Les Néerlandais et la fragmentation de la terre australe
p. 79-115
Texte intégral
Introduction
1Avant 1492, on ne savait pas qu’un continent américain existait, mais on le trouva. A ce moment, on pensait savoir déjà qu’un vaste continent austral existait. Puis, les découvertes néerlandaises, assez bien documentées et publiées, ont montré que ce continent n’existait pas en une seule pièce.
2La découverte de l’espace qu’on pensait être occupé par le continent austral est une longue histoire de théories et de découvertes qui commence avec Magellan et à laquelle Espagnols, Néerlandais, Français et Anglais ont participé. Entre 1606 et 1722, les navigateurs néerlandais ont presque monopolisé la découverte de l’espace qu’on pensait être occupé par la Terre Australe.
3Ces découvertes, faites par des entreprises commerciales comme investissements dans la recherche de possibilités futures, se faisaient par des capitaines marchands, envoyés par des entrepreneurs généralement assez solides. Ces découvertes se faisaient graduellement, pièce par pièce, mais dans la Compagnie des Indes Orientales d’une manière assez systématique. Elles manquent certainement de la grandeur des découvertes des hommes nobles à la recherche de pays riches d’or ou des âmes à convertir. Les historiens postérieurs n’ont pas aimé la pusillanimité marchande des explorateurs néerlandais, ce n’est pas pour rien que les historiens australiens ont souvent mis tant d’énergie à trouver les preuves d’une découverte par des explorateurs plus nobles, espagnols ou portugais. C’est aussi pourquoi l’esprit de science et d’aventure plus pure d’un Bougainville ou d’un Cook a plus souvent fait appel à l’imagination que les découvertes artisanales d’un Carstensz ou d’un Tasman.
4Néanmoins, il est utile de voir comment la connaissance du monde a été augmentée, pas à pas, par ces marchands dans les étroites marges du possible. Ces marges étaient déterminées par les moyens de navigation insuffisamment exacts, par la manœuvrabilité limitée de navires marchands relégués temporairement à des explorations pour lesquelles ils n’étaient pas construits et par ce qu’on pourrait appeler le budget de recherches limité d’une entreprise commerciale. Les pas se suivirent d’une manière systématique, chaque progrès se basait sur l’étude des renseignements sur des expéditions préalables. Pour comprendre les découvertes néerlandaises, l’essentiel est de voir leur corrélation.
La conception de la Terre Australe
5La conception de la terre comme corps sphérique une fois établie, on arriva bientôt à supposer dans la région du Pôle Sud un continent austral qui servirait de contrepoids aux continents septentrionaux. Ptolémée avait vu ce continent comme une terre qui contournait la partie méridionale de l’Océan Indien en touchant l’Asie dans l’Est. Dans le Moyen Âge chrétien, l’opinion orthodoxe était que l’univers était une boite et la terre un plan. Certains considéraient comme hérétique de penser à une région inaccessible à la Rédemption comme celle des Antipodes ou Antichtones. Malgré tout, d’autres continuaient à croire à un continent séparé au delà des bords de la terra connue, et ce continent apparaît sur plusieurs mappemondes du Moyen Âge. La conception antique de la terre des Antipodes revint avec la Renaissance. Les découvertes du 16e siècle rendaient possible le passage de l’équateur, et on s’attendait à trouver pas très loin au sud des parties désormais connues de l’Amérique, de l’Afrique et de l’Asie un nouveau continent. Le navigateur portugais au service de l’Espagne, Magellan, pensait l’avoir trouvé quand il passait par le détroit qui porte toujours son nom : au Nord, il avait l’Amérique méridionale, au Sud, il pensait que la Terre du Feu était l’extrémité septentrionale du grand continent austral, que fut depuis souvent appelé Terra Magellanica. L’étendue de cette Terra Magellanica était généralement estimée comme énorme, certains cartographes toutefois la considéraient comme à peine plus longue qu’une Terre de Feu1. Cependant, la supposition d’une Terra Magellanica énorme, qui renouait avec les conceptions antiques d’un grand continent austral touchant l’Asie orientale, était dominante. Les éditions imprimées de Ptolémée montraient nettement ce continent. Dans l’ atlas d’Ortelius, le frontispice représentait les cinq continents par des nymphes. Un poème de l’humaniste flamand Meetkercke expliquait ces nymphes. Un ami d’Ortelius, Gérard du Vivier, fit pour la traduction française de l’atlas une version de ce poème :
Non pas loin delà peut on voir le visage
D’une autre nymphe encore incogneüe et sauvage
L’on dit que seulement Magellan un jour
En sa bouche une fois la baisoit par amour
Sans taster plus avant ses membres incognuz
Ignorant s’ilz sont noirs, blancs, tonduz ou veluz
Mais bien il s’en doutoit par les flammes du feu
Qu’a l’alentour d’elle il veit, de n’estre bien venu
Et se retrouve ainsi, sans avoir autre gloire
En luy donnant son nom d’etemelle mémoire.2
6La supposition du continent austral était si logique dans les esprits d’alors qu’il continuait de hanter les esprits, même après que des découvertes anglaises et hollandaises en avaient détruit la base. L’expédition de l’explorateur anglais Drake avait en 1578 vu de loin l’Océan ouvert au Sud de la Terre de Feu et donc réfuté l’opinion générale, mais cette expérience empirique n’était pas acceptée par les théoriciens3. Ces mêmes théoriciens continuaient à croire à la vision médiévale selon laquelle la plus grande partie du globe était couverte de terre. Cette vision fut bien difficile à réfuter.
7En rejoignant la découverte de Magellan avec les conceptions classiques, les cartographes portugais montrent le continent austral, avec un tracé entièrement supposé, occupant presque entièrement les latitudes méridionales au-delà du 50e parallèle avec de fortes extensions dans la direction de l’équateur au sud de l’Archipel indonésien (où en fait se trouve l’Australie) et dans l’Océan Pacifique et une extension plus modeste au sud de l’Amérique. L’extension au sud de l’archipel indien porte quelquefois le nom de Lokach, l’identifiant avec le pays riche en or mentionné par Marco Polo. C’était une identification totalement gratuite, Lokach était probablement le Cambodge. Plusieurs cartes montrent à côté de Lokach un pays d’or fabuleux, Beach, qui semble trouver son origine dans une erreur d’un copiste voulant écrire Lokach. L’extension septentrionale peut porter sur certaines cartes d’inspiration portugaise produites en France de telles précisions qu’on a voulu en tirer la preuve d’une découverte des côtes occidentales et orientales de l’Australie. Il n’est pas exclu que les Portugais ou les Espagnols aient vu la côte de l’Australie, mais il n’y a pas de preuve solide d’une telle supposition4. L’image générale du continent austral sur les cartes dérive en tout cas des suppositions ptoléméennes. Tous les cartographes du milieu du seizième siècle ne partageaient pas cette supposition d’un continent austral s’étendant vers le Nord, nous en avons déjà cité des exemples. Une autre référence dans une source portugaise qu’on a voulu être une indication sur la connaissance réelle d’une partie du continent austral, est également peu sûre. Le géographe Manoel Godinho de Eredia mentionne un voyage au Sud d’un prince javanais dans un pays appelé Luca Antara, en 1601. Tout est possible, mais ce renseignement est extrêmement vague et les cartes dessinées par Godinho sont des plus fantastiques5. Pendant la deuxième moitié du seizième siècle, certains navigateurs espagnols commençaient à chercher le continent austral dans une autre direction. Mendaña a refait deux fois, en 1567 – 1568 et en 1595, le parcours de l’Océan Pacifique en cherchant le continent austral sur un tracé plus méridional que le tracé Acapulco-Marianes qui était devenu normal pour la navigation espagnole. En 1568, il rencontra de belles îles qu’il appela l’Archipel de Salomon, en pensant que c’était la source d’or du grand monarche biblique. Il ne put les retrouver lors de sa deuxième expédition, et plusieurs explorateurs les ont cherchées en vain. A cette occasion, Mendaña ne trouva que l’île de Santa Cruz, une île relativement petite près de l’extrémité orientale de l’archipel de Salomon proprement dit mais il ne poursuivit pas sa recherche plus loin6.
8Plus important fut le voyage que Fernando de Quirós, un Portugais au service de l’Espagne, fit en 1606. Cette expédition fut l’occasion de nombreuses découvertes qui inspirèrent les voyageurs postérieurs. Quirós (qui avait participé à la dernière expédition de Mendana) partit du Pérou avec deux navires, l’autre étant sous le commandement de l’Espagnol Torres. Quirós voulait chercher la côte orientale de la partie tropicale du continent austral et pour cela il fit un grand tour dans l’Océan Pacifique. Ainsi, il fit un large cercle vers le Sud-Ouest, passant par la partie méridionale des Iles Touamotou, et par Tahiti. De là, il devait tourner Ouest-Nord-Ouest pour regagner Santa Cruz, mais le mauvais temps intervint. Quirós changea un peu son plan originel qui stipulait un changement de cap plus loin, au 30ème parallèle. En faisant un cercle plus étroit, il perdait l’occasion de découvrir la Nouvelle-Zélande. Il ne retrouva pas non plus l’île de Santa Cruz, mais il arriva à l’île de Taumaco à une distance de 90 milles nautiques Nord-Est. De cette manière, Quirós était après Mendaña le deuxième d’une longue série de victimes d’une erreur longitudinale qui fit que tous ceux qui cherchaient les îles de Salomon n’y arrivaient pas. A Taumaco, un chef local lui raconta qu’au Sud se trouvait un grand pays riche. Quirós suivit les indications reçues de ce chef et il arriva à la côte des Nouvelles Hébrides qu’il pensait être le continent austral. Il baptisa le nouveau pays Austrialia (une contraction d’Austria et Terra Australis) del Espiritu Santo. Là, en juin 1606, les deux navires de l’escadre se perdirent de vue. Quirós tourna directement au Mexique sans vérifier l’étendue de ses découvertes. Torres tourna le cap vers le Sud-ouest, et passa au long de la côte méridionale de la Nouvelle Guinée et par les Moluques aux Philippines. Le voyage de Quirós fut connu du public par un mémoire qu’il avait adressé au Roi d’Espagne. Ce mémoire incita plusieurs esprits entreprenants à suivre son chemin. Les faits et gestes de Torres sont restés inconnus du grand public jusqu’à l’occupation anglaise de Manilla en 1762. C’est seulement depuis ce moment que le détroit qui sépare la Nouvelle Guinée de l’Australie porte le nom de Torres7. L’ironie est que Torres avait démontré que l’Austrialia de Quirós ne pouvait pas constituer une partie du grand continent austral, mais personne ne put s’en rendre compte étant donné la discrétion de la découverte de Torres.
9L’essentiel, c’est qu’au moment où commençaient les voyages d’exploration néerlandais dans l’espace du continent austral, on croyait généralement à l’image cartographique du continent austral comme un large Antarctique, avec une extension qui allait jusqu’à Java et à la Nouvelle Guinée. En plus, on pensait que les voyages de découverte avaient touché ce continent à deux endroits : dans la Terre de Feu et dans les Nouvelles Hébrides. En effet, l’opinion commune était entièrement erronée : la Terre de Feu et les Nouvelles Hébrides étaient des îles. Ce seront les Néerlandais qui juste avant le voyage de Quirós commencèrent à corriger progressivement ces erreurs.
Le niveau technologique des marins néerlandais
10La manière dont les Néerlandais ont changé la conception globale d’une large partie du monde se base d’une part sur l’évolution des sciences mathématiques dans les Pays-Bas depuis la fin du seizième siècle, d’autre part sur la nécessité pour les Néerlandais d’éviter les ennemis portugais, plus forts qu’eux. On voit à la fin du seizième siècle une amélioration de l’éducation des marins et des livres d’un assez haut niveau scientifique paraissent. Il reste toutefois difficile de voir dans quelle mesure les bonnes méthodes étaient vraiment appliqués dans la routine des navigateurs, bien qu’il semble que les méthodes connues les plus avancées étaient utilisées dans les voyages d’exploration.
