Le parti et ses ministres
p. 445-455
Texte intégral
Le S.A.P. à l’automne 1917
1Après 28 ans d’opposition le S.A.P. était donc désormais un Parti de gouvernement Branting jadis emprisonné à Långholmen1 était maintenant, à la table du Conseil des Ministres, le Conseiller du Roi. La progression du Parti dans l’opinion et dans l’électorat n’avait été que peu freinée par la sécession de son aile gauche. Alors que les leaders de cette dernière avaient cru qu’ils entraîneraient vers le nouveau Parti environ 40 000 adhérents, le Comité Directeur du S.A.P. pouvait estimer, à la fin de 1917, que la scission avait provoqué le départ d’à peine 10 000 militants2. Cette perte avait été plus que compensée par l’arrivée au pouvoir de 20 000 nouveaux adhérents. Le S.A.P. avait gagné environ 10 000 membres, mais le progrès était bien inégal, Stockholm et la Scanie répondant à elles seules de la moitié du solde positif :3
Le S.A.P. : Sections et adhérents à la fin de 1917

Source : S.A.P.

2Fragiles, friables pendant les trois-quarts de l’année, ces effectifs ont progressé d’environ 12,5 % entre le 1er octobre et le 31 décembre : comment ne pas mettre ce phénomène en relation avec l’exercice du pouvoir par le S.A. P…? D’où venaient ces adhérents ? La classe des "ouvriers de l’industrie" (industriarbetare) plafonnait en 1917 en raison de la récession. Alors qu’elle avait progressé de 23,9 % entre 1915 et 1916, elle subit un freinage très sensible de 1916 à 1917 où elle ne s’accrût plus que de 3,5 % (de 397 800 à 401 300)4. Des secteurs entiers de l’industrie n’embauchant plus, notamment en raison de la pénurie de matières premières, le pompage de la main-d’œuvre rurale s’était sérieusement ralenti en 1917 (et le renversement de la tendance qui s’observait au dernier trimestre de 1917 devait conduire à un retournement total de situation en 1918, les communes rurales reprenant 2,4 % les communes urbaines en perdant 5,4 %)5. On peut penser qu’à l’automne 1917 le S.A.P. a déjà converti en adhérents une partie de l’électorat qu’il avait séduite en septembre et qui était issue de couches socio-professionnelles lui étant Jusqu’alors restées étrangères6.
3Ce rapprochement demeurait peut-être quantitativement un phénomène marginal et le S.A.P., dans l’opposition comme au pouvoir, était avant tout le parti des travailleurs salariés manuels de l’Industrie. Mais depuis le printemps 1917 il n’était plus le seul, les "socialistes de gauche" lui contestant même la qualité de Socialiste7. L’alliance gouvernementale avec les Libéraux vint renforcer cette dérive, en même temps qu’elle rassurait l’opinion qui pressentait que le socialisme au pouvoir, ce ne serait ni la guerre à l’extérieur ni la révolution à l’intérieur.
4Branting était le Parti social-démocrate. Et il avait fait le Parti. Jamais, à aucun moment, le S.A.P. n’eut et n’aura par la suite de Président jouissant du prestige dont bénéficiait Branting en 1917. Dès ce moment là les contemporains parlèrent de sa "grandeur". Il était déjà une sorte de légende. Ce n’était pas, d’ailleurs, que cette "grandeur", pourtant si chichement mesurée et reconnue aux hommes d’État suédois, fût facile à définir, si elle était largement perçue. Ses adversaires, ou plutôt ses opposants, car la personne même de Branting ne fut jamais mise en cause, furent tous un peu à l’image de Zetha Höglund qui, tout en critiquant l’impulsion politique qu’il donnait au Parti, lui consacrait au printemps 1917 du fond de la prison de Långholmen où l’avaient jeté les "procès de trahison" un hommage poétique "Amitié secrète" (Hemling Frändskap) publié quelques années plus tard (1923) dans le recueil "Encre et Sang" (Bläck och Blod). Erik Hedén s’interrogeait aussi : "… Y-a-t-il quelque chose de réel qui fait de lui quelqu’un de grand ? Pourtant il doit bien l’être, de manière incompréhensible, car, alors, on ne comprendrait pas pourquoi ses adversaires – la droite – le haïraient et le calomnieraient comme ils le font"8.
5Contre Hammarskjöld, puis contre Lindman, Branting avait été depuis 1914 l’inlassable porte-parole d’une autre politique étrangère. Il exprimait, certes, la montée de certaines "forces profondes" : refus instinctif des couches populaires de prendre les armes pour une mauvaise cause dans une alliance dévoyée, mécontentement sourd et croissant devant la pratique d’une neutralité "bienveillante" à l’un des belligérants, émergence du sentiment du droit dans une partie de l’opinion, révolte de la vie chère, de la pénurie de la famine et de la faim. Mais le plus souvent Branting marcha en tête de ces mouvements. Il les guida, les exprima, les fit prendre en compte par son Parti. Sans la conviction généralement répandue en Suède, en octobre 1917, que l’Allemagne avait définitivement perdu la guerre, eût-on parlé si ouvertement de la nécessité d’un "nouveau cours" ?
6Branting, sans doute, l’eût fait Tous ses biographes et quelques-uns de ceux qui ont écrit sur lui, ont souligné ses qualités de "visionnaire". Branting eut, très tôt, la vision du déroulement de la guerre. Il imposa à son Parti, parfois contre ses lieutenants, une politique étrangère réaliste et moderne. Il le put, par sa force personnelle, par son autorité, par le respect qu’il inspirait à l’intérieur comme à l’extérieur. Ces qualités semblaient alors à leur apogée.
