Jean Monnet et la création du Conseil européen
p. 399-410
Texte intégral
1 La création du Conseil européen est le dernier grand projet impulsé par Jean Monnet qui n’a cependant jamais utilisé cette dénomination. L’importance du rôle de Monnet dans cette réforme institutionnelle est soulignée dans les Mémoires de Jean Monnet comme dans les travaux qui lui ont été consacrés, notamment, ceux de Pierre Gerbet, Pascal Fontaine et Éric Roussel. Mais pour préparer cette communication, j’ai pu utiliser également les archives du Comité d’Action à la Fondation Jean Monnet de Lausanne et quelques dossiers du Fonds Georges Pompidou1.
2Le sujet implique, en fait, trois questions. Pourquoi Monnet veut-il créer un nouvel organe ? Pourquoi en vient-il à préconiser l’institutionnalisation des réunions des chefs d’État et de gouvernement ? Quels sont les moyens mis en œuvre pour faire aboutir la proposition ?
3On sait que la création du Conseil européen est décidée au sommet de Paris de décembre 1974, mais cette réforme institutionnelle est en gestation, dans l’esprit de Monnet, depuis au moins cinq ans. La préparation de la réforme se fait en deux temps : de l’été 1969 à l’été 1973 se développe une phase de réflexion au cours de laquelle Jean Monnet consulte ses interlocuteurs privilégiés au sein du Comité d’action et élabore, à plusieurs reprises, des documents de travail approfondis. Entre août 73 et décembre 74, Jean Monnet multiplie les interventions auprès des dirigeants en place dans les grands Etats de la Communauté, afin d’accélérer la création d’un nouvel organe qui lui paraît de plus en plus indispensable.
4En 1969, la réforme institutionnelle ne paraît pas encore prioritaire. Jean Monnet est alors préoccupé surtout par l’élargissement de la Communauté à l’Angleterre et par la création de l’union monétaire. C’est en ce sens qu’il cherche à influencer le sommet de La Haye, notamment par l’intermédiaire du chancelier Willy Brandt. Mais, la question institutionnelle est posée implicitement. En effet, les faiblesses du système institutionnel des Communautés, voire sa paralysie, sont dénoncées de divers côtés, entre autres, au cours d’un certain nombre d’entretiens entre Jacques Van Helmont, proche collaborateur de Monnet au Comité d’action et Émile Noël, secrétaire général de la Commission des Communautés2. Avant même le sommet de La Haye, des aménagements institutionnels sont envisagés mais la relance décidée en décembre 1969 rend cette réforme indispensable. Aux yeux de Jean Monnet, elle est nécessaire, d’abord, en raison de l’élargissement de la Communauté, la seule question étant de savoir si elle devait se faire plutôt avant ou seulement après l’entrée de l’Angleterre car Monnet a toujours le souci de ne rien faire qui puisse compliquer son adhésion3. Mais la réforme est liée surtout à l’approfondissement de la construction européenne : comme le sommet de La Haye envisage de développer simultanément la coopération politique et des actions communes dans le domaine économique et monétaire, se pose le problème de savoir quel serait le système institutionnel susceptible d’encadrer et de favoriser au maximum ce double processus.
5La 16e session du Comité d’action qui se réunit à Bonn, les 15 et 16 décembre 1969, deux semaines après La Haye, prend acte de ces nouvelles données. Le Comité se déclare satisfait des résultats du sommet et souhaite « la réalisation rapide du programme adopté »4. Il estime que « cette tâche considérable nécessitera le maintien de l’impulsion que la Conférence au sommet vient de donner » et que, par conséquent, « les chefs d’État et de gouvernement devraient se réunir de temps à autre et quand il apparaîtra nécessaire ». Pour Monnet, lorsque le sommet se réunira pour discuter des questions communautaires, il deviendra Conseil de la Communauté et devra agir conformément aux traités de Paris et de Rome5. Mais il pourra aussi entreprendre un « commencement d’organisation politique » et, ainsi, « l’Europe pourra s’exprimer d’une seule voix »6. On voit donc s’esquisser, dès décembre 1969, l’idée que les sommets pouvaient jouer un double rôle d’impulsion, dans le domaine communautaire et dans la coopération politique. Mais Monnet considère alors que « ce serait une faute » d’institutionnaliser ces réunions7. Par ailleurs, il estime que « l’intégration économique ne saurait être mise en question » et qu’après une période de coopération politique « il devrait être possible d’adapter progressivement [la méthode communautaire] aux affaires de politique étrangère »8. Il reste donc très attaché au système communautaire qu’il veut consolider et il propose, qu’à sa prochaine réunion, le Comité d’action examine « les mesures concrètes à prendre pour renforcer les institutions de la Communauté élargie et pour commencer l’organisation politique de l’Europe »9.
