Au service du château
|Troisième partie. Valeur symbolique des bâtiments d’utilité
Chapitre 6. Le modèle royal versaillais : architecture, décor et généalogie des formes
Texte intégral
- 1 Xénophon, Traité de la chasse, Paris, 1838, chap. 1-17.
1Dans une société entièrement tournée vers le monarque, comme la France du xviiie siècle, les princes du sang apparaissent comme une classe très particulière, au-dessous du roi certes, mais également bien supérieure à la noblesse qu’elle précède dans l’ordre de préséance à la cour. Les membres de la famille royale sont les seuls en France à posséder des titres princiers et cette prérogative, selon la personnalité de chacun d’entre eux, s’exprime dans l’emploi de sa fortune et le déploiement d’un luxe digne de son rang ; les collections d’œuvres d’art des Orléans, le goût pour l’architecture et les jardins des Condé sont de notoriété publique. Un autre trait particulier aux Bourbon détermine l’emploi de sommes colossales dans toutes les branches de cette famille : la passion de la chasse et de la vénerie en particulier. L’origine de l’association des activités cynégétiques à la noblesse remonte à Xénophon qui, dans le Traité de la chasse, explique comment « les hommes qui ont chassé sauvent la Grèce1 ». Il s’agit de la première invitation à ne pas mépriser la chasse qui rend apte à la guerre et entretien la forme physique des guerriers en temps de paix. L’exercice de cette activité répond à des prérogatives que Robert Joseph Pothier définit ainsi, dans son Traité du droit de chasse :
- 2 Cité par J. de Viguerie, Histoire et dictionnaire, op. cit., p. 921. Voir également Ph. Salvadori, (...)
C’est au roi que le droit de chasse appartient dans son royaume, parce que la qualité de souverain lui donne le droit de s’emparer, privativement à tout autre, des choses qui n’appartiennent à personne : tels sont les animaux sauvages. Les seigneurs et tous ceux qui ont le droit de chasse ne le tiennent que de sa permission2.
- 3 La charge de grand veneur fut achetée par le comte de Toulouse à François, troisième duc de La Roc (...)
2L’importance de la chasse ne se limite donc pas à un simple exercice physique et les enjeux symbolique et politique expliquent également cette passion bourbonienne. La chasse ainsi pratiquée par les princes du sang ou les grands seigneurs procède du phénomène d’imitation d’un droit réservé au monarque seul. Les princes du sang, par des équipages luxueux, rappellent donc leur origine et rivalisent avec ce dernier. L’attachement du duc de Penthièvre à sa charge de grand veneur témoigne également à la fois du prestige de l’emploi et de la confiance du roi pour ce petit-fils légitimé de Louis XIV3. Ces équipages nombreux nécessitent des écuries en conséquence, qui prennent chez les princes un caractère monumental, à l’instar de celles que fit construire leur ancêtre commun, Louis XIV lui-même. Il n’est donc pas étonnant de voir des sommes immenses consacrées aux chevaux et aux écuries, ni d’y trouver des références plus ou moins directes à ce qu’a fait construire le roi. Cependant, la part d’imitation de l’architecture régnicole ne doit pas faire oublier les grands modèles antérieurs à Versailles, et une analyse précise des sources s’impose.
Le cas de Chantilly
- 4 Si l’on en croit Saint-Simon, il effectue un retrait opportun en mars 1721 de vingt-cinq millions (...)
- 5 Louis II de Bourbon-Condé (1668-1710).
3Le duc de Bourbon, arrière-petit-fils du Grand Condé, voit son pouvoir croître durant la Régence et sa fortune largement augmenter grâce au système de Law4. Membre du conseil de Régence, il est porté au poste de Premier ministre en 1723. L’érection des écuries de Chantilly doit être replacée dans cette perspective d’un pouvoir accru du prince face à un monarque encore mineur et cette situation, particulièrement favorable, l’incite à une véritable démonstration de force lorsqu’il commande à Jean Aubert, son architecte attitré, les plans du nouveau bâtiment. Le projet de construire des écuries monumentales à Chantilly remonte à l’époque du père du duc de Bourbon5, comme le montre une série de gravures d’Adam Pérelle. Le projet initial établi par Jules Hardouin-Mansart forme une cour en U à partir de l’orangerie dont il étend les élévations à tous les nouveaux bâtiments. Le duc de Bourbon renonce à ce parti pour une composition plus grandiose destinée à magnifier le pouvoir du prince, sinon à éclipser les écuries du roi.
- 6 M. Gallet, Les Architectes parisiens du xviiie siècle, op. cit., p. 32.
- 7 D. Massounie, L’Architecture des écuries royales, op. cit., p. 23-60.
- 8 Louis XIV inaugura l’orangerie de Sceaux lors de la visite qu’il rendit au marquis de Seignelay le (...)
- 9 L’orangerie détruite de Chantilly prenait place face au petit château. La date de construction est (...)
- 10 Les influences reconnues par les auteurs sont les suivantes : L. Hautecœur, Histoire de l’architec (...)
4Le bâtiment d’Aubert intègre un système de références directes aux écuries les plus célèbres du temps, savamment mises en scène. La formation de l’architecte dans l’agence de Jules Hardouin-Mansart6, où il a pu prendre connaissance des projets de son maître pour Chantilly, et la culture visuelle acquise auprès du premier architecte du roi donnent une clef de lecture essentielle pour analyser les écuries de Chantilly. L’héritage du vocabulaire architectural mis en œuvre par Jules Hardouin-Mansart aux écuries de Versailles (1679-1685)7, à l’orangerie de Sceaux (1685)8 ou de Chantilly (1683)9 (ill. 24) constitue le fondement du projet d’Aubert10. En effet, l’utilisation de motifs entiers, repris de Versailles, tels les chevaux cabrés à l’imposte du portail des écuries (ill. 104) ou les lignes de refend qui strient l’élévation de l’avant-corps des écuries de Versailles et l’orangerie de Sceaux sont autant d’emprunts indéniables. Ces citations de l’architecture royale « à la française » marquent généralement la volonté d’imiter le roi et d’inscrire les nouvelles constructions dans une perspective moderne.

Ill. 104.— Château de Chantilly, archivolte de l’entrée sud des écuries, [Remy-François Bridault, sculpteur], cliché de l’auteur.
- 11 C.-M. Dugas, « À la cour des Condé : Messieurs les pages », op. cit., p. 12-13.
- 12 G. Poisson, « Recherche sur les écuries de Maisons », BSHAF, 1980, publié en 1982, p. 81-92 ; C. M (...)
5Les analogies du programme des écuries de Chantilly et de Versailles soulignent cette filiation. On retrouve chez le prince de Condé l’association de stalles avec un manège, un chenil, une école des pages11 et de nombreux logements, comme à Versailles où les deux bâtiments de part et d’autre de l’avenue de Paris abritent ces mêmes fonctions. Cependant, sous le rapport de la composition, de la mise en scène urbaine du bâtiment, les deux projets sont radicalement différents. Si les écuries de Versailles établissent une transition monumentale entre le palais et la ville, celles de Chantilly s’inscrivent au contraire dans une composition paysagère où elles apparaissent comme le seul référent architectural en dehors du château qu’elles dépassent par leurs proportions et leur régularité. L’audace du projet du duc de Bourbon et de son architecte conduit à penser qu’Aubert s’est plutôt inspiré des écuries du château de Maisons construites par François Mansart vers 165012, pour René de Longueil, premier président de la Cour des aides. Ces écuries, célébrées par la critique architecturale dès leur construction, font encore l’admiration de Dézallier d’Argenville un siècle plus tard. L’auteur les présente ainsi :
- 13 A.-N. Dézallier d’Argenville, Voyage pittoresque des environs de Paris, op. cit., p. 198.
Sur la gauche de la seconde [cour] à l’entrée de laquelle sont posés sur de grands piédestaux un Mars et une Minerve avec ses enfants et leurs attributs, s’élève un superbe bâtiment destiné aux écuries13.
- 14 J.-F. Blondel, Cours d’architecture, op. cit., t. II, p. 221.
6Jacques-François Blondel, quant à lui, mène tous les ans ses étudiants au château de Maisons et qualifie Mansart de « dieu de l’architecture14». La monumentalité des écuries de Maisons semble mieux convenir au dessein du prince bien que leur implantation à angle droit avec le corps de logis inscrivent le bâtiment dans un rapport de symétrie exclu à Chantilly. L’harmonie de la savante distribution des jardins de Le Nôtre, organisés autour de la grande terrasse de Chantilly, empêche qu’aucun bâtiment ne vienne détruire le fragile équilibre de la composition (ill. 105). La comparaison des deux bâtiments des Condé et des Longueuil met en lumière l’originalité du parti adopté par Aubert.
- 15 G. Poisson, « Recherche sur les écuries de Maisons », op. cit.
7Mansart établit le plan monumental des écuries de Maisons à partir d’un axe de symétrie marqué par un imposant pavillon qui abrite en son centre un manège couvert et sur la partie postérieure, formant une abside, un vaste abreuvoir, richement décoré, à la manière des grottes italiennes15. Aubert fonde également la grande nef des écuries de Chantilly sur la symétrie du dôme central qui, comme chez Mansart, abrite une luxueuse fontaine dont le décor luxuriant et naturaliste (pl. V) est dans le goût du temps. Mérigot la décrit ainsi :
- 16 J.-G. Mérigot, Promenade ou itinéraire des jardins de Chantilly, op. cit., p. 55.
Au-dessous de ce dôme, et en face de la principale porte d’entrée, est un renfoncement formant une grande arcade en cul-de-four, sous laquelle est une magnifique fontaine ou cascade. Un mascaron jette de l’eau dans la coquille ; elle retombe en nappe dans la seconde, qui la rend de même dans une grande cuvette ornée d’architecture, qui a dix-sept pieds de long sur neuf de large. Au milieu de cette cuvette on voit deux chevaux de plomb, grands comme nature : l’un semble boire dans la cuvette, et un enfant, de même métal, qui embouche une conque marine, est appuyé sur lui ; l’autre cheval semble boire dans une coquille que lui présente un autre enfant16.
