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Contester au Moyen Âge : de la désobéissance à la révolte

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Société des historiens médiévistes de l’Enseignement supérieur public

En finir avec la contestation

Dynamiques de la rémission et détours de la résolution de la conflictualité : le règlement de la jacquerie de 1358

The rules of the Jacquerie of 1358: Studies of documentary productions

Gaëtan Bonnot

Résumé

Si la jacquerie de 1358 a marqué les contemporains par sa brièveté, la phase de « sortie de la révolte » s’étend quant à elle sur plusieurs décennies. L’étude d’un corpus de lettres de rémission copiées dans les registres du Trésor des chartes, fonds particulièrement investi par l’historiographie française des révoltes de la fin du Moyen Âge, souligne dans un premier temps l’existence de logiques spatio-temporelles des flux gracieux relatifs au mouvement rural. Puis, au moyen de productions jusqu’à présent très peu mobilisées dans le cas des « effrois », comme les procédures menées au Parlement civil, une analyse des délais et de l’enchaînement de différentes modalités de règlement du conflit a permis de mettre en exergue l’agentivité d’acteurs, individuels ou collectifs, en interaction dans des jeux de pouvoir à partir de différents cas pensés à l’échelle locale.

Texte intégral

  • 1 R. Cazelles, Société politique, noblesse et couronne sous Jean le Bon et Charles V, Genève, 1982, p (...)
  • 2 Id., « La Jacquerie fut-elle un mouvement paysan ? », Comptes rendus de l’Académie des inscriptions (...)
  • 3 J. M. Firnhaber-Baker, « Soldiers, Villagers, and Politics: Military Violence and the Jacquerie of (...)
  • 4 Chronique des règnes de Jean II et Charles V, éd. R. Delachenal, Paris, 1910, t. 1, p. 177.

1De quelles contestations la jacquerie est-elle la désignation ? Quels sont les soubassements de ce soulèvement, « d’une brutalité et d’une brièveté exceptionnelles1 », qui a surtout concerné les espaces ruraux d’Île-de-France, de Picardie et de Champagne ? Un consensus existe pour ne pas réduire cette insurrection à une révolte contre la misère2. Une réaction d’autodéfense face aux exactions subies par des communautés rurales3 et une hostilité vis-à-vis des nobles constituent les principaux leviers d’un agir ensemble fréquemment invoqués. Or, depuis le meurtre de quatre chevaliers et cinq écuyers par « pluseurs menues gens de Biauvoisin4 » à Saint-Leu-d’Ésserent, le 28 mai 1358, jusqu’à la bataille de Mello du 10 juin qui lance un vaste mouvement vindicatif nobiliaire, ce moment éphémère d’intense conflictualité nous est principalement connu, outre les sources narratives, par des documents qui ont contribué, quelles qu’en soient les modalités, à la résoudre. Comme souvent dans le cas de révoltes médiévales, c’est essentiellement à travers le prisme des mécanismes de conclusion de la contestation que l’on peut appréhender les formes prises par cette dernière.

  • 5 J. Guilhaumou, « Autour du concept d’agentivité », Rives méditerranéennes, 41 (2012), p. 25-34.
  • 6 Sur l’importance des jeux d’échelles pour nuancer le caractère englobant de la crise du xive siècle (...)

2Ces sources, pour l’essentiel judiciaires, permettent d’entrevoir, en dépit des filtres dont elles procèdent, tant la perception des événements de la part des protagonistes, nobles ou non, que leur agentivité, comprise comme « puissance d’agir5 » dans des espaces d’interaction. Derrière l’appellation générique et englobante d’« effrois » ou de « commotion » des « gens du plat païs contre les nobles » qui ne tarde pas à se fixer, au-delà des scènes fantasmées par Jean de Froissart qui, en rapportant le viol, l’infanticide et l’anthropophagie, construit un envers à la société chrétienne et aux valeurs chevaleresques, les lettres de rémission comme les procédures menées au parlement civil laissent entrevoir une diversité de la grammaire de l’action collective, allant d’atteintes ordinaires aux biens à de nombreux meurtres et destructions. Sur un temps plus long, dépassant l’enfermement du mouvement dans un bref embrasement généralisé sur fond de crise de la royauté6, peut-on percevoir des dynamiques quant à la gestion de la part du pouvoir royal de cette « sortie de la révolte » ? Quelles sont les interactions et les stratégies d’acteurs, individuels et collectifs, pris dans des processus où s’articulent différentes modalités de résolution du conflit ?

  • 7 Recueil de pièces servant de preuves aux Mémoires sur les troubles excités en France par Charles II(...)
  • 8 L. Mirot, Les insurrections urbaines au début du règne de Charles VI (1380-1383), Paris, 1905.
  • 9 F.-T. Perrens, Étienne Marcel et le gouvernement de la bourgeoisie au xive siècle (1356-1358), Pari (...)
  • 10 À titre d’exemple, on peut noter que Samuel Cohn, dans sa synthèse consacrée aux révoltes des xiiie(...)
  • 11 L’étude sérielle a été menée sur les registres JJ 80 à JJ 95, couvrant les années 1350-1364.
  • 12 M. Bourin, « Les révoltes dans la France du xive siècle : traditions historiographiques et nouvelle (...)

3Parmi les gisements de sources mobilisés pour étudier les soulèvements de la fin du Moyen Âge, les registres du Trésor des chartes occupent une place privilégiée. Des travaux de Denis-François Secousse au xviiie siècle7 à ceux de Léon Mirot au début du xxe siècle8 en passant par les études de François-Tommy Perrens et de Siméon Luce9, les entreprises d’édition et, plus largement, l’érudition attestent cet intérêt, qui se retrouve dans les productions récentes10. Un dépouillement de ces registres a constitué une première étape, afin d’appréhender des temporalités et des espaces de la résolution de la conflictualité en replaçant un corpus de lettres de grâce relatif à la jacquerie dans un ensemble documentaire plus vaste, lié à d’autres insurrections contemporaines11. En dépit du caractère fragmentaire et lacunaire de ce fonds, son étude sérielle semble permise par une systématisation de l’enregistrement des actes à partir du premier tiers du xive siècle. Servant de porte d’entrée, cette étude a ensuite été croisée avec d’autres sources, relevant essentiellement de la conciliation et de la négociation, dont des travaux récents ont montré l’importance12.