6 Désormais, Europe politique et réforme institutionnelle sont liées dans la réflexion de Monnet et de son entourage. Dans la perspective de la 17e réunion du Comité d’action, Jacques Van Helmont élabore, dès janvier 1970, un avant-projet de rapport sur le renforcement des institutions de la Communauté élargie et l’organisation politique de l’Europe qui ne propose pas encore de solutions mais identifie les problèmes à résoudre10. Comment renforcer chacune des quatre institutions existantes qui ont montré, jusque là, une efficacité inégale ? Quels sont les objectifs de l’organisation politique ? Doit-elle comprendre seulement la politique étrangère ou englober aussi la politique de sécurité ?
7Devant la multitude de questions, Monnet envisage de créer, au sein du Comité d’action, une commission de réflexion qui pourrait travailler environ un an avant de faire un certain nombre de suggestions. Le 3 novembre 1970, à l’occasion d’un de ses nombreux voyages à Bonn où il rencontre Willy Brandt, Katharina Focke et Dietrich Schilling, il soumet son projet au chancelier et obtient son approbation11. Au cours de cette même réunion, Monnet et Brandt se mettent d’accord sur les grandes lignes de la résolution qui sera adoptée par le Comité d’action, lors de sa 17e session, en février 1971. Cette résolution crée effectivement une commission d’une quinzaine de membres et fixe ses missions12. Comme le souligne Monnet, la composition de la commission montre l’importance qu’il lui accorde13. Mais, faute de trouver une date qui convienne à l’ensemble des personnalités qui avaient toutes des responsabilités politiques dans leurs pays respectifs, la commission ne peut jamais se réunir formellement. Cependant, elle a été l’occasion d’échanges de vues par correspondance, de prises de position dans la presse et, surtout, de contacts directs : en effet, à défaut de pouvoir réunir les membres de la commission, Jean Monnet décide d’aller les rencontrer individuellement pour recueillir leurs points de vue14. Vers la même époque, Monnet suscite des rapports sur les expériences du fédéralisme aux États-Unis, en Allemagne, en Suisse, dans les Communautés et sur l’opportunité d’inclure les questions de sécurité dans la réflexion sur l’Europe politique15.
8Dans les semaines qui suivent la création de la commission, c’est principalement Jean Monnet lui-même et Jacques Van Helmont qui lancent le débat, en élaborant plusieurs notes avec différentes versions successives16. Monnet veut consolider ce qui existe mais changer les institutions comme préalable vers l’union politique17 ; il veut modifier les méthodes de travail, donner aux institutions une plus grande efficacité pour tenir compte de leurs charges croissantes et pour éviter l’immobilisme qui leur ferait perdre toute autorité morale18. Il se demande quel pourrait être l’élément dynamique capable d’amorcer la refonte institutionnelle : le retour au vote majoritaire au Conseil ? l’élection au suffrage universel du Parlement élargi ? une modification de la Commission, du nombre de ses membres ou du mode de désignation, ou encore un renforcement du rôle de son président19 ?
