Réflexions sur la notion de puissance militaire à travers l’exemple français (1945-1948)
p. 273-288
Texte intégral
1Cet essai de synthèse sur la perception de la puissance militaire française en 1948 a été rédigé à partir de quatre communications préparées dans le cadre du groupe d’études sur la Puissance constitué en prévision du colloque d’Augsburg en avril 1984 :
- Elisabeth du Réau
Agrégée de l’Université – Université du Maine
"Rénovation de l’armée et puissance française (1945-1948). Les vues du haut commandement à travers l’étude de sources privées". - Lieutenant-colonel Henry Dutailly
Docteur en histoire
"La puissance militaire de la France entre 1945 et 1948 vue à travers les articles de la Revue de Défense nationale". - Lieutenant-colonel Michel Turlotte
Chef de la division "Etudes-Publications" du Service Historique de l’Armée de Terre.
"Les missions des armées et la puissance française (1946-1949)". - Patrick Façon
Docteur en histoire, directeur de recherches au Service Historique de l’Armée de l’Air
"Puissance aérienne et puissance militaire française (1945-1948)".
2 Pour le point de vue "Marine", j’ai utilisé le texte de la communication "La Marine en 1946", présentée par Philippe Masson au colloque "De Gaulle et la nation face aux problèmes de défense (1945-1946)" dont les actes ont été publiés par Plon (1983).
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3Si l’on définit la Puissance, ainsi que l’a fait Raymond Aron, comme la capacité d’imposer sa volonté aux autres, la grande Puissance est l’Etat qui dispose de cette capacité de s’imposer sur l’échiquier mondial et bénéficie donc d’une entière liberté d’action. La puissance militaire serait un des moyens d’exercer cette capacité – par la démonstration ou la force des armes.
4Ce rappel des définitions, qui avait été le préambule de notre précédent essai de synthèse sur la Puissance militaire en 1938 (1), nous paraît indispensable au moment d’aborder la période 1945-48. Un autre rappel s’impose, celui des conclusions tirées au colloque de Sèvres sur la puissance militaire française en 1938.
5Pour le haut commandement français en 1938, les principaux facteurs de la puissance militaire pouvaient ainsi s’analyser :
- Des forces armées immédiatement disponibles où les forces aériennes paraissaient devoir jouer un rôle de plus en plus déterminant – tout au moins au niveau de l’appréciation de la puissance à travers le rapport des forces ;
- Des réserves instruites permettant d’augmenter rapidement le nombre des unités ;
- Un taux de démographie favorable ;
- Une capacité de production développée ;
- Une économie prête à se mobiliser.
6Or l’analyse objective de la situation de la France dans le monde prouvait que la France n’était déjà plus une puissance mondiale, capable d’assurer sans défaillance la sécurité de son Empire (Indochine). Mieux -ou pire – elle ne pouvait demeurer puissance européenne qu’à la condition d’obtenir l’alliance de la Grande-Bretagne et de disposer d’une alliance de revers (U.R.S.S., Pologne et (ou) Petite Entente). Or, refusant dans les faits l’alliance soviétique, la France avait démontré à la Petite Entente qu’elle n’était plus en état d’exercer son leadership, incapable de lui fournir une aide directe sur le champ de bataille et même, faute d’infrastructure industrielle adaptée, de lui fournir l’armement commandé. En 1938 le gouvernement et le haut commandement étaient parfaitement conscients de cette situation qui les privait de toute liberté d’action dans l’immédiat. Mais il ne fallait pas l’avouer : cette réalité était contraire à l’image que l’opinion nationale et internationale gardait de la puissance militaire française victorieuse en 1918. Il y avait totale distorsion entre image et réalité, d’où l’effondrement moral de 1940.
1. Des définitions ambitieuses.
7Cinq ans passent. La France humiliée, occupée, pillée, ravagée, devient à San Francisco, membre permanent, avec droit de veto, du Conseil de sécurité de l’ONU., c’est-à-dire un des Cinq Grands, donc une des cinq grandes puissances mondiales à qui est accordé le droit de faire régner la sécurité dans le monde. C’est un attribut de la Puissance. De plus, elle est l’alliée de l’URSS et dispose d’une zone d’occupation en Allemagne. Et elle a, à sa tête, un chef du gouvernement provisoire, doté d’une rare autorité internationale pour avoir donné au monde l’image d’une volonté indestructible au service d’un grand dessein.
8Ce rétablissement inespéré, qu’exaltait le verbe inspiré du général de Gaulle, se heurtait par contre à un scepticisme généralisé, au plan international comme au plan national.
9Les alliés n’étaient pas dupes, Staline notamment qui jaugeait la Puissance en nombre de divisions ("Le Vatican, combien de divisions ?"). Il ne pouvait ignorer que la participation militaire de la France à la libération de l’Europe s’était limité à huit divisions auxquelles s’étaient ajoutées in extremis quelques grandes unités vouées à une rapide dissolution.