Études socio-spatiales des rythmes des flux gracieux : une « politique du pardon » ?

  • 13 N’ont été conservés que les actes rattachant explicitement des prises de position ou des agissement (...)

4Plus de 160 lettres de rémission, confirmations comprises, sont accordées à partir d’août 1358 à des acteurs pour leur participation à la révolte, dont une trentaine pour des communautés. On dénombre en outre une quarantaine de pièces pour des fautes commises dans le cadre d’oppositions à l’insurrection ou de phénomènes de vengeance consécutifs à des atteintes aux biens ou aux personnes. Cette masse documentaire de plus de deux cents actes constitue dans les registres le principal écho de ces « effrois », déformé par la capacité dont dispose le pouvoir royal d’assigner, ou non, des appartenances rébellionnaires13.

  • 14 V. Challet, Mundare et auferre malas erbas : la révolte des Tuchins en Languedoc (1381-1384), thèse (...)
  • 15 Les plus tardives, en décembre 1359, s’avèrent en outre périphériques car liées à un complot foment (...)
  • 16 P. Charon, « Révoltes et pardons dans les relations entre Charles II de Navarre et la dynastie des (...)

5La distribution de ces pardons frappe tant par ses effectifs que par sa persistance. Cette double caractéristique peut être reliée à l’ampleur du soulèvement, tant en termes d’étendue géographique que de personnes concernées, ainsi qu’à la fonction accordée à la grâce, tributaire de la nature des faits perpétrés et du sens que confère la royauté à la contestation. Certes, plus de la moitié des pièces, une centaine, date de 1358, dont près d’une cinquantaine pour le seul mois d’août. Dans les actes les plus tardifs, dans les années 1390, l’évocation de la révolte côtoie en vérité bien souvent d’autres crimes et délits. Néanmoins, le rythme des octrois demeure mensuel jusqu’à la fin 1360, manifestant une périodicité récurrente sur près de deux ans et demi. Les décennies 1370-1380 représentent par ailleurs près d’un dixième des rémissions trouvées. Une telle durée pourrait faire penser au Tuchinat, dont la trentaine de rémissions repérées se répartissent de 1364 à 1397, à la différence majeure que ce mouvement mêlant brigandage et autodéfense s’étend sur plus de vingt ans, avec un temps fort entre 1381 et 138414. Pour la révolte parisienne d’Étienne Marcel, les lettres de pardon, plus de trois fois moins nombreuses, sont presque toutes émises dans les mois qui suivent l’entrée du régent dans Paris15. Sur la période étudiée, l’octroi de grâces pour une adhésion au mouvement navarrais, faible mais mensuel entre août 1358 et août 1360, s’avère plus continu. Des pics correspondent à des temps forts du conflit entre le prince et le pouvoir royal : en mars 1354 après le meurtre de Charles d’Espagne le 8 janvier, puis d’août à octobre 1359 après le traité de Pontoise16.

Tableau 1 — Actes, mandements et exécuteurs en fonction des quatre périodes retenues

Tableau 1 — Actes, mandements et exécuteurs en fonction des quatre périodes retenues
  • 17 Deux rémissions ont été relevées en juillet (Paris, Arch. nat., JJ 86, 142, fol. 49 et JJ 86, 165, (...)

6Ce constat invite à une étude diachronique qui s’est appuyée sur une discrétisation afin de regrouper les actes en quatre périodes (tab. 1). Après le mois d’août 135817, remarquable par l’intensité de l’activité documentaire, les octrois s’atténuent progressivement jusqu’à la fin de l’année. On compte sur le premier temps plutôt moins d’exécuteurs par acte et ceux-ci sont plutôt peu variés si l’on compare avec les autres périodes : un phénomène de centralisation paraît avoir lieu. Un troisième moment, de 1359 à fin 1360, correspond à la poursuite du reflux des productions, avec qui plus est peu d’exécuteurs distincts, suivi enfin par une longue phase lors de laquelle les pièces se font intermittentes. La fin de l’année 1358 ainsi que ce dernier temps sont caractérisés par des mandements par acte plus nombreux et adressés à des exécuteurs plus divers.

Figure 1 — Distribution temporelle des exécuteurs (rémissions accordées dans le cadre de la jacquerie)

Figure 1 — Distribution temporelle des exécuteurs (rémissions accordées dans le cadre de la jacquerie)
  • 18 P. Texier, « La rémission au xive siècle : significations et fonctions », La faute, la répression e (...)

7Le regard porté sur les exécuteurs montre des logiques territoriales (fig. 1). Sans surprise, le maillage juridique correspond aux principaux espaces insurrectionnels : bailli de Senlis (63 mandements), prévôt de Paris (40 mandements), bailli de Vermandois (39 mandements), bailli d’Amiens (30 mandements), bailli de Vitry (17 mandements). Avec les « officiers et justiciers du royaume » (18 mandements), ils représentent plus des deux tiers du total des mandements et sont présents sur l’ensemble des périodes. Par ailleurs, la distribution temporelle souligne des phénomènes de substitution. Initialement plutôt associés aux territoires alentour de Paris, les territoires concernés par la rémission s’élargissent à l’espace picard et champenois fin 1358, avant de se resserrer dès 1359 sur l’Amiénois, le Vermandois et le Beauvaisis, avec très peu de nouveaux exécuteurs. Si cette concentration perdure jusqu’aux dernières émissions, elle devient à partir des années 1360 plus lâche pour toucher des marges du mouvement. La rémission peut se comprendre tout à la fois comme acte de justice et de gouvernement18. Ici, ces dimensions se conjuguent et se segmentent selon des dynamiques spatio-temporelles.

La grâce, acte de gouvernement aux lendemains de l’entrée du régent dans Paris

  • 19 C. Gauvard, « De grace especial ». Crime, État et société en France à la fin du Moyen Âge, Paris, 2 (...)
  • 20 Les mois d’août et de septembre comptent respectivement 126 et 69 rémissions quand la moyenne mensu (...)
  • 21 Sur la période 1350-1364, il figure comme exécuteur en moyenne dans 10 % des actes tous les mois, 1 (...)
  • 22 Sur les 195 pardons d’août et de septembre, on dénombre 81 rémissions relatives à la jacquerie (41  (...)

