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Au service du château

 | 
Christophe Morin

Troisième partie. Valeur symbolique des bâtiments d’utilité

Chapitre 7. Mise en scène du pouvoir aristocratique

Texte intégral

  • 1 D. Diderot, Encyclopédie, op. cit., t. VII, p. 546, voir annexe I-1.
  • 2 V. Jamerey-Duval, Mémoires, Paris, 1981, p. 130.
  • 3 Le seigneur n’est pas cependant nécessairement aristocrate, voir M. Marion, Dictionnaire des insti (...)

1La réglementation de la construction des châteaux neufs au xviiie siècle, soumise à une autorisation royale1, limite le nombre des nouveaux édifices et conserve par conséquent aux anciens le caractère officiel que leur confère ce privilège. L’empreinte forte du château dans le paysage rural souligne aux yeux du passant ou du visiteur la valeur particulière du logis : dans le récit de son errance à travers la France en 1708-1709, le jeune Valentin Jamerey-Duval évoque la « multitude de châteaux et de belles maisons2» qu’il découvre en arrivant en Île-de-France. Malgré le ton parfois pamphlétaire de l’auteur à l’encontre de la société de son temps, son regard sur les châteaux montre combien ils sont intimement liés à la classe noble dans l’esprit du peuple3, objet de crainte et, pour Jamerey-Duval, de ressentiment.

  • 4 4. D. Rabreau, « Les nouveaux châteaux de la réaction nobiliaire et seigneuriale… », op. cit., p. (...)

2Les châteaux se signalent traditionnellement par leurs hautes silhouettes, leurs tours, et de manière plus générale par l’ordre qu’ils semblent faire régner autour d’eux, par opposition à une architecture vernaculaire souvent chaotique. L’étude de D. Rabreau sur « Les nouveaux châteaux de la réaction nobiliaire et seigneuriale4» a montré comment les architectes, dès le milieu du xviiie siècle et en dépit de la mode d’une architecture « à l’italienne », conservent et mettent en valeur l’identité française du château au travers les « enseignes de la féodalité », manifestations ostentatoires du pouvoir et des privilèges seigneuriaux. Ces symboles, reconnus de tous, s’inscrivent dans la composition même du logis, s’étendent à l’ensemble du domaine et apparaissent ainsi dans les jardins ou le village.

  • 5 J.-L. Harouel et alii, Histoire des institutions, op. cit., p. 473.

3Le château s’affiche également comme une architecture pérenne, inscrite dans l’histoire de la communauté villageoise, voire nationale. Il rappelle pour les anciens les guerres du passé, l’asile qu’offrait le seigneur à ses gens, et pour d’autres, comme Jamerey-Duval, l’iniquité du système féodal qui, malgré les efforts constants de la monarchie, depuis Louis XIV, pour juguler la noblesse, pèse comme un joug sur la population paysanne. Si le château incarne le second ordre du royaume et la justice qu’il exerce, l’église paroissiale marque physiquement la présence du clergé au sein du village qui apparaît comme un contrepoids à ce pouvoir. En effet, c’est sur le parvis ou dans l’église, à l’issue de la messe dominicale, que la communauté villageoise se réunit et délibère5. Peut-être doit-on voir là une raison du moindre acharnement de l’époque révolutionnaire contre les églises rurales d’Île-de-France ?

4Cependant, l’action du seigneur ne se limite pas à la mise en scène de sa fortune au travers du château et sa munificence bénéficie souvent aux villageois. Les grands seigneurs, souvent plus sensibilisés à leurs devoirs par les charges politiques qu’ils occupent dans le gouvernement par exemple, se transforment parfois en édiles, à l’instar du roi à Versailles, et font bénéficier leurs sujets d’équipements modernes (fontaines, lavoirs, halles, etc.) sinon de travaux d’embellissement. Il convient de relever l’ambivalence de ces chantiers destinés certes au bien public, mais également au prestige du seigneur. On observe ainsi une évolution de l’attitude de ce dernier qui, de justicier, tend à devenir bienfaiteur, humaniste, soucieux du bien commun, éclairé par l’œuvre de Rousseau en particulier.

Les « enseignes de la féodalité »

Le « pigeonnier à pied »

  • 6 D. Diderot, Encyclopédie, op. cit., t. III, p. 645-646, voir annexe I-8 ; M. Marion, Dictionnaire (...)
  • 7 AN, Z24159, cité par J. Hubert, Saint-Mandé et ses habitants au xviiie siècle, Paris, 1994, p. 64.
  • 8 D. Diderot, Encyclopédie, op. cit., t. III, p. 645-646, voir annexe I-8 ; A. Desgodets, Lois des b (...)
  • 9 J. Gallet, Seigneurs et paysans en France 1600-1793, Paris/Rennes, 1999, p. 182.

5Le droit applicable à la construction des pigeonniers varie sensiblement selon que l’on construise ces derniers en pays de droit écrit ou de droit coutumier6. En Île-de-France (pays coutumier), ce droit est attaché à la haute justice du seigneur qui, grâce à son pouvoir réglementaire, peut autoriser ou non ses tenanciers à construire à leur tour des colombiers. À Saint-Mandé par exemple, il est interdit d’en construire, suite à une ordonnance de police édictée par le « Lieutenant, juge ordinaire, civil, criminel, de police et de voirie7», magistrat à la solde du comte de Bérulle, seigneur haut justicier du fief. La même coutume de Paris limite la construction des pigeonniers aux seuls seigneurs qui disposent d’un domaine d’au moins cinquante arpents s’ils n’ont que la moyenne ou la basse justice. Ces pigeonniers sont dits à pied, c’est-à-dire que les boulins qu’ils contiennent partent du sol et qu’ils forment un bâtiment autonome, par opposition aux volets à pigeons ou aux pigeonniers sur piliers, qui ne sont pas l’empreinte d’une terre noble8. Cette réglementation complexe permet de marquer visuellement la justice seigneuriale par un bâtiment spécifique et à limiter le nombre de pigeons dont les ravages parmi les cultures font l’objet de plusieurs plaintes des paysans9.

  • 10 La colombine, engrais assez fort, est utilisée essentiellement dans les potagers, voir D. Diderot, (...)

6Signe de privilège, le pigeonnier à pied appartient néanmoins à la « sphère maraîchère » du domaine10 ; pour cette raison, son architecture demeure assez simple. Construction ronde ou polygonale, son aspect rappelle celui d’une tour à laquelle il est parfois associé en pendant, à l’entrée du château, comme à Balleroy par exemple. Il entre alors dans la composition d’ensemble de la séquence d’accès comme un élément symbolique de premier ordre : c’est l’enseigne du fief. L’emplacement le plus fréquent du pigeonnier se situe néanmoins dans la basse-cour ou dans la cour de la ferme du domaine. Entouré de bâtiments, il est ainsi protégé des nuisibles qui pourraient venir détruire les nichées. Dans ce cas, le pigeonnier légèrement en marge du cycle des cours demeure un élément important de la symbolique du château car sa haute silhouette continue à dominer l’ensemble de la seigneurie. Ainsi à Champs-sur-Marne, où un mur- écran sépare l’avant-cour de la basse-cour, le visiteur voit-il immédiatement le pigeonnier, selon un modèle fréquent en Île-de-France, déjà présent au château de Mesnil-Voisin (Essonne), par exemple. Cette proximité du pigeonnier et du logis constitue de surcroît un agrément supplémentaire au logis depuis lequel les occupants du château peuvent observer le vol de ces oiseaux, qui font partie du « bestiaire noble ».

  • 11 Voir A. Texier, Qu’est-ce que la noblesse ?, op. cit., p. 16.
  • 12 AN, Z1j842 f° r°.
  • 13 J.-P. Brancourt, « La monarchie et les châteaux du xvie au xviiie siècle », Dix-septième siècle, n (...)
  • 14 Trésorier général de l’artillerie et du génie.

7Sous l’Ancien Régime, l’ancienneté d’un privilège ajoute au prestige de la noblesse11. C’est pourquoi le seigneur évite de reconstruire le pigeonnier lors de travaux de reconstruction de son château. Le soin du nouveau propriétaire d’un fief d’entretenir ou de restaurer le pigeonnier, plutôt que de construire un bâtiment neuf, révèle l’importance symbolique de cet édifice. Ainsi n’est-il pas étonnant de voir J. D’Haran, nouveau propriétaire du château de Romainville, entreprendre de rétablir, à partir de 1754, la couverture de son pigeonnier12, avant même de rendre habitable le logis. Dans ce cas, la présence du pigeonnier apparaît comme un moyen d’ennoblissement pour ce simple chirurgien. On retrouve ici le trait caractéristique des robins du xviie siècle, dont le « premier soin était [selon la formule de Jean-Pierre Brancourt] de se faire construire un bel hôtel à Paris, le second d’acheter une terre et d’y édifier un château qui devait servir de savonnette à vilains13 ». À cet égard, point d’évolution : le château demeure le moyen le plus efficace pour la classe fraîchement anoblie de faire oublier sa roture. Ainsi, au Marais, où J.-B.-V. Barré reconstruit le logis de Jean Le Maître14 en 1772-1775, l’architecte conserve le pigeonnier de l’ancienne cour des communs. Dans cette dernière dont le plan affecte une forme de U, le pigeonnier est un élément d’asymétrie dans l’ensemble régulier formé par les communs. La mise en exergue du pigeonnier permet au visiteur, avant même de découvrir le château, au débouché d’une longue avenue de platanes, de reconnaître immédiatement le statut du propriétaire, seigneur haut justicier du fief.

  • 15 D. Letellier, Le Château de Montgeoffroy, op. cit., p. 25, 30.
  • 16 « D’or à l’aigle au vol abaissé d’azur, becquée, languée et armé de gueules », voir ibid., p. 6, l (...)

8Cependant, les seigneurs d’ancienne noblesse ne sont pas exempts de ce genre de vanité, même si, chez ces derniers, la légitimité des enseignes de la féodalité s’inscrit dans la continuité d’une lignée noble, par opposition à l’attitude de la classe « néonoble » pour qui elles ne sont que l’expression de privilèges vénaux. À Montgeoffroy, lorsque le maréchal de Contades commande l’édification d’un nouveau corps de logis à J.-B.-V. Barré15, l’architecte conserve les deux tours d’entrée qui évoquent l’antique manoir et font figure d’enseignes du fief. L’architecte se contente de reprendre le couronnement des deux tours, auxquelles il ajoute une corniche à modillons qui simule des mâchicoulis, allusion explicite aux épopées guerrières tant du manoir que du maréchal. La symbolique guerrière de ces tours pseudomédiévales trouve un écho dans le fronton du corps de logis, dont le tympan est frappé de trophées d’armes qui entourent le blason des Contades16.

9On retrouve cette mise en scène de l’une des enseignes de la féodalité au château de Chanteloup où L.-D. Le Camus élabore la composition des cours de communs autour du nouveau pigeonnier seigneurial. Couronné d’une lanterne, il forme le point de mire monumental de l’enfilade des cours de service depuis la cour d’arrivée et domine le paysage en contrebas à l’ouest (ill. 22 et 90). Le pigeonnier se dresse comme la sentinelle de la domination seigneuriale, tournée tant vers l’intérieur du château que vers le paysage environnant, et semble observer à la fois le personnel du duc et ses tenanciers.

  • 17 Abbé Lebeuf, Histoire de Paris et de tout le diocèse de Paris, Paris, 1883, t. IV, p. 130.
  • 18 Elle contient en effet deux cent onze arpents sept perches lors de l’arpentage de 1629, cité par C (...)
  • 19 Ibid.

10La confusion entre la tour et le pigeonnier — éléments identitaires du château par excellence — est parfois entretenue par les historiens car elle leur permet de démontrer et de légitimer l’ancienneté de la seigneurie. L’abbé Lebeuf affirme par exemple, en 1754, que le « donjon » de la seigneurie de Sainte-Geneviève-des-Bois, autrefois propriété de l’hôtel-Dieu, est « fort ancien17 ». Or le bâtiment ainsi décrit n’est en fait qu’un pigeonnier qui n’apparaît ni dans les inventaires, ni sur aucun plan avant 1629. Il faut donc le dater des premières années du xviie siècle et ses dimensions imposantes s’expliquent par l’ampleur du domaine18. L’ambiguïté subsiste néanmoins jusqu’à aujourd’hui : ainsi Claude Audigier19, dans son étude sur le château de Sainte-Geneviève-des-Bois, propose un « dessin inspiré de la citation » de l’abbé Lebeuf mais ajoute en légende qu’il est « d’une réalité peu probable ». Il représente en effet un donjon baigné de douves totalement imaginaires. On peut s’interroger sur le bien-fondé d’une telle représentation alors que l’analyse des plans ne laisse aucun doute à ce sujet. Le « donjon » de Sainte-Geneviève n’est, en dépit des assertions de l’abbé Lebeuf, qu’un bâtiment d’utilité, appartenant à la basse-cour du château. Si le nom de « donjon » donné aujourd’hui encore au pigeonnier perpétue une erreur vieille de plus de deux siècles, il révèle toutefois l’importance symbolique du bâtiment dans l’imaginaire villageois : le pigeonnier est perçu comme un élément caractéristique de la domination seigneuriale auquel renvoie particulièrement le terme de donjon.