8Ce riche décor sculpté annonce la volonté du commanditaire de faire visiter ce lieu prestigieux ; le journal de Jacques Toudouze, capitaine des chasses de Chantilly, indique par exemple à la date du 6 septembre 1748 que, lors des festivités données en l’honneur du retour à Chantilly du prince de Condé, il y eut, « après dîné, promenade aux écuries ». De même, à Maisons, les précieux ornements de la grotte prouvent que les écuries sont visitées par les maîtres.
- 17 Le plan anonyme des écuries de Maisons conservé à Stockholm (CC113) montre sept remises implantées (...)
9L’analyse des plans des deux ensembles de Maisons et de Chantilly montre une évolution de l’organisation des stalles, plus rationnelle chez Aubert. Les stalles s’organisent selon un plan complexe qui donne à penser que Mansart s’est inspiré de l’architecture romaine des basiliques et des thermes. Aubert, en revanche, s’il applique la symétrie à chacune des parties de l’édifice (les cours et les façades en particulier), ne respecte pas une régularité absolue dans le plan d’ensemble. Il intègre en effet au complexe des nouvelles écuries l’ancienne église paroissiale de Jules Hardouin-Mansart, légèrement désaxée (pl. V) par rapport aux nouveaux bâtiments. Les parties visibles par les hôtes du prince offrent une régularité qui masque l’asymétrie des bâtiments du côté du village. Tant à Maisons qu’à Chantilly, les architectes distribuent, derrière les façades monumentales, deux cours où sont disposées les remises17. Elles permettent d’évacuer le fumier et de limiter l’inconvénient du bruit, du passage et des odeurs. Aubert affecte la seconde cour au chenil, ouverte sur la pelouse. L’un des points communs aux plans des écuries de Chantilly et Versailles demeure l’ensemble des contraintes induites par l’irrégularité des parcelles sur lesquelles les bâtiments sont construits. Les deux architectes utilisent la formule bien connue de la rotule distributive afin de ménager les communications entre les différentes galeries des écuries à Versailles et dans le but de racheter l’angle peu harmonieux formé par le château et les écuries à Chantilly. Grâce à ce dispositif, le manège découvert présente une façade monumentale du côté du château et permet d’éviter les effets de l’asymétrie.
10Le soin apporté par les deux architectes aux façades latérales de leurs écuries constitue un point commun entre les écuries de Mansart et d’Aubert. En revanche, Hardouin-Mansart, à Versailles, limite la composition de la séquence d’accès du château à une vue frontale qui ne met en valeur que le logis royal, et la cour de marbre en particulier. À Maisons, les écuries, à cheval sur les fossés secs du château, attirent l’attention du visiteur par leurs proportions monumentales et offrent depuis les appartements une vue biaise. Elles reçoivent par conséquent le même décor de pilastres sur les trois façades côté cour. Les élévations des écuries de Chantilly forment, quant à elles, un paravent monumental à la ville qu’elles isolent visuellement du château. Chacune des trois façades principales des écuries de Chantilly reçoit un décor différent en rapport avec les différentes fonctions du complexe : l’art équestre du côté du manège (ill. 85), les écuries proprement dites ouvertes sur la pelouse (pl. V) et le chenil à l’est (ill. 82), dont il faut ici rappeler l’importance puisqu’il est le point de départ des meutes pour la chasse, comme le rappelle l’iconographie cynégétique de cette façade. L’orientation des écuries manifeste la volonté d’insérer les nouvelles écuries dans le tissu existant. Elles s’inscrivent sur un axe parallèle au canal Saint-Jean, qui apparaît sur les plans de Chantilly dès 1673 : il relie l’hôpital à l’église paroissiale et l’ancienne ferme de Bucamp (ill. 105).

Ill. 105.— Château de Chantilly, Mérigot, plan du domaine, gravure, publié dans Stanislas de Girardin, Promenades ou itinéraire des jardins de Chantilly, Paris, 1791, non paginé.
11Si l’ornement des façades à Chantilly renvoie au vocabulaire utilisé par Hardouin-Mansart (lignes de refend, arcades, comble brisé), Aubert surpasse délibérément l’œuvre de son prédécesseur par les proportions du bâtiment qu’il faut, là encore, ramener à celles de Maisons. Comme le remarque justement J.-F. Blondel dans son Cours d’architecture :
- 18 J.-F. Blondel, Cours d’architecture, op. cit., t. IV, p. 141.
Il semble même que Mansart pour porter à l’illusion a tenu exprès le module des bâtiments D, E [l’écurie et l’ébauche du bâtiment vis-à-vis], beaucoup plus fort que celui des ordres du château F, moyen qui, effectivement, fait paraître ce dernier dans un éloignement beaucoup plus considérable18.
- 19 A contrario, on peut estimer que l’exagération des proportions par le dessinateur sert à montrer l (...)
- 20 J.-P. Babelon, Chantilly, op. cit., p. 93.
- 21 L. Hautecœur, Histoire de l’architecture classique, op. cit., t. II**, p. 529-531.
- 22 Les baies à crossettes de l’orangerie de Chantilly présentent un couvrement à arc segmentaire sous (...)
12De la même manière, les proportions monumentales et harmonieuses des écuries de Chantilly viennent suppléer la silhouette irrégulière du vieux château en contrebas et fonctionnent comme le gigantesque point de mire du domaine, éclipsant le corps de logis. Une gravure de Pérelle montre bien l’effet produit par ce rapport des masses original entre les écuries et le château de Maisons, bien que la déformation de la gravure soit à prendre en compte19. La façade latérale à cheval sur les fossés secs du château offre comme à Chantilly une vue biaise depuis le corps de logis. De surcroît, la composition des deux façades répond au même schéma d’un imposant avant-corps central dont le comble se détache nettement du reste du bâtiment et auquel font écho les deux pavillons latéraux qui encadrent la composition. Cependant, le principe du rez-de-chaussée à arcades sous comble brisé relève d’un modèle de Jules Hardouin-Mansart expérimenté à Sceaux20, où l’on retrouve le même type de baies à double encadrement, au château du Val21 et à Chantilly où il réalise l’orangerie en 1683 (ill. 24). Ce dernier rapprochement semble d’ailleurs plus pertinent et montre la volonté d’Aubert d’assortir les baies des nouvelles écuries avec les parties les plus modernes du domaine22.
- 23 L. Hautecœur est à l’origine de ce rapprochement, Histoire de l’architecture classique, op. cit., (...)
- 24 E. de Croÿ, Journal, op. cit., t. I, p. 267. Cette description porte la date de 1751.
- 25 J.-A. Piganiol de la force, Description historique, op. cit., t. IX, voir annexe II-1.
13Cette surenchère sur le modèle versaillais atteint un point critique dans l’utilisation de motifs normalement réservés à l’architecture monumentale, telle l’archivolte sculptée du dôme central des écuries qui rappelle le tympan sculpté de Libéral Bruant pour la façade des Invalides23, voire la façade de François Mansart à la chapelle des Visitandines rue Saint-Antoine. L’infatuation du prince libère l’architecte des règles de la convenance, au grand dam du duc de Croÿ qui, en bon courtisan, dénonce l’outrance des écuries de Chantilly qu’il trouve « ridiculement belles et plus superbes qu’aucun château avec sa belle pelouse24 ». Lorsque ce dernier fait construire ses propres écuries à Condé-sur-l’Escaut, elles se cantonnent au rôle d’accompagnement du château, dans une composition centrée (ill. 76 et 77). Cette incompréhension des visées symboliques du bâtiment apparaît aussi chez Piganiol de La Force qui souligne dans un long développement « le défaut de sens et de raisonnement dans l’architecte qui l’a bâti25 » et plus loin, il ajoute :
- 26 Ibid., p. 81.
Quelle idée ridicule d’un architecte de perdre de vue son objet et rendre inutile un édifice de cette importance et qui a coûté plusieurs millions, pour en faire un spectacle vain et sans aucune utilité26 !
- 27 Ibid.
14L’auteur marque ainsi le paradoxe de cette architecture qu’il juge par ailleurs « remarquable par sa belle construction et sa décoration27 ».
- 28 Sur ce principe, voir W. Szambien, Symétrie. Goût. Caractère, op. cit., p. 169-173.
- 29 J.-F. Blondel, Cours d’architecture, op. cit., t. I, p. 391 : « [Le château de] Maisons, l’oranger (...)
- 30 Les colonnes toscanes de l’orangerie de Versailles répondent à ce que J.-F. Blondel définit comme (...)
- 31 J.-F. Blondel, Cours d’architecture, op. cit., t. II, p. 250. L’auteur suggère entre autres l’util (...)
- 32 L’auteur ne mentionne les écuries de Chantilly qu’une fois dans le Cours d’architecture, ibid., t. (...)
- 33 J.-F. Blondel, De la distribution des maisons de plaisance, op. cit., t. I, p. 139 : « On est ordi (...)
- 34 La situation des écuries, seules sur la pelouse, n’offre aucun rapport d’échelle alentour qui perm (...)
15La présence de colonnes et pilastres sur les façades de Chantilly et Maisons constitue un autre point commun entre les deux bâtiments. Les ordres superposés aux avant-corps des écuries de Maisons sont l’expression d’un décorum que la « convenance28 » interdit à Versailles, d’où ils sont absents tant sur le logis que sur ses communs. L’ordre ionique disposé tant sur les avant-corps que sur le manège pourrait apparaître comme une licence au regard des préceptes très stricts d’un Jacques-François Blondel par exemple. Les bâtiments qu’il loue « s’annoncent pour ce qu’ils sont29 » et les écuries de Versailles, pas plus que la cour de marbre, ne présentent d’ordre. Quant à l’orangerie, les colonnes toscanes qui ponctuent les avant-corps répondent à l’usage qu’on en fait ordinairement30. Or ici l’élévation des écuries signale une véritable maison de plaisance, telle qu’il la décrit dans son Cours31. Le silence de Blondel sur les écuries de Chantilly32 s’explique par le caractère hors normes de l’ouvrage et de son maître d’œuvre, ainsi qu’il le signale dans De la distribution des maisons de plaisance33. L’implantation du bâtiment, posé sur la pelouse, en fait une architecture irréelle, en l’absence de tout point de repère34, un mirage, et la convenance qui voudrait ici que les écuries s’harmonisent au château n’a pas lieu d’être en raison de l’éloignement de ce dernier.
