi à cette reprise en mains et à la restauration d’un système autoritaire, sans pressentir que ce retour à une pratique désuète ruinait les chances d’une évolution indispensable109.
58S’il n’engage pas le débat avec Jean Bastié, pour lequel il a peu d’estime et qu’il juge sans doute « irrécupérable », il prend le soin de répondre, par lettre privée, à Annie Kriegel. Par chance, cette correspondance passionnante entre deux universitaires de renom peut être reconstituée grâce aux archives de l’historien à la BnF et au fonds Valéry Giscard d’Estaing aux Archives nationales. Annie Kriegel a en effet pris l’initiative d’adresser une photocopie des lettres à Jean-Claude Casanova qui, après la nomination de Raymond Barre à Matignon fin août 1976, devient conseiller technique du Premier ministre, en charge notamment des affaires universitaires. Ce dernier les a lui-même transmises à Jean-Daniel Camus, le conseiller élyséen en charge des questions d’éducation, accompagnées de ce petit mot : « J’ai l’honneur de vous communiquer, à titre confidentiel, un petit dossier qui vous instruira sur la sociologie universitaire et qui dépeint assez bien les relations entre les présidents (ou anciens présidents) d’une part et universitaires, d’autre part, ce qui vous amusera aussi, j’espère110. »
59L’échange entre Rémond et Kriegel commence de manière aigre. L’article du Figaro amène en effet l’historien à se départir de sa retenue habituelle :
Je viens à l’instant de prendre connaissance de l’article que publie sous votre signature Le Figaro. Je n’ai pas l’habitude de mâcher mes mots ni de déguiser ma pensée. Je suis en complet désaccord avec votre interprétation. C’est une mauvaise action qui n’a même pas pour elle de s’appuyer sur une analyse exacte. Nous avons souvent discuté à ce sujet. Je regrette de ne pas vous avoir convaincue. La loi d’orientation, qui n’est pour rien dans la crise étudiante actuelle, loin d’instituer un régime d’assemblée, a doté les Universités d’un gouvernement de type présidentiel. Vous ne tenez aucun compte du travail fait à Nanterre pendant cinq ans par le Conseil et qui a été d’excellente qualité. Il est faux et même calomniateur que le quorum n’y ait été atteint que par des « astuces comptables ». Avez-vous seulement lu les comptes-rendus détaillés qui représentent plus de cinq cents pages des soixante-cinq séances du Conseil que j’ai présidées en cinq ans ? Vous y auriez vu la preuve de ce que j’avance. Moi qui ai eu l’avantage d’appartenir à cette Université d’avant 1968 qui suscite aujourd’hui tant de nostalgies, j’ai pu faire la comparaison : elle n’est pas à l’avantage de l’ancien régime. Quant à la Conférence des Présidents, lui faire porter la responsabilité de la prolongation de la crise, c’est une singulière façon de raconter l’histoire pour une historienne. Elle s’est employée au contraire à rapprocher les points de vue et à exercer une médiation. Mais il était déjà trop tard et trop de bévues avaient déjà été commises. J’ai eu scrupule à porter sur la place publique nos problèmes intérieurs et c’est pourquoi depuis le début de la crise je me suis abstenu d’intervenir publiquement. Vous me le faites regretter. Avec mes très sincères regrets je vous prie de croire, chère Madame, à l’assurance de mes sentiments dévoués111.