11Il faut ajouter que la mise en scène orchestrée dans la basse-cour qui entoure le pigeonnier par J.-D. Antoine en 1779-1784 pour le compte de L.-B. Bertier de Sauvigny contribue grandement à la valorisation de ce bâtiment. L’architecte maintient en effet les nouvelles constructions en rez-de-chaussée surmonté d’un simple attique, qui renforce l’effet de domination du pigeonnier couronné d’une haute lanterne. Par ailleurs, le comble d’ardoises de ce dernier s’harmonise à ceux du château (détruit) et des bâtiments de basse-cour, et confère à l’ensemble une certaine homogénéité. Cependant la confrontation de l’architecture régulière, dans laquelle Antoine reprend tout le vocabulaire mis en œuvre par la génération des architectes « à la grecque » (lignes de refend, attiques percés de fenêtres carrées, emploi des niches, etc.), à la forme massive, archaïque de la tour révèle la parfaite compréhension par l’architecte des enjeux du programme. Le luxe et la modernité n’entraînent pas la destruction des parties symboliques de l’ancien château conservées comme des éléments de prestige et le pigeonnier à ce titre devient le sémaphore de la seigneurie.

  • 20 R. Middleton, « The château and gardens of Mauperthuis: The formal and the informal », dans J. D. (...)

12La disposition du pigeonnier de Mauperthuis, réalisé en 1763 par Ledoux20 , démontre la même volonté de signifier aux villageois la présence tutélaire du seigneur. Ici encore, le pigeonnier n’entre pas dans la composition régulière des abords du château. Il est au contraire repoussé à la périphérie du domaine, vers le village, du côté duquel il clôt une place triangulaire. Le pigeonnier forme ainsi le point de mire de l’espace public du village où les habitants se retrouvent autour de la fontaine érigée au centre de la place par le marquis de Montesquiou sur les dessins de A.-T. Brongniart. Au travers du pigeonnier, bâtiment rustique par excellence, dont Ledoux lui-même ne tente pas de renouveler l’esthétique, la seigneurie marque hautement l’un des anciens privilèges attachés au château. L’absence d’évolution formelle du bâtiment — une tour toujours de plan circulaire ou polygonal, sans ouvertures — en fait un élément distinct qui, dans les cahiers de doléances de 1789, cristallise l’exaspération des paysans qui appellent de leurs vœux la suppression de ce privilège, mais surtout l’éradication des pigeons qui dévastent les cultures.

La tour, la muraille et le fossé

  • 21 D. Rabreau, « Les nouveaux châteaux de la réaction nobiliaire et seigneuriale… », op. cit., p. 90.
  • 22 J. Garms et M. Gallet, Germain Boffrand, op. cit., p. 94.
  • 23 Ibid., p. 110.

13La tour, comme le pigeonnier, ainsi que l’a montré D. Rabreau21, appartient au programme traditionnel du château ; cependant il faut remarquer l’histoire chaotique de cet élément. Sous le règne de Louis XIV, marqué par l’influence de Jules Hardouin-Mansart et ses successeurs, la tour disparaît assez largement parce qu’elle n’entre pas dans le vocabulaire de l’architecture à l’antique. On lui préfère le pavillon carré, mis en scène au-devant de la cour d’honneur ou de part et d’autre du portail. Il faut signaler cependant le cas du château d’Issy, dont l’entrée est encadrée de hauts murs flanqués de tourelles d’escaliers cylindriques — référence archaïque au château fort — qui contrastent avec la modernité du corps de logis dont nous avons détaillé la conception. À la mort du roi, la haute noblesse reprend ses droits et marque ses privilèges à l’occasion de la reconstruction des châteaux. G. Boffrand utilise ainsi la tour dans la composition qu’il donne pour le nouveau corps de logis du château d’Harroué22 ; dès les premières années du siècle, le motif de la tour reprend sa place comme élément mnémonique des qualités et titres guerriers du prince de Beauvau. Malgré la mode de l’architecture à l’antique qui privilégie les colonnes et frontons, la tour continue à tenir une place importante, pour des raisons symboliques, dans le vocabulaire des tenants de l’« architecture parlante » au xviiie siècle23.

  • 24 On se souvient, par exemple, de la manière dont C.-N. Ledoux régularise les plans de l’hôtel d’Hal (...)
  • 25 H.-L. marquise de La Tour du Pin, Mémoires, op. cit., p. 153.
  • 26 Arch. mun. Bordeaux, recueil 19, Saint-André-de-Cubzac / 45 et 57.
  • 27 Voir F.-G. Pariset, « Victor Louis (1731-1800). Dessins et gravures », Revue historique de Bordeau (...)
  • 28 Ch. de Galard-Marchais, Le Château de Verneuil-sur-Indre, op. cit.
  • 29 Ibid.
  • 30 BNF, mss f po. 94, cité par Ch. de Galard-Marchais, ibid., p. 6.

14Plus que la construction de tours neuves, la conservation de parties anciennes dans les châteaux neufs constitue le cas le plus fréquent. Faute de moyens ou suite à l’abandon pur et simple d’un projet trop ambitieux, il n’est pas rare de voir conservées tours ou parties de corps de logis, qui sont autant d’accidents dans l’architecture des nouveaux châteaux. Cependant, l’acceptation de cette stratification des bâtiments et l’intégration de traces anciennes constituent également un moyen pour le propriétaire d’évoquer l’antiquité du manoir. La régularité parfaite du château n’existe bien souvent que dans les projets de l’architecte qui, confronté à la volonté du maître d’ouvrage, aux contraintes budgétaires de ce dernier ou aux réalités topographiques, doit parfois établir un compromis24 et renoncer à un parti trop rigoureusement symétrique. La marquise de La Tour du Pin, par exemple, dans ses Mémoires25, évoque l’achèvement de la construction de son château du Bouilh, bien que les dessins de V. Louis, conservés aux Archives municipales de Bordeaux26, montrent qu’à peine la moitié du projet est réalisée27. Faute de sources, il est souvent difficile de savoir si l’inachèvement du projet initial provient d’une volonté expresse du commanditaire ou de son impécuniosité. Dans le cas de Verneuil-sur-Indre, la juxtaposition de l’ancien donjon et du nouveau corps de logis (ill. 116), réalisé sur les dessins de Mansart de Jouy entre 1752 et 1757, toute pittoresque soit-elle, oblige à s’en tenir à des conjectures quant aux raisons qui conduisirent à conserver l’ancienne tour. Les recherches de Chantal de Galard-Marchais sont restées vaines à cet égard28, mais l’effet magistral de la composition laisse à penser qu’un tel agencement n’est pas dû aux vicissitudes du chantier. Si, depuis la cour d’honneur, le donjon disparaît derrière une rangée d’arbres, la découverte, côté jardin, de la grosse tour, initialement reliée au logis principal par une aile d’habitation29, produit un effet à la fois pittoresque et symbolique. Le donjon féodal couvert d’une toiture d’ardoise conique rivalise avec le dôme à la française du corps de logis qui renvoie à l’architecture royale de François Mansart. La conservation du donjon semble ici destinée d’une part à rappeler l’antiquité du fief, mais aussi à prouver « par l’image » les progrès de l’architecture grâce au nouveau logis établi sur une éminence qui domine tout le parc. La caution historique du donjon est d’autant plus nécessaire aux Chaspoux, propriétaires du fief depuis 1660, que ces derniers, malgré une fortune assez considérable, ne sont que des robins dont la terre de Verneuil-sur-Indre n’est érigée en marquisat qu’en 174630.

Ill. 116.— Château de Verneuil-sur-Indre, vue depuis le jardin du château et du donjon, [Jean Hardouin-Mansart de Jouy], cliché de l’auteur.

  • 31 M. Marion, Dictionnaire des institutions, op. cit., p. 88, voir également J. Gallet, Seigneurs et (...)

15Avec la disparition des murailles, consécutive à la pacification de la France et l’ordonnance de Richelieu du 31 juillet 162631 portant destruction des fortifications pour les châteaux, les demeures seigneuriales ont perdu une part importante de leur impact visuel. Le château n’est plus une forteresse mais doit conserver symboliquement les caractéristiques qui le distinguent des autres habitats. Les structures défensives du château sont donc pacifiées, mais concourent néanmoins à qualifier le château, comme le remarque le Dictionnaire de Trévoux :

  • 32 Dictionnaire de Trévoux, op. cit., t. II, p. 481.

On appelle aussi château une maison sans défenses, où les fossés ne servent que d’ornement32.

  • 33 L. hautecœur, Histoire de l’architecture classique, op. cit., t. II**, p. 574.

16Sur ce point, il semble que Jules Hardouin-Mansart ait joué un rôle important dans la création de formes nouvelles, reproduites de manière systématique dans tous les châteaux du xviiie siècle. Son invention est apparemment involontaire et consécutive d’impératifs financiers. En effet, lors de la construction du Grand Trianon (1687), l’architecte est contraint d’utiliser une partie des fondations de l’ancien Trianon de Porcelaine33, et en particulier celles du mur de clôture de la cour d’honneur, afin de raccourcir les délais de livraison du nouveau pavillon de Louis XIV. L’architecte transforme les fondations de ces murs, arrondis à la manière d’une entrée d’hôtel particulier, en fossés aux formes contournées qui deviennent un poncif de l’architecture des châteaux au siècle suivant (pl. VII, ill. 91, 93, 101, 106). Cette disposition, si fréquente, renvoie aux douves traditionnelles du château, mais également à l’architecture savante de Trianon, c’est-à-dire aux deux références essentielles pour la classe noble.

  • 34 Ibid., t. II*, p. 197.
  • 35 À cet égard, les colonnades qui bordent la rue dans les agencements de l’hôtel de Salm (1783) et l (...)
  • 36 A. Texier, Qu’est-ce que la noblesse ?, op. cit., p. 458.
  • 37 J.-F. de Neufforge, Recueil élémentaire d’architecture, op. cit., t. V, 57e cahier.
  • 38 A.-N. Dézallier d’Argenville, Voyage pittoresque des environs de Paris, op. cit., p. 388.

17L’agencement de l’entrée du château est généralement complété par un pont qui franchit ces fossés secs, lui-même barré de grilles dont le « décor arachnéen34 » constitue un élément de modernité trop souvent ignoré. Le portail du château, contrairement à celui de l’hôtel particulier35, laisse voir l’intérieur de la cour d’honneur et substitue à la vision d’une porte pleine en ville celle du corps de logis champêtre. D’un point de vue optique, le décor de la grille se superpose, pour le visiteur, à la vision du château et permet d’associer à ce dernier des éléments de décor au goût du jour et/ou symboliques, que la composition d’une façade de corps de logis ne permet pas d’intégrer. Ainsi les armoiries du propriétaire, souvent peintes au naturel sur le couronnement du portail, sont fréquemment entourées d’éléments décoratifs (outre les supports et soutiens traditionnels des armoiries)36 qui, s’ils s’inspirent souvent de modèles gravés — comme ceux de J.-F. de Neufforge notamment37 —, suivent pour autant les modes. Les grilles des châteaux de Villarceaux (ill. 93) ou de Jossigny par exemple empruntent leur vocabulaire décoratif à la rocaille alors que J.-B. André déploie une ornementation « à la grecque » pour L’Isle-Adam (ill. 106). Ces travaux de serrurerie sont l’objet d’un soin particulier, jusqu’à être « regardé[s] comme [des] chefs-d’œuvre », selon la formule d’A.-N. Dézallier d’Argenville à propos de la grille du château d’Arnouville38. Cependant, il s’agit là d’une caractéristique francilienne et malgré la qualité des serruriers provinciaux, ces derniers, lorsque l’architecte n’intervient pas personnellement, donnent souvent des dessins maladroits et surtout dépassés. À Montgeoffroy (1772), où les vases d’amortissement « à la grecque » encadrent le chiffre du propriétaire sommé d’une couronne de marquis, des éléments « louis-quatorziens » complètent le décor au-dessus des portes piétonnes, sans que l’on puisse penser qu’il s’agit d’une référence implicite au règne du grand roi. La médiocrité d’exécution de l’ensemble du château et l’origine strictement angevine des artisans qui travaillent au chantier justifient à elles seules l’archaïsme de ce parti.