11La pratique documentaire faisait des progrès considérables pendant la période des découvertes néerlandaises dans l’espace austral. Ce n’était pas une luxe, on se souviendra des difficultés pour retrouver les Iles de Salomon. La méthode primitive consistant à ne donner dans les rapports que les courses et les distances estimées va être remplacée par des coordonnées de latitude observées et de longitude estimées : le plus ancien journal de bord de la Compagnie des Indes Orientales qui donne systématiquement les longitudes estimées date de 16268.
12Les positions données sur les cartes et dans les journaux de bord restent encore inexactes, bien qu’on ait fait certains progrès. Il faut développer un peu cette constatation, parce que le caractère des progrès achevés était assez compliqué. Les instruments qu’on avait étaient encore simples. On utilisait déjà assez généralement chez la Compagnie des Indes Orientales des cartes avec le projection de Mercator, sur lesquelles on pouvait dessiner les tracés des navires en lignes droites. Pour une image plus véridique, les marins utilisaient souvent des globes. Les boussoles étaient d’une précision acceptable et dans les grands voyages on observait bien les déviations de la boussole. On faisait des observations assez exactes de la latitude avec des instruments et des tables astronomiques encore assez primitives. Au cours de la deuxième moitié du dix-septième siècle on établit des méthodes plus détaillées pour corriger les observations, mais le résultat pratique de ces améliorations était minimal. Les observations faites dans de mauvaises conditions, comme sous le ciel couvert des mers subantarctiques, pouvaient encore être très incorrectes.
13Le grand problème, c’était l’impossibilité de trouver la longitude exacte de l’endroit où l’on se trouvait. Pour cela on aurait eu besoin de chronomètres qui n’existaient pas encore. On savait en théorie (de l’humaniste frison Gemma Frisius, *1506) qu’on pourrait utiliser les changements des positions relatives des corps célestes comme horloge, mais cette méthode ne devint utilisable à bord de navires qu’en 17679.
14On a pensé avoir trouvé une méthode dans les variations de la boussole. Malheureusement, les théories formulées par Plancius s’avérèrent dès la première décade comme fausses, mais les journaux de bord continuent à mentionner de jour en jour les variations, dans l’espoir qu’on trouverait quelque système utilisable pour les exploiter.
15Pour estimer les longitudes on utilisait deux méthodes indirectes. La première méthode était d’estimer la vitesse du navire ou de la mesurer avec l’aide d’un instrument très primitif, le loch. Ainsi on pouvait connaître la distance parcourue sur une certaine distance. Le problème était qu’il était difficile d’estimer combien, en raison des courants maritimes, la vitesse dans l’eau mesurée par le loch différait de la vitesse réelle. En plus on utilisait pendant la première moitié du dix-septième siècle une méthode erronée pour convertir les données du loch en miles nautiques néerlandais (1/15 du degré de latitude), ce qui donnait une erreur de 3 %10. La deuxième manière consistait à utiliser une méthode géométrique (qu’on trouve dans les manuels de navigateurs donnés dans des tables simples à utiliser). Si l’on connaissait le méridien du départ, l’angle de la course et la différence entre la latitude du point de départ et du point d’arrivée, on pouvait établir la distance parcourue et le méridien d’arrivée. On avait perfectionné déjà cette méthode en appliquant la trigonométrie sphérique dès le commencement du dix-septième siècle. Seulement, cette méthode ne marchait pas pour des courses directes orientales ou occidentales. Pour le résultat, tout dépend de la dextérité de l’observateur. A signaler que les calculs faits pendant l’expédition néerlandaise de 1721-1722 sont moins bons que ceux de l’expédition de 1642-164311.
16En plus, les navigateurs des expéditions de découverte se servaient encore des connaissances empiriques qu’on avait dans la navigation. Si on voyait un grand courant, on était convaincu que ce courant devait venir d’un espace marin et être dirigé vers un autre. C’est essentiellement la rencontre de tels courants à certains endroits qui a détruit chez les Néerlandais la croyance à un grand continent austral monolithique s’étendant à des endroits où on avait longtemps supposé le continent austral. L’approche de la terre était signalée par les oiseaux, ou par la présence des algues. On utilisait le plomb dans des régions côtières pour trouver un passage sûr et le plomb était couvert de matière collante pour être en mesure de connaître aussi la nature du fond.
17Dans les découvertes, la manœuvrabilité des navires constituait un facteur limitatif. On a souvent critiqué la Compagnie d’utiliser de vieux navires peu manœuvrables pour ses grandes expéditions. On pourra justifier les dirigeants de la Compagnie : les recherches étaient pour eux une activité secondaire, au plus un investissement dans la recherche de possibilités nouvelles. Les meilleurs navires devaient servir pour le transport de chargements précieux. Le Gouvernement Suprême à Batavia n’avait pas suffisamment de navires pour exécuter tous les voyages marchands et militaires qu’on voulait faire. En tout cas, ce n’était pas un phénomène typiquement néerlandais : on trouve des plaintes à propos de vieux navires pourris chez les explorateurs de toutes les nations.
Les premières découvertes néerlandaises
18Déjà la première expédition néerlandaise aux Indes Orientales, partie en 1595 sur les traces des Portugais, avait vérifié une chose : ayant fait le tour de l’île de Java, on avait prouvé que cette île ne s’attachait pas à la Terre Australe, comme certaines cartes l’avaient montré. Les expéditions qui suivaient celle de Houtman s’efforçaient d’améliorer les détails : faire un voyage plus rapide en cherchant les courants et les saisons les plus favorables, chercher des routes qui évitaient le plus possible la route portugaise : surtout éviter le Mozambique.
19Une des plus remarquables et des plus originales expéditions fut envoyée par la ville de Rotterdam et menée par Mahu et de Cordes12. Ces aventuriers cherchaient la route de l’Orient par le Détroit de Magellan. L’expédition eut beaucoup de mésaventures, mais aussi des résultats intéressants. Un des navires visita la Chine et le Japon. Pour notre récit, un autre navire est plus intéressant : la Blijde Boodschap, appellé aussi le Vliegend Hert, faisait des circumnavigations dans la région du Détroit de Magellan avant d’être capturé par les Espagnols sur la côte du Chili. Un texte assez peu clair, faisant état de cette expédition, arriva dans le monde international par l’intermédiaire de quelques Anglais. Ainsi on trouve dans certaines publications que ce navire était arrivé à une latitude méridionale de 65° et y avait rencontré un paysage comme les Lofotes de Norvège, ce qu’on a postérieurement vu lors de la découverte des Iles Shetland Méridionales, extension septentrionale du continent de l’Antarctique13. Il aurait dû donner lieu à suspicion, puisque cette découverte restait totalement méconnue des cartographes néerlandais. Toutefois, des historiens néerlandais et allemands ont, il y a cent ans, résolu cette énigme. Annexées aux instructions pour une expédition postérieure dans la même région, on trouve des informations venues du Vliegend Hert. On y trouve que le Vliegend Hert n’avait pénétré qu’au 56e parallèle, mais aussi qu’un des officiers de ce navire avait, lors de sa captivité au Chili, entendu qu’un commandant espagnol, Don Gabriel de Castilla, avait pénétré jusqu’à 65°, mais dans ce texte on ne trouve rien sur une découverte de terres. Comme plusieurs expéditions espagnoles, celle-ci restait presque totalement inconnue14.
La première découverte néerlandaise en Australie
20Pendant la première décade du 17e siècle, les Néerlandais formèrent les premiers établissement stables dans l’Archipel indonésien. En 1605, une première expédition de reconnaissance fut envoyée par le représentant néerlandais en Banten (l’extrémité occidentale de Java) dans les limites Sud-Est de l’Archipel indonésien. C’était l’aviso Duyfken sous le commandement de Willem Jansz et Jan Rosengeyn. Le Duyfken suivit la côte de la Nouvelle Guinée vers le Sud et rencontra la côte septentrionale de l’Australie. Le système bureaucratique de la Compagnie, qui fut établi après la fondation du centre administratif de Batavia en 1619, n’existait pas encore, et c’est pour cette raison qu’il nous manque les informations contemporaines qui seront postérieurement la marque des actions néerlandaises. En 1623, quand, la Compagnie étant bien établie, on voulut grouper ses données sur la terre australe, on chercha des renseignements sur cette expédition qui furent alors utilisés par le commandant d’une nouvelle expédition. Heeres, l’historien classique des découvertes néerlandaises dans l’espace de l’Australie, n’a pas connu la copie de la carte faite par l’expédition. Cette carte, venant de la collection de cartes de l’ancien collectionneur néerlandais Van der Hem, se trouve maintenant dans la Bibliothèque de l’Etat Autrichien à Vienne. Cette carte, en montrant le tracé du Duyfken et l’endroit exact où il a touché la côte de l’Australie, est la première preuve ferme d’une rencontre avec la vraie terre Australe. Cette première rencontre reste encore assez ténébreuse, bien que nous sachions que les gens du Duyfken eurent une rencontre désagréable avec les habitants de l’Australie septentrionale15.
21En tout cas, cette fort humble expédition a mis un peu de réalité dans l’image mythique du continent austral. Le continent trouvé par le Duyfken est un continent véritable. Ce qui reste regrettable, c’est que le Duyfken n’ait pas trouvé l’espace entre la Nouvelle Guinée et l’Australie. Quelques mois après le Duyfken, Torres passait dans l’autre direction entre la Nouvelle Guinée et l’Australie, mais les résultats de son voyage restèrent inconnus. Probablement, Torres a aussi vu l’extrémité septentrionale de l’Australie, mais il ne l’a pas reconnue. C’est ainsi que les gens du Duyfken – et pas Torres – ont apporté une précision dans la connaissance du monde, bien que les premières cartes imprimées montrant les découvertes du Duyfken n’aient commencé à circuler qu’en 1633 quand on avait déjà fait de nouvelles découvertes dans la région16. L’expédition du Duyfken ne fut pas immédiatement suivie par des expéditions dans la même direction. D’abord vint une entreprise qui cherchait l’autre côté du continent austral.
La Compagnie Australienne ou Magellanique, la Terra Magellanica et les conséquences du voyage de Quirós
22Entre les mythes qui circulaient parmi les Européens concernant la Terre Australe, certains supposaient aussi des richesses. La terre de Lokach de Marco Polo était située par certains cartographes dans la Terre Australe. L’esprit général de découverte de nouveaux mondes qui existait en Hollande dans le premier quart du dix-septième siècle mena aussi à une initiative concernant la découverte des richesses du continent austral dans les royaumes de Lokach et Beach. Tandis que la Compagnie des Indes Orientales se faisait peu d’illusions sur les côtes hostiles du pays du Duyfken, les esprits aux Pays-Bas étaient un peu échauffés par certaines publications17.
23La Compagnie Australe qui fut finalement fondée dans la ville de Hoorn, principale ville marchande de la Frise Occidentale, devait se baser sur des suppositions nautiques encore peu sûres. La Compagnie se trouvait confrontée à l’octroi à la Compagnie des Indes Orientales du monopole de commerce avec les pays autour de l’Océan Indien par la route du Cap de Bonne Espérance autant que par le Détroit de Magellan. D’après les suppositions courantes, ceci signifiait que la partie intéressante de la Terre Australe était fermée à la Compagnie Australe. Les gens de Hoorn voyaient toutefois un moyen d’échapper au monopole de la Compagnie des Indes Orientales. Ils connaissaient très bien la littérature des voyages, même les ouvrages qui avaient largement échappé à l’attention des principaux savants. Ils fondaient leurs espoirs sur les expériences de Drake : si Drake avait bien vu qu’au Sud du Détroit de Magellan il existait un autre passage, même une mer ouverte entre les Océans Atlantique et Pacifique, on pouvait passer vers l’Océan Pacifique et même vers les Indes sans porter atteinte à l’octroi de la Compagnie des Indes Orientales. De cette manière, on pourrait atteindre les terres dont Outrés et Marco Polo avaient mentionné les richesses, bien que les renseignements sur leur position géographique aient été des plus vagues.
