1Aux importations, les denrées brutes sont composées essentiellement de café et de thé. Pour ces deux produits les Etats-Unis dépendent totalement de l’étranger. Les quantités débarquées à New York sont fonction, d’une part des conditions de la demande au niveau national, de l’autre de la variation des aires de marché et des zones d’approvisionnement.

4.1 La demande de café et de the aux États-Unis

2De 1860 à 1900, les importations de café aux Etats-Unis progressent beaucoup plus rapidement que celles de thé : de 4,6 % en moyenne par an pour le premier, de 3,1 % pour le second. Comme les réexportations ne jouent qu’un faible rôle et que la population croît assez régulièrement, la consommation apparente par tête des deux articles ne suit pas la même évolution (cf. graphique 13,p. 101). Celle de café augmente de 2,1 % par an, passant de 2,5 kilos avant la guerre de Sécession à 4,5 kilos à la fin du siècle. Celle de thé ne progresse que de 0,5 % par an ; elle atteignait 380 g en 1860 ; elle fluctue, la paix revenue, autour de 500-600 g et ne dépasse 700 g qu’en 1896/7, année de fortes importations dans la crainte que le tarif Dingley, alors en discussion, ne frappe ce produit d’un droit de douane. Dans la seconde moitié du XIXème siècle, les Américains deviennent de plus en plus un peuple "buveur de café" qui se distingue de ses ancêtres britanniques. Peut-être est-ce dû, si on en croit les observateurs du temps, au fait que les immigrants sont originaires de pays où on boit plus de café que de thé1. Pour expliquer les différences de croissance, il convient d’estimer un modèle de demande où la consommation apparente par tête est fonction de trois variables exogènes : le prix réel de l’article, le revenu réel des travailleurs et le prix relatif des substituts2.

GRAPHIQUE 13 graphique 13 (a) : consommation apparente par habitant de café et de thé aux Etats-Unis graphique 13(b) : nominal du kilo de thé et de café importé aux Etats-U graphique 13 (c) : parts relatives de New York dans les importations de thé et de café aux Etats-Unis

4.1.1 L’évolution contrastée des prix

3Dans la fonction de demande les prix sont les valeurs déclarées à la douane majorées éventuellement du droit tarifaire. Jusqu’en 1898, la politique douanière suivie pour le café et le thé est identique. Avant la sécession, ils entrent librement aux Etats-Unis. Les nécessités de la guerre obligent le gouvernement fédéral à taxer, le 5 août 1861, les deux articles de grande consommation. Les droits de 4 cents et de 15 cents par livre respectivement de café et de thé sont portés dès le 24 décembre suivant à 5 et 20 cents. La taxation, relativement plus lourde pour le thé, est abaissée à compter du 1er janvier 1871 à 3 et 15 cents, avant qu’on en revienne au régime de la franchise à partir du 1er juillet 1872. Il est à remarquer que cette mesure n’a pas été prise à la demande des importateurs et des négociants qui en rendent responsables les tendances démagogiques des parlementaires. En instituant la libre entrée du café et du thé, articles que les Etats-Unis ne peuvent pas produire, le Congrès se donne une apparence libérale qui lui permet en compensation d’imposer lourdement les articles qui concurrencent la production nationale, en particulier le sucre. Et on assiste dès lors à ce paradoxe que les libéraux en matière de commerce international réclament le retour à une taxation du café et du thé qui procurerait, comme c’est le cas dans de nombreux pays européens, des ressources au Trésor et justifierait l’abaissement des tarifs sur la plupart des produits importés, tandis que les protectionnistes défendent, au nom des intérêts des classes populaires, le maintien de la franchise qui contraint le gouvernement fédéral à conserver, sous un prétexte fiscal, la structure des tarifs ultra-protectionnistes adoptés pendant la guerre de Sécession. Ce dernier groupe de pression est de loin le plus fort. On ne note en effet que deux exceptions au régime de franchise douanière. La première, à l’époque du tarif McKinley, quand par mesure de représailles, le café de Colombie, du Venezuela et de Haïti est frappé temporairement d’un droit de 3 cents par livre ; la seconde, lors de la guerre contre l’Espagne qui oblige le Congrès, pour financer les campagnes militaires, à imposer à compter du 13 juin 1898 un droit de 10 cents sur le thé qui sera perçu jusqu’en 19023.