18L’exemple du projet de grille dessiné par Henri Piètre pour le château de Sainte-Assise (ill. 117 et 118) en 1782 montre combien la figure imposée de la grille d’honneur du château d’un grand seigneur — en l’occurrence le duc d’Orléans — peut être adaptée au goût du jour. Les motifs contournés de la rocaille sont abandonnés au profit d’un vocabulaire décoratif « à la grecque » et ce style sévère appliqué également aux pavillons confère toute la solennité requise à la nouvelle entrée du château.

Ill. 117.— Château de Sainte-Assise, Henri Piètre, projet de portail entre deux pavillons à l’italienne, 20 octobre 1782, dessin (AN, N III Seine-et-Marne 2243).

19La grille d’honneur, le plus souvent peinte en noir, parfois rehaussée d’or et parée des couleurs vives des armoiries sur son couronnement contraste avec les façades lumineuses des corps de logis d’Île-de-France. L’intérêt principal de ce dispositif consiste à capter l’attention du visiteur qui, par transparence, découvre la cour d’honneur.

La cour d’honneur

  • 39 Voir J. Gallet, Seigneurs et paysans, op. cit., p. 178-180.
  • 40 A. Rey, Le Château de La Chevrette et madame d’Épinay, Paris, 1904, p. 71.

20Lieu symbolique par excellence depuis le Moyen Âge, la cour d’honneur incarne l’hospitalité du seigneur pour ses sujets auxquels il doit protection et assistance. La présence de la cour perpétue encore au xviiie siècle cette tradition, elle incarne l’image tutélaire du seigneur et permet de qualifier le château. Cet espace public par destination constitue le pendant laïc de la place de l’église où les villageois se réunissent sous l’égide du premier. En effet, le châtelain, en tant que représentant de l’autorité, joue un rôle public dans la vie de la seigneurie, au même titre que le curé. Tous deux jouissent de l’impôt prélevé sur les villageois, mais ils sont également l’autorité morale de la communauté, et le seigneur exerce de surcroît la justice39. Lors de grands événements, le seigneur reçoit par conséquent ses sujets qui franchissent alors les fossés du château et renouvellent ainsi l’habitude ancestrale des réunions dans la cour d’honneur. Ainsi, à La Chevrette, propriété de Denis-Joseph de La Live d’Épinay, la cour d’honneur du château est le théâtre des festivités données par ce seigneur à l’occasion de la naissance du duc de Bourgogne (20 octobre 1751). Le prodigue propriétaire fait donner un Te Deum dans l’église paroissiale de Deuil-la-Barre, dote deux jeunes filles du village et organise un grand banquet de cent couverts dans la cour d’honneur du château40.

Ill. 118.— Château de Sainte-Assise, Henri Piètre, projet de pavillon du nouveau portail pour être exécuté, 12 juillet 1782, dessin (AN, N III Seine-et-Marne 22410).

  • 41 La cérémonie se déroula à Montfermeil (Seine-Saint-Denis), le 21 mai 1787.
  • 42 Marquise de La Tour du Pin, Mémoires, op. cit., p. 73.

21Si l’organisation de la séquence d’accès a pour objectif de mettre à distance le seigneur et ses sujets, force est de constater que l’évolution du château, depuis la disparition du châtelet d’entrée, puis de l’aile d’arrivée et enfin du mur de clôture, a permis de dégager le corps de logis, de l’ouvrir sur l’avenue et donc de rendre visibles les activités de la cour d’honneur. Ainsi, la mention de la marquise de La Tour du Pin qui, à l’occasion du récit de son mariage41, raconte que le cortège nuptial « traversa la cour pour se rendre à la chapelle42» n’est-elle pas purement anecdotique. Il s’agit bien pour le seigneur de mettre en scène un événement officiel auquel participe la communauté villageoise pour qui des tables sont dressées dans la cour du château :

  • 43 Ibid., p. 74.

On alla ensuite faire le tour des tables dressées dans la cour pour les gens et les paysans. Il y en avait une de cent couverts pour les gens de livrée, les paysans et les ouvriers, une table leur avait été aussi réservée burent de bon cœur à ma santé43.

22La cour n’est donc pas seulement le moyen d’une mise à distance, elle sert également d’interface entre le seigneur et ses sujets.

  • 44 A. Bossoutrot et Ch. Morin, « Redécouverte d’un château de Seine-Saint-Denis : le domaine des Ségu (...)
  • 45 A. Marie, « The Château de Romainville and a Snuff-box in the Wallace Collection », The Connoisseu (...)
  • 46 La société de la Rosière est fondée à Romainville en 1774, voir G. Husson, Histoire de Romainville (...)

23Diverses vues du château de Romainville confirment cette organisation des différents espaces autour du château. Ainsi, le tableau du musée de la Chasse (pl. XIVa), jusqu’alors non identifié44, qui représente la famille de Ségur dans le parc du château, illustre une scène de la vie intime des Ségur et ce repas de chasse informel se déroule dans une partie retirée de la maison. A contrario, la scène représentée par Louis-Nicholas Van Blarenberghe en 178245, où l’on voit le maréchal de Ségur accueillir au château la nouvelle Rosière46, se déroule dans la cour d’honneur. Le seigneur, ceint du cordon bleu, entouré de musiciens, du curé de la paroisse et autres autorités locales, reçoit officiellement les villageois au château dans une partie publique du domaine et non dans le parc.

24Au travers de ces exemples, on observe une continuité absolue dans les attributs de la seigneurie malgré certaines évolutions formelles. Si le seigneur est garant de la tradition féodale, sa fortune et surtout la proximité de la capitale, dans le cas de l’Île-de-France, le frottent avec les nouveautés qu’il aspire à mettre en œuvre dans l’architecture de son château. Pour autant, la nécessité de conserver leur lisibilité aux « enseignes de la féodalité » condamne les architectes à limiter leurs interventions au décor ; le cadre strict de la composition canonique du château et de sa séquence d’accès empêche toute transformation radicale du programme, sous peine de rabaisser l’habitat seigneurial au rang de simple maison de campagne.

Banalités et justice

  • 47 Pour l’évolution des banalités en Île-de-France, voir O. Martin, Histoire de la coutume de la prév (...)
  • 48 Voir J. Gallet, Seigneurs et paysans, op. cit., p. 140-141 ; R. Mousnier, Les Institutions, op. ci (...)

25Le seigneur haut justicier dispose depuis le Moyen Âge de privilèges particuliers en ce qui concerne certaines installations coûteuses comme le pressoir, le four, le moulin ou la forge, qu’il est seul à pouvoir édifier et financer dans le ressort de la seigneurie47. Il en assure l’entretien, à charge pour ses sujets d’utiliser ces installations moyennant une redevance. L’aide ainsi apportée aux paysans se transforme souvent en un monopole impératif que le seigneur s’emploie à faire respecter : il chasse les meuniers qui tentent de s’installer sur son fief, empêche les paysans de sortir de la seigneurie pour pratiquer à meilleur compte les travaux de mouture, pressurage, cuisson du pain, etc.48.

  • 49 Taxe perçue sur les voitures pour l’entretien des routes.
  • 50 Imposition perçue sur chaque feu.
  • 51 AN, Z1j842.
  • 52 Formalité administrative établie à intervalle régulier par le vassal ou le censier, dans laquelle (...)
  • 53 AN, Z1j842, f° 29 v°.
  • 54 Ibid., f°.
  • 55 Ibid., f° 7 r°.
  • 56 Ces titres sont portés sur le plan d’arpentage du château dressé vers 1724 et conservé à la biblio (...)

26En Île-de-France, au xviiie siècle, les banalités ne constituent qu’une partie des droits seigneuriaux, auxquels il faut ajouter entre autres le cens, le droit de rouage49, de fouage50, etc. Aussi, malgré l’attachement du seigneur à ses prérogatives, il arrive souvent que les banalités tombent en désuétude. À Romainville, par exemple, l’expertise du château de 175851 indique que le four banal est détruit depuis l’aveu52 de 162053. C’est peut-être la contrainte d’un entretien méticuleux qui explique l’abandon progressif des installations banales car, comme l’indique l’expert, l’ancien pressoir banal de Romainville « menaçait ruine54». À cet égard, la démarche du nouveau seigneur montre une évolution sensible de l’organisation du château et du rapport du maître et des villageois. Alors que le pressoir banal est jusqu’alors disposé dans la basse-cour du château, selon une implantation traditionnelle, D’Haran déplace ce dernier dans un bâtiment situé non plus dans la cour d’arrivée du château mais dans le village même et transforme l’ancien local en remise à carrosses55. Ainsi, les villageois ne sont plus obligés de pénétrer dans l’enceinte du château et le nouveau maître de maison peut jouir d’une plus grande quiétude. D’Haran recherche manifestement l’agrément de sa propriété, au détriment des relations avec ses sujets, il met une distance entre lui et ses censiers, et se comporte plus en « particulier » qu’en seigneur. Il est vrai que l’ascendant du seigneur sur les sujets est le fruit de l’histoire autant que des privilèges et D’Haran, nouveau venu dans le village, rencontre sans doute des difficultés à trouver sa place dans la communauté. Il remplace en effet à la tête de la seigneurie le comte de Ségur, « gouverneur des pays de Foix, lieutenant de Champagne et de Brie, colonel du régiment d’Orléans56… », dont l’autorité doit être sans rapport avec celle du chirurgien ordinaire du roi pour qui la baronnie de Romainville tient lieu de « savonnette à vilains ». Les fonctions du châtelain ne sont pas uniquement honorifiques, il participe réellement à la vie du village, il est responsable de son fonctionnement. C’est en particulier le seigneur qui finance l’administration locale et la justice.

  • 57 Les arrêts du Parlement du 23 juin 1516 et du 19 janvier 1600 obligent le seigneur à nommer des of (...)
  • 58 P. Terver, Le Dernier Prince de Conti, op. cit., p. 66, fait remonter la construction à l’époque d (...)
  • 59 G. Joudiou, « Pierre Contant d’Ivry », op. cit., p. 109.

27Bien qu’il n’exerce plus directement son pouvoir de justice57, le seigneur en est cependant responsable devant le roi. La justice est rendue en son nom dans des auditoires situés à proximité du château qui font parfois l’objet de mises en scène spectaculaires. À L’Isle-Adam, par exemple, le bâtiment de la justice, construit semble-t-il au xvie siècle sur le pont du moulin58 à côté du moulin banal, est visible de toutes parts et trône au milieu de la rivière à côté du château (ill. 106). Le modeste bâtiment prend ici une dimension particulièrement symbolique dans le rapport visuel qu’il entretient avec le logis seigneurial situé sur une île de l’Oise. Le graveur Picquet ne s’y trompe pas dans la vue pittoresque qu’il donne du château, sur laquelle figurent le logis seigneurial, la justice, les écuries neuves et l’église paroissiale dont le clocher émerge de la végétation (ill. 15). Tous les attributs distinctifs de la seigneurie sont représentés et, face au logis neuf, le vieux bâtiment de l’auditoire rappelle l’ancienneté du fief. À Chamarande, au contraire, l’auditoire, reconstruit par Contant d’Ivry entre 1739 et 174259, illustre plutôt une certaine modernité. L’architecture de l’édifice brique et pierre rappelle celle du corps de logis du xviie siècle, mais le soin apporté à la modénature de l’archivolte curviligne qui couronne le bâtiment, son plan à pans coupés sont autant de marques de la mode architecturale de la décennie 1730-1740. L’auditoire est ici encore situé en dehors de l’enceinte du château, séparé de ce dernier par un chemin public aujourd’hui disparu. Cependant, l’implantation du bâtiment dans l’axe du portail de la cour des communs du château marque visuellement le rapport de la justice avec le seigneur. Cette relation est plus évidente encore lorsque la justice est disposée dans la cour d’honneur du château, comme à La Roche-Guyon (ill. 54). Dans ce cas, l’auditoire ne reçoit aucune marque extérieure distinctive, mais le justiciable ne peut ignorer en passant devant le portail monumental du logis seigneurial que c’est au nom du maître de maison que justice lui est rendue.

28L’expertise du château de Romainville de 1758 donne une idée assez précise de l’agencement d’une justice modeste de la banlieue parisienne :

  • 60 AN, Z1j842, f° 3 r° et f° 9 r°.