10Quant au peuple français, passée la chaleur de la Libération, il constatait la permanence des restrictions, la précarité de la vie économique, la lenteur de la reconstruction. Ses représentants à l’Assemblée consultative prêchaient le retour rapide à une armée de temps de paix, au moindre coût.
11Comment donc, dans un tel contexte, tenir son rang de Grande Puissance, quel rôle définir à l’armée, instrument de cette puissance ?
12Il est indispensable de remonter à la période 1944 – janvier 1946, c’est-à-dire avant le départ du général de Gaulle, où sont définies pour la première fois les missions de l’armée française de l’après-guerre. Deux hommes sont à la base des options prises : de Gaulle qui préside le Comité de Défense nationale, le Général Juin, alors chef d’état-major général de la Défense nationale, qui en prépare les décisions. A travers celles-ci, on peut retenir l’énoncé des quatre missions prioritaires dévolues à l’armée2 :
- mise sur pied d’une force d’intervention terrestre et aéro-navale ;
- assurer la sécurité de l’Empire ;
- préparation de réserves instruites dans l’éventualité d’une guerre totale et prolongée ;
- participation aux forces de sécurité de l’ONU.
13A travers ces missions, se dégagent les facteurs qui font, pour de Gaulle et Juin, d’un Etat une grande Puissance militaire :
a. "Disposer d’un instrument d’intervention toujours prêt aux actions de recours" ; cette citation tirée de Vers l’ Armée de métier explicite très bien cette priorité donnée à l’organisation d’une force armée limitée qui doit être l’instrument de la politique étrangère, dissuasif car perçu comme pouvant être prêt à intervenir à tout instant. Huit jours après le départ de de Gaulle du gouvernement, le général Juin informant Félix Gouin, successeur du Général, des missions à confier à l’armée, soulignera dans le même esprit :
"La première des idées qui s’imposent à l’esprit est celle d’une force d’intervention. Il importe... pour ne plus revoir Munich, pour se tenir prêt à toute éventualité dans l’Empire... et pour satisfaire à nos obligations internationales dans le cadre des Nations Unies de disposer en permanence de forces aptes à la guerre, susceptibles d’être déclenchées en quelques heures..."3.
Ainsi, disposer d’une force armée qui soit l’instrument de la politique étrangère et qui permette de participer à la sécurité internationale au niveau du Conseil de Sécurité, est un incontestable facteur de puissance.
b. Autre élément non moins important : disposer d’espace d’où l’accent mis sur la sécurité de l’Empire et des routes maritimes et aériennes le reliant à la métropole4.
14Un rédacteur de la Revue de Défense nationale affirme en juillet 1945 :
"La sûreté de la France ne peut être distinguée de celle de l’Empire. Si l’unité en était menacée, c’est l’existence même de la France qui serait en péril de mort. C’est ce bien vital que nous devons matérialiser sans lésiner sur l’effort qu’il nous demandera"5.
Le lieutenant-colonel Dutailly remarque justement, à ce propos, que la situation est inversée par rapport à 1939 :
"Le haut commandement estimait alors que le sort de l’Empire se jouerait sur le Rhin. En 1945, il faut admettre que les colonies se défendent sur place en Afrique comme en Asie"6.
Il est d’ailleurs bien clair pour de Gaulle et le Comité de Défense nationale que désormais "la guerre ne se joue plus à l’échelle de la métropole, mais à celle de l’Empire"7. Identiquement dans un mémoire du 10 décembre 1945, longuement cité par Elisabeth du Réau8, le Général de Lattre de Tassigny, nouvel inspecteur général de l’armée, insiste sur l’appoint de l’Empire :
"La France impériale est riche de nombreuses colonies où elle a le devoir de maintenir sans conteste sa souveraineté... les territoires quelqu’en soit le régime juridique forment un tout moral à quoi notre pays doit de demeurer une puissance mondiale".
15Cette notion d’espace indispensable est également soulignée par le Lieutenant-colonel Turlotte qui cite un texte postérieur du Général Juin, soumis en juin 1946 au Comité de Défense nationale :
"... Ce sont les positions géographiques occupées par l’Union française qui, à l’heure actuelle et pour de nombreuses années constituent l’atout principal de la France, sur le plan mondial, beaucoup plus que ses possibilités économiques et démographiques"9.