8Au-delà d’une inflation tendancielle au xive siècle19, les rémissions s’imposent ponctuellement dans les registres en août 1358 et, dans une moindre mesure, durant les mois suivants. La proportion des pardons s’élève respectivement à 73 % et 69 % en août et septembre 1358 tandis qu’elle avoisine la moitié des actes copiés sur la période 1350-136420. Le prévôt de Paris est alors davantage mandé, dans l’ensemble des pièces en général, et a fortiori dans les rémissions21. Parmi ces pièces, plus de 70 % sont explicitement liées à des situations rébellionnaires22. Sur la soixantaine de rémissions accordées pour une adhésion à la révolte d’Étienne Marcel, la moitié environ date d’août, comme treize des quinze grâces octroyées à des bourgeois, notamment meldois, pour avoir pris part à l’attaque du marché de Meaux.

  • 23 Paris, Arch. nat., JJ 86, 241, fol. 80-v.

9Dans le cas de la jacquerie, les pardons concernent, outre les alentours de Saint-Leu-d’Ésserent, plutôt l’Île-de-France, au sud autour de Longjumeau et Montlhéry et au nord entre la Seine et l’Oise. Le prévôt de Paris y est exécuteur dans près de la moitié des actes (46 %). À lui seul, ce mois d’août représente la majorité des mandements à cet exécuteur (51 %) et correspond à la totalité ou presque de ceux au bailli de Troyes et de Meaux ainsi qu’aux prévôts de Montlhéry, de Corbeil ou encore de Gonesse que compte le corpus. Le 10 août, le régent octroie une rémission générale destinée « a touz nobles et non nobles » impliqués dans les « effrois »23. Le pardon, dont la portée symbolique procède d’une rhétorique de l’obéissance et de l’incarnation de l’idéal de paix, s’intègre dans un processus de règlement du conflit. Marque d’autorité inscrite dans un répertoire d’action, il concerne un territoire sur lequel le pouvoir royal entend affirmer sa maîtrise depuis une capitale réinvestie dès l’entrée du régent dans Paris, le 2 août, à la suite du meurtre d’Étienne Marcel.

Le temps champenois des pardons collectifs (septembre-décembre 1358) : une transition ?

  • 24 L’espace champenois représente à lui seul la moitié environ des rémissions octroyées à des communau (...)

10Le temps qui court de septembre à la fin 1358 se distingue assez nettement du précédent. Les octrois concernent un espace plus étendu : si le Melunois et le Sud de la Picardie perdurent, l’espace champenois autour de Vitry-le-François apparaît. Une singularité y est là remarquable avec une surreprésentation des pardons octroyés à des communautés24. Ce type d’acte représente près du tiers de l’ensemble des rémissions accordées entre septembre et décembre 1358, proportion deux fois supérieure à celle d’août. Le mois de septembre représente, avec quinze pièces, plus de la moitié des rémissions collectives que compte le corpus, dont les deux tiers concernent les alentours vitryates. Ces procédures sont menées pour la plupart par Henri V de Joinville, comte de Vaudémont et sénéchal de Champagne. Ce dernier poursuit des communautés entières en les condamnant à de fortes amendes qu’elles tâchent de réduire aussitôt.

  • 25 Cette alternance est particulièrement sensible dans le registre JJ 86, 477-481, fol. 169-170v.

11Ces lettres s’inscrivent tendanciellement dans une politique plus large avec une hausse du nombre d’octrois collectifs à partir de septembre et davantage encore durant les mois suivants. D’octobre 1358 à janvier 1359, une vingtaine de pardons sont accordés à des communautés qui ont payé une rançon « aux ennemis du royaume », type d’acte absent en août 1358. Ce phénomène prend davantage d’acuité au regard de l’enchevêtrement dans les registres de rémissions tantôt pour une participation à la jacquerie, tantôt pour ces versements25. Cette observation invite non seulement à relever un temps de remontée à la chancellerie de procédures collectives inhérentes aux heurts de la guerre, mais aussi à penser un flou quant aux catégories mobilisées. Plus que des dissemblances, entre une prise d’armes contre un noble à des fins d’autodéfense, l’acceptation d’une rançon et des services rendus à l’ennemi, peut-être faut-il percevoir un nuancier de stratégies de résistances et d’accommodements, plus ou moins contraints.

Une inflexion de la grâce à partir des années 1360

  • 26 On passe d’une moyenne de 641 occurrences par acte en juillet-août 1358 à 741 occurrences en septem (...)
  • 27 Jusque fin 1358, cette partie représente en moyenne environ 45 % des occurrences d’un acte, puis dé (...)
  • 28 Paris, Arch. nat., JJ 100, 478, fol. 148.

12À partir des années 1360, les rémissions se concentrent en Picardie. La grâce remplit dès lors une fonction plus classique, comme le laisse supposer sa longueur tendanciellement croissante26. L’inflation progressive de l’exposé s’explique par des actes de plus en plus prolixes quant aux actions en justice suspendues27. Ce dernier long temps est celui où s’expriment les lendemains vindicatifs de la révolte. Sur la centaine de pardons de 1358, cinq seulement le sont pour des actions commises à l’encontre d’anciens insurgés. Dès 1361, plus de la moitié des actes correspondent à ce profil. La part des nobles y avoisine les trois quarts : ceux-ci, écuyers ou chevaliers, se vengent d’atteintes subies par eux ou un membre de leur parentèle. Cette latence peut s’expliquer par des poursuites tardives, comme dans le cas de Jacques de Main et Pierre de La Valée, écuyers, qui n’ont à répondre du meurtre de Perrin Bauduin que onze ans plus tard28.

  • 29 Paris, Arch. nat., JJ 100, 683, fol. 202.
  • 30 B. Garnot, « Justice, infrajustice, parajustice et extra justice dans la France d’Ancien Régime », (...)
  • 31 Paris, Arch. nat., JJ 102, 96, fol. 35-v.

