Au service du château
|Deuxième partie. Construction, composition et effets architecturaux
Chapitre 5. La fiction d’habiter une petite maison
Texte intégral
- 1 On se souvient de l’épisode du prince de Croÿ et de Louis XV lui offrant les services de son premi (...)
- 2 N. Elias, La Société de cour, Paris, 1985, p. 19.
- 3 Ibid., p. 21.
- 4 Ph. de Dangeau, Journal, op. cit., t. VI, p. 302.
- 5 Le 17 septembre 1749, le roi et madame de Pompadour s’arrêtent chez le nouveau maréchal de Belle-I (...)
1Comment s’étonner de voir naître dans le milieu de la cour l’idée d’habiter une petite maison ? La volonté d’être remarqué par le monarque, de faire son devoir de courtisan se manifeste par une soumission absolue au roi, mais également par l’hommage qu’on lui rend, directement ou indirectement, notamment au travers de constructions — comme nous le verrons plus bas — auxquelles Louis XV accorde un vif intérêt1. C’est donc à tort que N. Elias fait « abstraction des maisons de campagne2 » dans son énumération des résidences du courtisan ; l’hôtel particulier du courtisan ne remplace en aucun cas la « gentilhommière », comme le prétend l’auteur3, au contraire, le château, la villégiature même ont une importance capitale dans la stratégie de l’homme de cour. Déjà au siècle précédent, le marquis de Dangeau n’affirme-t-il pas : « Le roi aime qu’on ait des maisons de campagne4 » ? Son château de Vaux ne fut-il pas fatal à Fouquet et son petit-fils n’atteint-il pas le sommet de sa gloire lorsque Louis XV s’arrête chez lui, à Bizy, sur la route du Havre5 ? Cet aspect essentiel pour comprendre l’état d’esprit de l’homme de cour ne doit pas cependant éclipser les autres paramètres que sont l’évolution de la recherche architecturale ou l’aspiration à vivre au milieu de la nature, loin d’une vie de cour contraignante, assujettie à l’étiquette.
2Louis XIV lui-même, dans l’élaboration du projet de Marly, recherche le moyen de se soustraire, au moins partiellement, au protocole qu’il a mis en place à Versailles, comme en atteste Saint-Simon :
3Le mémorialiste tait ici la fonction politique de Marly au regard de sa cour, qui permet au roi de distinguer les plus fidèles de ses courtisans, associés de cette manière aux fastes du pouvoir royal. Afin d’accueillir les « Marly », le roi invente un nouvel ordre moins hiérarchisé, traduit dans l’architecture par l’abandon des formes traditionnelles du château. Le roi est donc le moteur et l’instigateur de formes originales, inspirées par les modèles transalpins des villas palladiennes.
- 7 M. Chatenet, Le Château de Madrid, Paris, 1987.
- 8 J. Androuet du Cerceau, Les Plus Excellents Bâtiments de France, op. cit., p. 57.
- 9 Ibid.
4Louis XIV élabore à Marly un programme qui aspire à surpasser les archétypes italiens, suivant en cela ses prédécesseurs, particulièrement François Ier qui dès 1527 crée au château de Madrid7 un ensemble hors normes, à la mesure du premier souverain du monde, loin du modèle naissant du château français. À propos de ce dernier, Androuet du Cerceau souligne que « tout l’édifice n’est qu’une masse8 » et l’auteur d’ajouter que les cuisines sont en sous-sol et « dignes d’admiration9 ». L’accent mis sur ces deux caractéristiques montre la nouveauté de la conception de cette maison qui mêle traditions locale et transalpine, dans un cadre champêtre, à proximité de la capitale et d’un territoire de chasse giboyeux.
- 10 J.-M. Pérouse de Montclos, Histoire de l’architecture française. De la Renaissance à la Révolution(...)
- 11 F.-F. Comte d’Hézecques, Souvenirs d’un page à la cour de France, Paris, 1987, p. 267.
- 12 A. Watteau, La Perspective, H/t, 47 x 57 cm, Boston, Museum of Fine Art.
- 13 M. Roland-Michel, Watteau, Paris, 1984, p. 160-161.
- 14 H. Junecke, Montmorency, der Landsitz Charles Lebrun’s, Geschichte, Gestalt und die « Île enchanté (...)
5À l’architecture de fantaisie de Marly s’ajoute le fonctionnement original des différents logements organisés autour des loisirs du roi, de la vie champêtre, courtoise, inspirée, selon J.-M. Pérouse de Montclos, de la lointaine abbaye de Thélème10. Il n’est plus besoin alors des attributs du château, la cour vit à Marly « comme des particuliers11 ». Expérimental à Marly, ce nouveau mode de vie se répand rapidement dans la société de la Régence, une fois le vieux monarque disparu. La campagne devient synonyme de cette liberté nouvellement acquise, où les barrières sociales s’estompent. La peinture d’Antoine Watteau témoigne de cette évolution : les scènes oscillent entre théâtre et fête, dans lesquelles se côtoient des personnages ambigus. On se souvient par exemple de la Perspective12 qui représente le parc du château de Montmorency13, où la silhouette diaphane du pavillon construit sur les plans de Charles Le Brun sert de toile de fond à une fête galante14. Le modèle royal se « démocratise » et le roi lui-même s’affranchit de l’étiquette de cour pour réinventer une société différente, à défaut d’être idéale. Toute l’ambiguïté de ces nouvelles villégiatures est là. L’appellation de « maison de campagne » exonère le château du système de représentation traditionnel de la féodalité, alors que le propriétaire est affranchi des contraintes juridiques liées à l’édification d’un château :
- 15 D. Diderot, Encyclopédie, op. cit., t. VI, p. 546.
Il n’y avait anciennement que les grands vassaux de la Couronne qui eussent le droit de bâtir des châteaux ou des maisons fortes dans la seigneurie d’un seigneur châtelain, sans sa permission, et il faut aujourd’hui la permission du roi15.
6On le voit, la petite maison devient un moyen pour ceux qui ne peuvent construire de châteaux — faute de titre ! — d’imiter néanmoins le roi par de luxueuses constructions dont le modèle n’est plus le château de Versailles mais ses dépendances — par exemple le Grand Trianon — ou les simples maisons royales comme Marly.
L’émergence des maisons de campagne : modèle bourgeois ou aristocratique ?
De nouvelles valeurs (1700-1750)
- 16 Date de la mort de Pâris-Duverney, voir J. de Viguerie, Histoire et dictionnaire, op. cit., p. 126 (...)
- 17 R. Dubois-Corneau, Pâris de Montmartel, banquier de la cour, receveur des rentes de la ville de Pa (...)
7L’importance croissante du milieu des financiers dans la société d’Ancien Régime, dès la fin du règne de Louis XIV, puis sous la Régence, oblige la collectivité à prendre en compte cette classe sociale émergente, dans la stricte hiérarchie des trois ordres. Le pouvoir détenu jusqu’alors par le roi seul, entouré de quelques courtisans, passe désormais aux mains des financiers qui profitent, dès les premières années de la Régence, à la fois du besoin constant d’argent de l’État et du fameux système de Law. L’enrichissement de personnages comme Antoine Pâris et ses frères, qui occupent le devant de la scène économique jusqu’en 177016, est caractéristique d’une société en pleine évolution. Cette famille, d’extraction modeste, bâtit sa fortune en tant que munitionnaire des armées de Louis XIV, puis de Louis XV, et le cadet (Jean) est fait marquis de Brunoy en 1757, grâce à la protection de madame de Pompadour17.
- 18 Cette attribution est donnée par la légende du plan gravé par J. Mariette, L’Architecture français (...)
- 19 AN, MC, ét. CXI, 28, 28 mai 1711, cité par K. Krause, Die Maison de Plaisance, op. cit., p. 291.
- 20 K. Krause, ibid., p. 293.
- 21 L. Lambeau, Histoire des communes annexées à Paris en 1859, Paris, 1910, volume Bercy, p. 114-152.
- 22 M.-A. Laugier, Essai sur l’architecture, op. cit., p. 172.
8Le nom de « pâté Pâris » que les contemporains donnent au pavillon qu’Antoine et Claude Pâris commandent à Nicolas Dullin18 en 1711 — date de l’acquisition des terrains19 — montre la résistance du public face à ceux qu’il considère comme des parvenus, tenants du mauvais goût20. Le choix du programme de cette « petite maison » révèle toute la complexité du statut social de cette bourgeoisie enrichie dans la société de ce début de siècle. Antoine et Claude Pâris ne peuvent pas en effet envisager d’habiter un château, habitat de la noblesse par excellence, aussi prennent-ils le parti d’acquérir une partie du parc de la seigneurie de Bercy — propriété d’Henri de Malon — afin de construire leur pavillon, sur un site magistral, dominant la Seine, à proximité de la capitale. Le domaine des Pâris se présente comme une longue lanière de terrain en aval du château de Bercy, vers Paris (ill. 96). Si le « pâté Pâris » n’est juridiquement qu’une dépendance du château de Bercy21, le luxe du bâtiment et sa mise en scène sur les berges du fleuve sont-ils pour autant bienséants ? Si l’on se range à l’avis de M.-A. Laugier, pour qui l’architecte « ne cherchera point par des dessins éblouissants à flatter la vanité des gens à qui le faste ne convient point et qui ne sont souvent que trop portés d’eux-mêmes à s’égarer au-delà des bornes22 », le parti architectural du « pâté Pâris » est malséant.

Ill. 96.— Château de Bercy, Jean Mariette, plan du domaine, gravure, publié dans L’Architecture française, Paris, 1727), t. I, pl. 102.
9À défaut de pouvoir exprimer leur puissance financière dans le schéma traditionnel du château, les frères Pâris et leur architecte inventent une forme d’habitat originale dans laquelle les références aristocratiques disparaissent. En effet, la maison disposée sur une terrasse n’ouvre que sur le fleuve et sur les jardins. La séquence d’accès — dont nous avons souligné l’importance dans la composition du château — disparaît et le visiteur entre directement dans le jardin de la propriété, non plus par un portail monumental dans l’axe transversal du corps de logis mais par une modeste porte cochère située légèrement en arrière du pavillon sur le flanc nord-ouest du jardin (ill. 16). Cette disposition donne à penser qu’il existe un autre accès plus important : celui du château. L’architecte joue d’ailleurs sur cette ambiguïté et une lecture attentive des planches de Mariette et du plan de La Grive, par exemple, montre comment l’architecte lie intimement le château et sa pseudodépendance. À la hauteur du bassin du jardin Pâris, l’architecte dispose des grilles qui permettent d’apercevoir le parc du château de Bercy. Inversement, le jardin des Pâris forme une perspective au parc de Bercy, cette grille se situant dans l’axe de l’une des grandes allées du parc des Malon.
- 23 K. Krause, Die Maison de Plaisance, op. cit., p. 283 et suivantes.