60Annie Kriegel répond par retour de courrier112. Son article est paru le 12 mai, Rémond a dû lui écrire le 12 ou le 13. Sa lettre est datée du 14. Elle fait huit pages. Annie Kriegel tient à désamorcer la colère de René Rémond, pour qui elle a une certaine admiration : « Mon cher président, d’abord merci pour la marque d’estime et de confiance que vous me donnez en prenant la peine de contester et sévèrement critiquer le point de vue que j’ai exposé dans Le Figaro », écrit-elle en guise de captatio benevolentiae. La fin de sa missive vise le même objectif : « Je suis confuse d’une lettre si longue. Je tiens à votre estime […]. Croyez en mon amitié déférente. »
61Dans le cœur de sa lettre, elle commence par expliquer la démarche intellectuelle qui l’a amenée à établir un lien entre la crise et les institutions issues de la loi Faure. Venant du marxisme, elle n’était pas spontanément portée à s’intéresser aux institutions, vues comme des superstructures découlant de la lutte des classes, mais, en enrichissant sa pensée méthodologique au contact de Montesquieu et de Tocqueville, en réfléchissant à l’œuvre institutionnelle de de Gaulle, elle en est venue à réévaluer leur rôle, notamment dans le « mal universitaire ». Vient ensuite le cœur du débat : les expériences de Nanterre et de la CPU prouvent-elles expérimentalement que la loi est viable ou non viable ? Très habilement, Kriegel invite Rémond à opérer une distinction entre son œuvre à Nanterre et le cadre institutionnel dans lequel elle s’est opérée. Selon elle, la présidence forte de Rémond à Nanterre est liée à une personnalité exceptionnelle, élue dans des circonstances elles aussi exceptionnelles, qui masque la logique inhérente à la loi d’orientation :
Vous savez bien que votre cas est un cas heureux qui ne se reproduira pas. Tout simplement parce que dans l’ensemble, la première génération des Présidents n’était pas le produit du système : ils avaient émergé au cours de la crise de 1968 et le plus souvent, comme à Nanterre, le Conseil n’avait eu qu’à entériner une situation provisoire acquise. Mais la seconde génération des présidents, celle-là est le produit du système. Quelle dégringolade ! « Je vote pour le plus bête. » La règle de nos assemblées parlementaires de jadis a été reprise en la transformant un peu, puisque des « bêtes » c’est difficile à trouver à l’université. Mais des « dociles », ce n’est pas difficile. Les conseils ont donc voté pour ceux qui leur paraissaient précisément incapables de concevoir un régime présidentiel.
62Tenant à récuser l’accusation de nostalgie pour l’université d’avant 1968, elle précise aussi que la solution à laquelle elle pense ne saurait consister en un simple retour en arrière. Elle se prononce pour un système à l’américaine, où le président n’est pas un universitaire mais un manager, désigné pour ses compétences de gestion.
63Face à cette lettre solidement argumentée, au ton apaisant, flatteuse pour son action, René Rémond semble presque désarçonné. Il laisse une semaine s’écouler avant de rédiger ces quelques mots très courtois :
Chère Madame,
On a bien raison de dire que le mieux est l’ennemi du bien. Votre lettre n’étant pas de celles dont on se débarrasse par un simple accusé de réception, je remets de jour en jour d’y répondre en attendant, jour après jour, de trouver le temps de préparer la longue lettre qu’elle mérite. Les jours passent et je sombre dans l’impolitesse ; partant demain pour Israël et désespérant de pouvoir d’ici là faire la lettre que je porte dans l’esprit, je vous demande d’accepter un mot rapide qui voudrait vous assurer de ma reconnaissance, vous dire mon accord sur plus d’un point et indiquer que si sur d’autres persistent des différences d’appréciation et des divergences souvent fondamentales, elles relèvent les unes et les autres d’une explication de fond que je souhaite que nous puissions avoir. Je le désire à proportion du cas que je fais de votre jugement et de l’estime où je tiens tout ce qui vient de vous.
Il faudra que nous nous expliquions dès que nous en aurons une occasion. Je ne suis certainement pas moins inquiet que vous pour l’avenir de nos universités : peut-être même le suis-je davantage que vous, car je ne crois pas que la cause de la crise se réduise à des facteurs institutionnels et je ne partage pas votre conviction qu’un changement de procédure dans la désignation des responsables ni de composition des collèges soit de nature à remédier à la situation présente. J’assiste avec désolation à la destruction, tantôt délibérée, tantôt inconsciente, par les uns et les autres qui se donnent la main à qui mieux mieux, de tout ce que nous avons édifié, non sans succès, depuis cinq ans. Il n’est pas vrai que c’était condamné à disparaître.