Branting, Palmstierna et Rydén
7Karl Hjalmar Branting, né à Stockholm le 23 novembre 1860, allait avoir 57 ans quand il devint Ministre pour la première fois. Une génération, un quart de siècle, le séparait des jeunes talents du S.A.P. qui dans le courant des années de guerre en étaient devenus les Forces vives, les Möller, Per-Albin Hansson, Sandler, Engberg, Undén9. Tous avaient quelques années, à peine, quand Branting avait été, en 1889, à 29 ans, un des fondateurs du Parti. Pour eux il était une personnalité historique, oui, une sorte de légende vivante. Même à l’égard des autres ministres socialistes, Erik Palmstierna (né en 1877) et Värner Rydén (né en 1878) l’écart d’âge étant important. Branting, leader du Parti, membre du gouvernement, appartenait déjà à "l’époque des pionniers"10.
8Il était né dans une famille de la haute bourgeoisie stockholmienne. Son père était professeur et Directeur de l’institut de gymnastique médicale. Sa mère Emma, née af Georgii, se rattachait à une famille patricienne de Venise11. "De là, peut-être, lui vint cette élégance morale qui d’un bout à l’autre de sa longue carrière a maintenu le leader socialiste suédois au-dessus de toute bassesse démagogique. Démocrate par le coeur, il est toujours démeuré aristocrate par l’esprit"12. Le jeune Branting avait fréquenté une école privée, Beskowska Skolan, où il eût pour condisciples les fils d’Oscar II, en particulier le futur Gustave V. Bachelier à 16 ans 1/2, il commença à l’Université d’Uppsala des études d’astronomie. Une carrière scientifique brillante s’offrait à lui quand, en 1882, il mit précocement fin à ses études : "Comment pourraits-je m’intéresser aux secrets des étoiles quand j’ai en permanence devant les yeux la misère et la servitude" ?13 Cette renonciation apparut aussi comme une éclatante rupture sociale : Branting fut longtemps, aux yeux de beaucoup de travailleurs, un "fils des classes supérieures" (överklasspojke) ayant sacrifié ses intérêts personnels pour se mettre au service du progrès et de la justice sociale. Il était de notoriété que Branting avait très tôt dispersé en générosités la fortune héritée de son père en 1881. Dès la fin de 1881, à peine devenu majeur, il avait donné 3 000 couronnes à l’institut du Travail de Stockholm (Stockholms Arbetarinstitut) récemment fondé par Anton Nyström14 et auquel la ville de Stockholm refusait une subvention. Sans que Branting le recherchât, l’affaire avait connu un grand retentissement. Puis lorsque August Palm15 était arrivé à Stockholm au printemps 1882 pour y fonder un Comité d’agitation et un journal syndical, ce fut encore une donation de Branting qui soutint cette tentative. Il en fut de même lorsque, peu après, Branting reprit le journal de K.P. Arnoldsson, Tiden. Le résultat fut que dès 1890-91 Branting était ruiné et ne vivait plus que de son modeste salaire de journaliste16.
9Un autre élément indispensable à la compréhension de la personnalité de Branting est la connaissance précoce qu’il eut de l’étranger. Les facilités qui furent les siennes à cet égard étaient celles du groupe social auquel il appartenait. Mais les voyages qu’il fît en Russie, Allemagne, Suisse et France autour de sa vingtième année le marquèrent plus que tout autre et de manière plus particulière. En effet ces voyages le mirent très tôt en contact avec la sociale-démocratie européenne. Dès 1878, il avait alors à peine 18 ans, Branting s’était rendu en Russie, à Dorpat et à Pulkova. Son introducteur auprès des réalités russes fut Oscar Backlund17, alors observateur à Dorpat, mais précédemment astronome-adjoint à l’Observatoire de Stockholm où Branting, encore lycéen avait fait des stages. S’il reste difficile, encore aujourd’hui, d’établir s’il eut, dès ce moment, des contacts avec les sociaux-démocrates russes, du moins sa correspondance avec sa mère permet-elle d’affirmer qu’il en eut durant le voyage qu’il fît ensuite de Russie à Berlin. Cette correspondance témoigne aussi de la sympathie qu’il éprouvait déjà pour la sociale-démocratie allemande, "rempart de la liberté depuis que la bourgeoisie libérale est passée au service de Bismarck"18.
10Un deuxième grand voyage, durant l’été 1882, avait conduit Branting en France et en Suisse. A Paris, en août 1882, Branting était entré en relations avec divers groupes socialistes, alors que les possibilistes de Brousse s’opposaient ouvertement au marxisme de Guesde et que le Parti Ouvrier Français venait d’être fondé au Congrès de Roanne, l’année précédente. Il entendit parler Louise Michel. Il s’inscrivit au "Cercle International d’Etudes et d’Action Sociales du 5ème arrondissement", il rencontra des socialistes russes de l’émigration, dont sans doute Peter Lavrov19. En Suisse Branting avait rencontré Eduard Bernstein alors en exil à Zurich où il était rédacteur au Züricher Sozialdemokrat. A en croire ce dernier20, avec ce jeune Suédois qui s’était présenté comme "de conviction socialiste" une longue conversation s’était tenue sur les développements du socialisme français, sur l’anarchisme, sur Louise Michel, et des relations de sympathie mutuelle avaient été nouées21.
11Tous ces contacts furent alors possibles parce que Branting depuis l’époque de Beskowska Skolan avait acquis une bonne connaissance de l’allemand et du français22. L’anglais, en revanche, resta toujours son point faible23. Si elle ne l’a pas induite, cette maîtrise différenciée des langues étrangères a certainement fortement facilité l’orientation d’abord relativement pro-allemande de Branting et ensuite, de plus en plus pro-française.