4Entre 1860 et 1900, l’évolution des prix à l’importation du café et du thé (cf. graphique 13 b, p. 101) est très contrastée. Le prix nominal du café ne présente aucune tendance significative, alors que celui du thé baisse en moyenne de 2,4 % par an. De même, le prix réel du café augmente, tandis que celui du thé diminue. Les rythmes conjoncturels diffèrent eux aussi. Le prix du café subit de fortes fluctuations assez régulières, liées aux délais nécessaires avant que l’arbuste rapporte des bénéfices au planteur. Après une baisse plutôt lente de 1862/3 à 1870/1, on observe une hausse rapide jusqu’en 1873/4. Ce niveau de prix élévé se maintient jusqu’en 1877/8. L’année suivante, débute une baisse accélérée qui atteint son point le plus bas en 1885/6. Ensuite, une nouvelle vague de hausse conduit à un plateau de hauts cours qui se prolonge jusqu’en 1895/6, la fin du siècle étant marquée par un effondrement brutal. Ces fluctuations ne coïncident pas avec les mouvements de prix bien connus des historiens. En effet, le prix du café est soumis à des oscillations à la hausse ou à la baisse qui durent chacune de 7 à 10 ans. En périodes de hauts prix, les fazendeiros brésiliens étendent leurs plantations . Quand, au bout de quelques années, les arbustes atteignent leur pleine capacité productive, la surproduction déprime les cours. Ces bas prix stimulent la consommation tandis que l’offre ne progresse plus qu’à un rythme ralenti. Le café devient une nécessité. La demande finit par dépasser la production, les cours s’envolent à nouveau et les planteurs, sans coordonner leurs plans, recommencent un cycle qui aboutira plus tard à une offre excessive. Le mécanisme qui vient d’être décrit apparaît nettement au début des années 1870 et à la fin des années 1880. La prolongation des cours élevés jusqu’en 1895/6 entraîne une chute d’autant plus brutale à la fin du siècle qu’au même moment l’indice général des prix de gros s’oriente à nouveau à la hausse. Sur ce schéma s’inscrivent, bien sûr, des accidents liés aux conditions climatiques, toujours aléatoires. L’évolution du prix du thé est beaucoup plus simple : un palier voisin de 60 cents le kilo dans les années 1860, une brusque hausse qui mène au sommet de 83 cents en 1872/4, puis une baisse presque ininterrompue jusqu’à la fin du siècle, le minimum étant atteint en 1899/1900 avec 27 cents. Les deux cultures arbustives obéissent à des dynamiques différentes dans la seconde moitié du XIXème siècle4.

4.1.2 La fonction de demande

5L’estimation d’une fonction de demande de café sur les années 1860-1900 indique que l’élasticité de la consommation par rapport au prix réel est négative et voisine de -0,3. La faiblesse du coefficient montre qu’à cette époque le café n’est plus un produit de luxe aux Etats-Unis, mais bien une nécessité ; bref, la "boisson du pauvre" . Quand le prix baisse de 10 %, la consommation par tête augmente de 3 %, et inversement. L’Américain compte, aux côtés du Belge, du Hollandais et du Danois, parmi les plus gros consommateurs du monde. L’élasticité positive de la demande par rapport au revenu, proche de +0,8, indique qu’on a affaire à un bien essentiel : la consommation croît dans le même sens que le revenu. Les deux effets de prix et de revenu expliquent la forte augmentation cyclique de la consommation par tête entre 1879/80 et 1885/6. La hausse des salaires réels et la baisse du prix réel conjuguent leur action pour stimuler la demande des Américains.

6Ceux-ci n’ont pas le même comportement vis-à-vis du thé. Certes, l’élasticité par rapport au prix est significative et du même ordre de grandeur que pour le café (-0,3), mais l’élasticité par rapport au revenu ne l’est pas et son signe négatif laisse supposer que le thé est considéré comme un bien inférieur.

7A priori on serait tenté de croire que le café et le thé qui servent de matières premières pour faire des boissons chaudes, sont des substituts. Le coefficient d’élasticité croisée de la demande devrait donc être positif, la consommation de café croissant quand le prix réel du thé augmente, c’est-à-dire quand le prix relatif du café par rapport au thé baisse. Or l’estimation donne un signe négatif pour le prix du thé (-0,4). En concluera-t-on que les deux articles sont complémentaires et non substituables ? non, car il faut tenir compte du double effet de revenu et de substitution. Si l’effet de revenu est plus fort que l’effet de substitution, la consommation de café croît, quand le prix du thé baisse. En effet cette baisse augmente le revenu disponible qui peut se porter sur le café. Dans l’estimation de la demande de thé, au contraire, le signe du prix du café est positif, quoique non significatif. Le café semble donc être un substitut du thé, alors que l’inverse n’est pas vrai. Quand le prix du café augmente, la consommation de thé croît légèrement ; quand le prix du thé diminue, la consommation de café ne baisse pas. Cette dissymétrie apparaît clairement lors de la période des hauts prix du café à la fin des années 1880 et au début de la décennie suivante. Les deux articles ne rencontrent manifestement pas la même faveur auprès des consommateurs américains.

8Ces tendances sont importantes pour le port de New York. Elles déterminent la taille des importations, les quantités qui transitent par les quais de la ville, leurs fluctuations . On remarque aussi que c’est l’article dont New York dominait le trafic avant guerre, le thé, qui connaît l’évolution la moins favorable, tandis que le café progresse d’une manière spectaculaire dans les échanges.