9Deux fils directeurs semblent alors guider les réflexions de Monnet. D’une part, il refuse de brûler les étapes, il ne souhaite pas changer le traité de Rome pour le moment mais préfère construire l’union politique de manière graduelle et pragmatique. Selon lui, la commission de réflexion doit décrire ce que pourra être l’autorité politique et non ce qu’elle devra être20. D’autre part, Jean Monnet veut tenir compte du point de vue des gouvernements des États membres. Il note que les dirigeants de plusieurs grands pays sont d’accord sur la nécessité d’organiser l’union, qu’il y a concordance entre les idées de Emilio Colombo, Edward Heath, Willy Brandt et Georges Pompidou et que ces deux derniers se sont prononcés, début 1971, en faveur d’un gouvernement européen21. Monnet lui-même ne manque pas d’inciter ces hommes d’État à établir entre eux des rapports de confiance favorables aux grandes transformations. Il souhaite des relations privilégiées entre le chancelier allemand et le président français pour qu’ils puissent se consulter en cas de difficultés, régler les problèmes d’un commun accord et constituer ainsi un « moteur permanent »22 capable d’impulser les mesures nécessaires à la construction européenne.
10En septembre 1971, avant de rencontrer individuellement certains membres de la commission, Monnet leur adresse une lettre circulaire qui fait la synthèse de ses idées23. Selon cette lettre, « l’organisation de l’Europe est une grande entreprise – difficile – qui va nécessiter du temps... (et) devra s’adapter graduellement aux circonstances ». Monnet souhaite que soient évités les débats polémiques et les discussions doctrinales pour savoir si l’autorité politique que nous bâtirons sera une confédération ou une fédération et il remarque que l’exemple suisse montre qu’une confédération peut se transformer en fédération. Il indique comme but à atteindre « la création d’un gouvernement européen capable de prendre les décisions... et soumis à un contrôle démocratique » mais il ne précise pas la composition de ce gouvernement24. Il faudra aussi renforcer les institutions existantes et préciser leur pouvoir de décision afin d’améliorer le fonctionnement de la Communauté. Ainsi, les délibéralions du Conseil devraient aboutir à des « conclusions » (des décisions) et le Conseil devrait voter lorsque la Commission le lui demande mais Monnet ne prend pas une position en flèche sur la question du vote à l’unanimité qui lui « semble devoir, pour le moment, être résolue par les termes mêmes employés par MM. Heath et Pompidou ». Prudence également sur le statut de l’Assemblée parlementaire présentée comme le point central de l’organisation politique qui devra émaner du vote populaire et participer aux décisions du Conseil. Mais, cette évolution ne peut se faire que par étapes. Reprenant les suggestions allemandes, Monnet propose une évolution sur dix ans, avec un parallélisme entre la mise en place de l’union monétaire et celle de l’union politique25. Quant à la « grande question de la répartition des compétences entre l’organisation centrale et les Etats », elle devra aussi être résolue graduellement. Sans faire référence à la notion de subsidiarité (qui n’était pas encore entrée dans le langage courant) Monnet suggère de transférer à la Communauté les compétences qui, pour être résolues, nécessitent une action commune.
11Le sommet de Paris d’octobre 1972 vient relancer la réflexion de Monnet. Cette première réunion des neuf chefs d’État et de gouvernement de la Communauté élargie fixe un programme assez ambitieux. Il annonce la création de l’Union européenne à l’horizon 1980 mais ne prévoit pas de révision institutionnelle. Monnet pense alors que le moment est venu de réunir à nouveau le Comité d’action pour qu’il se prononce sur les moyens de réaliser le programme de Paris26. D’abord prévue pour fin mars ou début avril, cette 18e session se tient finalement les 3 et 4 mai 1973, à Bruxelles, et non à Londres ou Paris qui auraient sans doute eu les préférences de Monnet27. Cinq points sont prévus à l’ordre du jour : la monnaie, la politique régionale, la politique sociale, les relations extérieures et « les progrès institutionnels à réaliser en vue de l’union politique de l’Europe »28. Cette formulation et les documents préparatoires montrent que Monnet continue à lier étroitement « la discussion des innovations institutionnelles » et « les décisions nécessaires à l’organisation politique future de la Communauté »29. Selon la conclusion d’un document de décembre 1972, « la question d’un gouvernement européen et d’un véritable parlement européen élu au suffrage direct pourra être abordée avec des données de fait nouvelles qui permettent de réussir »30. La correspondance permet de voir aussi que Monnet poursuit ses consultations sur les questions institutionnelles31 mais celles-ci ne figurent plus dans la résolution adoptée par le Comité d’action, le 3 mai 1973. Ce texte met l’accent sur les tâches « les plus urgentes », l’union économique et monétaire et la question des relations entre la Communauté et les États-Unis qui surgit au premier plan des préoccupations à la suite du discours de Henry Kissinger sur l’« année de l’Europe » du 24 avril 197 332.