12Cette évolution était aussi comme appelée par les influences qui s’exercèrent sur lui pendant ses années de formation à l’Université d’Uppsala de 1877 à 1882. L’analyse de ces influences est évidemment indispensable à la compréhension d’une personnalité aussi diverse et nuancée que celle de Branting. Il s’agit d’une part de ses "maîtres à penser" et d’autre part du cercle d’amis au sein duquel son intelligence et sa sensibilité se développèrent, dans le cadre privilégié de cette prestigieuse université. Parmi les "maîtres à penser" il convient de placer, avant tout autre, Sven Adolf Hedin (1834-1905)24, qui, tout comme lui, avait été privilégié par la naissance et par l’éducation reçues. Les deux hommes sont d’ailleurs, historiquement le complément l’un de l’autre : alors que le premier25 apparut, à travers une série d’articles célèbres publiés peu après la réforme du Riksdag de 1866, comme le premier avocat de la démocratie en Suède26, Branting allait être le réalisateur de cette grande réforme politique. Hedin éprouva et manifesta tout au long de sa carrière une prédilection marquée pour la France, dont il parlait admirablement la langue, et dont la troisième République renouait, à ses yeux, avec l’esprit de la grande révolution. Il détestait avec courage la Prusse et l’esprit prussien, et tout autrement, sinon plus, le tsarisme et l’autocratie orientale : Branting et lui avaient donc beaucoup en commun. Ce que Hedin avait écrit du despotisme russe, menace permanente des démocraties, dans une brochure de 1876 intitulée "La question d’Europe Orientale" (Den östeuropeiska frågan) a sûrement autant contribué à former "l’image russe" du jeune Branting que ses contacts avec Lavrov et ses compagnons d’exil27. Deux grands esprits "radicaux", et même anarchistes, jouèrent encore un rôle prépondérant dans la formation intellectuelle de Branting : Ibsen et Brendes28. Tous deux avaient été révoltés par la répression qui avait frappé les Communards : la Commune de Paris avait été pour eux le symbole et l’expression de la liberté suprême, l’avènement de l’anarchie, ainsi qu’en témoigne leur correspondance29. Branting et Strindberg30 réunis un moment à Uppsala dans le romantisme d’un cercle nihiliste, avaient indiscutablement senti l’influence de ces deux voix révolutionnaires et "prophétiques"31. A ce club appartinrent Gustav Berggren, Carl Gustaf Brackel, Karl Ljungstedt, Birger Palme, Gustaf Roos, Pehr Staaf, Karl Staaf – le futur Premier Ministre – Erik Thyselius… Le nihilisme de ces jeunes radicaux n’était pas dépourvu de coquetterie et même de snobisme. C’étaient, éphémères, l’audace, le non conformisme, la générosité et "l’ivresse" (berusningen) d’une jeunesse qui s’affirmait aussi républicaine, et qui fit de Sofia Perovskaia son idôle32. Mais en 1882 le "club radical" s’était fondu dans l’Association étudiante Verdandi. Cette année fut aussi capitale pour l’évolution politique de Branting33. Il avait lu Benoît Malon et Schäffle34, mais sa connaissance de Marx restait superficielle. Comme pour bien d’autres, Kautsky35 et Bernstein furent sans doute ses véritables initiateurs à l’analyse marxiste. Branting ne fut jamais un grand théoricien du socialisme, ses connaissances fondamentales étaient et devaient demeurer succinctes36. Mais à partir de 1882, donc alors qu’il était très jeune encore, l’illusion lyrique de l’anarchisme s’était bien dissipée. En 1884, il était devenu membre du "club ouvrier socialdémocrate de Stockholm" (Stockholms socialdemokratiska Arbetarklubb) puis, en 1886, était entré à la rédaction du Socialdemokraten, fondé en 1885, et dont il devint rédacteur en 1887. Dès ce moment la personnalité politique de Branting était, pour l’essentiel, formée. Le 25 septembre 1886, lors d’un discours prononcé pour le premier anniversaire du Socialdemokraten, il affirma que pour faire pièce à la réaction et à l’injustice, les socialistes ne devaient plus "prêcher la haine de classe, mais collaborer honnêtement avec les libéraux et les radicaux, aussi bien d’origine paysanne que d’origine bourgeoise, au Riksdag comme dans la presse37. Peu après Branting avait prononcé son célèbre discours de Gävle, le 24 octobre 1886, "déclaration d’indépendance et premier programme" du socialisme suédois38. Après avoir défini les buts du socialisme, il s’interrogeait sur les moyens à utiliser : révolution ou réforme. Le socialisme appelant de ses voeux un nouvel ordre social impliquait bien une révolution. Mais si par la révolution on entendait "des émeutes", l’assassinat, le pillage", alors le socialisme "n’était pas révolutionnaire, mais conservateur". Le principal objet de la réforme, l’instrument de la nouvelle société, c’était le suffrage universel. Branting croyait en la capacité du système politique existant d’accorder de pleine gré ces droits politiques "les plus élémentaires". Sinon ce serait "comme en Russie" et il faudrait employer "tous les moyens pour abattre la tyrannie". Mais, dans le fond, cette dernière hypothèse, peu conforme au caractère et à la culture suédois, il ne l’envisageait pas sérieusement39.
13Ainsi dès 1886 l’essentiel de ce qui explique son comportement pendant les années décisives de la guerre était déjà fixé. La conquête du pouvoir, la transformation de la société, l’émergence de la nouvelle Suède devraient se faire par des voies légales, par le triomphe de la raison et de la persuasion, avec le consentement des forces anciennes appelées à disparaître pour permettre la régénération du pays. Pour ne pas dévier de ce chemin Branting, contre les tendances profondes de son propre caractère, frappa implacablement les anarchistes en 1908, les interventionnistes en 1915 et les nihilistes en 1917. La croissance tranquille, pacifique, mais irrésistible de la sociale-démocratie qui par sa discipline, son respect de l’ordre et des institutions, sa quasi sublimation du Parlement, s’identifiait de plus en plus dans l’opinion à la démocratie, privait habilement les détenteurs du pouvoir de toute capacité de réaction. Seules une faille brutale, une rupture traumatique : la grève générale et la guerre civile à l’intérieur, l’intervention militaire dans la conflit européen à l’extérieur eussent pu interrompre – mais pour combien de temps encore dans l’Europe de 1917 ? – cette révolution silencieuse... De là, en tout cas, l’énergie inouïe déployée par Branting pour éviter ces accidents. De là la conviction, acquise très tôt par nombre d’activistes40 que la guerre seule pouvait arrêter la montée de la démocratie, et leurs diatribes contre les puissances de l’Entente, le Parlement, les partisans de la neutralité. De là, enfin, les ruades désespérées de la classe dirigeante comme prise dans les rets de cette force qui, respectant la loi et l’ordre, n’offrait pas de prise.