4.2 New York domine le marche du café

9A New York, les importations de café augmentent sensiblement plus vite que la consommation apparente américaine. Au rythme de 5,9 % par an en moyenne entre 1859/60 et 1899/1900, elles décuplent et atteignent un maximum de 350 000 tonnes en 1897/8. Les fluctuations ne présentent aucune originalité par rapport à ce qui a été signalé à propos de l’ensemble des Etats-Unis. Le fait notable est l’amélioration des parts de marché de New York qui gagne 0,8 point de pourcentage en moyenne par an (cf. graphique 13 c, p. 101).

4.2.1 Les étapes de la conquête

10En 1859/60, New York importait seulement 40,5 % du café acheté à l’étranger. Il devait affronter deux concurrents dangereux : La Nouvelle-Orléans (23,6 %) qui continuait à approvisionner une grande partie du bassin du Mississippi, et Baltimore (13,4 %) dont les clippers s’étaient fait une spécialité du trafic avec le Brésil. Le reste des importations sa dispersait entre plusieurs ports : Philadelphie (8,2 %), Boston (4,9 %), San Francisco (3,2 %), Richmond (2,2 %), Mobile (1,7 %), Galveston, Savannah, Salem. La guerre de Sécession a pour conséquence de concentrer le trafic. La Nouvelle-Orléans est temporairement ruinée ; l’Ouest doit désormais s’approvisionner sur la côte atlantique et principalement à New York qui ne souffre pas des handicaps stratégiques qui affectent Baltimore. Immédiatement après la guerre, le port de l’Hudson maintient bien ses positions et conserve environ les deux-tiers des importations. Il semble que le commerce du café ait été profondément modifié par les hostilités ; la route du Golfe offre moins d’attraits car elle est trop lente et les chemins de fer offrent à la fois des tarifs compétitifs et la vitesse de livraison.

11La nouvelle dépendance des ports à l’égard des liaisons ferroviaires apparaît nettement pendant les années 1869/71 où New York voit sa part de marché descendre à 46 %. La chute profite un peu à La Nouvelle-Orléans, mais c’est surtout Baltimore qui réussit une remarquable percée, important 29,2 % du total en 1870/1, soit plus du double de sa part en 1860. Les négociants incriminent les ententes ferroviaires qui établissent des tarifs différentiels préjudiciables à New York. Ils incitent les compagnies sur lesquelles ils peuvent faire pression – le New York Central et l’Erie Railroad – à rompre ces accords pernicieux. De fait, la guerre de tarif qui oppose les trunk lines en août 1869 améliore la position des marchands new-yorkais, mais le répit ne dure guère car dès septembre, le retour à la paix fait monter les frets ferroviaires et rétablit une structure de tarifs défavorable. Les négociants de Saint Louis, le grand marché de l’Ouest, préfèrent s’approvisionner à La Nouvelle-Orléans et à Mobile. A cela s’ajoutent les problèmes liés à la corruption qui sévit à la quarantaine de New York ; les importateurs se plaignent des délais iniques et infondés que leur imposent les autorités, sous le prétexte que les navires viennent de pays infestés par la fièvre jaune – argument qui permet d’exercer un chantage et de prélever un tribut. Tous ces coûts supplémentaires jugés excessifs pèsent d’autant plus que la réduction du tarif douanier le 1er janvier 1871 majore leur influence dans le prix final au consommateur5.

12Le salut n’allait pas tarder à venir. L’année 1870/1 marque en effet le nadir. Jusqu’alors la baisse du prix nominal du café alourdissait d’autant relativement les coûts de transport. La hausse brutale des prix qui débute pendant l’année fiscale 1872 et que ne compense pas totalement l’institution de la franchise douanière le 1er juillet 1872, diminue l’incidence du fret sur le prix au détail. Entre septembre 1871 et janvier 1874,les prix sur le marché de gros doublent. New York en profite, tandis que Baltimore et La Nouvelle-Orléans reperdent presque tout le terrain qu’ils avaient reconquis. Le relâchement des réglements de la quarantaine contribue aussi à rétablir la situation. Les années suivantes, New York importe environ 60 % du café consommé aux Etats-Unis et cette consommation, en dépit de la dépression économique et du prix nominal élevé, continue à augmenter à cause de sa faible vitesse d’ajustement.

13Quand en 1878/9 débute la phase de baisse des prix, New York n’est plus handicapé par les tarifs ferroviaires discriminatoires. Il a atteint la masse critique qui lui permet de dominer le marché. Sa suprématie ne fait que se renforcer jusqu’à la fin du siècle. Dans les années 1880, New York importe toujours plus de 70 % du café entré aux Etats-Unis ; la décennie suivante, sa part est constamment supérieure à 80 %, frôlant même les 90 % en 1898/9. Cette hégémonie s’établit au détriment de Baltimore qui s’effondre et doit laisser à partir de 1886/7 la seconde place à La Nouvelle-Orléans, incapable, elle aussi, de retrouver sa splendeur passée. Si San Francisco stagne, Philadelphie et Boston finissent par ne plus jouer aucun rôle dans les importations de café. La concentration des échanges est le fait le plus significatif de la période.