24La Compagnie Australe reçut un octroi de l’Etat et deux navires furent équipés pour vérifier les renseignements de Drake et démentir l’opinion courante des savants sur le vaste continent ininterrompu du continent Austral ou Magellanique. Les navires furent commandés par Willem Schouten, un marin solide, et Jacob le Maire, fils du principal actionnaire et théoricien de l’aventure18. On perdit un des deux navires sur la côte de l’Amérique du Sud. Le navire survivant, appelé Eendracht, arrivait à l’entrée du Détroit de Magellan et cherchait vers le Sud un autre passage. On constatait que la côte de ce qu’on avait pensé être la Terre Magellanique tournait à un certain endroit vers l’Occident et qu’il y avait réellement un autre passage. Les mers de cette région sont notoirement inhospitalières, et l’exploration était fort grossière. Toutefois, l’Eendracht passait entre un cap qu’ils pensèrent être le point méridional de la Terre de Feu, désormais reconnue comme une île, et une terre montagneuse où des glaciers descendaient vers la mer. Ils appelèrent ce cap Cap Hoorn d’après la ville d’origine de l’expédition, et la terre montagneuse Terre des Etats, d’après les Etats Généraux qui avaient issu l’octroi de la Compagnie. Le mythe du grand continent austral restait fort chez eux, et ils pensaient que la Terre des Etats était le point septentrional du vrai continent austral.
25Ce qui est le plus marqué dans les événements du voyage de Le Maire et de Schouten et dans la réception des résultats, c’est la ténacité de la tradition écrite ou imprimée. On présume immédiatement que la « Terre des Etats » fait partie d’un grand continent austral. Une fois contournée l’Amérique du Sud, l’Eendracht se dirigea vers les Touamotou, où les explorateurs trouvèrent des îles pas encore vues par Mendaña. Ils prirent cet archipel de petites îles et d’écueils comme le bord extérieur d’une partie du continent austral, mais ils ne pénétrèrent pas dans l’archipel pour trouver ce continent19. Dans la suite du voyage, une tension se manifesta entre Schouten, marin pratique, et Le Maire, théoricien. Les historiens, avec leurs préférences quelquefois peu pratiques pour les gens de l’esprit, sympathisaient avec Le Maire. Tandis que Schouten proposait une course Nord-ouest par le Pacifique qui porterait le navire dans la région de l’Austrialia de Quirós, le Maire proposait de faire une course diagonale moins aigue vers l’Ouest-nord-ouest qui aurait fini sur la côte orientale de l’Australie. Dans la discussion à bord, l’esprit pratique de Schouten l’emporta et les navires arrivèrent par le groupe de Futuna (qu’ils pensaient appartenir aux Iles Salomon de Mendana) dans l’archipel indonésien20.
26Certains historiens ont regretté que l’expédition ait suivi le tracé proposé par Schouten et manquât de cette manière le résultat splendide qu’aurait eu l’alternative de Le Maire. Il ne faut toutefois pas oublier que l’accès de la côte de l’Australie était bloqué par la Grande Barrière, et qu’il est bien possible que Schouten et Le Maire auraient disparu sans laisser trace s’ils s’étaient mis sur cette course méridionale. En plus, il faut comprendre que les explorateurs étaient influencés par les visions du continent austral de Quirós : ce n’est pas l’inconnu qu’on cherchait, mais la riche Austrialia. Ainsi on faisait des découvertes ou re-découvertes très proches du tracé suivi par Quirós21. Comme Quirós et tant d’autres après eux, ils n’arrivent pas à retrouver les Iles de Salomon découvertes par Mendaña. En effet, le course qu’ils avaient choisie différait de celle de Quirós (qu’ils ne connaissaient qu’imparfaitement du Mémoire) d’une telle manière qu’ils ne trouveraient pas l’Austrialia, ni des îles considérables comme Tahiti22.
27La fin de l’expédition qui n’avait pas trouvé les richesses promises, était une désillusion. Le navire de Schouten et Le Maire arrivait dans l’Archipel indonésien où il leur fut confisqué par les représentants de la Compagnie des Indes, et où Le Maire mourut. On n’avait pas trouvé de richesses dans les îles de Salomon (quoiqu’on ne les ait guère touchées), ni dans l’Austrialia de Quirós. La découverte du Détroit de Le Maire n’aboutit pas à la fin du mythe du grand continent austral. Schouten et le Maire en ont seulement découpé la Terre de Feu et appelé le reste ‘Terre des Etats’. Ils furent plus crus que Drake, et les Espagnols envoyèrent une expédition pour vérifier si le Détroit de Magellan pourrait être contourné. Cette expédition, de Nodal, ne put que vérifier les découvertes des Néerlandais et faire des corrections dans les positions estimées. Nodal n’alla pas plus loin que les Néerlandais et conclut également que la Terre des Etats était un continent23.
28Le voyage de Schouten et Le Maire n’offrait pas de promesses pour le futur et l’aventure ne connut pas de suite. La Compagnie des Indes continua toutefois à progresser dans la découverte progressive de ce qu’on pensait encore être l’extension septentrionale du continent austral.
La découverte de l’Australie Occidentale et Méridionale
29Les Néerlandais se sont probablement attendus à trouver la côte de l’Australie occidentale étant donné que la majorité des cartes imprimées indiquait cette éventualité en dessinant l’extension du continent austral. La découverte en soi se passa toutefois par accident à la suite de la recherche de routes maritimes à l’écart des points d’appui des Portugais en Afrique et en Inde. Les Néerlandais s’étaient accoutumés à faire, à partir du Cap de Bonne Espérance, un arc par l’île Maurice jusqu’au Détroit de Sonde, ce qui n’était pas une très bonne route, à cause de vents et de courants contraires (quoique ce fût une très bonne route de retour). Hendrik Brouwer, un des personnages principaux dans l’administration en Asie, proposa une autre route, très osée, mais bien adaptée à cette époque des découvertes. On avait observé que dans les latitudes méridionales de 40° (les quarantièmes rugissants), de forts vents occidentaux dominaient. Il proposait de se faire pousser par ces vents de l’Afrique du Sud jusqu’à un point où on tournait pour rencontrer le Passat qui pousserait le navire dans le Détroit de Sonde. On définit ce point comme étant à 1 000 miles nautiques à l’Est du Cap de Bonne Espérance : il ne fallait pas moins pour éviter d’arriver au dessous du vent sur la côte de Sumatra.24. C’était un peu dangereux avec les méthodes primitives qu’on avait alors pour estimer la longitude d’aller au devant du vent en direction Ouest-Est (et donc dépendre seulement du loch ou d’une estimation et sans possibilité d’utiliser la table de course) à un point mathématique et là tourner le cap au Nord. On se trouvait vraiment dans un nouveau monde : les courses ne se font pas seulement à des endroits, mais aussi par des simples coordonnées au milieu de mers souvent tempétueuses25.
30Hendrik Brouwer appliqua sa théorie en 1611, et la réussite de cette expérience fut lourde de conséquences. La durée du voyage Amsterdam-Java fut diminuée de plus de 20 %. La course proposée par Brouwer orientait l’effort colonial des Néerlandais dans l’Orient vers le Détroit de Sonde et plus tard aussi vers le Cap de Bonne Espérance. La route fut prescrite dans les instructions aux capitaines de 161726. Ce qui reste encore un peu obscur, c’est l’élaboration exacte. A signaler d’abord qu’on est encore sur le point de compter en miles nautiques et on ne donne pas encore les coordonnées longitudinales à cet époque – peu étrange si l’on sait qu’on n’était pas encore arrivé à ce moment à déterminer les longitudes exactes des principaux points de l’archipel indonésien.
31La proposition de Brouwer avait été hardie aussi parce que certaines cartes montraient la Terre Australe se posant comme une côte sous le vent occidental et donc dangereuse. En effet, on n’était pas très loin de l’Australie et il s’écoula peu de temps avant que quelques curieux ne veuillent vérifier s’il y avait quelque chose à la fin de cette route des vents occidentaux au long de la 40e parallèle. Ceci fut la cause de la découverte par les Néerlandais de la côte occidentale de l’Australie. Les dangers ne s’avéraient pas très graves, il n’y eut que quatre naufrages en Australie sur quelques milliers de voyages.
32En 1617, le navire Eendracht, après un voyage de 800 ou 1 000 miles nautiques (de Snellius, la grosse imprécision de 200 miles donne peu de garanties dans les calculs de position) rencontra une côte inconnue. Le capitaine Dirk Hartogsz. mettait sur l’endroit un plaque d’étain qui existe encore27. Bientôt, plusieurs autres navires, ou bien par des erreurs de navigation, ou par simple curiosité, touchaient à la côte de ce qu’on appela Eendrachtsland. Assez rapidement, il apparut des cartes imprimées de l’Eendrachtsland28. Ainsi, dès 1617, on connaissait deux coins de l’Australie réelle, et probablement, étant donné que ces nouvelles découvertes s’accordaient avec l’image qu’on avait du continent austral, on penserait que ces côtes étaient reliées en quelque manière. En effet, les découvertes du Duyfken et de l’Eendracht n’étaient en rien contraire à l’image théorique qu’on s’était formée des côtes occidentale et septentrionale de l’extension du continent austral. La contestation de l’image conventionelle de ce continent arriverait d’un tout autre côté.
33Il est certain que de temps en temps un commandant, par esprit d’aventure ou par curiosité, se hasardait bien au delà des 1000 miles nautiques stipulés dans les instructions. C’est intéressant de voir la liberté de mouvement que les capitaines prenaient encore dans cette organisation bureaucratique et réglementée de la Compagnie. On peut se demander ce qu’on s’attendait y trouver. L’Eendracht avait découvert la terre australe en changeant de cap trop tard durant le parcours entre 35° et 40°. D’autres l’avaient suivi de la même manière. Quelques années plus tard, il y avait un capitaine qui simplement continuait en ligne droite. C’était le cas de la Leeuwin (Lionne). Ce petit bâtiment passait bien au Sud de la route normale et rencontrait, en 1622, le cap depuis appelé Leeuwin, extrémité sud-ouest de l’Australie29. Bien sûr, les courants rencontrés à ce point donnaient une première indication sérieuse que le continent australien était très limité. C’était une vraie découverte, peut-être plus grande que celles que nous avons déjà racontées. Tout le monde sérieux avait supposé que la Terre Australe commençait au Sud du Java, mais personne n’avait encore osé supposer que ce pourrait être un continent limité.
34La curiosité était stimulée par la découverte de la Leeuwin, et il n’est pas étonnant qu’on voulût jeter le regard au delà du coin du cap dénommé d’après ce petit navire. Comme dans le cas de la Leeuwin, il s’agit d’une manifestation de l’esprit d’aventure, s’éloigner si loin des routes maritimes établies ne pouvait plus guère être considéré comme une erreur de navigation. L’homme qui avançait encore plus loin était un haut fonctionnaire, il en fallait bien pour ne pas obéir du tout aux instructions et faire un long sondage sur ce qui semblait être la côte méridionale du pays de l’Eendracht. En 1626 partait de Zélande le navire Gulden Zeepaerdt, sous le commandement du capitaine François Thijssen et avec comme passager de marque Pieter Nuyts, membre du Gouvernement Suprême de Batavia. Malheureusement, bien que nous possédions beaucoup de sources sur les multiples aventures de Nuyts en plusieurs régimes d’Asie, nous manquons presqu’entièrement de données sur cette expédition, il n’y a que les résultats sur les cartes et une référence dans les instructions pour une expédition postérieure. Il est possible que la présence d’un personnage élevé à bord ait donné au capitaine le courage de dévier des instructions de navigation. Ce qui semble, c’est que le Gulden Zeepaerd, ayant rencontré le Cap Leeuwin, eût trouvé une raison plus ou moins plausible pour suivre la côte vers l’Est sur une distance considérable, estimée assez exactement à 220 miles nautiques (de Snellius), et pour arriver finalement à quelques îles, maintenant appelées l’Archipel de Nuyts. Nous ne saurons jamais si c’était une manifestation humoristique de quelques esprits peu religieux ou une manifestation crypto-catholique dans un environnement protestant qui a porté Nuyts et Thijssen à appeler deux de ces îles Sint Pieter et Sint François, noms qu’on trouve encore sur la carte30.