10L’illusion d’un pavillon en dépendance du principal château est renforcée par l’absence des communs, relégués en dehors de la parcelle, disposés en contrebas de la terrasse du logis, le long de la ruelle qui borde le jardin au nord-ouest. Ils sont dissimulés derrière de hauts murs et n’entrent plus dans la composition. Par ce moyen, l’architecte crée la fiction d’un pavillon isolé, dépourvu des services indispensables à une maison noble. K. Krause rapproche ce dispositif de celui de la ménagerie de Sceaux23, où le pavillon au milieu d’un jardin, bien qu’excentré par rapport au parc de la duchesse du Maine, est également en dépendance directe du château. Si le principe est en effet le même, la présence de deux propriétaires distincts pour le « pâté Pâris » et le château de Bercy change singulièrement la proposition. Dans ce dernier cas, le château sert pour ainsi dire de caution à un particulier, alors qu’à Sceaux la ménagerie est de fait une dépendance du château.
- 24 Ibid., p. 222-237.
11Sans entrer dans les détails de la distribution intérieure du pavillon de Bercy, on doit relever que la composition de son plan s’apparente à celle du château d’Issy, construit sur les plans de Pierre Bullet et achevé en 1686 pour Denis Talon24. On y retrouve en effet le même schéma tripartite avec deux pièces dans la travée centrale. Ce plan massé correspond peu aux impératifs de l’appartement aristocratique en raison de la difficulté d’y établir les longues enfilades dont les grands seigneurs s’enorgueillissent. On comprend mieux le médiocre succès de ce type de composition parmi la noblesse. Cette caractéristique explique également que la classe des financiers, peu sensible aux subtilités de la distribution à la française, adopte volontiers le plan massé. Par ailleurs, les façades latérales du « pâté Pâris » utilisent un vocabulaire décoratif voisin de celui d’Issy, avec notamment une série d’oculus qui éclairent l’entresol. Les plans de Dullin pour Bercy ne sont cependant pas une copie servile du château d’Issy, en particulier en raison du caractère noble de ce dernier, exprimé par une séquence d’accès importante mais aussi par la présence d’un portique sur l’avant-corps central de ce corps de logis.
- 25 L. Hautecœur, Histoire de l’architecture classique, op. cit., t. III, p. 205.
12Le rapprochement avec le plan de Marly n’est ici guère convaincant. Certes, à Bercy comme chez le roi, la composition met l’accent sur le caractère isolé du pavillon, dans son cadre agreste, mais le plan radial de Marly et l’aménagement des communs qui structurent l’accès au pavillon royal sont autant de différences déterminantes. L. Hautecœur25 évoque pour sa part le caractère italianisant du « pâté Pâris », marqué par un rez-de-chaussée unique affiché en façade et la balustrade qui cache le comble, caractéristique commune à bon nombre de constructions de plan massé dès la fin du xviie siècle. Il est certain en tout cas que ce style italien permet une plus grande liberté de composition aux architectes, il semble même dans l’esprit de ces derniers être synonyme d’une architecture de fantaisie.
- 26 M. Gallet et J. Garms, Germain Boffrand, op. cit., p. 19.
- 27 Ibid., p. 44.
- 28 K. Krause, Die Maison de Plaisance, op. cit., p. 298.
13Le ton de liberté du pavillon de Bercy se retrouve notamment à la folie Rohan de Saint-Ouen (1714)26: Boffrand s’inspire assez directement du fonctionnement de Marly, comme l’a justement remarqué J. Garms27. Le principal pavillon n’abrite en effet que les appartements des maîtres de maison et les invités sont logés dans une aile autonome sur le flanc droit du logis principal, dont le pendant est occupé par un appartement de société composé d’une antichambre, d’une salle à manger et d’une salle de compagnie (ill. 64). L’éclatement des fonctions d’habitation initié par Jules Hardouin-Mansart à Marly trouve ici un écho original dans ce « modeste » pavillon de seulement treize toises de face. L’absence d’une chambre du dais, élément de représentation indispensable à un haut personnage comme le prince de Rohan, renforce l’idée d’une villégiature informelle, comme l’a remarqué K. Krause28 ; par ailleurs, la subordination au château de Saint-Ouen, alors propriété du duc de Gesvres, place la folie Rohan dans un rapport de vassalité qui impose donc une certaine discrétion. Cette situation contraignante pour un prince met en lumière l’importance du site et du panorama, considérés comme les atouts principaux de la villégiature. Cependant, la dignité du prince se manifeste dans la série d’éléments empruntés au programme du château. Ainsi, la chapelle logée dans l’un des pavillons d’entrée, la grande cour ou le portique de la façade d’arrivée signalent la majesté du maître de maison. Par ailleurs, Boffrand donne au pavillon un plan rectangulaire dont la distribution reprend la classique enfilade sur jardin. Enfin, la disposition des cuisines dans la basse-cour des communs signale la recherche du confort, malgré les dimensions modestes de la propriété.
14Au travers du programme de la petite villégiature implantée dans la proche banlieue parisienne, perce la volonté de se libérer des contraintes imposées par la vie sociale et la représentation. Luxe et fantaisie marquent ces maisons de campagne construites sur un mode italianisant, en dehors du cadre conventionnel de la bienséance. Ce terrain est propice à la classe des financiers qui peuvent ainsi rivaliser avec l’aristocratie. Afin de se distinguer de la bourgeoisie financière, les grands seigneurs enchérissent sur le programme de la villégiature suburbaine par l’apport d’éléments spécifiques à leur habitat et une recherche plus approfondie de la distribution en particulier qui leur permet, malgré les petites dimensions de ce type de logis, de retrouver les commodités de leurs hôtels ou des châteaux.
Une architecture en trompe l’œil (1750-1789)
- 29 Voir à ce sujet la synthèse de J. de Viguerie, Histoire et dictionnaire, op. cit., p. 246-247 ; Y. (...)
15Au cours de la seconde moitié du xviiie siècle, les réticences de la noblesse à l’égard des financiers se modèrent nécessairement en raison des alliances que contractent la haute bourgeoisie et la noblesse de cour. De nombreux financiers sont anoblis par l’achat de charges, ils adoptent les mœurs raffinées du second ordre et initient même les modes29. Le nombre des villégiatures suburbaines continue à croître, selon une hiérarchie non plus fondée sur le rang du propriétaire mais sur le luxe déployé dans sa construction. L.-S. Mercier stigmatise cette « manie de la bâtisse » et dresse ce tableau impitoyable :
- 30 L.-S. Mercier, Tableau de Paris, op. cit., p. 301-302.
Les champignons de la fortune (comme le dit un écrivain) veulent bâtir à tout coup. Il leur faut des châteaux, et il faut que ce château sorte aussi promptement de terre qu’une asperge dans la belle saison. Il faut des plantations d’arbres en salles, étoiles, bosquets, allées à perte de vue, tous arbres aussi stériles que l’esprit de l’opulent bâtisseur. Quand le château est fini, il faut encore de l’eau jaillissante, un bel étang, un pont. Que faut-il encore ? Un jardin anglais, pour singer les princes ! […] Eh ! combien cela dure ? L’espace d’un moment. On ne voit de toutes parts que châteaux à vendre. Ces lieux où la rapine enfouissait ses trésors, où le luxe déployait ses ruineuses fantaisies, ces palais de la volupté, sont achetés à vil prix30…
16Il paraît cependant difficile de réduire le phénomène des maisons de campagne à ces quelques traits acérés, la réalité des villégiatures suburbaines s’avère plus contrastée. Les motivations des propriétaires, la fonction des maisons de campagne vont au-delà d’un simple goût pour les colifichets et une architecture de pacotille, même si l’exemple des princes ou de quelques riches financiers le donne à penser. M.-A. Laugier affiche à cet égard un idéalisme rousseauiste qui dénote le caractère tout théorique de son Essai sur l’architecture :
- 31 M.-A. Laugier, Essai sur l’architecture, op. cit., p. 234.
Ce qui nous plaît dans la nature c’est 1e/ l’ombrage des bois, la verdure des gazons, le murmure des ruisseaux ; 2e/ les jolis points de vue, et les paysages agréables ; 3e/ l’heureuse bizarrerie que la nature met dans ses assortiments et ce beau négligé qui bannit de sa parure tout air de recherche et d’affectation31.
17Briseux, plus pragmatique, met en garde les futurs propriétaires contre des ambitions hors de leur portée :
- 32 C.-É. Briseux, L’Art de bâtir les maisons de campagne, op. cit., t. I, p. 1-2.
La disposition générale des maisons de campagne faisant tout l’agrément du premier coup d’œil et contribuant à leur commodité lorsqu’on sait placer à propos les bâtiments qui y sont nécessaires, elle demande une grande attention de la part de l’architecte ; mais il ne doit pas se laisser emporter à ses idées qui soient au-dessus des facultés de celui qui l’emploie32.
- 33 J.-F. Blondel, De la distribution des maisons de plaisance, op. cit.
18Ces auteurs mettent en lumière deux aspects, non exclusifs, des maisons de campagne très présents durant la seconde moitié du siècle : l’agrément d’un paysage champêtre et l’utilité d’une maison d’économie telle que la décrit déjà J.-F. Blondel dans le quatrième projet De la distribution des maisons de plaisance33.
- 34 Nous ne retenons pour notre démonstration que le second projet d’Archanger, AN, Z1j131318 , plans (...)
19Les exemples du « château » de Bagatelle et de la commanderie du chevalier de Chabrillant à Balizy34 (Essonne) montrent combien une même composition d’ensemble peut cacher des réalités différentes. Dans les deux cas, en effet, le corps de logis de plan massé d’environ neuf toises de face est disposé entre cour et jardin, il présente une rotonde sur jardin et est agrémenté de jardins de propreté réguliers. Cependant, le parc à l’anglaise de Bagatelle dessiné par Bélanger est voué au plaisir de la promenade, alors qu’à Balizy l’équivalent, tracé selon un dessin régulier, est planté en verger et potager ; dans ce dernier cas, le parc pourvoit aux besoins de la maisonnée. En ce qui concerne les communs, les écuries de Bagatelle n’abritent que huit chevaux de plus que celles de Balizy et le nombre des remises passe seulement de deux pour Balizy à quatre chez Artois. En revanche, les cuisines de Bagatelle sont disposées dans l’aile de communs alors qu’à Balizy elles prennent place en sous-sol, vraisemblablement afin de limiter le service.
- 35 M. Marion, Dictionnaire des institutions, op. cit., p. 113.
20Le parti architectural d’Archanger semble principalement motivé par des contraintes financières. La simplicité du logis fait croire à une maison de campagne alors que le terme de « commanderie » fait référence à la résidence permanente d’un chevalier des ordres hospitaliers35 . A contrario, Bagatelle ne sert au prince que pour de brefs séjours. Le plan si particulier de la maison de campagne « type Bagatelle » masque ici la fonction réelle de cette petite gentilhommière, certes construite au goût du jour, mais destinée seulement aux besoins d’un particulier. À Bagatelle, les petites dimensions du logis répondent à une fantaisie du prince, à Balizy en revanche c’est la nécessité qui contraint l’architecte à limiter l’extension de la maison. Paradoxalement, c’est plutôt à Balizy que disparaissent les « enseignes de la féodalité » : on ne trouve en effet ni douve, ni tour qui caractérisent une seigneurie, cependant qu’à Bagatelle le vocabulaire architectural désigne la qualité de l’occupant. Les guérites en forme de tour gothique à l’entrée du domaine, la tour des Paladins dans le parc sont autant de références amusées à la qualité du maître de maison.
