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L’architecture : la réception immédiate et la réception différée

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Gérard Monnier

L’exposition « Roland Simounet à l’œuvre » et sa réception

Richard Klein

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  • 1 L’exposition est présentée dans les espaces traditionnellement réservés à la collection permanente (...)
  • 2 Le Centre des archives du monde du travail a ouvert à Roubaix en 1993 dans l’ancienne filature de (...)

1Les archives de l’architecte Roland Simounet (1927-1996) ont été données à la direction des Archives de France en 1997. Le fonds, qui couvre presque quarante années d’activité (1957-1996), et représente environ cent trente mètres linéaires d’archives, rassemble documents d’agence, documents personnels, photographies, carnets de croquis, et dossiers de projet. L’Institut français d’architecture qui n’avait pas les possibilités de stocker, de traiter ni de valoriser rapidement ce fonds chercha une solution permettant d’assurer ces différentes missions. Ces circonstances sont à l’origine de l’exposition Roland Simounet à l’œuvre1 présentée au Musée d’art moderne à Villeneuve-d’Ascq du 21 octobre 2000 au 28 janvier 2001, et du partenariat entre plusieurs institutions réunissant les capacités de stockage, de travail scientifique et de montage d’exposition. Le Centre des archives du monde du travail à Roubaix s’ouvrait depuis peu aux archives d’architecture2. Le Musée d’art moderne à Villeneuve-d’Ascq, conçu par Roland Simounet (1979-1983), préoccupé par l’entretien hasardeux de l’édifice, cherchait à valoriser l’œuvre de l’architecte. Le séminaire de 3e cycle dont j’ai la charge à l’École d’architecture de Lille était rompu aux recherches réalisées à partir d’archives publiques ou privées.

  • 3 Jérôme Thomas, « Questions de limites », Cécile Trézières, « Le monolite paradoxal » dans Roland S (...)
  • 4 Anthoine Thobois, « Roland Simounet et Djenan el-Hasan, une modernité adaptée » dans L’annuel, n°  (...)

2Le premier mode de réception de l’exposition est lié aux effets pédagogiques de son élaboration. Le travail préparatoire sur les archives a été le support d’un séminaire à l’École d’architecture de Lille, localisé pour la circonstance au Centre des archives du monde du travail à Roubaix. Quatre promotions d’étudiants de cinquième année ont bénéficié de l’accès direct avec les archives afin d’effectuer des recherches tout d’abord thématiques puis monographiques par édifice en contribuant ainsi à la réalisation de l’inventaire des dossiers. Il reste de cette expérience de nombreux travaux de qualité comme le montrent les textes de Jérôme Thomas et Cécile Trézières parus dans le livre Roland Simounet à l’œuvre3, celui d’Antoine Thobois à propos de la cité du Djenan el-Hasan et de ses relations avec la procédure logement Million ou encore celui de Marie Fruleux à propos de l’étude pour le logis d’Anne à Jouques, publiés dans L’annuel4. Pendant deux années universitaires, les étudiants de quatrième année de l’École d’architecture de Nancy ont réalisé, sous la direction de Joseph Abram et d’Alain Cardon, des maquettes à vocation pédagogique qui ont été utilisées dans l’exposition. Les étudiants de premier cycle de l’École d’architecture de Grenoble, sous la direction de Jean-Pierre Durant, ont étudié puis reconstitué en plan et en volume la première maison corse de Roland Simounet dont les archives lacunaires ne permettaient pas une présentation correcte. À ces effets de la phase d’élaboration de l’exposition, il faut ajouter l’attention et la considération de l’équipe technique jusqu’aux guides du musée vis-à-vis de l’édifice non plus considéré comme un lieu de travail mais comme une œuvre à exposer.

Roland Simounet dans ses murs

  • 5 Le fonds d’archives comprend plus de 250 carnets utilisés de 1961 à 1995 représentant près de 9 00 (...)