14Ce qui fit de Branting en 1917 l’homme le plus détesté et le plus respecté de ceux auxquels le pouvoir échappait des mains. Cette autorité, si précocément acquise41, et que l’exactitude et la pertinence de ses jugements avait encore renforcée durant la guerre, avait conféré à son Parti la solidité qui lui permit de résister aux secousses de 1917.
15Parmi les qualités qui faisaient cette autorité, c’est la hauteur de vue qui s’imposait rapidement II n’y a pas de complicité hagiographique à mettre en avant une qualité que lui reconnaissaient même ses adversaires. Nulle mesquinerie politicienne chez lui, parce que, sans aucun doute, il était davantage intéressé à la stratégie à long terme qu’aux tactiques immédiates. De là la modestie, l’énorme aptitude à écouter de cet orateur, l’apparente complaisance à laisser passer les autres devant lui, qui n’étaient pas l’aveu de ses propres limites mais un jugement porté de haut sur ce qui était essentiel et sur ce qui ne l’était pas.
16On a souvent décrit le comportement quelque peu bohème de Branting, son caractère peu pratique – étonnant pour un Suédois –, sa robe de chambre toute balzacienne, magnifiée dans le célèbre tableau de Richard Bergh, ses pardessus trop grands, les innombrables bouts de papier où il écrivait ses articles et ses discours, n’importe où, souvent le soir dans un des restaurants comme Rosenbad, Östergötland ou Gamla Phoenix, fréquentés par les sociaux-démocrates. Car, comme l’a fait remarquer Palmstierna, "Branting était un oiseau de nuit"42. Il est certain qu’après les libéralités de sa jeunesse, ce détachement souverain des biens et des contraintes du monde a contribué, sans qu’il le recherchât en rien, à la diffusion d’une image où étaient perçus d’abord la générosité et le désintéressement43. Peut-on aller plus loin et penser, comme le faisait l’attaché militaire français, que les difficultés financières dans lesquelles il se débattit affaiblirent sa situation politique ? D’après une confidence faite au commandant Thomas par Maurice Boutry, administrateur de la Banque Russo-Asiatique44, Aschberg avait obligé personnellement Branting. Le "mystère inquiétant" de cette amitié s’expliquait ainsi. De là le silence devant les trafics d’Aschberg avec les Bolchéviques. De là la protection exercée pour essayer d’éviter que la "Nya Banken" ne tombât dans la liste noire des Alliés45.
17Peut-être, en effet, une excessive hauteur de vue lui fit-elle commettre quelques erreurs de jugement sur quelques proches ; surtout quand il s’agissait du domaine économique et financier qui lui demeura toujours peu familier46. Mais ces erreurs restèrent exceptionnelles, et compensées par des choix judicieux et clairvoyants, celui de Per Albin Hansson ou de Gustav Möller, par exemple.
18Depuis près de trente ans par ses articles et éditoriaux du Socialdemokraten, depuis plus de vingt ans par ses discours parlementaires, Branting avait été un éducateur politique du peuple suédois. Car il fut un journaliste exceptionnel, et un orateur écouté dont la voix sonore mais sans emphase s’imposait aussi bien dans les grands rassemblements populaires, qu’il tint en si grand nombre, qu’au Riksdag. Il avait incontestablement ce que Palmstierna appelle "l’instinct des masses"47, doublé de l’intuition de l’instant, car il excellait aussi dans l’improvisation, dans la réplique. Il possédait cette qualité rare que Palmstierna définit "un rayonnement magnétique"48. Mais ce magnétisme n’était pas celui du tribun plébéien. Il exerçait plus un charme qu’une fascination. Il projetait un grand pouvoir de conviction qui venait aussi de son aptitude à discerner d’un coup l’essentiel, et de l’exprimer ensuite avec le langage de la mesure, de la raison et du bon sens.
19Il sut rassurer. Sans sa personnalité, on ne saurait pleinement comprendre la résignation d’une bonne partie de la classe politique dirigeante à abandonner le pouvoir en octobre 1917. Certes les événements extérieurs, crise révolutionnaire en Russie et entrée en guerre de la démocratie américaine, avaient largement concouru à la maturation des esprits. Mais s’il ne se trouva pas de grand leader conservateur pour suivre la reine dans un nouveau "Coup de Février"49, que selon Clason et Lindman elle souhaitait50, c’est aussi en grande partie parce que Swartz, Lindman et Trygger avaient appris à connaître Branting51.
20On a souligné sa capacité à jeter "des passerelles de compréhension" dans des situations de tension52. Mais son rôle, en définitive, dépassa la simple solution des tensions politiques. Il fut pour la Suède le médiateur entre l’ancien régime et le nouveau, pour avoir reconnu avant tous, la modernité du siècle dans lequel la guerre avait précicipité le pays à son insu.
21Erik Palmstierna53, qui devint ministre avec lui, apporta à cet égard un inestimable concours à Branting. Palmstierna, de par ses origines sociales aristocratiques, sa venue récente du Parti libéral, manquait de la connaissance intime et familière du Parti qui était celle des anciens militants d’origine populaire. Dans le sillage de Branting, il était, certes, devenu membre du Comité Directeur, mais il restait suspecté de certains, et détesté de toute l’aile gauche, à la sécession de laquelle il avait du reste travaillé de toutes ses forces. Mais il eut les qualités de ces défauts : il sut voir plus haut que la ligne d’horizon.