Le bâtiment suivant est appliqué au rez-de-chaussée à une salle carrelée, à cheminée, où se rend la justice, à une pièce airée de plâtre servant de chambre au Conseil, à un vestibule où l’on monte par un perron de quatre marches de pierre. […] La grande partie ensuite du même bâtiment consiste à rez-de-chaussée en la salle d’audience de la justice du lieu, carrelée en grands carreaux de terre cuite et non plafonnée, lambrissée en son pourtour à hauteur d’appui et un peu plus haut dans la partie du fond où est une estrade en planches et lambris d’appui par-devant, où sont deux portes renfermant le fauteuil de la justice60.

29L’agencement sommaire de cet auditoire, très proche dans sa conception des salles d’audience actuelles, montre par la disposition du siège de la justice, sur une estrade, derrière une balustrade, la dignité de la fonction judiciaire locale.

La chapelle castrale

  • 61 Voir infra, p. 282, Cohabitation des trois ordres dans le village.
  • 62 J. Gallet, Seigneurs et paysans, op. cit., p. 149.
  • 63 Ibid.

30La place de la chapelle dans l’architecture des châteaux subit également une évolution importante au cours de la période étudiée. Si le seigneur jouit de droits particuliers dans l’église paroissiale61, l’existence d’une chapelle castrale, à l’intérieur même de l’enceinte du logis, s’appuie à la fois sur un privilège et sur la dévotion du maître de maison. Le seigneur dispose en effet du droit de faire célébrer sous son toit, soit par son chapelain soit par le curé de la paroisse, mariages et baptêmes62. Si, comme l’affirme J. Gallet, « le service religieux qui s’y déroulait concernait tous les paroissiens63», il n’est pas étonnant que les architectes apportent un soin particulier à la disposition de cet élément de programme destiné à la fois à la dévotion privée du maître de maison et à l’accueil des villageois. Afin de concilier les usages privé et public de la chapelle, L. Savot recommande dès 1624 de la placer

  • 64 L. Savot, L’Architecture française, op. cit., p. 34-35.

proche de la porte première du logis, ou bien quelque autre entrée principale pourvu que le maître y puisse aller à couvert, sans passer par d’autres appartements que le sien.
Elle servira particulièrement en cet endroit pour se ressouvenir de faire ses prières tant à l’entrée qu’au sortir du logis64.

Ill. 119.— Château de Petit-Bourg, Jean Mariette, plan du premier étage et du comble, gravure, publié dans L’Architecture française, Paris, 1727, t. II, pl. 325.

  • 65 J. Guillaume, « La galerie dans le château français… », op. cit., p. 32-42.

31On observe déjà une évolution par rapport à la situation décrite par J. Guillaume pour les xve et xvie siècles, époque à laquelle la chapelle est principalement associée à la galerie et à la chambre du seigneur65, bien qu’elle se signale à l’extérieur par de hauts toits ou un clocher. Cette tradition des chapelles palatiales issue de l’époque médiévale se perpétue sous le règne de Louis XIV à Versailles en particulier, mais semble reculer dans le milieu de la noblesse au tournant des xviie et xviiie siècles. Les architectes entament alors les premières recherches sur la rocaille et tentent de renouveler les formes de l’architecture classique. À l’occasion de la construction de châteaux neufs, édifiés par de nouveaux seigneurs, la chapelle est intégrée au logis sous forme d’une simple pièce, comme au château de Petit-Bourg (ill. 119) ou de Champs-sur-Marne par exemple, dans lesquels elle se situe au premier étage du corps de logis. La plus grande distance qui sépare le nouveau seigneur de la population explique que l’usage de la chapelle soit alors limité aux maîtres et au personnel de maison, à l’exclusion des villageois, jardiniers, palefreniers, etc. À Bellevue, où l’on retrouve la même disposition (ill. 62) — une pièce ouverte sur un palier —, Lassurance double la chapelle du château d’une chapelle du commun ouverte cette fois-ci à tout le personnel (ill. 2), mais dans laquelle ni la maîtresse de maison, ni plus tard le roi ne se rendent.

32Dans le cas de seigneuries plus anciennes, le caractère public de la chapelle est davantage accentué et la communion du seigneur avec ses sujets implique d’autres dispositions. L’implantation de la chapelle à proximité de l’entrée principale permet par exemple d’envisager plus commodément l’accueil des villageois. Cependant, selon J.-F. Blondel, le caractère de la maison de plaisance est incompatible avec la dignité d’une chapelle :

  • 66 D. Diderot, Encyclopédie, op. cit., t. VII, p. 277.

[…] il convient de ne pas faire parade, dans l’extérieur, de l’usage intérieur de ces sortes de pièces, comme au Luxembourg, à Paris ; du moins, il faut se garder comme on l’a fait dans ce palais, de le désigner par des symboles relatifs au christianisme qui, se trouvant confondus avec des ornements profanes, présentent un ensemble contraire à l’ordonnance qui doit régner dans un édifice de cette espèce66.

33S’établit alors l’habitude de loger la chapelle dans l’un des pavillons d’entrée du château, comme à Chamarande et plus tard à Villarceaux (ill. 92) ou Jossigny par exemple. Dans ce cas, la chapelle n’affiche guère de signes distinctifs extérieurs, si ce n’est parfois une croix au faîtage et des vitraux en place de fenêtres, répondant en cela au critère de convenance invoqué par l’Encyclopédie. Cette disposition présente en outre l’avantage d’associer la chapelle à l’espace semi-public de la cour d’honneur et donc de mettre sous les yeux du visiteur le privilège de chapelle du seigneur. La conception de la chapelle comme un pavillon, élément de symétrie anonyme, perdure dans les projets d’architecture jusqu’à une période tardive. Ledoux à Mauperthuis (ill. 37), Le Camus à Chanteloup (ill. 22) utilisent encore la chapelle comme pendant d’une antichambre ou d’un pavillon de bains ! On le voit, le principe de convenance, la symétrie prônée par Blondel peuvent parfois conduire à des situations insolites.

  • 67 AN, Z1j814, f° 16 r°, voir annexe I-2.

34La banalisation de la chapelle à la fin de l’Ancien Régime n’est cependant pas systématique et, dans le cadre de la réaction nobiliaire, le bâtiment reprend une place privilégiée dans la composition du château. À l’intérieur du logis, comme au château de Herces ou de Moncley (Doubs), les architectes Jacques-Denis Antoine et Claude-Joseph Bertrand reprennent la disposition ancienne de la chapelle que l’on observe déjà à Romainville par exemple67. Ouverte sur le vestibule principal du château, la chapelle est mise en scène par une porte monumentale face à l’escalier d’honneur et occupe à Herces en particulier toute la hauteur du corps de logis. La place privilégiée de la chapelle dans ces châteaux montre bien l’importance accrue qu’accordent les propriétaires à la foi, mais surtout à un privilège qui rappelle qu’ils sont vassaux d’un roi qui n’a de compte à rendre que devant Dieu.

  • 68 J.-M. Pérouse de Montclos, « Le château d’Assy et l’architecte Nicolas Gondouin », CAF, n° 132, 19 (...)

35Dans son projet de transformation du château de Bonnelles, C.-N. Ledoux dispose la chapelle dans l’avant-cour du château, à gauche de la grille de séparation de la cour d’honneur (pl. VII). Ce parti met fortement en valeur la chapelle qui est la seule construction admise dans la composition de l’avant-cour entièrement close. L’architecte surélève légèrement la chapelle grâce à un perron de quatre marches et renforce ainsi la mise en scène de l’édifice. À Montgeoffroy comme à Assy (Calvados), la chapelle disposée dans la cour d’honneur permet mieux encore de mettre en évidence la singularité du château. En effet, les chapelles de ces deux châteaux, reconstruits respectivement en 1772-1776 et 178868, sont les restes des anciens logis conservés comme des témoins de l’antiquité du fief. La volonté ostentatoire d’afficher un privilège attaché à l’histoire de la seigneurie s’accorde ici avec l’idée de « patrimoine architectural », conservé non pour ses qualités plastiques mais pour sa valeur symbolique.

Du château au village

La maîtrise du territoire

  • 69 AN, NIII Seine-et-Oise 130, pièce 6.
  • 70 Voir G. Joudiou, « L’art des jardins chez Contant d’Ivry », op. cit., p. 155-156. AN, NII Seine-et (...)

36L’organisation des abords du château manifeste également le pouvoir seigneurial, et l’emprise territoriale du manoir est une marque de la puissance du propriétaire. La volonté de tracer des avenues rectilignes en dépit du parcellaire et de la topographie est une manifestation du pouvoir régulateur du seigneur qui domine le territoire. On a vu qu’à L’Isle-Adam le prince de Conti n’hésite pas, en 1777, à racheter trente-deux parcelles à différents propriétaires afin de percer une avenue de plus d’un kilomètre (cent quarante perches de superficie) entre ses écuries et le hameau de Cassan69 afin de symétriser les allées en patte-d’oie qui rayonnent à partir du château. Le père de ce prince, il est vrai, montre la voie à son fils lorsqu’en 1742 il commande à Contant d’Ivry les plans de réaménagement des jardins de L’Isle-Adam70. À cette occasion, l’architecte dessine sur la rive droite de l’Oise un amphithéâtre nautique, orné de jets d’eau et de vertugadins, suffisamment important pour recevoir une flottille. C’est un véritable port miniature qu’aménage le prince de Conti qui marque ainsi sa domination sur la rivière, partie intégrante du domaine, au même titre qu’une avenue du parc.

  • 71 M. Mosser, « Monsieur de Marigny et les jardins… », op. cit., p. 269-293.
  • 72 F. d’Ormesson et P. Wittmer, Une Promenade aux jardins de Méréville…, Neuilly-sur-Seine, 2000.
  • 73 Voir Alexandre-Théodore Brongniart, op. cit., p. 267-270. La pyramide, tronquée sur la diagonale, (...)

37C’est dans son rapport à l’espace public que le seigneur exprime le mieux sa puissance. Face à la voie publique, au grand chemin, on relève deux attitudes possibles qui correspondent visiblement au rapport spécifique qu’entretient chaque seigneur, selon la nature de sa noblesse, avec le reste de la société. Le premier parti possible consiste à ignorer l’enclave créée par la présence d’une voie de circulation sur ses terres, l’enjamber au besoin ou l’enfermer derrière des murs. Dans ce cas, le château tourne le dos au monde extérieur. Ce comportement ne correspond manifestement pas à l’image du seigneur traditionnel, qui recherche plutôt à mettre en avant la domination qu’il exerce dans le ressort de sa seigneurie. À Ménars, propriété successivement de la marquise de Pompadour puis de son frère le marquis de Vandière, le grand chemin de Blois à Paris, axe de communication important, coupe la propriété en deux et sépare le château et son parc de la forêt où le marquis fait construire un kiosque sur les dessins de Ch. De Wailly71. Les deux parties du domaine sont entièrement closes de hauts murs qui interdisent au passant de voir l’intérieur du parc. Seuls des portails fermés de grilles, face à face de part et d’autre du grand chemin, permettent d’accéder du jardin à la forêt. De même, le parc du château de Méréville, restauré pour Jean-Joseph de Laborde, banquier de Louis XVI, par les soins de F.-J. Bélanger et H. Robert72, est traversé par un chemin public. L’arche unique du pont piéton qui enjambe ce chemin creux (ill. 120), traité dans le goût de Piranèse, permet de franchir l’obstacle du chemin sans toutefois croiser aucun passant. À Mauperthuis, la solution adoptée par A.-T. Brongniart afin de joindre les deux parties du parc consiste à percer un passage souterrain sous le chemin public. Le passage débouche dans le vallon de l’Élysée par une poétique demi-pyramide ruinée, adossée au talus du chemin73. Dans une partie plus éloignée du parc, l’architecte borde le chemin public de hauts murs en forme de remparts qu’il ponctue de tourelles dans un goût moyenâgeux. Ces trois exemples montrent la volonté des seigneurs d’isoler leurs parcs du monde extérieur, de les transformer en déserts, c’est-à-dire de les ancrer dans la sphère privée. On comprend dans cette mesure que le propriétaire refuse que le cours de ses promenades et de ses méditations soit interrompu par le chemin. Par ailleurs, l’aménagement des passages entre les différentes parties du domaine, ponts, grottes, souterrains, sont autant de fabriques qui font la réputation de ces parcs.

Ill. 120.— Château de Méréville, pont joignant les deux parties du parc [François-Joseph Bélanger], cliché de l’auteur.