13Les représailles nobiliaires sont aussi le signe d’échecs de résolutions à l’amiable du conflit. En février 1369, Gilot Dudelonge, écuyer, est remis avec son frère pour l’homicide de Jean dit Doré, lequel avait été condamné à 10 francs d’or d’amende par l’abbé de Ressons et Lorin de La Mare, « esleuz par eulz » pour arbitrer les « roberie, destruction et demolition faitte en et des biens dudit Gilot29 ». La désignation commune de médiateurs30, à en croire l’acte, a sans doute nécessité une concertation. Ce choix s’explique-t-il par le souhait de rétablir rapidement une entente ou encore par la volonté d’éviter des procédures plus longues ou aléatoires ? Jean dit Doré, refusant de payer, injurie et menace d’une hache l’écuyer, rencontré par hasard. Une bagarre s’ensuit au cours de laquelle il est blessé mortellement. Au-delà des atteintes à l’honneur durant la confrontation, prétendument fortuite, la déconvenue du recours à un tiers trouve un prolongement dans une résolution privée du conflit. Deux ans plus tard, en mai 1371, les lettres sont confirmées et vidimées au motif que des détails de la rixe sont invérifiables en raison de l’absence de témoin31. La résolution du conflit n’est pas linéaire : l’échec d’un arbitrage local pour des réparations matérielles, se traduisant par une criminalité vindicative, débouche sur des poursuites judiciaires nécessitant l’intervention du pouvoir royal.

  • 32 Le lemme « abolir » ne compte aucune occurrence dans les dispositifs des actes du corpus. Les menti (...)
  • 33 C. Gauvard, « Pardonner et oublier après la guerre de Cent Ans. Le rôle des lettres d’abolition de (...)

14La quasi-absence d’abolition sur toutes les périodes32 montre que les actions pardonnées continuent à exister en droit, laissant la porte ouverte à d’éventuelles poursuites33. Après le temps des octrois massifs de rémissions où l’affirmation de l’autorité royale est un élément central, les décennies 1360 et 1370 sont celles qui mettent davantage en lumière des mécanismes pluriels de résolution du conflit dont le cours s’avère sinueux et la grâce une modalité parmi d’autres.

Négocier, contester, s’accommoder : les méandres de la résolution de la conflictualité

  • 34 C. Gauvard, « Avant-propos », Le règlement des conflits au Moyen Âge. XXXIe Congrès de la SHMESP (A (...)

15Si l’étude sérielle permet l’appréhension d’espace-temps des flux gracieux, elle n’apporte que peu d’informations quant aux modalités pratiques de la sortie de crise. Le pardon, s’il arrête le cours ordinaire de la justice, relance aussi des procédures et s’intègre à un « faisceau de modes de résolution des conflits qui s’entrecroisent et se relaient34 ». À partir de situations singulières ayant pour finalité le rétablissement d’un équilibre social, la mise en relation d’actes enregistrés par la chancellerie royale, d’arrêts et jugés du Parlement fournit des renseignements sur les délais, l’enchaînement et l’agencement de ces différentes modalités, dont l’issue s’avère parfois précaire.

La jacquerie et les procédures au parlement civil : quelques observations préliminaires

  • 35 Par exemple, un arrêt du 8 mars 1366 (Paris, Arch. nat., X2a 7, fol. 212).
  • 36 Une cinquante d’actes ont été relevés dans les registres du parlement civil (X1a 14 à X1a 31) et un (...)
  • 37 Paris, Arch. nat., X1a 17, fol. 51v-52 ou encore X1c 14, 83.

16En raison de la rémission générale du 10 août 1358, les procédures criminelles sont rares35, à l’inverse des causes traitées au parlement civil qui se réfèrent explicitement à la jacquerie36. En lien avec les inflexions de la rémission relevées précédemment, les arrêts, jugés et accords sont surtout produits dans les années 1360-1370 et concernent essentiellement l’Île-de-France et la Picardie. Dans la majorité des cas, le demandeur est un noble qui cherche par des voies judiciaires réparation aux dommages subis, à l’image des diverses poursuites entreprises par Jacques de La Vache37.

  • 38 Paris, Arch. nat., JJ 86, 496, fol. 175.
  • 39 Paris, Arch. nat., X1c 20, 117-119, X1c 26A, 83-86.
  • 40 Le 1er février 1366, ce dernier effectue une transaction avec le prieuré de Saint-Leu-d’Ésserent (B (...)
  • 41 Paris, Arch. nat., X1c 20, 117 et 118.
  • 42 Paris, Arch. nat., X1c 26A, 84.

17Les délais sont parfois relativement longs et font appel à des négociations à plusieurs niveaux. Les habitants de Boran-sur-Oise reçoivent une rémission en janvier 1359 pour leur participation à l’insurrection38. Une dizaine d’années plus tard, des accords sont conclus39. Entre-temps, Pierre de Précy, seigneur de la localité, a poursuivi aux grands jours de Crépy-en-Valois Jean dit Grosparmi et Adam Le Charron pour le pillage de son hôtel. Condamnés à une amende, ils font appel de la sentence au parlement puis trouvent un accord avec le chevalier. L’institution remplit ici une fonction de lieu de négociation en ratifiant une volonté d’apaisement ou d’accommodement des parties. Les décès de Pierre de Précy, en 1366 ou 136740, et d’Adam Le Charron relancent les procédures. Un premier accord est réalisé entre Jean Grosparmi, Ponce Le Vieux, mari de la veuve d’Adam, et d’autres ayants cause de celui-ci. Puis, une fois l’autorisation royale donnée en novembre 1368, une transaction est homologuée le 14 juin 1369 entre Jeanne de Villers, veuve du chevalier, et les époux, qui consentent au versement de « la somme de viixxx frans du coing du roy Charles », échelonné jusqu’à Noël 137441. Indice de poursuites en cours ou de transactions passées, une mention à la fin de l’acte indique que l’accord ne comprend pas les enfants d’Adam ainsi que deux autres individus et leurs femmes. Il s’agit peut-être des complices auxquels allusion est faite dans un accord postérieur, datant du début de l’année 1373, établi cette fois entre Jeanne de Villers et une fille d’Adam ainsi que son époux, qui acceptent de payer « trente cinq florins frans de cuing royal42 ». À Boran, la rémission précède des poursuites au civil. Après des procédures collectives, les tractations se font individuellement, entre les parties et au sein de celles-ci, sans doute en fonction des capacités des défendeurs à payer une partie des sommes conséquentes auxquelles ils sont condamnés.