12En fin de compte, c’est Monnet, personnellement, qui prend une initiative importante avec sa célèbre « note confidentielle », d’août 1973. Ce texte est bien connu puisqu’il est publié dans sa version originale (intégrale) dans ses Mémoires33. Il propose que les chefs d’État et de gouvernement des neuf pays de la Communauté décident de se constituer en gouvernement européen provisoire qui se réunirait au moins une fois par trimestre, en réunion restreinte, c’est-à-dire sans autre participant que les neuf chefs d’État ou de gouvernement. D’après la note, ce gouvernement doit veiller à l’application du programme défini par le sommet de Paris. Il agit dans le respect des traités, donne des instructions au Conseil des ministres des Communautés et constitue, dans les six mois, une commission chargée d’organiser l’Union européenne dont les institutions comprendront un gouvernement européen et une Assemblée européenne élue au suffrage universel. Enfin, le gouvernement provisoire doit arrêter le projet d’Union européenne qui sera soumis à la ratification des États membres.
13Les motivations et les objectifs de Monnet sont clairement explicités dans plusieurs notes de l’hiver 1973-1974. Face à la paralysie de la Communauté élargie, Monnet cherche comment faire des Neuf une entité capable d’agir34. Il semble avoir perdu l’espoir qu’une autorité efficace puisse sortir des institutions communautaires. Il constate que « les ministres des Affaires étrangères discutent mais ne décident pas »35. Il faut donc changer de méthode, trouver une autorité qui « crée le processus de décision »36. Si les institutions existantes manquent de force, les chefs d’État et de gouvernement élus au suffrage universel peuvent, eux, avoir le potentiel pour agir ensemble en s’appuyant sur les institutions communautaires.
14La note d’août 1973 constitue une étape importante. Face au constat d’impuissance de la Communauté, Jean Monnet opte en faveur de l’institutionnalisation des sommets appelés à se réunir tous les trois mois et à se transformer en gouvernement. Sa position a sensiblement évolué depuis la résolution de 1969 qui prônait des réunions de temps à autre, quand nécessaire. A quel moment s’opère ce changement d’attitude ? Sans doute dès 1971 lorsqu’il approuve les déclarations du président français et du chancelier allemand au sujet d’un gouvernement européen, ou peut-être même avant lorsque la présence au pouvoir de trois Européens pragmatiques mais résolus (Heath, Pompidou, Brandt) lui apparaît comme une conjonction favorable. Cette option de Monnet en faveur de sommets réguliers et fréquents peut faire penser au projet d’Europe politique lancé par le général de Gaulle et appelé ensuite plan Fouchet. Mais, il y a une différence de taille. Alors que le plan français prétendait coiffer, voire court-circuiter, les institutions communautaires par un organe intergouvememental, Monnet imagine les sommets comme un moyen de redynamiser les institutions existantes.
15C’est sur la base de la note d’août 1973, que Monnet va multiplier les démarches auprès des dirigeants politiques37. Jean Monnet compte sur le trio Pompidou-Brandt-Heath pour faire triompher ses idées, son rôle personnel, une fois le projet inventé, consistant surtout à convaincre chacun des trois hommes d’État de l’intérêt du projet pour lui-même et pour l’Europe et à informer chacun des trois des positions de ses partenaires. Tout en souhaitant que le président français prenne l’initiative, il ne cherche pas à le rencontrer directement38 mais multiplie les contacts avec le ministre des Affaires étrangères, Michel Jobert. Il lui écrit dès le 28 août pour demander de reprendre des discussions entamées au printemps39 ; il déjeune avec lui (et avec Robert Armstrong, le conseiller de Heath) au quai d’Orsay le 4 septembre40 et le revoie le 8 pour lui remettre la note confidentielle que Jobert promet de transmettre à Pompidou. (Il le fera le 17 septembre dans l’avion qui ramène le président de Chine.) Mais le ministre des Affaires étrangères souhaite modifier un peu ce texte en supprimant la phrase qui prévoyait que l’Union européenne comporterait à l’avenir un gouvernement européen et une Assemblée élue au suffrage universel. C’est ce texte remanié qui sera remis, peu après, par Monnet, aux dirigeants allemand et anglais41. Le 16 septembre, Monnet rencontre, aux Chequers, E. Heath (et Armstrong) qui accepte le principe de l’autorité politique mais préfère parler de « Conseil suprême de la Communauté » plutôt que de gouvernement provisoire. Trois jours plus tard, il est à Bonn, où le chancelier donne son accord au projet et se déclare prêt à soutenir une initiative de Georges Pompidou en ce sens42.