3L’exposition s’est confrontée, comme toutes les expositions d’architecture, à la valeur relative des documents présentés. Les documents produits par les architectes n’ont pas le même statut que les œuvres d’art présentées dans un musée. Ils sont des documents issus du processus de production de l’architecture, du stade de la conception à celui de l’édification. Ces documents sont donc des représentations d’un objet — l’architecture — qui est habituellement et paradoxalement, le grand absent des expositions. À Villeneuve-d’Ascq, les espaces sont conçus par l’architecte dont on expose le travail. Ces espaces accueillent traditionnellement les tableaux les plus prestigieux de la collection permanente du musée qui comprend quelques chefs-d’œuvre cubistes. On imagine aisément que ces espaces ont été très peu modifiés par les aménagements. Les relations plastiques entre le parcours, les œuvres et documents présentés ont été établies par l’échelle et le dimensionnement. Ainsi, les vitrines, les encadrements, leur position ont été conçus pour établir un lien harmonique avec l’architecture du musée, un lien intime entre la chose exposée et l’espace d’exposition. Chaque section est annoncée par un texte de Roland Simounet reproduit sur une des parois et un grand tirage photographique, choisi pour sa capacité à résumer un aspect du projet ou du thème. Les dessins et autres documents graphiques sont présentés au mur, les composants les plus documentaires sont présentés horizontalement dans des vitrines (ill. n° 1). L’exposition comprend aussi les représentations en volume quand elles existent dans le fonds et des maquettes de parties significatives conçues par les étudiants nancéens et grenoblois. Les carnets qui représentent la continuité et la constance du travail de Roland Simounet ont une place prépondérante dans la présentation5. Ils sont exposés au centre des espaces, dans des vitrines, pages ouvertes, sous une forme d’alignement et d’accumulation proche de certaines installations d’artistes contemporains dont le musée présente régulièrement les œuvres. L’ensemble de la présentation est en relation plastique avec le contenu et la nature du travail de l’architecte dont la simplicité et la rigueur imposent d’éviter le spectaculaire et l’ostentatoire. Un soin tout particulier a porté sur le mode de présentation relatif au statut des documents afin d’éviter la confusion qui règne généralement sur ces questions dans les expositions d’architecture. Les supports et mode de présentation exprimaient aussi le statut des documents, de l’original à la reproduction, selon toute une gamme d’encadrement et de supports.

Le parcours et les différentes sections de l’exposition

  • 6 Les archives de la période algérienne ayant disparu, les représentations de ces projets sont issue (...)
  • 7 Site et paysage : piscine sur la presqu’île Giens (1976-1978), projet de réaménagement de la baie (...)
  • 8 Saint-Denis Elsa Triolet (1989-1992), Saint-Denis Moulins Gémeaux (1989-1996), Saint-Denis Logis T (...)