Avec mes remerciements pour le ton et le contenu de votre lettre, acceptez, je vous prie, chère Madame, l’expression de mon fidèle et respectueux souvenir113.
64Par ces derniers mots, Rémond se dépeint lui-même comme le spectateur désolé des événements. Ce qu’il voit détruire, c’est non seulement, à l’échelle nationale, la politique d’autonomie et d’association des présidents d’université aux décisions, mais c’est aussi son œuvre à Nanterre. L’avènement d’Alice Saunier-Seïté permet aux juristes sécessionnistes de Nanterre de parvenir à leurs fins : à la rentrée 1976, ils obtiennent du secrétariat d’État le transfert de leurs postes dans une UER de sciences juridiques créée pour eux à Paris V114.
***
65Pour dépasser la perte de responsabilité et d’influence et pour conjurer la mise à mort de l’œuvre accomplie à Nanterre et à la Conférence des présidents d’université, Rémond aurait pu chercher à devenir secrétaire d’État aux Universités à la place d’Alice Saunier-Seïté. D’aucuns le soupçonnent d’avoir secrètement caressé cette ambition115. Si l’historien récuse toute manœuvre pour parvenir à ce but, il confesse néanmoins, que « sous Giscard, le bruit [de sa nomination] a couru avec insistance » et, par toute une série de périphrases, qu’il aurait accepté le portefeuille des universités si la proposition lui avait été faite :
Peut-être, ayant alors une vue d’ensemble de l’enseignement supérieur, aurais-je été tenté de constituer un cabinet avec des gens proches et d’essayer de mettre en œuvre l’autonomie et de faire aboutir ce qui était alors le testament de notre génération de présidents, constituer des universités réellement autonomes, en bonne intelligence avec l’État et avec les régions. Mais la question ne m’a pas été posée116.
66Les circonstances veulent que Saunier-Seïté, dont tout le monde pensait qu’elle quitterait rapidement le gouvernement, fasse finalement preuve d’une longévité politique remarquable. Elle reste au gouvernement quand Barre remplace Chirac en août 1976 et est promue au rang de ministre en 1978 alors qu’Haby est remercié. Cela lui permet de poursuivre sa politique de « rectification » de la loi Faure qui aboutit notamment à la modification de la composition des conseils d’université au profit des enseignants de rang magistral (loi Sauvage du 20 juillet 1980)117.
Notes de bas de page
1 J. Choffel, Seule une femme‚ Alice Saunier-Seïté, Paris, Flammarion, 1979, p. 7.
2 L. Jospin, Lionel raconte Jospin‚ entretiens avec Pierre Favier et Patrick Rotman, Paris, Seuil (Points), 2010, p. 48.
3 J.-C. Casanova, entretien avec l’auteur, 28 septembre 2010, cité supra.
4 J.-P. Soisson, entretien avec l’auteur, 11 juin 2008, cité supra.
5 J.-C. Casanova, entretien avec l’auteur, 28 septembre 2010, cité supra.
6 Le Monde, 14 janvier 1976, p. 3.
7 PV de la séance de la CPU du 22 janvier 1976, AN, 20080235, 10.
8 Ibid.
9 Le Monde, 30 janvier 1976, p. 12.
10 Le Monde, 10 février 1976, p. 10. Le caractère politique de la scission sera confirmé quelques jours plus tard quand, à l’occasion d’une manifestation, des étudiants envahissent le bureau du recteur et saisissent des papiers dont les photocopies ne tardent pas à circuler : « On y trouve la confirmation de ce que tout le monde soupçonnait déjà : la partition de l’université de Clermont-Ferrand répond avant tout à des désirs politiques : plus précisément ceux du préfet de région et des Républicains indépendants locaux » (Le Nouvel Observateur, 26 avril 1976, p. 45).