22Officier de Marine de formation, Palmstierna avait vécu entre sa vingtième et sa vingt-neuvième année (1897-1906) à Karlskrona, la grande base navale du Sud de la Suède. Mais il était un officier hors du commun, habité de préoccupations esthétiques et religieuses, qui lui venaient sans doute de sa mère Hanna von Holst, et de préoccupations sociales qui allèrent croissant En 1905 cet aristocrate éclairé, de sensibilité libérale, était entré au Conseil municipal de Karlskrona. L’année suivante, lieutenant de vaisseau, il démissionna du Service actif et fut versé dans la réserve. Sa fortune personnelle lui permettait de rompre avec l’univers militaire dont il se sentait de plus en plus éloigné, et de voir venir. De retour à Stockholm, Palmstierna avait confirmé son engagement dans les questions sociales en devenant secrétaire bénévole de la Fédération Centrale pour le travail social (Central Förbundet för Socialt arbete) et en organisant le Premier Congrès de lutte contre le paupérisme (1906). Mais c’est en 1908 que cet homme entreprenant et généreux avait fait irruption dans la vie publique suédoise : il fut simultanément élu (libéral) au Riksdag et au Conseil municipal de Stockholm et lança la Fédération des Communes de Suède (Svenska Stadsförbund) dont il devint l’actif secrétaire. C’est aussi au cours de ces années qu’il approfondit, en autodidacte, ses connaissances en économie, approfondissement auquel ses fonctions municipales contribuèrent également. D’idées trop avancées pour le Parti libéral, supportant mal la direction de Staaf54, Palmstierna finit par passer aux Sociaux-démocrates en 1910. Cette adhésion fit sensation et même scandale, et si elle brouilla Palmstierna avec son milieu familial et social, elle donna aussi un éclat tout particulier à la campagne électorale de 1911. Les foules se pressèrent pour écouter le "baron rouge". Entré au S.A.P. dans la phase de mutation finale de ce dernier, celle qui devait faire de lui un Parti de gouvernement, Erik Palmstierna lui apportait en effet beaucoup : d’une part des connaissances théoriques, une capacité intellectuelle, qui, malgré tout, demeuraient encore rares dans l’entourage de Branting ; d’autre part une note de respectabilité, grâce à ses contacts avec le monde, à la fois étranger et étrange pour les sociaux-démocrates, de la haute administration, de l’industrie, de la finance, de la cour.
23De plus, Palmstierna était un organisateur né. Ce qui n’était pas tout à fait le cas de Branting : élu Président du S.A.P. par le Congrès de 1908, ce dernier avait alors abandonné le poste, qu’il affectionnait, de rédacteur en chef de Socialdemokraten pour se consacrer à la seule administration du Parti dont il présidait aussi le groupe parlementaire. Rapidement il avait fallu convenir que cela avait été une erreur ; Branting abandonna en novembre 1910 les Bureaux du Comité Directeur pour revenir au journal où ses deux successeurs C.N. Carleson et G. Magnusson ne s’étaient, de plus, guère entendus. On peut penser que c’est en partie à ses qualités d’organisateur que Palmstierna dût d’être élu à la Commission Exécutive du S.A.P. lors du Congrès de 1911, c’est-à-dire un an à peine après son adhésion. Cette ascension fulgurante dans les instances supérieures du Parti s’était confirmée en 1912 quand Palmstierna était entré au Conseil de Confiance du Groupe Parlementaire.
24Branting excellait comme journaliste. Ses articles sont très nombreux et beaucoup de ceux qui ont été rassemblés dans ses oeuvres complètes ont valeur de modèles. Il écrivit aussi quelques pamphlets, mais pas d’ouvrages exigeant un certain souffle et une documentation précise. Palmstierna, en revanche, avait publié coup sur coup pendant les années de guerre cinq livres d’analyse consacrés à la politique économique et à la politique étrangères55. Cette compétence avait été mise à profit par le Socialdemokraten qui en 1916 et 1917 avait publié de nombreux éditoriaux de lui. Dès 1908 Palmstierna avait créé un Cercle de discussion appelé "club Palmstierna (Plamstiernska Klubben)56 très actif pendant toute la guerre et où se retrouvaient sociaux-démocrates germanophiles, comme l’avait été Palmstierna, et même activistes (Christiernson, Järte, Larsson), ceux de la génération de 1880 (Arthur Engberg, Per Albin Hansson, Gustav Möller, R. Sandler, Östen Undén) et des représentants de l’élite intellectuelle du Parti Libéral comme Eliel Löfgren et Torgny Segerstedt. Ce Cercle, aux activités duquel Branting participait aussi, joua un rôle certain dans le rapprochement des sociaux-démocrates et des libéraux, qui conduisit au Ministère Edén. A l’intérieur de ce cercle, et en dehors, Palmstierna ne cessa de pousser le S.A.P. et Branting dans la voie de la collaboration avec les libéraux, qui impliquait d’importantes concessions en matière de Défense, et dont l’objectif était la démocratisation politique et les réformes sociales. Mais l’échange avec Branting ne fut pas unilatéral et, réticent au début, Palmstierna se laissa convaincre que la ligne de politique étrangère que menait Branting était la seule judicieuse57.
