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  • Chapitre 2. Le port de New York en 1860
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    Plan

    Plan détaillé Texte intégral 2.1 New York et ses rivaux 2.2 Via le port de New York 2.3 Voiliers Américains et steamers Européens 2.4 Atouts et handicaps Notes de bas de page

    Le port de New York et le commerce extérieur américain

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    Chapitre 2. Le port de New York en 1860

    p. 21-56

    Texte intégral 2.1 New York et ses rivaux 2.1.1 Des rivaux distancés 2.1.2 Un avant-pays plus vaste 2.2 Via le port de New York 2.2.1 Les importations 1) Les matières premières 2) Les produits alimentaires bruts 3) Les produits alimentaires transformés 4) Les produits industriels semi-finis 5) Les produits manufacturés 2.2.2 Les exportations 1) Les matières premières 2) Les produits alimentaires bruts et transformés 3) Les produits industriels semi-finis 4) Les produits manufacturés 2.3 Voiliers Américains et steamers Européens 2.3.1 L’apogée de la marine à voile Américaine 2.3.2 La concurrence de la marine à vapeur Européenne 2.4 Atouts et handicaps 2.4.1 Un atout : les conditions physiques du port 2.4.2 Un handicap : une administration fragmentée 2.4.3 Canaux contre chemins de fer Notes de bas de page

    Texte intégral

    1Avec le recul du temps, l’année fiscale 1859/60 paraît située dans l’oeil du cyclone, entre la dépression qui a frappé les Etats-Unis tout autant que l’Europe occidentale à la fin de 1857 et tout au long de l’année 1858 et la récession qui s’annonce à l’automne 1860, après l’élection de Lincoln et l’impulsion qu’elle donne aux menées sécessionnistes dans le Sud. Au début du printemps 1859, le Shipping and. Commercial List and New york. Price Current décrit ainsi l’ambiance économique :

    "heureusement nous sommes débarrassés, pour le moment, des agitations politiques et des troubles de toute sorte. Qu’ il s’agisse de ses intérêts commerciaux, industriels ou agricoles, le pays bénéficie en général d’un degré de prospérité, modéré certes, mais satisfaisant, avec des perspectives raisonnables d’amélioration régulière. Il y a des gens gui se plaignent que les choses aillent trop lentement, mais si on jette un regard un an en arrière et si on compare l’état du pays aujourd’hui sous son aspect le moins favorable avec ce qu’il était au début d’avril 1858, on ne trouvera certainement pas beaucoup de raisons de se plaindre à bon droit" 1.

    2Dépourvue de graves secousses, l’année 1859/60 peut donc servir de référence pour juger l’état économique des Etats-Unis et de New York juste avant le déclenchement de la guerre civile. De plus, cette année-là, le tarif douanier de 1857 qu’on peut qualifier de libéral par comparaison avec ses successeurs, s’applique sans être perturbé, comme en 1858, par la dépression des affaires. A ce moment-là, les Etats-Unis sont relativement plus ouverts sur le monde extérieur qu’ils le seront dans les quarante ans à venir. Le ratio du commerce extérieur au produit national brut est en effet d’environ 17 %, alors qu’entre 1870 et 1900 il variera entre 12 et 14 %, avec un maximum de 15 % en 18802. Enfin, le Roi-coton joue aux exportations un rôle qu’il ne retrouvera plus par la suite. On peut discuter sur la nature de la récolte de 1859 ; pour notre propos, il suffit de noter que le coton brut représente 60 % des exportations américaines en valeur3. Toutes ces conditions expliquent la position de New York par rapport à ses rivaux à la veille de la guerre de Sécession. Cette période marque aussi l’apogée de la marine marchande des Etats-Unis, la fin d’une ère où les armateurs locaux dominent l’activité du port. Celui-ci apparaît comme un organisme dynamique en dépit des carences en matière d’aménagement.

    2.1 New York et ses rivaux

    3A la veille de la guerre, New York semble avoir distancé ses rivaux, sans les réduire pour autant à la portion congrue ; çà et là des menaces persistent ou surgissent, mais l’avant-pays new-yorkais garantit la solidité des positions déjà conquises.

    2.1.1 Des rivaux distancés

    4En 1859/60, avec un trafic total de 311 millions de dollars, le port de New York accapare 45,3 % du commerce extérieur des Etats-Unis. Il devance de très loin son second immédiat, La Nouvelle-Orléans, qui n’en représente que 18,7 %, tandis que Boston, Philadelphie et Baltimore n’en font respectivement que 7,6 %, 2,9 % et 2,7 %. New York, c’est donc dans ce domaine six fois Boston, quinze fois Philadelphie. Une toute autre échelle.

    5Seule, La Nouvelle-Orléans ne semble pas trop écrasée, quoique son commerce soit deux fois et demi moindre que celui de la Ville-Empire. Et pourtant, le port du delta du Mississippi est alors à son apogée. Sur ses quais passe le tiers des marchandises exportées par les Etats-Unis, essentiellement du coton, mais en retour les navires apportent peu de produits de l’étranger. La Nouvelle-Orléans est plus un exutoire de l’agriculture du Sud qu’un centre commercial moteur, car elle est trop spécialisée et voit son rayonnement de plus en plus limité. Toutefois sa domination aux exportations relègue New York au second rang. Le port de l’Hudson ne fait en effet que le quart des expéditions à l’étranger et il lui reste encore à conquérir la suprématie dans ce domaine. Pour l’heure, le Roi-coton domine les échanges extérieurs américains, légitimant les prétentions des Sudistes à mener une vie indépendante, et ce coton est envoyé pour l’essentiel vers l’Europe occidentale et la Méditerranée à partir des ports du Golfe et du Sud-Atlantique4.

    6Les importations, au contraire, sont le point fort de New York. Près des deux-tiers d’entre elles passent par les quais de l’Hudson et de l’East River avant d’être distribuées sur tout le territoire national. L’institution d’un régime douanier relativement libéral en 1857 ouvre de brillantes perspectives d’avenir. Dans ce domaine, les rivaux sont réduits à la portion congrue. Les jugements des contemporains qui font état d’une menace semblent peu fondés. La Chambre de commerce de Boston, par exemple, se plaint que les grossistes locaux commercialisent de moins en moins les textiles qui sortent des usines du Massachusetts, car les fabricants yankees ont ouvert des succursales à New York. A son avis, cette situation n’est pas irréversible, car " il ne. peut pas y avoir un centre commencial unique dans cet hémisphère", New York ne saurait être le Londres ou le Liverpool du continent américain. Boston n’a perdu ses positions que par sa négligence. Avec un effort, elles pourraient être regagnées. Ce dont doute le consul de France qui écrit à son ministre :

    "Cela peut être vrais, mais en abandonnant une branche de ce commence, la place de Boston a dû perdre l’autre, en l’absence des avantages qui concentrent ce commence à New York. Ɛn fait, il est. plus avantageux pour le commence de trouver sur un seul et même marché. tout ce dont il a besoin. Les Transactions sont plus, promptes, les bénéfices plus grands. . . New York offre et conservera ces avantages",

    7Cependant, si en 1860 Boston a perdu le marché des produits textiles importés, il garde encore de fortes positions dans certains secteurs. Ses armateurs dominent le commerce avec l’Asie, en particulier le Calcutta trade qui apporte d’Inde aux Etats-Unis graines de lin, salpêtre, toiles de jute, peaux et matières premières de l’industrie chimique5.

    8Du côté de Philadelphie, la menace est encore moindre. Certes, son port est désormais relié à l’Ouest par un réseau ferroviaire de qualité, celui du Pennsylvania Railroad, mais, situé au fond de la baie Delaware, il est éloigné de l’Océan, menacé par les glaces pendant l’hiver. D’autre part, la Ville des Quakers ne dispose plus, depuis la chute de la Seconde Banque des Etats-Unis, d’un marché des capitaux aussi vaste et diversifié que celui de New York. Les observateurs prêts à défendre les intérêts de Philadelphie doivent concéder que la métropole pennsylvanienne se contente pour le moment de servir de lieu d’entrepôt pour New-Yorkais et recevoir l’essentiel des marchandises étrangères qu’elle consomme par l’intermédiaire de sa rivale du Nord6.

    9Périodiquement le Sud annonce son intention de ne plus passer par New York pour ses importations d’Europe, mais tous les projets de liens directs finissent par des échecs dont on impute la responsabilité aux sites peu favorables des ports, à la fièvre jaune qui sévit pendant l’été, au manque de capital, voire d’esprit commercial dans une société où dominent les valeurs agraires, à moins qu’il ne s’agisse d’un choix rationnel fondé sur la perception des avantages comparatifs en matière d’agriculture. En dehors d’une sécession, New York ne semble rien avoir à craindre du côté du Sud pour son commerce d’importations. Les progrès des chemins de fer dans l’Ouest dans les années 1850 ont même sapé les bases de la prospérité commerciale de La Nouvelle-Orléans qui perd sa fonction de débouché traditionnel des produits agricoles du Nord-ouest. Le rail concurrence désormais la batellerie du Mississippi et le cabotage côtier. Tout indique que la réorientation des échanges vers les ports du Nord-est était déjà bien en cours avant le déclenchement des hostilités7.

    10Pour les New-Yorkais, le danger le plus sérieux se situe au Nord ; ils craignent que les Canadiens n’ouvrent une voie directe entre les Grands Lacs et l’Océan en rendant navigable le Saint-Laurent. Les milieux d’affaires de Chicago rêvent d’une telle possibilité qui leur permettrait de s’affranchir de la tutelle new-yorkaise. En 1856, un voilier, le Dean Richmond bientôt suivi par le trois-mâts Kershaw, a réussi pour la première fois à relier directement Chicago à Liverpool avec une cargaison de blé. L’année suivante, quelques navires ont poursuivi l’expérience mais, faute de demande en Europe, les expéditions cessent rapidement. En fait, la menace réelle ne réside pas dans l’établissement de liaisons directes entre Chicago et le Royaume-Uni. En effet, les conditions de navigation sur le Saint-Laurent ne permettent le passage que de navires de faible tonnage, de 400 à 500 tonneaux ; d’autre part, il n’existe pas de type de bateau qui soit susceptible de naviguer à la fois sur les Grands Lacs et l’Océan. Il faudrait adapter une fausse quille au fond plat – une transformation qui rend la navigation dangereuse par gros temps sur l’Atlantique-Nord. C’est pourquoi les New-Yorkais craignent surtout la concurrence de Montréal où s’effectuent les transbordements. Les négociants de Chicago peuvent être tentés d’emprunter cette voie pendant la belle saison afin de se soustraire à ce qu’ils considèrent comme des exactions des milieux d’affaires de la "cité impériale". Cependant cet atout n’est pas dépourvu de défauts. Le Saint-Laurent est fermé pendant les longs mois de l’hiver canadien. Pendant cette période, il est vrai, pour éviter de passer sous le joug des "spéculateurs" new-yorkais, reste la solution du Grand Tronc canadien qui offre à Portland (Maine) un terminus libre de glaces toute l’année, mais les capacités de transport de cette ligne ferroviaire beaucoup plus longue restent limitées8.

    2.1.2 Un avant-pays plus vaste

    11Les positions new-yorkaises semblent donc solides. Elles le sont d’autant plus que le port dispose d’un réseau de relations avec le monde entier, ce qui n’est pas le cas de ses principaux rivaux. A la veille de la guerre, on constate à New York un déséquilibre dans le tonnage des navires aux entrées et aux sorties (on ne remarquera plus rien de tel par la suite). Cet excédent global de 18 % en faveur des entrées se retrouve dans la plupart des secteurs géographiques de l’avant-pays, la seule exception notable étant constituée par les Provinces-Maritimes de l’Amérique du Nord britannique à destination desquelles partent deux fois plus de navires qu’il n’en vient. Cette disparité n’est pas due à des erreurs statistiques. Les rapports officiels, en effet, n’enregistrent la destination qu’au dernier port où le navire fait escale avant de quitter définitivement les eaux américaines. Si un bateau anglais entre à New York, y vend sa cargaison, puis repart pour La Nouvelle-Orléans chercher du coton qu’il rapporte à Liverpool, il est enregistré aux entrées à New York et aux sorties à La Nouvelle-Orléans. C’est pourquoi le port du delta du Mississippi présente un déficit aux entrées dans ses relations avec l’Europe occidentale et la Méditerranée, alors que New York enregistre là des excédents9.

