Chapitre 10. Elus et évolution des forces politiques au parlement européen
p. 233-244
Texte intégral
1 A s’en tenir à une analyse rapide en termes "d’élus et d’évolution des groupes politiques au sein du Parlement Européen", trois faits s’imposent, dont l’origine se trouve principalement dans le contexte national :
- fort renouvellement des élus (près de la moitié des parlementaires sont nouveaux),
- émergence de sous-groupes "atypiques" dans les groupes politiques de l’Assemblée (Verts, extrême-droite, travaillistes britanniques, etc...),
- évolution sensible à la fois à l’intérieur des groupes politiques dans le Parlement et du rapport des forces entre ces divers groupes (les groupes politiques au sein de l’Assemblée sont formés sur une base transnationale et partisane).
2Ces constatations sont le résultat, pour l’essentiel, d’une évolution politique interne à chaque pays, y compris le mode de scrutin. L’influence de ce dernier n’est pas négligeable ; l’emploi du scrutin majoritaire ou de certaines formes de "proportionnelle" a évidemment des conséquences sur la représentation élue de tel pays et sur l’évolution du rapport des forces au sein des groupes politique comme dans l’Assemblée. A celà s’ajoute le caractère spécifique des élections européennes dans le paysage électoral national ; quelles sont les conséquences de ce que certains appellent "élections intermédiaires" ou de "second ordre" ? En ce qui nous concerne, ces conséquences sont indirectes puisque nous nous attachons aux résultats en terme d’élus et non en suffrages exprimés.
3Sans attribuer au système électoral plus d’importance qu’il n’en a sur l’expression des préférences politiques et la formation des tendances politiques, il n’en demeure pas moins vrai que tant que les élections européennes ne se dérouleront pas dans tous les pays selon la même procédure électorale et tant que l’on privilégiera les circonscriptions nationales, de fortes distorsions apparaîtront et persisteront et les clivages nationaux l’emporteront sur le positionnement par rapport aux problèmes européens.
4Le Parlement Européen se veut être le porte-parole de l’Europe et des peuples européens ; il prétend représenter ce "vouloir vivre" et ce "vouloir agir" en commun qui devrait être le ciment de la Communauté. Paradoxe. Par son mode d’élection comme par la composition de ses groupes politiques, il n’est pas parvenu à dépasser les égoïsmes et les intérêts nationaux et dans la plupart des cas, le positionnement européen des élus ne fait que reproduire leurs choix nationaux (sauf pour une très forte majorité tout ce qui concerne les aspects institutionnels (projet Spinelli, budget et quelques autres questions).
5 Dans cette communication, nous ne prétendons pas à une analyse précise et exhaustive des résultats en termes d’élus. Pour y parvenir, il nous faudrait une analyse pays par pays, pour déceler les raisons de l’évolution des résultats mais aussi ce qui a amené l’afflux de nouveaux députés. A s’en tenir à notre approche globale, nous estimons toutefois être en mesure de déceler les grandes tendances et d’en donner une première explication plausible.
6Nous procéderons en trois temps d’importance inégale :
- une analyse globale des résultats en sièges par familles politiques et à l’intérieure de ces familles par pays,
- quelques remarques sur les effets des modes de scrutin de chaque pays et la nature spécifique des élections européennes,
- un effort d’interprétation des résultats en termes de nationalités, de cohésion des groupes politiques et de clivages principaux.
I. Analyse globale des résultats
7Notre analyse porte sur les résultats en sièges. Laissant de côté le nombre de voix obtenues par chaque liste dans chaque pays, nous ne tenons compte que du nombre d’élus, de leur appartenance et des mouvements (entrées et sorties) dans les différents groupes politiques et dans les dix pays de la C.E.E. Ces résultats, dans notre présentation, sont actualisés au 1er janvier 1985.
a) Un groupe socialiste en progrès
8Il gagne 8 sièges lors des élections, et avec 130 membres au 1er janvier 1985, suite au départ du député Groenlandais F. Lynge (sur 434 que compte l’Assemblée) demeure le groupe le plus nombreux du Parlement Européen. Cependant, s’il était auparavant le seul à comporter des représentants de toutes les nationalités, il a aujourd’hui perdu les 4 représentants du parti travailliste irlandais.