25Le second lieutenant de Branting, Värner Rydén58 qui devenait ministre de l’Instruction et des Cultes, avait plus vigoureusement encore peut-être poussé le Parti dans cette direction. Socialement Rydén provenait d’une toute autre planète : ce fils de paysan du Blekinge était devenu instituteur à force de travail, promotion imperceptible dans l’univers aristocratique des Palmstierna où le recours aux précepteurs était encore fréquent Politiquement il avait un ancrage dans le Parti que Palmstierna était loin d’avoir : d’une part il présidait depuis 1905 la plus puissante Fédération, celle de Scanie, d’autre part, il était secrétaire du Groupe parlementaire dont il écrivait les convocations et les procès-verbaux. Bien qu’il n’appartînt pas au Comité Directeur, il était peut-être plus au centre des mécanismes du S.A.P. que ne l’était Palmstierna.
26Mais les deux hommes avaient des qualités communes : leur sens de l’ordre et de l’organisation qui les rendait indispensables auprès de Branting, facilement négligent et oublieux ; leur aptitude et leur facilité à rédiger, qualités qui se manifestaient non seulement dans la presse mais aussi dans le travail parlementaire, où les motions et interpellations s’étaient multipliées, et où tous deux étaient très profondément engagés dans le travail et la vie des grandes commissions. Par son activité au sein des commissions du Budget (Statsutskottet) et de la Défense (Försvarsutskottet) Rydén était devenu pour Branting un collaborateur que sa compétence rendait quasi irremplaçable59. Mais les deux hommes ne devinrent jamais des intimes, peut-être, comme le souligne Agne Gustafsson, parce qu’un petit univers séparait toujours un instituteur de province d’un étudiant d’Uppsala, même dans la famille socialiste60. Branting, cependant, fît preuve à son égard d’une bienveillance peut-être excessive. Car Rydén présentait des défauts de caractère qui lui valaient bien des inimitiés dans le Parti : il était intolérant, autoritaire et volontiers dominateur61. D’autre part peut-être en raison de ses origines sociales, il était faible devant l’argent. En partie sous l’influence de Aschberg, il se laissa entraîner dans des spéculations financières62 qui devaient causer sa chute en novembre 191963.
27Malgré la diversité des personnalités, l’unité de l’équipe ministérielle sociale-démocrate devait se faire autour du charisme de Branting. Cette surbordination n’excluait pas les mouvements d’humeur contre "le père" de la part de ministres peut-être plus ambitieux que lui.
Notes de bas de page
1 C’est en 1899 que Branting avait été condamné à 3 mois et demi de prison pour avoir imprimé dans le Socialdemokraten un article de Axel Danielson, jugé séditieux, et qui avait entraîné la saisie de "Arbetet" où il avait été publié.
2 Socialdemokratiska Partistyrelsens berättelse för år 1917… p. 16.
3 Ibid., p. 93
4 Anders Östlind, op. cit., p. 165.
5 Ibid, p. 166. La population totale suédoise qui en décembre 1917 atteingait 5 800 847 habitants, restait encore très majoritairement rural (4 153 886 habitants) malgré le développement urbain (1 646 961 habitants) (Statistisk årsbok, 1920, pp. 6-7).
6 Pour le débat sur la réalité (et ses limites) de la transformation du S.A.P. de "parti ouvrier" en "parti des classes moyennes", cf. notamment Leif Lewin, Bo Jansson, Dag Sörbom. The swedish Electorale 1887-1969, Stockholm, 1972, p. 168.
7 Cf. p. ex. La Conférence de Erik Hedén à Uppsala le 30.8.1917 : "Est-ce que le Parti de Branting est socialiste ?" Socialdemokraten, 5.9.1917 ; cf. aussi son article "Det nya partiets historiska uppgift" in Politiken 18.8.1917.
8 Politiken, 30.8.1917, cf. Margaretha Fahlgren, Litteraturkritiker i arbetarsörelsen. En studie i Erik Hedéns dagskritik 1909-1925, Uppsala, 1981.
9 Génération qui était aussi celle des opposants passés au Parti socialiste de gauche, les Höglund, Nerman et Kilborn.
10 Gustav Möller, När vi började, ... p. 11.
11 Selon une tradition non démentie, le père d’Emma, Carl af Georgii, avait été admis dans la noblesse suédoise en 1821 (cf. Sonja Branting-Westerståhl. Gabriel Branting och Emerentia af Georgii, in Till minnet av. H. Branting, Stockholm, 1960, p. 21).
12 André Waltz, La Revue de Paris, 1.4.1925, p. 617.
13 Cité par Yngre Palmgren in Bilden av Branting… p. 71.
14 Supra p. 265.
15 Supra p. 20.
16 Anna Branting, Min långa resa, Stockholm, 1945, p. 75. C’est en 1884 que Hjalmar Branting avait épousé, contre le voeur de ses proches, Anna von Kraemer, née Jäderin, divorcée et mère de deux jeunes enfants, Vera et Henry.
17 Backlund, Oscar (1846-1916), mort à Pulkova. Ce fut surtout le Directeur de l’Observatoire de Stocholm, le professeur Gyldén (1841-1896) qui exerça une influence sur le jeune Branting. Avant d’être nommé à Stockholm en 1871 Gyldén avait également travaillé en Russie. Il s’intéressait aux questions politiques et sociales et était "radical", c’est-à-dire progressiste. Gyldén fut inspecteur de l’Institut du Travail de Stocholm fondé par Anton Nyström et l’on peut penser qu’il joua un rôle de médiateur dans la donation que Branting fit au bénéfice de cet Institut en 1882. On peut penser que Branting trouva en lui, non seulement un professeur d’astronomie, mais aussi un initiateur à la compréhension de la question sociale russe (Svenskt Biografiskt Lexicon, Gyldén Johan-August-Hugo).
18 Cité par Jan Bolander, Branting och de ryska revolutionärema, in Bilden av Branting… p. 283. En 1878 Branting s’abonna à "Vorwärts".