4Après la biographie résumée de l’architecte et la liste de ses principales réalisations qui introduisent l’exposition, la première section intitulée L’Algérie intime évoque à la fois la terre natale de Roland Simounet et met en avant les relations de son œuvre avec ses origines. Elle est la seule section réellement biographique. Les documents relatifs à la maison familiale, des herbiers et des dessins illustrent l’attachement de Roland Simounet à la terre algérienne. Des collages en hommage à Le Corbusier et à la Méditerranée sont choisis en fonction de leur valeur plastique et de leur capacité d’introduire progressivement à l’architecture. La deuxième section, Roland Simounet, le mouvement moderne, permet de situer l’œuvre de Roland Simounet dans les années 19506. Ses premières réalisations sont présentées suivant deux axes : le premier est représenté par le Modulor de Le Corbusier. Roland Simounet partage les convictions des émules de Le Corbusier et certaines de ses premières réalisations relèvent très nettement de cette filiation. Le second est l’étude du bidonville de Mahieddine réalisée pour le Congrès international d’architecture moderne de 1953 à Aix-en-Provence par le groupe d’Alger dont Roland Simounet est un des membres. L’accent est mis sur les mai sons Fernand Aboulker (1952-1953) et Daniel Aboulker (1953-1955), mais aussi sur les projets qui relèvent de l’attention aux hommes que manifeste l’étude de Mahieddine : foyers ruraux dans la région de Cheliff (1954-1956), la cité de première urgence dite maison carrée à Alger (1955), la cité La Montagne (1955-1956). Cette situation historique entre la filiation corbuséenne et les transformations au sein du mouvement moderne à partir du Ciam de 1953, constitue une autre clef de lecture de l’œuvre de Roland Simounet. La troisième section fournit des éléments de lecture thématique (ill. n° 2). Cinq couples de notions sont illustrés par les projets relativement peu connus, choisis en fonction de leurs échelles très contrastées et de leurs capacités à représenter les permanences du travail de l’architecte7. Les quatre projets algériens qui ont établi assez tôt la notoriété internationale de Roland Simounet sont regroupés dans la section l’Algérie et les projets fondateurs, ils restent des références incontournables pour la compréhension de son travail et ont assuré la notoriété internationale avant que s’achève la première partie de sa carrière : la cité du Djenan el-Hasan (1954-1957), la nouvelle agglomération de Timgad (1957-1962), l’église Sainte Marguerite-Marie à Tefeshoun (1956-1957), le centre Albert-Camus à Orléansville réalisé en collaboration avec Louis Miquel (1956-1957). Les premiers projets qui suivent la période algérienne, regroupés sous le titre Une architecture adaptée, montrent comment l’architecte doit adapter sa pratique à de nouveaux contextes territoriaux et programmatiques. On peut lire dans le projet de la résidence universitaire de Tananarive (19621970) une ligne exprimée dans la continuité des projets algériens alors que l’étude pour Wittenheim (1966-1967) où les logements de Neuf-Brisach (1968-1970) révèlent une adaptation plus difficile aux conditions de production, aux sites et aux programmes métropolitains de la fin des années 1960. Les préoccupations que Roland Simounet a manifestées au début de sa carrière pour le logement des plus démunis seront appliquées et développées en France aux recherches pour l’habitat social. L’opération de logements sociaux édifiée au chevet de la basilique de Saint-Denis (1977-1982) a assuré la notoriété de l’architecte dans ce domaine et signale les débuts de sa seconde carrière. Les trois autres opérations réalisées à Saint-Denis ainsi que les autres réalisations de logements8 sont présentées dans la section Saint-Denis et le logement collectif. Trois projets ont été choisis pour illustrer la commande d’édifices publics et la pratique des concours : l’École d’architecture de Grenoble (1973-1978) édifiée dans un contexte proche de celui des villes nouvelles, l’École de danse de Marseille (1985-1992) et le concours pour le palais des congrès à Agadir (1990) dont la maquette de présentation a été retrouvée à l’occasion de l’exposition, ils sont regroupés dans la section Deux écoles, un concours. La trilogie des Musées rassemble les programmes de musées qui ont marqué une nouvelle reconnaissance professionnelle de Simounet à partir de la fin des années 1970. Le musée de la préhistoire à Nemours (1976-1980) commence cette trilogie, suivi du musée Picasso (1976-1985) à Paris, résultat de la restructuration complète de l’Hôtel Salé dans le Marais et qui est sans doute sa réalisation la plus connue de l’architecte. Une attention particulière est logiquement portée sur le concours, l’évolution du projet initial et la réalisation du Musée d’art moderne à Villeneuve-d’Ascq (1978-1983). La dernière section, La maison, un concentré de l’œuvre, clos le circuit par l’évocation des maisons considérées comme des résumés à petite échelle de son travail architectural. Après la maison Ribs (1983) et la maison Domerc (1974-1976), c’est la plus simple et la plus modeste qui achève le parcours : la maison Blasselle dite maison corse (19691971), sorte de maison des origines et d’abri rudimentaire qui doit rappeler le début du parcours (ill. n° 3). L’exposition conçue comme une boucle est ponctuée d’une section documentaire où sont présentés d’autres aspects de la pratique de Roland Simounet telles que la conception de meubles et d’affiches, et sa participation aux jurys de concours. Dans cette section, une dizaine de carnets de croquis sont passés en continu sur trois écrans vidéos, un film composé à partir de plusieurs extraits de documentaires est projeté sur écran. Enfin, en marge du parcours principal, l’artiste Peter Downsbrough présente dans le cabinet d’art graphique un regard photographique contemporain sur les architectures de Roland Simounet.

Ill. n° 1 — Esquisse (plan et élévation) de la présentation du Musée d’art moderne dans la section La trilogie des musées, Exposition « Roland Simounet à l’œuvre », Grafteaux & Klein architectes, 1999.