Des modalités plurielles de résolution du conflit : l’exemple de Vez

  • 43 Paris, Arch. nat., X1c 32, 29 à 31. Ces événements ont été décrits dans B. Ancien, « Le château de (...)
  • 44 Paris, Arch. nat., X1c 32, 31.

18Les méandres de la résolution du conflit à Vez, localité de la vallée de l’Automne entre Crépy-en-Valois et Villers-Cotterêts, sont connus grâce à un dossier produit durant les années 137043. Hector de Vez, chevalier et seigneur du lieu, a subi d’importants dommages : outre la destruction de son château, estimée à 4 000 livres, le pillage de ses biens est évalué à 2 000 livres, auxquelles s’ajoutent 1 000 livres pour la perte de « pluseurs lettres, obligacions, quittances, pappiers et rooles de ses rentes de nombreux de ses fiez et arriere fiez44 ». Son fils Jean, lui succédant, effectue une requête contre une dizaine d’individus, dont des veuves et descendants des protagonistes supposés des violences, comme à Boran-sur-Oise, qui déclenche une enquête le 2 septembre 1372.

  • 45 V. Challet, « Entre oubli et résurgence. Le souvenir des révoltes paysannes dans l’Occident médiéva (...)

19Les défendeurs nient ces accusations et arguent autant d’une résistance aux révoltés que d’une solidarité vis-à-vis de leur seigneur. Des similarités avec les lettres de rémission sont présentes dans leur discours, tel qu’il est rapporté par les Requêtes de l’Hôtel après avoir été porté par un procureur, maître Pierre de La Chapelle, et reformulé par un sergent royal au cours de l’enquête. La figure du jacques est enveloppée dans un flou impersonnel45 puisqu’il est mentionné que « lesdiz malfaicteurs sont demourant en pluseurs lieux et diverses juridicions ». De même, ceux-ci auraient essayé de contraindre les habitants, élément récurrent pour motiver l’octroi du pardon. Cette proximité avec les récits des lettres de rémission laisse peut-être entrevoir une forme d’acculturation juridique, une capacité à ajuster l’argumentation pour la faire concorder avec les normes fixées par le pouvoir royal.

  • 46 G. Brunel, S. Brunet, « Introduction », dans Haro sur le seigneur ! Les luttes antiseigneuriales da (...)
  • 47 Paris, Arch. nat., JJ 105, 86, fol. 55v-56.

20L’exposé prend par la suite les contours d’une dénonciation des abus seigneuriaux. Des poursuites auraient été auparavant menées à l’encontre d’autres personnes et des sommes supérieures à la valeur effective des dommages déjà perçues, laissant deviner une désunion entre les défendeurs et les « autres bonnes gens de Ve » auxquelles l’enquête fait constamment allusion. Les montants demandés ne se limitent donc plus à la réparation des préjudices matériels : le recours à la composition se teinte de rapacité et de contrainte seigneuriales dans ce qui paraît être un arrangement imposé. Les défendeurs affirment en outre qu’une concertation a eu lieu, sans l’intervention d’un tiers. Après avoir rassemblé les habitants, le seigneur leur aurait promis de ne pas les poursuivre, à condition qu’ils « lui aidassent a faire sa forteresse […] en disant qu’il avoit bien mestier de leur aide et chascun d’euz ». L’interdépendance entre seigneur et communauté rurale est placée en exergue de la mise en scène d’une résolution à l’amiable du conflit, pour mieux dénoncer ensuite la violation de la parole donnée. Dans un contexte général de défiance vis-à-vis de la noblesse, voire de sentiment de défaillance de cette dernière quant aux rôles qui lui sont attribués, le dédiement n’en apparaît que plus grave et renforce l’impression d’une rupture d’un « contrat social46 ». Durant le temps de cette enquête, le 29 décembre 1373, Raoul de Vez, écuyer, est par ailleurs pardonné pour le meurtre d’un certain Oudart Aucoulet, ancien jacques, alors sergent du duc d’Orléans, pour des dommages justement commis contre son frère, seigneur de Vez47. Si l’on se fie à l’âge mentionné dans l’acte, Raoul avait moins de dix ans en 1358, ce qui constitue un indice quant à la persistance de tensions sociales qui s’intègrent dans des logiques vindicatives.

  • 48 Paris, Arch. nat., JJ 160, 49, voir Ancien, « Le château de Vez… », loc. cit. n. 43, p. 126-127.
  • 49 C. Raynaud, « Incendier le château : pratiques et symboliques », Lieu de pouvoir, lieu de gestion. (...)

21Un jugement est rendu le 16 juin 1375, devant les procureurs des parties, absolvant les défendeurs et condamnant le demandeur aux dépens. En dépit d’un appel de celui-ci, les parties optent pour une stratégie d’accommodement et demandent à Charles V l’abandon des droits de justice. Le 26 décembre 1375, ce dernier leur octroie une permission d’accord et lève amendes et dépens à condition que l’appel soit mis au néant et la sentence acceptée, décision que la cour de parlement entérine le 4 février 1376. La même année, le seigneur est en négociation avec le roi au sujet du moulin de Warnac, entre Vez et Largny-sur-Automne, qui lui rapportait avant sa ruine 20 muids de grain et qu’il cherche à rebâtir contre abandon royal48. À cette échelle se combinent plusieurs modes de régulation sociale sur plus de quinze années. D’après l’enquête, la reconstruction a été menée rapidement après sa ruine, comme souvent49. La concertation, qui paraît avoir en partie fonctionné, est prolongée par des poursuites judiciaires aboutissant à un accord tandis qu’une vengeance a été contemporaine et alors qu’une négociation au sujet d’autres droits seigneuriaux a lieu avec la royauté.