    12Avant la guerre de Sécession il existe une certaine complémentarité entre les deux grands ports américains du fait de l’établissement d’un schéma triangulaire Europe ➜ New York ➜ La Nouvelle – Orléans ➔ Europe. Néanmoins la "ville du croissant" ne dispose pas d’un ensemble de liaisons aussi complet que celui de la Ville-Empire. La Nouvelle-Orléans n’a aucune relation avec l’Amérique du Nord britannique, ni avec la côte pacifique du continent américain ; avec l’Asie et l’Afrique, presque rien aux entrées. Du point de vue de la répartition géographique, le contraste entre les deux ports est surtout net aux sorties : les trois-quarts du tonnage quittant La Nouvelle-Orléans se dirigent vers l’Europe du Nord-ouest, alors qu’à New York le pourcentage est un peu inférieur à la moitié. Comme cette zone est au coeur de la révolution industrielle, cela pourrait être considéré comme un avantage pour le grand port du Mississippi, s’il n’y avait pas un déficit du côté des entrées, d’autant plus sensible que nombre de navires étrangers entrent sur lest10.

    13Si on compare New York avec ses trois principaux concurrents du Nord-est, la répartition géographique semble favorable au port de l’Hudson à cause de ses relations relativement plus importantes avec l’Europe occidentale. Cette région qui est le centre moteur des échanges internationaux ne représente que d’un quart à un tiers du trafic portuaire de Boston, Philadelphie et Baltimore. D’autre part, si tous les ports du Nord-est présentent un déséquilibre en faveur des entrées, le déficit est particulièrement accusé à Boston et à Philadelphie d’où partent deux fois moins de navires à destination de l’Europe occidentale qu’il n’en vient, alors que Baltimore ressemble tout à fait à New York. Le trafic avec la zone des Caraïbes offre moins de contrastes : il représente généralement environ le tiers du tonnage total, sauf à Boston où dominent les liaisons avec la Nouvelle-Ecosse et le Nouveau-Brunswick, tout proches. L’originalité du port du Massachusetts est précisément dans ce mélange de cabotage interhational et de relations lointaines vers l’Asie et les îles du Pacifique. Presque l’égal de New York pour les échanges avec cette zone prestigieuse ainsi qu’avec l’Afrique, Boston est encore à la veille de la guerre un rival redoutable à cause du dynamisme de ses armateurs, tout particulièrement aux importations, le point fort de New York. Si Philadelphie apparaît assoupi, préférant le développement industriel à l’aventure commerciale, Baltimore s’individualise par l’importance relative de ses liaisons avec l’Amérique du Sud, le Brésil pour le café, le Pérou pour le guano nécessaire à la régénération des sols de la Virginie et du Maryland épuisés par la culture du tabac.

    14Dans la mesure où les mouvements d’entrées et de sorties de navires sont un bon indice de l’activité économique, on peut conclure à une nette domination de New York sur presque tous les axes maritimes face à ses quatre grands rivaux des rivages atlantiques. Il n’est surpassé aux sorties que par La Nouvelle-Orléans en direction de la Méditerranée et par Boston qui dispose de relations beaucoup plus étroites avec l’Amérique du Nord britannique. Aux entrées, Boston a la prépondérance dans le trafic venu du Nord et d’Afrique, Baltimore dans le tonnage parti de la côte Ouest du continent. Partout ailleurs, c’est New York qui l’emporte. Cette supériorité n’est pas synonyme de domination économique dans la mesure où une part importante des échanges internationaux des Etats-Unis est financée par la place de Londres, mais déjà en 1860 des New-Yorkais ne doutent pas que l’avenir leur appartient et que leur ville est appelée à brève échéance à supplanter la City11.

    15Encore faudrait-il, pour que ces prétentions deviennent réalité, que la balance commerciale américaine soit en permanence largement positive. Or depuis 1846/7 cela n’a jamais été le cas. Les Etats-Unis accumulent les déficits commerciaux que compensent insuffisamment les surplus dégagés par les gains de la marine marchande et les apports des immigrants, ainsi que les sorties de métaux précieux. Aussi la position internationale nette des Etats-Unis est-elle de plus en plus négative. Les perspectives radieuses d’octobre 1860 où l’optimisme se nourrit de l’essor simultané des exportations de coton et de céréales, risquent de n’être qu’une brève parenthèse dans une période marquée par l’accumulation des déficits de la balance des paiements des Etats-Unis12.

    2.2 Via le port de New York

    16En 1859/60, le port de New York est celui qui contribue le plus au déficit de la balance commerciale américaine. En valeur, les exportations y sont trois fois inférieures aux importations ; en poids, le déséquilibre est un peu moins prononcé (cf. p. 7). L’originalité de New York (NY) par rapport à l’ensemble des Etats-Unis (EU) apparaît quand on examine la structure des échanges internationaux à partir des produits classés en fonction de leur origine et de leur degré d’élaboration13 :

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    17Si New York détermine la structure des importations, il n’en va pas de même aux exportations. Cela tient aux parts de marché que possède le port de l’Hudson aux entrées et aux sorties de ces divers types de marchandises.

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    2.2.1 Les importations

    18New York recevant les deux-tiers des importations des Etats-Unis, la structure aux entrées n’est guère différente de celle du pays pris dans son ensemble.

    1) Les matières premières

    19Riches en ressources naturelles, les Etats-Unis ne sont pas en 1860 de gros importateurs de matières premières pour l’industrie. Celles-ci ne constituent qu’un dixième des entrées en valeur. Un petit nombre de produits en forme l’essentiel14.

    20New York est le premier marché d’importation des peaux aux Etats-Unis ; il en reçoit les deux-tiers, loin devant Boston. Et pourtant larégion new-yorkaise n’est pas un grand centre de travail du cuir (cf. tableau 2, p. 30). Alors que ce secteur emploie 14,4 % de la main d’oeuvre industrielle aux Etats-Unis, il n’en occupe que 9,1 % dans les comtés groupés autour de l’Hudson et de l’East River15. Avec 8,6 % de la valeur ajoutée du secteur, l’industrie du cuir new-yorkaise est nettement distancée par celle de la Nouvelle-Angleterre, qu’il s’agisse du tannage ou de la fabrication de chaussures ou de selles. Si New York est le premier port de réception des peaux, sa suprématie tient à la qualité de ses liaisons maritimes, non seulement avec les régions productrices des Etats-Unis telles que le Texas et la Californie qui lui expédient par cabotage cette matière première qu’elles ne peuvent traiter sur place, mais aussi avec les pays d’Amérique Latine plus ou moins spécialisés dans l’élevage extensif des bovins. Alors que Boston s’approvisionne principalement en Inde et en Afrique du Sud, les deux axes maritimes que dominent les armateurs yankees, New York tire le million de peaux débarquées sur ses quais en 1860 des rives de La Plata et du Rio Grande do Sul dans l’hémisphère Sud, ainsi que des régions qui bordent le golfe du Mexique : Venezuela, Colombie, Amérique centrale et Mexique16.

    21La situation est la même pour les fibres textiles . La région new-yorkaise ne joue qu’un rôle mineur dans la production de fils et de tissus, le secteur industriel qui occupe le plus de main d’oeuvre à cette époque. Seule, la soierie qui n’en est qu’à ses débuts mérite une mention particulière. Dans ses 46 établissements répartis essentiellement à Manhattan, à Paterson et à Brooklyn, elle emploie le tiers des ouvriers américains de la branche, mais elle mobilise de faibles effectifs – 1802 personnes au total. Pour certaines matières premières textiles, les Etats-Unis dépendent de l’étranger. Un tiers de la laine, par exemple, est importé d’Argentine, d’Afrique du Sud, de Turquie et d’Angleterre. L’absence de droits de douane, sauf pour les fibres de haute qualité, favorise les entrées. D’une façon générale, le régime douanier relativement libéral autorise l’importation en franchise des matières premières, à condition qu’elles ne fassent pas concurrence aux productions locales, telles que le chanvre. C’est pourquoi ce produit, qu’il vienne de Russie ou des Philippines, est taxé, tout comme le jute du Bengale. Le lin et la soie, au contraire, sont entièrement libres de droits. Les importations de fibres textiles passent presque uniquement par les ports de New York et de Boston. Toute la soie de Chine entre par New York, ainsi que la moitié de la laine (soit environ 6000 tonnes) et les deux-tiers du chanvre de Manille, Boston conservant la maîtrise du commerce du chanvre et du lin de Russie et du jute indien.

    sources : voir note page 29.

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    Sources. 1) Tableau 2 : Lensus of the United States, Eighth Census, 1860, volume 3, Manufactures in 1860, Washington, GPO, 1865; Jean Heffer, New York, Notes et Etudes Documentaires, 30 mars 1972, N° 3872-3874, Paris, La Documentation française, p. 7,18 ; P. Léon, ed., Histoire économique. et sociate du monde, tome 4 : La domination du capitalisme, 1840-1914, Paris, Armand Colin, 1978, p. 122 ; en 1860, il y a 148454 employés dans l’industrie (L) régionale, la valeur ajoutée (VA) atteint 111 148 000 dollars. Pour l’indice de spécialisation (pourcentage de la branche dans l’emploi de la région new-yorkaise/pourcentage de la branche dans l’emploi de l’industrie américaine), voir Edgar M. Hoover, Jr, Location Theory and the Shoe and Leather Industries, Cambridge, Harvard University Press, 1937, p. 179. 2) Tableau 3 : Lensus Reports, vol. VII. Twelfth Census of the United States taken in the year 1900. Manufactures, Washington, GPO, 1902 ; 7hèse, p. 1013, 1076-1077. En 1900, il y 599 000 personnes employées . La région inclut 16 comtés en 1860, 17 en 1900 (les actuelles SMSA de New York City, Jersey City, Paterson-Clifton-Passaic, Newark, plus les comtés de Somerset et de Middlesex, New Jersey). EU=Etats-Unis ; NY=région new-yorkaise.

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    22Si les peaux et les fibres textiles constituent la plus grosse part des importations de matières premières aux Etats-Unis, s’y ajoutent de nombreux autres produits, tels que les bois tinctoriaux d’Amérique centrale ou l’indigo des Indes, l’opium de Turquie qui transite en fait par l’Angleterre, le caoutchouc du Brésil, le tabac de Cuba, les chiffons d’Italie indispensables à la fabrication du papier. Pour toutes ces marchandises, New York occupe une place prépondérante, de même que pour le charbon importé du Royaume-Uni et de Nouvelle-Ecosse qui, s’il représente un faible pourcentage en valeur, forme plus du dixième du tonnage total (environ 150 000 tonnes). La seule exception est constituée par le minerai de cuivre du Chili et de Cuba ; les raffineurs préférant éviter les ruptures de charge, ce secteur est dominé par Baltimore qui est doté d’importantes usines, alors que New York alimente les fonderies du comté de Hudson (New Jersey).

    2) Les produits alimentaires bruts

    23Du fait de leur situation en latitude, les Etats-Unis sont obligés d’acheter à l’étranger les produits tropicaux qu’ils ne peuvent développer sur leur sol. Les Américains de 1860 sont davantage des buveurs de café que de thé. Ils importent sept fois plus de grains du premier que de feuilles du second. Cependant, alors que le thé vient exclusivement de Chine où vont le chercher les meilleurs voiliers du temps, le café, d’origine brésilienne pour les trois-quarts, arrive aussi des Antilles, du Venezuela et des Indes néerlandaises. New York exerce un contrôle absolu sur le marché du thé. San Francisco, situé plus près des lieux de production, est isolé des consommateurs de la vallée du Mississippi par la barrière des Rocheuses et l’absence de voies de communication bon marché. Pour le café, au contraire, la concurrence est vive. Les ports du Golfe et du Nord-est ne sont pas en état d’infériorité par rapport à la Ville-Empire qui doit se contenter de 40 % des importations totales. La Nouvelle-Orléans, son rival le plus dangereux, voit passer sur ses quais près du quart des approvisionnements américains, car la voie fluviale lui permet encore de contrôler une part importante du marché du Sud et même du Middle-West. Sur la façade atlantique, Baltimore et, à un moindre degré, Philadelphie mettent en échec la suprématie new-yorkaise grâce à leurs nombreuses liaisons avec le Brésil. Le café reste donc en 1860 un point relativement faible dans le commerce de New York17.

    3) Les produits alimentaires transformés

    24La position de la Ville-Empire est d’autant mieux assurée que croît le degré d’élaboration des produits. Ainsi importe-t-elle plus de la moitié des denrées transformées, dont la principale est le sucre roux. Depuis 1855 l’essor de la production sucrière dans les plantations de la Louisiane est arrêté. Les Etats-Unis deviennent de plus en plus dépendants de l’étranger pour leurs approvisionnements. En 1860, 72 % du sucre consommé est importé. Ainsi se tissent des relations très étroites entre l’Union et les colonies espagnoles des Antilles : 87 % des importations viennent de Cuba et de Porto Rico, les deux premiers fournisseurs, loin devant le Brésil, les Philippines, les autres Antilles et la Guyane britannique. Grâce à la fréquence de ses liaisons maritimes avec Cuba, grâce aussi au dynamisme de ses entrepreneurs qui emploient dans leurs raffineries de Manhattan et de Brooklyn la moitié des effectifs de cette branche industrielle, New York domine le commerce d’importation du sucre, avec 68 % du total, malgré la concurrence que lui font ses trois rivaux du Nord-est : Boston (10 %), Philadelphie (8,5 %) et Baltimore (7 %). La Nouvelle-Orléans se contente d’expédier par cabotage la production de la Louisiane ou de fournir en sucre américain l’intérieur du continent. L’effondrement de la production locale risque de lui faire perdre le vaste marché qui lui était jusqu’alors réservé18.