Ill. n° 2 — Vue de l’exposition « Roland Simounet à l’œuvre », section thématique, Musée d’art moderne, Villeneuve-d’Ascq, 21 octobre 2000-28 janvier 2001.

  • 9 La première monographie, Roland Simounet, pour une invention de l’espace, Électa Moniteur, Paris, (...)
  • 10 Richard Klein (dir.), Roland Simounet à l’œuvre, architecture 1951-1996, Musée d’art moderne/ IFA, (...)

5Le contexte éditorial et la réédition récente de la monographie consacrée à Roland Simounet9 ont orienté le choix des publications qui accompagnent l’exposition. Un petit journal gratuit est à la disposition de chaque visiteur et un livre, intitulé Roland Simounet à l’œuvre, fait office de catalogue. Bien que les textes du livre soient intimement liés à la présentation des carnets de croquis qui constituent la matière la plus inédite de l’exposition, l’ouvrage est conçu pour être complémentaire de la monographie dont l’actualisation publiée en 1997 aux éditions du Moniteur est encore le principal ouvrage de référence à propos de l’œuvre de Roland Simounet. La sélection de l’iconographie issue des carnets de croquis a été réalisée à partir des textes des auteurs sollicités pour exprimer la relation de Roland Simounet à la pratique du dessin10.

Ill. n° 3 — Maison Fernandez-Riera (1969-1972) à Ghisonaccia, Corse. Roland Simounet architecte.

Exposition temporaire/réception temporaire

6Si les impressions recueillies de manière désordonnées ne permettent pas d’évaluer la réception de l’exposition, elles donnent une image de la réaction des différents publics face à la présentation. Le public « non spécialisé » a manifestement apprécié la similitude de la présentation avec celle des expositions d’art. Les liens entre la chose exposée et le lieu d’exposition, l’insistance sur le dessin, la quasi-absence de documents « techniques » et l’aspect didactique de la présentation ont favorisé l’examen de l’œuvre dans son entier que le public comme la presse locale découvraient souvent pour la première fois. Le public « très spécialisé » et les historiens ont trouvé dans la quantité des documents et leur caractère inédit une matière riche en développement. Le milieu des critiques a eu des réactions plus distantes et plus mitigées.

  • 11 74 articles de presse écrite et 3 émissions audiovisuelles décomposés en 24 parutions dans la pres (...)

7Comme après chacune de ses expositions, la revue de presse réalisée par le musée d’art moderne fournit des éléments quantitatifs sur la façon dont la manifestation est relatée dans les médias. L’institution n’a d’ailleurs pas le souci du contenu des articles mais reste, par contre, très attachée à leur nombre, envisagé par les gestionnaires du musée comme un retour sur investissement et un justificatif de son dynamisme culturel. La synthèse du contenu de la revue de presse et son mode de classement sont révélateurs de ces fonctions11. Les articles de presse sont classés géographiquement (parution régionale, nationale et internationale), par fréquence de parution et sans attention particulière au contenu des articles qui vont des simples mentions jusqu’aux comptes-rendus circonstanciés, ni au type de supports qui vont des organes spécialisé au quotidiens généralistes. Comment interpréter ce document ? Pour l’organisateur de l’exposition, le nombre des articles est comparable à celui d’autres expositions présentées dans le musée. Il s’agit d’un résultat très positif dans la mesure ou, s’écartant de ses activités traditionnelles, le musée s’attendait à des résultats bien moindres, l’architecture ayant la réputation d’être moins populaire que l’art. Mais, le contenu de l’exposition a-t-il un quelconque rapport avec ces résultats et cette quantité ? À la lecture des articles, on peut en douter. Ce résultat est sans doute révélateur des capacités du musée dans l’émission des messages vers la presse et de l’efficacité de son service de communication. Il nous informe moins sur la manière dont a été reçu l’exposition par les médias. Un très petit nombre d’articles relève d’une lecture critique de l’exposition et sont pour la plupart des produits plus ou moins dérivés du dossier de presse communiqué aux journalistes au moment de la visite qui leurs était spécialement destinée. Reprenant les éléments les plus factuels, ces articles informent simplement de la tenue de l’exposition et ne portent aucun regard particulier sur son contenu. De cette masse informative et plutôt décevante, du point de vue qualitatif, émergent quelques exceptions dont la dimension critique et le sérieux méritent d’être signalés.