Résistances et accommodements au-delà de la « sortie de la révolte »

  • 50 Paris, Arch. nat., JJ 107, 185, fol. 87-v.
  • 51 N. Gonthier, Le châtiment du crime au Moyen Âge (xiie-xvie siècles), Rennes, 1998.
  • 52 G. Brunel, « Les hommes de corps du chapitre cathédral de Laon (1200-1460) : continuité et crises d (...)

22Les soubresauts de la résolution du conflit débouchent parfois sur de nouvelles contestations, comme l’atteste une rémission de juillet 137550. À l’issue d’un procès intenté par Jean de Buissery, écuyer, plusieurs habitants de la ville d’Hangest sont condamnés à une amende de 1 300 livres tournois. Celle-ci, outre sa fonction de compensation, revêt un rôle exemplaire en raison de sa disproportion51. Les défendeurs font appel au parlement en prétextant que le noble a, entre autres soudoiements, incité le faux témoignage d’un prêtre, Jean Fauvel, et de sa servante en leur versant six florins d’or. Cette accusation, qui confine au parjure, est aggravée par le statut de la personne corrompue. Accompagné par Hue de Saint-Erme, sergent de la prévôté de Montdidier, un huissier au parlement est chargé d’appréhender les témoins qui refusent de comparaître. Alors que l’un d’eux est arrêté, des hommes accourent, munis de bâtons ferrés et de haches, avant que la situation ne s’apaise. Malgré l’issue de l’événement, une cinquantaine d’habitants semble désireuse de quitter les lieux, élément déclenchant la demande de pardon de la part du seigneur local. Qu’il s’agisse de la contestation du jugement, de la réaction à la venue de représentants du pouvoir royal ou des pressions sur le seigneur, cet exemple souligne des formes plurielles de résistance aux procédures en cours et une négociation de la part des communautés qui ne sont pas sans rappeler d’autres cas observés au xive siècle, comme dans le Laonnois52.

  • 53 Paris, Arch. nat., JJ 86, 346, fol. 117v-118.
  • 54 Paris, Arch. nat., JJ 86, 357, fol. 122-v.
  • 55 Chaumont, arch. dép. de Haute-Marne, Fonds Laloy, F 600, 14.
  • 56 Paris, Arch. nat., JJ 90, 271, fol. 139v-140.

23Le cas d’Hangest rejoint ceux, champenois, de Bettancourt-la-Longue, de Vroil53 et d’Heiltz-le-Maurupt54, dont les habitants, subissant la vengeance nobiliaire et de fortes amendes, désertent et obtiennent un pardon à la demande de leur seigneur. Dans un contexte de dépopulation causée par la peste et la guerre, pouvoirs royal et seigneurial ont tout intérêt à fixer les communautés. La charte dite « des survenus » de Jean de Saint-Dizier datant de 1351, accordant des franchises aux habitants qui s’installeraient à Vignory, atteste cette préoccupation dans la région55. Dans leur supplique en vue de l’octroi d’une rémission, les habitants de Bussy-le-Repos arguent autant des rentes qu’ils doivent à leur seigneur que du subside dû au régent « octroié nouvelement pour la garde du païs » pour faire baisser leur amende de 200 florins d’or56. Alors que la pression fiscale est importante, le recours à des amendes exemplaires est retourné par certaines communautés qui transmuent la peine en moyen de pression pour faire valoir leurs intérêts.

  • 57 Des lettres mentionnent une hostilité à son encontre (Paris, Arch. nat., JJ 86, 578, fol. 209v-210  (...)
  • 58 Paris, Arch. nat., JJ 86, 142, fol. 49.
  • 59 Châlons-en-Champagne, arch. dép. de la Marne, H 82.

24Dans ces jeux de négociation, les pouvoirs seigneuriaux n’en demeurent pas moins dépourvus de ressources, comme la capacité à offrir une protection. Jean de Saint-Dizier, particulièrement visé durant la jacquerie57, et Eudes de Grancey obtiennent en juillet 1358 une grâce pour leur excès dans la répression de l’insurrection58. Aux côtés de Thiébaut Ier de Blamont, on retrouve ces deux individus dans un accord conclu devant des chanoines de Vitry le 1er septembre 1358 et confirmé par l’officialité de Châlons, contemporain des pardons collectifs, où l’espace vitryate est alors prégnant. Les habitants de Dompremy, localité proche de Vitry-le-François, y consentent à l’abbé de Saint-Memmie l’établissement d’un four banal59. Ce geste a lieu en reconnaissance d’une protection contre les représailles auxquelles les trois nobles se sont livrés et qui font suite aux « assambleez, unions et conspiracions, sectes faites par les communes dou païs de Pertois et d’environ que on dit estre faites contre les nobles ». À en croire l’accord, cette communauté n’a pas participé à la jacquerie, pas plus que les religieux ne semblent avoir été impliqués dans le conflit : la capacité à défendre de la violence vindicative de la contre-jacquerie s’intègre à des jeux de pouvoir dépassant le règlement de la révolte.

  • 60 B. Lepetit, « L’histoire prend-elle les acteurs au sérieux ? », Espaces Temps, 59-61 (1995), p. 112 (...)
  • 61 Paris, Arch. nat., JJ 88, 32, fol. 21-22 et JJ 105, 494, fol. 152-v.

25En août 1358, la grâce constitue un moyen d’affirmation de l’autorité royale, une marque de reprise en main des alentours de Paris qui se prolonge, durant les mois suivants, avec des rémissions davantage collectives et concernant un espace élargi. Progressivement, les actes se « judiciarisent », le pardon s’intègre à un ensemble de modalités ayant pour finalité une régulation sociale. Qu’elles aient lieu au parlement civil ou qu’elles se traduisent par la rémission, les procédures ponctuent tour à tour des tentatives de concertation, de recours à l’arbitrage de médiateurs, et des réactions vindicatives. Derrière l’antagonisme discursif entre « nobles et « non-nobles » qui sonne comme un leitmotiv, ces documents invitent bien au contraire à penser le règlement du conflit comme un ensemble de situations qui unissent des acteurs en interaction, compris dans des systèmes de positions où se jouent des rapports de force60. Au fil des années, la résolution de la conflictualité se réduit essentiellement à la Picardie. Cette persistance des tensions constitue peut-être un indice de la fixation mémorielle assimilant bien souvent la révolte au Beauvaisis. En parallèle, une dilution de l’écho aux « effrois » a lieu, avec un flou croissant entre révolte et criminalité, comme en témoigne l’effacement progressif de la référence à la jacquerie dans deux rémissions évoquant le meurtre de brigands dans le bois de Prelle à quatorze ans d’intervalle61.

