Chapitre 11. L’avant-pays New-Yorkais
p. 254-273
Texte intégral
1Comme New York voit passer en moyenne sur ses quais entre 1868/9 et 1899/1900 les deux tiers des importations et un peu moins de la moitié des exportations des Etats-Unis, il est vraisemblable que la structure de ses échanges ne soit pas très différente de celle de l’ensemble des ports américains. Aussi la plupart des conclusions précédentes gardent-elles leur validité. Cependant, par delà ces ressemblances, il importe de souligner l’originalité de l’avant-pays new-yorkais, de façon à déceler les points forts et les faiblesses du port.
11.1 L’originalite New-Yorkaise
2Pour faire ressortir l’originalité de la répartition géographique du trafic, il convient de comparer New York aux autres ports américains plutôt qu’aux Etats-Unis eux-mêmes, en excluant le commerce avec le Canada qui s’effectue par voie de terre ou relève du cabotage (cf. tableau 15, p. 255).
11.1.1 Les huit régions : les aspects statiques
3La principale originalité de New York réside dans sa moindre orientation vers l’Europe occidentale, quoique celle-ci reste largement prépondérante. Si la part plus faible des échanges avec l’Asie-Océanie paraît normale, étant donné que San Francisco et les ports de l’Oregonou du Washington bénéficient d’une position plus avantageuse, New York semble plus ouvert aux relations avec le monde entier.
4Ces remarques, valables pour le commerce global, méritent d’être nuancées. Aux importations, en effet, la part de l’Europe occidentale est beaucoup plus élevée qu’elle ne l’est dans les autres ports : 58 % au lieu de 43 %, grâce aux entrées d’articles textiles et de biens manufacturés divers. Inversement, les Caraïbes et l’Asie sont relativement moins représentées à New York, pour des raisons de position géographique : La Nouvelle-Orléans, ou même Baltimore et Philadelphie, sont plus proches des îles et des pays du Golfe du Mexique, San Francisco est plus naturellement tourné vers les rives occidentales de l’Océan Pacifique. La distance, cependant, n’est pas le seul élément d’explication ; il faut aussi tenir compte de la nature des produits et de la politique suivie par les armateurs. C’est ainsi que la Méditerranée et la façade atlantique de l’Amérique du Sud paraissent être des points forts de New York, alors que l’Afrique, en dépit de la modestie des importations qui en proviennent, peut être considérée comme un élément de faiblesse. Aux exportations, le tableau est bien différent. L’Europe occidentale y occupe une place encore plus prépondérante, avec près des trois quarts des marchandises expédiées de New York, mais dans les autres ports cette part atteint 85 %. Schématiquement on peut dire que ces derniers se consacrent presque exclusivement aux exportations de coton, de céréales, de viande et de pétrole à destination de l’Europe occidentale, tandis que New York expédie relativement plus de produits américains vers les Caraïbes, l’Asie, l’Amérique du Sud ou l’Afrique.

5Cette répartition géographique explique les déficits commerciaux enregistrés à New York et les excédents accumulés dans l ’ ensemble des autres ports. Entre 1868/9 et 1899/1900, le taux de couverture moyen à New York ne s’élève qu’à 74 %, alors qu’il atteint 118 % pour les Etats-Unis. La fonction d’importation y joue un rôle si important que les années de surplus y constituent l’exception. Néanmoins, si les niveaux moyens diffèrent, il y a des caractéristiques communes. D’abord, les trois zones les plus déficitaires sont les mêmes : la façade atlantique de l’Amérique du Sud, l’Asie-Océanie et les Caraïbes – tous producteurs de matières premières et de denrées tropicales. Ensuite, l’Afrique compte, dans les deux cas, parmi les régions les plus fortement excédentaires. En moyenne, les échanges entre New York et l’Europe occidentale sont tout juste équilibrés, alors qu’ils dégagent d’énormes excédents dans les autres ports, tout comme ceux avec la Méditerranée. Comme le commerce extérieur américain est marqué à cette époque par la prépondérance des exportations, on peut considérer que l’absence à New York de surplus avec l’Europe occidentale industrialisée, qui est au centre des échanges internationaux, est une faiblesse, mais on peut tout aussi bien y voir une force dans la mesure où les perspectives de trafic équilibré dans les deux sens sont un facteur favorable à l’établissement de lignes maritimes rentables, assurées de disposer de fret aussi bien à l’aller qu’au retour. Quant à l’Amérique du Nord, son taux de couverture exceptionnellement élevé à New York s’explique par le poids des réexportations qui passent par l’Hudson quand, l’hiver, le Saint-Laurent est gelé et contraint les marchands canadiens à faire transiter les marchandises importées par les Etats-Unis1.
11.1.2 Les huit régions : les aspects dynamiques
6Les conclusions précédentes qui s’appuient sur l’observation des moyennes ne donnent qu’une vision statique. Or le sens de l’évolution importe tout autant. Importations et exportations croissent moins vite à New York que dans les autres ports (cf. tableau 15, colonnes 7 à 10). L’écart est plus sensible aux ventes qu’aux achats à l’étranger. Aux importations à New York, deux régions seulement présentent des rythmes inférieurs à la moyenne : l’Europe occidentale et les Caraïbes, mais il s’agit des deux plus importantes. En conséquence, leur part dans les entrées sur les quais de la Ville-Empire tend à fléchir au long des années (cf. graphiques 28, p. 257) .