  • 12 David Peycéré, « Roland Simounet à l’œuvre, exposition et livre », Archiscopie, février 2001.

8David Peycéré dans la feuille de l’Institut français d’architecture, Archiscopie, propose quelques commentaires avisés, il évoque « une exposition hors catégories, d’une grande intensité, et un livre non moins atypique […] Elle [l’exposition] tire surtout un parti systématique, d’ailleurs presque déconcertant, du mode d’expression et de conception favori de Simounet, célèbre pour les carnets à spirale qu’il a toute sa vie remplis de dessins et de notes : alignés par dizaines dans des vitrines tout au long du parcours, à peine légendés, ces carnets offrent de longues théories de plans, coupes, perspectives, détails constructifs, séries de chiffres. Faute d’échelle et — volontairement, ici — de narration, ces croquis souvent assez secs ont tendance à rester pour le visiteur une trace fascinante sans doute, quelque peu abstraite, alors que chacun d’eux est là pour illustrer de façon précise la section dans laquelle elle se trouve »12.

  • 13 Jean-François Pousse, « Roland Simounet à l’œuvre, 1951-1996 », Techniques et Architecture, n° 451 (...)
  • 14 Les instruments traditionnellement mis en œuvre par le musée ont été complétés d’une série d’événe (...)

9Il est logique que ce type de présentation prête à discussion. Quelque peu déconcerté par l’accumulation des carnets et la discrétion des cartels auxquels il assigne un rôle pédagogique, David Peycéré sous-estime le contexte local d’un public coutumier des expositions d’art contemporain attentif à la valeur d’art des pages de carnet qui incitaient à la contemplation recherchée dans l’ensemble de la présentation. Pour ma part, le regret porte sur une autre dimension trop absente, car les dessins de Simounet ne sont pas seulement des traces des différentes phases de conception. Ils sont aussi la marque de la réflexion de Simounet sur son propre travail. Cette fonction réflexive du dessin aurait gagné à être plus explicitement présentée dans l’exposition. Mais, l’article le plus conséquent, peut-être le seul qui tire de la lecture critique de l’œuvre et de l’exposition des perspectives ouvertes, est celui paru dans Techniques et Architecture sous la plume de Jean-François Pousse qui exprime sans complaisance l’enjeu des relations instaurées entre l’architecture du musée et l’exposition. Il remarque l’estompage du hiatus habituel entre documents d’architecture et réalité construite, l’absence d’effet de manche et de mise en scène bavarde, la priorité donnée aux documents13. Jean-François Pousse a sans doute pris le temps d’écrire mais il a surtout pris le temps de la visite. Beaucoup d’autres articles plus factuels ont eu pour effet de signaler l’exposition et donc de favoriser sa fréquentation. Avec environ vingt mille visiteurs pendant les trois mois de sa durée, interrompue par une période de congés, l’exposition a connu une fréquentation comparable aux autres manifestations organisées par le musée. Mais là encore on peut se demander si le sujet a une quelconque influence dans ce résultat. L’exposition a en effet bénéficié de tous les instruments mis en œuvre par l’institution dans ces autres projets : la communication ou le service pédagogique qui depuis deux décennies développent les actions incitatives auprès des enseignants du primaire et du secondaire et les visites de groupes d’une manière générale. L’exposition Roland Simounet à l’œuvre, en étant accueillie par une institution muséale, hérite de la transformation des musées contemporains dont les missions ne se cantonnent plus à la conservation des œuvres et à la présentation d’expositions mais tendent à l’action culturelle au sens large. La fréquentation de l’exposition n’a donc pas été entravée pas les limites de fonctionnement des lieux trop spécialisés dans la discipline architecturale qui sont loin d’avoir et l’expérience et les compétences développées entre le musée et le public14.

