Conclusion du titre second
p. 237-238
Texte intégral
1Autant la position de New York pouvait paraître solide aux importations, autant elle se révèle fragile, dans certains domaines, aux exportations. Il convient toutefois de nuancer cette observation, en fonction de la nature des marchandises, comme le montre le tableau suivant :

Aux importations se dégage une impression de stabilité et quand on décèle une évolution plus sensible, c’est généralement à l’avantage de New York, dont la part dans les importations de denrées brutes passe de 40 % à 68 % entre 1860 et 1900. Aux exportations, au contraire, les variations sont beaucoup plus accentuées. Entre les dates extrêmes, la Ville-Empire améliore ses positions dans le commerce des matières premières, à cause de son rôle plus important dans les expéditions de coton, et des articles manufacturés ; il recule dans les trois autres catégories, Mais dans aucune d’elles, il ne peut conserver les acquis de la guerre de Sécession, la chute étant particulièrement nette aux sorties de produits alimentaires, bruts ou transformés. Dans la mesure où les Etats-Unis ont, jusqu’à la fin du siècle, pour principale fonction dans le commerce international de servir de grenier de l’Europe, il y a là une faiblesse face aux ports rivaux du Nord-est et du Golfe du Mexique, en dépit de la part croissante des articles manufacturés dans les ventes à l’étranger : pétrole raffiné, puis produits des industries métallurgiques et mécaniques qui disposent à partir de 1895 de surplus et offrent des prix compétitifs sur les marchés mondiaux. Bref, le problème du port de New York, ce sont les exportations de blé et de mais. C’est sur elles que se concentre l’attention des contemporains, car ils perçoivent bien que leur époque est l’ère des céréales et que les promesses de l’avenir ne consolent pas des déboires du présent.
2 Pour expliquer les variations des parts de marché à l’exportation détenues par New York, j’ai proposé et testé un modèle susceptible de s’appliquer à tous les produits : ces variations sont une fonction croissante de ta variation des prix. nelatifs de l’article en question dans, un pont concurrent et à New York. Plus les prix FAB augmentent à Baltimore, à Philadelphie ou à Boston par rapport à New York, plus la part de ce dernier doit progresser. Un tel comportement semble rationnel de la part de négociants qui cherchent à minimiser leurs coûts et à maximiser leurs profits, toutes choses égales par ailleurs. Les estimations économétriques ne permettent pas de rejeter complètement cette hypothèse, mais il faut reconnaître que son pouvoir explicatif n’est pas très fort. Pour les exportations de blé, de farine, de maïs, de coton, de tabac, de saindoux, elle rend compte de 20 à 40 % de la variation des positions new-yorkaises ; on obtient des coefficients de détermination plus élevés pour le boeuf en conserve et le bétail vif, mais aussi résultats très faibles pour le suif, le bacon et les jambons, le porc salé, le beurre, le fromage et le pétrole raffiné. Cette classification laisse à penser qu’il existe vraisemblablement une relation entre le fonctionnement du modèle et le type d’organisation du marché étudié. Plus le marché répond aux critères de la concurrence parfaite, plus l’estimation est satisfaisante. Inversement, plus la commercialisation est dominée par des oligopoles ou un monopole, moins il est possible d’accorder de crédit aux résultats des régressions. D’autre part, trop souvent, les coefficients concernant les ports rivaux de New York ne sont pas significatifs ou présentent un signe négatif, alors que, d’après le modèle, on attend une liaison positive. On ne peut pas dire qu’un schéma valable pour toutes les marchandises est aberrant, mais il serait excessif de conclure qu’il est ainsi possible d’expliquer une grande partie des changements de position de New York.
3Si la Ville-Empire tantôt progresse, tantôt recule, ce n’est dû qu’en partie à ses avantages ou à ses désavantages en matière de prix, tels qu’on peut les percevoir dans les statistiques douanières. Sans doute, ces données sont-elles imparfaites et n’englobent-elles pas tous les coûts franco à bord. Il suffit qu’il existe des coûts cachés pour détruire la force de la relation, à condition qu’ils ne représentent pas une proportion fixe par rapport au prix FAB. Quoi qu’il en soit de ces difficultés méthodologiques, on peut cependant affirmer que la crise new-yorkaise qui se concentre entre 1874 et 1882 puis à la fin du siècle, dans le domaine des exportations de céréales est bien liée à la cherté relative du port. Les éléments en seront examinés dans la quatrième partie, après l’analyse de la géographie de l’avant-pays.
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