16Le bâtiment d’Aubert met en scène ce qu’il faut considérer comme le « fait du prince », c’est-à-dire une volonté arbitraire du duc de Bourbon de surpasser tout ce que le monde connu peut offrir de plus luxueux, de plus grandiose pour des chevaux. À cet égard, l’indication donnée par Piganiol de la Force et reprise par Mérigot illustre cette ambition :
- 35 J.-A. Piganiol de la Force, Description historique, op. cit., t. IX, p. 81.
- 36 J.-G. Mérigot, Promenade ou itinéraire des jardins de Chantilly, op. cit., p. 53 à 59.
Cette écurie est située sur la pelouse de Chantilly, et d’alignement à la croisée du grand cabinet de l’appartement de S. A. S. monseigneur le prince de Condé, au petit château ; en sorte que, quand les portes des deux bouts sont ouvertes, on voit de ce cabinet, au travers de l’écurie, l’allée d’arbres qui est à côté du réservoir et qui est éloignée de deux cent vingt toises de cette écurie35.
La direction de ce long corps de bâtiment se trouve dans l’alignement de la croisée du grand cabinet du petit château, de sorte que quand les deux portes qui sont aux extrémités des écuries sont ouvertes, de la croisée de ce cabinet, la vue se dirige à travers la longueur de cet édifice, et se prolonge au-delà dans une allée qui est dans le même alignement, laquelle est à côté du réservoir, et qui est éloignée des écuries de deux cent vingt toises36.
- 37 Publiés par J. cordey, « Quelques vue inédites de Chantilly par Louis-Auguste Brun », GBA, 1931, p (...)
17Dès lors, l’implantation des écuries, arbitraire de prime abord, s’éclaire et confirme l’hypothèse de départ. Il s’agit de transformer un énorme bâtiment en boîte d’optique, c’est-à-dire de réduire — ou plutôt de transformer — les deux cents mètres de la façade côté pelouse à l’expression d’une architecture de fantaisie, telle qu’on la trouve par exemple dans les dessins d’Auguste Brun37 : le manège découvert. L’idée de transporter une architecture monumentale dans l’imaginaire du jardin est analogue à l’œuvre d’Hardouin-Mansart à Sceaux où l’architecte crée un effet semblable avec l’orangerie. Cette dernière, dont le luxe incite Seignelay à transformer le bâtiment en galerie de peinture, présente une longue façade de treize travées le long de l’avant-cour qui, si l’on en croit la gravure de Rigaud (ill. 26), se transforme du côté du parc en une fabrique entourée de berceaux d’arbres.
Les écuries d’un cadet : L’Isle-Adam
- 38 L.-F. de Bourbon-Conti, grand prieur du Temple, meurt à Paris le 2 août 1776.
- 39 P. Terver, Le Dernier Prince de Conti, op. cit., p. 109-110 ; F. Dassas, « La fortune des princes (...)
- 40 AN, Z1j1258 ; voir également J.-B. André, Chronologie, op. cit., annexe II-7.
- 41 M. Gallet, Les Architectes parisiens du xviiie siècle, op. cit., p. 23 ; É. Olivier-Valengin, « Le (...)
- 42 Ch. Morin, « Les Écuries du prince de Conti à L’Isle-Adam (1777) », op. cit.
- 43 G. Joudiou, « L’art des jardins chez Contant d’Ivry », dans D. Rabreau (dir.), Imaginaire et créat (...)
18À la mort de son père38, le comte de la Marche hérite de la seigneurie de L’Isle-Adam. Ce dernier, malgré les lourdes dettes de la succession du prince de Conti39 et en raison de l’état — menaçant ruine — du château, décide d’entreprendre d’importants travaux de restauration du vieux corps de logis40. Il fait appel à son architecte particulier Jean-Baptiste André41. Dans le cadre de cette vaste restructuration du domaine, le nouveau prince de Conti demande à son architecte de lui construire des écuries dignes à la fois de son rang et de sa passion pour la vénerie. André établit donc à partir de 1777 les plans des nouvelles écuries, implantées non pas sur le territoire de Parmain — sur la rive droite de l’Oise —, où se trouvaient les anciennes dépendances du château, mais du côté du bourg et de la paroisse de L’Isle-Adam (ill. 106). Le projet d’André répond parfaitement aux aspirations du maître d’ouvrage42. En effet, les plans de l’architecte donnent une ampleur nouvelle, monumentale au château qui désormais s’étend visuellement bien au-delà de l’île du Prieuré. Déjà, les travaux de Contant d’Ivry vers 1737-173843 ont consisté à agrandir le parc sur la rive en face du château et ainsi ouvrir la perspective axiale de la cour d’honneur auquel l’accès était rendu direct et privatif par l’érection d’un pont de bois, visible sur une gravure de Picquenot (ill. 15). Désormais, le château s’étend sur les deux rives et répond plastiquement à l’organisation traditionnelle entre cour (rive gauche avec les écuries) et jardin (le parc planté par Contant). La gravure d’André montre bien cette volonté. Malgré la maladresse du dessin, l’architecte exprime le rapport plastique entre le château restauré et les nouvelles écuries qui complètent l’ensemble du complexe : les deux exèdres limitées par des pavillons de trois travées viennent embrasser la façade du château.

Ill. 106.— Château de L’Isle-Adam, Jean-Baptiste André, plan d’ensemble du château et du village, gravure, publié dans Jean-Baptiste André, Chronologie, Paris, Richemont, 1809, gravure non paginée.
- 44 AN, NIII Seine-et-Oise 130, pièce 6.
19Sur le modèle versaillais, les bâtiments se répartissent sur une patte-d’oie dont les avenues s’étendent jusqu’à l’horizon. Ici, le prince de Conti n’hésite pas à racheter les terrains qui lui permettent de percer, dans l’axe du château, une grande avenue plantée de marronniers44 qui forme la troisième allée de la patte-d’oie. Ainsi, la vue depuis le château, vers la rive gauche — c’est-à-dire la façade arrière du logis —, donne-t-elle désormais sur les écuries et sur l’infini grâce aux nouvelles perspectives. Les bâtiments, séparés en leur milieu par l’allée des marronniers, présentent la forme de deux ailes concaves percées d’arcades pour les remises, flanquées de pavillons qui encadrent une vaste cour de forme trapézoïdale. À l’arrière de cette exèdre, deux bâtiments longitudinaux abritent les écuries proprement dites, ainsi isolées du logis.

Ill. 107.— Château de L’Isle-Adam, Jean-Baptiste André, vue de la cour des écuries, gravure, publié dans Jean-Baptiste André, Chronologie, Paris, Richemont, 1809, gravure non paginée.
- 45 Le nom du sculpteur est donné par J.-B. André dans le compte qu’il dresse de la construction des n (...)
- 46 AN, NII Seine-et-Oise 196.
- 47 É. Olivier-Valengin, « Le château des princes de Bourbon-Conti… », op. cit., p. 123.
20Ces éléments apparaissent comme autant de citations directes des écuries de Versailles, auxquelles s’ajoute un vocabulaire décoratif également emprunté à Jules Hardouin-Mansart. Face au château, l’élévation des ailes présente un registre d’arcades en plein cintre surmonté d’un étage attique et un décor de lignes de refend (ill. 107) déjà vues tant à l’orangerie de Sceaux qu’à celle de Versailles. Les pavillons de front qui à Versailles abritent les appartements du premier écuyer sont ici remplacés par l’infirmerie et plusieurs logements, mais présentent la même composition de trois travées sous arcades surmontées d’un attique. De surcroît, les pavillons arrière, dont la couverture en comble brisé fait encore référence à Versailles, présentent un riche décor sculpté par Moitte45 dans les impostes (ill. 108) des arcades. Leur composition répond par ses proportions au modèle de la travée axiale des grandes écuries de Versailles, où le portail monumental signale l’entrée du manège, encadré d’un décor de trophées. Les chevaux cabrés projetés dans les archivoltes des pavillons des écuries de L’Isle-Adam46, s’ils sont un emprunt à Chantilly, comme l’affirme Éline Olivier47, renvoient surtout directement au modèle d’Hardouin-Mansart, sculpté par François Girardon pour le roi (ill. 32).
- 48 P. Terver, Le Dernier Prince de Conti, op. cit., p. 17-18. Le prince de Conti refuse de signer la (...)
- 49 J.-F. de Neufforge, Recueil élémentaire d’architecture, op. cit., t. V, pl. 37.
- 50 J.-B. André, Chronologie, op. cit., pl. VIII : « Profil de l’entablement, avec astragale, frise, c (...)
21Si les Conti occupent un rang subalterne dans la succession au trône, ils n’en demeurent pas moins princes du sang et expriment par là le prestige de leur lignée. L’attachement aux plaisirs cynégétiques prend ici une dimension politique inattendue mais bien réelle pour ce prince qui n’a guère eu l’occasion de s’illustrer sur ce terrain, si ce n’est par une attitude conservatrice lors de la fronde parlementaire de 177148, favorable au gouvernement autoritaire de Louis XV. Pour les écuries du prince de Conti, opération de prestige avant tout, l’invention et la nouveauté s’avèrent moins prioritaires que la capacité de l’architecte à intégrer à sa composition les éléments marquants d’une tradition française et royale, tel le comble couvert d’ardoises ou la référence à un décor sculpté inspiré par Versailles. André ne néglige cependant pas la question de la modernité dans son projet. Ainsi, la composition des travées rythmiques dessinées par l’architecte n’est-elle pas sans rappeler les modèles gravés de Neufforge, promoteur et vulgarisateur du goût à la grecque qui, dans le cinquième volume de son Recueil élémentaire d’architecture (ill. 88), propose quatre types de « façades pour des écuries, granges, ou magasins, manèges couverts ou découverts49 ». L’utilisation par André des oculus entre les arcades surmontées d’une fenêtre attique rectangulaire, l’élévation couronnée d’un entablement marqué évoquent un mélange des deux premières propositions de la planche de Neufforge. La connaissance de cette planche limite le caractère d’invention pure du projet d’André. Cependant, il faut remarquer dans le détail de ces élévations un élément singulier, souligné par l’architecte lui-même dans sa publication50. Les modillons qui remplacent les plaques de mutules proposées par Neufforge pour l’entablement sont le seul détail de décoration gravé par André. Ce motif emprunte au triglyphe dorique ses deux canaux surmontés de besants et s’inscrit sur la frise. L’innovation n’a sans doute pas une importance capitale pour la compréhension du bâtiment mais montre que le cadre contraignant de la création architecturale des écuries princières laisse ici peu de liberté à l’architecte et impose, pour des raisons symboliques, un système de références précis.