10Le caractère de cette réception comporte aussi un chapitre administratif. Tous ceux qui connaissent l’œuvre de Roland Simounet, les visiteurs de l’exposition, les historiens de l’architecture et ceux, plus rares, qui ont fait l’expérience concrète de ses réalisations n’auraient sans doute pas porté le musée d’art moderne au sommet dans la liste de sa production. En inscrivant l’édifice sur la liste de l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques quelques jours avant l’inauguration de l’exposition, l’administration patrimoniale faisait preuve d’un à-propos de circonstance et hissait le musée au rang de l’édifice français le plus récent protégé au titre des monuments historiques. Le discours inaugural était ainsi alimenté d’une mention particulière. Mais l’on pourra évaluer, dans la durée, si cette protection a quelques fondements ou si elle n’est que l’effet momentané de la déconcentration administrative portée par un événement local et par l’attention éphémère pour l’architecture du xxe siècle initiée par l’administration centrale.

Notes

1 L’exposition est présentée dans les espaces traditionnellement réservés à la collection permanente sur une surface de 850 m2. Commissariat de l’exposition Richard Klein assisté de Marie-Céline Masson. Mise en espace de l’exposition : Grafteaux & Klein architectes.

2 Le Centre des archives du monde du travail a ouvert à Roubaix en 1993 dans l’ancienne filature de coton Motte-Bossut, une architecture emblématique des « châteaux de l’industrie » édifiée dans la seconde moitié du xixe siècle et restructurée lourdement pour s’adapter à ce nouvel usage. Le centre qui dépend directement des archives nationales est dédié à la collecte des archives d’entreprises et archives sociales. Depuis 1997, il accueille plusieurs fonds d’archives d’architecture.

3 Jérôme Thomas, « Questions de limites », Cécile Trézières, « Le monolite paradoxal » dans Roland Simounet à l’œuvre, architecture 1951-1996, Musée d’art moderne/IFA, Villeneuve-d’Ascq/ Paris 2000, pp. 126-160.

4 Anthoine Thobois, « Roland Simounet et Djenan el-Hasan, une modernité adaptée » dans L’annuel, n° 5, 1998-1999, EAL, Villeneuve-d’Ascq, 2000, pp. 86-91. Marie Fruleux, « Roland Simounet et le logis d’Anne à Jouques (1983-1985) » dans L’annuel, n° 6, 1999-2000, EAL, Villeneuve-d’Ascq 2001, pp. 86-91. Certains autres travaux non publiés, comme celui de Bertrand Carpentier qui met au jour l’histoire détaillée du projet de Neuf-Brisach, renouvellent la lecture de l’œuvre de Roland Simounet.

5 Le fonds d’archives comprend plus de 250 carnets utilisés de 1961 à 1995 représentant près de 9 000 pages.

6 Les archives de la période algérienne ayant disparu, les représentations de ces projets sont issues d’un livre dans lequel Roland Simounet a résumé ses premières réalisations afin de solliciter son inscription à l’ordre des architectes en 1961.

7 Site et paysage : piscine sur la presqu’île Giens (1976-1978), projet de réaménagement de la baie du Mont Saint-Michel (1990). L’épaisseur et le socle : église (1982) et monastère de Koubri (19611963), projet pour la bibliothèque des Halles à Paris (1968-1969). Vernaculaire et interprétation : maison Les Pêcheurs (1955), logements à Azazga, (1960-1961), maison Galliéro (1972), maison Kasdarly (1958-1959). Module et matériau : Village en terre stabilisée Fontaine des Gazelles (19601961) à Biskra, étude « Le Logis d’Anne » à Jouques (1983-1984), logements à Évry (1972-1975). Le dernier thème de cette section, échelle humaine et dimensions, est illustré par un texte sur le Modulor de Le Corbusier, et la reproduction d’une page de chiffres issu des carnets de croquis.

8 Saint-Denis Elsa Triolet (1989-1992), Saint-Denis Moulins Gémeaux (1989-1996), Saint-Denis Logis Transport (1990-1995). Ensemble de logements de la ZAC des Hautes Bruyères à Villejuif (1983-1988), logements pour le parc Citroën à Paris (1987-1992). Située dans un contexte d’insertion urbaine, impasse du Mont-Tonnerre à Paris, la dernière œuvre de Roland Simounet est un petit ensemble de logements achevé en 1998, après son décès.