9Le nouveau groupe socialiste présente les caractéristiques suivantes : quasi-doublement des membres du parti travailliste britannique qui passe de 17 à 32 (plus John Hume, du SDLP d’Irlande du Nord). Ce succès est dû à une certaine remontée électorale du parti travailliste et à un affaiblissement des voix du parti conservateur, amplifiés par les règles du scrutin majoritaire (33 % des voix en 1979 – 36,5 % en 1984). Il se trouve ainsi à égalité avec le S.P.D. qui dominait antérieurement le groupe socialiste. Le P.S. français arrive en troisième position avec un écart de 13 sièges. Sans cette progression britannique alliée à une progression du Bénélux, le groupe socialiste aurait perdu des sièges par rapport à l’ancienne législature.
10Sur le plan politique, l’arrivée en force des socialistes britanniques, peu favorables au Marché Commun, a eu et aura des conséquences sur le comportement du groupe socialiste au sein du Parlement.
11Le S.P.D. a perdu 2 sièges. Les Français, qui étaient 23 (20 socialistes + 2 M.R.G. auxquels en fin de législature s’était ajougé M. Caillavet, issu du groupe libéral), reviennent à 20, tous du parti socialiste : il y a donc recul de la présence française.
12Les Belges progressent (ils passent de 7 à 9 membres), mais les deux partis restent profondément divisés suite à l’affaire Happart ; le parti luxembourgeois (P.S.O.L.) double le nombre de ses sièges (il passe de 1 à 2), le parti social-démocrate italien perd 1 siège, tandis que les socialistes italien (P.S.I.), le parti néerlandais (P. V.D.A.), le parti grec (P.A.S.O.K.) et le parti social-démocrate danois conservent leur représentation, soit : (9), (9), (10) et (3) élus.
13Il est à noter que l’écart entre le score des socialistes et des différents partis démocrates chrétiens est moins fort en voix qu’en sièges. Cette distorsion est due en grande parti au système britannique.
b) Recul du groupe démocrate chrétien (P.P.E.)
14Il pert 7 sièges (110 au lieu de 117) et demeure le second groupe du Parlement. Il ne regroupe que neuf pays sur dix (absence de membres britanniques).
15Conséquences des évolutions constatées lors des élections nationales, le nombre de sièges détenus traduit l’érosion de la démocratie chrétienne en Italie et au Bénélux, ce qui tend à renforcer l’influence allemande au sein de ce groupe.
16La CDU-CSU stagne, elle passe de 42 à 41 membres. La démocratie chrétienne italienne perd trois élus ; elle descent à 26 députés.
17On constate un affaiblissement des partis belges et néerlandais. Le PSC et le CVP n’obtiennent que 6 sièges au lieu de 10 dans l’ancien Parlement. Le recul est plus accentué chez les Flamands que chez les Wallons. Le parti néerlandais passe derrière les socialistes (8 élus au lieu de 10). Le Luxembourg, pour sa part, conserve ses 3 parlementaires. Dans l’assemblée précédente, la démocratie chrétienne du Bénélux comptait 23 sièges sur 117 ; en 1984, elle ne réussit à faire élir que 17 des siens sur 110 membres. D’où une perte d’influence par rapport aux Allemands et aux Italiens.
18Les Grecs, pour leur part, gagnent 1 député (9 au lieu de 8), tandis que le FINE-GAEL (irlandais) augmente sa représentation de 2 éléments (6 au lieu de 4). Le CDS français revient avec 9 sièges. Le Danemark occupe un siège.
c) Un groupe conservateur en recul (Groupe des démocrates Européens)
19Ce groupe passe de 63 membres à 50. Malgré le recul en sièges du parti conservateur britannique (46 élus au lieu de 61, soit une perte de 15 membres), celui-ci domine ce groupe malgré la présence de 4 Danois (le parti conservateur danois a gagné 2 sièges – 4 membres au lieu de 2 – gagnés en partie sur le parti libéral danois). Le parti conservateur danois, bien qu’au pouvoir au Danemark, au sein d’une alliance, et suivant une politique d’autérité très nette, progresse, dans un pays marqué par une hostilité à la C.E.E. d’une part importante de la population.
d) Un groupe communiste en recul
20Essentiellement composé de Français et d’Italiens, il passe de 48 à 42 sièges.