Ill. 108.— Château de L’Isle-Adam, Jean-Baptiste André, projet pour l’élévation des pavillons des écuries, dessin AN Zij 1199.
Les écuries des ducs : les châteaux de Thouars, Bizy et La Roche-Guyon
- 51 N. Elias, La Société de cour, Paris, 1985, p. 74.
- 52 E. de Croÿ, Journal, op. cit., t. I, p. 213 : « Le roi aimait beaucoup les plans et le bâtiment. I (...)
- 53 Le roi visite Bizy lors de son voyage au Havre en 1749, P. de Nolhac, Louis XV et madame de Pompad (...)
- 54 On se souvient que la visite de Louis XIV le 17 août 1661 à Vaux avait conduit Fouquet à la disgrâ (...)
22Si la famille royale occupe dans la société française une place dominante, le système de la « société de cour » tel que le décrit Norbert Elias impose néanmoins une course effrénée des classes dominantes afin de ne pas être surclassées51. L’hommage du courtisan au roi apparaît, dans ce cadre, comme une nécessité qui se manifeste non seulement par une présence assidue à la cour, mais peut également figurer dans des bâtiments de prestige tels que les écuries par exemple. La passion de Louis XV pour l’architecture devient alors prétexte à la courtisanerie des grands seigneurs et l’on sait l’intérêt que le roi porte à la construction de l’Hermitage de Condé-sur-l’Escaut, relaté complaisamment par le duc de Croÿ52. Le roi manifeste également sa bienveillance par les visites qu’il rend lors de ses voyages et l’étape qu’il fait à Bizy sur la route du Havre en 174953 constitue la plus brillante revanche du comte de Belle-Isle, petit-fils de Fouquet54.
23Les écuries étudiées ici sont sans commune mesure, par leur ampleur, avec les chantiers étudiés précédemment, cependant elles montrent que toute la société de cour — quand elle le peut — se met au diapason du monarque. Ce dernier affiche un pouvoir absolu jusque dans les modes qu’il dicte à la cour. Il est le fer de lance des nouveautés, le point de mire d’une société héliotrope.

Ill. 109.— Château de Thouars, Robert de Cotte, projet d’écurie, (1724-1725), dessin (BNF Est., Va 429, Robert de Cotte 482).
Les écuries de Thouars
- 55 G. Vouhé, « les jardins du château de Thouars. Lemercier, Le Nôtre, Hardouin-Mansart, Gabriel et d (...)
- 56 Château de Serrant, AP1, dossier 446.
- 57 BNF Est., Va429, R de C. 481 et 482.
24Le château de Thouars est reconstruit en 1635 pour Marie de La Tour d’Auvergne, épouse d’Henri de La Trémoille55. Charles-Armand-René de La Trémoille, son descendant, réside à Versailles où ses fonctions de premier gentilhomme du roi le retiennent ; il demeure très attaché à l’antique fief de Thouars et continue les embellissements de son château. En 1724-172556, il décide de la transformation de ses écuries, dans l’avant-cour du château, et fait appel à Robert de Cotte, premier architecte du roi. Le nom même de l’architecte marque le prestige d’une telle opération, confirmé par les plans conservés de l’édifice57 (ill. 109). Les nouvelles écuries sont prévues pour cent-dix chevaux environ, ce qui représente un bâtiment considérable, de vingt-cinq toises de long sur vingt toises de large dans sa plus grande dimension. Au-delà de la monumentalité de l’édifice, c’est le plan de ces écuries qui révèle l’ambition du programme. En effet, le bâtiment montre une ressemblance frappante avec les projets de 1679 de Jules Hardouin-Mansart pour Versailles. Les bâtiments se répartissent autour d’une cour en trapèze, barrée en son centre par les deux ailes qui abritent les stalles. Le nouvel ensemble est tangent à l’avant-cour terminée par une exèdre. Ce schéma de composition correspond à celui des écuries de Versailles implantées autour de la patte-d’oie en bordure de la place d’armes. Selon une formule désormais classique, la cour principale des écuries est doublée sur l’arrière par une cour des fumiers qui offre un débouché direct sur le village.
- 58 G. Vouhé, « Robert de Cotte et les écuries du château de Thouars », Monuments et hauts lieux de l’ (...)
25Si les contraintes topographiques (le château est implanté au bord de la falaise) et du parcellaire (la présence de la ville limite le développement de l’avant-cour) ont pu obliger l’architecte à donner cette forme si caractéristique aux nouvelles écuries, la référence à Versailles est, sans doute, un argument de poids pour faire accepter un parti qui n’apparaît pourtant pas très heureux. L’implantation des écuries de manière asymétrique par rapport à l’avant-cour régulière du château nuit à la volonté de symétriser cette dernière et oblige l’architecte à dresser un mur afin de ne pas rompre l’harmonie de la séquence d’accès déjà altérée par la présence de la chapelle du château, conservée comme un témoin du passé gothique du fief58.
Les écuries de Bizy
- 59 J. de Viguerie, Histoire et dictionnaire, op. cit., p. 748.
- 60 G. Joudiou, « Pierre Contant d’Ivry », op. cit., p. 115-121.
- 61 Bibliothèque de l’Arsenal, portefeuille Bachaumont, mémoire anonyme, mss 4041, vers 1740, voir ann (...)
- 62 Ibid., f° 584.
26Le comte de Belle-Isle, petit-fils de l’intendant Fouquet, protégé de madame de Pompadour, obtient, grâce à cette dernière, le titre de duc et pair en 174859. Dès 1741 cependant, il envisage la reconstruction du marquisat de Bizy60. Un mémoire anonyme conservé à la bibliothèque de l’Arsenal61 montre quelles ont pu être les premières orientations suggérées au futur maréchal pour la construction de ses écuries. Les conseils qui lui sont prodigués concernent des aspects techniques de l’architecture, mais le mémoire commence par un appel pressant à se procurer les plans des écuries de Versailles, présentées comme un modèle absolu62. Ce rare exemple de témoignage sur la genèse d’un programme montre bien l’importance du modèle royal dans le milieu aristocratique et incite à analyser les projets de Contant d’Ivry à qui est confié le chantier.
Des projets inscrits dans l’architecture nationale
- 63 P. contant d’Ivry, Œuvres d’architecture, op. cit.
- 64 J.-F. de Neufforge, Recueil élémentaire d’architecture, op. cit.
- 65 Les deux sujets abordés par Contant sont les fontaines monumentales et les portails monumentaux (1 (...)
- 66 Selon G. Joudiou, « Pierre Contant d’Ivry », op. cit., p. 117, la construction des écuries intervi (...)
27Dans son recueil gravé Œuvres d’architecture, Contant publie plusieurs planches du portail des écuries de Bizy63. L’ouvrage n’est pas sans rappeler le Recueil élémentaire d’architecture64 de Jean-François de Neufforge dont la parution s’achève alors et que sans doute Contant connaît. En effet, les Œuvres d’architecture, à l’instar du Recueil de Neufforge, présente une série de variations sur le thème des portails et des fontaines monumentaux65, à partir d’un vocabulaire prédéfini qui permet d’identifier l’auteur et définit le goût du jour. Le caractère parfois répétitif des planches n’exclut pas l’invention et révèle les sources d’inspiration de l’architecte. En revanche, il apparaît assez difficile de se fier aux légendes données par Contant pour établir la chronologie des projets pour Bizy. Le volume semble plus destiné à montrer la virtuosité de l’architecte et fournir un recueil de modèles qu’à montrer l’évolution du projet destiné au comte de Belle-Isle. Ainsi, la planche L (ill. 87), intitulée Projet de la principale entrée des écuries et manège du château de Bizy suivant le premier projet qui en avait été proposé, montre des anachronismes qui rendent improbable la date suggérée par la légende, qu’il faudrait situer vers 174066. Le décor de cette grande porte se réfère en effet au registre du goût à la grecque par l’utilisation d’une agrafe ornée d’un drapé et de baies sur consoles surmontées de doucines empruntées au motif utilisé par Gabriel pour la place Louis XV. Seule la coquille placée dans l’imposte de la baie centrale fait référence à la rocaille, en vigueur jusqu’au milieu du xviiie siècle.
- 67 J.-F. Blondel, Cours d’architecture, op. cit., p. 389.
- 68 Ibid., p. 401-402.
- 69 Portefeuille Bachaumont, op. cit., f° 584 r°.
28L’analyse du registre décoratif de ces différentes planches révèle l’intention de l’architecte d’offrir des projets qui répondent au critère de « convenance67», au « caractère libre68» définis par Blondel pour ce type de programmes, mais au-delà, la fonction de ces projets consiste à présenter au public une architecture de type royal, c’est-à-dire faisant appel aux différents ressorts d’une architecture nationale, dont le décor rappelle immédiatement les grands chefs-d’œuvre de l’art français. Ainsi, au-delà d’emprunts à la place Louis XV, alors en construction, Contant utilise systématiquement des bossages dans lesquels il ne faut pas voir une influence transalpine mais bien une tradition hexagonale. Si la présence du bossage rustique, utilisé par Serlio à la porte de l’hôtel du Grand Ferrare à Fontainebleau notamment, transpire dans les planches XXVII ou XXVIII (ill. 110), le bossage vermiculé un sur deux évoque plutôt l’architecture de Philibert de L’Orme pour les Tuileries et une tradition nationale. Contant, par là, se conforme au mémoire de la bibliothèque de l’Arsenal, qui conseille les modèles de Goujon et Delorme69.

Ill. 110.— Pierre Contant d’Ivry, projet de porte d’écurie, gravure, publiée dans Œuvres d’architecture de Contant d’Ivry, Paris, Huquier, 1769, pl. 27.
- 70 Char antique mené par trois chevaux de front.
- 71 Char antique mené par deux chevaux de front.