4.2.2 L’organisation commerciale

14Son succès, New York le doit à l’organisation de lignes de navigation maritime à vapeur avec le Brésil, les compagnies anglaises prenant le relais des expériences américaines riches en déboires, mais aussi à sa capacité d’adaptation. Vers 1880, les observateurs, tout en se félicitant du raffermissement des positions new-yorkaises, remarquaient que la fonction de transit du port tendait à se développer, réduisant d’autant les né-néfices des négociants importateurs. On en impute la responsabilité à de nouvelles méthodes de commercialisation. Jusque dans les années 1870, le commerce du café se divisait en deux branches spécialisées : les importateurs qui achetaient sur les lieux de production et se chargeaient de transporter la marchandise aux Etats-Unis, et les grossistes (jobbers) qui se fournissaient auprès des précédents et approvisionnaient les détaillants en café vert, On venait de l’intérieur du pays à New York pour faire ses achats. Autour de 1880, cette division du travail s’estompe. L’abondance monétaire, la diffusion du crédit bancaire, le désir d’éliminer les intermédiaires de façon à rapprocher acheteurs et vendeurs incitent les grossistes et les torréfacteurs à importer désormais pour leur propre compte. Face à cette concurrence, le commerce des importateurs devient de moins en moins rémunérateur. Il y a de plus en plus de café qui passe proportionnellement sur les quais de New York, mais ce n’est pas pour y être vendu sur place – ce qui est le propre d’un marché actif. Il est en fait vendu avant d’être expédié du lieu de production. Les ports ne sont plus que des centres d’éclatement du trafic vers les entrepôts des grossistes de l’intérieur, au lieu de rester des marchés où s’opèrent physiquement les transactions. Pour s’approvisionner le marchand de l’Ouest et du Sud n’a plus besoin de se déplacer à New York ; il est assuré de trouver les assortiments qu’il cherche dans des villes plus proches de sa résidence6.

15Ces méthodes de commercialisation nuisent à tous les ports sans exception. Or seul New York réussit à rester un marché actif avec la création d’une Bourse du café. Cette innovation est une réponse au désordre causé par les abus de la spéculation. A la fin des années 1870, trois des plus gros importateurs de Boston (O.G. Kimball) et de New York (Benjamin G. Arnold et Bowie Dash) constituent un "syndicat" pour contrôler les prix du café brésilien. Ils accumulent des stocks dans l’espoir d’étrangler le marché au moyen d’un de ces corners qui apportent la richesse s’ils réussissent et la ruine s’ils échouent. Malheureusement pour eux ils n’avaient pas anticipé l’effondrement des prix à partir de 1879. N’ayant pas les moyens de tenir sur tous les fronts, ils ne peuvent empêcher la baisse des cafés des Indes néerlandaises et ils sont acculés à la faillite en décembre 1880. Dans la période chaotique qui suit, l’idée d’une Bourse chargée de régulariser les transactions se fait jour, malgré de fortes oppositions. La nouvelle institution chargée de maintenir des règles uniformes, d’adopter des normes de classification et de collecter des informations, ouvre ses portes le 7 mars 1882. Le marché à terme permet aux commerçants de se couvrir contre les fluctuations erratiques des cours. L’esprit spéculatif n’est pas supprimé pour autant, puisqu’il est nécessaire aux opérations d’arbitrage, mais les professionnels du café y trouvent des avantages : en réduisant l’incertitude, on favorise une marche plus régulière des affaires. Il n’est plus nécessaire de conserver sur place d’importants stocks, comme autrefois. Désormais le prix du café aux Etats-Unis se fixe à la Bourse de New York et comme les Américains en sont les plus grands consommateurs du monde, c’est là que se situe à partir de cette époque le centre dominant de ce commerce, avant Le Havre qui doit partager le trafic européen avec Hambourg, Amsterdam, Anvers et Londres. Les négociants de Baltimore ne s’y trompent pas ; en 1883, ils ouvrent à leur tour une Bourse du café, mais le manque de spéculation tue bientôt dans l’oeuf cette tentative de résistance à la suprématie new-yorkaise7.