11 J.-J. Becker, Un soir de l’été 1942‚ souvenirs d’un historien, Paris, Larousse, 2009, p. 362.
12 Le Monde, 19 novembre 1976, p. 40. Le Canard enchaîné ( « Sonnée-Seïté » , 21 juillet 1976) rapporte aussi les propos tenu par la secrétaire d’État à Dominique Burg, collaboratrice au Quotidien de Paris : « “C’est vous qui êtes si vache avec moi ?”; “Vous ne connaissez rien aux problèmes universitaires”; “Vous êtes délirante et surtout déconnante”. Le temps de reprendre son souffle et ça repart : “Vous êtes conne! Plus vous écrivez de conneries, plus ça me sert auprès de Giscard…”. »
13 R. Rémond, entretien avec D. Bernard et F. Lépagnot-Leca, 29 février 2000, cité supra.
14 R. Rémond, entretien avec D. Bernard et F. Lépagnot-Leca, 29 février 2000, cité supra. Cette intervention est rapportée dans Le Monde, 22-23 février 1976, p. 24.
15 PV de la séance de la CPU du 19 février 1976, AN, 20080235, 10.
16 PV de la séance de la CPU du 22 janvier 1976, AN, 20080235, 10.
17 J.-P. Soisson, entretien avec l’auteur, 11 juin 2008, cité supra.
18 J.-M. Verdier, entretien avec l’auteur, 20 octobre 2008.
19 D’après G. Petitjean ( « Les gaffes d’Alice » , Le Nouvel Observateur, 26 avril 1976, p. 45), ces mots auraient bien été prononcés par un président, dont l’identité n’est pas précisée, à l’issue de la première rencontre entre Saunier-Seïté et la CPU : « Curieusement, et dès la première rencontre, le courant ne passe pas entre ces universitaires et cette femme-ministre qui pourtant, elle aussi, est une universitaire. Ces présidents, peut-être vaguement phallocrates, font la fine bouche. On lui reproche sa “médiocrité scientifique”. “Ça vole bas”, dis l’un d’entre eux. »
20 J.-C. Casanova, entretien avec l’auteur, 28 septembre 2010, cité supra.
21 A. Saunier-Seïté, En première ligne‚ de la communale aux universités, Paris, Plon, 1982, p. 132.
22 J.-C. Casanova, entretien avec l’auteur, 28 septembre 2010, cité supra.
23 J.-C. Casanova, entretien avec l’auteur, 28 septembre 2010, cité supra.
24 Ibid.
25 Les articles de journaux qui lui sont consacrés l’appellent fréquemment Alice. Voir notamment D. Jamet, « Allez Alice! » , L’Aurore, 21 août 1976; G. Petitjean, « Le vrai boulot d’Alice », Le Nouvel Observateur, 29 novembre 1970, p. 56-57.
26 G. Herzlich, Le Monde, 30 janvier 1976.
27 V. Giscard d’Estaing, Le Pouvoir et la Vie, t. 1, La Rencontre, Paris, Compagnie 12, 1988, p. 276-277.
28 C. Lelièvre et C. Nique, L’École des présidents…‚ op. cit.‚ p. 199.
29 « Les trois crises de l’université de Tours » , Le Monde, 30 janvier 1976.
30 Le Monde, 28 février 1976, p. 11.
31 Communiqué commun de la CGT des Hauts-de-Seine et de l’Unef-Paris X, 26 mars 1976, conservé à la BnF (Manuscrits, NAF 28390, boîte 7, dossier 5).
32 J.-L. Quermonne (entretien avec l’auteur, 27 septembre 2008, cité supra) en est l’auteur.
33 « Au niveau des établissements, les représentants des professions (employeurs et salariés) devront, chaque fois que cela sera nécessaire, être associés à la conception des formations et à leur mise en œuvre (création de conseils de perfectionnement, participation des professionnels de l’enseignement…). »
34 A. Prost, L’École et la famille dans une société en mutation, op. cit., p. 352. J.-L. Quermonne (entretien avec l’auteur, 27 septembre 2008, cité supra) considère à distance qu’il s’agissait d’une erreur politique.