    25Quant aux vins et alcools dont la commercialisation nécessite la constitution de stocks, l’importation ne peut qu’en être concentrée. Grâce à ses liaisons étroites et régulières avec la France et l’Europe du Nord-ouest, New York enregistre 60 % des entrées. Le Cognac des Charentes, le gin hollandais, le Champagne, le Porto, le Sherry espagnol et les autres vins rouges et blancs en bouteilles et en tonneaux y trouvent leur principal débouché. Néanmoins, à côté de San Francisco protégé par son isolement, La Nouvelle-Orléans constitue un important marché d’importation, non seulement à cause de ses traditions françaises, mais aussi parce que les alcools représentent une cargaison susceptible de supporter le climat subtropical pour les voiliers qui viennent y chercher le coton à l’automne et pendant l’hiver.

    26De moindre valeur, mais d’un poids presque équivalent, les fruits naturels ou secs emplissent les cales des navires en provenance de la Méditerranée ou des ports européens de transit. Oranges et citrons de Sicile, raisins de Corinthe et d’Espagne, dattes d’Afrique, figues de Turquie d’Asie, pruneaux d’Agen et de Serbie trouvent aux Etats-Unis d’avides consommateurs, à une époque où les marges méditerranéennes et subtropicales du pays, la Californie et la Floride, ne sont pas encore converties en vergers. Si New York est le plus grand marché américain de fruits exotiques, il ne contrôle pas en 1860 tous les produits. Boston dispose de meilleures liaisons maritimes avec la Méditerranée orientale et domine l’importation des figues et des dattes. Philadelphie, Baltimore et La Nouvelle-Orléans approvisionnent directement leurs marchés locaux d’agrumes. De.même, dans la branche des épices, l’esprit d’initiative des armateurs de la Nouvelle-Angleterre dame le pion aux New-Yorkais . Des comptoirs d’Afrique les voiliers de Boston, de Providence ou de Salem rapportent clous de girofle et gingembre, tandis qu’aux Indes les capitaines yankees partagent les cargaisons de noix muscade et de poivre noir avec leurs rivaux de la Ville-Empire. Pour les "princes-marchands", à la fois commerçants et armateurs à l’ère de la marine à voile, l’Extrême-Orient, comme la Méditerranée n’est pas pas une chasse gardée19.

    4) Les produits industriels semi-finis

    27Les produits semi-finis sont des marchandises pondéreuses de faible valeur unitaire, mais ils jouent un rôle capital dans le transport maritime car ils fournissent souvent aux navires le lest dont ils ont besoin pour assurer leur stabilité en mer. Leur importation répond aussi à une nécessité plus profonde. Les Etats-Unis ne disposent pas encore en 1860 d’une industrie également développée dans toutes les branches et prête à répondre instantanément à la demande interne. On peut estimer à 250 000 tonnes l’ensemble des produits sidérurgiques et métallurgiques débarqués sur les quais de New York. En effet, la capacité de production de fonte ne s’est pas accrue dans les années 1850. Aussi, chaque fois que la demande s’accélère, faut-il faire appel aux forges du Royaume-Uni. La grande vague d’investissements ferroviaires du début de la décennie s’est tassée depuis 1855 et plus encore depuis la crise financière de 1857, mais les projets à long terme continuent sur leur lancée. Par dizaines de milliers de tonnes, fer en barres et en tringles, lingots de fonte brute, fers feuillards, rails, tôles en fer blanc, ferrailles fournissent un fret recherché par les navires venus d’Angleterre, d’Ecosse et du Pays de Galles.

    28New York est de loin le premier port d’importation de produits sidérurgiques : 55 % du tonnage global y arrive. Sa part est plus faible pour les rails qu’on débarque le plus près possible des chantiers de construction. Or en 1880 le développement du réseau se poursuit surtout dans le Sud. C’est pourquoi les quantités reçues dans les ports du Golfe et sur la côte atlantique, de Fernandina à Norfolk, l’emportent sur celles qui sont expédiées par le Nord-est. Pour certains autres produits, les parts de marché détenues par New York dépendent de l’intensité relative des liaisons maritimes. Ainsi Boston et Philadelphie, en contact fréquent avec la Scandinavie, sont des concurrents redoutables pour l’importation des fers en barres suédois, tandis que New York a un quasi-monopole des entrées de tôles de fer blanc gallois destinées à la jeune industrie de la conserverie. Sa domination est presque aussi forte dans le secteur des métaux non-ferreux : plomb de France et d’Espagne, tôles de zinc de Belgique et d’Allemagne, étain de Malaisie et d’Indonésie20.

    29En 1860 les lacunes de l’industrie chimique américaine sont bien plus criantes que celles de la sidérurgie, surtout dans la chimie de base. Les Etats-Unis doivent donc s’adresser aux producteurs européens qui disposent de matières premières ou de procédés de fabrication plus avancés. De la région méditerranéenne viennent le soufre de Sicile et la garance de Provence, tandis que le tartre, sous-produit de l’activité vinicole, transite par l’Angleterre. Le principal centre mondial de l’industrie chimique étant localisé à cette époque près de Liverpool, c’est par ce port que sont exportées les plus grosses quantités de chlorure de chaux et de soude. En 1860, 50 000 tonnes de ce dernier produit sont importées aux Etats-Unis, dont la moitié à New York qui bénéficie de ses relations privilégiées avec le grand port de la Mersey. Seul, le salpêtre, acheté principalement en Inde, mais aussi au Chili et au Pérou, échappe au contrôle new-yorkais au profit de Boston.

    5) Les produits manufacturés

    30A la veille de la guerre, les lacunes américaines ne concernent pas seulement les productions industrielles de base. Les diverses branches fabriquant des biens de consommation ne peuvent satisfaire toute la demande. Ainsi apparaît bien le caractère hybride de cette économie de pays neuf : le niveau d’industrialisation semble déjà relativement élevé par rapport à l’Europe du Nord-ouest, mais les producteurs nationaux doivent laisser aux industriels étrangers une importante part d’un marché dynamique en pleine expansion. En valeur, la moitié des importations américaines est constituée d’articles manufacturés, mais à New York le pourcentage est encore plus élevé, puisque les trois-quarts du trafic passent par ses quais.

    31L’essentiel consiste en textiles désignés souvent sous l’appellation de "marchandises sèches" (dry goods). Ce sont les cargaisons les plus convoitées car elles supportent des frets maritimes élevés. Certes, sous le rapport du poids ou du volume, elles ne représentent pas des quantités aussi imposantes que certaines matières premières ou produits industriels semi-finis, mais leur importance ne se mesure pas à cette aune. Marchandises sensibles aux variations de la mode, expédiées fréquemment par petits paquets, elles animent le commerce de gros local beaucoup plus que les produits pondérés transportés en vrac ; elles attirent les négociants de tout le pays, assurant aux hôtels et aux lieux de loisirs une clientèle aisée et régulière. Le port qui contrôle le marché des textiles a toutes les chances de dominer le secteur des importations et de fournir aux armateurs et aux capitaines des cargaisons de retour à des tarifs rentables.

    32Avec 03 % des importations, New York semble assuré de la suprématie. Sans doute, celle-ci n’est-elle pas complète dans toutes les branches de l’industrie textile : elle est plus limitée pour les cotonnades ou le chanvre le lin et le jute (environ 70 %) que pour les lainages (90 %) et les soieries (93 %). Boston, le second marché de gros des textiles, conserve de solides positions dans la commercialisation des sacs et des toiles de jute que ses navires vont chercher en Inde ; de même, ses négociants complètent les assortiments que leur fournissent les usines de Nouvelle-Angleterre par des articles importés de Grande-Bretagne. Inversement, dans les branches où l’industrie américaine est relativement faible – les soieries et les lainages –, New York domine d’autant plus qu’une partie notable de ces produits vient de France et d’Allemagne, pays avec lesquels ses relations maritimes sont particulièrement étroites.

    33Outre les textiles, une multitude de marchandises de valeur unitaire élevée entre aux Etats-Unis. Citons pêle-mêle les innombrables articles des industries métallurgiques et mécaniques (coutellerie, aiguilles, clous, armes à feu, machines) de Grande-Bretagne, les montres, les chapeaux de paille d’Italie, le verre à vitre belge, la porcelaine et la faïence de Worcester, de Kenilworth ou de Limoges, les cuirs et gants français. Tous trouvent à New York le grand marché d’entrepôt d’où ils peuvent être réexpédiés vers l’intérieur. Ils viennent généralement de l’Europe du Nord-ouest, à l’exception des cigares de La Havane et du sel. Ce dernier constitue un cas à part. Produit de très faible valeur unitaire, il représente un tonnage considérable car il sert souvent de lest. De grosses quantités en sont débarquées dans tous les ports de l’Union et New York, avec ses 70 000 tonnes, est dépassé par La Nouvelle-Orléans et talonné par Boston, Philadelphie et les autres ports cotonniers. Il est vrai que le sel ne supporte pas de lourds frais de transport par voie de terre et que l’Etat de New York dispose de salines dans le nord – ce qui n’empêche pas les importations d’Angleterre ainsi que des Antilles britanniques et hollandaises, de l’Espagne et de l’Italie du Sud. On voit donc l’extraordinaire diversité des échanges maritimes dès la moitié du XIXe siècle.

    2.2.2 Les exportations

    34Une partie des importations est réexportée. New York joue en effet un rôle d’entrepôt, de point d’échange entre l’Europe et le continent américain, pour le tabac et les cigares de Cuba, par exemple, mais cette fonction n’a aucune commune mesure avec celle qu’on trouve à Londres à la même époque. Les réexportations permettent de réduire des stocks jugés excessifs plus qu’elles n’entrent dans une stratégie commerciale délibérée. Elles peuvent donner lieu à des spéculations dans la mesure où, après un premier échec, l’Europe et l’Amérique ne sont toujours pas reliés par câble télégraphique. L’information circule lentement entre les deux rives de l’Océan. C’est pourquoi en 1860 les réexportations jouent un rôle relatif qu’elles n’auront plus par la suite. La douane les évalue à 9,8 millions de dollars contre un total de 70,3 millions aux exportations, soit un rapport de 1 à 7,20. En 1890, Il sera de 1 à 38,75. Après la guerre de Sécession, la fonction d’entrepôt international du port de New York tendra à devenir marginale.

    35A la différence des importations, la structure des exportations à New York présente de vifs contrastes avec celles des Etats-Unis pris globalement. En effet, les ventes à l’étranger sont dominées par le coton, matière première dont le pays est le plus gros fournisseur mondial .

    1) Les matières premières

    36Pris isolément, le coton est le premier produit d’exportation de New York en 1859/60, avec 12,4 millions de dollars, soit 17,7 % du total. En poids, les 47 000 tonnes représentent peu de chose par rapport aux expéditions de l’ensemble du pays. Robert G. Albion a bien décrit le "triangle du coton" dans la première moitié du siècle21. Au triangle Europe ➜ New York ➜ Sud ➜ Europe se superpose un trafic ne portant que sur deux côtés, à savoir New York ⇆ Sud et New York ⇆ Europe Malheureusement certains ont trop souvent tendance à croire que les exportations de coton étaient détournées dans une proportion considérable. vers New York. Ce n’est pas le cas en 1860. Avec 5,8 % des quantités expédiées à l’étranger, New York n’est que le cinquième port exportateur, largement dépassé par La Nouvelle-Orléans (52,2 %), Mobile (19,9 %), Charleston (9,4 %) et Savannah (8,8 %). Les quatre principaux ports du Sud contrôlent les neuf-dixièmes du mouvement physique des quelque huit cent mille tonnes achetées principalement par l’Europe. Certes, le Sud reste dépendant du Nord et plus encore de l’Angleterre pour le financement de la récolte et sa commercialisation, mais il est incontestable que les liens directs entre les ports cotonniers et l’Europe du Nord-ouest ou même la Méditerranée se renforcent au détriment du détour new-yorkais.