19 Ibid., p. 285. Branting revint à Paris à plusieurs reprises, en particulier en 1910, comme en témoigne cette lettre de G. Tchitcherine du 8.8.1911 : "En 1908 lorsque j’étais à Stockholm pendant l’affaire Master, en mission pour le Bureau étranger du parti socialdémocrate ouvrier de Russie, j’ai pu, à plusieurs reprises, me rendre chez vous. Plus tard, quand vous étiez à Paris au Congrès National, avant Copenhague, nous nous sommes rencontrés sur le toit de la Coopérative Bellevilloise… (Stockholm, A.R.A. Brantingssamling. G. Tchitcherine à H. Branting, 8.8.1911. Original en allemand, traduction de l’auteur).
20 Frihet, 1925.
21 Ces liens se conservèrent en effet, et sans doute se renforcèrent lors du passage de Bernstein à l’U.S.P.D. Les deux hommes se retrouvèrent lors des "conférences séparées" à Stockholm en juin 1917 .
22 Branting qui avait la conscience exacte de ses possibilités et de ses limites, et qui était l’homme le moins suffisant qui fût, a souvent déploré, ses faiblesses, notamment en français (cf. E. Palmstierna, Åtskilliga egenheter… p. 14). En réalité la lecture de sa correspondance tant en allemand (p. ex. avec Troelstra) qu’en français (p. ex. avec Camille Huysmans) conduit à constater qu’il avait une maîtrise tout à fait réelle de ces deux langues).
23 Cf. Erik Boheman, Dagens Nyheter, 20.11.1960. Boheman fut à partir de 1920 secrétaire de la délégation suédoise auprès de la Société des Nations à Genève où il collabora directement avec Branting.
24 Cf. Lucien Maury. Un orateur. Adolphe Hedin. L’imagination Scandinave. Études et Portraits, Paris, 1928.
25 Journaliste, polémiste rédouté, Hedin conduisit les "néo-libéraux" qui firent leur entrée dans la 2ème Chambre élue en 1868, après l’introduction du bicamérisme. En 1884, l’année même où Branting entra en sociale-démocratie, les néo-libéraux réorganisés par Hedin au sein d’une "Association électorale libérale" (Liberal valmansföreningen) remportèrent un grand succès électoral à Stockholm. Par la suite Hedin devait se tenir à l’écart du nouveau grand Parti libéral (Folkpartiet) qui domina la fin du siècle (1895-1899), puis, malgré une adhésion formelle, du "Parti du rassemblement libéral" (Liberala Samlingspartiet) qui lui succéda à partir de 1900).
26 S.A. Hedin. Vad svenska folket väntar av den nya representationen. Femton brev från en demokrat till svenska riksdagens medlemmar, Stockholm, 1867.
27 Journaliste parlementaire, d’abord pour le Stockholms Dagblad (1883), Branting eut ensuite l’occasion d’écouter le député et l’orateur- assez médiocre – qu’était Hedin (cf. V. Spångberg. Från Arvid Posse till Per Albin Hansson, Stockholm, 1936, p. 101). A partir de 1896 il lui apporta à maintes reprises son concours à la Chambre. Lors des élections de 1899 le Socialdemokraten avait encouragé les élections de 1899 le Socialdemokraten avait encouragé les électeurs du S.A.P. à voter pour la liste Hedin-Staaf dans certaines circonscriptions de Stockholm où les chances des candidats du Parti semblaient minimes.
28 Georg Brandes (1842-1927) renouvela la critique littéraire et la pensée philosophique danoise en puisant largement dans les nouvelles sources occidentales, anglaise (Spencer, Stuart Mill) et française (Renan, Taine, Sainte-Beuve).
29 Ibsen à Brandes, 17.2.1871. Cité par S.G. Edqvist, Samhälhets fiende. En studie i Strindbergs anarkism till och med Tjänstekvinnans son, Stockholm, 1961. Cf. aussi G. Ahlström, G. Brandes’Hovedstromninger. En ideologisk undersökning, Lund, 1937 et C. Collin, Henrik Ibsens fremtidsdrom, 1906.
30 August Strindberg (1849-1912) et Branting s’étaient rencontrés dès 1876.
31 Selon l’expression même de Branting qui a témoigné " de ces années avec Ibsen et G. Brandes comme prophètes et l’influence personnelle d’August Strindberg dans la force révolutionnaire de sa jeunesse" (Ture Nerman. Hjalmar Branting. Kulturpublicisten, Stockholm, 1958, p. 17.
32 Fille du gouverneur de Saint-Pétersbourg et auteur de l’attentat à la bombe qui coûta à la vie à Alexandre II le 1er mars 1881.
33 Comme l’a bien montré S.G. Edqvist. Tiden. 1955. Branting anno 1882.
34 Benoît Malon. Histoire du socialisme… Lugano, 1873. A. Schäffle. Die Quintessenz des Sozialismus, Gotha, 1878.
35 En particulier les "Karl Marx’ökonomische Lehren" publiées par Kautsky en 1887.
36 E. Palmstierna, Åtskilliga Egenheter… p. 21.
37 Figaro, 2.10.1866. Jörgens Stockholms brev. Jörgen était le pseudonyme du journaliste Georg Lundström.
38 H. Tingsten, op. cit., I, p. 137.
39 Branting, au-delà des choix politiques, a-t-il éprouvé, consciemment ou non, une sorte de solidarité de culture avec les classes dirigeantes suédoises – dont son origine sociale et la – relative- homogénéité de la société suédoise, ne l’éloignaient pas excessivement ? La question mérite, au moins, d’être posée.
40 Sven Hedin. Andra varningen, Stockholm, 1914… "L’heure décisive est arrivée. Autour de nos frontières l’horizon s’obscurcit et le tonnerre peut rouler jusqu’à nos têtes plus tôt que nous ne l’imaginons... On ne pèse pas la patrie à la balance des mercantis. A nous le joyeux courage qui, lorsque l’heure décisive a sonné, n’hésite pas à exiger les derniers sacrifices. Sachons profiter de l’occasion, comme fit le jeune roi-héros dans les neiges de Narva… " Comme l’a écrit V. Spångberg : "On espère que la rigueur de l’ordre prussien s’étendra à d’autres pays, l’emportera dans le domaine de l’action et de la discipline militaires et aussi dans le domaine politique : le développement démocratique serait brisé, le Riksdag enchaîné, la monarchie toute puissante grâce à une armée victorieuse..." (Sveriges neutralitets politik i världskrigets belysning).