38La position du seigneur peut consister, inversement, à ouvrir largement son domaine sur la voie publique. Ici encore, il s’agit d’une disposition traditionnelle qui rappelle l’époque où le seigneur disposait d’octrois et installait son château à cheval sur la voie publique afin de mieux contrôler le passage des voyageurs. Dans la composition de la séquence d’accès du château classique, il n’est pas rare qu’au-delà de la grille, face au château, l’architecte esquisse une allée, à défaut de percer une avenue. À Dampierre par exemple, le dispositif d’entrée se termine dans l’axe du château par un vaste abreuvoir au milieu d’un vertugadin qui clôt la perspective. On retrouve une composition similaire au château de Champs-sur-Marne, où la séquence d’accès se prolonge au-delà du chemin par une perspective encadrée d’arbres qui donne de l’ampleur à la séquence d’accès et forme un point de vue agréable depuis le logis. Au Bourg-Saint-Léonard, A.-G. Vermunt développe plus encore ce schéma et établit dans la partie opposée au château un vaste bassin qui sert de réservoir. L’architecte crée au croisement de la route et de l’axe transversal du château un rond-point bordé de grilles concaves qui évoque une place d’armes. Ces aménagements qui ont bien entendu une fonction plastique dans la composition de l’accès au château marquent également, par la prise de possession du chemin public, la puissance du seigneur. La composition de l’accès au château des Ormes (Vienne) montre cette même volonté d’exprimer le pouvoir seigneurial par le rapport du château à l’espace public. Le comte d’Argenson marque l’entrée de son domaine par un vaste bâtiment face au portail de sa propriété. L’ensemble monumental du relais de poste qu’il fait construire dans l’axe transversal du corps de logis est en tout cas un moyen sûr pour que les voyageurs les plus importants s’arrêtent chez lui.

39L’arrondi du portail du premier projet de maison de plaisance de J.-F. Blondel en est un autre exemple (ill. 47). L’auteur explique ainsi son parti :

  • 74 J.-F. Blondel, De la distribution des maisons de plaisance, op. cit., t. I, p. 12.

L’entrée du château est située sur les bords d’un grand chemin planté d’ormes, qui conduit à une terre qui en dépend. J’ai donné une forme circulaire au mur d’appui qui ferme la grande cour B, afin de lui donner plus de longueur : une grille de fer posée dessus laisse à la vue la liberté de s’étendre et d’enfiler une avenue qui s’offre en patte-d’oie, vis-à-vis cet édifice. Il paraîtrait peut-être étonnant qu’un palais de cette conséquence n’ait point d’avant-cour qui en rende l’entrée plus respectable ; mais il ne m’a pas été possible de lui en donner une, parce qu’une partie des fondements du château étant déjà faits, il a fallu les conserver et qu’étant borné par le grand chemin, il ne m’a été permis que [p. 13] d’y prendre une portion circulaire qui donne une belle forme à la cour, laquelle a soixante-dix toises de profondeur sur cinquante de large74.

  • 75 L. Hautecœur, Histoire de l’architecture classique, op. cit., t. III, p. 556
  • 76 Le xviiie siècle voit se développer un conflit de compétence en matière de voirie entre l’intendan (...)

40Le débord des deux terrasses sur lesquelles l’architecte dispose l’orangerie et la cuisine en avant de la cour d’arrivée forme de véritables balcons sur la voie publique. Le grand chemin est même détourné afin de compléter la mise en scène de la séquence d’accès au château. L’autorisation de « prendre une portion circulaire » sur le grand chemin revient à s’approprier le domaine royal (le grand chemin) afin d’y établir l’entrée d’un particulier. Le cas est exceptionnel et, à notre connaissance, seule la marquise de Pompadour obtient un tel privilège pour agrandir son jardin de l’hôtel d’Évreux75. Le trésorier de France ou l’intendant en charge des alignements76 est en effet théoriquement peu enclin à accorder des privilèges aux particuliers aux dépends de la régularité. L’accord passé entre le seigneur et le responsable de la voirie constitue donc ici une marque patente du pouvoir seigneurial.

  • 77 AN, N II Seine-et-Oise 17.

41Le cas du château de Bellevue apparaît plus explicite encore. Le plan d’acquisition des terrains nécessaires à la construction du futur pavillon de la marquise de Pompadour, sur lequel apparaît déjà le dessin en masse du corps de logis, indique la présence d’un « chemin de crête » qui permet de communiquer par le plateau du château de Meudon à celui de Saint-Cloud77. Quelle que soit la beauté du site choisi par la marquise de Pompadour, le fait qu’elle décide d’implanter sa demeure dans un lieu si sensible révèle le caractère pour ainsi dire politique de cette construction. En effet, l’unique voie de communication entre les deux châteaux royaux passe sur ses terres, et elle commande ainsi l’accès d’un lieu à l’autre. Le passant, quel qu’il soit, doit obligatoirement traverser la cour des communs du château par un étroit passage formé entre les bâtiments, puis par la cour d’honneur du château où il peut contempler le faste de la maîtresse de maison. Bellevue apparaît comme un lieu de représentation plus que comme une villégiature et la présence de la voie publique au cœur de la propriété confirme cette intention. Le flux des passants est cependant canalisé et madame de Pompadour se réserve des retraites. Le chemin est bordé de murs (ill. 101) et la cour d’honneur, espace public, est entourée de grilles du côté du corps de logis et de fossés vers le plateau. Les deux parties du jardin sont ainsi préservées du public. Passage obligé sur le plan topographique, la demeure de la maîtresse du roi fait écho à la position de la maîtresse de maison au sein de la cour, où son action dans le domaine diplomatique, dans celui des arts et de la politique en général en fait un personnage clé du système curial.

  • 78 R.-L. de Girardin, De la composition des paysages, suivie de Promenade ou itinéraire des jardins d (...)
  • 79 Ibid., p. 130.
  • 80 M. Mosser, « Le rocher et la colonne. Un thème d’iconographie du xviiie siècle », RA, 1982-1983, n (...)

42À Ermenonville, où la route de Senlis au Plessy-Bellevue traverse l’enceinte médiévale du château, le parti que tire le marquis de Girardin de cette situation traduit la même attitude du seigneur du lieu. Comme à Bellevue, le chemin sépare le logis entouré d’un fossé du grand parc à l’anglaise et peuplé de célèbres fabriques78. L’entrée du village est commandée par deux tours rondes qui sont conservées lors du réaménagement du grand parc par le marquis de Girardin à partir de 1762. La valeur pittoresque de ces bâtiments explique pour une part seulement le choix de les conserver alors que le maître de maison s’emploie à faire disparaître la symétrie et les murailles qui entourent le château79. Ces tourelles marquent fortement la transition du monde extérieur à celui de la seigneurie, le chemin public devient chemin seigneurial et le passant est ainsi avisé qu’il pénètre dans un microcosme particulier, façonné par le maître des lieux. Ce rite du passage analysé par M. Mosser80 trouve à Ermenonville une résonance particulière. Le parc d’Ermenonville, dernière résidence de Jean-Jacques Rousseau, devient pour Girardin le sanctuaire de la philosophie, matérialisé par le temple de la philosophie moderne, mais surtout par le tombeau de Rousseau sur l’île des Peupliers.

Cohabitation des trois ordres dans le village

  • 81 G.-A. Guyot, Observations sur le droit des patrons et seigneurs de paroisses, Paris, 1758.

43À l’approche d’un bourg, seules les deux silhouettes de l’église et du château émergent du reste des habitations souvent réduites à un rez-de-chaussée unique en Île-de-France. Les trois ordres qui fondent la structure sociale de l’Ancien Régime apparaissent ainsi dans l’organisation même du village. La disposition traditionnelle du château à proximité de l’église paroissiale marque la collusion de la noblesse et du clergé, et rappelle les privilèges accordés au seigneur dans l’église81. La situation du château de Béhoust (ill. 95), face à la paroisse est significative de ce rapport étroit entre les deux premiers ordres du royaume. Les institutions tutélaires du village se répondent de part et d’autre de la route qui traverse le village et se présentent comme les sentinelles de l’État.

  • 82 L’une des deux tourelles qui encadrent le portail abrite la prison seigneuriale, voir annexe II-2.
  • 83 AN, NIII Seine 1591.
  • 84 F. Lucet-Vivier, « Asnières et son château », Urbanisme et habitation, 1955, p. 12-32.

44À Romainville, le jardin du presbytère et la grange dîmière sont enclavés dans la basse-cour du château (pl. XIVb et ill. 121) dont l’enceinte renferme également l’église et le cimetière. L’angle formé par les deux entrées de l’enclos paroissial et du château82, occupé par le poteau seigneurial, cristallise les enseignes de la société d’ordres. Cette association des lieux de pouvoir est soulignée par l’utilisation de matériaux nobles pour la construction de l’église et du château. La pierre de taille ou à défaut les enduits soignés, l’emploi de l’ardoise pour le clocher comme pour les toitures du corps de logis et les tourelles d’entrée du château (elles abritent la prison seigneuriale) distinguent visiblement les bâtiments nobles du village. Ce principe est également appliqué à La Roche-Guyon où, depuis la cour d’honneur du château, le clocher d’ardoises de l’église fait écho au pavillon central des communs reconstruit dans l’axe de l’entrée principale du corps de logis (ill. 54). Cette grande proximité de l’église paroissiale et du château s’explique parfois par la qualité du propriétaire. Au château d’Asnières, par exemple, l’abbé Le Moine, « seigneur de la maison de Sorbonne83», supérieur du chapitre Saint-Marcel à Paris, fait construire entre 1690 et 170584 une maison neuve sur la parcelle mitoyenne de l’église paroissiale, afin de disposer d’une villégiature en bord de Seine. Ici, le modeste château s’apparente plus à un luxueux presbytère qu’à un véritable château et le logis seigneurial d’Asnières, malgré d’importants jardins d’agrément, demeure subordonné à l’église paroissiale dont l’emprise déborde sur la cour d’arrivée au logis (pl. VI). Les travaux de J. Hardouin-Mansart de Sagonne pour le marquis d’Argenson, qui achète le domaine en 1755, consistent à régulariser cette cour, à séparer plus nettement les deux édifices et à donner une ampleur nouvelle au château. Désormais, l’entrée du château s’effectue grâce à une séquence d’accès monumentale, et le logis tourne le dos à l’église paroissiale.

Ill. 121.— Château de Romainville, Georges-Louis Le Rouge, plan du parc, 1781, gravure, publié dans Jardins à la mode puis jardins anglo-chinois, Paris, Le Rouge, 1786-1788, 9e cahier, pl. 1.

Ill. 122.— Château de Jossigny, vue du château et du village depuis la route départementale D 408, cliché de l’auteur.

45La tendance à séparer géographiquement l’église du château, assez nette dans les constructions de châteaux du xviiie siècle, n’empêche pas le rapport symbolique des deux éléments de s’établir de manière plus ou moins évidente. Le village de Jossigny offre un exemple particulièrement intéressant de mise en scène paysagère du clergé et de la noblesse. L’entrée du village est le théâtre de la compétition symbolique entre le château et l’église. En arrivant de Paris, le passant découvre en effet le clocher de l’église dans la perspective d’une longue ligne droite bordée d’arbres (ill. 122) mais la présence d’une avenue axée sur le château capte l’attention du spectateur. Cette allée, terminée par un fossé, n’a aucune fonction distributive, ce n’est qu’un tapis vert face au château, mais elle joue un rôle déterminant dans l’organisation de l’arrivée au village. Le plus souvent cependant, les liens entre l’église et le château s’expriment de manière plus ténue. Une porte particulière entre le parc du château et l’enclos paroissial marque par exemple les rapports privilégiés entre le château de Dommerville (Essonne) construit en 1777 et le cimetière paroissial. Il s’agit là d’un droit commun à tous les châtelains qui disposent entre autres prérogatives d’un banc seigneurial à proximité du chœur dans l’église.

  • 85 Voir, à propos du droit de litre, R. Mousnier, Les Institutions de la France sous la monarchie abs (...)
  • 86 Communication orale d’A. de Mézerac.
  • 87 R. Mousnier, Les Institutions de la France sous la monarchie absolue, op. cit., p. 372-375.

46Le droit de litre funéraire constitue une autre manifestation spectaculaire du pouvoir seigneurial. Lors d’un deuil, le seigneur dispose du droit de peindre à l’extérieur comme à l’intérieur de l’église paroissiale un bandeau noir orné de ses armes85. Élie de Beaumont fait encore usage de ce privilège en 178686, à l’occasion de la mort de son épouse, en l’honneur de laquelle il fait également construire le temple de la pleureuse dans le parc de son château de Canon. L’utilisation de ce droit à la veille de la Révolution par un avocat du barreau de Paris, ami des élites éclairées de la capitale, montre toute l’actualité des prérogatives seigneuriales, en dehors de la réaction nobiliaire. Les privilèges seigneuriaux sont en effet attachés à la terre et forment une partie du droit de propriété démembré87, qu’il paraît normal de faire valoir.