35Probablement, des observations des courants de mer pendant le voyage de Nuyts avaient déjà donné naissance chez certains à la supposition que la côte observée par Nuyts pourrait s’étendre plus ou moins dans la même direction. Les découvertes de Nuyts portaient atteinte à la conception d’une Terre Australe massive, mais la conception d’un grand continent austral continuait à dominer les esprits. On le voit dans le désarroi des cartographes. La terre australe dessinée d’une manière hypothétique dans les cartes du Pôle Sud par Hondius ne peut guère coexister avec la côte de l’Australie récemment découverte. L’image sur cette carte est extrêmement confuse, avec un mélange mal réussi de nouvelles découvertes et d’anciennes théories31. Une solution radicale et purement hypothétique était suggérée par le cartographe Van Langren qui produisit des globes qui font supposer que la côte découverte par Nuyts était le bord septentrional d’un grand estuaire qui entrait dans le continent austral. Beaucoup de sources cartographiques néerlandaises toutefois n’entrent pas dans les théories et idéologies et laissent le monde inconnu autour des tracés de côtes récemment découvertes nettement blanc32.
Les expéditions officielles envoyées par Batavia pour la découverte de l’Australie septentrionale
36A la suite des découvertes plus ou moins accidentelles faites à cause de déviations de la route proposée par Brouwer, on pouvait dessiner une grande partie de la côte occidentale et même méridionale de l’Australie. A Batavia on voulait également connaître les régions limitrophes de l’Indonésie. Imbu de la conception du grand continent austral, on était pratiquement convaincu que les terres découvertes par le Duyfken s’attachaient en quelque manière à celles découvertes par l’Eendracht. En plus, bien que le Duyfken n’ait pas trouvé une vraie séparation, on se demandait si la Nouvelle Guinée était reliée à ce complexe ou non. Personne à Batavia (ou ailleurs) ne connaissait le rapport, qui se trouvait en quelque dossier de Manille, de ce marin hardi, Torres, qui avait, en 1606, contourné la côte méridionale de la Nouvelle Guinée. Plusieurs cartes mettaient un détroit entre le continent austral et la Nouvelle Guinée, simplement à la suite de théories pures, mais ces cartes exerçaient une certaine influence sur le Gouvernement suprême de Batavia qui renouvela plusieurs fois ses instructions pour trouver un passage.
37La première action formelle fut entamée par Batavia à la suite d’un accident avec un navire anglais qui avait essayé de trouver la route facile de Brouwer et avait commis une erreur de navigation. Cette « émulation » aboutit à une première rencontre des Anglais avec la côte occidentale de l’Australie, et à des mésententes. Le navire anglais Tryall qui fit cet essai, calcula mal ses distances, et échoua sur l’île Barrow, sur les côtes encore inconnues du nord-ouest de l’Australie. Une partie de l’équipage pouvait arriver en Batavia en chaloupes, portant la nouvelle qu’on était échoué à une latitude de 20° 10’, bien dans les limites de la route prescrite par Brouwer, ce qui préoccupa les autorités de Batavia. On voulait localiser exactement les dangers pour la navigation dans cette région si voisine. Dans ce but, les navires Pera et Arnhem furent envoyés sous le commandement de Jan Carstensz. afin de poursuivre les explorations du Duyfken et de poursuivre la recherche pour un passage au Sud de la Nouvelle Guinée. Nous sommes assez bien informés sur ce voyage : un journal de bord, plusieurs cartes et bien d’autres mentions dans les archives de la Compagnie des Indes Orientales. Carstensz. ne trouva pas de passage au Sud de la Nouvelle Guinée (en passant l’entrée du Détroit de Torres, il le pensait être une baie marécageuse), les deux navires se séparèrent par accident et explorèrent séparément les côtes de la Baie de Carpentaria. Toutefois, on ne trouvait rien qui stimulait les Néerlandais à penser que les nouvelles découvertes seraient profitables. On avait bien vu quelques habitants, mais ils étaient nus et pauvres, et il n’y avait aucune indication qu’il y existait une structure sociale et économique permettant des échanges commerciaux33.
38Après le retour de Carstensz., on attendit jusqu’en 1636 pour recommencer les recherches. L’expédition des deux navires Cleen Amsterdam et Wesel devait le vérifier en parcourant tout le chemin entre la Nouvelle Guinée et la partie connue de l’Australie occidentale. Si la supposition d’un seul continent s’avérait fausse et si on trouvait des détroits passant vers l’Océan Pacifique, Pool devrait les explorer. Ce qui est intéressant, c’est qu’on continuait d’avoir des doutes concernant la Nouvelle Guinée. Dans les instructions, il est dit que si Pool trouvait un passage entre la Nouvelle Guinée et l’Australie, il devra le suivre, faire un tour au Sud et chercher sur l’autre côté de la Terre Australe le point atteint déjà par Nuyts34.
39Cette expédition ne donna guère de résultats. Pool fut tué en Nouvelle Guinée. Le commandement fut pris par Pieter Pietersz, qui en raison du temps ne put pas exécuter les instructions mais fit quelques explorations supplémentaires dans la terre découverte par l’Arnhem en 1623. Il découvrit le présent Coburg Peninsula et le Cap van Diemen sur Melville Island et retourna à Timor35.
Renouer les pièces détachées par l’autre côté : Tasman et Visscher
40Dans les instructions de Pool, il était déjà entré un élément nouveau : la recherche d’un passage vers l’Océan Pacifique. Là, on pouvait attaquer les sources d’or des Espagnols, ou bien trouver un bon endroit pour embusquer leurs transports entre Acapulco et les Philippines. On s’intéressait surtout au Chili, pays où l’on savait que la présence espagnole était assez faible, mais où il y avait des mines d’or. L’expédition de Pool n’avait rien trouvé par le Nord, restait la possibilité de poursuivre les recherches par une route tout différente.
41Une nouvelle initiative était proposée par François Visscher, un expert dans la navigation asiatique36. Le projet de Visscher était susceptible de combler à la fois plusieurs lacunes dans la connaissance, et le Gouvernement Suprème le considérait en détail. Pour cette expédition un capitaine d’une certaine réputation proposa sa candidature. C’était Abel Tasman, qui avait commandé un navire dans une expédition d’exploration très difficile dans le Pacifique septentrional et plusieurs expéditions commerciales et militaires en Asie orientale37.
42Visscher proposait quatre variantes. La première était de voiler de l’île Maurice (alors possession néerlandaise) vers le Sud, et ensuite de suivre une trajectoire orientale sur une latitude entre 52° et 54°, jusqu’au point ou l’on croisait la longitude de la pointe orientale de la Nouvelle Guinée ou de préférence des Iles de Salomon, qu’on comptait redécouvrir en suivant cette méthode. La deuxième variante était de commencer le même trajet à partir du Cap en lieu de l’Ile Maurice. La troisième variante était de commencer au Sud du Détroit de Magellan et suivre les côtes de la Terre des Etats vers l’Est ; en continuant sur la même latitude jusqu’à la longitude des Iles de Salomon, on devrait voir toutes les parties inconnues de « Beach ». Avec raison, Visscher constate qu’il n’est pas judicieux de faire ce voyage de découverte en partant des Iles de Salomon dans la direction orientale vers le Détroit de Le Maire : on devrait aller contre le vent et contre le courant. Visscher donnait encore une quatrième variante, qui serait réalisable si les Néerlandais obtenaient un établissement sur la côte de Chili (des projets existaient à cette époque) : on pourrait ou bien suivre le Passat et prendre le tracé de Quirós aux Iles de Salomon, puis tourner au sud et retourner sur une latitude de 50° vers l’Est au Détroit de Le Maire. De cette manière on résoudrait toutes les questions sur la partie méridionale de l’Océan Pacifique. Finalement, on irait de là à l’Est pour résoudre toutes les questions concernant les portions inconnues entre les découvertes de l’Australie occidentale et l’Australie septentrionale38.
43On choisit la première variante avec une modification. En plus, après leur retour dans les Moluques, Tasman et Visscher devraient essayer de trouver un passage entre la Nouvelle Guinée et l’Australie et ensuite tourner et suivre la dernière partie de la quatrième variante : remplir les taches blanches sur la partie nord-ouest de l’Australie. Le choix, fait par le Gouvernement Suprême des Indes sous la présidence d’Anthonie van Diemen, était intéressant. On espérait toujours trouver une passage entre la Nouvelle Guinée et l’Australie et on voulait en un seul coup déterminer approximativement la circonférence maximale de la masse de terre qui se trouvait au Sud de l’archipel indonésien39.
44Aucun des responsables à Batavia ne croyait plus au grand continent austral. Le tracé proposé par Visscher supposait que l’Australie était un continent plus ou moins large, séparé du continent austral originel qui pourrait se trouver loin au Sud, mais qu’on ne connaissait pas. On supposait également que l’Austrialia de Quirós faisait partie de l’Australie.
45Tasman et Visscher, partis le 8 octobre 1642 de l’île Maurice, rencontrèrent bientôt des difficultés considérables dans l’exécution du projet40. Les mers où l’on se hasardait étaient encore totalement inconnues et on ne savait pas que les vents forts des ‘quarantièmes rugissants’ se transformaient en tempêtes plus loin dans la zone des 50°, où l’on approchait les turbulences météoriques de la zone de convergence antarctique. Après avoir estimé la longitude comme 114° 56’ de Ténérife, Visscher considéra que le parcours était trop lourd et il proposa de changer de cap et de chercher d’abord la latitude de 44°41. Après avoir trouvé la longitude de 150° (130° de Greenwich), il voulait suivre la 40e parallèle jusqu’à 220° (200° oriental ou 160° occidental de Greenwich) où l’on estimait d’après leurs mauvaises cartes trouver les fameuses îles de Salomon (qui se trouvaient en réalité plus de 20° à l’Ouest de cette position). Ce changement était important. Si l’on avait suivi le plan original, on n’aurait trouvé que le vide de l’océan austral, on serait passé loin de l’Est de la Nouvelle Zélande à travers la vide du bassin Pacifique Sud-Est aux îles de Cook. Dans ce cas ils auraient définitivement et totalement mis fin au mythe du grand continent austral, sans toutefois découvrir rien de nouveau sauf peut-être les îles de Cook. Leur nouvelle route ne pouvait pas apporter de changements si radicaux, mais les porterait nécessairement vers la Tasmanie, la Nouvelle Zélande et dans plusieurs archipels inconnus.
46Le 24 novembre, les navires tombèrent sur la côte méridionale d’un grand pays totalement inconnu, qu’ils supposaient toutefois être directement lié à la côte découverte par Nuyts bien que nous sachions maintenant que ce pays, la Tasmanie, est séparé de l’Australie par un détroit. Les Tasmaniens se cachèrent à l’observation des Néerlandais, bien que les Néerlandais eussent vu des traces de présence humaine dont ils tirèrent la conclusion que les habitants de la région étaient des gens très primitifs. Après avoir passé au long de la côte méridional de la Tasmanie ils voyaient leur course vers l’Est à nouveau ouverte. Ils se hasardèrent de nouveau en pleine mer, et leur course les porta directement vers l’île méridionale de la Nouvelle Zélande.
47Ils rencontraient la côte de l’île méridionale de la Nouvelle Zélande, en naviguant dans un temps assez rude vers le Nord et en cherchant un lieu où jeter l’ancre. Là, leurs chaloupes envoyées pour chercher de l’eau fraîche firent une fâcheuse rencontre avec des canots de Maoris et plusieurs marins néerlandais furent tués. On considéra le pays comme hostile et on n’y aborda plus. On pensait qu’on était arrivé sur la côte occidentale du Statenland, le continent austral dont la côte orientale avait été découverte par Schouten : un exemple de plus de la ténacité du mythe du grand continent austral. En passant au Nord, ils croisèrent une ouverture avec un courant fort que, par cause du mauvais temps, ils ne purent pas explorer. C’était toutefois le Détroit de Cook entre les deux îles de la Nouvelle Zélande. Le 4 décembre, ils passaient la pointe septentrionale du Statenland’ qu’ils appellaient Cap Maria van Diemen. Ce nom a été rendu plus tard romantique par la mythologie de nos Antipodes qui pensaient que Tasman aimait la fille du Gouverneur Général. En fait, Van Diemen n’avait pas de fille, et le cap fut appelé d’après l’épouse du Gouverneur Général. Le jour suivant, ils approchaient une petite île, dont le lendemain, ils contournaient la côte qu’ils appelaient Drie Koningen (Trois Rois, c’était le 6 janvier) en cherchant une aiguade, qu’ils n’osaient pas utiliser craignant l’attitude hostile des habitants.