21La maison de campagne, en tant que champ ouvert, conduit à une confusion des programmes, à seule fin d’« être à la mode ». Alors que le chevalier de Chabrillant se devait à Balizy de commander un véritable château en rapport avec la dignité d’une commanderie, il réalise une modeste maison de campagne que seule distingue des villas suburbaines sa localisation trop éloignée de Paris. Ces deux exemples montrent des architectures en trompe l’œil. À Bagatelle, où le prince doit nécessairement abriter un personnel nombreux, la disposition des communs en préambule à la cour d’honneur permet au visiteur, une fois le porche dépassé, d’oublier ces importants bâtiments de service ; il se retrouve face à un pavillon isolé qui semble fonctionner de manière autonome, sans services.
- 36 Seul les suiveurs de Bachaumont mentionnent le décès de l’architecte en 1782, voir Petit de Bachau (...)
22Le programme de la maison de campagne au xviiie siècle apparaît comme l’une des manifestations majeures de l’évolution de la société aisée, qui crée progressivement de nouveaux codes sociaux dans de nouveaux cadres de vie. Le roi, en tant que moteur des modes dans l’histoire de la France, occupe une place particulière dans cette évolution. Les modèles royaux de l’architecture officielle, incarnée par l’œuvre d’A.-J. Gabriel sous le règne de Louis XV, ne correspondent plus aux goûts du public et l’architecte vieillissant reçoit de moins en moins de suffrages36. Le principe de la maison de campagne est inadapté à la vie nécessairement publique du souverain d’Ancien Régime et conduit à la disparition de la vie de cour, malgré les tentatives de la seconde moitié du siècle.
Les créations royales
Choisy-le-Roi : inflation des bâtiments
- 37 Y. Bottineau et M. Gallet, Les Gabriel, op. cit., p. 232-238.
- 38 Ibid., p. 275. Nous n’évoquons pas ici les monuments publics, hors de notre étude, qui constituent (...)
- 39 E. de Croÿ, Journal inédit du duc de Croÿ 1718-1784, Paris, 1906, t. I, passim.
23Les maisons royales offrent un exemple particulièrement intéressant de l’architecture en trompe l’œil. Louis XV, hanté par la mémoire de son illustre prédécesseur, développe un goût particulier pour la construction et surpasse à cet égard tous les autres membres de la dynastie des Bourbon. L’éventail de ses réalisations va de la reconstruction de Compiègne — dès 173637 — à la fondation du Petit Trianon (1761)38 et son activité de bâtisseur est marquée par une formidable inflation de bâtiments dans chacune des maisons royales. Le cas du château de Choisy met en exergue deux traits de la personnalité de Louis XV. Il marque d’une part la volonté ferme d’égaler sinon de surpasser l’œuvre de Louis XIV par une politique de construction prestigieuse, expression du pouvoir monarchique ; et d’autre part, le roi aspire à vivre comme un particulier libéré des servitudes du pouvoir. De ces deux traits de caractère décrits avec beaucoup de sensibilité par le prince de Croÿ dans son Journal39, le second est largement encouragé par la marquise de Pompadour qui développe le « particulier du roi », cercle d’intimes que ce dernier réunit quotidiennement dans les petits appartements de Versailles.
- 40 Anne-Marie-Louise d’Orléans, duchesse de Montpensier (1627-1696), cousine germaine de Louis XIV.
- 41 Y. Bottineau et M. Gallet, Les Gabriel, op. cit., p. 242.
24Le château de Choisy acheté par Louis XV en 1739 est déjà un château princier construit pour la Grande Mademoiselle40 entre 1680 et 168641 sur les dessins de Jacques IV Gabriel ; le roi décide néanmoins de lui donner un caractère royal par une série de travaux d’agrandissement et d’embellissement :
- 42 J.-A. Piganiol de La force, Description historique, op. cit., t. IX, p. 138.
Choisy étant devenu un endroit considérable et s’augmentant tous les jours en conséquence des fréquents voyages du roi et du plaisir que Sa Majesté paraissait prendre dans ce délicieux séjour42.
- 43 AD Val-de-Marne, 1S 93, 1S 94.
- 44 C.-Ph. d’Albert de Luynes, Mémoires du duc de Luynes, Paris, 1860-1865, cité par B. Chamchine, Le (...)
- 45 Les dates mentionnées ici proviennent d’un récapitulatif détaillé des travaux réalisés au château (...)
- 46 B. Chamchine, Le Château de Choisy, op. cit., p. 37.
- 47 Remarquons que ce système de portique est également utilisé par E. Héré à la Mal grange pour faire (...)
- 48 Ibid., p. 72, AN, O12359. Cet état est connu par une gravure de Jacques Rigault, BNF Est. (Ve17 pe (...)
25Un an après son acquisition, le roi commande donc la construction de nouvelles écuries43 destinées à abriter quatre-vingt-dix chevaux44, dont le principe n’est pas sans rappeler le grand chantier de Jules Hardouin-Mansart pour les écuries de Versailles. Par ailleurs les glacières réalisées la même année démontrent déjà la volonté de Louis XV de procurer à son nouveau château les agréments et le confort de ses autres maisons. L’étape suivante consiste à transformer la petite galerie construite par la duchesse de Montpensier, qui conduisait du château au pavillon de la salle à manger (1743)45 (ill. 97). Ce dernier, établi en 171646, apparaît comme un exemple original de mise en scène d’une salle à manger fixe, implantée à l’écart du logis, formant un belvédère sur le fleuve47, disposition scrupuleusement conservée par A.-J. Gabriel. L’appendice de la galerie est cependant remplacé par un corridor doublé d’une colonnade de charpente du côté du jardin48. Le coût du bois, moins élevé que celui de la pierre, justifie vraisemblablement le choix de ce matériau, pour une simple galerie de circulation ouverte sur une basse-cour. Vers la Seine, l’élévation de cette galerie en rez-de-chaussée, percée de six arcades ornées de clefs à volutes enguirlandées, conserve par son aspect le caractère d’élément distributif. L’ensemble du décor de ces augmentations demeure néanmoins dans l’esprit du château primitif.

Ill. 97.— Château de Choisy, plan du château et des communs [1743-1746], dessin (AN, N II Seine 200).
- 49 AN, NII Seine 200.
- 50 Un plan général du domaine de Choisy, conservé à la BNF, daté de 1792-1797, montre l’état définiti (...)
26Ces premiers chantiers ne résolvent cependant pas le problème majeur de la pénurie de place dans cette résidence royale. Le plan ci-contre conservé aux Archives nationales49, que nous datons de 1743-1746 — l’aile des seigneurs n’est pas encore construite —, montre l’emplacement de baraquements devant l’orangerie, alors que d’autres gardes royaux sont logés sous des tentes ! Elles sont disposées dans l’avenue d’arrivée et sur les parterres de l’orangerie. L’inconfort d’une telle installation conduit nécessairement à envisager la construction de bâtiments de communs ; ils sont établis entre 1741 et 1752 à la périphérie du parc, entre les nouvelles écuries et l’orangerie, dos au « gouvernement », siège de l’administration du château. Il s’agit de bâtiments en rez-de-chaussée, couverts de combles brisés, en galetas, construits sur un plan cruciforme autour de quatre petites cours50. Ils abritent la cuisine du futur petit château,
- 51 AN, O113601, f° 2 v°, voir annexe II-3.
le restant est occupé par la chapelle du commun, la cuisine du petit château, salle à manger pour la suite de Sa Majesté, remises et écuries du gouvernement, corps de garde, boulangerie, blanchisserie et divers logements51.

Ill. 98.— Château de Choisy, Ange-Jacques Gabriel, plan du rez-de-chaussée de l’aile neuve à construire [projet 1747], dessin (AN O1_ 1351).
- 52 B. Chamchine, Le Château de Choisy, op. cit., p. 75.
- 53 Pour la généalogie des Gabriel, voir Y. Bottineau et M. gallet, Les Gabriel, op. cit., p. 330-331.
- 54 AN, O113516.
27L’aile des seigneurs, dont les travaux commencent en 1746, permet pour sa part de loger les courtisans dans quinze appartements répartis sur trois niveaux. Elle est construite dans le prolongement de la petite galerie, à la suite de la salle à manger du roi et de son appartement de bains. L’année suivante, cependant, Gabriel dessine un nouveau projet plus ambitieux qui consiste à régulariser tous les bâtiments situés au nord du logis principal et à établir une longue aile de trente et une travées autour d’un avant-corps central (ill. 98). Là encore, comme le souligne B. Chamchine52, le décor des élévations s’harmonise avec celui du grand-père de Gabriel53 et l’architecte précise, dans les annotations portées sur le dessin de l’élévation, que les corniches de la nouvelle aile des seigneurs doivent régner avec celle du château54 (ill. 99).

Ill. 99.— Château de Choisy, Ange-Jacques Gabriel, élévation du projet pour la nouvelle aile des seigneurs, dessin (AN O1 1351).
- 55 G. Poisson, « Un édifice de Gabriel retrouvé : le petit château de Choisy », BSHAF, 1953-1954, p. (...)
- 56 AD Val-de-Marne, 1S 21.
- 57 B. Chamchine, Le Château de Choisy, op. cit., p. 115.
- 58 Musée de l’Île-de-France, gravure publiée dans Y. Bottineau et M. Gallet, Les Gabriel, op. cit., p (...)
- 59 A. Roserot, Edme Bouchardon, Paris, 1910.
- 60 E.-J.-F. Barbier, Chronique de la Régence, op. cit., t. IV, p. 395, cité par B. Ketcham-Wheaton, L (...)
- 61 B. Ketcham-Wheaton identifie ce groupe avec la corporation des queux, cuisiniers et porte-chappes, (...)
- 62 Ibid.
- 63 E.-J.-F. Barbier, Chronique de la Régence, op. cit., t. IV, p. 395.
- 64 B. Chamchine, Le Château de Choisy, op. cit., p. 108.
28Le caractère aléatoire des agrandissements du château, réglés sur les besoins immédiats du roi ou ses désirs, caractérise les constructions royales. En 1754 par exemple, Louis XV, lassé d’un château devenu trop grand55 et désireux de pouvoir s’isoler dans des appartements plus intimes, décide d’établir un pavillon à l’emplacement des parterres de l’ancienne orangerie56. Ce bâtiment appelé Petit Château est construit au milieu d’un jardin entièrement clos de treillages et de haies de buissons57, afin de créer un havre de verdure dans l’enceinte même du grand parc de Choisy, comme le montre la gravure qu’en fait Denis Papillon de La Ferté58. Paradoxalement, il choisit l’emplacement du nouveau bâtiment dans la partie la plus construite du domaine, à proximité de la nouvelle oran-227 gerie, construite en 1752-1753, écrin du fameux Amour taillant son arc dans la massue d’Hercule de Bouchardon59, du jardin fleuriste et de la ménagerie (1745). L’agrément d’un pareil environnement est en réalité destiné à distraire le roi, et les artifices utilisés afin d’isoler le petit château du reste du domaine permettent de marquer l’intimité du lieu malgré un environnement très construit. Par ailleurs, grâce à l’installation des tables volantes dans la salle à manger, le service disparaît, ce qui donne au roi l’illusion de vivre comme un simple particulier. Les officiers de la bouche lors des voyages de Choisy — signalée dans le journal de Barbier60 — sont remplacés par la Compagnie des meilleurs cuisiniers de Paris61, qui concourent également au dépaysement du roi. Louis XV recompose ici un environnement presque bourgeois, ces derniers étant seulement des traiteurs appelés à l’occasion des mariages et banquets62. Les privilèges de la noblesse de cour et des grands officiers de la Couronne ne suffisent plus désormais pour atteindre la personne du roi, et l’intimité avec Louis XV ne se conquiert qu’avec sa confiance. Barbier ne manque pas de souligner le caractère scandaleux de ces nouvelles pratiques63. Cependant, l’appellation petit château est trompeuse car la façade sur jardin, malgré de nombreux ressauts qui réduisent visuellement son ampleur, mesure environ quarante-deux mètres de long. Le terme renvoie en réalité davantage à la modestie du mode de vie désirée par Louis XV, qui aspire à l’état de particulier. Cependant, la mise en scène du service, grâce aux tables volantes, n’exclut pas un personnel de cuisine important qui certes disparaît des yeux du roi, mais requiert cuisines, offices et logements. Les sous-sols du pavillon ne suffisent pas à ces fonctions et l’ensemble du département est relégué dans les communs avec lesquels le pavillon est relié par un corridor de onze toises64 — dissimulé derrière des treillages côté jardin — (ill. 100), véritable « cordon ombilical » du petit château qui ne peut en aucun cas se passer d’espaces de service.