    37Autre produit du Sud, le tabac échappe lui aussi à l’emprise de New York qui n’en exporte que 11,8 %. En effet, les boucauts de feuilles du Kentucky empruntent de préférence la voie du Mississippi jusqu’à La Nouvelle-Orléans, premier port exportateur (46,7 %), tandis que les tabacs de Virginie et du Maryland trouvent un exutoire plus proche à Baltimore (19,6 %) et à Richmond (19,1 %). Le produit étant très sensible aux coûts du transport, le handicap de la distance pèse au détriment de New York, à une époque où la voie ferrée ne peut pas encore prétendre rivaliser en tous points avec la batellerie. Le tabac reçu à Manhattan sert essentiellement la consommation locale ; il n’y a pas de stocks réguliers où peuvent s’approvisionner les grandes régies européennes de France, d’Espagne et des Etats italiens. Depuis peu, toutefois, les marchands de Brême apprécient la variété seed leaf adaptée aux capes de cigares et achètent la matière dans la nouvelle zone productrice du Connecticut, du Massachusetts, du New York et de la Pennsylvanie, mais la Ville-Empire ne peut espérer dominer le marché du tabac tant qu’elle ne réussira pas à détourner vers ses quais les boucauts préparés dans les Etats-tampons entre le Nord et le Sud profond22.

    2) Les produits alimentaires bruts et transformés

    38A la veille de la guerre de Sécession, les Etats-Unis ne se sont pas encore imposés comme un des greniers du monde. On fait appel à leurs surplus quand sévit une disette exceptionnelle en Europe, comme à la fin des années 1840, ou quand les réseaux d’échanges traditionnels sont perturbés par une guerre comme celle de Crimée, mais ils n’apparaissent pas régulièrement sur le marché mondial des céréales. Le coton éclipse les grains et leurs dérivés. Et pourtant, si en valeur céréales et farines exportées de New York sont presque égales à la fibre textile reine, en volume, elles représentent avec 220 000 tonnes en 1859/60, soit près du tiers du total, une part considérable des cargaisons. En année normale, les exportations portent davantage sur les produits transformés (farines et biscuits pour la marine) que sur les grains. Dans tous ces secteurs New York bénéficie de longue date d’une solide position : environ la moitié du blé, du maïs, du seigle, de l’avoine et de la farine de froment. La Californie formant une zone à part tournée vers l’Australie, la concurrence oppose le port de l’Hudson à ses voisins du Nord-est, à La Nouvelle-Orléans et à la voie canadienne du Saint-Laurent. L’avantage de New York réside dans l’abondance des stocks et l’étendue des marchés. Boston est trop excentré par rapport aux principaux lieux de production ; Philadelphie, encore mal relié à l’Ouest, expédie six fois moins de farine et de maïs, quinze fois moins de blé. Baltimore et Richmond produisent une farine de froment suffisamment réputée au Brésil, dans l’Amérique hispanophone et aux Antilles pour y disputer la suprématie aux négociants new-yorkais, mais leurs liaisons avec l’Europe, le grand marché potentiel, souffrent de nombreuses insuffisances.

    39Encore plus solides sont les positions de New York dans l’exportation de viandes et de produits laitiers qu’on regroupe sous le nom de provisions. Environ 60 % de ce trafic part des quais de l’Hudson et de l’East River, soit 56 000 tonnes. En Europe, seul le Royaume-Uni achète régulièrement de grosses quantités, mais il existe aussi un important marché aux Antilles et en Amérique du Sud. Débouché naturel de la zone d’élevage laitier du Nord de l’Etat, New York contrôle les exportations de fromage dont les trois-quarts partent à destination de la Grande-Bretagne. Pour le beurre, au contraire, il doit partager avec ses voisins, Portland, Boston, Philadelphie et Baltimore, car les Provinces Maritimes canadiennes et les Antilles en sont de gros acheteurs et chacun de ces ports a des relations suivies avec les Caraïbes. C’est la même raison qui explique que New York contrôle davantage le commerce de la viande de boeuf que celle de porc. Le Royaume-Uni consomme les deux-tiers des exportations de boeuf américain, tandis que les Antilles et l’Amérique du Sud ont besoin du porc importé pour équilibrer leur alimentation. De ce fait, New York n’exporte que la moitié du porc salé et du saindoux, car dans le premier cas les provinces canadiennes, les Antilles britanniques et Haïti s’approvisionnent aussi dans les autres grands ports du Nord-est, alors que dans le second Cuba se fournit principalement à La Nouvelle-Orléans, où il est apporté par le Mississippi. New York ne retrouve sa supériorité que pour les exportations de bacon et de jambons, dont les trois-quarts partent à destination de la Grande-Bretagne.

    3) Les produits industriels semi-finis

    40Aux exportations, ces produits représentent relativement le point le plus fort de New York. Le port en expédie les trois-quarts, alors que la proportion n’est que la moitié pour les produits alimentaires bruts ou manufacturés et les articles industriels manufacturés et inférieure au dixième pour les matières premières.

    41En 1860, le bois est une des principales ressources naturelles des Etats-Unis. Sur le marché mondial, l’Amérique du Nord entre en concurrence avec la Scandinavie et la Russie. En général, les conditions de transport ne permettent pas aux producteurs américains de s’imposer en Europe, sauf pour des produits spécifiques, mais il leur reste les marchés des Antilles, de l’Amérique du Sud ou de l’Australie. Des diverses variétés de chênes on tire les merrains dont sont faits les longailles et les fonçailles des tonneaux de vins ou d’alcools. Avec le bois de pin, on construit les boucauts et les caisses qui servent au transport du sucre et des mélasses. Les billes sont débitées en planches qu’achètent volontiers les pays dépourvus de forêts ou mal équipés pour l’exploitation sylvicole. En 1859/60, on peut estimer ces exportations de New York à près de 130 000 tonnes, surtout des douves pour les régions de vignobles et les îles à sucre, mais aussi des planches pour les Antilles, l’Australie, l’Argentine et le Brésil. En dépit de relations étroites établies entre New Haven et Porto Rico, entre Cuba et Norfolk ou La Nouvelle-Orléans, New York tient mieux sa place dans le commerce des douves que dans celui des planches où il affronte la vive concurrence des ports de la Nouvelle-Angleterre et du Sud atlantique.

    42Au bois proprement dit il faut ajouter les produits extraits par distillation des immenses forêts de pins du Sud : les naval stores (colophane, goudron, poix, térébenthine, essence de térébenthine) utilisés dans le calfatage des navires ou dans les peintures et solvants. Par milliers de tonnes, l’Europe du Nord-ouest les achète aux Etats-Unis et tout particulièrement à New York qui exporte la moitié du goudron et de la poix et environ 70 % des autres produits résineux. Ce sont ces articles et non le coton qui sont l’exemple typique de la domination commerciale du Nord sur le Sud. En effet New York fait venir ces naval stores des deux Carolines et de Géorgie, privant Wilmington, Charleston et Norfolk d’un trafic qui relève de leur aire naturelle. Le succès new-yorkais dans ce domaine repose sur l’intensité des liaisons maritimes par cabotage avec tous les ports de la Virginie à la Floride – ce qui décourage l’établissement de liens directs entre le Sud et ses clients européens.

    43Plus justifié semble le monopole de New York dans l’exportation des produits de la chasse à la baleine, quoique le principal centre d’armement soit installé à New Bedford dans le Massachusetts. En distance pure, Boston est sans doute plus proche., mais le Long Island Sound offre de meilleures conditions de navigabilité que l’Océan. C’est pourquoi toute la côte méridionale de la Nouvelle-Angleterre fait partie du périmètre où s’exerce sans grandes entraves la domination de New York. C’est par là que passent l’huile de blanc de baleine et les fanons rapportés par les hardis chasseurs yankees de leurs lointaines expéditions dans l’Océan Pacifique, à destination du Royaume-Uni, de la France ou de l’Allemagne.

    4) Les produits manufacturés

    44Il n’y a pas de relation nécessaire entre le faible rôle que jouent aux exportations les articles manufacturés et leur importance aux importations. En effet, déjà au XIXème siècle une bonne part des échanges internationaux consiste en produits que se vendent entre eux les pays industrialisés. Or en 1860 les Etats-Unis font partie de ce petit groupe. S’ils n’exportent pas beaucoup d’articles manufacturés à cette date, c’est à cause non pas de leur retard technique, mais de l’insuffisance de leurs capacités de production pour satisfaire à la fois le marché intérieur et les clients étrangers .

    45Dans certaines branches cependant, les industriels américains peuvent lutter avec succès contre leurs concurrents européens pour peu que leurs efforts soient relayés par ceux des armateurs prêts à prendre des risques dans les territoires lointains. C’est le cas des cotonnades, un secteur où les fabricants de Nouvelle-Angleterre n’ont plus grand chose à apprendre de Manchester. En Chine, en Amérique Latine, en Afrique, ils possèdent une clientèle régulière qui apprécie leurs tissus mieux adaptés aux goûts locaux que les articles du Lancashire. New York exporte environ 55 % de toutes les cotonnades américaines, devançant de loin Boston qui ne détient en 1859/60 que 22 % des marchés extérieurs, malgré sa localisation à proximité des usines textiles. C’est que les étoffes et les tissus, du fait de leur haute valeur unitaire, supportent sans inconvénient majeur des frais de transport terrestres relativement élevés. L’essentiel, pour contrôler le marché dans ce secteur, c’est de disposer de bonnes liaisons maritimes, assez fréquentes pour assurer des relations suivies avec la clientèle indigène. C’est pourquoi New York doit abandonner à Boston et à Salem les exportations de cotonnades à destination des côtes de l’Afrique qui n’ont pas encore été colonisées par les Européens. Inversement, le marché chinois lui appartient en grande partie car les tissus permettent de payer autrement qu’en métal précieux les achats de thé et de soie. On retrouve ces étoffes de coton dans la plupart des manifestes des voiliers en partance pour le Chili, le Brésil, le Pérou ou le Mexique – pays avec lesquels les Etats-Unis ont généralement une balance commerciale déficitaire.

    46Passant en revue l’année 1860, la Chambre de commerce de l’Etat de New York pouvait dresser un bilan satisfaisant :

    "Chaque pulsation du commence mondial, ne fait qu’accélérer la pro spérité. de New york. et accroitre encore davantage Aon importance. Sa population, sa fortune imposable, ses opérations de langue, Aon commence intérieur et extérieur, tout présente l’évidence frappante d’une richesse et d’une puissance en pleine croissance" 23.

    47Si la rhétorique paraît un peu trop hyperbolique, le diagnostic ne semble pas erroné et l’optimisme est justifié. Encore faudrait-il, pour que le port garde son rôle moteur, que les armateurs locaux, les princes-marchands qui en ont fait la grandeur, résistent avec succès aux nouvelles étoiles du commerce maritime : les compagnies européennes de navigation à vapeur.

    2.3 Voiliers Américains et steamers Européens

    48Avant la guerre de Sécession, les Américains se félicitaient de posséder la plus grande marine marchande du monde, plus importante par le tonnage que celle du Royaume-Uni. A condition d’y inclure les navires qui navigaient seulement sur les rivières et les Grands Lacs. Néanmoins il est vrai que les Américains étaient alors un des grands peuples marins et que leurs bateaux sillonnaient toutes les mers du globe, sous toutes les latitudes. En 1859/60, à l’entrée dans les ports maritimes des Etats-Unis, le pavillon américain représentait un tonnage double des pavillons étrangers. Cependant le déclin s’était déjà amorcé depuis deux ans et les succès des steamers européens obscurcissaient l’apothéose des voiliers américains24.

    2.3.1 L’apogée de la marine à voile Américaine

    49L’année 1860 marque le chant du cygne des fameux clippers, ces "lévriers des mers" qui firent la gloire de la marine marchande américaine. On a beaucoup débattu la question de savoir quel a été le voilier le plus rapide sur le trajet New York-San Francisco par le cap Horn . Est-ce le Flying Cloud en 1854 ou le Andrew Johnson. en 1860 ? De mouillage à mouillage, le premier avait mis 89 jours et 8 heures pour parcourir 15 091 milles marins, soit une moyenne de 313 kilomètres par jour ; le second, 90 jours et 12 heures pour couvrir 13 700 milles, soit 280 kilomètres par jour en moyenne. Mais, si on mesure de pilote à pilote, c’est le Andrew Johnson qui aurait établi le record au cours de son voyage mémorable du 25 décembre 1859 au 24 mars 1860. Il devait d’ailleurs battre, la même année, deux autres records : en novembre, il effectuait en 15 jours le trajet Liverpool – Sandy Hook et restait seulement 30 jours en mer pour faire l’aller et retour entre New York et le port de la Mersey, à une vitesse moyenne de plus de 400 kilomètres par jour. Un autre clipper, le Swordfish, parti de Shanghai le 12 décembre 1859, couvrait en 81 jours la distance qui sépare l’estuaire du Yangzijiang de celui de l’Hudson. Ces derniers feux d’artifice cachaient en fait la fin de la domination des clippers. Ces voiliers, construits pour obtenir la plus grande vitesse possible, étaient usés prématurément ; les structures de bois ne pouvaient supporter longtemps les efforts imposés par les immenses voilures. Bref, l’épopée des mers n’était pas rentable. Une fois tombés les premiers moments d’enthousiasme pour les records, les armateurs se remettaient à faire leurs comptes et préféraient des navires plus solides, plus lents, mais assurés de durer, car de toute façon il n’était plus question de rivaliser en vitesse avec les steamers25.