48Désormais, ils supposaient avoir passé la pointe septentrionale du grand continent de Statenland et être entrés dans l’Océan Pacifique. Préoccupés de leurs stocks d’eau et de vivres, ils ne faisaient aucune tentative pour reconnaître la côte Nord-Est du Statenland, mais ils constataient la présence d’un courant fort, et en concluaient à la présence d’un grand espace maritime à l’Est et donc la présence d’un passage vers la côte du Chili.
49Ils continuaient leur route vers la position supposée des Iles de Salomon en découvrant les principales îles encore inconnues de l’archipel de Tonga (où la population amicale leur permettait de se ravitailler et les dames locales se montraient si amoureuses que les officiers néerlandais semblent avoir eu de la peine à éviter qu’il y ait une population de métis néerlandais dans l’île de Namuka)42. Puis ils parcoururent avec grand danger les écueils de Fiji. Encore sous la pression de l’effroi causé par le passage dangereux des Fiji, ils jugeaient que le saison était trop avancée et qu’il serait dangereux d’aller chercher les Iles de Salomon ou d’autres archipels parce qu’on risquait de s’échouer sous le vent sur la côte de la Nouvelle Guinée. C’était un fait commun chez les explorateurs qui craignaient d’être jetés sous le vent dans un cul-de-sac sous la Nouvelle Guinée, ce qui a empêché la redécouverte du vrai archipel de Salomon. On se dirigeait vers le Nord-ouest, et on atteignit finalement l’atol d’Ontong Java, déjà découvert par Schouten et Le Maire (s’ils avaient navigué directement en direction occidentale, ils auraient rencontré l’Austrialia de Quirós). Ils suivirent ensuite à peu près le tracé de Schouten et Le Maire, avec comme seule variante importante le fait qu’ils suivirent le flanc occidental de l’Archipel de Bismarck. A partir des Moluques ils n’exécutaient plus la dernière partie de leurs instructions, mais ils passaient directement à Batavia.
50Ce qui reste intéressant, c’est la discordance entre les désirs et les instructions du Gouvernement Suprême des Indes et l’exécution pratique. Dans l’optique du Gouvernement Suprême, Tasman et Visscher avaient laissé trop d’incertitudes. Le projet présenté par Visscher était de plus grande envergure et appelait directement la curiosité des membres du Gouvernement sur les parties inconnues du monde. Hélas, Tasman et Visscher en avaient seulement levé le coin. En plus, ils avaient abouti à une conclusion qui appartenait encore à la vieille conception d’un monde largement terrestre en supposant leur continent de Statenland. Le Gouvernement Suprême grommelait que l’essentiel, la route du Chili, restait encore à prouver plus nettement. On considérait qu’un « successeur plus curieux » devrait combler les lacunes laissées par Tasman. Ceci ne pourrait pas être fait immédiatement parce que la Compagnie était dans l’incertitude sur le fait de savoir si la côte du Chili ne serait pas comprise dans la monopole de son compétiteur, la Compagnie des Indes Occidentales, qui avait récemment envoyé une expédition au Chili par la route atlantique dont les résultats n’étaient pas encore connus43.
51Bien que cette expédition future et intéressante fût réservée « à des gens plus curieux », Tasman et Visscher furent envoyés pour compléter l’exécution de leurs instructions concernant l’image du continent que nous appelons maintenant l’Australie44. Ils reçurent une force de trois navires, dont un très petit, le Bracq (une espèce de chien de chasse), donc destiné à explorer des endroits peu accessibles. Bien que nos information sur ce voyage se basent surtout sur des sources cartographiques (il n’existe plus de rapport de ce voyage), nous en connaissons les résultats par les cartes. Tasman devait se diriger au Sud-Est des Moluques pour vérifier encore une fois si vraiment il n’y avait pas de passage entre la Nouvelle Guinée et la côte de l’Australie, et ensuite combler toutes les lacunes qui existaient encore sur la carte entre les parties de l’Australie septentrionale et occidentale déjà découvertes par les expéditions antérieures.
52On se demande pourquoi le Gouvernement Suprême répétait ses recherches pour une passage entre l’Australie et la Nouvelle Guinée : avait-il repéré quelque rumeur sur les anciennes découvertes de Torres ? En tout cas, il n’obtint pas les résultats qu’il espérait, bien qu’il eût équipé Tasman avec un navire spécial pour chercher des passages difficiles : à l’entrée du Détroit de Torres, Tasman retrouvait la « baie marécageuse » de Carstensz. et n’y pénétrait pas. Dans le voyage qui s’ensuivit, on établissait le tracé général des côtes de l’Australie septentrionale et occidentale, quoiqu’assez grossièrement, nonobstant le fait qu’ils avaient un petit navire pour explorer plus en détail. On n’y trouvait que « des pauvres batteurs de grève nus, sans riz, sans fruits d’importance, des gens très pauvres qui étaient en plus à plusieurs endroits de mauvaise intention »45.
53On peut bien comprendre le manque d’enthousiasme que témoignait le Gouvernement Suprème concernant les résultats des expéditions. Ce que Tasman et Visscher avaient trouvé, c’étaient des simples données géographiques et quelques îles. La possibilité de l’existence d’une route vers le Chili par le Sud de l’Australie était démontré, mais on n’en pouvait rien faire parce qu’on comprit assez bien qu’on aurait peu de chance de gagner un dispute juridique sur le Chili avec la Compagnie des Indes Occidentales. Que l’Australie était limitée au Sud et à l’Est, c’était une découverte purement scientifique, sans aucun sens économique pour une compagnie marchande. Il était bien compréhensible que dans la panique qui avait suivi le passage hasardeux de l’archipel Fiji, Tasman et Visscher n’osent plus se hasarder entre les îles des archipels découverts par Mendaña et Quirós, mais c’était justement là que les seules vagues espoirs de profit du Gouvernement Suprême reposaient. Il est également compréhensible que l’incident de décembre 1642 avec les Maoris avait poussé Tasman et Visscher à ne pas explorer leur Statenland plus en détail. Dans l’optique du Gouvernement Suprême, Tasman s’était éloigné trop précipitamment du Statenland (bien que Tasman eût pris soin de mentionner dans son rapport des indications montrant que les habitants du Statenland n’etaient pas intéressants du point de vue économique). C’était justement le Statenland qui allait être remis en question d’un côté tout différent
La réapparition de Hendrik Brouwer
54Hendrik Brouwer, qui avait proposé la route maritime qui avait provoqué les découvertes de la côte de l’Australie occidentale et méridionale, avait eu une carrière honorable dans la service de la Compagnie des Indes orientales. Il avait été Gouverneur Général des Indes Orientales de 1632 à 1636. Après son retour aux Pays-Bas, il semble que l’esprit aventurier ne l’avait pas quitté. Il s’intéressait aux opérations de la Compagnie des Indes Occidentales. Cette Compagnie, créée en 1623, avait un octroi valable pour l’Amérique et l’Afrique occidentale. Elle trouvait un grand profit dans les opérations maritimes contre l’Espagne. En même temps que la Compagnie des Indes Orientales, elle considérait les possibilités des attaques contre les Espagnols au Chili et la possibilitê d’occuper une région connue pour ses mines d’or où la présence espagnole n’était pas forte.
55Hendrik Brouwer fut nommé chef d’une grande expédition au Chili qui partit en 1642 d’Amsterdam. La plus importante découverte de cette opération se fit un peu par hasard. Un des navires de l’expédition éprouvait quelques difficultés à passer le Cap Hoorn et fut lancé par les vents furieux autour de la Terre des Etats. Ainsi on se rendit compte que ce n’était que l’Ile des Etats et qu’au sud rien ne séparait les océans Atlantique et Pacifique. Finalement, l’espace, vu de loin par Drake, était exploré. En même temps le continent de la « Terre des Etats » de Tasman fut reléguée au monde des mythes, bien que plusieurs ne voulussent pas croire immédiatement aux résultats de Brouwer qui portaient atteinte à la croyance populaire sur le continent de Magellan46.
56On trouve l’expression la plus claire des nouvelles conceptions géographiques issues des voyages de Tasman et de Brouwer dans les cartes qui furent imprimées à Amsterdam peu de temps après, à partir de 1645. Le cartographe officiel de la Compagnie des Indes Orientales a revu les noms donnés par Tasman. L’Australie s’appelle désormais la Nouvelle Hollande, nom qui a été en usage pendant deux siècles. Comme contrepoids, le nom de la province de Zélande, deuxième siège de la Compagnie des Indes Orientales, était donné au Statenland de Tasman, désormais connu comme la Nouvelle Zélande47.
Le monde après Tasman
57Ce que Tasman et Visscher avaient prouvé, c’est que le bloc Australie-Tasmanie-Nouvelle Guinée était totalement separé d’un supposé continent antarctique. On ne savait encore rien de ce dernier continent, et on ne pouvait pas savoir si la Nouvelle Zélande s’y attacherait peut-être. Les opinions du monde savant étaient divisées. Certains cartographes se limitaient à dessiner seulement les côtes vérifiées par les découvertes, tandis que d’autres continuaient a combiner les nouvelles données avec les tracés théoriques de l’ancien continent austral, dont toutefois la Nouvelle Hollande était définitivement détachée48. Surtout chez certains cartographes français on trouve la théorie qui remonte à Tasman et à Visscher et qui suppose que la Nouvelle Zélande est l’extrémité méridionale d’un grand continent antarctique qu’on continue à appeler Terre Australe ou Terre Magellanique49. Il semble toutefois que les Néerlandais, bien que laissant des blancs, aient perdu définitivement la croyance dans un grand continent austral. Leurs plus importantes cartes mettent hardiment des images de navires sur les endroits où les cartographes français continuent à croire aux régions non-polaires du continent austral50.
L’exploration des archipels sub-antarctiques à partir du Cap de Bonne Espérance
58Les Portugais avaient déjà trouvé Tristan da Cunha et l’île Gough (qu’ils appelaient Diego Alvarez) dans le Sud de l’océan Atlantique et les îles de Saint Paul et Amsterdam dans l’océan Indien. Les Néerlandais s’étaient intéressés un peu à ces dernières deux îles parce qu’elles donnaient un point de repère sur la route des quarantièmes. Ainsi elles étaient dessinées par une expédition à laquelle Van Diemen participait, et plus tard explorées en détail à plusieurs reprises51.
59En 1653, les Néerlandais fondaient la ville du Cap, et on commençait immédiatement par explorer les régions voisines. Ces explorations, moins bien documentées, nous fournissent quelques casse-têtes. Le commandant du Cap avait à sa disposition une petite galiote, le Nagtglas (« Sablier »), qu’il employait pour des recherches. En 1655, le Nagtglas était envoyé pour explorer Tristan d’Acunha en détail. On trouva que c’était un archipel de trois îles. On donna des noms aux deux plus petites, l’une l’Ile Nagtglas (maintenant Inaccessible Island) et l’autre Gebroken Eiland (maintenant Nightingale Island). On considérait cet archipel fouetté par les vents sans aucune utilité52. En même temps, une escadre partie d’Amsterdam arriva au Cap. Cette escadre avait été poussée très loin au Sud par les tempêtes dans une mer pleine d’icebergs où ils avaient trouvé une île sur une latitude de 40°. Le rapport du voyage mentionne qu’il ne peut pas s’agir de Diego Alvarez (Gough Island), mais il est difficile de s’imaginer quelle autre île ce pourrait avoir été53.