Ill. 100.— Château de Choisy, Ange-Jacques Gabriel, plan du rez-de-chaussée du petit château, dessin (AD Val-de-Marne, 1 S 21).
29Cette expérimentation d’un programme nouveau — la petite maison — adapté au désir d’intimité du roi montre ses limites dans la multiplication des espaces de service. Le roi n’est pas un particulier, il ne peut donc agir comme tel sans les artifices d’une distribution complexe ; en outre les implications politiques de l’abandon de la vie de cour le condamnent en réalité à se cacher afin de trouver l’intimité souhaitée. Cependant, Louis XV ne peut la trouver dans son intérieur toujours adapté à ses fonctions, les différentes résidences tant de madame de Pompadour que de la Du Barry ont en conséquence pour fonction de pallier ce manque.
Bellevue : l’impossible « petite maison royale »
- 65 AN, O1153125.
- 66 P. Biver, Histoire du château de Bellevue, op. cit., p. 6.
- 67 J.-A. Poisson, marquise de Pompadour, Correspondance avec son père M. Poisson, son frère M. de Van (...)
- 68 R.-L. de Voyer, marquis d’Argenson, Journal et mémoires, op. cit., t. VI, p. 50.
30Si le château de Bellevue n’est pas à proprement parler une création royale, il est certain néanmoins que le roi prend une part importante dans cette création. Il achète les terrains, dont le toisé est réalisé par son premier architecte — accompagné de Jean-René Billaudel et Jean Garnier-d’Isle65 —, et il finance indirectement le chantier par ses mânes à madame de Pompadour66, enfin il rachète le domaine à l’heure où la marquise rêve déjà d’autres domaines. Ce cas présente l’intérêt d’être une construction ex nihilo, dans laquelle le goût de la Pompadour se mêle intimement à sa volonté de créer un asile à sa royale idylle. Cependant, la publicité de la liaison du roi autorise madame de Pompadour à faire de Bellevue une résidence officielle et non une retraite isolée : le château manifeste le triomphe d’une maîtresse en titre. Ainsi, lorsque la marquise affirme dans un courrier de 1751 à Mme de Lützelbourg : « C’est un endroit délicieux, pour la vue ; la maison quoique pas bien grande, est commode et charmante, sans nulle espèce de magnificence67», il ne faut voir qu’une déclaration de principe qui se rapporte plus à l’image qu’elle souhaite donner au public de sa modération qu’à la réalité. D’autres, comme le marquis d’Argenson68, s’emploient déjà à dénoncer les folles dépenses de la marquise ou au contraire font assaut de flagornerie, comme J.-A. Piganiol de La Force qui indique :
- 69 J.-A. Piganiol de La Force, Description historique, op. cit., t. IX, p. 38.
De toutes les maisons de plaisance qui par l’agrément de leur position ont mérité le nom de Beauséjour, Beauregard, Beauvoir ou belvédère, comme le disent les Italiens, il n’en est point que l’on puisse comparer au château de Bellevue, situé près de Meudon, entre la rivière de Seine et ce qu’on appelle communément la garenne de Sèvres ou le bois Cotiniers. Cet élégant édifice est redevable de son existence à une dame de goût qui protège les arts et qui les cultive, madame la marquise de Pompadour69.
- 70 P. Biver, Histoire du château de Bellevue, op. cit., p. 7.
31Paul Biver, à qui l’on doit une Histoire du château de Bellevue, montre que l’ensemble des travaux de la marquise pour Bellevue s’élèvent à plus de deux millions cinq cent mille livres70, somme considérable au regard de la relative modestie des bâtiments. Si le corps de logis ne présente en effet que neuf travées de face sur six, l’emprise au sol correspond à sept cent cinquante-trois mètres carrés, dimensions certes sans rapport avec les résidences royales mais suffisante néanmoins pour abriter deux appartements au rez-de-chaussée : celui de la marquise et un appartement de société.

Ill. 101.— Château de Bellevue, plan d’arpentage du château et du parc, 27 juin 1757, dessin (AN, MC ét. XLIX253).
- 71 Cinq cent trente-sept mètres carrés.
- 72 P. Biver, Histoire du château de Bellevue, op. cit., p. 21.
32Toute l’ambiguïté du programme réside dans la double volonté de créer une maison de campagne susceptible d’attirer le roi par son intimité et son luxe, mais également de ne pas révolter le public auprès duquel la marquise a déjà mauvaise presse. Dans ce but, le parti adopté par Jean Lassurance est celui d’un logis de plan massé, inspiré directement du château d’Issy, où le logis, plus modeste cependant71, se compose également de trois travées, dont la principale au centre comporte de deux pièces, vestibule et salon. La terrasse sur laquelle Lassurance érige le pavillon le fait paraître, selon la formule de P. Biver, comme un « bibelot précieux posé sur un socle grandiose72 » (ill. 101). En effet, le corps de logis est entouré de rangées d’arbres qui masquent les communs à la vue du spectateur depuis la Seine et donnent l’illusion d’un pavillon isolé. Du côté du plateau, deux bâtiments symétriques, en rez-de-chaussée, de vingt et une toises de face, encadrent la cour d’arrivée, bordée de fossés, selon un modèle conventionnel, mais sont séparés du logis par des grilles.
- 73 Voir en particulier le quatrième projet, De la distribution des maisons de plaisance, op. cit.
- 74 AN, O1153147, 48, 50, voir annexe III-4.
33Cette organisation des bâtiments, assez commune, reprend la composition classique de la maison de campagne, cependant, à Bellevue — comme à Choisy —, la présence du roi implique de nouveau d’importants services que Lassurance s’emploie à masquer dans une architecture en trompe l’œil. En effet, les deux ailes qui bordent la cour devraient, dans le schéma traditionnel de la maison de campagne tel qu’en propose J.-F. Blondel73, abriter les écuries, les cuisines ou même l’orangerie. Or, le manque de place à l’intérieur du corps de logis conduit l’architecte à utiliser ces ailes, dont l’aspect extérieur renvoie à des bâtiments d’utilité, afin de loger les accessoires qui ne peuvent entrer dans la distribution du château. Ainsi, l’on trouve dans l’aile nord-ouest l’appartement des bains et, dans son pendant, la salle de théâtre : deux dépendances d’agrément. Les entresols et galetas de ces ailes basses, qui normalement devraient être occupés par des greniers ou des mansardes de domestiques, abritent ici les appartements des plus hauts seigneurs de la cour74. Le plan d’acquisition du château dressé à cette date montre en effet la maigre ressource qu’offrent les bâtiments de communs de part et d’autre du logis pour distribuer d’importants services.
- 75 AN, O11533281-282.
- 76 AN, O11531232, voir annexe III-6.
- 77 AN, O11533255, Billaudel dressera un nouveau projet pour la cour de la ménagerie en 1774, AN, NII (...)
- 78 AN, O11533285.
34L’acquisition de Bellevue par le roi marque un tournant dans le parti architectural. Désormais, le pavillon de madame de Pompadour est une résidence royale et l’augmentation des bâtiments révèle ce nouveau statut. Comme à Choisy, nous retrouvons la même frénésie de bâtir, en dépit du projet initial, afin de pourvoir aux fonctions nouvelles d’un château royal. Ainsi, dès 1762, on assiste à une densification de l’habitat rendue possible par le découpage des pièces les plus grandes du bâtiment des communs, dans le but de loger toujours plus d’officiers, gardes, etc.75. En 1766, Billaudel rappelle la nécessité d’agrandir les bâtiments de la cour de la ménagerie76 par la construction de corps de bâtiments semblables à ceux de la cour des cuisines. Les plans en sont déjà dressés en effet depuis 175777, mais la réalisation du chantier est ajournée pour dix ans en raison de l’impécuniosité de la Maison du roi. Priorité est alors donnée à l’aménagement des appartements de Louis XV, agrandis de deux petites ailes en rez-de-chaussée, de part et d’autre du corps de logis, du côté de la cour, et construites sur les dessins d’A.-J. Gabriel, nouvel architecte du château78. Ces nouvelles constructions montrent bien l’état d’esprit qui préside aux transformations du pavillon et l’aile sud-est destinée à abriter une nouvelle chapelle symbolise le fondement sacré du pouvoir du nouveau propriétaire. La suite des travaux concerne principalement l’aménagement intérieur du château dans lequel doivent désormais apparaître des appartements pour les filles de Louis XV, ainsi que pour le dauphin et son épouse. Cependant la seconde campagne de travaux en 1773 touche directement la basse-cour investie par les logements d’officiers. Alors que celle-ci est dévolue au service de la bouche et aux écuries du temps de la marquise de Pompadour, les stalles sont supprimées par Louis XV et remplacées par les logements des pages et de leur aumônier.
35À Bellevue, dès l’origine, les communs n’apparaissent pas sous leur forme ordinaire d’aile mais sont « atomisés » dans des appentis et bâtiments bas répartis autour du périmètre du parc. Ces masures doivent être les plus discrètes possible, dissimulées derrière des murs par les bosquets du jardin, afin de respecter le parti de composition du pavillon isolé. Cependant, lors du rachat du château par le roi, si l’idée primitive d’une petite maison disparaît par l’adjonction des ailes, le principe des communs répartis à la périphérie du domaine demeure.
Pourquoi le Petit Trianon offre-t-il une solution idéale ?
- 79 Y. Bottineau et M. Gallet, Les Gabriel, op. cit., p. 168-170.
36Le processus de la création du Petit Trianon illustre les tâtonnements déjà constatés dans de nombreuses constructions royales sous le règne de Louis XV et reflète le caractère souvent indécis du monarque. Le domaine de Trianon devient progressivement l’un des lieux de promenade de prédilection du roi au cours des années 1750, à la suite de la construction d’une nouvelle ménagerie en 174979, bientôt accompagnée d’un jardin neuf et du fameux Pavillon français. Ces aménagements transforment cette partie du parc de Versailles et offrent une nouvelle attraction au roi qui souhaite pouvoir y séjourner et commande à A.-J. Gabriel un nouveau pavillon en 1764. Ce bâtiment, largement analysé par la bibliographie contemporaine, laisse cependant les auteurs perplexes, tel J.-M. Pérouse de Montclos qui assure n’y voir aucune originalité :
- 80 J.-M. Pérouse de Montclos, Histoire de l’architecture française, op. cit., p. 389.