29Par ailleurs, l’iconographie qui complète le décor de ces portes monumentales ne laisse aucun doute sur l’ambition de Contant. Les différents projets pour Bizy présentent des fleurs de lys associées, dans la frise dorique de la planche L (ill. 87), au fameux écureuil héraldique de Fouquet ou les fait alterner dans le bossage de l’archivolte de l’entrée d’un manège (pl. XXV). Par ailleurs, l’architecte crée des modèles de hauts-reliefs inspirés par l’iconographie des petites écuries de Versailles où, dans l’archivolte, un cocher mène un trige70 de chevaux cabrés. La planche XLVII présente ainsi un bige71 avec ses deux chevaux cabrés et le cocher debout sur son char, librement inspiré par ce modèle. Un autre exemple de ce type de création apparaît dans les planches XXV, XXVII, XXVIII, XXXV, XLIII ; il s’agit d’un cheval cabré, en haut relief, qui n’est pas sans rappeler les chevaux de Coustou pour Marly avec leurs peaux de bête sur le dos. Ces citations plus ou moins explicites révèlent la nécessité pour ce type de programme monumental d’utiliser des sources bien connues, plus à même de frapper le spectateur et donc de mettre en valeur le propriétaire. Tous ces éléments montrent le caractère public de tels bâtiments, envisagés par les maîtres d’ouvrage comme des opérations de prestige, et la création de motifs inspirés de modèles célèbres marque la signature de l’architecte.
30Dans le cas précis des écuries de Bizy, il faut aussi voir un souvenir et une revanche du comte de Belle-Isle dont le grand-père, commanditaire de Vaux-le-Vicomte, dut subir les foudres de Louis XIV, mais également, et cette dimension est à prendre en considération pour expliquer la veine créatrice de l’architecte, un hommage à Le Vau, visible dans l’utilisation du bossage rustique, employé à Vaux en particulier à l’avant-corps central du corps de logis. Ce double souvenir du commanditaire et de l’architecte, le lien historique qui les lie au roi montrent l’importance symbolique du chantier et en expliquent l’ampleur.
Une réalisation sur mesure
- 72 Ce bâtiment a aujourd’hui disparu, remplacé par le château actuel construit sous Louis-Philippe. L (...)
- 73 Rapprochement fait avant nous par L. Hautecœur, Histoire de l’architecture classique, op. cit., t. (...)
31L’ensemble de la basse-cour qui subsiste aujourd’hui apparaît très transformé et, pour une large partie, reconstruit au xixe siècle, en particulier les bâtiments bas des deux côtés de la cour et la façade arrière du bâtiment central des écuries. Cependant, le caractère scénographique de l’ensemble demeure, ainsi que le plan-masse dans ses grandes lignes. L’implantation du complexe des écuries, commun, orangerie, etc., en avant à la gauche du château, sur un talus, met particulièrement en valeur les bâtiments de basse-cour qui dominent les vertugadins de la cour d’honneur. La cour des écuries est fermée par un bâtiment monumental, transformé en logis dans l’attente de la reconstruction de l’ancien château vétuste, flanqué de deux rotondes et marqué en son centre par un portail monumental en forme d’arc de triomphe encadré de pilastres doriques colossaux, souligné par une toiture en pavillon72. Cette situation particulière des écuries ne répond pas à la lettre au modèle versaillais mais la volonté de mise en scène d’un bâtiment d’écurie monumental n’est pas sans rappeler Chantilly, auquel Contant emprunte d’ailleurs l’idée d’une archivolte grandiose pour marquer le point de symétrie du complexe, souligné par un dôme à pans, sur la partie arrière de la cour73.
- 74 Les toitures soulignent les articulations des différents corps de bâtiment. Le modèle du plan mass (...)
- 75 L’actuel château, construit durant la seconde moitié du xixe siècle, se situe à l’emplacement de l (...)
- 76 Portefeuille Bachaumont, op. cit., f° 589 : « Les plans des écuries de Chantilly sont gravés et se (...)
32La façade monumentale qui fermait la basse-cour du côté de la cour d’honneur, rythmée par un registre d’arcades en plein cintre soulignées par une ligne d’impostes et timbrées de mascarons, rappelle en revanche plus directement Versailles. L’utilisation de toitures indépendantes pour chaque partie de ce bâtiment reprend une formule alors assez en vogue74, issue de la tradition française magnifiée par Mansart à Maisons notamment. Cette solution atténuée à Versailles permet de souligner par des ressauts de la toiture les articulations du bâtiment et met en valeur chaque membre d’architecture. Ici, les deux pavillons abritent à gauche la chapelle et à droite la bibliothèque. Le reste de ce corps de bâtiment abritait provisoirement les appartements, dans l’attente de la construction du nouveau château jamais réalisé75. La silhouette générale de cette longue façade, rythmée par trois avant-corps, dont le pavillon central, à pans coupés, domine l’ensemble de la composition, est une évocation directe des écuries d’Aubert pour Chantilly. Cette référence apparaît d’ailleurs dans le mémoire de la bibliothèque de l’Arsenal76, qui donne les références du libraire chez lequel le comte de Belle-Isle peut se procurer les plans des écuries de Chantilly. Cette attention particulière à trouver des modèles montre les enjeux d’une telle construction ; les citations monumentales sont ainsi partie intégrante du programme et soulignent les ambitions du maître d’ouvrage.
- 77 Ibid., f° 591 r° : « Pourquoi ne pas faire les quatre corps de bâtiment d’une décoration pareille (...)
- 78 P. Contant d’Ivry, Œuvres d’architecture, op. cit.
- 79 Parmi ces objets, on reconnaît un râteau, une corbeille, une fourche entourés de fleurs.
- 80 Portefeuille Bachaumont, op. cit., f° 591.
33La façade sur la cour d’honneur franchie, le visiteur pénètre dans la basse-cour qu’embrassent les bâtiments de communs. Le mémoire recommande de reconstruire entièrement à neuf les anciens bâtiments afin d’obtenir une ordonnance régulière77, cependant l’ensemble de la cour est dominé par le bâtiment des écuries proprement dites qui occupe le fond de la cour et apparaît comme le point d’orgue de la composition. Il présente de nouveau un portail monumental encadré de dix travées soulignées par des chaînes à refend. Chacune de ces ailes est percée en son centre d’une porte rectangulaire. Le portail offre, au-dessus d’une baie rectangulaire, une grande archivolte qui déborde sur le toit en dôme carré, ornée de deux chevaux cabrés à mi-corps sur le modèle de ceux gravés par l’architecte dans les Œuvres d’architecture78. Ils soutiennent une horloge encadrée d’objets agrestes79. Le grand portail encadre la vue d’une fontaine dans laquelle aboutissent les eaux d’une grande cascade qui dévale la pente de la colline à laquelle la basse-cour tourne le dos. Cette mise en scène de l’axe de symétrie depuis le sommet de la colline jusqu’à la façade d’accès de la basse-cour, relayé par un luxueux pédiluve en son centre, rappelle très clairement le grand modèle de Marly, où l’abreuvoir monumental et la cascade encadrent la grande perspective axiale du domaine. La façade arrière des écuries, qui présente une ordonnance brique et pierre, est le résultat de transformations tardives, comme en témoigne l’agencement des ouvertures, et devait présenter le même appareillage de pierre calcaire que la façade opposée. L’emploi de la pierre appareillée montre ici le caractère ostentatoire de ce bâtiment de communs pour lequel la mise en œuvre du moellon enduit eût suffit ; quant à la façade arrière, si son appareil de brique reprend bien celui voulu par Contant, il s’agit d’une citation plus évidente encore des écuries de Versailles qui, dans les cours et pour les élévations latérales, utilisent un parement brique et pierre. Ceci souligne la fonction ambivalente de la basse-cour, envisagée à la fois comme un espace de service qui abrite les cuisines, le commun et les écuries en même temps qu’elle se veut un morceau de bravoure architecturale. D’ailleurs, le mémoire de la bibliothèque de l’Arsenal n’attire-t-il pas l’attention du comte de Belle-Isle sur la nécessité de satisfaire les « yeux du connaisseur80 » ?
- 81 G. Joudiou, « Pierre Contant d’Ivry », op. cit., p. 115.
- 82 G. Joudiou, « L’Art des jardins chez Contant d’Ivry », op. cit., p. 153-154.
34À cet égard, il faut se souvenir que le grand projet de Contant envisageait la construction d’un nouveau château, dans l’axe de la cour d’honneur, perpendiculairement à la basse-cour. Ce dernier devait remplacer une construction ancienne, parfois attribuée, sans preuve toutefois, à Blondel81, dont nous n’avons pas retrouvé l’illustration. L’analyse du domaine de Bizy doit être envisagée dans toute sa complexité et la lecture du plan du parc conduite par Gabrielle Joudiou82 souligne la grande diversité des aménagements décidés par le maréchal de Belle-Isle, qui comptait recréer à Bizy un nouveau fief, synonyme du prestige retrouvé de sa lignée, les attendus symboliques du nouvel ensemble devant être révélés au roi en personne lors de sa visite de septembre 1749.
Le cas de La Roche-Guyon (1745-1747)
- 83 AD Val-d’Oise 10J 456, voir annexe III-9.
- 84 M. Le Tellier, fille de Louvois, meurt en 1735. Pour les notices biographiques des ducs de La Roch (...)
- 85 A. de La Rochefoucauld (1690-1762).
35La reconstruction de la cour haute constitue la première phase de la modernisation du château de La Roche-Guyon. Commencé en 172583 par François, quatrième duc de La Rochefoucauld, le chantier se prolonge jusqu’en 1739. Ce processus, engagé par le duc, poursuivi par sa veuve84 après 1728 et achevé, pour la cour des écuries, par son fils85, est à mettre en parallèle avec la démarche des princes de Condé à Chantilly. Les deux domaines incarnent chacun la noblesse de familles illustres. Les travaux de modernisation de ces logis sont destinés à améliorer le confort et renforcer le prestige de ces lignées par la transformation d’architectures médiévales irrégulières en châteaux modernes.
- 86 G. Daufresne, « Les comptes des châtelains… », op. cit., p. 35, propose un aperçu de l’évolution d (...)
- 87 Lassurance utilise ce type de composition entre autres pour la façade sur jardin de l’hôtel de Soy (...)
- 88 AD Val-d’Oise, 10J ; É. Rousse, La Roche-Guyon, châtelains, château et bourg, Paris, 1892.
- 89 Le pavillon droit de la cour abrite l’audience et la prison.