Notes

1 R. Cazelles, Société politique, noblesse et couronne sous Jean le Bon et Charles V, Genève, 1982, p. 321.

2 Id., « La Jacquerie fut-elle un mouvement paysan ? », Comptes rendus de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, 3 (1978), p. 654-666.

3 J. M. Firnhaber-Baker, « Soldiers, Villagers, and Politics: Military Violence and the Jacquerie of 1358 », Routiers et mercenaires pendant la guerre de Cent Ans. Hommage à Jonathan Sumption, dir. G. Pépin, F. Lainé, F. Boutoulle, Bordeaux, 2016, p. 101-114.

4 Chronique des règnes de Jean II et Charles V, éd. R. Delachenal, Paris, 1910, t. 1, p. 177.

5 J. Guilhaumou, « Autour du concept d’agentivité », Rives méditerranéennes, 41 (2012), p. 25-34.

6 Sur l’importance des jeux d’échelles pour nuancer le caractère englobant de la crise du xive siècle : B. Bove, « Crise locale, crises nationales. Rythmes et limites de la crise de la fin du Moyen Âge à Paris au miroir des prix fonciers », Histoire urbaine, 33/1 (2012), p. 81-106.

7 Recueil de pièces servant de preuves aux Mémoires sur les troubles excités en France par Charles II, dit le Mauvais, roi de Navarre et comte d’Évreux, éd. D.-F. Secousse, Paris, 1755.

8 L. Mirot, Les insurrections urbaines au début du règne de Charles VI (1380-1383), Paris, 1905.

9 F.-T. Perrens, Étienne Marcel et le gouvernement de la bourgeoisie au xive siècle (1356-1358), Paris, 1860 ; S. Luce, Histoire de la Jacquerie d’après des documents inédits, Paris, 1895.

10 À titre d’exemple, on peut noter que Samuel Cohn, dans sa synthèse consacrée aux révoltes des xiiie-xve siècles, n’indique pour l’espace français que la sous-série JJ dans la section consacrée aux « sources archivistiques » (Lust for Liberty. The Politics of Social Revolt in Medieval Europe, 1200-1425, Cambridge, 2006, p. 329).

11 L’étude sérielle a été menée sur les registres JJ 80 à JJ 95, couvrant les années 1350-1364.

12 M. Bourin, « Les révoltes dans la France du xive siècle : traditions historiographiques et nouvelles recherches », Rivolte urbane e rivolte nell’Europa del Trecento. Un confronto, dir. M. Bourin, G. Cherubini, G. Pinto, Florence, 2008, p. 49-71, ici p. 49.

13 N’ont été conservés que les actes rattachant explicitement des prises de position ou des agissements, individuels ou collectifs, quel que soit le degré de contrainte mentionné, à la jacquerie ou à une conflictualité consécutive à celle-ci.

14 V. Challet, Mundare et auferre malas erbas : la révolte des Tuchins en Languedoc (1381-1384), thèse de doctorat sous la dir. de M. Bourin, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2002, p. 29-34.

15 Les plus tardives, en décembre 1359, s’avèrent en outre périphériques car liées à un complot fomenté par Martin Pisdoe, ancien fidèle du prévôt des marchands (Paris, Arch. nat., JJ 90, 370, fol. 188v et JJ 90, 382, fol. 193v-194).

16 P. Charon, « Révoltes et pardons dans les relations entre Charles II de Navarre et la dynastie des Valois (1354-1378) », Violences souveraines au Moyen Âge. Travaux d’une école historique, dir. F. Foronda, C. Barralis, B. Sère, Paris, 2010, p. 205-215.

17 Deux rémissions ont été relevées en juillet (Paris, Arch. nat., JJ 86, 142, fol. 49 et JJ 86, 165, fol. 54v).

18 P. Texier, « La rémission au xive siècle : significations et fonctions », La faute, la répression et le pardon. Actes du 107e congrès des sociétés savantes, section de philologie et d’histoire jusqu’à 1610 (Brest, 1982), Paris, 1984, p. 193-206, ici p. 194.

19 C. Gauvard, « De grace especial ». Crime, État et société en France à la fin du Moyen Âge, Paris, 2010 [1991], p. 64-65.

20 Les mois d’août et de septembre comptent respectivement 126 et 69 rémissions quand la moyenne mensuelle sur la période courant d’août 1350 à août 1364 est d’environ 21 pardons.

21 Sur la période 1350-1364, il figure comme exécuteur en moyenne dans 10 % des actes tous les mois, 13 % si l’on ne considère que la grâce. Au mois d’août 1358, ces proportions passent respectivement à 49 % et 52 %.

22 Sur les 195 pardons d’août et de septembre, on dénombre 81 rémissions relatives à la jacquerie (41 %), 31 pour la révolte d’Étienne Marcel (16 %), 13 pour l’attaque du marché de Meaux (7 %) et 12 pour le mouvement navarrais (6 %).

23 Paris, Arch. nat., JJ 86, 241, fol. 80-v.

24 L’espace champenois représente à lui seul la moitié environ des rémissions octroyées à des communautés du corpus, tandis qu’il constitue environ 10 % de l’ensemble des pardons.

25 Cette alternance est particulièrement sensible dans le registre JJ 86, 477-481, fol. 169-170v.

26 On passe d’une moyenne de 641 occurrences par acte en juillet-août 1358 à 741 occurrences en septembre-décembre 1358, volume qui reste stable avant une augmentation à partir de 1360. En moyenne, les lettres postérieures à 1370 comptent 817 occurrences.

27 Jusque fin 1358, cette partie représente en moyenne environ 45 % des occurrences d’un acte, puis dépasse les 50 % en 1359-1360 et avoisine les 60 % sur la dernière période.