21Le PCF n’a plus que 10 élus au lieu de 19. Le PCI pour sa part, devenu premier parti italien, obtient un siège de plus que la démocratie chrétienne Italienne soit 27 membres au lieu de 24.
22Les Grecs (les 2 partis) conservent leurs 4 élus. Le groupe communistes retrouve 1 membre Danois au 1er janvier 1985.
23Ce groupe n’est qu’une juxtaposition de partis nationaux sans réelle vie commune. Les Italiens le dominent et l’utilisent pour l’avancée de leurs conceptions (cf. le rapport Spinelli).
e) Un groupe libéral affaibli
24Il ne retrouve que 31 membres sur les 38 qu’il avait lors de la précédente législature.
25Le fait le plus marquant est la disparition des 4 élus (FDP) du parti libéral Allemand, qui n’ayant pu franchir la barre des 5 % ne peut prétendre à une représentation parlementaire. Cette absence est d’autant plus importante que le Président sortant du groupe était un libéral Allemand, M. Bangemann, actuel Ministre de l’économie en RFA.
26Le deuxième fait à noter est l’échec de "l’Alliance" Britannique (parti libéral et SDP) qui n’a pas réussi, malgré ses 18,5 % de voix, à faire élire quelques uns de ses candidats, en raison du système électoral.
27On note une légère progression néerlandaise (5 membres au lieu de 4) et belge (5 au lieu de 4), des pertes Danoises et Luxembourgeoises (chacun des partis perd un siège, présence de 2 Danois et de 1 Luxembourgeois). Le parti italien reste stable : 5 membres.
28Les Français, pour leur part, régressent, ils passent de 15 à 12 sièges. Toutefois, étant le groupe national le plus nombreux, ils obtiennent la présidence, assumée par Simone Veil.
f) Progression du groupe du "Rassemblement des démocrates européens"
29Trois nationalités sont présentes dans ce groupe :
- l’unique représentant du Scottish National Party demeure,
- le FIANNA-FAIL irlandais gagne 3 sièges et a donc 8 membres,
- le R.P.R. passe de 15 à 20 sièges (il gagne 5 sièges), grâce à la liste unique de l’opposition en France.
30L’ensemble du groupe, qui perd son représentant Danois, accroît son influence numérique (29 sièges au lieu de 22) avec une prédominance française très marquée.
31Il est encore trop tôt pour savoir si ce groupe jouera lors de cette législature un rôle plus important qu’au cours de la précédente. Les membres Français du RDE ont été, en effet, choisis plus en fonction de critères de politique nationale que par rapport à leur implication européenne.
g) La création d’un groupe d’extrême-droite
32Le Front national de J.M. Le Pen fait son entrée au Parlement Européen avec 10 élus (autant que le PCF) et parvient à créer un groupe autonome avec les représentants de l’extrême-droite italienne (qui étaient déjà au nombre de 4 et passent à 5) et grecque (1 élu). Au total, ce groupe réunit 16 membres.
h) L’apparition d’un nouveau groupe "Arc-en-ciel"
33Il comprend 20 membres. Il existait auparavant un groupe dit de "coordination technique" composé de 12 personnes aux origines très diverses.
34En 1984, la percée spectaculaire des Verts Allemands (8,2 % des voix au lieu de 3,2 % en 1979), avec l’arrivée de 7 élus, permet la constitution de ce nouveau groupe, au premier abord assez hétéroclite... A côté des 7 verts Allemands, coexistent 4 Belges dont 2 écologistes, 2 Néerlandais (représentants d’une liste qui comptait des écologistes, des pacifistes, des communistes), 3 représentants de partis italiens régionaux et d’extrême-gauche et 4 Danois, particulièrement du mouvement danois anti-CEE. On constate ainsi un renforcement de l’extrême-gauche au sein de ce groupe.
35Enfin, il reste six non-inscrits (au lieu de 4 en 1979) – mais ce ne sont pas les mêmes) : 3 radicaux italiens, le Pasteur Paisley, M. Ulburghs, prêtre flamand, et M. Van der Waal (Néerlandais).