GRAPHIQUES 28

7Dans les six autres régions, au contraire, les taux de croissance sont supérieurs à la moyenne. Dans les autres ports, il n’y a que trois zones dynamiques : la Méditerranée, l’Asie et l’Europe occidentale, et les entrées d’Afrique et de la façade atlantique de l’Amérique du Sud tendent même à diminuer. Aux exportations, les contrastes paraissent beaucoup plus accusés entre un essor rapide des ventes à l’Afrique et une décroissance des expéditions à destination des Provinces Maritimes canadiennes. Là encore, l’Europe occidentale traîne, en compagnie, cette fois, de la Méditerranée, tandis que les exportations vers les Caraïbes, l’Amérique du Sud et l’Asie progressent plus vite que la moyenne – ce qui se traduit par une amélioration de leur part dans la répartition du trafic aux sorties de New York. Dans les autres ports, au contraire, comme aux importations, la majorité des régions connaît un rythme de croissance inférieur à la moyenne, voire négatif dans le cas de la façade pacifique de l’Amérique du Sud. A côté du Canada, seules l’Europe occidentale et l’Asie bénéficient d’un dynamisme comparable à celui qu’on a noté à propos des importations. Bref, si on ne tient compte que des signes, il n’y a qu’une seule région où New York s’affaiblit par rapport à l’ensemble des autres ports, à la fois aux entrées et aux sorties : c’est l’Europe occidentale ; et il y en a trois où il s’affermit : les deux de l’Amérique du Sud et l’Afrique.
8Mais la problématique présentée page 240 exige une analyse plus subtile. A titre d’exemple, les importations aux Etats-Unis en provenance d’Europe occidentale croissent moins vite que les importations totales, tandis que les exportations à destination de cette région se développent à un rythme pratiquement égal à celui des exportations totales. Dans le premier cas, la faible progression des entrées à New York en provenance d’Europe occidentale peut être considérée comme un élément de force pour le port, dans la mesure où elle concerne un secteur peu dynamique. Dans le second cas, la réponse reste indécise, mais si on interprête les exportations américaines vers l’Europe occidentale comme une branche en expansion rapide, dans la mesure où leur taux de croissance est très voisin de celui de l’ensemble des ventes à l’étranger, il faut en déduire que le taux new-yorkais, sensiblement plus bas, représente un élément de faiblesse pour le port. En représentant par le signe + les zones de force new-yorkaises, par le signe – les zones de faiblesse et par +/– les régions pour lesquelles il y a indécision, on peut résumer la situation de New York vis-à-vis de son avant-pays de la façon suivante :
exportations | importations | ||
Europe occidental | e | + /– | + |
Caraïbes | – | + /– | |
Méditerranée | + | + | |
Asie-Océanie | + | – | |
Afrique | + | – | |
Amérique du Sud : | façade atlantique | + | + |
façade pacifique | + | ||
Amérique du Nord | – | – |
Dans deux régions sur huit, New York est homogènement fort : en Méditerranée et sur la façade atlantique de l’Amérique du Sud ; l’Europe occidentale se rapprochant de ce type. Il n’y a qu’une zone de faiblesse homogène : l’Amérique du Nord, dont se rapprochent les Caraïbes, c’est-à-dire l’avant-pays géographiquement le plus proche. Pour le reste, on note une certaine hétérogénéité. Avec l’Asie et l’Afrique, les exportations constituent un élément de force relative, les importations une faiblesse ; avec la façade pacifique de l’Amérique du Sud, c’est l’inverse . Au total, le bilan géographique est plutôt favorable à New York, qui diversifie mieux ses courants d’échanges avec le monde entier que les autres ports américains. Cette ouverture plus large est un signe d’une capacité d’adaptation et d’anticipation par rapport aux tendances à long terme. Il faut en tenir compte quand il s’agit d’apprécier le caractère judicieux des cris d’alarme lancés pendant les situations dites de "crise" et qui ne portent généralement que sur les relations avec l’Europe occidentale. Certes, il ne faut pas négliger l’effet de taille : le coeur industrialisé du monde du dernier tiers du XIXème siècle joue un rôle trop important dans les échanges internationaux des Etats-Unis pour qu’on n’exagère pas l’influence de tendances qui n’introduisent aucune rupture brutale des structures du commerce extérieur, mais on ne doit pas oublier le sens de l’évolution qu’une vision trop statique ou à court terme tend à estomper.