60Ce n’était pas la seule découverte de cette époque. En 1661, le navire Maarsseveen dont nous possédons encore le journal de bord détaillé parti du Cap pour Batavia sur une latitude de 40°- et quelques minutes, y trouva après quelques jours de voyage deux îles qu’on appelait Maarsseveen et Dina. Ce sont sans doute les îles de Marion et Prince Edward. A signaler que les latitudes données par le navigateur portent une erreur de 3°54. Cette découverte est aussi restée presqu’inconnue, quoique les cartes postérieures la montrent. L’infortuné Marion Dufresne est crédité généralement de la découverte en 177255.
61En plus, on trouve sur plusieurs cartes une Ile Nagtegaal au Sud de l’Ile Maurice sur une latitude qui varie de 40° à 43°. La longitude ferait supposer que ce serait une des îles de l’archipel Crozet. Cette découverte d’une île des Crozet n’est toutefois pas entièrement sûre parce que la latitude a une erreur qui varie de 2 à 5° sur les cartes. Il reste néanmoins possible que les observations de latitude dans cette région aux ciels couverts étaient peu exactes avec les méthodes de cette époque : une erreur semblable était faite avec la latitude des découvertes du Maarsseveen. Malheureusement, nous n’avons pu trouver aucune source écrite sur cette découverte. Il a bien existé un navire de la Compagnie des Indes Orientales portant le nom de Nagtegaal, mais nous n’avons pas de journal de bord de ce petit navire, qui appartient toutefois au type employé pour les explorations. Le Nagtegaal passa le Cap en 166256.
62On avait trouvé que la région au Sud du Cap était peu hospitalière à cause d’icebergs et de tempêtes. Les Néerlandais ne s’intéressaient plus à une région n’offrant aucun profit possible.
Les projets des Roggeveen
63Ce qui restait encore peu clair, c’était la délimitation orientale de l’Australie et la position exacte des archipels où Mendaña et Quiros avaient supposé leur riche Terre Australe. En 1671, un géographe zélandais, Arend Roggeveen, propose une compagnie octroyée pour le commerce dans l’océan Pacifique entre le Détroit de Magellan et la Nouvelle Guinée. Cet octroi fut donné en 1676 avec exclusion des côtes américaines, tombant sous l’octroi de la Compagnie des Indes Occidentales. On ne trouva pas de capital et le projet fut oublié57.
64Ensuite il y eut quelques découvertes anglaises et néerlandaises, par Dampier et De Vlaming, qui mettaient au point certains détails concernant les côtes de l’Australie et de la Nouvelle Guinée et des archipels subantarctiques sans apporter des changements importants dans l’image du monde58. Les expéditions néerlandaises pour explorer l’Australie continuèrent même jusqu’en 1756, mais sans provoquer des modifications sensibles dans la connaissance de ce continent59.
65Un nouvel espoir fut provoqué par une découverte d’un autre Anglais, Edward Davis. En 1687, Davis trouva dans un endroit mal spécifié au large de la côte du Chili une côte de sable qu’il pensait appartenir à ce continent austral qu’on ne pouvait pas oublier60. Ce seraient les Néerlandais qui une fois encore assureraient que là aussi il n’y avait pas le continent austral. Ceci se passait à l’occasion d’une expédition postérieure qui reprit les projets de Roggeveen.
66Il restait difficile de trouver une base économique pour un voyage dont les profits ne se voyaient guère : quels produits intéressants pour le marché européen pourrait-on ramener des îles du Pacifique ou de l’Australie. On pourrait établir des colons européens dans ces zones à climat modéré, comme cela fut proposé à la Compagnie des Indes Orientales par un aventurier, Joan Pieter Purry, en 1718, mais la vérité est qu’il y avait en Amérique et en Afrique du Sud des régions plus accessibles qui pouvaient facilement contenir tous les colons qui s’offraient en Europe61. Néanmoins, il y eut une dernière fois des aventuriers dans les Pays-Bas. Jacob Roggeveen, fils d’Arend Roggeveen, reprit les projets de son père en 1721 et trouva la Compagnie des Indes Occidentales prête à le financer. Le nouveau projet était plus intéressant. On devait d’abord vérifier la découverte d’Edward Davis de 1687. On n’en espérait pas grand chose, puis on devait passer au Nord pour trouver le tracé de Schouten dans les Touamotou. Ensuite, il fallait suivre un tracé un peu plus au Sud parce que Schouten avait observé des signes de terres au Sud de son trajet. Toutefois il fallait prendre garde parce que le passage des archipels inconnus était dangereux. Il fallait ensuite continuer vers le Sud-Ouest pour atteindre à une latitude de 35° la Nouvelle Zélande. Ensuite on aurait le choix entre mettre le Cap au Sud, et suivre les vents occidentaux vers la côte du Chili, ou bien retourner vers le Nord-Est vers l’Amérique62. L’idée d’un voyage vers l’autre côté de la Nouvelle Zélande n’est pas totalement unique, un livre fantastique anglais paru en 1725 prétend que ce voyage avait été fait en 1714 par un capitaine de Dunkerque, Mirlotte63.
67Ce qui est le plus intéressant, c’est que Roggeveen suppose avec un vrai sens prophétique la situation exacte de la Nouvelle Zélande : on pourrait la contourner pour retourner au Détroit de Magellan. C’est de nouveau l’exécution pratique qui, malheureusement, a fait d’un voyage à grandes promesses une expédition bien moins intéressante64. Roggeveen passa hardiment le Détroit de Drake, loin au Sud de la Terre des Etats à une latitude de 60° 48’, sans trouver trace d’un continent au Sud. Le récit du voyage par Behrens mentionne par erreur qu’on était passé plus au Sud. Dans ce contexte, ce dernier auteur donne une théorie sur l’existence du continent antarctique qui n’était pas vraiment originale, mais toutefois intéressante pour notre connaissance des bases de l’image du monde à cette époque. Sa théorie (qui est juste) est que les icebergs qu’on rencontrait devaient venir d’un continent, parce que de telles masses de glace ne pouvaient pas se produire dans l’eau. Ainsi la théorie d’un continent antarctique se maintenait quoiqu’on n’en sût encore rien.
68Par la suite, Roggeveen chercha le continent de Davis. Il trouva en effet l’île de Pâques et vérifia qu’il n’y avait pas un continent austral dans cette direction. Un peu au sud du tracé de Schouten, il passait les Touamotou. Il vérifia ainsi qu’il n’y avait pas une terre derrière cet archipel comme Schouten et Le Maire l’avaient pensé, mais un labyrinthe de petites îles, région très dangereuse à explorer avec les gros navires marchands néerlandais. De cette manière, Roggeveen avait démenti déjà deux mythes sur le continent austral. Il devait trouver qu’il était trop dangereux de changer de course dans la direction de la Nouvelle Zélande à travers ce labyrinthe. Le vent et les circonstances ne permettaient qu’une chose : poursuivre le tracé de Schouten et bien que ce fût formellement interdit, se diriger vers le territoire de la Compagnie des Indes Orientales65. Cette décision prise le trois juin 1722, ils découvrirent au Sud les îles de Bora-Bora et Mapiti dans l’archipel de la Société qu’ils prenaient par erreur pour des îles déjà découvertes par Schouten66. Ensuite ils découvrirent les principales îles de l’Archipel de Samoa, que Schouten avait passé par le Sud. Ensuite on évitait le plus loin possible la Nouvelle Guinée, passant au Nord du tracé de Schouten.
69Le voyage de Roggeveen n’apporta aucun profit à la Compagnie des Indes Occidentales. Pour la connaissance du monde, ce voyage n’a pas eu de résultats très importants. On a vérifié qu’il n’y avait pas de continent austral où Davis ou Schouten le pensaient, on a exploré l’île de Pâques et on a découvert plusieurs îles dans la Pacifique. Pour les Néerlandais, la période des grandes initiatives pour la découverte de ce nouveau monde était close.
70Pour nous, le projet de Roggeveen est presque plus intéressant que le voyage. La conception du monde dont témoigne le projet est moderne : pas un continent austral dans les latitudes accessibles (on ne s’intéresse pas à l’Antarctique inconnu et inaccessible avec les moyens de cette époque), la Nouvelle Zélande insulaire. Le voyage a toutefois inspiré plus tard plusieurs autres explorateurs qui de prime abord voulurent résoudre la question qui hantait encore les esprits et que les Néerlandais avaient omis de résoudre : où sont l’Austrialia de Quirós et les Iles de Salomon de Mendaña ? Ainsi l’Anglais Carteret, suivant le tracé de Roggeveen et tournant la Nouvelle Guinée dans un cercle plus étroit, traversa (sans s’en rendre compte) les Iles de Salomon de Mendaña. Bougainville était le premier qui ne changeait pas de direction vers le Nord après Nuafua, mais continuait en direction occidentale. De cette manière il trouva finalement l’Austrialia de Quirós et poursuivit encore plus loin où il atteignit la Grande Barrière. Lui aussi aboutit parmi ces îles de Salomon de Mendaña, qu’il ne reconnut pas comme telles. Ainsi le manque de précision des auteurs anciens hantait encore les esprits en 1769. Le célèbre Cook a finalement exécuté le projet originel de Roggeveen. Parti des Touamotou, il naviguait vers le Sud-Ouest et rencontrait, comme prévu, la Nouvelle Zélande. Seulement, ce tracé se révéla très difficile avec le vent et le courant contraires, montrant que Roggeveen, commandant des navires moins manœuvrables, n’avait pas légèrement modifié cette partie de son programme. Les données trouvées dans les archives de Manilla sur le voyage de Torres de 1606 poussèrent Cook à rectifier la dernière très grande erreur commise par tant de navigateurs néerlandais : il passait entre l’Australie et la Nouvelle Guinée.
71Ainsi se matérialisa une image d’une partie encore presqu’inconnue du monde. Le manque d’attentes économiques (discuté par certains esprits échauffés) semble évident. La manière dont les résultats des explorations néerlandaises ont été interprétées avant les voyages de Bougainville et de Cook a varié considérablement. Jacob Roggeveen avait eu une vue assez prophétique qui semble presque moderne. Les Néerlandais étaient peu intéressés, ayant d’autres territoires plus profitables pour y diriger leurs énergies, mais d’autres faisaient preuve de plus d’enthousiasme. L’éditeur d’une fameuse collection de voyages, John Campbell, montre un conservatisme étrange en suivant l’image du monde de Tasman : la Nouvelle Guinée, l’Australie, Tasmanie et l’Austrialia de Quirós contituaient un continent, la Nouvelle Zélande un autre, s’étendant vers l’Amérique latine. Il voyait de grands profits dans la colonisation du premier continent « Terra Australis Cognita » : « The Dutch had made no use of it ; they had published no description of it and their opinion that it was worthless carried no conviction ». Accusations par certains Français et Anglais selon lesquelles les Néerlandais ont eu des motifs profonds pour tenir leurs découvertes secrètes afin d’éviter que leurs compétiteurs s’y établissent. La réalité était que les Néerlandais trouvaient les découvertes peu importantes. Des étrangers pouvaient, s’ils le voulaient, acheter les cartes les plus détaillées : c’est pourquoi certaines des meilleures cartes de l’expédition de Tasman se trouvent à Vienne, une fois achetées à Amsterdam par Eugène de Savoie.
72Le Président Charles de Brosses opérait, lui aussi, dans la croyance de la profitabilité des terres australes qu’il propose de peupler comme colonie pénale, idée réalisée plus tard par les Anglais. « L’entreprise la plus grande, la plus noble, la plus utile peut-être... est la découverte des Terres australes »67. Là aussi, on était incliné à supposer les parties inconnues du monde comme terre plutôt qu’espace marin.