28 Paris, Arch. nat., JJ 100, 478, fol. 148.

29 Paris, Arch. nat., JJ 100, 683, fol. 202.

30 B. Garnot, « Justice, infrajustice, parajustice et extra justice dans la France d’Ancien Régime », Crime, Histoire & Sociétés / Crime, History & Societies, 4/1 (2000), p. 103-120, ici p. 111.

31 Paris, Arch. nat., JJ 102, 96, fol. 35-v.

32 Le lemme « abolir » ne compte aucune occurrence dans les dispositifs des actes du corpus. Les mentions faites à une abolition générale, sans doute la rémission du 10 août 1358 (Paris, Arch. nat., JJ 86, 241, fol. 80-v), se font à partir des années 1370 (Paris, Arch. nat., JJ 108, 60, fol. 37v-38r ; JJ 109, 173, fol. 81-v ; JJ 115, 298, fol. 146v-147 ; JJ 145, 498, fol. 229v-230).

33 C. Gauvard, « Pardonner et oublier après la guerre de Cent Ans. Le rôle des lettres d’abolition de la chancellerie royale française », Pardonner et oublier ? Les discours sur le passé après l’occupation, la guerre civile et la révolution, dir. R. Marcowitz, W. Paravicini, Munich, 2009, p. 27-55.

34 C. Gauvard, « Avant-propos », Le règlement des conflits au Moyen Âge. XXXIe Congrès de la SHMESP (Angers, juin 2000), Paris, 2001, p. 7-9, ici p. 8.

35 Par exemple, un arrêt du 8 mars 1366 (Paris, Arch. nat., X2a 7, fol. 212).

36 Une cinquante d’actes ont été relevés dans les registres du parlement civil (X1a 14 à X1a 31) et une trentaine de dossiers d’accords dans les registres factices (X1c 11 à X1c 36). La majeure partie de ces pièces est inédite.

37 Paris, Arch. nat., X1a 17, fol. 51v-52 ou encore X1c 14, 83.

38 Paris, Arch. nat., JJ 86, 496, fol. 175.

39 Paris, Arch. nat., X1c 20, 117-119, X1c 26A, 83-86.

40 Le 1er février 1366, ce dernier effectue une transaction avec le prieuré de Saint-Leu-d’Ésserent (Beauvais, arch. dép. de l’Oise, H 2437). Dans un aveu du 24 décembre 1367, Jeanne de Villers, dame de Boran, est désignée comme sa veuve (Chantilly, arch. du château de Chantilly, cartulaire des fiefs de Dammartin, 2-CA-032, fol. 167v).

41 Paris, Arch. nat., X1c 20, 117 et 118.

42 Paris, Arch. nat., X1c 26A, 84.

43 Paris, Arch. nat., X1c 32, 29 à 31. Ces événements ont été décrits dans B. Ancien, « Le château de Vez pendant la guerre de Cent Ans », Mémoires de la Fédération des Sociétés d’histoire et d’archéologie de l’Aisne, 27 (1982), p. 115-138.

44 Paris, Arch. nat., X1c 32, 31.

45 V. Challet, « Entre oubli et résurgence. Le souvenir des révoltes paysannes dans l’Occident médiéval », La mémoire des révoltes en Europe à l’époque moderne, dir. A. Merle, S. Jettot, M. Herrero Sánchez, Paris, 2018, p. 215-229, p. 223.

46 G. Brunel, S. Brunet, « Introduction », dans Haro sur le seigneur ! Les luttes antiseigneuriales dans l’Europe médiévale et moderne. Actes des XXIXe Journées internationales d’histoire de l’abbaye de Flaran, 5 et 6 octobre 2007, Toulouse, 2009, p. 7-18, ici p. 11.

47 Paris, Arch. nat., JJ 105, 86, fol. 55v-56.

48 Paris, Arch. nat., JJ 160, 49, voir Ancien, « Le château de Vez… », loc. cit. n. 43, p. 126-127.

49 C. Raynaud, « Incendier le château : pratiques et symboliques », Lieu de pouvoir, lieu de gestion. Le château aux xiiie-xvie siècles : maîtres, terres et sujets. Actes du colloque international organisé au Château fort d’Écaussinnes-Lalaing, les 14,15 et 16 mai 2009, éd. J.-M. Cauchies, J. Guisset, Turnhout, 2011, p. 149-165.

50 Paris, Arch. nat., JJ 107, 185, fol. 87-v.

51 N. Gonthier, Le châtiment du crime au Moyen Âge (xiie-xvie siècles), Rennes, 1998.

52 G. Brunel, « Les hommes de corps du chapitre cathédral de Laon (1200-1460) : continuité et crises de la servitude dans une seigneurie ecclésiastique », Forms of Servitude in Northern and Central Europe : Decline, Resistance, and Expansion, éd. P. Freedman, M. Bourin, Turnhout, 2005, p. 131-177.

53 Paris, Arch. nat., JJ 86, 346, fol. 117v-118.

54 Paris, Arch. nat., JJ 86, 357, fol. 122-v.

55 Chaumont, arch. dép. de Haute-Marne, Fonds Laloy, F 600, 14.

56 Paris, Arch. nat., JJ 90, 271, fol. 139v-140.

57 Des lettres mentionnent une hostilité à son encontre (Paris, Arch. nat., JJ 86, 578, fol. 209v-210 ; JJ 86, 596, fol. 217-v ; JJ 86, 355, fol. 121-v ; JJ 90, 292, fol. 149v-150).

58 Paris, Arch. nat., JJ 86, 142, fol. 49.

59 Châlons-en-Champagne, arch. dép. de la Marne, H 82.

60 B. Lepetit, « L’histoire prend-elle les acteurs au sérieux ? », Espaces Temps, 59-61 (1995), p. 112-122, ici p. 119.

61 Paris, Arch. nat., JJ 88, 32, fol. 21-22 et JJ 105, 494, fol. 152-v.

Table des illustrations

Titre Tableau 1 — Actes, mandements et exécuteurs en fonction des quatre périodes retenues
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Titre Figure 1 — Distribution temporelle des exécuteurs (rémissions accordées dans le cadre de la jacquerie)
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