35 G. Herzlich, « Les vacances et après ? », Le Monde, 20 mars 1976, p. 10.
36 Le Monde, 9 mars 1976, p. 1; 16 mars 1976, p. 1.
37 Note de R. Rémond à J.-L. Quermonne au sujet de la crise des deuxièmes cycles, s. d. [18 avril 1976], BnF, Manuscrits, NAF 28390, boîte 7, dossier 5.
38 Le Monde, 5 mars 1976, p. 10.
39 Tract des enseignants communistes de Paris X, BnF, Manuscrits, NAF 28390, boîte 7, dossier 5.
40 Déclaration, ibid.
41 Tract annonçant la tenue du meeting, ibid.
42 Le Monde, 20 mars 1976, p. 10.
43 Le Monde, 2 avril 1976, p. 9.
44 Le Monde, 7 avril 1976, p. 13 et 8 avril 1976, p. 9.
45 Le Monde, 17 avril 1976, p. 1.
46 La radicalisation des présidents serait due à l’intransigeance de la secrétaire d’État : « Quand Alice Saunier-Seïté se retrouve face à la Conférence des présidents, c’est pour discuter de l’application de la réforme du deuxième cycle. Elle se montre cassante, refuse toute concession, tout crédit qui permettrait de financer les nouvelles filières qu’il faut mettre en place. Trop c’est trop : les présidents, qui s’étaient entendus avant la séance pour présenter d’abord un texte modéré, demandant simplement que l’application de la réforme soit momentanément suspendue, prennent la mouche et votent une motion “dure”, demandant le retrait des textes » (Le Nouvel Observateur, 26 avril 1976, p. 45).
47 Le Monde, 17 avril 1976, p. 9.
48 Le Monde, 28 avril 1976, p. 13.
49 Après les concessions faites par la secrétaire d’État le 26 avril, à Nanterre J.-M. Verdier essaye de faire revenir les étudiants, en leur envoyant la circulaire suivante : « Compte-tenu de ces faits nouveaux, je vous demande, comme à tous les étudiants de Nanterre, de revenir à l’Université pour reprendre contact avec vos enseignants et vos camarades. Il est indispensable que vous participiez aux décisions, quelles qu’elles puissent être, qui pourront intervenir concernant une éventuelle reprise des cours sans laquelle la session de juin serait fortement compromise » (Circulaire de J.-M. Verdier aux étudiants de Nanterre, 28 avril 1976, BnF, Manuscrits, NAF 28390, boîte 7, dossier 2).
50 La Croix, 30-31 mai 1976, p. 10.
51 Le Monde, 15 mai 1976, p. 22.
52 Motion du conseil d’université de Paris X-Nanterre, BnF, Manuscrits, NAF 28390, boîte 7, dossier 2.
53 P. Riché, C’était un autre millénaire‚ souvenirs d’un professeur‚ de la communale à Nanterre, Paris, Taillandier, 2008, p. 239.
54 R. Rémond, « Ma participation à la crise » , BnF, Manuscrits, NAF 28390, boîte 7, dossier 5.
55 Note de R. Rémond pour J.-L. Quermonne, ibid.
56 R. Rémond, « Ma participation à la crise », cité supra.
57 Ibid.
58 Note de R. Rémond pour J.-L. Quermonne, BnF, Manuscrits, NAF 28390, boîte 7, dossier 5.
59 R. Rémond, « Ma participation à la crise », cité supra.
60 Ibid. : « J’essaie sans succès de joindre Bady, dont je saurai par Quermonne qu’il a lu ma note. »
61 « Voilà pourquoi Chirac a fait sonner la garde : les préfets de région s’étaient répandus auprès des présidents d’université un tant soit peu hésitants : “Vous savez, il est important qu’on arrive à une solution honorable pour tous…” La paix des braves quoi!Au besoin l’entourage direct de Chirac mettait la main à la pâte. On a téléphoné ainsi à des présidents d’université soigneusement choisis et on les a chauffés au maximum : “Vous qui avez un si grand sens des responsabilités, cher Président… vous que nous aimerions tant aider en revoyant cette question de crédits supplémentaires…” Bref : le langage du cœur. On en signale d’autres : des présidents qui ont été appelés à Matignon où on leur a fait la leçon : c’était bien leur tour, aux chers professeurs » (Le Canard enchaîné, 28 avril 1976, p. 3).