16Dans les deux dernières décennies du XIXème siècle, le commerce d’importation du café change profondément . Les Américains achètent de moins en moins de café vert chez leur épicier ; ils préfèrent les cafés torréfiés vendus sous une marque. Ce sont donc les torréfacteurs qui prennent en main l’essentiel du trafic. Leurs préoccupations d’industriels sont différentes de celles d’un négociant. Ils ont besoin d’alimenter régulièrement leurs usines. Typiques de cette nouvelle hiérarchie sont les frères Arbuckle, originaires de Pittsburgh, qui ont eu les premiers l’idée de vendre le café torréfié en paquets. Leur ascension est très rapide. En 1880, ils figurent parmi les derniers des 83 importateurs à New York, avec 600 sacs, loin derrière les grands de l ’ époque : O.G. Kimball (123 900 sacs), G. Amsinck, B.G. Arnold, J.M. Edwards, Bowie Dash et Hard & Rand. L’année suivante, après les troubles du krach, les voilà au premier rang sur 98 avec 127 349 sacs et ils y resteront, tout comme à Rio où ils sont les premiers exportateurs. A la fin du siècle, ils sont en mesure de s’attaquer au marché du sucre et d’entrer en conflit avec l’American Refining Sugar C° . Principal centre de l’industrie de la torréfaction, New York bénéficie de cette évolution.

17La force d’un grand marché international se bâtit sur la qualité de ses liaisons maritimes. Pour faire face régulièrement à la demande, il faut pouvoir faire appel aux divers producteurs mondiaux susceptibles de pallier la mauvaise récolte de l’un d’entre eux. Or, sur ce point, la supériorité de New York est écrasante. Baltimore, par exemple, n’est lié qu’au Brésil, La Nouvelle-Orléans qu’à l’Amérique centrale et aux Antilles. New York, au contraire, est en contact avec tous les marchés européens et avec tous les producteurs de café.

4.2.3 La géographie des approvisionnements en café

18A New York, l’essentiel du café vient du continent américain : 90 % en moyenne, avec une nette prédominance du Brésil qui en fournit les sept dixièmes. A l’inverse des Européens, les Américains s’approvisionnent assez peu à Santos ; à Rio, au contraire, ils dominent le commerce local, avec des firmes comme Arbuckle ou Hard & Rand. La part du Brésil dans les importations à New York ne présente aucune tendance significative car ce pays domine dans les années 1860 et dans la dernière décennie du XIXe siècle. Dans les périodes intermédiaires, elle ne dépasse pas les deux tiers ; elle tombe exceptionnellement à la moitié en 1872, à la suite de la mauvaise récolte de l’année précédente, ou à un niveau relativement bas en 1880, au moment de la grande spéculation sur le Fair Rio.

19La part des importations en provenance du Venezuela, le second fournisseur, ne présente, elle aussi, aucune tendance significative. Sans doute, le taux de croissance des quantités entrées de Maracaibo, de La Guaira et de Puerto Cabello est-il un peu plus fort que pour le café venu de Rio et de Santos, mais l’essentiel est que le Venezuela est le complément du Brésil ; il représente environ 15 % des importations entre 1872 et 1889, et même 19 % en 1872, où il pallie les déficiences brésiliennes. A cette occasion, les consommateurs américains découvrent un produit dont ils apprécient le goût – ce qui lui permet de se tailler un marché particulier. Dans la dernière décennie, le café vénézuélien souffre des discriminations que lui impose de 1892 à 1894 le tarif McKinley. Il doit alors céder du terrain à son rival brésilien qui bénéficie des faveurs de l’administration républicaine.

20Avant 1879, la Colombie et le Costa-Rica ne jouent pour ainsi dire aucun rôle dans les approvisionnements new-yorkais. A partir de 1880, au contraire, les importations de cette région connaissent le plus fort taux de croissance, malgré les effets de la politique de représailles du tarif McKinley et des nombreuses guerres civiles. Cependant, elles ne représentent quand même que 5 à 6$ du total en 1900. A l’opposé, les Antilles atteignent leur apogée relatif en 1860 avec 18 % des importations totales ; ensuite, leur part sombre, elle ne dépasse 10 % qu’une seule fois, en 1881, où elles expédient 20 000 tonnes à New York, à un moment où le marché du Havre croule sous les stocks. Les Américains n’aiment pas beaucoup le café haïtien ; ils lui préfèrent la variété de Rio au goût plus fort. Aussi l’article de Haïti alimente-t-il surtout les réexportations vers l’Europe.

21En cas de nécessité, les négociants new-yorkais font venir leur café de plus loin, de l’Asie du Sud-est, de Ceylan, mais surtout des Indes néerlandaises. Le produit de Sumatra ne joue un rôle important que dans les années 1870, où il représente de 11 % à 14 % des importations totales. Son échec est imputé d’une part à sa cherté et aux souvenirs cuisants laissés par le krach de 1880, de l’autre à son parfum particulier qui le dessert à partir du moment où les torréfacteurs fabriquent des mélanges : l’origine perd alors de son importance au profit de la marque du fabricant. Il est vrai qu’une partie de ce café de Padang ne vient pas directement de la colonie ; il transite par les Pays-Bas, surtout après 1883, quand la réforme tarifaire supprime la surtaxe de 10 % qui grevait les denrées importées indirectement aux Etats-Unis8.