36Ces résultats traduisent pour une grande part des évolutions nationales. Mais celles-ci, par suite de l’influence qu’elles ont sur les résultats en sièges, orientent la composition des groupes et le rapport des forces en leur sein. Avant de procéder à une analyse plus fine des conséquences de ces résultats, il nous faut insister sur les aspects importants : l’influence du mode de scrutin et la nature spécifique des élections européennes.
II. Les contraintes
a) Le mode de scrutin
37L’absence de procédure électorale uniforme dans les dix pays de la Communauté a, selon les cas, amplifié ou amoindri les mouvements : dans 9 pays sur 10, le scrutin est proportionnel ; seul, le Royaume-Uni conserve son système majoritaire, ce qui conduit à des distorsions très importantes entre le nombre de voix obtenues par chaque formation et le nombre de sièges qui en résulte. A l’intérieur du scrutin proportionnel, certains pays favorisent le scrutin de liste national (comme la France, ce qui a une forte importance sur la composition des listes, le comportement de l’électorat), d’autres régionalisent le scrutin (notamment Italie et RFA).
38L’existence ou non de la barre des 5 % provoque aussi des distorsions : ainsi, au Royaume-Uni, en son absence, l’Alliance n’a pas fait son entrée, alors que son existence a entraîné la disparition d’un élément important du paysage électoral allemand.
b) La nature spécifique des élections européennes
39Selon l’expression d’Alain LANCELOT, les élections européennes sont "l’archétype des élections intermédiaires", ou encore, selon l’expression du Dr REIF, des élections "de second ordre" : ce type d’élections donne aux électeurs l’occasion de se "défouler", l’Europe, dans notre cas, n’étant qu’une toile de fond. C’est ainsi qu’on remarque, dans les résultats globaux de 1984, une poussée de l’opposition, qu’elle soit de droite en France, en Grèce, en Irlande, ou de gauche dans les autres pays, sauf au Danemark. Cette mauvaise humeur des citoyens à l’égard de leur Gouvernement favorise les petits ou les nouveaux partis politiques, ce qui est typique de ces élections "de second ordre", cela étant encore plus évident en 1984 qu’en 1979. Ce vote-sanction à l’égard du Gouvernement est en gros l’expression d’opinions minoritaires et extrémistes habituellement refoulées. Ainsi, si l’on constate une grande stabilité de l’électorat européen de 1979 à 1984, en ce sens que notamment la répartition des voix selon le clivage traditionnel droite-gauche reste pratiquement inchangé, on constate aussi un glissement, d’une part vers les petites formations de l’extrême-gauche, les écologistes et les "nouvelles gauches", et d’autre part dans certains pays vers les formations de l’extrême-droite.
III. Interprétations des résultats
40Les résultats peuvent, à notre sens, être interprétés sous trois angles : en terme de nationalités, en terme de cohésion des groupes, enfin en terme de clivage droite-gauche.
a) En terme de nationalités
41Si l’on prend les quatre grands pays (RFA, France, Royaume-Uni, Italie), on peut faire les remarques suivantes :
42– une prédominance allemande :
43Les deux grands partis allemands sont prédominants dans les deux plus grands groupes politiques (qui détiennent numériquement la majorité de l’Assemblée) ; la CDU-CSU détient 37,3 % des sièges dans le groupe PPE, et le SPD 25 % (à égalité avec les Britanniques). De plus, les deux groupes sont présidés par deux Allemands, ce qui a une importance capitale puisqu’au Parlement Européen, l’essentiel du pouvoir est entre les mains des présidents de groupes. C’est eux qui dirigent de fait les travaux et l’activité de l’Assemblée.
44A l’intérieur des grandes familles politiques, il n’est jamais indifférent que ce soit telle nationalité qui ait la responsabilité suprème car chaque pays à son approche spécifique des problèmes.
45Ce phénomène est en tout cas d’autant plus intéressant que le pays qui s’interroge le plus sur son avenir est précisément celui qui occupe une place déterminante au Parlement européen. Ajoutons à cet aspect l’arrivée des Verts qui sont en train de modifier le paysage électoral allemand et qui influencent déjà la politique des autres partis allemands et peut être à terme celle des groupes politiques du Parlement Européen.