11.1.3 Les taux de couverture
9L’Amérique du Nord mise à part, les tendances des taux de couverture régionaux à New York ne présentent aucune originalité par rapport aux autres ports américains. On y trouve la même évolution négative pour la Méditerranée et la façade pacifique de l’hémisphère occidental, positive dans les cinq autres cas. Les fluctuations du taux de couverture global dépendent étroitement de celles qu’on enregistre dans le commerce avec l’Europe occidental, tant le poids absolu de ce partenaire est considérable. Pendant les années 1870, New York comptabilise les surplus avec cette zone ; aux déficits traditionnels succèdent des excédents de plus en plus élevés dus à la progression des achats de céréales et de viandes ainsi que de pétrole, et à la baisse des ventes étrangères d’articles textiles et métallurgiques à la faveur de la longue dépression qui s’abat sur les Etats-Unis de 1873 à 1879. Dès que la prospérité revient, les excédents disparaissent. New York importe plus d’Europe occidentale qu’il n’y exporte, à l’exception de l’année 1884/5 marquée par une crise économique. Dans la dernière décennie, les taux de couverture avec cette zone sont orientés à la hausse, en dépit de grandes fluctuations liées aux mauvaises récoltes de céréales dans l’Europe de l’Ouest (1891/2 et 1897/8) ou aux difficultés conjoncturelles qui frappent les Etats-Unis (1893/4). Avec les Caraïbes et l’Asie, les taux croissent de manière plus régulière ; avec la Méditerranée, les déficits se creusent brutalement au début des années 1880, tandis qu’avec l’Afrique, les surplus ne s’accumulent énormément que dans la dernière décennie. Cependant, le poids de l’Europe occidentale est tel que les autres régions ne peuvent qu’atténuer ses variations, sans imposer leur propre marque sur l’évolution conjoncturelle2.
11.1.4 Les fluctuations conjoncturelles
10Pour les mêmes raisons, les fluctuations annuelles de l’activité épousent étroitement celles du commerce avec l’Europe occidentale (cf. tableau 16, p. 261). Les autres régions, quand elles sont liées significativement, le sont à un moindre degré. Les écarts relatifs par rapport au trend des séries new-yorkaises et américaines étant corrélés, on retrouve les conclusions dégagées au chapitre 10. Importations et exportations ont leur rythme propre ; les forces qui agissent sur l’offre et la demande, dans chaque cas, ne sont pas identiques. On dénombre plus de liaisons significatives aux importations qu’aux exportations et ces liaisons sont souvent plus fortes . Les achats à l’étranger, quelles que soient les régions d’origine, dépendent principalement de l’état de l’économie américaine et secondairement des modifications du tarif douanier. C’est pourquoi les sommets conjoncturels ont tendance à se grouper partout au début de chaque décennie, ces périodes coïncidant avec des phases de prospérité aux Etats-Unis ; partout de même se fait sentir l’influence déprimante des récessions des années 1870 et 1890. Les ventes à l’étranger dépendent, elles, de facteurs variés tels que les mauvaises récoltes, les législations douanières, les découvertes plus ou moins aléatoires de sources de matières premières, l’évolution des niveaux de développement qui sont spécifiques à chaque pays ou du moins à un groupe de nations étroitement localisé. Cette dispersion des influences rend floues toutes les liaisons qu’on peut repérer aussi bien dans la conjoncture du commerce extérieur à New York que dans celle des Etats-Unis, les deux suivant à peu près les mêmes inflexions3.
11.1.5 Les sous-ensembles
11L’originalité de New York, pour être certaine, n’en apparaît pas moins limitée par rapport aux Etats-Unis pris dans leur ensemble. Cette observation reste valable quand on descend d’un degré dans l’analyse, des régions aux sous-ensembles. Aux importations, par exemple, la part du Royaume-Uni, en moyenne, est la même – environ 26 %. L’originalité apparaît dans une proportion plus élevée des entrées en provenance de France, d’Allemagne, d’Italie, de la péninsule ibérique, du Brésil, de l’Inde, de la Colombie et du Venezuela, ainsi que des Antilles non-espagnoles : ce sont les pays avec lesquels New York entretient des relations plus étroites que le reste des ports américains. Inversement, Cuba, l’Amérique centrale, l’Extrême-Orient et les archipels du Pacifique sont des contrées de moindre spécialisation.
12Aux exportations, le bilan est assez différent. New York est moins spécialisé dans les expéditions vers le Royaume-Uni qui représentent en moyenne 47,3 % du total contre 50,7 % pour l’ensemble des Etats-Unis. Dans la même catégorie, on range la France qui effectue la plupart de ses achats de coton directement dans le Sud, la péninsule ibérique, l’Amérique centrale. A l’opposé, parmi les sous-ensembles qu’on peut considérer comme effectuant leurs achats de préférence à New York figurent l’Allemagne, la Belgique, l’Italie, le Brésil, les pays de la Plata, toutes les composantes de l’Asie-Océanie et des Caraïbes, à l’exception du Mexique qui reçoit une partie de ses importations par la voie de terre ou par les ports du Texas.