16L’initiative du président français se développe en deux étapes. Très prudent dans un premier temps, il se contente de déclarer que la France n’est pas hostile à un développement de la coopération politique grâce à des rencontres au plus haut niveau. Interrogé sur l’Union européenne lors de sa conférence de presse du 27 septembre, il répond : « Il n’y aura véritablement d’Union européenne que le jour où il y aura une politique européenne... Si... on estime que la coopération politique doit... être de temps à autre, à des intervalles pas trop fréquents mais tout de même réguliers, traitée entre les plus hauts responsables, entre eux et entre eux seuls, j’en suis pour ma part partisan et suis prêt, non pas à en prendre l’initiative, mais à en parler avec nos partenaires »43.
17 Un mois plus tard, il s’engage beaucoup plus nettement. Entre temps se produisent deux événements. D’une part, W. Brandt et E. Heath apportent un appui personnel direct à Pompidou : à la suite d’un voyage à Londres, le chancelier écrit au président, le 8 octobre, que lui-même et le premier ministre britannique ont estimé « d’un commun accord qu’il conviendrait de mettre en œuvre la suggestion que vous avez formulée à votre dernière conférence de presse, visant à ce que les chefs d’État et de gouvernement des Neuf se réunissent avec une certaine régularité ». Tous deux se disent prêts à une première rencontre dans un avenir proche et lui demandent de prendre une initiative à cet effet44. D’autre part, la guerre du Kippour éclate le 6 octobre et le cessez-le-feu est imposé deux semaines après sous la pression des grandes puissances.
18Le 31 octobre, dans une déclaration, le président de la République déplore l’effacement des pays européens dans cette crise internationale. Il conclut qu’il lui paraît indispensable de « faire la preuve et l’épreuve de la solidité de la construction européenne comme de sa capacité de contribuer au règlement des problèmes mondiaux » et il propose à ses partenaires de la Communauté « que soit décidé le principe, selon des règles précises, de rencontres régulières entre les seuls chefs d’État et de gouvernement, ayant pour but de confronter et d’harmoniser leur attitude dans le cadre de la coopération politique »45. Il suggère aussi qu’une première rencontre ait lieu avant la fin de l’année. Dans les jours qui suivent, pour éviter tout malentendu, il tient à préciser la portée de son initiative qui n’est pas inspirée par le désir de traiter la seule question du Proche-Orient mais veut « inciter à des réunions régulières de travail politique dont il est permis d’espérer qu’elles pourraient évoluer dans l’avenir vers la mise en place d’une union politique »46. En tête-à-tête avec W. Brandt, le 26 novembre, il expose ses intentions de manière plus abrupte : « J’ai seulement eu l’idée, dans une situation fâcheuse moralement, politiquement et même économiquement pour l’Europe, qu’il fallait se voir, dire vraiment si on veut avancer, faire quoi et comment »47.
19Désormais, le projet échappe quelque peu à Jean Monnet pour être discuté entre gouvernements. Dès le 2 novembre, le Danemark, qui préside alors la Communauté, propose de réunir les chefs d’État et de gouvernement, à Copenhague, les 14 et 15 décembre pour faire le bilan des décisions prises en vue de réaliser le programme de Paris.