9 La première monographie, Roland Simounet, pour une invention de l’espace, Électa Moniteur, Paris, 1986, est devenue après actualisation Roland Simounet, d’une architecture juste, 1951-1996, Le Moniteur, Paris, 1997. La même année, un ouvrage regroupant quelques textes de Roland Simounet est publié : Traces écrites, Domens, Pézenas, 1997. En dehors des très nombreux articles parus sur les réalisations de Roland Simounet au moment de leur édification, les écrits de Udo Kulterman et de Maurice Besset avaient développé la situation de son architecture de la période algérienne dans le contexte de la seconde modernité. Udo Kultermann, Nouvelle architecture en Afrique, Albert Morancé, Paris, 1963. Maurice Besset, Nouvelle architecture française, Arthur Niggli, Teuffen, Suisse, 1967.

10 Richard Klein (dir.), Roland Simounet à l’œuvre, architecture 1951-1996, Musée d’art moderne/ IFA, Villeneuve-d’Ascq/Paris 2000. L’ouvrage contient des textes de Marc Bédarida, Michel Charmont, Paul Chémétov, Christian Devillers, Pascale Langrand, Virginie Picon-Lefebvre, Joëlle Pijaudier-Cabot, Dominique Pinon, Pierre Riboulet, Jérôme Thomas, Daniel Treiber et Cécile Trézières.

11 74 articles de presse écrite et 3 émissions audiovisuelles décomposés en 24 parutions dans la presse régionale (1 radio, 9 quotidiens, 5 hebdomadaires, 4 mensuels, 1 bimestriel, 3 trimestriels, 1 annuel) 44 parutions dans la presse nationale, 2 radios, 4 quotidiens, 5 hebdomadaires, 1 bimensuels, 6 mensuels, 11 bimestriels, 3 trimestriels, 1 annuel) 9 articles de la presse internationale (3 quotidien, 1 hebdomadaire, 3 mensuels, 2 bimestriels). Les articles paraissent entre le 21 octobre 2000 et le 4 mai 2001. La presse locale est la première à proposer des comptes-rendus de l’exposition, le dernier article est un commentaire de Frédéric Édelmann du livre Roland Simounet à l’œuvre paru dans Le Monde des livres du 4 mai 2001, trois mois après la fin de l’exposition.

12 David Peycéré, « Roland Simounet à l’œuvre, exposition et livre », Archiscopie, février 2001.

13 Jean-François Pousse, « Roland Simounet à l’œuvre, 1951-1996 », Techniques et Architecture, n° 451, décembre 2000/janvier 2001. Contrastant singulièrement dans un ensemble de commentaires écrits et radiophoniques qui relevaient souvent d’une visite furtive de l’exposition et d’une lecture superficielle du livre, il faut signaler la très sérieuse recension de l’ouvrage Roland Simounet à l’œuvre par Simon Texier dans Domus du mois d’avril 2001.

14 Les instruments traditionnellement mis en œuvre par le musée ont été complétés d’une série d’événements qui ont eu des effets positifs dans la réception de l’exposition. Le CAUE du Nord a organisé des circuits de visite dans la ville nouvelle de Villeneuve-d’Ascq ainsi qu’une table ronde au musée sur le thème de la programmation le 20 janvier 2001. Le Centre des archives du monde du travail a organisé une journée d’étude : De l’atelier au chantier : témoignages sur l’architecte Roland Simounet, le 7 décembre 2000. Par ailleurs, le CAMT, à partir de la numérisation des carnets de l’architecte, a réalisé un instrument de consultation et de recherche remarquable, qui doit être diffusé sous la forme d’un DVD.

List of illustrations

Caption Ill. n° 1 — Esquisse (plan et élévation) de la présentation du Musée d’art moderne dans la section La trilogie des musées, Exposition « Roland Simounet à l’œuvre », Grafteaux & Klein architectes, 1999.
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/508/img-1.jpg
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Caption Ill. n° 2 — Vue de l’exposition « Roland Simounet à l’œuvre », section thématique, Musée d’art moderne, Villeneuve-d’Ascq, 21 octobre 2000-28 janvier 2001.
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/508/img-2.jpg
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Caption Ill. n° 3 — Maison Fernandez-Riera (1969-1972) à Ghisonaccia, Corse. Roland Simounet architecte.
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/508/img-3.jpg
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