Du village au lotissement de cour

  • 88 J. Castex, Versailles. Lecture d’une ville, op. cit.

47Le modèle de la vie curiale développé par Louis XIV contraint le roi à loger un grand nombre de commensaux. Il crée à Versailles une ville nouvelle destinée au logement des courtisans en même temps qu’elle donne une assise symbolique supplémentaire au monarque grâce au rapport de domination que le château entretient avec la ville88. Cette disposition sans précédent renouvelle l’idée élaborée à Richelieu par Le Mercier, où l’organisation de la ville demeure indépendante de celle du château. Le nouveau lotissement est situé au nord du château, non pas sur l’axe de symétrie du corps de logis mais perpendiculairement à ce dernier. Le visiteur peut par conséquent se rendre au château sans passer par le village qui constitue un satellite du logis seigneurial. La ville de Versailles et le palais du roi sont au contraire conçus comme un ensemble unitaire dans lequel la ville forme la séquence d’accès au logis autour de la patte-d’oie formée par les avenues de Saint-Cloud, de Paris et de Sceaux. Le schéma de composition de Versailles reprend le plan traditionnel de l’arrivée au château, mais Hardouin-Mansart le transpose à une échelle inédite dans laquelle toute la ville participe à la mise en scène du palais. L’enceinte du château, au fil des transformations, finit par ne plus contenir que les appartements royaux, les bâtiments d’utilité sont rejetés au-delà des grilles, dans la ville. Les écuries par exemple, qui bordent traditionnellement la cour, sont, à Versailles, implantées dans la ville, et l’avant-cour est remplacée par la place d’armes.

48L’image frappante d’une ville nouvelle construite pour le seul service du château marque durablement les esprits comme la manifestation d’un pouvoir absolu. À la suite de la construction de ses écuries monumentales, le prince de Condé entreprend en 1730 de réaménager le village de Chantilly dans l’esprit de Versailles, c’est-à-dire selon un plan directeur ordonné et un cahier des charges précis. Chaque particulier désireux de construire sur les parcelles du nouveau lotissement, en arrière de l’axe longitudinal des nouvelles écuries (ill. 105), reçoit une concession grevée des servitudes suivantes :

  • 89 Cité par G. Mâcon, « La ville de Chantilly. Formation et développement (1692-1800) », Comité arché (...)

Ils feront clore le terrain à leurs frais d’un mur en maçonnerie qui aura neuf pieds de hauteur sous chaperon. Ils ne pourront ouvrir des vues à leurs bâtiments qu’à six pieds de distance de la clôture du parc de S. A. S. Ils souffriront les tuyaux ou autres conduits que S. A. S. désirera faire passer par lesdits terrains pour la décharge des eaux du réservoir ou autrement. Il sera loisible aux acquéreurs de faire bâtir sur lesdits terrains en se conformant par les matériaux aux bâtiments voisins, ne pouvant les faire couvrir qu’en tuiles ou ardoises. Lesquels murs des bâtiments ne pourront être faits que sur les alignements qui seront donnés par M. Leroy, architecte de S. A. S.89

  • 90 Ibid., p. 42.

49Cette entreprise est confiée à Aubert qui donne le dessin des façades puis, à sa mort en 1742, la responsabilité des travaux passe aux mains de Jean-François Leroy. L’urbanisme de la ville de Chantilly, étroitement surveillé par le prince et son régisseur Antheaulme, est soumis à deux impératifs nettement mis en valeur par les travaux de Gustave Mâcon90. Le prince souhaite contenir la ville dans la limite de l’alignement des écuries afin de conserver au domaine harmonie et quiétude. Par ailleurs, selon ses termes :

  • 91 Ibid.

Il y aurait de l’inconvénient à trop multiplier les maisons à Chantilly, où il y en a plus qu’il n’en faut pour loger tous les habitants qui se sont fixés ; qu’ainsi de nouveaux bâtiments pourraient d’une part faire tomber les loyers des anciennes maisons, et de l’autre nuire aux franchises de ce lieu qu’on cherche à attaquer depuis longtemps91.

50La part de l’intérêt économique dans la construction de cette ville autour du château permet de nuancer le caractère éminemment symbolique de l’urbanisme princier.

  • 92 Y. Bottineau et M. Gallet, Les Gabriel, op. cit., p. 244-245.
  • 93 AN, O11348.
  • 94 Ibid.

51Il n’en va pas de même pour les villes royales construites sous le règne de Louis XV. Le roi ne cherche à tirer de revenus ni de Choisy ni de Saint-Hubert — en dépit du cens qu’il perçoit sur les habitants —, et ces villages nouveaux permettent avant tout de loger les employés des châteaux. Ces deux projets s’inscrivent dans la lignée de Versailles et le processus de transformation de Choisy, où Louis XV réaménage et augmente le château dès 1739, puis reconstruit le village à partir de 1750 (ill. 123), rappelle le développement chaotique du château de Louis XIV. Dans les deux cas, les transformations des domaines sont soumises aux désirs du roi ou à ses besoins immédiats, plus qu’à un plan cohérent décidé en amont. Le développement de la ville de Versailles et du village de Choisy suit au contraire la trame régulière initiale. Le village de Choisy est réaménagé sur un plan régulier en damier, autour de la nouvelle église paroissiale édifiée sur les plans d’Ange-Jacques Gabriel92, qui, comme à Versailles, est dédiée à saint Louis et forme un pôle urbain autour duquel s’organise le nouveau village. La valeur symbolique du plan régulier de Choisy exprime le pouvoir ordonnateur du souverain qui installe en dehors du château l’administration du domaine et souligne ainsi la dépendance de la ville vis-à-vis du château. La reconstruction de l’hôtel de la Surintendance, de celui du Gouvernement au cœur du village répond à cette volonté d’unir le logis royal à la communauté villageoise. Par ailleurs, la création d’une halle93 et l’élaboration d’un règlement de voirie94 manifestent la présence du monarque bienfaiteur dans le village.

Ill. 123.— Château de Choisy, Ange-Jacques Gabriel, projet de lotissement du village de Choisy, dessin [après 1750] (AN, O1 1372).

  • 95 AN, O11070309.

52Le spectre du modèle louis-quatorzien est plus présent encore dans la fondation de la ville de Saint-Hubert, où l’ambition de créer un nouveau Versailles apparaît nettement. Au-delà du principe initial d’une ville royale aux abords du château, Gabriel dresse les plans d’un village qui reprend la composition versaillaise autour d’une patte-d’oie dessinée à partir de la grille du château (pl. II). Les cinq avenues et les deux rues qui partent du château bornent au nord-est l’espace dévolu au village et percent d’allées rayonnantes la giboyeuse forêt de Rambouillet. Ici encore, le village est groupé autour de l’église paroissiale et de son presbytère (ill. 124). Comme à Choisy, le village est légèrement décalé par rapport à la séquence d’accès, cependant, l’emploi de la patte-d’oie à Saint-Hubert ouvre la possibilité d’agrandir le village. La présence du roi se manifeste de manière singulière au travers d’une tribune royale adossée au nord de la chapelle du presbytère, mise en valeur par le ressaut de cette construction, en dépit de l’alignement rigoureux des façades de la rue de la paroisse. Le projet de village, malgré l’ambition du roi d’en faire un nouveau Versailles, s’avère un échec cuisant pour Louis XV, comme en atteste la correspondance de la direction des Bâtiments du roi qui souligne en 1772 « les difficultés à trouver des propriétaires au village de Saint-Hubert95». La prudence de Gabriel, qui transparaît dans sa correspondance avec Marigny, montre que l’architecte lui-même n’est pas assuré du succès du projet royal. En juillet 1760, il écrit en effet :

  • 96 AN, VaXXXI82.

Il n’y a point encore de curé établi à la paroisse de Saint-Hubert, on y a nommé un desservant, et c’est lui qui a demandé à M. Dubois l’augmentation proposée en écuries et autres commodités. Je ne vois point la commodité aujourd’hui d’aller en avant sur cet établissement qu’il n’y ait des paroissiens, une paroisse et un curé. Et le desservant paraît suffisamment pourvu de ce qui subsiste aujourd’hui. D’ailleurs il n’y a point de fonds et les dépenses qui ont été faites jusqu’à présent ne sont pas achevées de liquides [sic]. Quant à la dépense proposée pour la tribune du roi et les armoires de la sacristie, l’ouvrage en est fait suivant les ordres de Monsieur le marquis96.

Ill. 124.— Plan parcellaire du village de Saint-Hubert, novembre 1773, d’après le plan dressé par Ange-Jacques Gabriel en 1763, dessin (AN VaXXXI88).

  • 97 AN, O11070312.
  • 98 AN, O11070313.
  • 99 Ibid.
  • 100 AN, VaXXXI92.
  • 101 Ibid.
  • 102 Le corps de logis compte vingt-cinq appartements de maîtres.
  • 103 Il abrite trois appartements de maîtres.

53La création ex nihilo d’un village autour d’un château où le roi ne se rend qu’occasionnellement pour la chasse ne représente pas, semble-t-il, un motif suffisant pour attirer une population nouvelle dans cette région malsaine (la présence des étangs de Saint-Hubert et d’une grande humidité conduit à la ruine précoce du château). Afin de fixer de nouveaux habitants, Louis XVI change de politique et décide, à partir de 1779, de donner les terrains, en récompense de leurs services97, aux plus fidèles de ses serviteurs, tels Cazaubier, chirurgien ordinaire, à qui le roi offre une parcelle de trente-sept perches et demie rue de l’étang au sud de l’église paroissiale de Saint-Hubert, ou « maître Coffre », menuisier98. Le souci premier de la direction des Bâtiments est désormais de voir le village enfin édifié et Demarne, intendant des bâtiments de Saint-Hubert, d’ajouter : « Il ne peut être qu’avantageux de voir ces terrains occupés99. » Le plan du village daté de 1783 montre que les propriétaires des terrains autour de l’église paroissiale sont essentiellement des artisans ou des employés du château, comme le sieur Blanchard, concierge, le sieur Cazaubier, chirurgien, Charray, serrurier du château, Bernard, garçon chirurgien du château, ou encore le garçon du garde-meuble qui reçoit trente-neuf perches trois quarts100. Certains de ces particuliers possèdent plusieurs parcelles, d’où l’on peut conclure que ces propriétés sont vouées à la spéculation immobilière et non plus seulement à la résidence des employés du château. On compte également quelques parcelles réservées aux bâtiments d’utilité publique, comme la poste aux chevaux, ou au service du roi, tels l’hôtel des menus plaisirs et le magasin des petites écuries. Ce plan révèle par ailleurs l’absence de la noblesse parmi les acquéreurs de ces terrains, à l’exception du duc d’Estissac qui reçoit par brevet cinquante perches101. Cette caractéristique montre que l’orientation du projet de village de Saint-Hubert est différente de celle que l’on observe à Versailles. Le village n’abrite pas la cour mais sert à la résidence du personnel du château. Les courtisans, comme nous l’avons vu, sont logés dans le château proprement dit102 ou dans le manoir de l’Artoire103. La précarité de ces appartements, souvent inconfortables, importe peu aux courtisans pour qui l’essentiel est d’être auprès du roi.

  • 104 Y. Durand, Les Fermiers généraux, op. cit., p. 243.
  • 105 Voir A. Duchein, Seine-Port, Croix-Fontaine, le pavillon royal et Sainte-Assise, Melun, Legrand, 1 (...)
  • 106 R. Hofereiter, « “C’est pour le roi”. Étienne-Michel Bouret : bâtisseur du pavillon du roi », dans (...)
  • 107 AN, NII Seine-et-Marne 58, pièce.
  • 108 A. Duchein, Seine-Port, Croix-Fontaine…, op. cit., p. 75.
  • 109 J.-A. Piganiol de la Force, Description de Croix-Fontaine, [extrait du t. IX de la nouvelle éditio (...)
  • 110 AN, Y10911.