Rien de nouveau dans ce chef-d’œuvre pourtant considéré comme un exemple précoce du style Louis XVI : il est vrai que le style Louis XVI est un néostyle Louis XIV datant de Louis XV ! Aucun commentaire n’a pu dire, de façon convaincante, de quoi était fait un chef-d’œuvre lorsque l’innovation n’y était pour rien80.
37Or, ce serait oublier que le talent de Gabriel consiste dans l’art d’assimiler les références et de s’inspirer, sans pastiche, des trouvailles de ses confrères. Ainsi trouve-t-on au Petit Trianon toutes les innovations liées à la maison de campagne réunies en un seul lieu. Parmi d’autres modèles, le « pâté Pâris » occupe une place importante du fait de la disposition des espaces de services répartis entre le socle du pavillon qui abrite les cuisines et la cour des communs pour les autres services, dissimulée au visiteur par des murs, agrémentés ici de charmilles. Ces espaces considérés comme triviaux doivent disparaître afin de ne pas rompre l’harmonie de la nature et de répondre au critère de convenance.
38L’abondance de la végétation sert les effets de surprise, lorsque, au détour d’un bosquet, le promeneur découvre un morceau d’architecture : portail, pavillon ou treillage semblent émerger des frondaisons qui mettent en valeur la blancheur de la pierre ou telle précieuse essence. Depuis le jardin français, la cour des communs du Petit Trianon est ainsi rendue invisible par les plantations desquelles seule émerge la chapelle, contiguë aux basses-cours. La façade de cette dernière, disposée à angle droit avec le pavillon royal, fait office d’interface entre le logis et ses communs. Elle domine à la fois le jardin et les basses-cours de son clocher en bulbe et incarne le point commun entre le monde ancillaire et celui des maîtres : une foi unique. La curieuse cour en forme de cloître, entourée d’un portique de bois, qui jouxte l’entrée de la chapelle est bordée d’une double circulation — haute pour communiquer à la tribune, basse qui conduit aux cuisines — qui n’est pas sans rappeler le principe des chapelles palatiales où le roi et ses sujets occupent deux niveaux superposés.
39Les circulations domestiques souterraines, intégrées au jeu des terrasses, montrent la parfaite connaissance de l’architecte à la fois des besoins d’une maison royale moderne, selon le goût de Louis XV, et des précédents de l’architecture privée à la mode dans les milieux financiers en particulier. Les modèles des châteaux de Champs, de Montmorency, de l’hôtel de Crozat le jeune ou du « pâté Pâris », publiés par Mariette dans L’Architecture française, sont autant d’exemples dans lesquels Gabriel a pu puiser son inspiration pour organiser les espaces servants du Petit Trianon. L’architecte propose ici une synthèse des maisons de campagnes les plus admirées des premières décennies du xviiie siècle. En cela le Petit Trianon ne constitue pas une œuvre originale mais l’aboutissement des recherches architecturales engagées depuis la Régence, malgré l’adoption d’un vocabulaire architectural moderne, « à la grecque ». Nous retrouvons cette particularité de l’œuvre de Gabriel dans la plupart de ses chantiers ; de la place Louis XV à l’École militaire, l’architecte compose à partir de modèles et la part d’invention, d’originalité se situe dans l’assemblage de formes connues, qui restent la plupart du temps lisibles, comme autant de citations.
- 81 G.-L. Le Rouge, Jardins à la mode, op. cit., 20e cahier.
40La réussite de ce chantier, dont nous avons vu que le programme était inadapté aux besoins du roi tant à Choisy qu’à Bellevue, s’explique ici par la conjonction de deux données importantes. Tout d’abord, le pavillon n’a, à aucun moment, été destiné au roi ; commandé pour la marquise de Pompadour, son décor est définitivement achevé pour la comtesse Du Barry qui y reçoit Louis XV, sans que ce dernier en soit l’hôte. En conséquence, le lourd appareil de la suite royale peut être allégé. D’autre part, la proximité du palais de Versailles permet de se passer, tout au moins jusqu’à la mort du roi, d’accessoires comme une salle de spectacle et aussi des logements réglementaires des premiers officiers de la Couronne. L’attrait horticole qui est aux sources de la construction du Petit Trianon est en revanche largement développé au travers des serres et orangeries qui figurent sur le plan que donne Georges-Louis Le Rouge du domaine81. Le Petit Trianon, malgré son implantation au cœur du parc de Versailles, doit être considéré comme une demeure de particulier. Marie-Antoinette qui succède à madame Du Barry comme maîtresse de maison ne s’y trompe d’ailleurs pas et se retire à Trianon dès que possible, au grand dam de la cour.
Du château au pavillon isolé
Anglomanie et palladianisme
- 82 J. Harris (dir.), The Palladian Revival. Lord Burlington, his Villa and Garden at Chiswick, cat. d (...)
41Le principe de la maison de campagne de type palladien élaboré en Angleterre dès la fin du xviie siècle82 fait son apparition en France à partir des années 1760. Cette mode, goûtée pour le dépaysement et la nouveauté qu’elle apporte dans la conception de la villégiature, se traduit par l’émergence du jardin anglo-chinois qui accompagne le traditionnel château français. Cependant cette adoption du style anglais demeure relativement superficielle tant dans le cadre de vie nobiliaire que dans les mœurs, comme l’explique le comte de Tilly avec justesse et ironie :
- 83 A. de Tilly, Mémoires, Paris, 1986, p. 271-272.
J’ai dit que ce n’est point à Londres qu’il faut vivre ; j’ai dit que les monuments et les belles maisons y étaient rares ; mais on ne peut donner trop d’éloges aux campagnes, au genre de vie qu’y mènent les gens considérables, au luxe vraiment hospitalier qu’ils y déploient. On doit visiter un grand nombre de très beaux châteaux qui méritent l’attention des voyageurs, spécialement les parcs, les jardins, modèles uniques d’un genre inconnu, ou mal copié dans le reste de l’Europe.
[…] Il y avait en France des habitations plus somptueuses, plus d’un certain luxe de grand seigneur, des distributions plus commodes pour la vie usuelle, plus de fainéants dans les antichambres, plus de glaces, de bronzes, de meubles et de dorures.
En Angleterre, plus de simplicité opulente, une vie de campagne plus près de la nature, plus d’appartements de plain-pied en bas, qu’on peut montrer, quelques chambres à coucher incomplètes, mesquines, en haut, qu’il faut cacher (tout en parlant toujours de ce qu’il y a de plus commode, confortable), plus de gens dans les écuries, plus de fraîcheur dans les meubles plus simples et plus rares, et quelquefois plus de tableaux.
Dans les châteaux des uns on buvait, on courait, on chassait ; on était à la campagne pour oublier la ville. Dans les châteaux des autres, on faisait une chère exquise, la musique, la promenade, le recueillement, la lecture, la comédie de société, les répétitions, de l’esprit dans le salon, tout cela partageait avec le temps et lui donnait des ailes… on faisait l’amour quand on pouvait ; en un mot on continuait Paris83.
42Apparaît ici toute l’ambiguïté de l’anglomanie : on s’enthousiasme pour cette délicieuse simplicité britannique mais on accorde néanmoins sa préférence à l’élégance française. Mode futile et donc passagère, elle devient signe avant-coureur de révolution cinquante ans plus tard, sous la Restauration. Elle prend sens sous l’éclairage post-révolutionnaire du comte Louis-Philippe de Ségur pour lequel toute manifestation d’inspiration britannique participait des Lumières :
- 84 L.-Ph. de Ségur, Mémoires…, Paris, 1824-1826, t. I, p. 151.
Ce qui aiguillonnait encore notre vive impatience, c’était la comparaison de notre situation présente avec celle des Anglais. Montesquieu nous avait ouvert les yeux sur les avantages des institutions britanniques […]. Aussi, j’ai toujours été surpris que notre gouvernement et nos hommes d’État, au lieu de blâmer, comme frivoles, folles et peu françaises, les passions qui s’étaient tout à coup répandues en France pour les modes anglaises, n’y aient pas vu le désir d’une imitation d’un autre genre, et les germes d’une grande révolution dans les esprits : ils ne se doutaient pas qu’en bouleversant dans nos parcs les allées droites, les carrés symétriques, les arbres taillés en boule et les charmilles uniformes, pour les transformer en jardins anglais, nous annoncions notre désir de nous rapprocher, sur d’autres points, de la nature et de la raison84.
- 85 J.-L. Harouel et alii, Histoire des institutions de l’époque franque à la Révolution, Paris, 1998, (...)
- 86 Alexandre-Théodore Brongniart 1739-1813. Architecture et décor, cat. d’expo., J.-M. Bruson, M. Mos (...)
- 87 P. Arizzoli-Clémentel, Vues et plans du Petit Trianon à Versailles, Paris, 1998, p. 7 et suivantes
43Cette interprétation des modes et du jardin anglais demeure en effet sujette à caution. Lorsque le maréchal de Ségur, père de l’auteur et ministre de la Guerre de Louis XVI, reconnu pour son ordonnance sur la qualité noble des officiers85— et donc peu enclin à servir les idées nouvelles —, fait lui-même réaliser un jardin anglais autour de son château de Romainville86, c’est bien évidemment sans arrière-pensée politique mais seulement pour moderniser son domaine. La reine elle-même ne peut guère être accusée de « sympathies libérales » bien qu’elle commande à Richard Mique le plan du jardin anglais de Trianon87.
- 88 C. Campbell, Vitruvius Britannicus, Londres, 1715-1725, 3 t.
- 89 K. Frey, La Maison de campagne, programme idiomatique et universel de l’architecture européenne 17 (...)
44Le palladianisme n’apparaît en réalité que de manière ténue en France et aucun architecte français, à notre connaissance, ne revendique explicitement — au xviiie siècle — une inspiration anglaise, quels que soient ses rapports avec la Grande-Bretagne. Par ailleurs, il n’est pas évident que la connaissance des modèles de Palladio en France soit diffusée par l’Angleterre ; les meilleurs de nos architectes ne peuvent-ils pas en effet découvrir in situ l’œuvre de l’artiste, lors du séjour romain qui couronne leurs études ? Bien qu’ils connaissent les modèles de l’architecture civile britannique, notamment grâce au fameux Vitruvius Britannicus de Colin Campbell88, et malgré l’engouement anglomane de la seconde moitié du siècle, les architectes français n’utilisent que tardivement, et non sans réticences, les références anglaises dans la construction des châteaux. La conception britannique de la country house est bien éloignée du type de composition utilisé en France depuis le xviie siècle, où la progression vers le logis, selon une mise en scène réglée, correspond à une vision nobiliaire de l’habitat. L’intégration de la demeure à la nature, sur le mode anglais, est en revanche largement utilisée dans le cadre plus informel des maisons de campagne89.
- 90 Louis XVI est à l’origine de cette commande en 1786, il développe là le premier élevage de moutons (...)