    50Les clippers ne sont cependant qu’une petite partie de la flotte des voiliers. A New York, en 1860, sur les 4451 navires qui entrent en provenance de l’étranger, 4130 sont des bateaux à voiles, mais les prestigieux trois-mâts sont moins nombreux que les bricks, les schooners ou les trois-mâts barques. Les deux tiers de ces voiliers portent le pavillon américain, la suprématie étant particulièrement nette pour les plus grosses unités grâce à l’avance technique des chantiers navals de New York et de la Nouvelle-Angleterre dans la construction des navires en bois. En 1860, le pavillon britannique ne flotte que sur le quart des voiliers qui entrent à New York, et encore s’agit-il surtout de bateaux de faible tonnage, bricks et schooners, qui assurent le trafic avec les Provinces Maritimes canadiennes et avec les Antilles. Les autres pavillons européens ne jouent qu’un rôle marginal : les 163 voiliers qui portent les couleurs des diverses villes et principautés de la Confédération germanique représentent 4 % du total ; quant à la marine française, elle est presque inexistante dans les eaux new-yorkaises, où elle compte moins d’unités que les flottes norvégienne, hollandaise ou même italienne. Ce retard est imputable au protectionnisme qui caractérise la politique douanière de la France. Selon les observateurs, le changement annoncé par Napoléon III au début de 1860 devrait permettre de remédier à cette anomalie que constitue la quasi-absence du pavillon de la seconde puissance économique du monde après le Royaume-Uni26.

    51En 1860, les voiliers américains semblent encore n’avoir rien à craindre de la concurrence de la vapeur pour toutes les relations lointaines vers l’Asie, l’Amérique du Sud ou l’Océan Pacifique. Ils gardent de solides positions dans les liaisons avec les Antilles et le Golfe du Mexique, ainsi que sur l’Atlantique-nord. S’ils ont perdu le transport des métaux précieux, des marchandises chères et de la plupart des voyageurs de cabine, il leur reste encore tous les produits pondéreux et une majorité des émigrants. En 1859 et en 1860, environ 70 % des émigrants débarqués à Castle Garden arrivent par voiliers. Pour les attirer, les lignes de paquebots new-yorkaises s’entendent entre elles pour fixer des départs à dates régulières et rapprochées. C’est ainsi que sur l’axe majeur de Liverpool, les cinq compagnies de Charles Carow, de Grinnell, Minturn & C°, de Cornelius Grinnell, de Howland & Frothingham et de C.H. Marshall & C° proposent six départs par mois, le 1er, le 6, le 11, le 16, le 21 et le 26. La publicité faite dans la presse affirme que la ponctualitè en ce qui. concerne les jours de départ sera strictement respectée" On prévoit pour chaque trois-mâts trois aller-et-retours par an. Un navire, par exemple, quittant New York le 1er mars, repart de Liverpool le 16 avril, pour reprendre à nouveau la mer le 1er juillet, et ainsi de suite régulièrement tous les quatre mois. Le fonctionnement d’une pareille navette suppose l’utilisation permanente de 24 trois-mâts, sans compter les navires qu’il faut garder en réserve, au cas où un accident ou un naufrage surviendrait. C’est grâce à cette organisation planifiée que les armateurs new-yorkais ont longtemps dominé le trafic sur l’Atlantique-nord. Pour un prix de traversée de 75 dollars en cabine, ils prétendent rivaliser en confort avec les steamers. Avec Londres, les relations sont moins fréquentes ; seul, Grinnell, Minturn & C° organise des départs à date fixe. Pour Le Havre, les courtiers Boyd & Hincken proposent un départ mensuel, le 1er de chaque mois, avec une flotte de quatre navires effectuant eux aussi trois aller-et-retours par an. Les perspectives d’avenir semblent si bonnes en 1860 que Post, Smith & C° envisage d’établir une ligne régulière à destination d’Anvers27.

    52Néanmoins les observateurs attentifs sentent bien que les jours de gloire de la marine à voiles sont comptés. Un éditorial du Shipping and. Commercial List reflète bien ces préoccupations quand il écrit :

    " Ces dernières années, les vapeurs ont pris aux paquelots, une. bonne partie du fret de valeur et, à moins, qu’on puisse trouver un moyen de rendre la vapeur aussi accessible aux. Américains, qu’au commence océanique européen, combien de temps faudra-t-il pour que le transport des, émignants, passe, entièrement, comme il est en train de le faire actuellement, aux main/, des étrangers ?” 28.

    2.3.2 La concurrence de la marine à vapeur Européenne

    53Pour les Américains de cette époque, épris comme ils le sont de prouesses techniques, ce qui fait la grandeur d’un port, c’est le mouvement des navires à vapeur. Le spectacle des cheminées crachant une épaisse fumée noire est désormais familier à New York, mais la plupart des steamers sont engagés dans le cabotage côtier vers la Nouvelle-Angleterre ou vers le Sud. En 1860, on enregistre 2261 vapeurs venant de ports américains et seulement 319 en provenance de ports étrangers – en moyenne, moins d’un par jour. Un chiffre apparemment faible, qui prend cependant tout son sens par comparaison avec les autres ports. A Boston, à Philadelphie, à Baltimore ou à La Nouvelle-Orléans, il est très rare de voir partir un steamer pour le grand large. Sur ce point, les négociants new-yorkais bénéficient d’une suprématie inconstestée29.

    54En 1860/1, aux sorties, les 310 navires à vapeur jaugent 581 000 tonneaux, soit 26,5 % du tonnage total quittant New York. Il apparaît donc que le nombre de bateaux n’a pas beaucoup d’importance dans la mesure où le tonnage moyen d’un steamer est trois fois supérieur à celui de l’ensemble des navires – ce qui correspond grosso modo au rapport des capacités de transport30.

    55A la veille de la guerre, très peu de ports étrangers sont reliés à New York par vapeur. Six d’entre eux concentrent 88 % du total. D’abord Liverpool qui est le partenaire privilégié (36,5 %), puis en Europe occidentale, Le Havre (10,9 %), Hambourg (7,5 %) et Brême (5,3 %). Dans les Caraïbes, La Havane (17,4 %) et Aspinwall (10,3 %), à l’entrée de l’isthme de Panama où s’opèrent les transbordements à destination de la Californie. En fonction du nombre de départs, Liverpool reste toujours en tête avec 93 voyages, soit près de deux par semaine ; ensuite vient La Havane avec 77, puis Aspinwall (37), Le Havre (23), Hambourg (21) et Brême). D’autres ports sont reliés plus épisodiquement : Galway en Irlande (8), Glasgow (7), Matanzas à Cuba (12), Kingston en Jamaïque (8). Il n’y a aucune relation par vapeur avec Londres.

    56En second lieu, ces steamers appartiennent presque tous à des lignes régulières. L’ère des Tramps n’a pas encore débuté. Les navires à vapeur sont la propriété de grandes compagnies maritimes qui exploitent une seule région de l’espace océanique. La plus ancienne de ces lignes est la Britishh and North American Royal. Plail Steamship C°, plus connue sous le nom de Cunard. Tous les quinze jours, un de ses vapeurs part de Jersey City où la compagnie a ses docks, pour Liverpool, en alternance avec un service du même type à partir de Boston. Tenue par ses contrats avec le gouvernement anglais qui lui octroie des subventions pour le transport du courrier, la Cunard fait escale à Halifax en Nouvelle-Ecosse et n’a pas encore définitivement choisi entre New York et Boston. En 1860 cependant, la compagnie s’ouvre au trafic des émigrants qu’elle transporte pour 30 dollars dans des steamers plus lents. Après la faillite de son grand rival, la compagnie américaine Collins, Cunard aurait pu bénéficier d’un monopole sur la ligne New York-Liverpool si William Inman n’avait décidé en 1857 de déplacer son centre d’activités aux Etats-Unis de Philadelphie à New York. Cet Anglais avait été un des fondateurs en 1850 de la Liverpool and Philadelphia Steamship C°, devenue désormais la Liverpool, P hiladelphia and New York. Steamship C°, plus connue sous le nom de son agent new-yorkais, la Dale line. Ne recevant pas de subventions, la compagnie Inman montre cependant qu’avec de l’esprit d’entreprise et une bonne adaptation au marché, à celui des émigrants en particulier, il est possible de faire des profits sur l’Atlantique-nord. Ses services hebdomadaires assurent à New York des liaisons plus fréquentes que par Cunard. Les deux lignes de Glasgow (L’ Anchor line) et de Galway n’offrent des départs qu’à des dates espacées. La compagnie écossaise consacre une grande partie de ses efforts aux relations avec Montréal, tandis que la seconde qui espère recueillir la clientèle des émigrants de l’Irlande de l’Ouest n’a qu’un seul steamer en service, malgré une subvention de l’Etat, et s’achemine vers un échec précoce. Après Galway, plus aucun port irlandais ne sera un terminus d’une ligne new-yorkaise jusqu’à la fin du siècle.

    57Si depuis la disparition de la compagnie Collins, la marine à vapeur américaine ne fréquente plus Liverpool, elle continue à faire escale à Southampton sur la route du Havre. En effet, malgré plusieurs tentatives, les armateurs français n’ont toujours pas réussi à créer une ligne entre l’estuaire de la Seine et New York. Le vide est en partie comblé par les Américains qui offrent le choix entre trois compagnies dont les jours semblent comptés. La première est constituée des restes des projets trop ambitieux de Collins : l’Atlantic fait un seul voyage au Havre, l ’ Adriatic en fait deux sous pavillon américain, dont le dernier en août 1860 avant de rejoindre plus tard la ligne de Galway. La seconde entreprise est celle du commodore Vanderbilt, propriétaire de l’Illinois et du Vanderbilt. Le rusé armateur new-yorkais sent venir la concurrence et s’apprête à mettre un terme à ses ambitions transatlantiques avant même le début de la guerre de Sécession. Il ne reste donc qu’une seule entreprise américaine véritablement active: la New York and. Havre. Steamship C° qui assure un service régulier toutes les quatre semaines avec ses deux navires, l’Arago et le Fulton. Pour écarter tous les soupçons de témérité qui pèsent sur les capitaines américains depuis les mésaventures de Collins, sa publicité met l’accent sur la sécurité.

    58On peut néanmoins penser que même sans la guerre civile, la marine à vapeur américaine aurait rapidement disparu de la Manche à cause de la concurrence non pas française, car la Compagnie Générale Transatlantique tarde à se lancer dans l’aventure, mais allemande. En 1856, Hambourg a établi une liaison par vapeur avec New York, bientôt suivi, deux ans plus tard, par Brême. Les deux compagnies hanséatiques font escale à Southampton ; elles bénéficient du puissant courant d’émigration germanique – ce qui leur permet de proposer dans la Manche des prix défiant toute concurrence. La Hamburg-amerikanische Packetfahrt Aktien-Gesellschaft (HAPAG) met en ligne à la veille des hostilités cinq steamers ; le Norddeutscher Lloyd, après des débuts difficiles n’en emploie que deux, mais les Américains sont en passe de perdre la bataille de l’Atlantique-nord.

    59Dans les Caraïbes, au contraire, leurs positions semblent mieux assurées. Les armateurs new-yorkais contrôlent en fait les relations avec La Havane. Un seul steamer britannique jaugeant 907 tonneaux assure une correspondance mensuelle avec les paquebots de la Cunard, en passant par Nassau (Bahamas). Les autres vapeurs réguliers naviguent sous la bannière étoilée qu’arborent trois compagnies. Deux d’entre elles font escale à La Havane sur leur route pour La Nouvelle-Orléans. Quant au trafic avec l’isthme de Panama, c’est une forme particulière du grand cabotage entre le Nord-est et la Californie. Depuis qu’en 1859 Cornelius Vanderbilt et Marshall 0. Roberts ont conclu un accord, une seule entreprise dessert Aspinwall. Le repli sur "l’hémisphère occidental" est déjà bien amorcé avant que le premier coup de feu ait été tiré à Fort Sumter. C’est ainsi que dès 1859 , parmi les vapeurs qui apportent des passagers à New York, il y en a seulement 13 qui battent pavillon américain, contre 58 anglais, 15 brêmois et 19 hambourgeois31.