22Le café est l’exemple typique d’une marchandise où le port de New York, loin de reculer devant ses rivaux, renforce ses positions, au point de jouir à la fin du siècle d’un véritable monopole. Après quelques hésitations, il en devient le premier marché du monde, grâce à l’énorme croissance de la demande intérieure fondée à la fois sur l’expansion démographique et sur l’augmentation de la consommation par tête. C’est sur le café qu’est basée la suprématie des liaisons maritimes new-yorkaises avec le Brésil et le Venezuela. Et si les méthodes de commercialisation ont subi au cours des quatre décennies de profonds changements qui ont bouleversé les positions des négociants importateurs traditionnels, cette évolution ne s’est pas opérée au détriment du rôle actif du port. Les centres douaniers de l’intérieur de pays n’importent directement que des quantités minimes. Quant aux ports rivaux, ils ne bénéficient pas assez d’une supériorité de localisation par rapport à New York pour pouvoir contester son hégémonie maritime. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que l’importation active du café se soit concentrée sur les rives de l’East River. Il n’en va pas de même pour le thé.

4.3 New York perd le controle du marché du thé

23Que le commerce du thé à New York soit moins dynamique que celui du café, c’est inévitable vu les caractéristiques structurelles propres à la demande de chacun de ces articles. Le faible développement de la consommation de thé surprend d’autant plus que le prix réel baisse de 1,3 % par an entre 1859/60 et 1899/1900. Un des éléments qui entrent dans l’explication de cette chute est la dévalorisation de l’argent-métal ; les pays producteurs restent attachés au mono-métallisme argent – ce qui permet aux Américains de bénéficier d’un change favorable qui bouleverse la hiérarchie des prix relatifs du café et du thé. Alors que le second valait deux fois et demi plus cher que le premier au kilo dans les années 1860,il se retrouve au même niveau au début des années 1890 (cf. graphique 13 b, p. 1 01). Il est vrai que les négociants se plaignent de ce que les prix au détail ne suivent pas l’évolution des prix de gros et que les clients soient plus attirés par les gadgets qui accompagnent chaque paquet vendu que par la qualité du produit – ce qui expliquerait l’abondance de thés médiocres dans les épiceries. En dépit des lois fédérales de 1883 et de 1897 sur les thés frelatés, il ne semble pas que la qualité s’améliore car les critères de l’inspection ne sont pas définis rigoureusement et les consommateurs se détournent, au profit du café, d’un article peu soigné9.

4.3.1 Avant l’ouverture de la route de Suez

24Les quantités de thé enregistrées à la douane de New York augmentent de 2 % par an en moyenne entre 1860 et 1900, avec des creux marqués lors de la guerre de Sécession et à la fin du siècle quand est établi un droit. Sur l’ensemble de la période, la position de New York se dégrade dans le commerce du thé. On observe une perte de 0,83 point de pourcentage par an en moyenne. Le niveau élevé antérieur à la guerre, voisin de 90 %, se maintient jusqu’en 1870/1. Suivent cinq années où la position new-yorkaise s’effrite considérablement. De ce premier creux atteint en 1875/6 (64 %), New York rétablit sa situation et culmine pour la dernière fois à 77 % en 1884/5. De ce sommet commence un recul, d’abord lent, puis accéléré (57 % en 1899/1900). Ces fluctuations s’expliquent en grande partie par les changements intervenus dans la géographie des transports.

25Avant l’ouverture du chemin de fer transcontinental San Franciscojoue un rôle minime dans le commerce du thé. Cet article qui vient alors presque exclusivement de Chine et un peu du Japon depuis que le Berefactor a apporté la première cargaison de l’archipel en février 1863, entre par New York où est concentrée la flotte des clippers. De grandes fortunes d’armateurs, comme celle d’A.A. Low, se sont fondées sur ce trafic dont un des principaux centres mondiaux se situe sur l’East River, le long de South Street. Avant la guerre, New York tirait sa force non seulement du monopole des arrivées, mais aussi de la fréquence des ventes à l’encan par des firmes comme L.M. Hoffman & C°, Haggerty, Draper & Jones ou Wilmerding & C°. De tous les Etats-Unis accouraient les grossistes attirés par la perspective de faire de bonnes affaires. Pendant le conflit civil, cette forme de commercialisation décline au profit des courtiers qui, contre une commission, cherchent des clients aux importateurs. Toutefois la suprématie de New York ne peut être contestée tant que les voiliers sont les seuls moyens de transport économiques capables de relier l’Extrême-Orient au continent américain, mais c’est un atout fragile à partir du moment où les consommateurs accordent une prime à la vitesse. La vapeur représente une réelle menace pour les intérêts des "princes marchands" de la Ville-Empire.