16La capacité d’intervention, l’espace (qui permet l’implantation de bases stratégiques) soit, mais la bombe atomique ? Aucun des textes préparés pour les Comités de Défense nationale n’évoque, après Hiroshima, cette perspective. Et pourtant, c’est seulement deux mois après Hiroshima qu’est signée l’ordonnance du 18 octobre 1945 créant le Commissariat à l’Energie atomique. On connaît désormais le secret qui présida à sa rédaction10, le Général de Gaulle corrigeant de sa main le projet. L’ordonnance précisait que le C.E.A. "poursuit les recherches scientifiques et techniques en vue de l’utilisation de l’énergie atomique dans les divers domaines de la science, de l’industrie de la Défense nationale". La création du CEA fut peu commentée dans la presse, encore moins l’utilisation possible aux fins de Défense nationale. Et pourtant le Général Lassale, témoignant récemment11 de son activité comme officier à l’état-major de la Défense nationale en 1945, tint à dire qu’ "aucun d’entre nous (les officiers de l’EMDN) ne doutait à l’époque" des activités possibles du CEA à des fins militaires.
17De toutes façons il n’était probablement pas sain, à la fin de 1945, de prétendre vouloir se doter dans l’avenir d’une bombe atomique. Dans le délabrement français, c’était d’ailleurs proprement irréalisable.
18Comme le devint rapidement la mise sur pied de la force d’intervention. Face aux réalités financières et économiques, les projets de réorganisation de l’armée française entre 1944 et janvier 1946 s’apparentèrent à une peau de chagrin. De Gaulle lui-même devait s’incliner devant les réalités et arbitrer les conflits Pleven-haut commandement en réduisant le budget militaire. D’ailleurs lui-même n’avait-il pas déclaré :
"Hier il n’y avait pas de devoir national qui l’emportât sur celui de combattre. Aujourd’hui, il n’y en a pas qui l’emporte sur celui de produire ?"12.
19Quand le Général de Gaulle quitte le gouvernement, la définition des missions imparties à la nouvelle armée française, a fait apparaître quels sont, pour lui en 1945, les facteurs décisifs de la puissance militaire. Mais tout est resté à l’état d’ébauches que les contraintes budgétaires font passer du trait plein au pointillé.
2. Les définitions face aux réalités.
20Avec de Gaulle disparaît un chef de gouvernement qui a toujours prôné le primat du politique sur le militaire et a été capable de l’exercer par sa connaissance interne des problèmes militaires. Ses successeurs ne sont pas dans le même cas. Aussi le haut commandement fait-il entendre plus aisément sa voix, ou plutôt ses voix, car la discordance Air-Terre est publique.
21Ce haut commandement, c’est essentiellement le Général Juin, chef d’Etat-Major général de la Défense nationale depuis le 12 août 1944 et qui le reste jusqu’à sa nomination au poste de commissaire résident général de la République française au Maroc, le 14 mai 1947 ; le Général de Lattre de Tassigny nommé le 30 novembre 1945 inspecteur général et chef d’Etat-Major général de l’Armée de Terre, vice-président du Conseil supérieur de la Guerre et Commandant en chef désigné des armées françaises en temps de guerre. A ces deux personnalités de poids, il faut ajouter les successifs chefs d’état-major de l’armée de l’Air, les Généraux Bouscat, Gérardot (1946-47), puis Léchères (à partir du 2 février 1948).
22Nous n’évoquerons que pour mémoire la Marine. En 1938, elle était un des éléments de la puissance militaire française, le seul capable de soutenir un rapport des forces favorables. En 1946 par contre, cette Marine qui a perdu la moitié de son tonnage, qui a ses bases détruites, ses centres d’études et d’essais à peu près disparus, ne peut plus compter parmi les puissances maritimes mondiales. L’état-major de la Marine en est très conscient et sait que la nation ne pourra soutenir d’ici longtemps l’effort industriel et financier indispensable à la restauration d’une marine compétitive. Il réduit donc de 50 % ses ambitions, en définissant un statut naval à réaliser sur douze ans. Ce point de vue réalise et modeste doit permettre au gouvernement de répondre à la question posée par le Conseil supérieur de la Marine :
"Que vaudrons-nous comme puissance coloniale et internationale si nous ne disposons, au minimum, des modestes forces maritimes prévues par le statut ?13
Mais si elle est modeste dans ses ambitions du moment, la Marine n’en souligne pas moins le rôle décisif qu’elle doit jouer dans le maintien des communications maritimes avec l’Empire.
23La polémique entre l’état-major de la Défense nationale et celui de l’armée de l’Air repose sur une question de fond : quelle stratégie pour quelle guerre ? Il n’est pas question d’aborder ici ce conflit, sauf dans la mesure où il nous permet de déterminer quels sont, pour les uns et les autres, les facteurs d’une puissance militaire. Patrick Façon a très bien développé dans sa communication14 les arguments des aviateurs, tirant les leçons de la seconde guerre mondiale. La puissance militaire passe-t-elle par la primauté de l’armée de l’air ? Pour le Général Gérardot la réponse ne fait aucun doute :
"L’Armée de Terre perd son rôle d’armée principale..." ; celle-ci "celle qui permettra d’éviter en outre dans toute la mesure du possible la destruction du pays, c’est l’Armée de l’Air... ce qu’il faut lui donner, c’est la première place dans notre défense nationale"15.