13Les moyennes indiquent le degré de spécialisation géographique du port de New York, ses points forts et faibles dans une perspective statique, mais elles ne nous renseignent pas, d’un point de vue dynamique, sur les tendances favorables et défavorables. Aussi, à partir du principe de classification déjà utilisé (cf. p. 258-259), peut-on dresser le tableau suivant :
exportations | importations | |
Royaume-Uni | + | + |
pays de la Baltique | + | + |
France et Suisse | – | – |
Allemagne et Pays-Bas | – | – |
Belgique | + | – |
Italie et Autriche-Hongrie | – | + |
péninsule ibérique | + | + |
Méditerranée orientale | + | – |
Brésil | + | + |
Argentine et Uruguay | + | + |
Cuba et Porto Rico | – | + |
Mexique et Amérique centrale | + | + |
Colombie et Venezuela | – | +/– |
autres Antilles et Guyanes | – | + |
Extrême-Orient | + | – |
Inde | + | – |
archipels du Pacifique | + | – |
14La comparaison des tendances permet de classer le Royaume-Uni comme un des points forts du commerce new-yorkais dans la mesure où les taux de croissance des importations qui en proviennent et des exportations qui y vont, sont, pour les Etats-Unis pris dans leur ensemble, inférieurs à la moyenne nationale et où ces taux, à New York, sont plus faibles que les taux américains. En relâchant ses liens avec ce partenaire relativement léthargique plus rapidement que les autres ports, New York réussit à sauvegarder ses possibilités d’expansion ultérieure. Avec la France, au contraire, sa situation peut être considérée comme atteinte de faiblesse. En effet, les importations en provenance de France aux Etats-Unis croissent plus vite que la moyenne, mais à New York elles croissent moins vite qu’aux Etats-Unis. Les exportations présentent un exemple inverse : les ventes à la France progressent moins vite que la moyenne, mais à New York elles se développent plus rapidement qu’aux Etats-Unis. Dans les deux cas, le port de l’Hudson se met en état d’infériorité vis-à-vis de ses rivaux.
15Au total, le bilan n’est pas défavorable à la Ville-Empire, les éléments de force (+) étant plus nombreux que ceux de faiblesse (–). Parmi les sous-ensembles qui relèvent de la première catégorie à la fois aux importations et aux exportations, on note le Royaume-Uni, les pays de la Baltique, la péninsule ibérique, le Brésil, les pays de la Plata, le Mexique et l’Amérique centrale ; dans la seconde, on n’enregistre que l’Allemagne et la France, mais il s’agit là de pays de poids, puisqu’ils sont les second et troisième acheteurs et fournisseurs et qu’on sait l’importance croissante de l’Empire germanique au détriment du Royaume-Uni. Les autres sous-ensembles ne présentent pas une pareille homogénéité : New York y trouve sa force tantôt dans les exportations, tantôt dans les importations. On remarquera que seules l’Asie et la façade atlantique de l’Amérique du Sud ont le même signe dans toutes les composantes que dans l’agrégat – ce qui légitime une analyse plus détaillée qu’il convient cependant de ne pas pousser trop loin de crainte de se perdre dans une poussière de notations dépourvues de signification générale. Ainsi ressort l’incontestable originalité de New York, même s’il convient de ne pas négliger l’effet de taille qui assure la prédominance britannique.
11.1.6 Comparaison des avant-pays des grands ports
16Les développements précédents ont souligné l’originalité de New York par rapport aux Etats-Unis ou à l’ensemble des autres ports. Or la concurrence oppose des organismes portuaires particuliers dotés chacun de ses forces et de ses faiblesses propres. Il est donc nécessaire d’étudier leurs ressemblances et leurs différences4
17Seul San Francisco ressemble à New York par la prépondérance des importations. Les quatre autres grands ports, Boston, Philadelphie, Baltimore et La Nouvelle-Orléans, présentent des taux de couverture supérieurs à 100 % et qui tendent à s’accroître dans le cas des organismes du Nord-est. La Nouvelle-Orléans et Baltimore n’ont pour ainsi dire qu’une fonction d’exportation, tant est grand le déséquilibre entre la valeur des marchandises entrées et sorties. Cette situation est défavorable à l’établissement de lignes régulières et permet de relativiser la concurrence ou la menace qu’ils sont censés faire peser sur New York. Philadelphie et surtout Boston, du fait d’un meilleur équilibre, représentent un danger plus sérieux.
18Aux importations, la structure diversifiée de New York ne se retrouve qu’à Boston. Les parts de chaque région n’y sont guère différentes, la seule évolution notable concernant l’Asie et la façade atlantique de l’Amérique du Sud. En effet, à la fin du XIXème siècle, Boston renforce la part traditionnellement élevée de ses importations asiatiques en provenance de l’Inde britannique et plus récemment des Indes néerlandaises, tandis qu’il abandonne son commerce du café avec le Brésil. Les autres ports n’ont pas un rayonnement mondial ; ils sont absents de certaines lignes maritimes. Baltimore, par exemple, n’importe guère d’Asie et d’Afrique et perd beaucoup de terrain dans les échanges avec le Brésil pour les mêmes raisons que Boston ; il concentre son trafic sur l’Europe occidentale, la Méditerranée et les Caraïbes. La géographie de l’avant-pays de Philadelphie dépend principalement des sources d’approvisionnement en sucre. On s’attendrait à ce que La Nouvelle-Orléans, du fait de sa situation, soit tournée en priorité vers les Caraïbes. Il n’en est rien vers 1880, quand cette région ne figure qu’au troisième rang derrière l’Europe et le Brésil. A la fin du siècle, la répartition des importations y semble plus naturelle. La Ville du Croissant a abandonné le commerce du café, mais désormais les Caraïbes sont sa principale source d’approvisionnement, sans que cela représente une menace pour les négociants de Manhattan. Quant à San Francisco, sa position le contraint à se spécialiser dans les importations de soie et de thé d’Extrême-Orient ou de sucre d’Hawaii. Bref, la structure des avant-pays des ports concurrents et le montant de leurs importations permettent de conclure qu’en 1900 New York conserve de très solides positions.