73Les Français, connaissant bien au Canada les profits du monde subarctique, pensaient pouvoir exploiter aussi bien les richesses du monde subantarctique68. Les Néerlandais avaient laissé ce monde à part, après l’avoir trouvé inexploitable. En 1738-1739, Bouvet s’était attaqué à l’Antarctique inconnu mais il retourna après avoir trouvé un cap qu’il pensait appartenir au continent de l’Antarctique. C’était une fois encore une fausse attribution : c’était une petite île singulièrement inhospitalière qui porte maintenant le nom de Bouvet. Ce n’est qu’en 1772 que commencent les grandes explorations françaises dans les archipels sub-antarctiques. Les premières découvertes de Marion Dufresne furent ces îles Maarsseveen, Dina et Nagtegaal qui portent désormais les noms de Marion et de Crozet.
Conclusion : l’exploration utilitaire
74On pourrait dire que les découvertes néerlandaises pourraient être résumées comme négatives : démontrer d’une manière aussi aride que solide que les grandes idées qui animaient les chercheurs d’Eldorado et les chercheurs d’âmes à convertir n’existaient pas. En effet, dans l’histoire – qui n’est pas une épopée – des découvertes néerlandaises, il y a trois éléments différents : la technique de l’exploration, le type d’explorateur et l’image du monde.
75Dans le cas de la Compagnie des Indes, on trouve une entreprise qui fait des découvertes par accident dans l’exécution de son négoce (le cas de Hertogsz) ou bien emploie une partie de ses moyens pour la recherche. Ce peut être une recherche directement nécessaire pour éviter des pertes (le cas de Carstensz) ou bien une recherche plus avancée (le cas de Tasman). Le deuxième type ne peut exister que dans le cas où l’espoir de profit justifie la déviation de moyens, Il y a eu trois expéditions importantes qui n’appartenaient pas à la Compagnie des Indes Orientales. La première, celle de Schouten et Le Maire, est encore une expédition du vieux style : on trouve un capital et on le jette dans l’inconnu, chose rare chez les Néerlandais. Les deux autres appartiennent à la Compagnie des Indes Occidentales qui chercha quelquefois à trouver des profits dans le monde inconnu du Pacifique. Elles répondent à l’esprit de la Compagnie des Indes Occidentales, entreprise spéculative par comparaison avec son homologue des Indes Orientales. Les expéditions de Brouwer et de Roggeveen étaient de très grosses entreprises et de grandes aventures orientées vers l’exploitation immédiate des découvertes. Les désillusions qui suivirent ces grandes entreprises furent considérables.
76L’explorateur n’est certainement pas un grand caractère. Dans la grande machinerie de la Compagnie des Indes Orientales on rencontre l’explorateur-fonctionnaire, dont le spécimen typique est Abel Tasman. Ayant commencé comme simple marin, il a reçu promotion après promotion. Dans ses faits et gestes on trouve autant des capacités de marin et de navigateur acquises dans un large milieu favorable que les petitesses d’un fonctionnaire ayant peur de ses supérieurs, et même des manifestations d’un esprit rude et vulgaire. Les découvertes se font pour l’intérêt de la Compagnie. On espère bien trouver or et argent, mais on sait que c’est peu réaliste et on cherche surtout à trouver des possibilités de commerce ; on ne veut certainement pas trouver des nouveaux mondes pour convertir une foule d’âmes au christianisme. La découverte est un processus où chaque avancée se fonde sur les résultats des voyages précédents, souvent soigneusement documentés.
77Dans cette évolution progressive de la connaissance du monde, les projets et les instructions aux explorateurs sont aussi intéressants que les voyages. Les instructions montrent les attentes qui sont fondées sur l’interprétation des voyages antérieurs. Les instructions pour les voyages néerlandais montrent un réalisme marqué. Les limitations techniques et quelquefois aussi le fait que les explorateurs étaient des fonctionnaires, pas des héros, ont limité les résultats des expéditions. Toutefois, les instructions et projets traitent deux éléments essentiels de l’image du monde tel que nous le connaissons et que les explorateurs néerlandais ont omis de vérifier : le passage au Sud de la Nouvelle Guinée et celui au Sud de la Nouvelle Zélande.
78Au cours du dix-septième siècle, l’image du monde est devenue plus mathématique. Chez les Néerlandais, la terre est en train de devenir une sphère couverte d’un réseau de coordonnées. On aspire à une image totale du monde réél avec la grande production de mappemondes, pas comme cartes rectangulaires mais comme deux hémisphères. Sur ces cartes, l’amas de monstres et autre images de fantaisie sur l’emplacement du continent austral va être remplacé par le vide et les nouvelles parties ne s’y trouvent que si elles sont vraiment connues. Toute la technique de la navigation est en évolution : en lieu d’un simple trajet linéaire d’un port à une côte visible, on prescrira des trajets entre points mathématiques : voir la route de Brouwer et l’évolution progressive du « karrespoor ».
79Les belles cartes portugaises sont remplacées graduellement par des instruments plus utilitaires. Ce n’est pas que les Néerlandais soient incapables de faire de beaux objets : il suffit de voir les dessins de Gilsemans dans le rapport officiel de l’expédition d’Abel Tasman. Néanmoins, pour l’usage général, on a besoin de cartes produites en masse qui ne montrent que la réalité établie. Il suffit de faire la comparaison entre deux cartes de Hessel Gerritsz, le premier cartographe officiel de la Compagnie des Indes Orientales : la grande belle carte à la Portugaise de l’océan Pacifique de 1622, à la Bibliothèque Nationale de Paris, et le simple instrument de travail montrant le Nord de l’Australie qui a récemment été retrouvé comme couverture dans un volume des archives de la Compagnie69. On dessine ce qu’on connaît, et ce qu’on ne connaît pas reste blanc.
80La nouvelle image du monde renfermait deux grandes terres accessibles : l’Australie et la Nouvelle Zélande. On a reproché à la Compagnie néerlandaise des Indes Orientales d’avoir montré un désintérêt presque total pour l’exploitation de ces découvertes. Ces reproches faits par des contemporains étrangers et par des générations postérieures aux Pays-Bas et à l’étranger, manquent de tout fondement sérieux. La Compagnie des Indes Orientales était une entreprise destinée à faire des profits. C’est sur ces profits que se fondait la position des Pays-Bas comme pouvoir colonial. L’exploitation de nouvelles terres, accessibles seulement par des détours, sans produits indigènes intéressants, pouvait se faire seulement en obligeant la population indigène à produire les produits étrangers demandés par le marché européen, ou par l’établissement de colons européens. Les deux alternatives restaient impraticables à l’époque. Forcer la population indigène exigeait des dépenses considérables et la population indigène serait-elle utilisable pour des cultures commerciales ? Etablir des colons européens était aussi impraticable : la Compagnie ne disposait pas de suffisamment de colons européens pour ses objectifs prioritaires et les dépenses seraient énormes. Il a fallu un système pénal totalement étranger à l’esprit humain aux Pays-Bas pour coloniser l’Australie par la déportation de condamnés.
81Dans notre récit, nous n’avons guère mentionné les populations indigènes. Les explorateurs néerlandais avaient constaté que les indigènes semblaient pauvres et souvent hostiles et ne possédaient pas de produits qu’on pouvait acheter. Ainsi les Néerlandais, employés d’entreprises commerciales, se désintéressaient totalement de ces populations indigènes. Les indigènes servaient seulement comme élément un peu sensationnel dans certains livres de voyage. Les gens du dix-septième siècle étaient trop rigidement attachés aux vérités de leur propre culture pour pouvoir communiquer avec les autres cultures s’il n’y existait pas une forte promesse de profit. On pouvait encore avoir des échanges avec, par exemple, des représentants des cultures islamiques, mais on ne s’intéressait pas à la culture des indigènes de l’Australie. La manque de communication a causé quelques tragédies, surtout dans les cas où les Néerlandais voulurent enlever des indigènes pour les porter à Batavia où des experts désiraient les étudier. Plusieurs fois aussi, les instructions de la Compagnie des Indes Orientales étaient très claires sur la bonne conduite à tenir par les expéditions à l’égard de populations indigènes et ces instructions furent bien tenues, comme dans le cas du voyage de Tasman de 1642-1643.
82Ce que les Néerlandais ont apporté comme résultats, ce sont surtout des connaissances superficielles et une autre manière de voir le globe terrestre. La dernière nymphe, appellée Magellanica, s’est éloignée à la nage. Ce qui est typique, c’est que contrairement aux grandes découvertes des Espagnols et des Portugais, ces découvertes néerlandaises n’ont pas directement ouvert de nouvelles terres aux Européens. Ce n’était pas pour des motifs obscurs, mais simplement parce que l’exploitation de ces terres ne cadrait pas avec les possibilités économiques de cette époque.
Notes de bas de page
1 Le cartographe vénitien Gastaldi publia en 1571 une carte montrant une Terre de Feu assez modeste. Voir aussi la carte portugaise d’Andrea Homem de 1559, reproduite en M. de la Roncière et M. Mollat du Jardin, M., Les Portulans, cartes maritimes du XIIIe au XVIIIe siècle (Fribourg, 1984), pl. 55 qui met sur l’espace du continent austral de Ptolémée simplement Mare Yncognita.
2 Ortelius, Théâtre de l’Univers (Anvers 1572), fol. iii verso.
3 La découverte de Drake fut publiée plusieurs fois à l’époque. Voir W.A. Engelbrecht et P.J. van Herwerden, De ontdekkingsreizen van Jacob le Maire en Willem Comelisz. Schouten (’s-Gravenhage 1945), t. 2, p. 133- 134.
4 Voir la discussion dans Schilder, Australie unveiled (Amsterdam 1976), p. 24-26. L’authenticité des données sur ces cartes n’est pas appuyée par le fait que certains offrent à côté des détails des côtes qu’on veut croire représenter l’Australie des détails entièrement imaginaires sur des côtes qui n’existent pas, voir la carte de Pierre Desceliers (reproduite dans Roncière, Portolans, pl. 47). L’intéressante tentative par R. Hervé, Découverte fortuite de l’Australie et de la Nouvelle Zélande par les navigateurs portugais et espagnols entre 1521 et 1528 (Paris 1982) semble toutefois trop poussée sur des sources qui ne sont pas décisives pour en tirer des preuves définitives.
5 Schilder, Australia unveiled, p. 22-23. Les chartes de Godinho de Heredia dans A. Cortešo, A., Portugalliae monumenta cartographica (Lisbon 1960), vol. 4, pl. 413A, 414B, 419B.
6 Sur la première expédition de Mendaña voir : Lord Amherst and B. Thomas, The discovery of the Solomon Islande by Alvarez de Mendaña (2 t., London 1901) et sur la deuxième C. Markham, The Voyages of Pedro Fernandez de Quirós 1595 to 1606 (London 1904), t.l, p. 2-160.
7 Les textes concernant les voyages de Quirós et de Torres ont été publiés en traduction anglaise dans C. Markham, Quirós, t. 1, p. 161-320, 2, p. 321-406 et C. Kelly, L’Austrialia de Espiritu Santo, vol. 2, p. 126-127.
8 Davids, Zeewezen en Wetenschap, p. 118-119. Le premier cas d’un journal de bord néerlandais mentionnant les coordonnées des positions journalières est celui de la Hollandia de 1626, ARA (= Archives Générales de l’Etat, La Haye) VOC 1089, fol. 357-374.
9 Davids, Zeewezen en Wetenschap, p. 178-179.
10 Vori R. Posthumus Meyes, De Reizen van Abel Janszoon Tasman en Franchoys Jacobszoon Visscher (’-Gravenhage 1919), p. 201-206. Le mathématicien Willebrord Snellius avait calculé le mile nautique néerlandais (« Duytsche mijl » ou 1/15 d’un degré de méridien) sur 22 800 pieds d’Amsterdam ou 7 158 mètres. Peu de temps avant sa mort il avait trouvé l’erreur de son calcul, mais cette rectification ne fut pas prise en compte. Le cartographe Blaeu, qui deviendrait plus tard cartographe de la Compagnie des Indes Orientales, avait refait le calcul en c. 1617 et il arriva à l’équivalent de 7 414 mètres (la valeur exacte est 7 408), mais par humilité artisanale il cacha sa trouvaille qui ne fut connue qu’en 1670.
11 Posthumus Meyes a suffisamment montré la dextérité de celui qui faisait les observations lors de l’expédition d’Abel Tasman de 1642-1643 (probablement c’était François Visscher) en recalculant toutes les positions établies lors de ce voyage : voir Posthumus Meyes, Reizen, p. 214-258.