24Le rapport au ministre qui précède l’Instruction provisoire sur l’emploi des forces aériennes, souligne en 1947 que "la supériorité aérienne apparaît désormais aux yeux de tous comme la condition préalable et indispensable du succès des opérations dans les trois domaines terrestre, maritime et aérien"16.
25Il faut bien admettre que ce primat de l’arme aérienne hautement énoncé s’intégre mal dans les missions de l’armée telles qu’elles ont été définies par le Général de Gaulle et reprises par le Général Juin. Car la capacité d’intervention est essentiellement terrestre, évaluée initialement à 10 divisions regroupées dans une force d’intervention terrestre et aéronavale dont les composantes Air et Marine chiffrées à 2.000 avions et 300.000 tonnes, ne jouent qu’un rôle d’appui et de transport des forces terrestres.
26Cette discordance que l’armée de l’Air rendit publique en 1947 en publiant son Instruction d’emploi, sans l’aval de l’état-major de la Défense nationale ni du ministre, est née d’une analyse différente des enseignements de la seconde guerre mondiale. De Gaulle tire sa conclusion de cette guerre dévastatrice : il faut en éviter le renouvellement ; seule une capacité d’intervention – limitée dans son volume, immédiate dans son action – permet d’étouffer dans l’oeuf les conflits qui menacent la nation, ou, tout au moins, permet de les limiter, et ainsi d’éviter l’escalade aux extrêmes. Pour les aviateurs au contraire, la guerre à tendance à revêtir "de plus en plus l’allure de la guerre totale"17 et "l’évolution de la politique mondiale des grands Etats ne permet plus d’envisager une guerre localisée entre Grandes Puissances"18. Dans cette analyse, la puissance aérienne est le facteur dominant de la puissance militaire ; dans l’analyse gaullienne, c’est la capacité d’intervention instantanée aux mains d’un chef d’Etat au sang-froid et à la détermination reconnus.
27Mais il est bien évident que la volonté de disposer d’une capacité d’intervention autonome ou de la puissance aérienne apparaissent bien théoriques confrontées à la réalités des années 1946-1947-1948. Ce ne pouvaient être que des projets à très long terme. La Marine, très réaliste, s’était donné douze ans pour réaliser un statut naval qui ne représentait que la moitié de ses ambitions19. De son côté, le Général Juin, tout en tentant de convaincre Félix Gouin de la nécessité d’une force d’intervention, définissait dès le 26 janvier 1946, le concept "d’armées de transition calculées au plus juste prix... en raison des inconnues qui pèsent du fait de la science et de la non conclusion des traités sur les conditions futures de notre sécurité et en raison surtout de la précarité de notre économie"20. Ces armées devaient correspondre à la réalisation de missions précises, "à l’exclusion de tout autre but" :
- occupation des zones françaises d’Allemagne et d’Autriche ;
- rétablissement de la souveraineté française en Indochine ;
- maintien de la paix dans l’ensemble de l’Empire et notamment en Afrique- du Nord ;
- participation éventuelle à la sécurité collective ;
sans oublier la mission permanente "d’assurer la formation des contingents de recrues pour nous ménager des réserves instruites"21.
28Ces objectifs mettaient en veilleuse les grandes ambitions de tenir le rang de grande Puissance, dont la condition nécessaire apparaissait bien, dans l’esprit du Général Juin, le rétablissement de la souveraineté et de la sécurité dans tout l’Empire.
29Il n’est donc pas surprenant que la Commission Guyot, réunie en juin 1946 pour étudier l’avenir immédiat de l’Armée de l’Air, ait conclu le 4 juillet :
"Si la recherche de la maîtrise de l’air est en temps de guerre la mission première de l’Armée de l’Air, il ne peut être envisagée dans les circonstances actuelles et pour la période de transition qui s’étend jusqu’à 1950 d’orienter principalement l’effort de l’Armée de l’Air dans ce sens"22.
Le Général Bouscat, alors chef d’état-major de l’Air pourra protester, comme il a protesté contre l’affirmation du Général Juin "qu’en cas de conflit contre une puissance militaire aérienne, de quelque valeur, la conquête et la conservation de la maîtrise de l’air devront être essentiellement confiées à de grands alliés"23. Mais les faits sont têtus et la notion de période de transition s’imposera à l’armée de l’Air comme à la Marine et à l’armée de Terre.