- 91 G. Béaur, La Terre et les hommes : France et Grande-Bretagne, xviie-xviiie siècle, Paris, 1998.
- 92 F. Quesnay, Physiocratie, texte présenté par J. cartelier, Paris, 1991, p. 13, 17.
- 93 Notons à cet égard que cette dernière fonde le haras de Pompadour en Limousin en mai 1751. Voir F. (...)
- 94 E. de Ganay, Traité de la décoration des dehors, des jardins et des parcs, par feu monseigneur le (...)
45De même, il est tentant de voir dans le développement de l’agronomie, sous la forme notamment des fermes expérimentales telles qu’à Rambouillet90 ou Herces, une influence anglaise91, consécutive à l’intérêt britannique pour l’élevage équin en particulier. Cependant, l’initiative de ce mouvement ne revient pas à la Grande-Bretagne, mais au courant physiocrate, qui naît en France de la rencontre de François Quesnay (1694-1774) et du marquis de Mirabeau (17151789) en 175792, et autour desquels se forme le clan des économistes, soutenus et encouragés par madame de Pompadour93. C’est plutôt sur un plan formel que l’influence anglaise se manifeste, par exemple dans le soin nouveau apporté aux dépendances du château, fermes ornées ou fermes modèles qui sont passées au crible du pittoresque — comme celle du château de Herces notamment — et deviennent des fabriques de jardins, telles que les évoque le duc d’Harcourt94.
46Ainsi, dans le cadre des bâtiments d’utilité, l’influence anglaise se limite à des manifestations sporadiques qu’il convient de replacer dans le contexte d’une société en mutation, dans laquelle la hiérarchie sociale et l’expression des privilèges priment les modes.
Attachement aux formes traditionnelles : le cas de Canon
- 95 A. de Mézerac, « Canon : les bonnes gens », op. cit., p. 9. L’auteur tire ses informations des arc (...)
- 96 Ibid
- 97 A. de Mézerac, « Le château de Canon », Arts Basse-Normandie, n° 37, 1965, p. 9-42.
- 98 Communication orale d’A. de Mézerac.
- 99 Le kiosque chinois et le temple de la Pleureuse (dorique) se répondent aux deux extrémités de l’av (...)
47Le château de Canon, construit à partir de 1727 par le « sieur de La Roque95 », est acquis en 1768 par Jean-Baptiste Élie de Beaumont, qui réside à Paris et dont le domaine normand tient lieu de villégiature. Le cas de cet avocat qui correspond avec Voltaire et défend la cause de la communauté protestante au travers de l’affaire Calas montre comment, malgré son appartenance à l’élite éclairée, l’homme agit en seigneur sur ses terres. Le château, lors de son acquisition, ne comprend qu’un rez-de-chaussée de sept travées de face, couvert d’un comble en mansarde, bientôt augmenté d’un étage carré, couvert d’un toit surbaissé, dissimulé derrière une balustrade d’inspiration italienne. Cette concession au goût du jour paraît tout à fait normale pour un homme à la mode, qui appartient à la société éclairée et auquel un voyage en Angleterre a révélé l’architecture palladienne de son ami William Chambers en particulier96. En 1768, les communs du château sont organisés autour d’une cour en U, au sud du corps de logis, prolongée d’une aile vers la demeure, légèrement décalée en arrière de cette dernière. Le nouveau propriétaire ordonne la construction de corps de bâtiment symétriques au nord. Le nouvel édifice et son pendant, couverts de combles brisés, d’un étage dans leurs parties tournées vers le château, encadrent ce dernier, lui donnent une certaine majesté et transforment la maison de campagne initiale en château. Les nouvelles constructions abritent les locaux festifs de la « fête des bonnes gens », inventée par l’avocat pour célébrer la vertu des villageois97, et la basse-cour contiguë contient les bâtiments de la ferme. Il faut remarquer qu’ici la ferme ne correspond pas aux bâtiments nécessaires à la culture de la réserve — ces derniers sont disposés dans les bâtiments de communs primitifs —, mais bien à un domaine agricole loué à un particulier (une tenure). Les nouvelles constructions réalisées pour la symétrie et la majesté de l’ensemble château/communs ne coïncident pas avec la réalité foncière du domaine. L’apparence du château et de ses annexes sous-tend un domaine important et un personnel nombreux, or, les comptes de l’année 1783 montrent qu’Élie de Beaumont ne dispose sur place que de deux domestiques et un jardinier, auxquels se joint un couple de serviteurs qui accompagne son maître lors de ses voyages de Paris98. Par l’artifice des bâtiments qui encadrent le corps de logis, l’avocat fait de son domaine de Canon un véritable château, qu’il agrémente d’un vaste jardin duquel les conceptions nouvelles ne sont pas absentes, mais nous sommes là dans le domaine privé du château99 et force est de constater que le choix d’Élie de Beaumont se porte sur les formes les plus traditionnelles de l’architecture des communs pour exprimer sa puissance seigneuriale.
Abandon de la séquence d’accès
48Le principe de l’abandon de l’accès frontal dans le château anglais à des fins pittoresques, comme à Castle Howard par exemple, ne peut être transposé en France en raison de sa valeur symbolique. En effet, la cour d’honneur tient une place particulière dans le cadre de la composition traditionnelle du château français : espace ouvert, depuis la seconde moitié du xviie siècle, elle permet une mise à distance du château et du visiteur tenu derrière les grilles d’entrée qui lui permettent de voir, tout en lui condamnant l’accès au logis. Le portail ouvert, la cour devient un espace public où le seigneur reçoit « ses gens », au pied de la haute façade du château. L’habitat seigneurial se distingue en cela de la maison de campagne d’un particulier, habitat privé, dépourvu de fonctions officielles, dans lequel il est possible de se passer d’une cour d’honneur. La mise en scène symbolique du corps de logis — et par là des prérogatives seigneuriales — disparaît dans le système britannique en même temps que l’interface que constitue la séquence d’accès. Désormais le visiteur découvre le château au détour des allées sinueuses d’un jardin.
- 100 M. Mosser, « Le rocher et la colonne, un thème d’iconographie du xviiie siècle », RA, n° 5859, 198 (...)
49Le caractère informel du jardin pittoresque offre un champ d’expérimentation privilégié pour cette nouvelle conception de la composition des accès. Le logis n’apparaît plus comme le « morceau de bravoure » mais bien comme l’un des éléments du complexe architectural et paysager, parmi les fabriques du jardin. Par ailleurs, l’absence de fonction de représentation officielle permet au visiteur, le portail franchi, d’entrer de plain-pied dans l’univers du jardin. L’entrée circulaire du jardin de Monceau et la première cour de Bagatelle, de petites dimensions et closes de toutes parts, n’ont plus qu’une fonction de sas (ill. 102). Ces espaces, contrairement aux anciennes avant-cours, ne concourent plus à la transition progressive vers le logis, mais préparent la rupture entre le monde extérieur trivial et le microcosme savant du jardin, réservé au visiteur privilégié et cultivé. Ces « accès à surprises », tels que les a définis M. Mosser100, répondent à des impératifs de composition dans le contexte de la densification de l’habitat péri-urbain qui multiplie les mitoyennetés et réduit corollairement l’emprise des jardins.
- 101 Jardins en France 1760-1820. Pays d’illusion, terre d’expérience, cat. d’expo., M. Mosser (dir.), (...)
- 102 Nous pensons notamment au tableau d’Hubert Robert, Vue générale de Méréville en direction du châte (...)
50Plastiquement, ces cours servent de rotules distributives aux nouveaux jardins dont la composition, contrairement au modèle original britannique, demeure le plus souvent circonscrite et n’offre guère d’ouvertures sur l’extérieur. Le jardin anglo-chinois, univers onirique ou raccourci du monde à l’écart de la vie ordinaire101, doit être un espace clos, protégé, dans lequel la cour d’entrée n’est qu’un lieu de passage et non une station dans la progression vers le logis. La figuration gravée ou peinte de ces nouveaux jardins confirme cette volonté de juxtaposer des scènes en forme d’archétypes pittoresques dépeints au travers de tentes turques, de pavillons à l’antique, de kiosques chinois, etc. Dans leurs œuvres, Le Rouge, de Carmontelle (ill. 53) ou Châtelet mettent l’accent sur un coin de jardin, une fabrique originale, ils obstruent les lointains par des arbres et ne représentent guère de larges panoramas ouverts sur l’extérieur du jardin. Le genre « portrait de château » évolue sensiblement vers une représentation plus « arcadienne » du domaine dans laquelle le logis n’occupe qu’une modeste partie du tableau au profit du paysage jardiné102. Par ailleurs, remarquons que la façade représentée n’est plus celle d’arrivée qui met en scène les signes et symboles attachés à la seigneurie, mais la façade sur jardin. Ce renversement de la perception du château par les peintres induit un rapport nouveau au château qu’ils ne considèrent plus comme la demeure solennelle du seigneur mais comme un élément pittoresque, à la manière d’une fabrique.

Ill. 102.— Louis Carrogis de Carmontelle, Jardin de Monceau, « Plan du jardin », gravure, 1779, pl. 1.
- 103 A.-J. Dézallier d’Argenville, La Théorie et la pratique du jardinage, Paris, 1747.
- 104 Bien que n’étant pas localisé en Île-de-France, la qualité du propriétaire et l’origine de son arc (...)
- 105 P.-V. de Besenval, Mémoires, op. cit., p. 31. La grande intimité de la maréchale de Ségur et du ba (...)
51Le dilemme entre les principes de composition du jardin anglo-chinois et le modèle traditionnel français reflète toute l’ambiguïté des dernières décennies de l’Ancien Régime, où la société privilégiée est amenée à choisir entre une conception moderne de ses résidences à la mode et l’organisation séculaire des abords de la demeure. Il semble qu’en Île-de-France, où les propriétaires sont plus enclins à adopter les dernières nouveautés qu’en province, l’évolution de la composition des abords du château s’oriente vers un compromis entre le jardin anglo-chinois, tel que nous l’avons décrit à Monceau ou au désert de Retz, et le classique château français. Le parti de composition le plus fréquent à la fin du xviiie siècle consiste à conserver une organisation régulière du domaine du côté de l’entrée et à isoler le jardin irrégulier, alors envisagé comme un désert, un lieu de retraite, par opposition au jardin à la française plus solennel. Cette formule n’est d’ailleurs pas en totale rupture avec les principes anciens de Dézallier d’Argenville qui dès 1709 suggère de négliger les bosquets les plus lointains du corps de logis au profit des abords de la maison103. Le cas de Chanteloup (pl. X) illustre la volonté du duc de Choiseul de mettre au goût du jour son parc dans lequel il établit un jardin à l’anglaise sillonné d’allées sinueuses à l’est du logis mais préserve la majestueuse perspective du château sur la Loire au nord et sur sa fameuse pagode au sud104. Le mode de vie de ce grand seigneur, son attachement aux prérogatives de son ordre ne sont sans doute pas indifférents à ce parti pris qui préserve le caractère propre au château (ill. 51). À Romainville, où le baron de Besenval aidé par A.-T. Brongniart105 donne le nouveau tracé du jardin, la césure entre la partie régulière du domaine et le parc à l’anglaise est marquée par de hautes charmilles qui règnent avec la corniche du corps de logis et isolent ainsi deux espaces distincts : public d’une part — cycle avant-cour/cour d’honneur — et privé d’autre part — le parc au pied du château.