20Très vite, tous les États donnent leur accord de principe mais tous n’ont pas la même vision du sommet, de son organisation, de ses missions. Alors que le président français, d’accord sur ce point avec Jean Monnet, a toujours indiqué son désir de limiter la participation aux seuls chefs d’État et de gouvernement, la majorité des pays – à commencer par les plus réticents face aux sommets comme la Belgique ou les Pays-Bas – souhaitent la présence des ministres des Affaires étrangères et du président de la Commission. Seul, le ministre allemand Walter Scheel semble accepter la conception française de « sommet au coin du feu » pour un échange de vue informel, sans ordre du jour précis, sans ministres et sans journalistes48. Aux yeux de plusieurs gouvernements, si le sommet de Copenhague est un succès, il pourra servir de modèle pour l’avenir mais il n’y a pas de consensus pour institutionnaliser les sommets. Alors que le gouvernement néerlandais y est hostile, de même que le Parlement européen et la Commission de Bruxelles49, le premier ministre britannique envisage deux rencontres par an50. Quant aux autorités allemandes, elles acceptent l’idée de sommets réguliers seulement s’ils ne deviennent ni une instance d’appel pour les institutions communautaires ni un prétexte pour ne prendre aucune décision en Conseil51. Plutôt que de sommet, Willy Brandt préfère d’ailleurs parler de conférence des présidents par analogie avec celle des ministres-présidents des Länder, étant entendu que le but à atteindre est la constitution d’un gouvernement, capable de prendre les décisions nécessaires, dont les actes sont contrôlés par le Parlement européen et dont les compétences concernent le domaine monétaire, économique et social mais aussi la politique étrangère et, à terme, la sécurité52.
21Dans l’immédiat, le sommet de Copenhague est dominé par les problèmes d’actualité, surtout la crise pétrolière, et par les désaccords entre les Neuf. Les chefs d’État et de gouvernement ne décident pas d’institutionnaliser les sommets mais seulement de tenir des réunions plus fréquentes, lorsque les circonstances les rendent opportunes. Ils laissent au pays exerçant la présidence le soin de convoquer de telles réunions et de proposer les modalités d’organisation.
22A Bonn, on envisage presque aussitôt d’organiser un sommet sous présidence allemande, en mai 1974, pour lequel on veut une préparation plus rigoureuse et une organisation en deux parties, selon la suggestion du Belge Étienne Davignon, avec une première journée consacrée aux échanges informels entre chefs d’État et de gouvernement, et une deuxième journée associant les ministres des Affaires étrangères pour traiter des thèmes fixés à l’avance et donnant lieu à un communiqué final préparé par la présidence53.
23Monnet quant à lui est déçu par Copenhague qui lui paraît s’être déroulé dans le désordre54 et n’a pas été un succès pour plusieurs raisons : préparation insuffisante, discussions éparpillées sur trop de questions, rencontre improvisée avec les représentants des gouvernements arabes55. Selon lui, Copenhague n’a pas vraiment atteint son but qui était de créer une autorité politique56. En décidant des réunions plus fréquentes et non des réunions régulières, le sommet n’a donné qu’un résultat « partiel et timide »57. Monnet le regrette sans doute d’autant plus que la situation européenne, fin 1973 – début 1974, lui paraît « sérieuse »58. La Communauté traverse une véritable crise et risque de perdre son capital de confiance. Le manque de capacité de décision la met en position de faiblesse par rapport aux États-Unis et à l’Union soviétique et ne lui donne guère d’influence dans le monde59. Le bilan de l’année 1973 est jugé décevant, l’exécution du programme de Paris n’ayant pratiquement pas avancé60. Dans ces conditions, Monnet tente d’organiser une session du Comité d’action avant le sommet prévu vers la fin de la présidence allemande afin de lui soumettre des propositions précises et accélérer ainsi la mise en place de l’Union européenne61.