54La construction de lotissements de cour demeure par conséquent assez rare. Le cas de Croix-Fontaine offre cependant l’exemple inédit d’un projet initié par un particulier et destiné à loger les courtisans de la suite royale. Étienne-Michel Bouret, fameux fermier général, dont on connaît l’obséquiosité vis-à-vis du roi104, acquiert le domaine de Croix-Fontaine de Pâris de la Montagne en 1742105. En 1755, Bouret commande à A.-M. Le Carpentier un pavillon destiné à l’usage de Louis XV106. La même année107, il projette d’augmenter le pavillon d’un lotissement à l’arrière du logis, à l’emplacement de quinconces (pl. XIII). La mise en valeur des abords du pavillon du roi permet à Bouret de faire valoir l’intérêt d’un échange de terres qu’il propose à M. de Montullé, son voisin, alors propriétaire du château Sainte-Assise108. Cet ensemble que l’on doit attribuer également à Le Carpentier comporte six hôtels identiques entre cours et jardin, dont les élévations montrent l’usage précoce du vocabulaire de l’architecture « à la grecque » (pl. XV). La folle ambition de Bouret de vendre le pavillon du roi à Louis XV explique ce parti, bien que le roi n’ait jamais eu, semble-t-il, une telle intention. Ce « monument du zèle d’un sujet qui fait tout pour plaire à son maître », selon la formule de Piganiol de La Force109, conduit à la ruine de Bouret dont la faillite retentissante en 1770 précède de sept ans son suicide110.

« Édilité seigneuriale »

55À l’instar du roi, le seigneur se comporte parfois en bienfaiteur de la communauté villageoise au travers de la construction d’aménagements urbains ou d’équipements qui marquent le pouvoir du châtelain. Le rôle de ce dernier correspond alors à celui des édiles lors de la réalisation d’embellissements. La modernisation des villages franciliens par les seigneurs se manifeste au travers de deux types d’aménagements qui contribuent à la salubrité : l’adduction et la distribution de l’eau, et l’amélioration de la voirie. Le cas de La Roche-Guyon, où le duc de La Rochefoucauld établit une fontaine publique en 1742, constitue un exemple précoce d’une attitude qui tend à se développer dans les seigneuries d’Île-de-France durant la seconde moitié du xviiie siècle. Le seigneur profite des travaux de captage des sources du plateau qui domine le village et le château de La Roche-Guyon pour distribuer de l’eau potable au village. L’emplacement de la fontaine vise à mettre en scène les bienfaits du seigneur (ill. 9). L’édifice n’est pas construit au cœur du village mais à la porte du château seigneurial, sur une place réaménagée à cette occasion, en bordure du grand chemin de Mantes à Vernon. Le seigneur signifie par ses armes, apposées sur le corps de la fontaine, qu’il fait partager ses bienfaits aux villageois. L’architecte L. De Villars réalise un bâtiment dans le goût du temps, dont le décor rocaille fait écho aux nouvelles écuries et inscrit le gouvernement du seigneur dans une perspective moderne.

Ill. 125.— Château de Méréville, vue du lavoir [Hubert Robert ?], cliché de l’auteur.

56Cette initiative du duc de La Rochefoucauld n’est guère suivie et il faut attendre la décennie de 1780 pour voir se multiplier les aménagements de fontaines publiques offertes par le seigneur dans les villages d’Île-de-France. La raison de ce regain d’intérêt est probablement liée à la diffusion du rousseauisme parmi les élites qui mettent en application les principes développés dans La Nouvelle Héloïse notamment. À Franconville-la-Garenne, le comte d’Albon rétablit la « fontaine des Boulangers » qu’il orne de la dédicace suivante :

  • 111 « À la commodité publique, Camille d’Albon », voir A. Vacquier, « Les jardins du comte d’Albon à F (...)

Publico commodo
Camillus d’Albon111.

  • 112 Rabreau, Claude-Nicolas Ledoux, op. cit., p. 172-173.

57Cette fontaine servait, semble-t-il, comme lavoir et la préoccupation du bien-être des ménagères retient l’attention de nombre de seigneurs à la fin de l’Ancien Régime. Ainsi, à Méréville, le marquis de Laborde fait aménager en 1786 un lavoir sur les berges de la Juine d’après les dessins d’Hubert Robert (ill. 125). Le bâtiment ajoute au caractère pittoresque de cette partie du parc déjà ornée d’un petit pont de pierre sur la rivière et du fameux moulin, construit en pans de bois, soutenu par des colonnes toscanes. Le parti architectural, résolument vernaculaire, adopté pour ce lavoir révèle le caractère ambigu du projet. Le bien-être des villageois semble ici subordonné au caractère pittoresque du site et les habitants apparaissent dans ce cadre comme les acteurs d’une pastorale plus que comme des « citoyens heureux ». L’exemple de Ledoux à Bourneville vers 1785112 (ill. 126 et 127) montre une alternative à cette vision quelque peu rétrograde de la population villageoise. L’architecte propose également d’établir une fontaine-lavoir à l’entrée du château et dessine en pendant de la laiterie un bâtiment résolument moderne. Fontaine et laiterie, intégrées à la barrière d’entrée du domaine, sont surmontées de colonnes monumentales en forme de belvédères et l’image bucolique des chevaux menés à l’abreuvoir est transposée dans la pierre. Ces rondes-bosses, lointain écho de l’abreuvoir de Marly, où les palefreniers de Guillaume II Coustou retiennent de fougueux étalons, présentent une nature pacifiée dans laquelle l’homme et l’animal vivent en harmonie.

Ill. 126.— Château de Bourneville, Nicolas Ransonnette, élévation de la porte du parc [d’après Claude-Nicolas Ledoux, 1785], gravure, publié dans Architecture de Claude-Nicolas Ledoux, Paris, Perroneau, 1848, t. II, pl. 294.

Ill. 127.— Château de Bourneville, Nicolas Ransonnette, plan du rez-de-chaussée de la porte du parc [d’après Claude-Nicolas Ledoux, 1785], gravure, publié dans Architecture de Claude-Nicolas Ledoux, Paris, Perroneau, 1848, t. II, pl. 292.

Ill. 128.— Plan de la place ronde de Pontchartrain, 1781, AD Yvelines C 101.

58L’attitude des villageois à l’heure de la Révolution n’est sans doute pas étrangère à la perception par le seigneur de ses sujets. À La Roche-Guyon, par exemple, où la maîtresse de maison est protégée par les villageois, une longue tradition d’entraide marque les relations entre les seigneurs du lieu et leurs sujets, alors que l’on connaît le sort tragique réservé au marquis de Laborde nouvellement installé à Méréville. La disparition progressive des armes sur les bâtiments publics offerts par le seigneur — en particulier sur les fontaines — marque les changements profonds de la société, et l’association du donateur à l’édifice bénéficiaire de sa générosité passe désormais par des voies plus abstraites. La fontaine de Mauperthuis par exemple, située au centre d’une place nouvelle, est visuellement associée au pigeonnier du château et, à Balizy, Archanger dispose la fontaine de son premier projet sur un pan coupé à l’angle de la propriété, face à l’église paroissiale (pl. XVI). L’image du seigneur bienfaiteur de La Roche-Guyon cède ainsi le pas à celle de l’homme des lumières.

  • 113 M. Delafosse, « La place ronde de Pontchartrain » Pays d’Yvelines, 1976, p. 41-43.
  • 114 AD Yvelines C 101, cité par M. Delafosse, ibid., p. 43.

59Si la fontaine est l’expression de la volonté du seigneur d’accroître le confort de ses tenanciers, ce dernier marque parfois son « dessein modernisateur » de manière plus radicale. Les ministres en particulier trouvent dans l’aménagement de leurs seigneuries un champ d’intervention idéal, dans lequel ils peuvent mettre en œuvre leurs idées sur l’urbanisme. Les embellissements des grandes villes décidés par les édiles trouvent un écho notamment dans les villages de Pontchartrain et d’Arnouville. Le comte de Maurepas aménage ainsi dès 1756 la place ronde de Pontchartrain à l’angle est du parc de son château (ill. 128)113. Cet aménagement est augmenté en 1781 par le lotissement de la route de Bretagne, selon un cahier des charges imposé qui contraint les nouveaux censitaires à construire en briques et à couvrir les maisons de combles à croupes couverts de tuiles114. Le projet initial de place ronde permet au comte de Maurepas de former, au-delà du ha-ha qu’il fait construire à l’angle du parc, une perspective architecturale en rapport avec le château brique et pierre qu’il occupe (ill. 50-a), et les augmentations de 1781 marquent un tournant dans l’évolution de la pensée du seigneur qui se transforme en édile ou, sur le modèle royal, en « bienfaiteur de ses peuples ».

  • 115 AN, MC, ét. CXII 559a.
  • 116 L. Baudoux, « Jean-Baptiste Chaussard », dans J.-L. Baritou et D. Foussard (dir.), Chevotet, Conta (...)

60Le projet de Jean-Baptiste de Machault pour le village d’Arnouville, mis en œuvre à partir de 1752, constitue un exemple marquant de la volonté du seigneur de transformer radicalement un village rural en cité idéale, formée sur un plan radian, autour d’une place en étoile. Le déroulement du chantier montre par ailleurs l’attention particulière de Machault au dédommagement des propriétaires expropriés, tous assez largement indemnisés grâce à l’échange de leurs anciennes parcelles avec des terrains plus vastes115. Le plan du village est élaboré autour d’un axe principal lancé entre l’étoile, au centre de laquelle Machault fait édifier une fontaine publique, et la place Saint-Jean sur laquelle débouche l’avenue du château et la nouvelle église paroissiale est construite sur les plans de Jean-Baptiste Chaussard en 1782116. Nous retrouvons ici un certain nombre des traits caractéristiques de l’aménagement du village, mais l’envergure du projet, qui s’étend sur près d’un kilomètre, fait d’Arnouville un exemple unique en Île-de-France de l’expression du pouvoir seigneurial à une échelle aussi monumentale.

61La prise de conscience de la part des seigneurs de leur rôle dans l’organisation de la vie rurale et l’utilisation qu’ils font des progrès techniques dans le domaine de la voirie en particulier donnent un essor sans précédent aux villages franciliens. Les rapports étroits, dans l’organisation du territoire, entre le château et le village permettent aux seigneurs dont le rôle politique disparaît avec l’Ancien Régime, de marquer pour la dernière fois l’étendue de leurs privilèges.

Notes

1 D. Diderot, Encyclopédie, op. cit., t. VII, p. 546, voir annexe I-1.

2 V. Jamerey-Duval, Mémoires, Paris, 1981, p. 130.

3 Le seigneur n’est pas cependant nécessairement aristocrate, voir M. Marion, Dictionnaire des institutions, op. cit., p. 506. Il semble que la proportion des seigneurs roturiers soit néanmoins assez faible, voir R. Mousnier, Les Institutions de la France sous la monarchie absolue, Paris, 1974, t. I, p. 399. La qualité noble du propriétaire apparaît au travers de la qualification de « seigneur » au lieu de « sieur » pour les roturiers, voir A. Texier, Qu’est-ce que la noblesse ?, Paris, 1988, p. 564.

4 4. D. Rabreau, « Les nouveaux châteaux de la réaction nobiliaire et seigneuriale… », op. cit., p. 87-110.

5 J.-L. Harouel et alii, Histoire des institutions, op. cit., p. 473.

6 D. Diderot, Encyclopédie, op. cit., t. III, p. 645-646, voir annexe I-8 ; M. Marion, Dictionnaire des institutions, op. cit., p. 158-160.

7 AN, Z24159, cité par J. Hubert, Saint-Mandé et ses habitants au xviiie siècle, Paris, 1994, p. 64.

8 D. Diderot, Encyclopédie, op. cit., t. III, p. 645-646, voir annexe I-8 ; A. Desgodets, Lois des bâtiments selon la coutume de Paris, Paris, 1787, p. 561-562.

9 J. Gallet, Seigneurs et paysans en France 1600-1793, Paris/Rennes, 1999, p. 182.

10 La colombine, engrais assez fort, est utilisée essentiellement dans les potagers, voir D. Diderot, Encyclopédie, op. cit., t. III, p. 646.

11 Voir A. Texier, Qu’est-ce que la noblesse ?, op. cit., p. 16.

12 AN, Z1j842 f° r°.

13 J.-P. Brancourt, « La monarchie et les châteaux du xvie au xviiie siècle », Dix-septième siècle, n° 118, 1978, p. 34.

14 Trésorier général de l’artillerie et du génie.

15 D. Letellier, Le Château de Montgeoffroy, op. cit., p. 25, 30.

16 « D’or à l’aigle au vol abaissé d’azur, becquée, languée et armé de gueules », voir ibid., p. 6, le tympan a été resculpté en 1920.

17 Abbé Lebeuf, Histoire de Paris et de tout le diocèse de Paris, Paris, 1883, t. IV, p. 130.

18 Elle contient en effet deux cent onze arpents sept perches lors de l’arpentage de 1629, cité par C. Audigié, Histoire du château de Sainte-Geneviève-des-Bois, Le-Mée-sur-Seine, 1994.

