Conclusion du titre premier
p. 177-178
Texte intégral
1De la fin de la guerre de Sécession au tournant du siècle, New York conserve dans une large mesure ses positions aux importations. Par rapport au reste des Etats-Unis on observe un léger effritement imputable principalementaux importations directes dans les grandes villes de l’intérieur, telles que Chicago ou St Louis, à partir de la moitié des années 1880. Il s’agit plutôt en fait d’une nouvelle manière d’enregistrer les entrées de marchandises ; celles-ci, débarquées dans les ports, sont immédiatement transportées sans expertise chez les négociants qui les ont achetées à l’étranger. On pourrait même s’étonner que les possibilités ouvertes par la législation n’aient pas été davantage exploitées par les grossistes de l’intérieur. Dans le cas des soieries, cela s’explique par la volonté explicite des industriels européens soucieux de tourner l’obstacle d’un tarif douanier jugé trop élevé. Dans d’autres branches, les avantages de la concentration dans un seul lieu sont tels qu’il est difficile de remettre en question cette localisation, une fois que les habitudes du commerce sont bien établies : les grossistes n’ont pas le souci de financer les stocks, avec toutes les perspectives de pertes ou de gains qu’implique une telle activité ; on est assuré de trouver à New York les qualités de plus en plus diverses dont se compose une demande elle-même diversifiée. Et si ces marchés de gros sont localisés à New York plutôt qu’à Boston, Philadelphie ou Baltimore, c’est parce que la région urbaine et son aire naturelle sont les plus riches des Etats-Unis.
2Les évolutions obéissent à une chronologie assez simple, dont les principales phases s’individualisent aussi bien sur la courbe des valeurs que sur celle des volumes. Une hausse rapide des importations suit la fin du conflit civil, en dépit des tarifs douaniers ultra-protectionnistes qui ont été adoptés pour financer les opérations militaires. La loi de 1864, en particulier, après avoir dans un premier temps découragé les achats à l’étranger, n’empêche pas, une fois le pays réunifié, les Américains de s’approvisionner à nouveau massivement en Europe. Malgré les troubles causés par le tarif lainier de 1867 et la récession qui frappe temporairement l’économie nationale, le mouvement se poursuit jusqu’en 1871/2 pour les volumes, un an plus tard pour les valeurs, car les prix augmentent fortement à la fin du boom, tandis que les importations de produits sidérurgiques régressent.
3 La longue récession qui suit et dure jusqu’en 1878/9, soit près de six ans, si elle est peu visible sur les courbes des produits tropicaux, tels que le café et le sucre, affecte les éléments dominants du trafic : les articles textiles dont New York est de loin le premier marché aux Etats-Unis, les produits sidérurgiques et métallurgiques, sans oublier les immigrants. C’est l’Europe occidentale qui subit le plus sérieusement l’effet des fluctuations conjoncturelles américains. Aussi bien à la baisse qu’à la hausse. En effet, quand l’économie redémarre vigoureusement en 1879 et se maintient à un haut niveau d’activité jusqu’en 1883, les Etats-Unis doivent faire appel aux usines sidérurgiques européennes pour poursuivre leurs investissements ferroviaires ; la prospérité retrouvée encourage les achats de soieries et de lainages, ainsi que l’immigration massive d’Allemands, d’Irlandais et de Scandinaves.
4Le début des années 1880 représente le sommet cyclique de la période. Jusqu’à la fin du siècle, les volumes des importations à New York ne varient guère par rapport aux niveaux atteints à cette date. Si les fluctuations sont plus fortes en valeur, cela tient aux mouvements des prix de marchandises comme le café. Désormais une part croissante des entrées vient des régions tropicales : le sucre, le café, le caoutchouc, ainsi que les peaux, supplantent peu à peu les articles textiles, tandis que les produits sidérurgiques européens sont bannis du territoire des Etats-Unis par des tarifs de plus en plus protectionnistes dans la dernière décennie, à l’exception d’un bref intermède en 1894-1897, et par les progrès des capacités de production et de la productivité des firmes américaines. Le mouvement général est la résultante de toutes ces conjonctures particulières. Pour les marchandises soumises à des droits de douane, les changements de tarification exercent une influence souvent plus forte sur les variations des importations que les conditions générales de l’activité économique aux Etats-Unis. Pour les articles qui entrent en franchise – et leur liste s’allonge avec la politique qui favorise les entrées de matières premières, à l’exception du sucre et de la laine, par rapport aux biens manufacturés – seule la demande intérieure compte, elle-même fonction du prix, du revenu et de la valeur des substituts. On ne peut expliquer dans le détail les variations des importations totales à New York sans analyser les principaux marchés particuliers obéissant chacun à ses rythmes spécifiques. Les agrégats sont nécessaires pour cerner les grandes tendances, mais l’explication ne peut être trouvée que dans les parties constituantes.
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