41 Axel Danielson (1863-1899), le seul qui put pour un court moment s’opposer à l’ascension de Branting, puis qui dut lui abandonner le Socialdemokraten pour aller fonder "Arbetet" (Le Travail) à Malmö, a écrit dès 1889, dans un article émouvant, que Branting en raison, notamment, de sa "nature chevaleresque" était plus que tout autre mûr pour conduire le jeune mouvement (Arbetet, 10.8.1889).
42 E. Palmstierna, Åtskilliga Egenheter… p. 16.
43 Alors que tant d’hommes politiques suédois, à l’image du souverain ou d’un Trygger se sont enrichis pendant la guerre, Branting a plutôt vécu parmi les emprunts et les dettes. Olof Aschberg a écrit que c’était "des traites et des emprunts à l’infini" (En vandrande jude från Glasbruksgatan…). Après la constitution de la "Nya Banken" en 1912, le tout fut dégagé et converti en en un emprunt de 12 000 couronnes consenti par cette banque à Branting. Puis de nouveaux crédits lui furent donnés, à la veille de la guerre, pour la modernisation et l’agrandissement de la maison familiale de Norrtullsgatan qui était – heureusement – un majorat inaliénable. Les archives de la Banque montrent que des traites étaient toujours tirées sur lui pendant la guerre, par exemple 4 000 couronnes dans la comptabilité de 1916 (Stockholm. R.A. Bank och Fond Inspektionen. Fl aa 39 et 40. Nya Banken).
44 La Banque russo-asiatique était à Pétrograd correspondant de la Nya Banken.
45 Stockholm. Ambassade de France. Papiers Niessel. Le Cdt Thomas au Ministre de la guerre (2ème Bureau. SR) et au Général chef de la Mission Militaire française à Pétrograd. 22.9.1917.
46 Sur Olof Aschberg et la Nya Banken, cf. Supra, p. 136, note 82.
47 E. Palmstierna. Atskilliga enheter… p. 19.
48 Ibid., p. 25.
49 Cf. Supra, p. 36.
50 Stockholm. R.A. Sam Clasons stenografiska anteckningar. 30.9.1917.
51 Swartz chercha à s’opposer à l’entrée de Branting dans un éventuel ministère Widen puis se résigna (Widens dagbok. 30.9.1917). Trygger était favorable à la participation du Président du S.A.P., mais à un ministère où les partisans de l’Entente n’auraient pas une trop grande influence (E. Tryggers dagbok. 11.10.1917). Lindman se résigna aussi, tout en estimant que Branting serait politiquement immobilisé par la responsabilité du ministère des Finances, poste pour lequel il était "totalement incompétent", et tout en notant aussi avec quelques inquiétude que les "Grandes Commissions" (et notamment celle du Commerce) dépendaient de ce ministère (A. Lindman. Dagboks-anteckningar… 15.10.1917).
52 Gerhard Magnusson.
53 Une appréciation sur son rôle dans Torbacke (J) E. Palmstiernas tryckta dagböcker. Källkritiska observationen. Scandia, 35, 1969, pp. 353-63.
54 En particulier lors de la crise de la grève générale de 1909. Cf. Sven Ulric Palme, På Karl Staffs tid…, pp. 236-251.
55 Les Emprunts des villes suédoises (De Svenska städernas låneväsen) ; la nationalisation de la houille blanche (Vattenkraftens socialisering) ; La paix et la guerre (Fred och Krig), 1914 ; Une paix durable (Varaktig Fred), 1915 ; Une force de sécurité internationale (Internationell Ordningsmakt), 1916.
56 Appelé aussi "Vi" (nous, premier mot des convocations : nous nous réunirons...).
57 Sur les relations Branting-Palmstierna, cf. Agne Gustafsson. Mellan höger och vänster. Branting och Palmstierna in Bilden av Branting… Stockholm 1975, p. 246.
58 1878-1930.
59 Rydén était devenu en fait le véritable expert des questions militaires au sein du S.A.P. Non seulement il prenait une part active aux travaux de Försvarsutskottet, mais aussi il appartenait depuis l’été 1916 à plusieurs commissions spécialisées telles que la Commission des Bases navales et la Commission de la Landstorm (Stockholm. S.A.P. verkställande utskottets protokoll, 20.6 et 3.7.1916).
60 Agne Gustafsson, op. cit., p. 258.
61 Les réactions personnelles suscitées par ces défauts émergent par exemple dans une note de Osten Undén où ce dernier écrit qu’il peut "haïr" Rydén qui, lorsqu’il s’agit de juger les hommes se refuse à admettre leur "indépendance" vis-à-vis de lui et fait preuve de "pure vilénie". (Stockholm. K.B. Östens Undéns dagböcker. 6.8.1918).
62 Dans des Sociétés comme Svensk Import ou Zenno qui firent des banqueroutes frauduleuses à la veille du Congrès de 1920. (cf. E. Wigforss, Minnen, ... II, p. 140 et E. Palmstierna, Åtskilliga Egenheter.... p. 65).
63 Rydén dut d’abord abandonner son portefeuille de ministre de l’Instruction, puis son mandat parlementaire. La "fascination de l’or sur ceux qui n’en ont jamais eu", comme l’écrit Palmstierna (op. cit., II, 9.5.1918) s’exerça aussi sur d’autres proches de Branting, comme Herman Lindqvist compromis par les activités d’une Société importatrice de charbon dont il était devenu le président, Arbetarbränsle.
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