    60Dans le port, ces steamers offrent un spectacle d’une grande diversité. En effet, vers 1860 se situe une mutation technique fondamentale dans la construction navale. Les inconvénients de la roue à aubes jusqu’alors triomphante sont désormais largement reconnus. L’hélice paraît à la fois plus efficace et plus économique, bien qu’elle garantisse une moins bonne manoeuvrabilité. Aussi certaines compagnies manifestent-elles de la réticence au changement. C’est le cas de Cunard, soumis de surcroît aux injonctions de l’Amirauté britannique. La plus belle unité de sa flotte, le construit en 1856, est mûe par une roue à aubes ; la seule concession a été l’utilisation du fer pour la coque. Les armateurs américains restent aussi conservateurs, à la différence d’Inman et des compagnies hanséatiques qui ont choisi l’hélice comme mode de propulsion et le fer comme matériau, jugé à la fois plus résistant, plus léger et plus facile à réparer. Le symbole de cette phase de transition est le "léviathan des mers", le great Eastern, qui fait son premier voyage inaugural à New York le 28 juin 1 860. Mû à la fois par des roues à aubes et des hélices, le navire frappe les contemporains par ses dimensions géantes : 211 mètres de long, 25 de large, 20 153 tonneaux de jauge. Ses suivants immédiats ont l’air de nains en comparaison : l’Adriatic avec ses 108 mètres sur 15,25 et ses 4144 tonneaux le Persia avec ses 110 mètres sur 13,7 et ses 3687 tonneaux. Le great Eastern était un monstre si en avance sur sontemps qu’aucun navire d’une taille comparable n’entrera dans le port de New York avant le début du XXème siècle. Sa précocité fut la garantie de son échec économique, à cause de ses coûts de fonctionnement trop élevés et de sa vitesse relativement lente (11 jours et deux heures pour la première traversée, alors que certains steamers effectuaient le même trajet en moins de 10 jours !)32.

    61A la veille de la guerre, les vapeurs sont encore loin d’avoir triomphé des voiliers, mais ils ont déjà changé les habitudes commerciales. Leurs arrivées régulières permettent aux commerçants de s’approvisionner suivant leurs besoins et d’étaler les ventes sur toute l’année au lieu de les concentrer comme jadis au printemps et à l’automne. Or la force de la marine américaine réside dans ses voiliers. Il y a là un danger pour l’anir dans la mesure où la fonction active d’un port – celle qui lui fait étendre son arrière-pays et élargir son avant-pays – dépend en grande partie du dynamisme de ses armateurs locaux. En effet, leurs intérêts et ceux du port coincident, alors qu’on ne peut pas attendre un pareil patriotisme municipal des étrangers. En manquant le coche de la révolution technique qui s’opère dans la navigation maritime, les New Yorkais risquent de perdre le contrôle de leur destin. Sans doute, les autres ports américains ne sont pas à meilleure enseigne, mais ils ont moins à perdre et ils peuvent espérer détourner vers leurs quais les armateurs étrangers qui ne désirent guère sacrifier la rentabilité de leurs investissements à l’honneur d’une cité quelconque.

    62En 1860 toutefois, il n’était pas encore évident que l’heure du choix était arrivée. Sur de nombreuses routes maritimes reliant New York à l’étranger, on trouve uniquement ou presque uniquement des navires américains. C’est le cas aux Antilles et dans le Golfe du Mexique, à de rares exceptions près telles que Santo Domingo, les Antilles britanniques et françaises où le pavillon anglais réussit à se tailler une part notable. Même domination sur le trafic avec l’Amérique Latine du côté de l’Atlantique ou du Pacifique, avec l’Afrique, la Chine, l’Inde, l’Indonésie, les Philippines et l’Australie. Sur peu de routes on trouve la proportion moyenne des deux-tiers. L’Angleterre est une de ces exceptions. Dans les relations entre New York et les autres pays d’Europe, la marine américaine accapare presque tout le trafic, comme c’est le cas en France et en Espagne sur la côte atlantique, en Belgique et en Toscane, ou bien elle ne joue aucun rôle, comme on le voit dans les ports allemands depuis le retrait de Vanderbilt en 1859 ou en Irlande. Dans le commerce avec l’Ecosse, les Pays-Bas et certaines régions méditerranéennes, elle occupe des positions relativement faibles. Globalement cependant, la seule zone où le pavillon américain a renoncé face à la concurrence étrangère est l’Amérique du Nord britannique. A New York, tout comme à Boston et à Philadelphie, les échanges avec la Nouvelle-Ecosse et le Nouveau-Brunswick se font, pour l’essentiel, au moyen de navires portant les couleurs de l’Union Jack. Au total, en 1860 : faiblesse dans le cabotage international, force sur les mers lointaines. La marine américaine peut être considérée comme un réel atout du port.

    2.4 Atouts et handicaps

    63Conscients des conditions naturelles exceptionnelles du site portuaire, les New Yorkais ne doutaient pas que la grandeur de leur cité fût un don de la Providence, mais ils savaient aussi que l’action pernicieuse des hommes, et particulièrement celle des politiciens, pouvait gâcher les meilleures cartes. Le complexe de supériorité engendrait parfois une douce négligence, tandis que le pessimisme avivait l’inquiétude et poussait aux réformes. Pris dans les tensions contradictoires de ces deux attitudes, les New-Yorkais façonnaient peu à peu le destin de leur port.

    2.4.1 Un atout : les conditions physiques du port

    64Peu de ports américains auraient pu accueillir en 1860 le Great Eastern. Le léviathan n’aurait pas pu accéder aux quais de Philadelphie et de Baltimore situés au fond des baies Delaware et Chesapeake, encore moins à La Nouvelle-Orléans où la barre à l’entrée du Mississippi faisait obstacle aux entrées et aux sorties des voiliers trop lourdement chargés. A New York au contraire, le monstre n’avait aucun mal pour entrer successivement dans la Basse-baie, puis dans la Haute-baie.

    65Les navires entrant dans la Basse-baie (Lower Bay) rencontrent bien une barre de sable qui s’étend de Sandy Hook à Coney Island, mais elle est naturellement coupée de chenaux entretenus par le flux et le reflux quotidien des marées. L’avancée de la flèche littorale de Sandy Hook, longue de 8 kilomètres, réduit à une dizaine de kilomètres l’ouverture de la baie, ce qui accroît la force de balayage des courants. A quelques dizaines de mètres juste au nord de la langue de sable passe le principal chenal d’accès, le chenal Gedney, qui offre des profondeurs et une largeur suffisante pour tous les navires, mais qui a le gros inconvénient de tourner brutalement à angle droit pour remonter ensuite vers le Détroit (The N arrows). Aussi certains bateaux préfèrent-ils l’éviter et emprunter un trajet plus direct par le chenal Swash profond de 6 mètres, entre les hauts-fonds de Flynns Knoll et de Romer Shoal. Deux autres chenaux (le chenal de l’Est et le chenal de 14 pieds) manquent de largeur et de profondeur pour attirer le trafic. Les observations de l’époque montrent que les fonds marins ne restent pas stables, sans que cela nuise véritablement aux qualités nautiques de la Basse-baie33.

    66Une fois franchi le Détroit qui sépare l’île de Staten Island de Brooklyn, les navires trouvent dans la Haute-baie (Upper Bay) un abri remarquable avant d’accoster. Comme l’amplitude de la marée est faible et que le long des rivages de l’Hudson et de l’East River on atteint rapidement des profondeurs d’une dizaine de mètres, New York n’a pas besoin de construire des bassins coûteux, comme ceux de Liverpool ou de Londres. Il suffit d’édifier perpendiculairement au front de mer des estacades (piers) en bois qui tiennent lieu de quais. A Manhattan, le long de l’Hudson, en bordure de West Street, se détachent du rivage une cinquantaine d’installations de ce type, de la Batterie à Perry Street ; sur l’East River, le long de South Street, de la pointe méridionale à Corlears Hook, on en compte une quarantaine, y compris les emplacements des ferry-boats qui desservent Brooklyn. Dans cette dernière ville qui restera autonome jusqu’en 1898, tout le rivage est occupé de l’arsenal fédéral au bassin de l’Atlantique. Du côté du New Jersey au contraire, le front de mer est encore relativement libre. Peu de piers ont été construits à Jersey City et à Hoboken. La Cunard y a installé ses docks, mais une seule ligne ferroviaire a accès à la côte. Cependant la fin des jours tranquilles approche. Déjà la compagnie de chemin de fer de l’Erié pousse activement ses travaux de creusement d’un tunnel sous la colline de Bergen et ses rivales convoitent les terrains en bordure de l’eau situés juste en face de Manhattan34.

    67Aucun plan d’ensemble n’a présidé à la construction de ces quais. L’Etat de New York a fixé une ligne que ne doivent pas dépasser les piers (pienhead line.) et une autre sur laquelle doit s’aligner la rive (bulkhead line). En fait, ces limites ne sont pas respectées. Certaines constructions s’avancent trop loin dans le cours de l’Hudson ou de l’East River, tandis que des darses creusées trop dans l’intérieur des terres empêchent les rues parallèles au rivage, West Street et South Street, d’avoir une largeur adéquate. Il en résulte de fréquents encombrements de circulation qui retardent les opérations de chargement et de déchargement des navires. Cette absence de plan freine le libre mouvement des marées et des courants. Des darses ont donc tendance à se combler, d’autant plus que les New-Yorkais les utilisent souvent comme lieux de dépôts d’ordures. On se plaint de la puanteur des quais, des dangers que représentent pour la santé publique les eaux calmes chargées d’immondices, mais faute de sanctions réellement appliquées, la conscience civique pèse de peu de poids face à la recherche de l’intérêt immédiat. La discipline que l’Etat de New York ne parvient pas à imposer sur son propre territoire est encore plus difficile à établir là où l’autorité est objet de dispute entre les deux Etats riverains du New York et du New Jersey. Conséquence de cette quasi-anarchie, les fonds marins peu profonds de la Haute-baie situés entre le bassin du canal Morris et Constable Hook, les flats, tendent à s’ensabler. La sédimentation à l’Ouest accroît la vitesse des courants à l’Est, où des hauts-fonds ont tendance à se réduire – ce qui peut justifier le bilan relativement favorable dressé par l’enquête de 185735.

    2.4.2 Un handicap : une administration fragmentée

    68Dans l’Amérique de 1860, l’indiscipline est une des rançons de la démocratie. La volonté de diffuser le pouvoir le plus largement possible affaiblit les diverses autorités prises dans des conflits de compétences. La démocratisation ne s’accompagne pas d’un souci d’efficacité, car les partis politiques cherchent surtout à multiplier les postes pour récompenser leurs membres les plus fidèles. Dans ces choix, aucun critère de qualification professionnelle. Dans l’Etat de New York s’ajoute l’hostilité entre l’Etat contrôlé par les républicains grâce aux voix des électeurs du Nord, et la ville de New York à majorité démocrate. Comme les municipalités sont une création de l’Etat, celui-ci tend à abuser de son pouvoir supérieur. Les républicains d’Albany veulent se réserver le droit de patronage le plus vaste possible, quitte à ce que leurs protégés soient en conflit permanent avec les autorités locales et qu’aucune coordination ne s’avère possible, alors qu’elle serait nécessaire pour résoudre des problèmes complexes.

    69En 1857, la Législature d’Albany a révisé la charte de la ville de New York, créant un fatras de juridictions enchevêtrées. De l’Etat dépendent les commissaires de la Quarantaine chargés de protéger la santé publique contre les infections apportées par les navires, les commissaires du port qui définissent les limites dans lesquelles les constructions sont autorisées, les commissaires des pilotes qui nomment et contrôlent ces marins jugés indispensables du fait de leur bonne connaissance des chenaux, les gardiens du port (Port Wardens) appelés à dresser la liste des avaries, les commissaires à l’immigration, enfin les "maîtres de port" (harbor Masters). Ces derniers, au nombre de onze, ont le droit d’affecter tel ou tel quai à un navire qui entre dans le port ; en contrepartie, ils perçoivent des honoraires sur tout le trafic en provenance de l’étranger. Comme chacun d’eux est maître de son district, aucune règle uniforme ne prévaut. Aussi le gouverneur Edwin D. Morgan préconise-t-il la nomination d’un capitaine du port chargé comme en Europe de coordonner l’administration. La Législature fixe aussi les droits de quai – un contrôle des loyers qui déplaît aux propriétaires mécontents de ce qu’on leur octroie des revenus trop faibles couvrant tout juste les frais de dragage36.

    70Face à ces empiètements de l’Etat, les autorités municipales revendiquent le home rule, c’est-à-dire l’autonomie et une décentralisation effective. Enjanvier 1861 le nouveau maire démocrate, Fernando Wood dénonce en termes virulents une situation qu’il juge quasi-coloniale. Lui-même est un symbole dépourvu d’autorité effective . Il n’a aucun moyen d’action sur les commissaires du port, souvent originaires de comtés éloignés et peu soucieux des intérêts maritimes de la cité. Les commissaires des pilotes disposent, selon lui, de pouvoirs si amples que s’ils les exerçaient pleinement ils priveraient la ville de toute juridiction sur les quais qui lui appartiennent en propre. Même quand Albany n’intervient pas directement dans les nominations, le pouvoir du maire s’arrête aux portes des nombreux fiefs dont se compose le gouvernement municipal. La construction, la réparation et l’éclairage des quais, l’entretien des bassins relèvent de l’administration de la voirie qui est relativement indépendante . Le commissaire de la voirie, nommé par le maire et les échevins pour deux ans, peut être théoriquement renvoyé à la suite d’une motion de censure du Conseil des échevins, mais dans la gestion quotidienne de son département il jouit d’une large autonomie, désignant et licenciant les surintendants des huit bureaux qui effectuent les travaux, sans avoir de comptes à rendre à personne, ni au maire, ni au Conseil des échevins, ni au Conseil municipal.