30Elle s’impose d’autant plus que l’année 1947 est riche en événements peu favorables à une évolution positive de la puissance militaire française :
- La notion d’Empire, même relayée par celle d’Union française, se fissure : le coup de force d’Hanoï (19 – 20 décembre 1946) contraint à l’abandon de tout espoir de rétablir pacifiquement la souveraineté française en Indochine. Simultanément, l’insurrection malgache (août 1947) oblige, pour la mater, à prélever des troupes sur les renforts envoyés en Extrême-Orient. Et la Tunisie s’agite. Devant ces faits, les rédacteurs de la Revue de Défense nationale s’inquiètent, eux qui développaient le thème de "la Puissance par l’Empire"24 ;
- Les rapports Est-Ouest dégénèrent en guerre froide. L’échec de la conférence de Paris (27 juin – 2 juillet 1947) souligne les risques d’une nouvelle conflagration mondiale et questionne sur l’attitude de la France dans ce cas. Le Général Humbert, qui assure l’intérim du chef d’état-major général de la Défense nationale après le départ du Général Juin, demande alors des instructions au gouvernement Ramadier en soulignant que jusqu’à présent "la situation de notre potentiel militaire, faute de réserve en matériels, interdisait à la France toute mobilisation et ne lui permettait de participer à un tel conflit qu’avec l’aide d’une puissance étrangère"25.
31Aveu d’impuissance alors que l’état-major du Général Humbert soulignait simultanément l’énorme disproportion des forces terrestres en Europe (140 divisions soviétiques contre 9 divisions américaines), marquant ainsi la possibilité pour l’URSS "d’inonder la totalité de l’Europe dans un délai extrêmement court"26.
32Ainsi la France ne pouvait rien sans l’aide étrangère. Mais quel allié ? L’URSS du pacte de Moscou (1944) ? La Grande-Bretagne, du traité de Dunkerque (4 mars 1947), officiellement dirigé contre l’Allemagne mais que certains observateurs27 analysaient comme la préfiguration d’un front européen contre l’URSS, ce que paraît confirmer la fondation de l’Union de l’Europe occidentale à Bruxelles un an plus tard ?
- La dégradation de la situation intérieure française avec les grèves insurrectionnelles de l’automne 1947. Le Général de Lattre de Tassigny, toujours inspecteur général de l’armée, est alors appelé à réétudier complètement l’organisation du maintien de l’ordre. Il est important de noter que, jusqu’à présent, cette mission de maintien de l’ordre n’apparaissait pas dans les missions dévolues aux forces armées. Seul de Lattre, dans le mémoire qu’il avait rédigé en décembre 1945 au moment où il prenait ses fonctions, avait tenu à rappeler "la nécessité que connaît tout gouvernement de disposer de moyens suffisants pour assurer l’ordre en cas de crise intérieure"28. Deux ans plus tard, l’actualité imposait cette mission mais permettait de poser une question essentielle : un pays miné de l’intérieur, qui doit envisager de diviser ses forces contre deux ennemis, celui de l’extérieur, celui de l’intérieur, mérite-t-il le statut de grande Puissance ? Sa puissance militaire est-elle plausible ?
- La confirmation du retard du redressement industriel français qui hypothèque toute velléité de reconstruire une armée moderne. C’est l’armée de l’Air qui en fait le plus pénible constat. P. Façon parle de "faillite de la politique industrielle" et cite une conférence du Général Hartemann insistant sur les espoirs que l’état-major général de l’armée de l’air "mettait bien à tort dans le miracle de l’industrie française"29. En fait cet état-major avait bien pris conscience du problème. Dans un rapport de janvier 1948 il note que les résultats auxquels est parvenue l’industrie nationale "aggravent de façon injustifiable les destructions de la guerre et de l’occupation... Il apparaît toutefois que dans la voie où s’est engagée l’industrie nationale, les huit ou dix années à venir constituent encore un trop court délai pour fournir au pays les moyens aériens de sa sécurité"30. Ainsi l’état-major de l’armée de l’Air s’accordait-il sur les délais que s’était fixés la marine depuis 1946.
33Les conséquences cumulées de ces quatre événements se traduisent par un véritable constat d’impuissance tiré par le gouvernement Schuman en juin 1948 à la veille du blocus de Berlin. Le Lieutenant-colonel Turlotte a bien analysé toutes les études faites par l’état-major de la Défense nationale et des comités interarmées pendant le premier semestre 194831. Elles aboutissent :
34. à la présentation d’un plan de mobilisation dit plan R, c’est-à- dire réduit (R) parce que toutes les ressources en personnel ne sont pas mobilisées, faute de matériels. Il a la caractéristique de combiner plan de mobilisation et plan de protection (c’est-à-dire maintien de l’ordre).
35. à un projet d’organisation logistique, en cas de conflit immédiat qui aboutit à évacuer le maximum de moyens en Afrique du Nord.