36Louis De Villars, l’architecte de la maison de La Rochefoucauld, dessine les plans de ces nouveaux aménagements destinés à donner une allure moderne et symétrique à la basse-cour, puis à la cour des écuries. Il intègre les bâtiments anciens dans la nouvelle composition, met au goût du jour certaines parties du vieux château86 et souligne par une entrée monumentale l’axe longitudinal du complexe du corps de logis. La cour en U, face à la nouvelle entrée, flanquée de deux pavillons carrés, est adossée dans sa partie gauche à la falaise. Élevé d’un étage, le nouveau bâtiment s’organise autour d’un axe de symétrie souligné par un avant-corps couvert d’un dôme carré sommé d’un lanternon (ill. 54). La façade du fond de la cour se compose au rez-de-chaussée d’un registre de six arcades groupées selon un rythme ternaire, rythmé au centre et aux extrémités par trois portes-fenêtres. L’agencement des baies, particulièrement soigné sur cette façade, met en valeur le caractère régulier et moderne du nouvel ensemble. Les deux baies rectangulaires, percées au premier étage, dans l’avant-corps central sous un fronton triangulaire, encadrent une baie plus importante, couverte en plein cintre, qui souligne l’axe médian de l’ensemble selon une formule largement répandue dans l’architecture des hôtels particuliers parisiens de l’époque87. Cette grande baie en plein cintre répond à l’aménagement de la nouvelle séquence d’accès au corps de logis achevée en 1733 selon une quittance au sculpteur Jamay88. Villars offre ici une solution originale et plaque sur le pignon de l’ancien logis une façade monumentale sur trois niveaux, encadrée de pilastres. La fenêtre du second étage, couverte en plein cintre, fait écho à celle du pavillon en vis-à-vis et souligne l’axe de composition longitudinal de la cour qui part du haut de l’escalier d’honneur et s’achève sur le clocher de l’église paroissiale qui émerge au-dessus du bâtiment du fond de la basse-cour (ill. 54). Elle renforce la dignité du lieu, l’inscrivant dans la tradition de l’architecture nationale. La solennité de cette architecture répond aux fonctions d’une partie des bâtiments dévolue à la justice seigneuriale89.
- 90 Plan et élévation des nouvelles remises, 1724, AD Val-d’Oise, 10J 455.
- 91 AD Val-d’Oise, 10J 480, 22 mars 1744.
- 92 Il apparaît en effet assez curieux qu’un projet non réalisé figure sur un terrier qui par définiti (...)
- 93 Atlas terrier de la seigneurie de La Roche-Guyon, 1745, AD Val-d’Oise, 51Fi 144/1, pl. 5.
- 94 Hubert Robert, Vue du château de La Roche-Guyon, H/t : 195 x 276 cm, ancien archevêché de Rouen, s (...)
- 95 G. Daufresne, « Les comptes des châtelains… », op. cit., p. 35.
37La première campagne de travaux intéresse également la cour basse des écuries, en contrebas du logis, alors entourée de fossés et de murailles défensives (pl. IX). Louis De Villars dessine huit nouvelles remises adossées au soubassement de la façade sud du corps de logis90. Les murs de séparation de chacune d’elles font office de contrebutement et soutiennent la haute façade du corps de logis. Ces remises sont couvertes d’un toit brisé, percé de huit lucarnes qui éclairent le comble destiné au fourrage. Cette première étape est sans doute à l’origine de la restructuration complète de la cour des écuries entreprise par Alexandre de La Rochefoucauld, toujours sous la direction de Louis De Villars vingt ans plus tard91. En effet, dans le nouveau projet de l’architecte, le rythme des ouvertures régulières des remises s’étend à l’ensemble de la cour (ill. iii). Ce projet, curieusement92 reproduit sur le terrier du domaine de La Roche-Guyon de 174593 (ill. 7), montre l’ambition de l’architecte d’intégrer intimement la façade sud du vieux corps de logis à la nouvelle cour des écuries. L’enjeu de la création de De Villars consiste à présenter plastiquement les deux bâtiments parallèles comme les ailes de communs bordant la cour d’honneur d’un château régulier, selon le schéma traditionnel. Cet effet est renforcé ici par la création au centre du côté libre de la cour d’une entrée monumentale soulignée par quatre piles autour du portail. La topographie accidentée du site confère au corps de logis un caractère dominant qui sied au château seigneurial, souligné par les bâtiments bas prévus pour abriter à gauche les écuries et à droite une orangerie. Cette mise en scène du château montre la volonté d’afficher un pouvoir moderne sous la figure tutélaire du vieux donjon qui domine la falaise, comme le souligne un tableau d’Hubert Robert de 179294. Le projet initial ne connaît qu’une réalisation partielle, non pour des raisons économiques, puisque les travaux continuent et que le pavillon De Villars est construit en 1749-175095, mais plutôt parce que les effets plastiques produits par la composition ne correspondent pas assez à la topographie. En effet, la belle composition de De Villars n’est visible que depuis la rive droite de la Seine. Or, la route principale passe au pied du château et le manque de recul prive donc le voyageur des effets de symétrie recherchés. Par ailleurs, le bâtiment d’orangerie projeté masque les écuries et ne répond pas aux nécessités de la commodité puisque cette fonction est déjà assurée dans la cour haute. Le parti retenu pour l’aile symétrique des écuries (le pavillon De Villars) permet de dégager la vue sur le nouveau bâtiment, depuis la grille d’entrée implantée dans l’angle sud-est de la cour. L’ordonnance des hautes arcades, soulignées par une ligne d’imposte, scande l’élévation de la cour, selon un rythme et une ordonnance tout versaillais. Seules les clefs saillantes des archivoltes diffèrent du grand modèle. De Villars réemploie les remises construites en 1724 qu’il rehausse d’archivoltes qui désormais soutiennent une terrasse le long du corps de logis. Elle procure aux hôtes du château une vue étendue sur le potager et plus loin la Seine en même temps qu’elle unit de façon intime le corps de logis et la cour des écuries. Cette dernière, visible depuis le chemin de Paris grâce aux fossés transformés en sauts-de-loup, est fermée par une grille de serrurerie timbrée des armes des La Rochefoucauld posée en 1745.

Ill. iii.— Château de La Roche-Guyon, cour des écuries, vue de l’angle des remises et du pavillon de Villars [Louis de Villars, 1742-1745], cliché de l’auteur.
- 96 Les deux dômes restaurés après la Seconde Guerre mondiale ont perdu leurs égouts retroussés, ce qu (...)
- 97 À ce sujet, voir É. Rousse, La Roche-Guyon, op. cit., p. 267 et suivantes.
38Depuis la grille, le spectateur embrasse tout le bâtiment des écuries dans une vue biaise qui permet en outre de voir la continuité des arcades des remises envisagées comme le socle du château (ill. 80). La régularité des arcades met en valeur l’avant-corps central des écuries, souligné par un dôme carré, en écho avec celui de la cour haute96. L’avant-corps se démarque du reste de la composition par une ordonnance de pilastres toscans, à bossage un sur deux, qui soutiennent une grande archivolte timbrée d’un bas-relief (ill. 112). L’utilisation de l’ordre renvoie directement à la grande tradition de l’architecture française des portes monumentales royales telle que l’on peut l’observer sur le pavillon d’entrée du palais du Luxembourg, mais également à l’orangerie de Versailles. L’influence de ce « style royal », clairement affirmé, est encore soulignée par le bas-relief dû à Jamay, dont le modèle est l’un des Dioscure de Coustou, installé depuis peu à Marly. Cette référence peut être interprétée comme une forme d’allégeance au roi, alors que le duc de La Rochefoucauld vient d’être exilé sur ses terres après la maladie de Metz97, mais inscrit le chantier dans l’actualité des arts.
39Au travers des exemples étudiés ici apparaissent plusieurs raisons de l’utilisation des grands modèles royaux et, si la quête de prestige du propriétaire demeure la plus évidente, la personnalité et la formation des architectes, leur culture sont autant de facteurs qui doivent être pris en considération, particulièrement dans le cas d’opérations d’envergure comme la construction d’écuries monumentales. L’importance des sommes mises en jeu dans ces constructions et, par là, la fortune de leurs commanditaires sont proportionnelles à l’évidence de la référence royale. Chantilly, où le prince de Condé engloutit plusieurs millions de livres, peut plus aisément prendre un « air versaillais » que les écuries plus modestes du duc de La Roche-Guyon. Dans ce dernier cas, l’architecte procède, pour ainsi dire, par litote et s’attache plus à des éléments de décor ou aux formes architecturales afin de faire valoir à moindres frais la citation des grands modèles. Cependant, l’utilisation de matériaux luxueux, pierre de taille et ardoises, de formules onéreuses, comme la voûte de pierre pour couvrir les écuries, témoigne à elle seule de la volonté d’exprimer le luxe versaillais. Ces matériaux utilisés par Jules Hardouin-Mansart contrastent avec le reste de la ville de Versailles où l’architecture brique et pierre est imposée pour toutes les constructions. Cette mise en valeur par les matériaux de la blancheur éclatante des écuries souligne le caractère prestigieux et monumental de l’édifice. Ce dialogue des matériaux s’étend également au château lui-même dans un rapport de modernité et de rationalité des écuries, face au logis du roi tentaculaire.

Ill. 112.— Château de La Roche-Guyon, archivolte des écuries [Jamay, 1742-1745], cliché de l’auteur.
- 98 L. Hautecœur, « Le plan en X. À propos d’un projet de Boffrand », Archives de l’art français, 1959 (...)