19Aux exportations, on a souligné à plusieurs reprises l’agrssivité des rivaux directs du Nord-est. Or Boston, Philadelphie et Baltimore concentrent presque tout leur trafic sur l’Europe occidentale, alors que New York tend à diversifier le sien. En 1899/1900, par exemple, Boston effectue 89 % de ses exportations à destination du Royaume-Uni, Baltimore 43 % des siennes vers l’Allemagne et les Pays-Bas. A Philadelphie, la répartition est un peu plus variée à cause des expéditions de pétrole vers l’Asie. Avec une telle structure, les trois rivaux du Nord-est ne peuvent espérer concurrencer New York en dehors de l’Atlantique-Nord ; c’est le seul itinéraire sur lequel ils ont des chances d’établir des lignes maritimes régulières. Là, ils représentent un danger sérieux pour la suprématie new-yorkaise. Malgré le développement des exportations de blé, La Nouvelle-Orléans reste principalement un port d’expédition de coton ; aussi ses clients sont-ils les pays qui se sont dotés d’une industrie textile dans l’Europe du Nord-ouest ou dans le bassin occidental de la Méditerranée. Quant à San Francisco, les transformations de l’agriculture californienne à la fin du siècle, où les cultures fruitières prennent peu à peu la place des céréales, réduisent la part de l’Europe dans ses exportations au profit de l’Asie et de l’Océanie plus proches. Dans l’espace géographique, il n’y a pas de menace générale et permanente pour New York, comme le montre aussi l’analyse des parts de marché que détient le port dans chaque région.
11.2 Les positions New-Yorkaises et leur évolution
20Entre 1868/9 et 1899/1900, New York effectue légèrement plus de la moitié du commerce extérieur total des Etats-Unis : les deux tiers des importations, 43 % des exportations en moyenne (cf. tableau 16, p. 265). Ses positions ne sont très faibles que dans les relations avec l’Amérique du Nord, l’essentiel du trafic avec le Dominion empruntant la voie des Grands Lacs ou le chemin de fer. Même pour les Provinces Maritimes de la Nouvelle-Ecosse et du Nouveau-Brunswick, Boston et les autres ports de la Nouvelle-Angleterre bénéficient de leur proximité. Le Canada mis à part, il n’y a que deux régions où la part moyenne de New York soit inférieure à la moitié, et à chaque fois aux exportations : l’Europe occidentale et la Méditerranée. Il s’agit des pays qui possèdent une industrie cotonnière et achètent leur matière première directement dans les ports du Sud. Dans certains cas, comme aux importations en provenance de l’Europe occidentale, de la façade atlantique de l’Amérique du Sud et de la Méditerranée, la part moyenne peut grimper aux trois quarts – signe d’une suprématie incontestée. Mais ces positions ne sont pas figées une fois pour toutes. Globalement, New York décline : très faiblement aux importations, beaucoup plus sensiblement aux exportations. En fait, ce recul global est lié essentiellement au poids de l’Europe occidentale, où l’affaiblissement est le plus sensible.

11.2.1 Une zone défavorable : l’Europe occidentale
21L’Europe occidentale est la zone où la situation est la plus défavorable à New York, celle aussi où les écarts entre les exportations et les importations sont les plus importants (cf. graphiques 29, p. 268-269). Aux entrées, l’évolution des positions new-yorkaises peut se schématiser ainsi : un palier voisin de 80 % jusqu’en 1883/4, puis une chute brutale pour atteindre un niveau proche de 70 % conservé jusqu’à la fin du siècle. Aux ventes à l’étranger : une part relativement stable autour de 45 % jusqu’en 1885/6, avec des baisses temporaires marquées comme en 1875/6 et en 1876/7, puis, là aussi, un recul rapide qui laisse à New York moins de 40 % dans la dernière décennie et guère plus de 35 % à partir de 1896/7. C’est alors qu’est atteint le nadir, sujet d’inquiétude pour certains milieux d’affaires.
22Ces évolutions générales sont la résultante des évolutions particulières des sous-ensembles. Or celles-ci n’offrent pas une parfaite homogénéité. Aux importations, New York n’améliore ses positions qu’avec les pays de la Baltique – là où sa moyenne est la plus faible. En effet, dans les années 1870, le commerce avec la Scandinavie et la Russie passe par Boston et secondairement par Philadelphie qui importent les fers en barres suédois et le lin russe. Or, à partir de 1879/80, à la faveur de la reprise de l’expansion économique aux Etats-Unis et de la nécessité où se trouvent les nations Scandinaves d’importer des céréales, les produits sidérurgiques qui font leur réputation internationale sont détournés vers New York où débarquent désormais la plupart des immigrants norvégiens, suédois ou danois. Telles sont les raisons pour lesquelles le port de l’Hudson accueille à la fin du siècle 60 % des marchandises vendues par les pays de la Baltique, surtout les Scandinaves, car entre temps les relations avec la Russie se sont réduites à des proportions minimes.