    71Du fait de la politisation de toutes les fonctions administratives, où la loyauté partisane du client est plus appréciée que la compétence du fonctionnaire, du fait aussi de l’éclatement du pouvoir en de multiples unités jalouses de leur parcelle d’autorité, il est très difficile d’entreprendre une action publique à long terme. Que vienne une crise qui exige la coordination des efforts et une vision de l’avenir de la communauté plus large que les intérêts électoraux immédiats, et New York ne peut guère attendre le salut de ses institutions politiques telles qu’elles fonctionnent alors. Or, dans l’Amérique de cette époque, faire voter des réformes qui heurtent une coalition d’intérêts particuliers est une oeuvre de longue haleine qui n’aboutit souvent qu’à des compromis boîteux et, les réformes votées, encore faut-il trouver les hommes susceptibles de les appliquer avec continuité pour qu’elles ne soient pas détournées de leur sens initial37.

    2.4.3 Canaux contre chemins de fer

    72Si l’Etat de New York est désireux de défendre les intérêts à long terme du port, il se doit de définir une politique des transports. Pour drainer le trafic vers les quais de l’Hudson et de l’East River et résister aux ambitions des cités rivales, il dispose de deux moyens : les canaux et les chemins de fer. Propriétaire des voies navigables artificielles, il a la liberté de les adapter aux tâches qu’il leur fixe. Du fait de leur statut de sociétés anonymes, les compagnies ferroviaires dépendent en partie de lui et doivent respecter les cahiers des charges qu’il leur impose, mais il n’a pas de moyen d’action sur leur stratégie, et de toute façon son autorité s’arrête aux frontières de l’Etat. Dans les années 1850 la rivalité entre le rail et le canal a été très vive, aucun des deux n’ayant une suprématie affirmée sur l’autre. A Albany deux groupes de pression s’affrontent :d’un côté, les "amis du canal" fortement implantés à l’Assemblée ; de l’autre, la compagnie ferroviaire du New York Central qui bénéficie de puissants appuis au Sénat38.

    73En 1835, un plan délargissement des canaux a été adopté, mais pour de multiples raisons économiques, financières et constitutionnelles, il n’a pas encore pu être mené à bien et en 1861 le canal Erié ne possède pas dans toutes les sections une profondeur uniforme de 2,10 mètres, comme cela avait été prévu initialement. Les fonds, en effet, ne peuvent provenir que des péages ou des impôts. Les taxes, de nombreux New-Yorkais n’en veulent pas, soit qu’ils ne se sentent pas concernés par les canaux, soit qu’ils craignent d’en voir le produit gaspillé par des administrateurs corrompus, soit enfin qu’ils ne croient pas à l’avenir des transports par voie d’eau. Quant aux péages, l’Etat de New York disposait d’une grande liberté pour les fixer, tant qu’aucune voie ferrée ne reliait les ports de la côte atlantique à la région des Grands Lacs. A cette époque, il pouvait même se permettre de percevoir un péage sur tout le fret transporté par le New York Central dont les voies longeaient le canal Erié. A partir de 1851, ce monopole est battu en brêche ; la concurrence restreint les possibilités d’action de l’Etat. Cette année-là, sont supprimés les péages versés par le chemin de fer, mais les "amis du canal" poursuivent pendant toute la décennie une campagne pour en obtenir le rétablissement. A cette revendication ils ajoutent un projet de loi dit de pro rata : les compagnies ferroviaires ne seraient pas autorisées à percevoir des tarifs kilométriques plus bas pour les longues distances que pour les courts trajets. Elles ne pourraient donc plus rivaliser avec le canal dans le commerce interrégional et la voie d’eau pourrait même espérer récupérer une partie du trafic des marchandises coûteuses qu’elle avait perdu au profit de la voie ferrée. Ce projet était très populaire auprès des fermiers du nord de l’Etat, mécontents de se voir concurrencer chez eux par les produits de l’Ouest.

    74Face à ce groupe de pression antiferroviaire se dressent les marchands de la ville de New York. Ils sont hostiles à toute mesure qui affaiblit le port dans sa lutte contre ses rivaux. Ils préconisent une réduction systématique des coûts de transport. La Chambre de commerce de l’Etat de New York qui représente leur point de vue s’oppose au projet du gouverneur Morgan de rétablir temporairement les péages sur le fret transporté par les chemins de fer et ne veut pas entendre parler d’une égalisation des tarifs directs et locaux, car les compagnies ferroviaires seraient obligées d’abandonner le trafic interrégional et d’augmenter les tarifs locaux pour maintenir leurs revenus. Au bout du compte, ce serait la ruine de New York parce que les marchandises passeraient désormais par Montréal, Boston, Philadelphie ou Baltimore. Les négociants new-yorkais réclament aussi la réduction des péages sur les canaux afin de permettre aux bateliers de concurrencer efficacement les compagnies ferroviaires qui en sont dispensées depuis 1851. Les mariniers pourraient ainsi espérer récupérer une partie des marchandises chères au lieu de se cantonner dans les produits agricoles et forestiers pondéreux39.

    75Vers 1860, l’Etat de New York se trouve confronté à un choix décisif : doit-il considérer ses canaux comme un instrument fiscal qui rapporterait les plus hauts revenus possibles ou comme un moyen commercial d’assurer la suprématie du port de New York ? comment concilier projets fiscaux et desseins économiques ? Le dilemme est difficile à résoudre pour un Etat aux pouvoirs limités. En 1858 et en 1859 par exemple, les péages sur les canaux avaient été réduits mais les revenus aussi avaient baissé, en partie à cause de la crise. Aussi le gouverneur Morgan a-t-il beau jeu de plaider en faveur du retour aux tarifs antérieurs. Le trafic local non soumis à la concurrence étant deux fois plus important que le commerce interrégional, toute réduction uniforme des péages éloigne du rendement fiscal optimal pour l’Etat. Et de fait, en 1860, la Législature autorise une augmentation des tarifs, mais l’Assemblée et le Sénat ne parviennent pas à se mettre d’accord sur un projet de loi réimposant temporairement des péages sur le fret transporté par le New York Central. La longue controverse devait être réglée définitivement en 1862, quand la Cour d’appel décida que l’abolition des péages n’était pas anticonstitutionnelle, car ils ne formaient qu’un revenu "auxiliaire" des canaux40.

    76Depuis 1825, le canal Erié avait été la carte maîtresse de New York. Seule une petite minorité pensait qu’il n’avait désormais pas d’avenir, qu’il faisait partie des laissés pour compte du progrès et qu’il fallait jouer la carte des chemins de fer. La majorité des New-Yorkais ne partageaient pas ces vues pessimistes. Il leur suffisait de constater que pendant la fermeture du canal de décembre à avril les prix du transport augmentaient, pour baisser au printemps quand les eaux étaient à nouveau libres de glaces. Le canal Erié se voyait assigner la fonction de régulateur des tarifs. Encore fallait-il qu’on lui en donnât les moyens.

    77En 1860, le port de New York occupait le premier rang dans le commerce extérieur des Etats-Unis, mais sa suprématie n’était nette que dans le domaine des importations. La domination du Roi-coton expédié de plus en plus directement des ports du Sud vers l’Europe le reléguait à la seconde place aux exportations, derrière La Nouvelle-Orléans. Plais la force de New York résidait dans la diversité de son trafic de marchandises, dans la multiplicité des ports étrangers avec lesquels il commerçait, dans l’importance relative des lignes de navigation à vapeur qui assuraient des relations régulières et rapides avec l’Europe industrielle, Cuba ou l’isthme de Panama. Propriétaires d’une grande flotte de voiliers, les armateurs locaux défendaient vigoureusement les intérêts du port face à leurs rivaux de Boston, de Philadelphie, de Baltimore ou de La Nouvelle-Orléans. Ce patriotisme municipal était une garantie pour l’avenir – un avenir incertain, où les perspectives sereines étaient brouillées par les révolutions techniques qui se succédaient à vive allure : révolution de la vapeur et du fer dans les transports maritimes, développement des réseaux ferroviaires au détriment des voies navigables intérieures, pose de câbles télégraphiques qui changeaient les méthodes commerciales. Mais les New-Yorkais ne doutaient pas qu’ils sauraient répondre à ces défis, comme l’avaient fait leurs ancêtres au début de siècle. Un de ces optimistes, le Secrétaire d’Etat Floyd écrivait le 3 décembre 1860 à M. Tyler de Richmond :

    ’ Encore vingt cinq années d’union et d’harmonie et te pouvoir gui domine te commence mondiat se concentrera dans les eaux, de New York. Alors te déclin de l’Angleterre deviendra aussi certain que te fut celui d’Atexandrie et de Venise” 41.

    78Malheureusement, les temps n’étaient pas à l’harmonie et la guerre de Sécession allait infléchir le cours de l’histoire.

    Notes de bas de page

    1 W.L. Thorp, Business Annals, New York, National Bureau of Economie Research, 1926, p. 77, 127 ; SCL, 2 avril 1 859.

    2 Thomas S. Berry, Revised Annual Estimates of American Gross National Product. Preliminary Annual Estimates of Four Major Components of Demand, 1789-1889, Richmond, University of Richmond, Bostwick Paper N° 3, 1978, p. 38.

    3 voir la controverse entre Gavin Wright et R.F. Fogel & Stanley L. Engerman dans l’Amenican Economic Review, June 1977, p. 275-296, March 1979, p. 219-226 et September 1980, p. 672-690.

    4 Toute l’étude qui suit est fondée sur l’analyse des données fournies par C & N.

    5 AMRE, CC, Ny, 4 mai 1859, p. 30-31,36 ; Hunt’s Menchants’ Magazine. and Commercial Review, February 1860, p 226.

    6 AMRE. CC. PH, 10 février 1860.

    7 AMRE, CC, Ny, 20 juillet 1861, p. 223-4 ; Jean Heffer, Lez origines de La guerre de Sécession, Paris, P.U.F. 1971, p. 66-68 ; Emory R. Johnson, T.W. Van Metre, G. G. Huebner, D.S. Hanchett, History of Domestic and Foreign Commence of the United Statez, vol. 1, New York, Burt Franklin (reprint), 1915, p. 247.

    8 AMRE, CC, CH, 20 juillet 1860, 7 novembre 1860; Hunt’s Merchants’ Magazine and Commencial Review, September 1860, p. 358.

    9 Thèse, p. 1041 -1042.

    10 Ces conclusions sont fondées sur le traitement des statistiques publiées dans C &. N.

    11 Hunt’s Merchant’s Magazine, October 1860, p. 441.

    12 Trends in the American Ɛconomy in the N ineteenth Century. Studies in Income and Weatlh. Volume 24. A Report of the National Bureau of Economie Research, Princeton, Princeton University Press, 1960, p. 581, 621, 699-700, 702.

    13 HS, p. 890, séries U 213-224 ; Thèse, p. 893.

    14 Thèse, p. 893-895.

    15 voir les sources des tableaux 2 et 3, p. 29.

    16 Annual Report of the Chamber of Commence of the State of New York (abrégé CCSNY), 1860/1 .

    17 Il semble y avoir une erreur dans HS, p. 890 ; d’après cette source, les importations de produits alimentaires bruts s’élèvent à 46 millions de dollars en 1859/60, soit 13 % du total. Elles se composent essentiellement de café, de thé, de fruits naturels et d’animaux vivants, comme l’indique U.S. Department of Commerce, Bureau of the Census, Schedute B: Statistical Classification of Domestic and Foreign Commodities Exported from the United States. . .Part II. Numbered Classisications and Anlicles Included, January 1st, 1945, Washington, GPO, 1944. Le total ne devrait pas dépasser 35 millions de dollars.

    18 SA, 1902, p. 363.

    19 En volume, New York importe 53 % des vins et alcools.

    20 R.W. Fogel et S.L. Engerman, The Reintenpretation of Amenican Economic History, New York, Harper & Row, 1971, p. 154.

    21 Robert G. Albion, The Rise, of New York Pont (1815- 1860, op. cité, ch. VI, p. 95-121.

    22 AMRE, CC, BA, 20 décembre 1860, 1 5 novembre 1863, 28 juillet 1870.

    23 CCSNY, 1860, p. 326-7.

    24 SCL, 24 décembre 1864 ; House of Représentatives, 40th Cong., 2nd S., Ex. Doc. N° 283, The. Foreign Maritime Commence of the United States. Its Past, Present, and future, p. 2-22 (rapport du consul américain à Londres, F.H. Morse, 1er janvier 1863) ; National Archives, Record Group 84 . Records of the Foreign Service Posts of the Department of State ; SA, 1878, p. 136 : la part du pavillon américain aux entrées évolue ainsi :
    Image

    25 Carl C. Cutler, Greyhounds of the Sea . The Story of the Amenican Clipper Ship, Annapolis, U.S. Naval Institute, 2ème ed., 1961, p. 360-368.