52L’œuvre de C.-N. Ledoux montre sa parfaite maîtrise des nuances du programme du château et de la maison de campagne. En effet, à Mauperthuis, l’architecte respecte le schéma régulier de l’accès au château, dans une mise en scène monumentale qu’il nomme « théâtre du château pratiqué dans des roches » et qu’il décrit ainsi :
- 106 H. Ottomayer, « Autobiographies d’architectes parisiens », op. cit., p. 38-39.
L’entrée par le milieu avait paru jusqu’alors impraticable à cause des roches énormes dont le sol est meublé et du niveau des terres qui montent au premier étage du château. J’ai fait un fer à cheval de 150 toises de pourtour, couronné de balustrades, percé par des niches carrées et circulaires, arrivant par une pente douce à la porte du vestibule ; et comme la pierre du pays par ses formes hasardées et sa couleur prêtait à la décoration, je l’ai employée telle qu’elle était en terminant le milieu dudit fer à cheval par un fleuve et des naïades montées sur piédestaux qui distribuent de l’eau à tout le château106.
- 107 Voir M. Gallet et M. Mosser, Inédits pour un tome III, Paris, 1991, pl. 42, 43, 66, 67, 68, 73, 81 (...)
- 108 D. Rabreau, Claude-Nicolas Ledoux, op. cit., p. 279.
- 109 Ibid., p. 73.
- 110 Ces numéros de planches renvoient à l’ouvrage de M. Gallet et M. Mosser, Inédits pour un tome III, (...)
- 111 Voir ibid., p. 10.
53Le parc à l’anglaise du château, dessiné par A.-T. Brongniart, s’étend pour sa part au-delà du grand chemin de Fontenay à Coulommiers et les abords du logis demeurent réguliers. En revanche, lorsqu’il dessine ses fameuses maisons de campagne, Ledoux les intègre à des paysages « à la Capability Brown107 ». Ce ne sont, il est vrai, que des maisons de campagne dépourvues de la charge symbolique des châteaux d’Ancien Régime. Ces villégiatures tirent leur expressivité de l’association de formes anciennes (arcades, colonnes, serliennes, etc.) dont le « syncrétisme géométrique108 », la confrontation poétique avec la nature rendent l’architecture « parlante ». Loin des projets de châteaux et d’hôtels où l’architecte semble si attentif aux prérogatives et distinctions des propriétaires109, Ledoux développe ici un système formel fondé sur des volumes géométriques simples, dans lequel les communs disparaissent à la vue du visiteur et sont intégrés au socle massif du logis. Notons enfin l’ambiguïté provocatrice des projets 72, 73, 80 et 81110 dans lesquels Ledoux détourne les tours et poivrières — emprunts évidents à l’architecture des châteaux — de leur valeur symbolique initiale pour n’en retenir que leur puissance expressive111. Ces projets de maisons de campagne non datés sont inachevés à la mort de l’architecte en 1806 ; il semble donc qu’ils aient été réalisés au lendemain ou pendant la Révolution, ce qui explique pour une part ces mutations dans l’œuvre de Ledoux qui, pour le projet de pavillon de chasse du prince de Bauffremont en 1778, respecte encore la stricte symétrie du jardin régulier et orne le logis de trophées d’armes en bas relief, évocation de la gloire militaire du dédicataire.
- 112 AN, NIII Orne 241-23.
- 113 Il s’agit probablement de Florent-Alexis Desgranges, reçu élève à l’Académie royale d’architecture (...)
- 114 Le caractère du projet nous incite à penser qu’il s’agit de Claude-Joseph Bertrand, architecte du (...)
- 115 M. Le Moël et C.-F. Rochat, Catalogue général des cartes et plans et dessins d’architecture, op. c (...)
54La qualité du commanditaire apparaît comme un élément déterminant dans le choix du parti de composition chez Ledoux, à l’instar de ses confrères ; flatter la vanité d’un grand seigneur ou du courtisan est, sans conteste, un bon moyen d’obtenir des commandes. Cependant, les formes nouvelles élaborées dans le cadre des maisons de campagne contaminent progressivement le château qui, s’il doit conserver sa fonction symbolique, n’en est pas moins un lieu de villégiature pour le propriétaire. Le « projet de château pour le marquis de Goulet112 », conçu par Desgranges113 et Bertrand114 au printemps 1789, conservé aux Archives nationales115, montre le point ultime de l’assimilation du programme de la maison de campagne à l’anglaise et du château. Le plan présente une organisation traditionnelle en milieu rural, dans laquelle le château est imbriqué au tissu urbain, légèrement à la périphérie du bourg. Le projet consiste à établir le nouveau logis au milieu d’un jardin clos de murs du côté du village et ouvert sur la campagne vers l’arrière. Sur le modèle anglais, la séquence d’accès est supprimée, bien que le portail reste dans l’axe du château. Il se présente comme un petit pavillon, de plan massé, isolé au milieu d’une pelouse dont les communs sont rejetés en dehors de la composition et servent d’écran aux maisons du bourg toutes proches. Les cuisines disposées dans le sous-sol du logis reprennent la distribution canonique des maisons de campagne qui permet d’économiser les déplacements du personnel (ill. 103). Les élévations de deux projets successifs (pl. XII), outre le caractère massif de l’architecture, n’évoquent guère plus le château. Le logis, réduit à cinq travées de façade sur quatre, se compose d’un rez-de-chaussée surélevé et d’un attique, couronnés d’une corniche saillante qui soutient un toit à croupe très simple couvert d’ardoises. Dans les deux projets de façade, le décor se limite à de puissantes chaînes d’angle harpées qui, saillant sur les murs, ajoutent à l’expressivité du bâtiment. L’architecture sévère du logis semble devoir évoquer à elle seule le caractère du château, souligné cependant par la présence d’une oriflamme qui flotte au sommet de la toiture, en pendant d’une girouette.

Ill. 103.— Château de Goulet, Desgranges et Bertrand, plan du sous-sol du 4e projet de château, octobre 1789, dessin (AN, N III Orne 243).
55Ces projets montrent bien la sécularisation du programme du château et la banalisation de cette forme d’habitat. Le renouveau du vocabulaire architectural conduit à abandonner les symboles traditionnels du château, au risque de ne plus être reconnu comme un élément symbolique du pouvoir.
Notes
1 On se souvient de l’épisode du prince de Croÿ et de Louis XV lui offrant les services de son premier architecte, voir supra, partie II, chap. I.
2 N. Elias, La Société de cour, Paris, 1985, p. 19.
3 Ibid., p. 21.
4 Ph. de Dangeau, Journal, op. cit., t. VI, p. 302.
5 Le 17 septembre 1749, le roi et madame de Pompadour s’arrêtent chez le nouveau maréchal de Belle-Isle, voir E. de Croÿ, Journal, op. cit., t. I, p. 129.
6 L. De Saint-Simon, Mémoires, XXVIII, p. 170, cité par G. Mabille, Vue des jardins de Marly, Paris, 1998, p. 7.
7 M. Chatenet, Le Château de Madrid, Paris, 1987.
8 J. Androuet du Cerceau, Les Plus Excellents Bâtiments de France, op. cit., p. 57.
9 Ibid.
10 J.-M. Pérouse de Montclos, Histoire de l’architecture française. De la Renaissance à la Révolution, Paris, 1989, p. 299 ; F. Rabelais, Gargantua, chapitre LVII.
11 F.-F. Comte d’Hézecques, Souvenirs d’un page à la cour de France, Paris, 1987, p. 267.
12 A. Watteau, La Perspective, H/t, 47 x 57 cm, Boston, Museum of Fine Art.
13 M. Roland-Michel, Watteau, Paris, 1984, p. 160-161.
14 H. Junecke, Montmorency, der Landsitz Charles Lebrun’s, Geschichte, Gestalt und die « Île enchantée », Berlin, 1960.
15 D. Diderot, Encyclopédie, op. cit., t. VI, p. 546.
16 Date de la mort de Pâris-Duverney, voir J. de Viguerie, Histoire et dictionnaire, op. cit., p. 1262-1263.
17 R. Dubois-Corneau, Pâris de Montmartel, banquier de la cour, receveur des rentes de la ville de Paris, Paris, [1917].
18 Cette attribution est donnée par la légende du plan gravé par J. Mariette, L’Architecture française, op. cit., t. I, pl. 152 ; l’architecte ne mentionne cependant pas cette réalisation dans sa lettre de candidature à l’Académie royale d’architecture ; et K. Krause, Die Maison de Plaisance, op. cit., p. 295, voit là plutôt l’œuvre d’A. Le Pautre.
19 AN, MC, ét. CXI, 28, 28 mai 1711, cité par K. Krause, Die Maison de Plaisance, op. cit., p. 291.
20 K. Krause, ibid., p. 293.
21 L. Lambeau, Histoire des communes annexées à Paris en 1859, Paris, 1910, volume Bercy, p. 114-152.
22 M.-A. Laugier, Essai sur l’architecture, op. cit., p. 172.
23 K. Krause, Die Maison de Plaisance, op. cit., p. 283 et suivantes.
24 Ibid., p. 222-237.
25 L. Hautecœur, Histoire de l’architecture classique, op. cit., t. III, p. 205.
26 M. Gallet et J. Garms, Germain Boffrand, op. cit., p. 19.
27 Ibid., p. 44.
28 K. Krause, Die Maison de Plaisance, op. cit., p. 298.
29 Voir à ce sujet la synthèse de J. de Viguerie, Histoire et dictionnaire, op. cit., p. 246-247 ; Y. Durand, Les Fermiers généraux au xviiie siècle, Paris, 1996, p. 225, 347-393.
30 L.-S. Mercier, Tableau de Paris, op. cit., p. 301-302.
31 M.-A. Laugier, Essai sur l’architecture, op. cit., p. 234.
32 C.-É. Briseux, L’Art de bâtir les maisons de campagne, op. cit., t. I, p. 1-2.
33 J.-F. Blondel, De la distribution des maisons de plaisance, op. cit.
34 Nous ne retenons pour notre démonstration que le second projet d’Archanger, AN, Z1j131318 , plans signés et datés le 8 novembre 1784.
35 M. Marion, Dictionnaire des institutions, op. cit., p. 113.
36 Seul les suiveurs de Bachaumont mentionnent le décès de l’architecte en 1782, voir Petit de BachauMont et alii, Mémoires secrets, op. cit.
37 Y. Bottineau et M. Gallet, Les Gabriel, op. cit., p. 232-238.
38 Ibid., p. 275. Nous n’évoquons pas ici les monuments publics, hors de notre étude, qui constituent cependant une part importante de l’activité de constructeur de Louis XV ; voir notamment à ce sujet L. Hautecœur, Histoire de l’architecture classique, op. cit., t. III, p. 548-587.