23A l’opposé, New York perd du terrain dans le trafic avec les quatre autres sous-régions : Royaume-Uni, France-Suisse, Allemagne-Pays-Bas et Belgique. En un tiers de siècle, ses positions passent de 75 % à 60 % dans les entrées du Royaume-Uni, de 90 % à 85 % dans le cas de la France, de plus de 70 % à 67 % dans celui de la Belgique et de 90 % à 72 % dans celui de l’Allemagne. Dans le détail les évolutions sont beaucoup plus compliquées, car les maxima ne sont pas toujours enregistrés en début de période. Par exemple, 93 % à 95 % des marchandises achetées en Allemagne et aux Pays-Bas passent chaque année par New York entre 1871/2 et 1882/3. De France, c’est plus de 97 % du total qui entre par l’Hudson de 1880/1 à 1882/3, et pour la Belgique, le maximum se situe entre 1881/2 et 1883/4 (83-84 %). On observe donc une concentration progressive des importations sur New York dans les années 1870 et au début de la décennie suivante dans le cadre des relations avec les pays de l’Europe continentale du Nord-ouest. La responsabilité en incombe à la multiplication des liaisons maritimes à vapeur entre la Ville-Empire et la Manche ou la Mer du Nord. Les miettes qui lui échappent ne vont pas à Boston, ni à Baltimore, pourtant relié à l’Allemagne, ni même à Philadelphie, à l’exception des achats effectués en Belgique, mais à La Nouvelle-Orléans et à San Francisco, mieux abrités de la domination new-yorkaise. La chute enregistrée à partir de 1883/4 est due en partie à un changement dans l’enregistrement des entrées en douane. Se prévalant des facilités offertes par la nouvelle législation fédérale, les importateurs de Boston, de Philadelphie ou des villes de l’intérieur, telles que Chicago et St Louis, effectuent une partie des formalités administratives dans leur lieu de résidence et non plus au port de débarquement comme c’était le cas auparavant. En fait, les marchandises continuent à entrer aux Etats-Unis par New York, mais elles n’y restent pas, ne laissant aucune valeur ajoutée aux grossistes locaux ; elles sont immédiatement réexpédiées par chemin de fer ou par cabotage vers leur destination finale. La baisse notée à partir de 1883/4 correspond donc à une réduction de la fonction d’entrepôt du port de New York au profit de son rôle de simple lieu de. transit passif plus qu’à une diminution effective des quantités physiques qui passent sur ses quais. Néanmoins, dans la dernière décennie, quelques liaisons directes s’établissent entre Philadelphie et Boston, d’une part, l’Allemagne, de l’autre, pour l’importation de sucre de betterave notamment, appelé à suppléer les destructions opérées à Cuba pendant la guerre civile. A la fin du XIXème siècle, le recul enregistré dans le commerce d’importation d’Allemagne, dont on sait qu’elle est l’un des partenaires les plus dynamiques des Etats-Unis, est certainement un des points les plus faibles de New York, que ne compense pas une stabilisation, voire une amélioration des positions dans les entrées de marchandises en provenance du Royaume-Uni.
24Aux exportations vers l’Europe occidentale, la dégradation très nette de la situation est imputable à la fois au Royaume-Uni et à l’Allemagne. En effet, les ten- dances sont croissantes pour la France, la Belgique et la Baltique, quoique seule cette dernière soit significative. A l’exception de la Belgique, les moyennes sont inférieures à 50 %, d’une part à cause des exportations directes de coton des ports du Sud, de l’autre à cause de la concurrence efficace des rivaux dans le trafic des céréales et de la viande, voire du pétrole.
GRAPHIQUES 29 PARTS DE NEW YORK DANS LES EXPORTATIONS ( – – ) ET LES IMPORTATIONS (–) AMERICAINES DE CHAQUE REGION DE L’AVANT-PAYS

Source : C & N
GRAPHIQUES 29 (suite)

25A destination du Royaume-Uni, les positions new-yorkaises déclinent assez régulièrement, passant de près de 45 % du total au début des années 1870 à 31-32 % à la fin du siècle. Plus que dans le coton, l’explication doit en être cherchée dans le détournement des expéditions de blé et de mais vers Baltimore et Philadelphie, comme lors du creux de 1875/7, ou dans l’essor de Boston comme port d’envoi du bétail vif et des viandes traitées à Chicago. Vu l’importance de la clientèle britannique, la chronologie des exportations à destination de l’Europe occidentale épouse très étroitement les variations des parts du marché du Royaume-Uni détenues par New York5.
26Vers l’Allemagne, au contraire, le déclin est plus tardif. Jusqu’en 1886/7, grâce à ses excellentes relations avec Brême et Hambourg, que desservent les deux compagnies allemandes les plus dynamiques, la Ville-Empire assure environ 55 % des expéditions chaque année, les seules exceptions étant enregistrées lors de la guerre franco-allemande et en 1874/5, quand l’approfondissement de la crise économique dans le Reich des folles années de la fondation fait chuter fortement les achats de coton. Or précisément au moment où l’Allemagne devient définitivement le second partenaire des Etats-Unis, New York cède beaucoup de terrain au profit de Baltimore principalement, mais aussi de Philadelphie, de Newport News et de Boston. Comme aux importations, c’est dans cette direction que se situe un des principaux points faibles du port de l’Hudson à la fin du siècle.