36Il n’est donc pas étonnant que, le 14 juin 1948 le président du Conseil, R. Schuman, demande à son ministre des Armées d’adapter le plan R aux graves circonstances du moment. S’il admet que la mission supérieure des armées demeure la défense du territoire, R. Schuman estime que, compte tenu de notre faiblesse, l’invasion de la métropole est à prévoir après quinze à vingt jours de combat et que la libération ultérieure ne pourra venir que d’une action provenant de Grande-Bretagne, d’Espagne ou d’Afrique du Nord. Il faut donc dès maintenant mener une politique de renforcement du potentiel de combat de l’AFN et de l’Afrique Noire32.
37Cette perspective dramatique, qui envisageait la nécessité d’une reconquête du territoire depuis l’extérieur, ne fut pas retenue en fin de compte par le Comité de Défense nationale, après un vigoureux plaidoyer du Général de Lattre de Tassigny. Pouvait-on faire admettre à la population française la perspective d’un nouveau Dunkerque, cette fois programmé, ainsi que le souligne le Lieutenant-colonel Turlotte ? Finalement le Comité de Défense nationale du 27 novembre 1948 définissait ainsi les missions des armées françaises33 :
- Assurer, avec le concours des alliés, la couverture de la frontière du Rhin ;
- Participer à l’intérieur du pays au maintien de l’ordre public et des institutions républicaines et, en cas de guerre, assurer la protection territoriale ;
- Assurer la cohésion et la sécurité de l’Union française et la liberté des principales voies de communication ;
- Exécuter les obligations résultant des traités internationaux.
Il suffit de comparer ces modestes missions à la politique militaire définie trois ans plus tôt par le Général de Gaulle, pour mesurer le chemin parcouru. La conclusion est tirée brutalement par un officier rédacteur de l’état-major de la Défense nationale : la France est une "non-puissance” et pour deux raisons majeures : elle ne peut imposer sa volonté ; elle est privée de liberté d’action car ses forces les plus modernisées servent un matériel d’origine étrangère, ce qui la rend tributaire du ou des fournisseurs34.
3. Une nouvelle réflexion sur la puissance.
38Mais la gravité de la situation internationale imposait d’accepter cette dépendance, à travers l’aillance indispensable. Ce n’était pas de gaieté de coeur. L’état-major de l’armée de l’Air, qui avait reproché en 1947 au Général Juin d’envisager de s’en remettre à la couverture aérienne alliée, était bien obligé d’admettre en 1948 la nécessité de l’alliance avec la Grande-Bretagne ; elle seule, dans le cadre du pacte de Bruxelles, pouvait subvenir aux besoins immédiats de l’armée de l’Air en appareils à réaction. Les forces aériennes françaises étaient en 1948 dans un état de faiblesse comparable à celui des forces en 1938, mais celles-ci étaient restées autonomes. Or, pour le Général Hartemann, l’héritage de la seconde guerre mondiale proscrivait cette autonomie :
"Maintenant notre but est d’apporter aux Forces fédérales de l’Europe occidentale une participation logique et proportionnée à notre mission"35.
A plus longue échéance, pour le même auteur, l’alliance avec les Etats- Unis devenait inéluctable car "seule l’Amérique est à l’échelle des moyens modernes... Toute organisation militaire sérieuse (passe par) un pacte atlantique armé"36.
39Une telle évolution ne manquait pas de soulever des inquiétudes de deux ordres :
- crainte que l’intégration de faibles forces dans une organisation militaire alliée, ne se traduise par une subordination plus ou moins totale au commandement allié,
- crainte de s’intégrer à un des blocs anglo-saxon ou soviétique. N’est-ce pas le Général Léchères qui, au moment de devenir chef d’Etat- Major général de l’armée de l’Air, préconisait la création d’un ensemble européen qui s’interposerait entre les deux blocs ?37
40La dépendance, acceptée par nécessité, n’empêchait pas de réfléchir aux conditions permettant de retrouver le statut de Puissance reconnue et d’analyser les facteurs d’une future puissance militaire.
41Il y avait deux démarches : l’une partant de l’homme, l’autre des conditions matérielles de la guerre.
42Le Général de Lattre qui garde les fonctions d’inspecteur général de l’armée38 a remarqué, en 1947, que "plus les bouleversements scientifiques sont considérables, plus ils soulignent la permanence de certaines constances autour desquelles s’opèrent en dernière analyse les adaptations réclamées par le progrès". Reprenant l’expression de Montgomery "L’homme est la première arme dans la guerre", il estime que la première mission de l’armée est de former le combattant39. On sait qu’il s’y attacha pendant toute sa carrière. Dans ces années difficiles, il lui paraît encore plus important de réussir cette formation, car "le potentiel de la France réside essentiellement dans ses effectifs instruits"40. Un an plus tard, le 14 janvier 1948 le Général de Lattre, préconisant de nouvelles mesures pour la mobilisation, conclura :
"A ces mesures... correspondra un accroissement important de nos effectifs instruits disponibles. C’est un gage certain du renouvellement de notre puissance militaire, nos effectifs constituant pour l’instant notre seule richesse. Encore faudrait-il l’exploiter non seulement pour assurer le maintien de l’ordre mais aussi pour offrir à nos alliés la certitude que la France est toujours prête à jouer son rôle sur le plan mondial"41.