46– une importante présence française :
47Les Français sont dispersés dans six groupes politiques. Ils ne peuvent pas peser de la même manière que les Allemands. Dans les deux groupes les plus importants de l’Assemblée, les Français ne sont pas déterminants à eux seuls. Ils sont 20 dans le groupe socialiste sur 132 membres et 9 dans le PPE sur 110. Par contre, les Français dominent le RDE (20 RPR) et ont une position forte dans le groupe libéral et le groupe de l’extrême-droite. Le PCF ne peut pas jouer un très grand rôle dans le groupe communiste par suite de la prédominance des Italiens et leur affaiblissement. Toutefois, les Français occupent des places essentielles au Parlement, la présidence de l’Assemblée, trois Présidences de groupes et la présidence de la Commission du Budget, poste stratégique dans la situation présente.
48– un maintien de l’influence britannique :
49Le quasi-doublement des élus travaillistes a été compensé par la perte d’influence des conservateurs. Mais ceux-ci, malgré leur chute, gardent une certaine importance numérique, et maîtrisent un groupe homogène et souple. De plus, le groupe travailliste britannique semble avoir lui-même quelque peu renforcé son homogénéïté, avec une diminution du nombre des "pro-européens".
50– une certaine influence italienne :
51Les élus italiens sont aussi dispersés que les Français avec une forte présence du PPE et une prééminence du sein du groupe communiste. Mais, malgré cette dispersion ou à cause d’elle, ils exercent une influence sur la vie du Parlement et sur certains débats, notamment ceux qui tournent autour des questions institutionnelles, la place prise par ces questions au sein du Parlement et de la Communauté a donné aux représentants Italiens des possibilités d’action et d’influence. A la suite de M. SPINELLI, la quasi-totalité des parlementaires Italiens ont développé une certaine conception de l’Union Européenne et du rôle du Parlement en tant que constituante. Toutefois, le phénomène Spinelli dépasse largement le seul cadre national et a pris une dimension européenne.
b) En terme de cohésion des groupes.
52Avant d’évoquer ce thème, une remarque préliminaire s’impose : elle concerne la proportion des "entrants" et des "sortants" ; sur 434 membres du Parlement Européen, 206 font leur entrée dans la vie parlementaire européenne en 1984, c’est-à-dire près de la moitié (47,45 %). Par nationalité, et en pourcentage, la progression est la suivante (en partant du groupe national qui comporte le plus de nouveaux élus) : Grêce (19 sur 24 : 79,1 %) – Italie (53 sur 81 : 65,4 %) – France (43 sur 81 : 53,8 %) – Irlande (8 sur 15 : 53,3 %) – Pays-Bas (11 sur 25 : 44 %) -Belgique (10 sur 24 : 41,6 %) – Danemark (6 sur 16 à partir du 1er janvier 1985 : 37,5 %) – Royaume-Uni (29 sur 81 : 35,8 %)
– Luxembourg (2 sur 6 : 33,3 %) – RFA (25 sur 81 : 30,8 %).
53En terme de groupes politiques, tels sont les résultats :
- Socialiste : 61 nouveaux élus sur 130
- P.P.E. : 55 nouveaux élus sur 100
- R.D.E. : 22 nouveaux élus sur 29
- Communiste : 16 nouveaux élus sur 42
- Arc-en-Ciel : 13 nouveaux élus sur 20
- Droites Européennes : 12 nouveaux élus sur 16
- Libéral : 11 nouveaux élus sur 31
- Conservateur : 10 nouveaux élus que 50
- Divers : 3 nouveaux élus sur 6.
54On remarque que les changements affectent principalement les deux grands groupes. Ils rendent d’ores et déjà incertaines les prévisions concernant la cohésion ou non de ces groupes, six mois seulement après l’élection.
55On peut cependant faire quelques observations d’ordre plus qualitatif.