40Le choix de Jean-François de Neufforge d’utiliser les écuries pour exprimer sa vision d’une architecture expressive et utopique procède de l’imitation de l’archétype versaillais. Contrairement aux programmes d’habitation par exemple, les écuries laissent une entière liberté à l’architecte pour distribuer ses bâtiments. De surcroît, la monumentalité des grands vaisseaux des écuries de Versailles est unique dans l’architecture civile de l’Ancien Régime et l’on comprend qu’elle ait inspiré le génie créatif de J.-F. de Neufforge. Le plan presque anthropomorphe qu’il propose dans la planche CCXCVIII (ill. 113) de son Recueil d’architecture témoigne de la libre inspiration des plans de Jules Hardouin-Mansart. Neufforge reprend le motif de l’exèdre des écuries de Versailles que l’auteur multiplie et accole dans un plan centré autour d’un vaste manège circulaire. Cette forme est prétexte à jouer sur les courbes et contre-courbes, et l’utilisation des écuries doubles, du manège circulaire au cœur même du dispositif témoigne d’une inspiration versaillaise. Quant au projet de la planche CCXCIX (ill. 114) dans lequel de Neufforge utilise le plan en X, on peut penser qu’il s’inspire des projets de Boffrand pour le château de la Malgrange98 que l’architecte publie dès 1745 dans son Livre d’architecture, et que Neufforge ne peut pas ignorer. À ce jour, l’absence de recherche biographique précise sur cet auteur oblige à rester circonspect quant à l’appréciation de l’œuvre de Neufforge. Il est tentant cependant de rapprocher ce plan d’un projet de l’agence de Robert de Cotte, daté de 1729, pour le château de Compiègne, sur lequel apparaît une synthèse inédite du plan en X et des écuries de Versailles (ill. 115). L’auteur de ce projet tente de créer un nouveau modèle de château, fondé sur l’association paradoxale d’un plan axé et d’un plan centré. Il reprend le système traditionnel de la séquence d’accès, composée de la cour d’honneur précédée de fossés et encadrée de bâtiments de communs. Il joint à cet ensemble un vaste corps de logis isolé en croix de Saint-André. En avant de la cour d’honneur, l’architecte dispose deux vastes ensembles d’écuries en U, hérissés d’ailes rayonnantes vers l’arrière qui sont une citation directe de Versailles. Ce plan très original n’est pas dépourvu de maladresses. Les deux ailes du corps de logis tournées vers la cour d’honneur butent sur les bâtiments des deux cours de communs qui ne peuvent rien offrir d’agréable à la vue, et le plan centré du château s’intègre mal à la composition. Enfin, contrairement à Versailles, on ne peut embrasser la vue des cours des écuries depuis le corps de logis à cause de la présence trop rapprochée des ailes de communs. Ce projet montre la permanence des modèles royaux louis-quatorziens dans l’agence des bâtiments du roi, la volonté apparente d’utiliser des formes facilement reconnaissables, mais révèle surtout la volonté de renouveler la conception ancienne du logis par l’adoption d’un plan moderne centré.

Ill. 113.— Jean-François de Neufforge, plan d’un projet d’écurie, gravure, publié dans Recueil élémentaire d’architecture, Paris, Chariot d’or, 1757-1765, t. II, pl. 298.

Ill. 114.— Jean-François de Neufforge, plan d’un projet d’écurie, gravure, publié dans Recueil élémentaire d’architecture, Paris, Chariot d’or, 1757-1765, t. II, pl. 299.
Notes
1 Xénophon, Traité de la chasse, Paris, 1838, chap. 1-17.
2 Cité par J. de Viguerie, Histoire et dictionnaire, op. cit., p. 921. Voir également Ph. Salvadori, La Chasse sous l’Ancien Régime, Paris, 1996, première partie.
3 La charge de grand veneur fut achetée par le comte de Toulouse à François, troisième duc de La Rochefoucauld, en 1714. J. Duma, « Les écuries des Bourbon-Penthièvre au xviiie siècle », dans D. Roche (dir.), Les Écuries royales, op. cit., p. 120.
4 Si l’on en croit Saint-Simon, il effectue un retrait opportun en mars 1721 de vingt-cinq millions de livres. Cité par E. Faure, La Banqueroute de Law, Paris, 1977, p. 280.
5 Louis II de Bourbon-Condé (1668-1710).
6 M. Gallet, Les Architectes parisiens du xviiie siècle, op. cit., p. 32.
7 D. Massounie, L’Architecture des écuries royales, op. cit., p. 23-60.
8 Louis XIV inaugura l’orangerie de Sceaux lors de la visite qu’il rendit au marquis de Seignelay le 16 juillet 1685, mentionné par le marquis de Sourches, Mémoires secrets et inédits de la cour de France sur la fin du règne de Louis XIV, Paris, 1836, t. II, p. 269.
9 L’orangerie détruite de Chantilly prenait place face au petit château. La date de construction est donnée par un dessin de l’agence Mansart, 1er janvier 1683, BNF Est. Va60 vol. 12, mic. H140771 (fonds R. de Cotte).
10 Les influences reconnues par les auteurs sont les suivantes : L. Hautecœur, Histoire de l’architecture classique, op. cit., t. III, p. 18, évoque la voûte de l’orangerie de Versailles et les écuries de Chaumont-Laguiche ; J.-M. Pérouse de Montclos, Histoire de l’architecture française, op. cit., p. 331, affirme la filiation avec les écuries de Versailles ; et J.-P. Babelon, Chantilly, op. cit., p. 123, rapproche l’édifice de Versailles, tout comme E. de Ganay, Chantilly au xviiie siècle, Paris, 1925, p. 33.
11 C.-M. Dugas, « À la cour des Condé : Messieurs les pages », op. cit., p. 12-13.
12 G. Poisson, « Recherche sur les écuries de Maisons », BSHAF, 1980, publié en 1982, p. 81-92 ; C. Mignot, « Le château de Maisons 1641-1650/1658 et 1660 », dans J.-P. Babelon et C. Mignot, François Mansart, op. cit., p. 175-179.
13 A.-N. Dézallier d’Argenville, Voyage pittoresque des environs de Paris, op. cit., p. 198.
14 J.-F. Blondel, Cours d’architecture, op. cit., t. II, p. 221.
15 G. Poisson, « Recherche sur les écuries de Maisons », op. cit.
16 J.-G. Mérigot, Promenade ou itinéraire des jardins de Chantilly, op. cit., p. 55.
17 Le plan anonyme des écuries de Maisons conservé à Stockholm (CC113) montre sept remises implantées à la périphérie des cours.
18 J.-F. Blondel, Cours d’architecture, op. cit., t. IV, p. 141.
19 A contrario, on peut estimer que l’exagération des proportions par le dessinateur sert à montrer l’effet voulu par l’architecte. Voir J.-P. Babelon et C. Mignot, François Mansart. Le génie de l’architecture, op. cit., p. 178 ; BNF Est., Va78 fol., t. IV, B7293.
20 J.-P. Babelon, Chantilly, op. cit., p. 93.
21 L. Hautecœur, Histoire de l’architecture classique, op. cit., t. II**, p. 529-531.
22 Les baies à crossettes de l’orangerie de Chantilly présentent un couvrement à arc segmentaire sous arcades.
23 L. Hautecœur est à l’origine de ce rapprochement, Histoire de l’architecture classique, op. cit., t. III, p. 18.
24 E. de Croÿ, Journal, op. cit., t. I, p. 267. Cette description porte la date de 1751.
25 J.-A. Piganiol de la force, Description historique, op. cit., t. IX, voir annexe II-1.
26 Ibid., p. 81.
27 Ibid.
28 Sur ce principe, voir W. Szambien, Symétrie. Goût. Caractère, op. cit., p. 169-173.
29 J.-F. Blondel, Cours d’architecture, op. cit., t. I, p. 391 : « [Le château de] Maisons, l’orangerie de Versailles, les écuries du même palais s’annoncent pour ce qu’ils sont ; ils présentent chacun séparément cet esprit de convenance que nous recommandons et assurent à nos architectes français cette réputation accordée à si juste titre à ceux de la Grèce et de l’ancienne Rome qui sont parvenus à se faire admirer et imiter, parce que leurs productions étaient vraies. »
30 Les colonnes toscanes de l’orangerie de Versailles répondent à ce que J.-F. Blondel définit comme une architecture « mâle et ferme », Cours d’architecture, op. cit., p. 417 ; p. 217 : « L’ordre toscan s’emploie ordinairement dans l’architecture militaire, pour la décoration des portes de ville, des arsenaux, des casernes, etc., dans l’architecture civile pour la décoration des grottes, des fontaines, des orangeries, des basses-cours, etc. »
31 J.-F. Blondel, Cours d’architecture, op. cit., t. II, p. 250. L’auteur suggère entre autres l’utilisation de l’ordre ionique en façade.
32 L’auteur ne mentionne les écuries de Chantilly qu’une fois dans le Cours d’architecture, ibid., t. I, p. 318, pour louer l’amortissement du manège.
33 J.-F. Blondel, De la distribution des maisons de plaisance, op. cit., t. I, p. 139 : « On est ordinairement peu jaloux de la décoration de ces sortes de bâtiments, à moins qu’ils ne se trouvent en vue comme celui-ci ou qu’ils ne soient d’une grandeur extraordinaire, ainsi que ceux qu’on construit dans les palais des princes et qu’on voit à Versailles, à Chantilly, etc. »
34 La situation des écuries, seules sur la pelouse, n’offre aucun rapport d’échelle alentour qui permette d’en définir, au premier coup d’œil, les dimensions.
35 J.-A. Piganiol de la Force, Description historique, op. cit., t. IX, p. 81.
36 J.-G. Mérigot, Promenade ou itinéraire des jardins de Chantilly, op. cit., p. 53 à 59.
37 Publiés par J. cordey, « Quelques vue inédites de Chantilly par Louis-Auguste Brun », GBA, 1931, p. 305-312.
38 L.-F. de Bourbon-Conti, grand prieur du Temple, meurt à Paris le 2 août 1776.
39 P. Terver, Le Dernier Prince de Conti, op. cit., p. 109-110 ; F. Dassas, « La fortune des princes de Conti au xviiie siècle », Les Trésors des princes, op. cit. ; F.-C. Mougel, « La fortune des princes de Bourbon-Conti : revenu et gestion 1655-1791 », Revue d’histoire moderne et contemporaine, n° 18, 1971, p. 30-49.
40 AN, Z1j1258 ; voir également J.-B. André, Chronologie, op. cit., annexe II-7.
41 M. Gallet, Les Architectes parisiens du xviiie siècle, op. cit., p. 23 ; É. Olivier-Valengin, « Le château des princes de Bourbon-Conti à L’Isle-Adam », op. cit., p. 118.
42 Ch. Morin, « Les Écuries du prince de Conti à L’Isle-Adam (1777) », op. cit.
43 G. Joudiou, « L’art des jardins chez Contant d’Ivry », dans D. Rabreau (dir.), Imaginaire et création artistique à Paris sous l’Ancien Régime, Annales du centre Ledoux, Paris/Bordeaux, 1998, p. 155-156 ; « L’architecte Contant d’Ivry à L’Isle-Adam et à Stors », Les Trésors des princes, op. cit., p. 107.
44 AN, NIII Seine-et-Oise 130, pièce 6.
45 Le nom du sculpteur est donné par J.-B. André dans le compte qu’il dresse de la construction des nouvelles écuries, Chronologie, op. cit., cf. annexe II-7.