39 E. de Croÿ, Journal inédit du duc de Croÿ 1718-1784, Paris, 1906, t. I, passim.
40 Anne-Marie-Louise d’Orléans, duchesse de Montpensier (1627-1696), cousine germaine de Louis XIV.
41 Y. Bottineau et M. Gallet, Les Gabriel, op. cit., p. 242.
42 J.-A. Piganiol de La force, Description historique, op. cit., t. IX, p. 138.
43 AD Val-de-Marne, 1S 93, 1S 94.
44 C.-Ph. d’Albert de Luynes, Mémoires du duc de Luynes, Paris, 1860-1865, cité par B. Chamchine, Le Château de Choisy, op. cit., p. 77.
45 Les dates mentionnées ici proviennent d’un récapitulatif détaillé des travaux réalisés au château de Choisy, conservé aux Archives nationales, probablement rédigé lors de l’accession au trône de Louis XVI (1774), AN, O113601, voir annexe II-3.
46 B. Chamchine, Le Château de Choisy, op. cit., p. 37.
47 Remarquons que ce système de portique est également utilisé par E. Héré à la Mal grange pour faire communiquer le logis avec la salle à manger en pavillon, voir L. Hautecœur, Histoire de l’architecture classique, op. cit., p. 68.
48 Ibid., p. 72, AN, O12359. Cet état est connu par une gravure de Jacques Rigault, BNF Est. (Ve17 pet. f°).
49 AN, NII Seine 200.
50 Un plan général du domaine de Choisy, conservé à la BNF, daté de 1792-1797, montre l’état définitif des bâtiments avant démolition BNF, CP Ge D. 6427.
51 AN, O113601, f° 2 v°, voir annexe II-3.
52 B. Chamchine, Le Château de Choisy, op. cit., p. 75.
53 Pour la généalogie des Gabriel, voir Y. Bottineau et M. gallet, Les Gabriel, op. cit., p. 330-331.
54 AN, O113516.
55 G. Poisson, « Un édifice de Gabriel retrouvé : le petit château de Choisy », BSHAF, 1953-1954, p. 10.
56 AD Val-de-Marne, 1S 21.
57 B. Chamchine, Le Château de Choisy, op. cit., p. 115.
58 Musée de l’Île-de-France, gravure publiée dans Y. Bottineau et M. Gallet, Les Gabriel, op. cit., p. 243.
59 A. Roserot, Edme Bouchardon, Paris, 1910.
60 E.-J.-F. Barbier, Chronique de la Régence, op. cit., t. IV, p. 395, cité par B. Ketcham-Wheaton, L’Office et la bouche, op. cit., p. 190.
61 B. Ketcham-Wheaton identifie ce groupe avec la corporation des queux, cuisiniers et porte-chappes, ibid., p. 191.
62 Ibid.
63 E.-J.-F. Barbier, Chronique de la Régence, op. cit., t. IV, p. 395.
64 B. Chamchine, Le Château de Choisy, op. cit., p. 108.
65 AN, O1153125.
66 P. Biver, Histoire du château de Bellevue, op. cit., p. 6.
67 J.-A. Poisson, marquise de Pompadour, Correspondance avec son père M. Poisson, son frère M. de Vandières, Paris, 1878, p. 51.
68 R.-L. de Voyer, marquis d’Argenson, Journal et mémoires, op. cit., t. VI, p. 50.
69 J.-A. Piganiol de La Force, Description historique, op. cit., t. IX, p. 38.
70 P. Biver, Histoire du château de Bellevue, op. cit., p. 7.
71 Cinq cent trente-sept mètres carrés.
72 P. Biver, Histoire du château de Bellevue, op. cit., p. 21.
73 Voir en particulier le quatrième projet, De la distribution des maisons de plaisance, op. cit.
74 AN, O1153147, 48, 50, voir annexe III-4.
75 AN, O11533281-282.
76 AN, O11531232, voir annexe III-6.
77 AN, O11533255, Billaudel dressera un nouveau projet pour la cour de la ménagerie en 1774, AN, NII Seine-et-Oise 1061-156.
78 AN, O11533285.
79 Y. Bottineau et M. Gallet, Les Gabriel, op. cit., p. 168-170.
80 J.-M. Pérouse de Montclos, Histoire de l’architecture française, op. cit., p. 389.
81 G.-L. Le Rouge, Jardins à la mode, op. cit., 20e cahier.
82 J. Harris (dir.), The Palladian Revival. Lord Burlington, his Villa and Garden at Chiswick, cat. d’expo., Londres/Newhaven, 1994.
83 A. de Tilly, Mémoires, Paris, 1986, p. 271-272.
84 L.-Ph. de Ségur, Mémoires…, Paris, 1824-1826, t. I, p. 151.
85 J.-L. Harouel et alii, Histoire des institutions de l’époque franque à la Révolution, Paris, 1998, p. 492.
86 Alexandre-Théodore Brongniart 1739-1813. Architecture et décor, cat. d’expo., J.-M. Bruson, M. Mosser et B. de Rochebouët (dir.), Paris, Paris-Musées, 1986, p. 272 et suivantes.
87 P. Arizzoli-Clémentel, Vues et plans du Petit Trianon à Versailles, Paris, 1998, p. 7 et suivantes.
88 C. Campbell, Vitruvius Britannicus, Londres, 1715-1725, 3 t.
89 K. Frey, La Maison de campagne, programme idiomatique et universel de l’architecture européenne 1730-1830, thèse de doctorat sous la direction de D. Rabreau, université Paris I, 2002.
90 Louis XVI est à l’origine de cette commande en 1786, il développe là le premier élevage de moutons mérinos en France.
91 G. Béaur, La Terre et les hommes : France et Grande-Bretagne, xviie-xviiie siècle, Paris, 1998.
92 F. Quesnay, Physiocratie, texte présenté par J. cartelier, Paris, 1991, p. 13, 17.
93 Notons à cet égard que cette dernière fonde le haras de Pompadour en Limousin en mai 1751. Voir F. granges, Le Haras de Pompadour et l’élevage du cheval en Limousin, thèse de l’École des chartres, manuscrit dactylographié, Pompadour, 1973.
94 E. de Ganay, Traité de la décoration des dehors, des jardins et des parcs, par feu monseigneur le duc d’Harcourt, Paris, 1919, p. 199.
95 A. de Mézerac, « Canon : les bonnes gens », op. cit., p. 9. L’auteur tire ses informations des archives privées du château de Canon.
96 Ibid
97 A. de Mézerac, « Le château de Canon », Arts Basse-Normandie, n° 37, 1965, p. 9-42.
98 Communication orale d’A. de Mézerac.
99 Le kiosque chinois et le temple de la Pleureuse (dorique) se répondent aux deux extrémités de l’avenue longitudinale du parc, comme deux figures des sagesses orientale et occidentale.
100 M. Mosser, « Le rocher et la colonne, un thème d’iconographie du xviiie siècle », RA, n° 5859, 1982-1983, p. 61.
101 Jardins en France 1760-1820. Pays d’illusion, terre d’expérience, cat. d’expo., M. Mosser (dir.), Paris, 1977 ; J. Baltrušaitis, Aberration. Essai sur la légende des formes, Paris, 1995, p. 206-224.
102 Nous pensons notamment au tableau d’Hubert Robert, Vue générale de Méréville en direction du château, H/t, Sceaux, musée de l’Île-de-France ; voir J. de cayeux, Hubert Robert et les jardins, Paris, 1987, p. 102-107.
103 A.-J. Dézallier d’Argenville, La Théorie et la pratique du jardinage, Paris, 1747.
104 Bien que n’étant pas localisé en Île-de-France, la qualité du propriétaire et l’origine de son architecte, élève de Jacques V Gabriel, nous permettent d’assimiler cet exemple à l’architecture parisienne.
105 P.-V. de Besenval, Mémoires, op. cit., p. 31. La grande intimité de la maréchale de Ségur et du baron explique que ce dernier soit intervenu à Romainville, aidé de son architecte. Voir également Alexandre-Théodore Brongniart 1739-1813. Architecture et décor, op. cit., p. 373.
106 H. Ottomayer, « Autobiographies d’architectes parisiens », op. cit., p. 38-39.
107 Voir M. Gallet et M. Mosser, Inédits pour un tome III, Paris, 1991, pl. 42, 43, 66, 67, 68, 73, 81, 84.
108 D. Rabreau, Claude-Nicolas Ledoux, op. cit., p. 279.
109 Ibid., p. 73.
110 Ces numéros de planches renvoient à l’ouvrage de M. Gallet et M. Mosser, Inédits pour un tome III, op. cit.
111 Voir ibid., p. 10.
112 AN, NIII Orne 241-23.
113 Il s’agit probablement de Florent-Alexis Desgranges, reçu élève à l’Académie royale d’architecture en 1774, voir J.-M. Pérouse de Montclos, Les Prix de Rome, op. cit., p. 255.
114 Le caractère du projet nous incite à penser qu’il s’agit de Claude-Joseph Bertrand, architecte du château de Moncley (Doubs) et actif à Besançon, voir D. Rabreau, « Les nouveaux châteaux et la réaction nobiliaire et seigneuriale… », op. cit., p. 109 ; L. Estavoyer, Besançon au siècle des Lumières, Besançon, 1978, p. 109.
115 M. Le Moël et C.-F. Rochat, Catalogue général des cartes et plans et dessins d’architecture, op. cit., p. 81, situent le projet dans l’Orne probablement en raison du toponyme Goulet ; cependant rien n’assure qu’il faille localiser le château dans ce village.
Table des illustrations
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Légende | Ill. 96.— Château de Bercy, Jean Mariette, plan du domaine, gravure, publié dans L’Architecture française, Paris, 1727), t. I, pl. 102. |
URL | http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/553/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 5,4M |
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Légende | Ill. 97.— Château de Choisy, plan du château et des communs [1743-1746], dessin (AN, N II Seine 200). |
URL | http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/553/img-2.jpg |
Fichier | image/jpeg, 362k |
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Légende | Ill. 98.— Château de Choisy, Ange-Jacques Gabriel, plan du rez-de-chaussée de l’aile neuve à construire [projet 1747], dessin (AN O1_ 1351). |
URL | http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/553/img-3.jpg |
Fichier | image/jpeg, 132k |
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Légende | Ill. 99.— Château de Choisy, Ange-Jacques Gabriel, élévation du projet pour la nouvelle aile des seigneurs, dessin (AN O1 1351). |
URL | http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/553/img-4.jpg |
Fichier | image/jpeg, 147k |
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Légende | Ill. 100.— Château de Choisy, Ange-Jacques Gabriel, plan du rez-de-chaussée du petit château, dessin (AD Val-de-Marne, 1 S 21). |
URL | http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/553/img-5.jpg |
Fichier | image/jpeg, 111k |
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Légende | Ill. 101.— Château de Bellevue, plan d’arpentage du château et du parc, 27 juin 1757, dessin (AN, MC ét. XLIX253). |
URL | http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/553/img-6.jpg |
Fichier | image/jpeg, 275k |
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Légende | Ill. 102.— Louis Carrogis de Carmontelle, Jardin de Monceau, « Plan du jardin », gravure, 1779, pl. 1. |
URL | http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/553/img-7.jpg |
Fichier | image/jpeg, 154k |
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Légende | Ill. 103.— Château de Goulet, Desgranges et Bertrand, plan du sous-sol du 4e projet de château, octobre 1789, dessin (AN, N III Orne 243). |
URL | http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/553/img-8.jpg |
Fichier | image/jpeg, 323k |
© Éditions de la Sorbonne, 2008