12 Les textes de ce voyage ont été publiés dans F.C Wieder, De Reis van Mahu en de Cordes door de straat van Magelhes (’s-Gravenhage 1923).
13 A. de Herrera, Description des Indes Occidentales (Amsterdam 1622), p. 193.
14 Textes dans J.W. Ijzerman, Dirck Gerritsz Pornp (’s-Gravenhage 1915), p. 159, cf. A. Wichmann, Dirck Gerritsz (Groningen 1899), p. 63-69.
15 Schilder, Australia unveiled, p. 43-53. La carte dans F.C. Wieder, Monumenta Cartographica (The Hague 1925-1933), p. 176-178 et pl. 125.
16 C’est la carte des Indes Orientales de Joannes Jansonius, voir Schilder, Australia unveiled, p. 49.
17 Un fameux cartographe, Hessel Gerritsz, avait publié une traduction d’un mémoire de Quirós concernant la découverte de son Austrialia : S.P. L’Honoré Naber (ed), Hessel Gerritsz, Samoyedenlandt en Spitsberghen (’s-Gravenhage 1924), p. 34-46.
18 Les textes sur l’expédition ont été publiés dans Engelbrecht et van Herwerden, Ontdekkingsreizen, t. 1, pp. 1-101 (la version de Le Maire) et 149-220 (la version de Schouten).
19 Engelbrecht et Van Herwerden, Ontdekkingsreizen, t. 1, p. 49-50, 175.
20 Cette erreur était causée par le fait que leurs cartes, basées sur des cartes portugaises, mettaient la position longitudinale des Iles de Salomon plus de dix degrés trop loin vers l’Est.
21 Schouten et Le Maire découvrirent quelques îles dans le Nord du groupe Touamotou (Poukapouka et le groupe des îles de King George), les îles à l’extrémité septentrionale de l’Archipel de Tonga (Tafahi et Niuafo’ou), les Iles de Hoom (groupe de Futuna), l’atoll d’Ontong Java au Nord des Iles de Salomon et quelques îles au Nord de la Nouvelle Guinée.
22 Le tracé suivi par les Néerlandais croisait entre les 80° et 90° de longitude occidentale celui de Quirós. Quirós voguait vers le Sud-ouest vers Tahiti, Schouten continuait sur la latitude de 15°. Au delà de Tahiti, Quirós tournait et suivit une course parallèle à celle de Schouten, mais sur une latitude de 10°. Toutefois, Schouten tournait vers le Nord-Ouest tandis que Quirós tournait au Nord après avoir trouvé les Nouvelles Hébrides environ 15° de longitude plus vers l’Occident.
23 Engelbrecht et Van Herwerden, Ontdekkingsreizen, t. 2, p. 120-121 ; C. Markham, Early Spanish Voyages to the Strait of Magellan (London 1911), t. 2, p. 28. 286-287.
24 F.W. Stapel (ed.), Pieter van Dam, Beschryvinge van de Oostindische Compagnie, t.l (’s-Gravenhage 1927), p. 665-667 ; J.R. Bruyn, F. Gaastra et I Schöffer, Dutch Asiatic Shipping t. 1 (’s-Gravenhage 1987), p. 66-68.
25 Une autre manifestation de cette manière de naviguer entre des points purement mathématiques est celle du karrespoor (ornière) utilisée pour la navigation dans la région équatoriale de l’océan Atlantique : on mit deux diagonales parallèles entièrement imaginaires sur la carte en pleine mer et on donna la prescription aux navires de rester entre ces deux lignes, ce qui était une navigation fondée purement sur les estimations et les observations astronomiques. Voir Dutch Asiatic Shipping, t. 1, p. 64-66.
26 ARA, VOC 451, fol. 58-61.
27 Cette plaque fut remplacée par une autre lors d’une expédition néerlandaise postérieure. La première plaque se trouve maintenant dans le Rijksmuseum d’Amsterdam. La seconde plaque fut enlevée par une expédition française de Louis de Freycinet et se trouva longtemps dans les collections de l’institut de France, mais elle fut finalement présentée au Western Australien Museum de Perth.
28 Schilder, Australia unveiled, p. 60-73. Pour les cartes de Hessel Gerritsz, voir ibid. p. 200-303.
29 Schilder, Australia unveiled, p. 77-79.
30 Schilder, Australia unveiled, p. 105-107
31 Reproduction dans Schilder, Australia unveiled, p. 399.
32 Reproductions dans Schilder, Australia unveiled, p. 407-419.
33 Schilder, Australia unveiled, p. 84-96. Les cartes de cette première vraie expédition de découverte envoyée expressément vers la terre australe reproduites chez Schilder, pp. 314-318. Une carte par le cartographe officiel de la Compagnie, Hessel Gerritsz, datant de peu après l’expédition, a été retrouvée dans la couverture d’un registre des archives de la Compagnie (ARA, VOC 873).
34 Instructions de Pool dans ARA, VOC 858, fol. 141-146.
35 Les résultats VOC 1121 fol. 945-947. Schilder, Australia unveiled, 129- 138.
36 Pour la biographie de Visscher, voir J.E. Heeres, Abel Jansz. Tasman, journal of his discovery of Van Diemens Land and New Zealand in 1642 (Amsterdam 1742), p. 107-110.
37 La biographie de Tasman, vrai explorateur de carrière, ayant commencé comme simple marin, et retenant de ses origines humbles un peu trop l’esprit de petit fonctionnaire dans B.J. Slot, Abel Tasman and the discovery of New Zealand (Amsterdam 1992), p. 45-56 et 77-88.
38 Le texte du projet est publié dans Postumus Meyes, Reizen, p. 160-163.
39 Les instructions dans Posthumus Meyes, Reizen, p. 144-154.
40 Le texte du journal de l’expédition (dont un original avec de belles illustrations se trouve dans les Archives Générales de l’Etat, Aanw. 1867 A III) est publié dans Posthumus Meyes, Reis, p. 1-137. La meilleure traduction anglaise avec la traduction d’un autre journal dans A. Sharp, The Voyages of Abel Jansz. Tasman (Oxford 1968), p. 89-263 et 264-310.
41 Posthumus Meyes, Reizen, p. 221-222 a recalculé les positions et arrive à la conclusion que Visscher avait fait dans ses calculs une erreur de 50 minutes de trop. Ceci, combiné avec les erreurs préalables de la fausse valeur assumée alors pour la longitude de Batavia comme point de départ, la correction pour le mile de Snellius et la conversion du méridien de Tenerife dans celui de Greenwich, donne la vraie position à c. 94° de Greenwich.
42 La belle histoire un peu sensationnelle est racontée dans un livre destiné au grand public : A. Montanus, De nieuwe en onbekende wereld (Amsterdam 1671), p. 579-580.
43 Texte d’une lettre du Gouvernement Suprême dans Posthumus Meyes, Reizen, p. 167-168.
44 Texte des nouvelles instructions dans Posthumus Meyes, Reizen, p. 170- 182.
45 Nous n’avons plus le journal de cette expédition, mais quelques cartes assez détaillées, voir les commentaires dans Sharp, Tasman, p. 311-332 et S.P L’Honoré Naber, ‘Tasman’s journaal en Tasman’s kaarten’ (Tijdschrift van het Koninklijk Nederlandsch Aardrijkskudig Genootschap 2e série t. 37, 1920, p. 651-683), p. 661-683. Les remarques sur les habitants dans une lettre du Gouvernement Suprême dans Posthumus Meyes Reizen, p. 182-184.
46 Journaux de l’expédition de Brouwer, avec des esquisses de l’Ile des Etats dans ARA, OWIC 44.
47 L’exemple le plus ancien de l’usage de ces deux noms est un grand mappemonde de Blaeu qui date probablement de 1645 et qui se trouve maintenant dans le Musée maritime de Rotterdam.
48 Voir exemples dans Schilder, Australia unveiled, p. 391, 397, 403, 407.
49 Exemples : la mappemonde de M.A. Baudrand de 1658 (voir Schilder, Australia unveiled, p. 400-401) et la carte de l’Antarctique de Philippe Buache de 1754. Cette dernière montre nettement les fantaisies existant en France concernant l’espace antarctique.
50 Exemple : la belle carte nautique de l’océan Pacifique de Blaeu reproduite dans Schilder, Australia unveiled, p. 381.
51 Voir le dessin de ces îles faites dans le journal de bord du navire avec lequel Van Diemen voyageait dans ARA, VOC 1110, fol. 534. Dessins faits de ces îles à l’occasion d’expéditions postérieures dans ARA, VEL 337.
52 ARA, VOC 3990, fol. 260-270, cf. les dessins faits par une expédition postérieure dans ARA, VOC 5060.
53 ARA, Archives van Goens, no. 14 (journal de bord de l’Oranje), cf. ARA, VOC 3991 fol. 457 ; dessin fait à l’occasion dans ARA, VEL 116.
54 Le journal du Maarsseveen qui mentionne les découvertes, se trouve dans ARA, Aanw. 1866 A IV.
55 Les îles se trouvent sur les cartes nautiques de la Compagnie (VEL 310- 314) et aussi sur des cartes non-néerlandaises, par exemple dans C. de Brosses, Histoire des Navigations des Terres Australes (2 t. Paris 1758), t. 1 carte 1.
56 La plus ancienne carte connue est dans la collection d’origine de Laurens van der Hem (1621-1678) et qui est maintenant à Vienne (t. 28 carte 6 : partie méridionale de l’océan Indien). D’autres cartes dans ARA, VEL 311 et 314 et VELH 156 t. 2 carte 24 (cette dernière carte met l’île avec seulement 1 degré d’erreur).
57 F.E. Baron Mulert, De Reis van Mr. Jacob Roggeveen ter ontdekking van het Zuidland (’s-Gravenhage 1911), p. 14-19.
58 Voir W. Dampier, A new Voyage round the World (London 1698) et sur Willem de Vlaming qui a exploré Tristan d’Acunha, Amsterdam, Saint Paul et l’Australie occidentale G. Schilder, De Reis van Willem de Vlamingh (2 t, ’s-Gravenhage 1978).
59 J.E. Heeres, Het aandeel der Nederlanders in de ontdekking van Australië The part borne by the Dutch in the discovery of Australie (Leiden-London 1899), 92-100.
60 Sur Davis voir Mulert, Reis, p. 116-117.
61 Propos imprimé de Joan Pieter Purry Aanmerkingen... betreffende de Kust der Kaffers en het Lant van Pieter Nuyts (Amsterdam 1718).
62 Le texte du projet dans Mulert, Reis, p. 27-39.
63 Je n’ai pas pu trouver ce livre mentionné dans la traduction néerlandaise de la collection de voyages de Prévost (Historische Beschryving der Reizen, t. 18, Amsterdam 1749, p. 426-429) comme parution anonyme sous le titre New Voyages round the world by a course never sailed before (London 1725). Le livre n’est pas mentionné par de Brosses ni dans aucun autre ouvrage sérieux sur les voyages en océan Pacifique.
64 Plusieurs des textes originaux de l’expédition (qui se trouvent dans les archives de la Compagnie des Indes Orientales) ont été publiés dans Mulert, Reis, p. 53-315. Peu digne de foi est le récit d’un participant à l’expédition, Behrens, lequel fut imprimé à Leipzig en 1739 (en traduction française à La Haye en 1739).
65 Mulert, Reis, p. 158-160 : conseil tenu concernant la décision de ne pas aller en Nouvelle Zélande, mais aux Indes Orientales Néerlandaises. Il avait raison si l’on considère les difficultés éprouvés par Cook qui suivit le même tracé proposé lors de son premier voyage.
66 Cocoseiland et Verraderseiland de Schouten étaient en réalité des îles au Nord de Tonga.
67 De Brosses, Histoire, t. 1, p. 4-5, 29-34.
68 De Brosses, Histoire t. 1, p. 46-77.
69 Bibliothèque Nationale, Service Hydrographique de la Marine 30, cf. ARA, VOC 873.
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