26Déjà en 1867, la route maritime qui transite par l’isthme de Panama apporte 500 tonnes de thé, mais elle n’est viable que pour la nouvelle récolte qui offre des prix plus élevés. On gagne ainsi deux à trois mois sur les voiliers qui font le tour par le Cap de Bonne-Espérance. Quand, à partir de 1871, le transcontinental élargit efficacement l’arrière-pays de San Francisco, les positions new-yorkaises sont sérieusement menacées. L’Ouest trouve avantage à s’approvisionner directement sur le marché pacifique et les négociants de South Street sont contraints eux aussi d’y recourir de crainte de perdre leur clientèle éloignée. C’est alors que Chicago devient un centre de commercialisation concurrent. Auparavant New York bénéficiait d’économies d’échelle qui lui permettaient de conquérir tout le marché, en dépit de certains inconvénients en matière de coûts de transport. Si Chicago possède des courbes de coût qui se rapprochent de celles de New York et jouit d’une structure de tarifs presque identique, les économies d’échelle ne sont pas automatiquement à l’avantage du port atlantique ; la localisation du commerce du thé devient indéterminée et il en résulte une instabilité des parts de marché. Telle est l’explication de la première chute dans les années 1870, où New York cède du terrain à San Francisco et à Chicago10.

4.3.2 Rétablissement et chute

27Cependant la situation de New York ne tarde pas à s’améliorer avec l’ouverture de la route de Suez. Les steamers anglais ne peuvent pas l’exploiter immédiatement à cause du prix temporairement élevé du charbon ; en 1874 on n’en compte que sept qui viennent de Chine et du Japon. Fiais dès la fin des années 1 870, les progrès techniques et l’abaissement des frets maritimes qui s’ensuit assurent le triomphe de la vapeur sur la voile. En 1879, 25 steamers arrivent de Shanghai, d’Amoy et de Yokohama ; en 1881, on en compte 34, transportant en moyenne 700 tonnes de thé. Cette année-là, le voyage s’effectue en une cinquantaine de jours, au lieu de 65 à 100 jours cinq ans plus tôt. Cela réduit le temps pendant lequel la nouvelle récolte venue par San Francisco fait prime sur le marché. En conséquence, à partir de 1876, la proportion de thé entré à New York et apporté directement d’Extrême-Orient croît. Les progrès de la vitesse raccourcissent la saison pendant laquelle se font les arrivages : ceux-ci sont concentrés entre juillet et la fin avril de l’année suivante, laissant un creux de trois mois, alors qu’à l’époque des voiliers la marchandise était débarquée à South Street toute l’année. Cette concentration pèse sur les prix et réduit les possibilités de spéculation par rapport aux décennies où l’absence de liaisons télégraphiques permettait d’exploiter la fébrilité du marché11.

28La révolution des transports s’accompagne, comme dans le cas du café, de transformations des méthodes de commercialisation. Les importateurs traditionnels se voient menacés par des concurrents qui cherchent à réduire l’importance des intertnédiaires. Pour augmenter leurs profits, ou plus souvent les maintenir face à la baisse des prix, les maisons installées en Chine et au Japon établissent des contacts avec des grossistes américains de l’intérieur. Grâce à l’abondance du crédit disponible, ces derniers se lancent dans l’importation de thé, en dépit de leurs faibles ressources financières. Si le marché ne répond pas à leurs anticipations, ils doivent liquider leurs stocks en les vendant à l’encan. L’importance de ces ventes distingue le commerce du thé de celui du café. En 1879 et en 1880, les deux salles new-yorkaises de Richard M. Montgomery et de John A. Draper attirent une part croissante du négoce, au détriment des courtiers qui créent une Association des courtiers en thé pour sauver leur profession menacée. Les ventes aux enchères concentrent à nouveau le commerce à New York ; de nombreux acheteurs de l’intérieur y viennent dans l’espoir de réaliser de bonnes affaires, car le vendeur ne peut retirer sa marchandise, alors que l’acheteur n’est soumis à aucune obligation. Jadis quand les fonctions d’importateur et de grossistes étaient distinctes, une certaine harmonie régnait entre les deux branches. Désormais, avec le raccourcissement des circuits de distribution, le grossiste se transforme en importateur et l’importateur traditionnel, privé d’acheteurs, n’a plus comme ressource qu’à se retourner vers la salle de vente à l’encan. L’intérêt de l’innovation est vite perçu à Chicago ; en 1886 s’y fonde une "Compagnie pour la vente du thé à l’encan"12.