27Quant aux exportations vers la France, la Belgique et la Baltique, les tendances des parts de New York sont soit non significatives, soit peu nettes. En ce qui concerne la Baltique, par exemple, l’amélioration des positions est due au fait que dans les années 1870 une grande partie des expéditions consiste en coton vendu à la Russie ; or les entrepreneurs de la région de Moscou préfèrent acheter la fibre textile directement dans les ports du Sud, tels que Savannah et Charleston ; New York ne voit donc passer que 20 % à 30 % des marchandises, sauf en 1876/7 où la guerre russo-turque réduit considérablement les achats de l’Empire tsariste. Dans les deux décennies suivantes, les Russes s’affranchissent de plus en plus de leur dépendance à l’égard du coton américain. Aussi les positions new-yorkaises progressent-elles, fluctuant au gré de la demande de céréales et de pétrole en Scandinavie. De son côté, la France n’achète du blé aux Etats-Unis que lorsque sa récolte s’avère désastreuse ou insuffisantepour reconstituer les stocks ; on a vu aussi que de 1881 à 1891, le porc américain est banni de son territoire. Ses achats permanents portent sur le coton que ses négociants préfèrent acquérir à La Nouvelle-Orléans ou dans les autres ports du Sud, et sur le pétrole brut que la Standard Oil C° choisit d’expédier de Philadelphie dans la dernière décennie. Aussi n’est-il pas étonnant que, malgré le développement de la Compagnie Générale Transatlantique, aucune tendance significative ne puisse se dégager. Le somet de 1870/1 correspond aux achats massifs d’armements par le Gouvernement provisoire de la République (61 %) ; celui de 1878/9 (52 %) au succès du saindoux et du bacon américains auprès des consommateurs français, avant que les craintes protectionnistes abritées derrière des motifs sanitaires ne ferment la barrière . New York ne peut profiter pleinement des mauvaises récoltes françaises autour de 1880 et en 1891, car Baltimore étant considéré comme un port moins cher, c’est de là que partent maintes cargaisons complètes de blé. Néanmoins, si la France est le seul sous-ensemble de l’Europe occidentale où New York termine le siècle sur une note optimiste, passant d’environ 30 % des exportations dans la première moitié de la décennie à 46 % en 1899/1900, c’est à son rôle prépondéranr dans les expéditions de cuivre qu’il le doit, les négociants et les industriels français étant à cette date les meilleurs clients étrangers des producteurs américains. En Belgique, au contraire, au même moment, Baltimore et Philadelphie sapent victorieusement la suprématie que New York avait su conquérir au début des années 1880. Au total, l’Europe occidentale est bien le point le plus faible, malgré une certaine diversité des situations. Et une faiblesse de taille, vu son poids dans le trafic total ! Mais les choses se présentent mieux ailleurs.
11.2.2 Un bilan plus favorable : le reste du monde
28En Méditerranée, les parts de marché moyennes détenues par New York sont tout à fait comparables à ce qu’on a observé en Europe du Nord-ouest, mais la tendance au déclin n’est nette qu’aux exportations. Et encore ne la retrouve-t-on pas dans les trois sous-ensembles, car les positions varient beaucoup d’une année sur l’autre. L’Italie, par exemple, importe des Etats-Unis surtout du coton, du tabac et du pétrole ; la fibre textile vient principalement des ports du Sud, alors que le tabac est acheté à New York. Selon les proportions qu’occuperont ces deux produits, la part new-yorkaise fluctuera considérablement. Il en va de même avec l’Espagne qui achète son coton dans le Sud, son pétrole dans le Nord-est, son tabac et son bois de tonnellerie à New York. On a noté par ailleurs le cas des ventes d’armes dans les années 1870 à la Turquie et à la Grèce, celles-ci s’effectuant tantôt à New Haven, tantôt sur les bords de l’Hudson. Aux importations, au contraire, on n’enregistre que de faibles variations, les courants d’achats de fruits, de vins ou de soufre gardant une relative stabilité6.