19 Ibid.

20 R. Middleton, « The château and gardens of Mauperthuis: The formal and the informal », dans J. D. Hunt (dir.), Garden-History-Issues-Approaches-Methods, Washington, 1992, p. 232.

21 D. Rabreau, « Les nouveaux châteaux de la réaction nobiliaire et seigneuriale… », op. cit., p. 90.

22 J. Garms et M. Gallet, Germain Boffrand, op. cit., p. 94.

23 Ibid., p. 110.

24 On se souvient, par exemple, de la manière dont C.-N. Ledoux régularise les plans de l’hôtel d’Hallwyl dans les gravures qu’il donne de son projet de transformation.

25 H.-L. marquise de La Tour du Pin, Mémoires, op. cit., p. 153.

26 Arch. mun. Bordeaux, recueil 19, Saint-André-de-Cubzac / 45 et 57.

27 Voir F.-G. Pariset, « Victor Louis (1731-1800). Dessins et gravures », Revue historique de Bordeaux, 1980, p. 102-104, pl. XVI.

28 Ch. de Galard-Marchais, Le Château de Verneuil-sur-Indre, op. cit.

29 Ibid.

30 BNF, mss f po. 94, cité par Ch. de Galard-Marchais, ibid., p. 6.

31 M. Marion, Dictionnaire des institutions, op. cit., p. 88, voir également J. Gallet, Seigneurs et paysans, op. cit., p. 175.

32 Dictionnaire de Trévoux, op. cit., t. II, p. 481.

33 L. hautecœur, Histoire de l’architecture classique, op. cit., t. II**, p. 574.

34 Ibid., t. II*, p. 197.

35 À cet égard, les colonnades qui bordent la rue dans les agencements de l’hôtel de Salm (1783) et le projet de palais Bourbon de M.-J. Peyre (publié dans M.-J. Peyre, Œuvre d’architecture, Paris, 1765) font figures d’exceptions.

36 A. Texier, Qu’est-ce que la noblesse ?, op. cit., p. 458.

37 J.-F. de Neufforge, Recueil élémentaire d’architecture, op. cit., t. V, 57e cahier.

38 A.-N. Dézallier d’Argenville, Voyage pittoresque des environs de Paris, op. cit., p. 388.

39 Voir J. Gallet, Seigneurs et paysans, op. cit., p. 178-180.

40 A. Rey, Le Château de La Chevrette et madame d’Épinay, Paris, 1904, p. 71.

41 La cérémonie se déroula à Montfermeil (Seine-Saint-Denis), le 21 mai 1787.

42 Marquise de La Tour du Pin, Mémoires, op. cit., p. 73.

43 Ibid., p. 74.

44 A. Bossoutrot et Ch. Morin, « Redécouverte d’un château de Seine-Saint-Denis : le domaine des Ségur à Romainville », B. mon., 161-III, 2003, p. 249-252.

45 A. Marie, « The Château de Romainville and a Snuff-box in the Wallace Collection », The Connoisseur, CXXVIII, août 1951, p. 18-23.

46 La société de la Rosière est fondée à Romainville en 1774, voir G. Husson, Histoire de Romainville des temps antiques à la fin du xixe siècle, Paris, 1905, p. 223.

47 Pour l’évolution des banalités en Île-de-France, voir O. Martin, Histoire de la coutume de la prévôté et vicomté de Paris, Paris, 1972, t. I, p. 398-400.

48 Voir J. Gallet, Seigneurs et paysans, op. cit., p. 140-141 ; R. Mousnier, Les Institutions, op. cit., p. 386.

49 Taxe perçue sur les voitures pour l’entretien des routes.

50 Imposition perçue sur chaque feu.

51 AN, Z1j842.

52 Formalité administrative établie à intervalle régulier par le vassal ou le censier, dans laquelle il énumère et détaille tous les éléments constitutifs du fief.

53 AN, Z1j842, f° 29 v°.

54 Ibid., f°.

55 Ibid., f° 7 r°.

56 Ces titres sont portés sur le plan d’arpentage du château dressé vers 1724 et conservé à la bibliothèque de l’Institut (mss II 1605 f° 59).

57 Les arrêts du Parlement du 23 juin 1516 et du 19 janvier 1600 obligent le seigneur à nommer des officiers de justice, voir R. Mousnier, Les Institutions, op. cit., p. 408.

58 P. Terver, Le Dernier Prince de Conti, op. cit., p. 66, fait remonter la construction à l’époque d’Anne de Montmorency, seigneur entre autre de L’Isle-Adam.

59 G. Joudiou, « Pierre Contant d’Ivry », op. cit., p. 109.

60 AN, Z1j842, f° 3 r° et f° 9 r°.

61 Voir infra, p. 282, Cohabitation des trois ordres dans le village.

62 J. Gallet, Seigneurs et paysans, op. cit., p. 149.

63 Ibid.

64 L. Savot, L’Architecture française, op. cit., p. 34-35.

65 J. Guillaume, « La galerie dans le château français… », op. cit., p. 32-42.

66 D. Diderot, Encyclopédie, op. cit., t. VII, p. 277.

67 AN, Z1j814, f° 16 r°, voir annexe I-2.

68 J.-M. Pérouse de Montclos, « Le château d’Assy et l’architecte Nicolas Gondouin », CAF, n° 132, 1974-1978, p. 221-227.

69 AN, NIII Seine-et-Oise 130, pièce 6.

70 Voir G. Joudiou, « L’art des jardins chez Contant d’Ivry », op. cit., p. 155-156. AN, NII Seine-et-Oise 575.

71 M. Mosser, « Monsieur de Marigny et les jardins… », op. cit., p. 269-293.

72 F. d’Ormesson et P. Wittmer, Une Promenade aux jardins de Méréville…, Neuilly-sur-Seine, 2000.

73 Voir Alexandre-Théodore Brongniart, op. cit., p. 267-270. La pyramide, tronquée sur la diagonale, est disposée en biais par rapport au chemin afin de créer un effet pittoresque depuis le vallon.

74 J.-F. Blondel, De la distribution des maisons de plaisance, op. cit., t. I, p. 12.

75 L. Hautecœur, Histoire de l’architecture classique, op. cit., t. III, p. 556

76 Le xviiie siècle voit se développer un conflit de compétence en matière de voirie entre l’intendant, le trésorier et le seigneur haut justicier ; J.-L. Harouel, L’Embellissement des villes. L’urbanisme français au xviiie siècle, Paris, 1993, p. 25-26, 31-34.

77 AN, N II Seine-et-Oise 17.

78 R.-L. de Girardin, De la composition des paysages, suivie de Promenade ou itinéraire des jardins d’Ermenonville, Paris, 1992, postface de M. Conan, p. 127-173.

79 Ibid., p. 130.

80 M. Mosser, « Le rocher et la colonne. Un thème d’iconographie du xviiie siècle », RA, 1982-1983, n° 58-59, p. 59-62.

81 G.-A. Guyot, Observations sur le droit des patrons et seigneurs de paroisses, Paris, 1758.

82 L’une des deux tourelles qui encadrent le portail abrite la prison seigneuriale, voir annexe II-2.

83 AN, NIII Seine 1591.

84 F. Lucet-Vivier, « Asnières et son château », Urbanisme et habitation, 1955, p. 12-32.

85 Voir, à propos du droit de litre, R. Mousnier, Les Institutions de la France sous la monarchie absolue, op. cit., p. 97-98 ; G.-A. Guyot, Observation sur le droit des patrons et des seigneurs de paroisses, op. cit., p. 153-235.

86 Communication orale d’A. de Mézerac.

87 R. Mousnier, Les Institutions de la France sous la monarchie absolue, op. cit., p. 372-375.

88 J. Castex, Versailles. Lecture d’une ville, op. cit.

89 Cité par G. Mâcon, « La ville de Chantilly. Formation et développement (1692-1800) », Comité archéologique de Senlis, 1909-1910, t. II, p. 31.

90 Ibid., p. 42.

91 Ibid.

92 Y. Bottineau et M. Gallet, Les Gabriel, op. cit., p. 244-245.

93 AN, O11348.

94 Ibid.

95 AN, O11070309.

96 AN, VaXXXI82.

97 AN, O11070312.

98 AN, O11070313.

99 Ibid.

100 AN, VaXXXI92.

101 Ibid.

102 Le corps de logis compte vingt-cinq appartements de maîtres.

103 Il abrite trois appartements de maîtres.

104 Y. Durand, Les Fermiers généraux, op. cit., p. 243.

105 Voir A. Duchein, Seine-Port, Croix-Fontaine, le pavillon royal et Sainte-Assise, Melun, Legrand, 1927, p. 46 ; AN, MC, ét. XCI 1061, 4 février 1769.

106 R. Hofereiter, « “C’est pour le roi”. Étienne-Michel Bouret : bâtisseur du pavillon du roi », dans T. Gaethgens, C. Michel, D. Rabreau et M. Schieder (dir.), L’Art et les normes sociales au xviiie siècle, Paris, 2001, p. 101-124.

107 AN, NII Seine-et-Marne 58, pièce.

108 A. Duchein, Seine-Port, Croix-Fontaine…, op. cit., p. 75.

109 J.-A. Piganiol de la Force, Description de Croix-Fontaine, [extrait du t. IX de la nouvelle édition de la Description historique de la ville de Paris et de ses environs], s.l.n.d. [Paris, 1765].

110 AN, Y10911.

111 « À la commodité publique, Camille d’Albon », voir A. Vacquier, « Les jardins du comte d’Albon à Franconville-la-Garenne », Bulletin de la Société historique et archéologique de l’Île-de-France, t. VIII, 1956, p. 267.

112 Rabreau, Claude-Nicolas Ledoux, op. cit., p. 172-173.

113 M. Delafosse, « La place ronde de Pontchartrain » Pays d’Yvelines, 1976, p. 41-43.

114 AD Yvelines C 101, cité par M. Delafosse, ibid., p. 43.

115 AN, MC, ét. CXII 559a.

116 L. Baudoux, « Jean-Baptiste Chaussard », dans J.-L. Baritou et D. Foussard (dir.), Chevotet, Contant, Chaussard, op. cit., p. 213-216.

Table des illustrations

Légende Ill. 116.— Château de Verneuil-sur-Indre, vue depuis le jardin du château et du donjon, [Jean Hardouin-Mansart de Jouy], cliché de l’auteur.
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Légende Ill. 117.— Château de Sainte-Assise, Henri Piètre, projet de portail entre deux pavillons à l’italienne, 20 octobre 1782, dessin (AN, N III Seine-et-Marne 2243).
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Légende Ill. 118.— Château de Sainte-Assise, Henri Piètre, projet de pavillon du nouveau portail pour être exécuté, 12 juillet 1782, dessin (AN, N III Seine-et-Marne 22410).
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Légende Ill. 119.— Château de Petit-Bourg, Jean Mariette, plan du premier étage et du comble, gravure, publié dans L’Architecture française, Paris, 1727, t. II, pl. 325.
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Légende Ill. 120.— Château de Méréville, pont joignant les deux parties du parc [François-Joseph Bélanger], cliché de l’auteur.
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Légende Ill. 121.— Château de Romainville, Georges-Louis Le Rouge, plan du parc, 1781, gravure, publié dans Jardins à la mode puis jardins anglo-chinois, Paris, Le Rouge, 1786-1788, 9e cahier, pl. 1.
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Légende Ill. 122.— Château de Jossigny, vue du château et du village depuis la route départementale D 408, cliché de l’auteur.
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Légende Ill. 123.— Château de Choisy, Ange-Jacques Gabriel, projet de lotissement du village de Choisy, dessin [après 1750] (AN, O1 1372).
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Légende Ill. 124.— Plan parcellaire du village de Saint-Hubert, novembre 1773, d’après le plan dressé par Ange-Jacques Gabriel en 1763, dessin (AN VaXXXI88).
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Légende Ill. 125.— Château de Méréville, vue du lavoir [Hubert Robert ?], cliché de l’auteur.
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Légende Ill. 126.— Château de Bourneville, Nicolas Ransonnette, élévation de la porte du parc [d’après Claude-Nicolas Ledoux, 1785], gravure, publié dans Architecture de Claude-Nicolas Ledoux, Paris, Perroneau, 1848, t. II, pl. 294.
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Légende Ill. 127.— Château de Bourneville, Nicolas Ransonnette, plan du rez-de-chaussée de la porte du parc [d’après Claude-Nicolas Ledoux, 1785], gravure, publié dans Architecture de Claude-Nicolas Ledoux, Paris, Perroneau, 1848, t. II, pl. 292.
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Légende Ill. 128.— Plan de la place ronde de Pontchartrain, 1781, AD Yvelines C 101.
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© Éditions de la Sorbonne, 2008

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