29Aussi, à partir de 1886, la position de New York recommence-t-elle à se détériorer. Lentement d’abord, car le développement d’un grand marché du thé à Chicago s’opère dans un premier temps au détriment de San Francisco dont la part dans les importations déclarées s’effondre brutalement de 30 % à moins de 10 %. La multiplication des routes favorise Chicago. Après l’ouverture du Northern Pacific Railroad et du Canadian Pacific Railway, on ne dénombre pas moins de six voies possibles. Certes, la route de Suez sert de référencepour la fixation des tarifs de fret maritime et terrestre mais les chemins de fer transcontinentaux, en généralisant la pratique du connaissement direct, favorisent les centres de l’intérieur. Les déplacements du commerce de gros sont liés aussi à des transformations dans la géographie des approvisionnements. New York est relativement mieux placé pour recevoir le thé chinois que l’article japonais. Pour les ports de la côte pacifique, San Francisco, Tacoma ou Vancouver, c’est l’inverse. Or les Américains qui consommaient exclusivement du thé chinois avant la guerre, se plaignent fréquemment de sa mauvaise qualité : il contient trop de poussière et manque de soins. Aussi dès 1874, le thé japonais dépasse-t-il dans la consommation le thé noir chinois, puis deux ans plus tard le thé vert. A la fin du siècle, il représente environ la moitié du marché américain. La réduction relative des envois d’Amoy et de Fuzhou au profit de Yokohama joue au détriment de New York. Pour rétablir la situation, il aurait fallu que le thé indien pût s’implanter aux Etats-Unis, mais, à cause de sa forte odeur propice aux mélanges, les tentatives perpétrées dans ce sens se soldèrent par des échecs13.

30Le jeu simultané de ces influences explique le déclin de New York comme marché du thé à la fin du XIXème siècle. Les négociants y voient l’effet des tarifs discriminatoires résultant de la structure des connaissements directs. Aussi le 3 décembre 1889 le New York Board of. Trade and Transportation, défenseur des intérêts des marchands locaux, dépose-t-il une plainte devant la Commission du commerce entre les Etats contre les compagnies ferroviaires, bientôt rejoint par la Chambre de commerce de San Francisco qui s’estime lésée de la même manière. La Cour Suprême ayant interdit la mise en oeuvre de remèdes appropriés, le port de New York se transforme en partie en simple lieu de transit, au détriment de sa fonction de marché actif où sont négociées des quantités physiques. Le contraste avec ce qui se passe pour le café apparaît clairement dans les connaissements maritimes . Les nombreux consignataires qui reçoivent le café apporté par les steamers étrangers sont presque tous des négociants new-yorkais qui possèdent des stocks dans les entrepôts de Brooklyn et peuvent livrer à la demande des clients de l’intérieur. Dans le commerce du thé, au contraire, les consignataires sont souvent des investment bankers (Drexel, Morgan ; les frères Brown ou Baring) et des institutions financières canadiennes qui effectuent ces transactions pour le compte de tiers, sans se livrer eux-mêmes au négoce. Les grandes firmes spécialisées de New York, telles que A. Low ou Carter, Macy, jouent un rôle relativement restreint. Nombre de paquets de thé arrivent avec la mention order – ce qui indique qu’ils doivent être réexpédiés immédiatement vers l’intérieur sous contrôle douanier, sans laisser de valeur ajoutée dans les locaux de South Street ou les entrepôts de Brooklyn14.

31Le café et le thé constituent deux exemples opposés. New York domine de plus en plus le commerce du premier, alors qu’il perd progressivement le contrôle du second, On peut y voir l’effet des forces objectives de la localisation. Le café provient essentiellement du Brésil. Or New York est plus proche de Rio que La Nouvelle-Orléans ou Boston ; Baltimore et Philadelphie, au fond de leur baie, souffrent d’un handicap, fl conditions de concurrence égales, les quais de l’East River sont avantagés, car ils sont desservis par des services maritimes plus fréquents. Rarement un négociant peut remplir à lui seul la cale d’un steamer ; il n’est pas rare de trouver une dizaine de consignataires. Il est donc vital pour le commerce de bénéficier des économies externes qui permettent de créer des économies d’échelle. La théorie de la localisation justifie qu’il y ait concentration là où règne un marché proche du modèle de concurrence parfaite. Le thé, au contraire, provient uniquement de Chine et du Japon. Les ports de la côte pacifique bénéficient apparemment d’une meilleure localisation mais cela ne suffit pas pour contrôler le marché car leur aire naturelle dispose d’un revenu global trop faible. New York contrôle le négoce jusqu’aux années 1870 parce qu’il est situé sur la marge externe de la zone de forte consommation, à une époque où les tarifs ferroviaires sont trop onéreux pour surmonter le handicap de la distance. Dès que cet obstacle est levé, les conditions de la localisation deviennent indéterminées. Le négoce peut s’installer avec succès soit sur la côte, soit dans l’intérieur. C’est affaire de stratégie, d’esprit d’entreprise. Or il semble bien que les importateurs traditionnels new-yorkais n’aient pu trouver la parade qui leur aurait permis de conserver leur hégémonie du temps des clipp sur des rivaux décidés à raccourcir les circuits de distribution. Le destin du commerce d’importation se joue dans ces rapports entre les effets spatiaux des forces de localisation et les capacités d’adaptation des négociants15.