29Le coton ne jouant pour ainsi dire aucun rôle dans les relations avec les autres régions du monde, New York y possède des positions moyennes plus élevées, à l’exception du cas du Mexique, pour d’évidentes raisons géographiques. En Amérique Latine, les tendances sont plus nombreuses à être significatives aux exportations, où elles sont toutes croissantes, qu’aux importations. A part figure le Brésil. La concentration progressive des entrées en provenance de ce pays sur l’Hudson est liée à l’accaparement par New York du marché américain du café, auquel se joint ultérieurement le caoutchouc : sa part passe ainsi de 50 % au début des années 1870, quand Baltimore et La Nouvelle-Orléans cherchent à reconquérir les positions antérieures, à plus de 90 % à la fin du siècle. Pour atteindre de tels sommets aux exportations, il faut attendre la dernière décennie. En effet, en perdant sa part dans le commerce du café, Baltimore est finalement contraint de renoncer aussi à vendre en grandes quantités aux Brésiliens la farine qui assurait un relatif équilibre des échanges. En 1900, New York possède la complète maîtrise des relations avec le plus grand Etat de l’Amérique Latine, tout comme celle du trafic avec la Colombie et le Venezuela qu’il a toujours monopolisé. Ce que le café est au Brésil, le sucre l’est à Cuba. Les positions new-yorkaises aux importations en provenance des Antilles espagnoles suivent fidèlement celles qu’on a notées dans les entrées de sucre : de 55 % au début des années 1870, elles grimpent à 72 % en 1877/8, se maintiennent au-dessus de 60 % jusqu’en 1885/6, avant de subir les effets de la formation du trust du sucre qui avantagent Philadelphie et Boston ; puis d’un minimum de 45 % au début des années 1890, New York récupère les deux tiers d’un trafic singulièrement réduit par la guerre d’indépendance cubaine. Aux exportations à destination des Caraïbes, les tendances croissantes sont dues aux succès remportés sur les rivaux pendant les années 1870, à la conservation de ces avantages dans la décennie suivante, si bien que les reculs enregistrés partout à partir de 1895, quand La Nouvelle-Orléans et les ports du Sud tirent enfin profit de leur proximité géographique, ne peuvent éliminer les acquis antérieurs.
30A partir de l’ouverture du chemin de fer transcontinental à travers les Etats-Unis, New York souffre théoriquement d’un handicap dans le commerce avec l’Extrême-0- rient et les archipels du Pacifique, mais le canal de Suez permet au même moment de trouver une parade. C’est pourquoi les premiers effets négatifs, sensibles au début des années 1870, quand la soie et le thé empruntent la voie de San Francisco, ne font pas boule de neige. New York conserve la moitié des importations en provenance de l’Extrême-Orient ; il attire, au détriment de Boston, une part croissante des marchandises de l’Inde britannique (88 % en 1881/3). Le recul reprend vers la fin du siècle, quand le Japon joue un rôle de plus en plus important et se tourne naturellement vers San Francisco, et que Philadelphie et Boston accroissent leurs liaisons avec les Indes néerlandaises pour approvisionner leurs raffineries de sucre. De même, aux exportations, l’ouverture du canal de Suez fait perdre à Boston sa domination du commerce de Calcutta et de Bombay. La prépondérance des cotonnades dans le trafic avec la Chine et du pétrole raffiné dans les achats de tous les pays d’Asie et d’Océanie explique l’amélioration des parts de New York jusqu’au début des années 1890, le recul de la fin du siècle étant imputable à la concurrence du kérosène russe qui diminue le poids de l’or noir dans les échanges, et à l’intensification des relations économiques entre les Etats-Unis et le Japon.
31L’analyse de l’avant-pays confirme les impressions qui se dégageaient de l’étude des marchandises. Il n’y a pas de situation uniformément mauvaise, pas de crise générale. Sur le long terme, points forts et faibles s’équilibrent. Ils dépendent de la nature des produits qui entrent dans les échanges internationaux, des transformations qui se développent dans la géographie économique des Etats-Unis, aussi bien du côté de l’offre que de la demande. Aux deux extrêmes, on trouve d’un côté le Brésil, qui finit par expédier presque tout son café à New York, principal marché mondial de cette denrée, et y effectue l’essentiel de ses achats de produits alimentaires et d’articles manufacturés, de l’autre l’Allemagne, le pays le plus dynamique de l’Europe industrielle et le concurrent le plus sérieux du Royaume-Uni, qui cherche à diversifer ses points de ventes et d’achats aux Etats-Unis – avec succès d’ailleurs, ce qui explique la tendance au déclin, surtout aux exportations. Si, au lieu du long terme, on s’attache aux séquences courtes, et plus particulièrement à la fin du XIXème siècle, période jugée critique, il semble que, du point de vue de l’avant-pays, les craintes ne soient justifiées qu’aux exportations. Par rapport à la décennie antérieure, le port atteint alors des parts minimales dans les expéditions vers le Royaume-Uni, l’Allemagne, la Belgique, la péninsule ibérique, Cuba, le Mexique et toute l’Asie-Océanie ; les progrès ou la stabilité dans d’autres directions ne compensent pas ces replis. Au même moment, aux importations, les améliorations sont deux fois plus nombreuses que les reculs. Il n’y a donc de crise qu’aux exportations – et momentanée.
Notes de bas de page
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
L’Europe des Français, 1943-1959
La IVe République aux sources de l’Europe communautaire
Gérard Bossuat
1997
Les identités européennes au XXe siècle
Diversités, convergences et solidarités
Robert Frank (dir.)
2004
Autour des morts de guerre
Maghreb - Moyen-Orient
Raphaëlle Branche, Nadine Picaudou et Pierre Vermeren (dir.)
2013
Capitales culturelles, capitales symboliques
Paris et les expériences européennes (XVIIIe-XXe siècles)
Christophe Charle et Daniel Roche (dir.)
2002
Au service de l’Europe
Crises et transformations sociopolitiques de la fonction publique européenne
Didier Georgakakis
2019
Diplomatie et religion
Au cœur de l’action culturelle de la France au XXe siècle
Gilles Ferragu et Florian Michel (dir.)
2016