43Notons que par rapport à 1938, la notion de potentiel humain est beaucoup plus qualitative. Le facteur démographique est bien moins évoqué en 1948.
44Cette priorité au qualitatif est encore développée par la prise de conscience, chez certains, du rôle de plus en plus prédominant joué dans la guerre, par l’idéologie. La rupture du camp des vainqueurs de 1945 en deux blocs divisés par des idéologies rivales, la menace d’une rupture interne à l’occasion de grèves insurrectionnelles provoquent une réflexion sur l’armature morale de la nation, facteur de sa puissance militaire. Parmi les articles de la Revue de Défense nationale en 1947-48, le Lieutenant-colonel Dutailly en a relevé deux particulièrement significatifs. C’est d’abord le Général Léchères qui fonde une politique militaire réaliste sur deux facteurs : l’intégration dans un réseau d’alliances et l’idéologie :
"Les pays qui se préoccupent uniquement de leur sécurité, dont les gouvernements sont faibles et n’arrivent pas à formuler un idéal capable de rassembler les pays, sont fatalement la proie de ceux dont la puissance est mise au service d’un idéal si discutable qu’il soit"42.
Deux mois plus tard un capitaine qui se fera rapidement un nom, Argoud, demande au gouvernement de définir une idéologie "susceptible de s’adresser à tous les peuples de l’Union française... de proposer une solution pour la construction moderne de la société, qui réponde aux nécessités des progrès techniques et au développement du machinisme et de s’inscrire dans la longue tradition de la civilisation française, toute imprégnée d’humanisme et de respect de la personne humaine"43. En l’absence d’une telle idéologie, la France n’est pas armée moralement pour supporter une guerre moderne.
45Une autre réflexion se développe, fondée sur une analyse des conditions matérielles de la guerre. Sans affirmer, comme Fuller44, que "ce sont les outils, c’est-à-dire les armes, qui, lorsqu’on a réussi à découvrir ceux qui conviennent, entrent pour les 99 centièmes dans l’obtention de la victoire", beaucoup de responsables militaires estiment que l’évolution rapide des techniques d’armement pendant la seconde guerre mondiale ont fait de la capacité d’innovation scientifique un des facteurs décisifs de la puissance militaire. Dans le rapport, déjà cité, qu’il présente en juin 1946 au Comité de Défense nationale, le Général Juin souligne la nécessité de porter l’effort sur la recherche scientifique "acte de foi dans la supériorité finale de l’esprit sur nos infériorités démographiques et économiques"45.
46La synthèse de ces deux courants est faite par le Colonel Beaufre dans une conférence prononcée en 1947 et que cite longuement et à juste raison, Elisabeth du Réau :
"La guerre moderne sera de plus en plus totale, conséquence de la guerre du matériel, de la guerre de surface et de la guerre des peuples. Il faut donc que l’organisation de l’Etat tienne compte des conditions de la guerre totale de façon à pouvoir, dès le temps de paix, conduire cette stratégie totale, combinaison d’actions psychologiques et diplomatiques, d’efforts économiques, industriels et militaires dont le but est de réaliser cette avance de potentiel qui constitue aujourd’hui la seule forme de sécurité valable"46.
47En conclusion, faisons deux constatations.
- Aucun des cinq textes sur lesquels s’appuie cette synthèse n’évoque la bombe atomique, si ce n’est furtivement Elisabeth du Réau à propos de la conférence du Colonel Beaufre, comme si l’idée de son réemploi, en période de monopole atomique américain apparaissait comme invraisemblable. Pour l’état-major de la Défense nationale, c’est l’extrême déséquilibre des forces conventionnelles soviétiques et américaines qui menace si dangereusement la sécurité de l’Europe en 1948. La bombe atomique n’intervient pas dans le rapport de forces. Mais, en fïligrame, elle réapparaît chaque fois que l’accent est mis, dans les projets d’armée future sur la nécessité de la recherche scientifique et de l’innovation technologique, un des facteurs décisifs de l’avance de potentiel, si bien dégagée par le Colonel Beaufre.
- Dans la France de 1948 la "non-puissance" est un constat dont l’évidence s’impose au gouvernement, à la classe politique, au haut commandement comme à l’opinion. Il n’y a donc pas, comme en 1938, distorsion entre la réalité et une certaine image de la Puissance.