62 R. Rémond, « Ma participation à la crise », cité supra.
63 Ibid.
64 Ibid. et Ina, Antenne 2, Journal de 20 heures, 13 mai 1976, 20 h 06, « Université » .
65 La Croix, 30-31 mai 1976, p. 10.
66 Ina, Antenne 2, Journal de 20 heures, 13 mai 1976, cité supra.
67 La Croix, 30-31 mai 1976, p. 10
68 Ina, Y. Mourousi interroge R. Rémond, « Le problème des étudiants enragés » , France Inter, 6 mai 1968, 8 h 30.
69 La Croix, 30-31 mai 1976, p. 10 et Ina, Antenne 2, Journal de 20 heures, 13 mai 1976, cité supra.
70 Ina, Antenne 2, Journal de 20 heures, cité supra.
71 La Croix, 30-31 mai 1976, p. 10. R. Morder explique l’absence de négociation par la présence majoritaire, dans la coordination nationale des délégués contre la réforme du deuxième cycle, des trotskistes (LCR, OCT) qui refusent toute rencontre avec le gouvernement. Voir R. Morder « Années 1970 et 1980 : décompositions et recompositions », dans J.-P. Legois, A. Monchablon et R. Morder (dir.), Cent Ans de mouvements étudiants, Paris, Syllepse, 2007, p. 106-107.
72 Ibid.
73 Tract du groupe pour la fondation de l’Union des communistes de France marxistes-léninistes, BnF, Manuscrits, NAF 28390, boîte 7, dossier 5.
74 La Croix, 30-31 mai 1976, p. 10.
75 A. Prost, L’École et la famille dans une société en mutation‚ op. cit., p. 353.
76 Ina, Antenne 2, Journal de 20 heures, cité supra.
77 « Sonnée-Seïté » , art. cité.
78 A. Prost, L’École et la famille dans une société en mutation, op. cit., p. 352.
79 D. Jamet, « Allez Alice », art. cité.
80 « Déclaration d’amour à Madame Saunier-Seïté », Rivarol, 5 août 1976.
81 G. Petitjean, « Le vrai boulot d’Alice », art. cité, p. 56-57.
82 L’Aurore, 2 juillet 1976.
83 Voir « Mme Saunier-Seïté sur TF1 : un double coup de patte », Le Monde, 13 août 1976.
84 Le Monde,21 août 1976.
85 L’Aurore,2 juillet 1976.
86 L’Aurore, 2 juillet 1976.
87 J.-C. Casanova, entretien avec l’auteur, 28 septembre 2010, cité supra.
88 Ibid.
89 G. Petitjean, (« Le vrai boulot d’Alice » , art. cité) cite un proche de la secrétaire d’État : « C’est une passionnelle. Quand on la critique, elle répond “pourquoi m’en voulez-vous ?” Elle a ressenti l’opposition des présidents comme un affront. »
90 L’Aurore, 2 juillet 1976.
91 Ibid.
92 C. Lelièvre et C. Nique, L’École des présidents…‚ op. cit., p. 201.
93 Brouillon de lettre de R. Rémond à J.-L. Quermonne, 1er juin 1976, BnF, Manuscrits, NAF 28390, boîte 7, dossier 5.
94 « Alice Saunier-Excitée », Le Canard enchaîné, 6 octobre 1976.