46 AN, NII Seine-et-Oise 196.
47 É. Olivier-Valengin, « Le château des princes de Bourbon-Conti… », op. cit., p. 123.
48 P. Terver, Le Dernier Prince de Conti, op. cit., p. 17-18. Le prince de Conti refuse de signer la lettre de protestation contre le lit de justice du 13 avril 1771.
49 J.-F. de Neufforge, Recueil élémentaire d’architecture, op. cit., t. V, pl. 37.
50 J.-B. André, Chronologie, op. cit., pl. VIII : « Profil de l’entablement, avec astragale, frise, consoles et modillon. »
51 N. Elias, La Société de cour, Paris, 1985, p. 74.
52 E. de Croÿ, Journal, op. cit., t. I, p. 213 : « Le roi aimait beaucoup les plans et le bâtiment. Il me mena dans son joli pavillon des jardins de Trianon, me fit remarquer que c’était dans ce goût-là qu’il me fallait bâtir, et en effet, c’est ce qui remplissait le plus mon objet. Il commanda à Gabriel de me donner deux plans qu’ils avaient faits ensemble dans le même goût et demandant du papier et des crayons, je lui fis un croquis de ma position. Il dessina ses idées longuement lui-même et avec M. Gabriel, retournant cette position pour laquelle il parut s’intéresser (c’était ce que je voulais) pendant longtemps. Enfin cela dura plus d’une heure, et tant que j’en étais embarrassé. Le soir, à son grand couvert, et le lendemain dans ses cabinets, où était le duc d’Havré, il en parla encore avec intérêt, et ce fut la nouvelle du jour. »
53 Le roi visite Bizy lors de son voyage au Havre en 1749, P. de Nolhac, Louis XV et madame de Pompadour, Paris, 1928, p. 219.
54 On se souvient que la visite de Louis XIV le 17 août 1661 à Vaux avait conduit Fouquet à la disgrâce.
55 G. Vouhé, « les jardins du château de Thouars. Lemercier, Le Nôtre, Hardouin-Mansart, Gabriel et de Cotte », Revue historique du Centre-Ouest, t. I, 2e sem. 2002, p. 353-394, p. 368-372.
56 Château de Serrant, AP1, dossier 446.
57 BNF Est., Va429, R de C. 481 et 482.
58 G. Vouhé, « Robert de Cotte et les écuries du château de Thouars », Monuments et hauts lieux de l’architecture équestre, actes du colloque de Saumur, 21-23 juin 2006, à paraître.
59 J. de Viguerie, Histoire et dictionnaire, op. cit., p. 748.
60 G. Joudiou, « Pierre Contant d’Ivry », op. cit., p. 115-121.
61 Bibliothèque de l’Arsenal, portefeuille Bachaumont, mémoire anonyme, mss 4041, vers 1740, voir annexe II-5.
62 Ibid., f° 584.
63 P. contant d’Ivry, Œuvres d’architecture, op. cit.
64 J.-F. de Neufforge, Recueil élémentaire d’architecture, op. cit.
65 Les deux sujets abordés par Contant sont les fontaines monumentales et les portails monumentaux (12 planches).
66 Selon G. Joudiou, « Pierre Contant d’Ivry », op. cit., p. 117, la construction des écuries intervient en juin 1741.
67 J.-F. Blondel, Cours d’architecture, op. cit., p. 389.
68 Ibid., p. 401-402.
69 Portefeuille Bachaumont, op. cit., f° 584 r°.
70 Char antique mené par trois chevaux de front.
71 Char antique mené par deux chevaux de front.
72 Ce bâtiment a aujourd’hui disparu, remplacé par le château actuel construit sous Louis-Philippe. L’élévation du corps de bâtiment qui fermait la cour des écuries ne nous est connue que par un dessin conservé aux archives départementales de l’Eure, publié dans J.-L. Baritou et D. Foussart (dir.), Chevotet, Contant, Chaussard, op. cit., p. 117.
73 Rapprochement fait avant nous par L. Hautecœur, Histoire de l’architecture classique, op. cit., t. III, p. 229.
74 Les toitures soulignent les articulations des différents corps de bâtiment. Le modèle du plan massé « à l’italienne » ne prend son essor qu’au cours de la seconde moitié du xviiie siècle.
75 L’actuel château, construit durant la seconde moitié du xixe siècle, se situe à l’emplacement de l’ancienne façade monumentale et ne reprend pas le projet d’implantation du nouveau château de Contant.
76 Portefeuille Bachaumont, op. cit., f° 589 : « Les plans des écuries de Chantilly sont gravés et se vendent aussi à Paris chez M. Mariette. »
77 Ibid., f° 591 r° : « Pourquoi ne pas faire les quatre corps de bâtiment d’une décoration pareille et régulière ? »
78 P. Contant d’Ivry, Œuvres d’architecture, op. cit.
79 Parmi ces objets, on reconnaît un râteau, une corbeille, une fourche entourés de fleurs.
80 Portefeuille Bachaumont, op. cit., f° 591.
81 G. Joudiou, « Pierre Contant d’Ivry », op. cit., p. 115.
82 G. Joudiou, « L’Art des jardins chez Contant d’Ivry », op. cit., p. 153-154.
83 AD Val-d’Oise 10J 456, voir annexe III-9.
84 M. Le Tellier, fille de Louvois, meurt en 1735. Pour les notices biographiques des ducs de La Rochefoucauld, voir C. Levantal, Ducs et pairs et duchés-pairies laïques à l’époque moderne (1519-1790), Paris, 1996, p. 688-690.
85 A. de La Rochefoucauld (1690-1762).
86 G. Daufresne, « Les comptes des châtelains… », op. cit., p. 35, propose un aperçu de l’évolution des bâtiments d’après les comptes depuis le xviie siècle.
87 Lassurance utilise ce type de composition entre autres pour la façade sur jardin de l’hôtel de Soyécourt et l’hôtel Desmarets.
88 AD Val-d’Oise, 10J ; É. Rousse, La Roche-Guyon, châtelains, château et bourg, Paris, 1892.
89 Le pavillon droit de la cour abrite l’audience et la prison.
90 Plan et élévation des nouvelles remises, 1724, AD Val-d’Oise, 10J 455.
91 AD Val-d’Oise, 10J 480, 22 mars 1744.
92 Il apparaît en effet assez curieux qu’un projet non réalisé figure sur un terrier qui par définition est fondé sur les objets existants.
93 Atlas terrier de la seigneurie de La Roche-Guyon, 1745, AD Val-d’Oise, 51Fi 144/1, pl. 5.
94 Hubert Robert, Vue du château de La Roche-Guyon, H/t : 195 x 276 cm, ancien archevêché de Rouen, saisie révolutionnaire, Inv. 909.37.1.
95 G. Daufresne, « Les comptes des châtelains… », op. cit., p. 35.
96 Les deux dômes restaurés après la Seconde Guerre mondiale ont perdu leurs égouts retroussés, ce qui donne de la sécheresse à ces élévations.
97 À ce sujet, voir É. Rousse, La Roche-Guyon, op. cit., p. 267 et suivantes.
98 L. Hautecœur, « Le plan en X. À propos d’un projet de Boffrand », Archives de l’art français, 1959, t. XXII, p. 166-174.
Table des illustrations
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Légende | Ill. 104.— Château de Chantilly, archivolte de l’entrée sud des écuries, [Remy-François Bridault, sculpteur], cliché de l’auteur. |
URL | http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/555/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 2,6M |
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Légende | Ill. 105.— Château de Chantilly, Mérigot, plan du domaine, gravure, publié dans Stanislas de Girardin, Promenades ou itinéraire des jardins de Chantilly, Paris, 1791, non paginé. |
URL | http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/555/img-2.jpg |
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Légende | Ill. 106.— Château de L’Isle-Adam, Jean-Baptiste André, plan d’ensemble du château et du village, gravure, publié dans Jean-Baptiste André, Chronologie, Paris, Richemont, 1809, gravure non paginée. |
URL | http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/555/img-3.jpg |
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Légende | Ill. 107.— Château de L’Isle-Adam, Jean-Baptiste André, vue de la cour des écuries, gravure, publié dans Jean-Baptiste André, Chronologie, Paris, Richemont, 1809, gravure non paginée. |
URL | http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/555/img-4.jpg |
Fichier | image/jpeg, 552k |
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Légende | Ill. 108.— Château de L’Isle-Adam, Jean-Baptiste André, projet pour l’élévation des pavillons des écuries, dessin AN Zij 1199. |
URL | http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/555/img-5.jpg |
Fichier | image/jpeg, 1,2M |
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Légende | Ill. 109.— Château de Thouars, Robert de Cotte, projet d’écurie, (1724-1725), dessin (BNF Est., Va 429, Robert de Cotte 482). |
URL | http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/555/img-6.jpg |
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Légende | Ill. 110.— Pierre Contant d’Ivry, projet de porte d’écurie, gravure, publiée dans Œuvres d’architecture de Contant d’Ivry, Paris, Huquier, 1769, pl. 27. |
URL | http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/555/img-7.jpg |
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Légende | Ill. iii.— Château de La Roche-Guyon, cour des écuries, vue de l’angle des remises et du pavillon de Villars [Louis de Villars, 1742-1745], cliché de l’auteur. |
URL | http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/555/img-8.jpg |
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Légende | Ill. 112.— Château de La Roche-Guyon, archivolte des écuries [Jamay, 1742-1745], cliché de l’auteur. |
URL | http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/555/img-9.jpg |
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Légende | Ill. 113.— Jean-François de Neufforge, plan d’un projet d’écurie, gravure, publié dans Recueil élémentaire d’architecture, Paris, Chariot d’or, 1757-1765, t. II, pl. 298. |
URL | http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/555/img-10.jpg |
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Légende | Ill. 114.— Jean-François de Neufforge, plan d’un projet d’écurie, gravure, publié dans Recueil élémentaire d’architecture, Paris, Chariot d’or, 1757-1765, t. II, pl. 299. |
URL | http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/555/img-11.jpg |
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Légende | Ill. 115.— Château de Compiègne, Robert de Cotte, projet en plan masse pour un nouveau château [1729], dessin |
URL | http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/555/img-12.jpg |
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© Éditions de la Sorbonne, 2008