56Le groupe socialiste est certainement le plus marqué par un affaiblissement de sa cohésion, lié pour l’essentiel à l’apparition d’un fort groupe travailliste qui, globalement, ne partage pas les mêmes conceptions de l’intégration européenne que ses camarades socialistes ou socio-démocrates ; il est aussi lié à la prédominance majoritaire de deux délégations nationales (britannique et allemande) qui peuvent passer entre elles les compromis nécessaires et les gérer, malgré leurs divergences, et "jouer" sur la dispersion des autres délégations.
57D’autres groupes voient par contre leur cohésion renforcée, en raison de la domination d’un groupe national : R.D.E., communiste, extrême-droite et Arc-en-Ciel. Bien qu’ils soient de petite dimension, leur influence risque de s’exercer au-delà : ainsi, la présence des verts risque-t-elle de gêner une partie de la gauche et de la démocratie chrétienne sur des thèmes tels que l’environnement ou la politique industrielle, de même que la présence de l’extrême-droite risque de gêner la majorité du Parlement qui reste de centre-droit.
c) En terme de clivages Droite-Gauche et Autres :
58Pour conclure, on peut réfléchir à quelques uns des principaux clivages qui semblent traverser, par rapport à l’ancien Parlement, celui élu en 1984 :
- Le clivage droite-gauche : le Parlement de 1984, tout en restant majoritairement à droite et au centre-droit, voit plutôt son aile gauche se renforcer. Mais le clivage, surtout déterminant sur les thèmes d’ordre économique et social, semble moins net qu’en 1979. Il doit être relativisé par plusieurs facteurs : l’existence de clivages nationaux, parfois prépondérants, et l’importance acquise par des problèmes spécifiquement communautaires, et notamment institutionnels sur lesquels les partis classiques, en France par exemple, ont tendance à évoluer, et sur lesquels les nouveaux venus ont encore une position incertaine.
- Le renforcement des éléments atypiques à l’intérieur même des groupes ou de l’Assemblée (Verts, extrême-droite, Labour britannique notamment), et l’introduction de petites formations extrèmistes. Ceci pourrait avoir tendance à renforcer, selon l’expression de R. INGELHART et J.R. RABIER, un clivage "matérialiste – post-matérialiste", sans que l’on ait encore suffisamment d’exemples pour le démontrer. En matière de politiques (économique, industrielle, de l’environnement et de la sécurité par exemple), et en terme de rapports (éventuellement de plus en plus divergents) entre les approches des institutions communautaires, quelles en seront les conséquences ?
- Selon J. R. RABIER, on pourrait aussi analyser le clivage pro-européen – anti-européen : "on peut craindre que le rapport de forces ne soit aujourd’hui moins favorable qu’hier à l’intégration politique de l’Europe" (extrême-droite, extrême-gauche, peut-être certains écologistes, Labour).
59Mais ce clivage nous paraît relativement secondaire, même si le renforcement du Labour britannique est significatif à cet égard. En effet, ne remarque-t-on pas dans la Communauté un renforcement majoritaire du consensus sur la nécessité de l’intégration européenne (même si l’on en discute les moyens), ainsi que, au sein du Parlement, une volonté très forte de défendre la place de l’institution dans le jeu communautaire : ainsi en témoigne la majorité importante qui a soutenu le projet de Traité d’union européenne ("projet Spinelli") et l’écrasante majorité avec laquelle a été voté le rejet du budget européen en décembre dernier (seulement trois voix contre).
* * *
60Le Parlement élu en 1984 n’est pas encore suffisamment "rôdé" pour que l’on puisse se permettre de tirer des conclusions à partir de sa nouvelle composition, par rapport à l’ancienne. Les débats des six premiers mois l’ont cantonné dans une querelle institutionnelle et budgétaire (refus de décharge à la Commission, rejet du budget 1984). Il a su par ses prises de positions, et malgré les premiers balbutiements, manifester déjà sa grogne quant au peu de cas qui semblent faire de lui les gouvernements nationaux. Ceci est important à la veille d’un débat, déjà entamé, sur la réforme institutionnelle de la Communauté.
61On arrivera alors peut-être au paradoxe selon lequel l’hyper-nationalisation des élections européennes et un certain renforcement des nationalismes à l’intérieur même de l’Assemblée pourraient s’accompagner d’une prise de conscience accrue de l’enjeu européen, et de la place qu’un Parlement démocratiquement élu pourrait occuper dans ce contexte.
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