Toutefois, le haut commandement paraît encore estimer qu’une puissance militaire de la France recouvrée, passe par la notion d’espace géographique – Empire devenu Union française – si même les craquements de 1947-1948 laissent désormais présager plus d’inconvénients (dispersion des efforts notamment) que d’avantages. La nomination du Général Juin au poste de résident général au Maroc, montre sa volonté de participer personnellement au maintien de la partie forte de cette Union française, l’Afrique et particulièrement l’Afrique du Nord.
48Mais dans leur réflexion – arrêtée à 1948 – sur les conditions futures de la guerre, les générations montantes d’officiers estiment que le rétablissement de la puissance militaire de la France passe par deux conditions primordiales : la capacité scientifique et industrielle, l’armature morale de l’ensemble Union française. Si certains tentent la synthèse comme Beaufre, d’autres privilégient l’une ou l’autre. Les premiers seront les artisans de la bombe atomique française (Ailleret). Les seconds transformeront la notion d’espace géographique, riche en hommes et en matières premières – en notion d’espace de liberté. A terme, ce sera Argoud et la défense de l’Algérie française.
Notes de bas de page
1 Général Jean DELMAS, La perception de la puissance militaire française, p. 127 in René Girault et Robert Frank (sous direction de), La Puissance en Europe, Paris, Publications de la Sorbonne, 1984, 403 p.
2 Jean DELMAS, "De Gaulle, la défense nationale et les forces armées : projets et réalités (1944-1946)", Revue d’Histoire de la seconde guerre mondiale, n° 110, avril 1978, pp.9 à 24.
3 Mémoire 326 DN/IP/TS du général Juin en date du 25 janvier 1946. Voir infra la communication d’Elisabeth du Réau.
4 Etude de l’EMDN préparant la réunion du Comité de Défense nationale (28 mai 1945) (Archives du Service Historique de l’Armée de Terre – SHAT).
5 Lt-colonel Mesmet, "Les bases navales et aériennes et la sécurité collective", Revue de la Défense nationale, juillet 1945.
6 Voir infra la communication d’Henry Dutailly, p. (3).
7 P. V. du Comité de Défense nationale du 3 janvier 1945, archives SHAT.
8 Voir infra la communication d’Elisabeth du Réau (Archives maréchal de Lattre K 13). Quelques extraits de ce texte sont publiés dans "Ne pas subir, Plon, 1984.
9 Voir infra la communication de Michel TURLOTTE, p. 4.
10 Aline COUTROT, "La création du commissariat à l’énergie atomique", in De Gaulle et la nation face aux problèmes de défense, Paris, Plon, 1984, p. 127 et suiv.
11 Général Pierre LASSALLE, "Sécurité face à l’Est dans l’immédiat après-guerre", in De Gaulle et la nation face aux problèmes de défense, p. 105 et suiv.
12 Général de Gaulle, Discours et messages. Pris, Plon 1970, t. 1, pp.554-555.
13 Philippe MASSON, "La marine française en 1946", in De Gaulle et la nation face aux problèmes de défense, p. 47 et suiv.
14 Voir infra la communication de Patrick Façon.
15 Ibid.
16 Ibid.
17 Ibid.
18 Ibid.
19 Philippe MASSON, art.cit., p. 50.
20 Voir infra la communication d’Elisabeth du Réau.
21 Ibid.
22 Voir infra la communication de Patrick Façon.
23 Ibid.
24 Voir infra la communication d’Henry DUTAILLY.
25 Voir infra la communication de Michel TURLOTTE.
26 Ibid.
27 Maurice PERNOT, "Chronique diplomatique", Revue de Défense nationale, mars 1947.
28 Voir infra la communication d’Elisabeth du Réau.
29 Voir infra la communication de Patrick Façon.
30 Ibid.
31 Voir infra la communication de Michel TURLOTTE.
32 Ibid.
33 Ibid.
34 Ibid.
35 Voir infra la communication de Patrick Façon.
36 Ibid.
37 Voir infra la communication d’Henry DUTAILLY.
38 Depuis le printemps 1947, il est déchargé de ses fonctions de chef d’état-major général de l’armée, au profit du général Revers.
39 Voir infra la communication d’Elisabeth du Réau. Archives de Lattre K 32 C.
40 Ibid.
41 Ibid. Archives de Lattre L 536.
42 Général LECHERES, "La politique militaire de la France”, Revue de Défense nationale, février 1948.
43 Capitaine ARGOUD, "La guerre psychologiques", Revue de Défense nationale, avril 1948.
44 Major général FULLER, Influence de l’armement sur l’Histoire, Paris, Payot, 1948, p. 37.
45 Voir infra la communication de Michel TURLOTTE.
46 Conférence du colonel Beaufre, "Les conditions furtures de la guerre" devant les officiers du Centre de formtion des officiers d’état-major (12 juillet 1946).
Voir infra la communication d’Elisabeth du Réau.
Auteur
Chef du Service Historique de l’Armée de Terre
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