    26 John H. Morrison, History of the New York Shipyards, New York, 1909 ; Carl C. Cutler, Queens of the Western Ocean. The Story of Amenica’s Mail and Passengen Sailing Lines, Annapolis, U.S. Naval Institute, 1961, p. 339-359 ; AMRE, CC, NY, 6 février 1860, 31 mars 1860.

    27 SCL, 3 juillet 1860.

    28 SCL, 2 avril 1859 ; 16 avril 1859.

    29 Le cabotage ne fait pas directement partie du sujet. Il n’intervient que dans la mesure où New York reçoit ou expédie une partie de ses exportations ou de ses importations par cette voie, au lieu d’utiliser le canal ou le chemin de fer ; voir Robert Miller, The New York Coatwise Trade (1865-1915), Ph. D. Princeton University, 1940, Ann Arbor, University Microfilms, 177 p. ; CCSNY, 1859/60, p. 297.

    30 L’étude qui suit s’appuie sur les données fournies par les manuscrits de la série des National Archives, Foreign Cleanances, volume 23 ; Hunt’s Merchants’ Magazine, July 1860, p. 110-112.

    31 Francis E. Hyde, Cunard and the North Atlantic, 1840 – 1973. A History of Shipping and T inancial Management, Londres, Macmillan, 1975, ch. 2 ; Charles R. Vernon Gibbs, British Passenger Lines of the Five Oceans, Londres, Putnam, 1963, p. 211 ; Wheaton J. Lane, Commodo ne Vanderbilt. An Epic of the S team Age., New York, A.A. Knopf, 1942, p. 1 54-1 56 ’, AMRE, CC, Ny, 12 mars 1860. En 1858, 19,5 % des passagers arrivent par steamers, en 1859, 24 %.

    32 SCL, 7 juillet 1860 ; Hut’s Merchants" Magazine, July 1860, p. 112 ; Ch. R.V. Gibbs, op. cité, p. 236- 237 ; N.R.P. Bonsor, Nonth Atlantic Seaway. An I llustrated History of the Passenger Services Linking the Old World with the New, Prescot, T. Stephenson, 1960 , p. 1 93-196.

    33 Merchants’ Magazine, October 1860, p. 414-425 ; CCSNY, 1859/60, p. 192 sq.

    34 Maps of the wh a rves and. Piers, from the Battery to 61 st Street on the Hudson River and from the Battery to 47st Street on the East River, New York, February 1860 ; Map of the Five Cities of New york, Brooklyn, Jersey City, Hoboken & Hudson City, prepared by M. Dripps for Valentine’s Manual of the Corporation of the City of New York, 1860, plate N° 2.

    35 Hunt’s Merchants" Magazine, October 1860, p. 425.

    36 State of New York, Annual Message. of the Governor of the State of New York, Edwin D. Morgan, January 3rd, 1860, p. 42 ; AMRE, CC, NY, 26 juin 1859.

    37 Documents of the Board of Councilmen of the City of New york, volume VIII, 1862, p. 10, 15 ; Hendrik Hartog, Public P roperty and P rivate Power : the Corponation of. the City of New York in American Law, 1730-1870, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 1983.

    38 David Maldwyn Ellis, "Rivalry between the New York Central and the Erie Canal", New York History, XXIX, N° 3, July 1948, p. 283 ; Ronald Shaw, Erie Water West. A History of the Erie Canal, 1792-1854, Lexington, University of Kentucky Press, 1966.

    39 CCSNY, 1860/1, p. 5 ; AMRE, CC, NY, 27 février 1860 , 5 juin 1860, 1er juillet 1860.

    40 voir note (36), p. 9 ; D.M. Ellis, op. cité, p. 284.

    41 AMRƐ, CC, NY, 17 décembre 1860, p. 512.

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    1 W.L. Thorp, Business Annals, New York, National Bureau of Economie Research, 1926, p. 77, 127 ; SCL, 2 avril 1 859.

    2 Thomas S. Berry, Revised Annual Estimates of American Gross National Product. Preliminary Annual Estimates of Four Major Components of Demand, 1789-1889, Richmond, University of Richmond, Bostwick Paper N° 3, 1978, p. 38.

    3 voir la controverse entre Gavin Wright et R.F. Fogel & Stanley L. Engerman dans l’Amenican Economic Review, June 1977, p. 275-296, March 1979, p. 219-226 et September 1980, p. 672-690.

    4 Toute l’étude qui suit est fondée sur l’analyse des données fournies par C & N.

    5 AMRE, CC, Ny, 4 mai 1859, p. 30-31,36 ; Hunt’s Menchants’ Magazine. and Commercial Review, February 1860, p 226.

    6 AMRE. CC. PH, 10 février 1860.

    7 AMRE, CC, Ny, 20 juillet 1861, p. 223-4 ; Jean Heffer, Lez origines de La guerre de Sécession, Paris, P.U.F. 1971, p. 66-68 ; Emory R. Johnson, T.W. Van Metre, G. G. Huebner, D.S. Hanchett, History of Domestic and Foreign Commence of the United Statez, vol. 1, New York, Burt Franklin (reprint), 1915, p. 247.

    8 AMRE, CC, CH, 20 juillet 1860, 7 novembre 1860; Hunt’s Merchants’ Magazine and Commencial Review, September 1860, p. 358.

    9 Thèse, p. 1041 -1042.

    10 Ces conclusions sont fondées sur le traitement des statistiques publiées dans C &. N.

    11 Hunt’s Merchant’s Magazine, October 1860, p. 441.

    12 Trends in the American Ɛconomy in the N ineteenth Century. Studies in Income and Weatlh. Volume 24. A Report of the National Bureau of Economie Research, Princeton, Princeton University Press, 1960, p. 581, 621, 699-700, 702.

    13 HS, p. 890, séries U 213-224 ; Thèse, p. 893.

    14 Thèse, p. 893-895.

    15 voir les sources des tableaux 2 et 3, p. 29.

    16 Annual Report of the Chamber of Commence of the State of New York (abrégé CCSNY), 1860/1 .

    17 Il semble y avoir une erreur dans HS, p. 890 ; d’après cette source, les importations de produits alimentaires bruts s’élèvent à 46 millions de dollars en 1859/60, soit 13 % du total. Elles se composent essentiellement de café, de thé, de fruits naturels et d’animaux vivants, comme l’indique U.S. Department of Commerce, Bureau of the Census, Schedute B: Statistical Classification of Domestic and Foreign Commodities Exported from the United States. . .Part II. Numbered Classisications and Anlicles Included, January 1st, 1945, Washington, GPO, 1944. Le total ne devrait pas dépasser 35 millions de dollars.

    18 SA, 1902, p. 363.

    19 En volume, New York importe 53 % des vins et alcools.

    20 R.W. Fogel et S.L. Engerman, The Reintenpretation of Amenican Economic History, New York, Harper & Row, 1971, p. 154.

    21 Robert G. Albion, The Rise, of New York Pont (1815- 1860, op. cité, ch. VI, p. 95-121.

    22 AMRE, CC, BA, 20 décembre 1860, 1 5 novembre 1863, 28 juillet 1870.

    23 CCSNY, 1860, p. 326-7.

    24 SCL, 24 décembre 1864 ; House of Représentatives, 40th Cong., 2nd S., Ex. Doc. N° 283, The. Foreign Maritime Commence of the United States. Its Past, Present, and future, p. 2-22 (rapport du consul américain à Londres, F.H. Morse, 1er janvier 1863) ; National Archives, Record Group 84 . Records of the Foreign Service Posts of the Department of State ; SA, 1878, p. 136 : la part du pavillon américain aux entrées évolue ainsi :
    Image

    25 Carl C. Cutler, Greyhounds of the Sea . The Story of the Amenican Clipper Ship, Annapolis, U.S. Naval Institute, 2ème ed., 1961, p. 360-368.

    26 John H. Morrison, History of the New York Shipyards, New York, 1909 ; Carl C. Cutler, Queens of the Western Ocean. The Story of Amenica’s Mail and Passengen Sailing Lines, Annapolis, U.S. Naval Institute, 1961, p. 339-359 ; AMRE, CC, NY, 6 février 1860, 31 mars 1860.

    27 SCL, 3 juillet 1860.

    28 SCL, 2 avril 1859 ; 16 avril 1859.

    29 Le cabotage ne fait pas directement partie du sujet. Il n’intervient que dans la mesure où New York reçoit ou expédie une partie de ses exportations ou de ses importations par cette voie, au lieu d’utiliser le canal ou le chemin de fer ; voir Robert Miller, The New York Coatwise Trade (1865-1915), Ph. D. Princeton University, 1940, Ann Arbor, University Microfilms, 177 p. ; CCSNY, 1859/60, p. 297.

    30 L’étude qui suit s’appuie sur les données fournies par les manuscrits de la série des National Archives, Foreign Cleanances, volume 23 ; Hunt’s Merchants’ Magazine, July 1860, p. 110-112.

    31 Francis E. Hyde, Cunard and the North Atlantic, 1840 – 1973. A History of Shipping and T inancial Management, Londres, Macmillan, 1975, ch. 2 ; Charles R. Vernon Gibbs, British Passenger Lines of the Five Oceans, Londres, Putnam, 1963, p. 211 ; Wheaton J. Lane, Commodo ne Vanderbilt. An Epic of the S team Age., New York, A.A. Knopf, 1942, p. 1 54-1 56 ’, AMRE, CC, Ny, 12 mars 1860. En 1858, 19,5 % des passagers arrivent par steamers, en 1859, 24 %.

    32 SCL, 7 juillet 1860 ; Hut’s Merchants" Magazine, July 1860, p. 112 ; Ch. R.V. Gibbs, op. cité, p. 236- 237 ; N.R.P. Bonsor, Nonth Atlantic Seaway. An I llustrated History of the Passenger Services Linking the Old World with the New, Prescot, T. Stephenson, 1960 , p. 1 93-196.

    33 Merchants’ Magazine, October 1860, p. 414-425 ; CCSNY, 1859/60, p. 192 sq.

    34 Maps of the wh a rves and. Piers, from the Battery to 61 st Street on the Hudson River and from the Battery to 47st Street on the East River, New York, February 1860 ; Map of the Five Cities of New york, Brooklyn, Jersey City, Hoboken & Hudson City, prepared by M. Dripps for Valentine’s Manual of the Corporation of the City of New York, 1860, plate N° 2.

    35 Hunt’s Merchants" Magazine, October 1860, p. 425.

    36 State of New York, Annual Message. of the Governor of the State of New York, Edwin D. Morgan, January 3rd, 1860, p. 42 ; AMRE, CC, NY, 26 juin 1859.

    37 Documents of the Board of Councilmen of the City of New york, volume VIII, 1862, p. 10, 15 ; Hendrik Hartog, Public P roperty and P rivate Power : the Corponation of. the City of New York in American Law, 1730-1870, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 1983.

    38 David Maldwyn Ellis, "Rivalry between the New York Central and the Erie Canal", New York History, XXIX, N° 3, July 1948, p. 283 ; Ronald Shaw, Erie Water West. A History of the Erie Canal, 1792-1854, Lexington, University of Kentucky Press, 1966.

    39 CCSNY, 1860/1, p. 5 ; AMRE, CC, NY, 27 février 1860 , 5 juin 1860, 1er juillet 1860.

    40 voir note (36), p. 9 ; D.M. Ellis, op. cité, p. 284.

    41 AMRƐ, CC, NY, 17 décembre 1860, p. 512.

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    Ce livre est cité par

    • Dumont, Léo. Julien, Octave. Lamassé, Stéphane. (2020) Articuler histoire et informatique, enseignement et recherche : le PIREH de l’université Panthéon-Sorbonne. Humanités numériques. DOI: 10.4000/revuehn.284
    • Dixon, Diana. Wilson, Nicholas. (1988) Current bibliography of urban history. Urban History, 15. DOI: 10.1017/S0963926800013973
    • Straus, André. (1988) Économétrie et histoire économique : la France au XIXeSiècle (Note critique). Annales. Histoire, Sciences Sociales, 43. DOI: 10.3406/ahess.1988.283475
    • Barreyre, Nicolas. (2011) The Politics of Economic Crises: The Panic of 1873, the End of Reconstruction, and the Realignment of American Politics. The Journal of the Gilded Age and Progressive Era, 10. DOI: 10.1017/S1537781411000260
    • Barreyre, Nicolas. (2014) Les échelles de la monnaie: Souveraineté monétaire et spatialisation de la politique américaine aprés la guerre de Sécession. Annales. Histoire, Sciences Sociales, 69. DOI: 10.1017/S0395264900008556

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