95 A. Saunier-Seïté, En première ligne‚ de la communale à l’université, op. cit., p. 135.
96 Ibid., p. 134-135.
97 A. Saunier-Seïté, En première ligne‚ de la communale aux universités, op. cit., p. 133. À la page suivante, elle a des mots particulièrement durs pour la CPU : « Entre les réunions plénières de la conférence, qui se tenaient toutes les trois semaines, durant une journée entière au moins, et les séances fréquentes des différentes commissions qui préparaient les questions de l’ordre du jour dans l’intervalle, les présidents de province consacraient sans doute autant de temps en déplacements à Paris que dans leurs universités respectives. Ils trouvaient dans la capitale le réconfort du défoulement entre pairs, loin des dures réalités quotidiennes, et aussi une célébrité certaine, grâce aux conférences de presse qu’ils accordaient à l’issue de leurs réunions. »
98 A. Prost, L’École et la famille dans une société en mutation, op. cit., p. 353.
99 « La rentrée des universités » , Le Monde, 29 septembre 1976, p. 16.
100 A. Prost, L’École et la famille dans une société en mutation, op. cit., p. 353.
101 Note du secrétariat d’État aux Universités sur les institutions universitaires, AN, 5 AG3/1707, dossier « Conseil restreint du 8 juin 1976 sur les problèmes universitaires » .
102 Ibid.
103 Dans le relevé de décision du conseil restreint, on peut lire : « Les dispositions des articles 10, 18 et 37 de la loi d’orientation ne sont pas remises en cause » (relevé de décision du conseil restreint du 8 juin 1976, AN, 5 AG3/1707).
104 J.-D. Camus (note du 4 juin 1976 au président de la République, AN, 5 AG3/1707) écrit notamment : « Plusieurs questions de fond auraient dû y être abordées, compte-tenu de l’ordre du jour du Conseil, parmi lesquelles : […] Peut-on risquer une politique de fermeté à l’égard des Universités et paraître, à la veille des élections de 1978, comme ayant la quasi-totalité du monde universitaire contre nous ? […] Certaines décisions prises en Conseil restreint ont même été purement et simplement oubliées sans que l’autorisation de leur remise en cause soit demandée au Gouvernement et au Président. […] Il ne serait dont pas inutile que le Président rappelle aux Ministres que les décisions prises en Conseil restreint s’imposent à eux et que leur remise en cause, même au cours d’un Conseil restreint suivant, doit être expressément demandée au Président. »
105 Ibid. : « Par contre leur utilité est beaucoup moins évidente : ce n’est jamais l’insuffisance de ses moyens juridiques qui a empêché le Secrétaire d’État d’intervenir dans le fonctionnement des Universités, et une meilleure rédaction des articles 10 et 18, qui du reste, n’en modifiera pas le sens, ne donnera aucune arme supplémentaire ni au Secrétaire d’État, ni aux recteurs. »
106 Note d’Y. Cannac au président de la République, 8 juin 1976, AN, 5 AG3/1707.
107 A. Kriegel, « Un mal institutionnel », Le Figaro, 12 mai 1976, p. 8.
108 J. Bastié, « L’université, une démocratie piégée », L’Aurore, 13 juillet 1976.
109 Le Figaro,22 décembre 1976.
110 Courrier de J.-C. Casanova à J.-D. Camus, 14 septembre 1976, AN, 5AG3/1716, dossier « J.-D. Camus, universités parisiennes 1974-1976 », sous-dossier « Paris X-Nanterre ».
111 Brouillon de lettre de R. Rémond à A. Kriegel, s. d. mais vraisemblablement autour du 12 mai 1976, BnF, Manuscrits, NAF 28390, boîte 7, dossier 5.
112 Lettre d’A. Kriegel à R. Rémond, 14 mai 1976, ibid.
113 Photocopie de la réponse de R. Rémond à A. Kriegel, 21 mai 1976, AN, 5AG3/1716, dossier « J.-D. Camus, universités parisiennes 1974-1976 », sous-dossier « Paris X-Nanterre » .
114 C. Mercier, René Rémond‚ Nanterre et l’université… ‚ op. cit., p. 747-753.
115 Aspects de la France, coupure de presse non datée, conservée à la BnF, Manuscrits, NAF 28390, boîte 91, dossier 1.
116 R. Rémond, J.-D. Durand et R. Ladous, Valeurs et politiques…‚ op. cit., p. 15.
117 C. Lelièvre et C. Nique, L’École des présidents…‚ op. cit., p. 202.
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