24Ni l’une ni l’autre de ces deux réunions ne pourront se tenir62 mais les travaux préparatoires au cours du premier trimestre 1974 conduisent Monnet à expliciter le projet esquissé dans la note d’août 1973. Il souhaite que le prochain sommet fasse de la Communauté une entité politique et définisse clairement l’Union européenne qui doit – il le rappelle – être dotée d’un gouvernement et d’un parlement élu au suffrage universel. Pour préparer cette évolution, les chefs de gouvernement doivent demander des rapports aux institutions communautaires puis confier à une commission le soin d’élaborer un projet précis. Cette commission devrait comprendre les ministres des Affaires étrangères des Neuf ainsi que les présidents des institutions de la Communauté, y compris les présidents des groupes parlementaires et des sections du Comité économique et social63. Il est donc clair que l’organe chargé de préparer le nouveau stade de construction européenne devait être plus large qu’une Conférence intergouvemementale classique et associer étroitement les institutions communautaires. En fin de processus, il reviendrait évidemment aux chefs d’État et de gouvernement d’examiner les propositions de la commission et d’arrêter le projet d’Union européenne qui serait soumis à ratification – par voie parlementaire ou par référendum – avant 198064. En même temps, Monnet veut améliorer rapidement le fonctionnement des institutions existantes, notamment en rétablissant le pouvoir de décisions du Conseil qui devrait revenir graduellement au vote majoritaire prévu par le traité et limiter, au maximum, les incidences du soi-disant compromis de Luxembourg65. Enfin, Monnet réfléchit à l’articulation entre Conseil et Sommet qui pourrait devenir un organe de la Communauté, chargé de fixer, chaque fois, le programme d’action avec les objectifs précis et les moyens pour les atteindre66.
25Le décès de Georges Pompidou, qui s’était fait le bras politique de son projet, ne manque pas d’inquiéter Monnet. Le 3 avril, il écrit à W. Brandt qu’il craint que cette disparition n’affecte la poursuite de l’action européenne67. Mais, la double élection, quasi simultanée, du président Valéry Giscard d’Estaing en France et du chancelier Helmut Schmidt qui succède à W. Brandt en Allemagne, permet de rebondir malgré l’hypothèque de la renégociation britannique. Monnet compte désormais sur ces deux hommes, tous deux membres du Comité d’action, pour jouer le rôle moteur. Il profite des messages de félicitations qu’il leur adresse, à l’un et à l’autre, pour souligner l’importance d’une « action commune... indispensable et possible pour redresser la situation européenne, la faire progresser et redonner de l’espoir »68 et il obtient aussitôt des signes encourageants69. Il rencontre le ministre français des Affaires étrangères, Jean Sauvagnargues, dès le mois de juin et lui fait parvenir, peu après, la note d’août 1973 ainsi qu’un document de travail destiné au Comité d’action qui précise ses vues sur le projet d’Union européenne70. Les contacts s’intensifient à l’automne : Jean Monnet est reçu le 19 septembre par le président Giscard d’Estaing71 et un mois plus tard par le chancelier Schmidt, avec qui un échange de lettres a lieu encore dans les jours qui précèdent le sommet de Paris du 10 décembre72.
26Lettres et entretiens sont l’occasion de mettre l’accent sur deux points. D’une part, Monnet insiste sur l’intérêt de la bonne entente entre les deux dirigeants qui devrait permettre de rallier les autres partenaires et d’assurer le succès du prochain sommet73. D’autre part, Monnet se fait à nouveau l’avocat d’une autorité politique qui peut se constituer dans l’immédiat, sans modification juridique, par l’instauration de réunions régulières des chefs d’État et de gouvernement s’érigeant ainsi en autorité de fait. Parallèlement, Monnet continue de préconiser l’élection du Parlement européen au suffrage direct, mais il semble renoncer, pour le moment, à un texte solennel sur l’Union européenne à ratifier par les Etats74.
27 Au lendemain du sommet de Paris75, Jean Monnet se dit satisfait des décisions prises par les chefs d’État et de gouvernement, en particulier dans le domaine institutionnel. Dans une lettre adressée aux membres du Comité d’action, il souligne que les positions adoptées concordent avec les résolutions prises depuis longtemps par le Comité76 mais, évidemment, le sommet ne concrétise qu’une partie du programme du Comité. Sans employer la dénomination Conseil européen, Monnet se réjouit de sa création qui permet aux chefs de gouvernement d’assumer « directement ensemble la responsabilité générale du développement de la Communauté »77. Il juge qu’ils se réunissent à intervalle assez rapproché – au moins trois fois par an – pour que leur autorité « se fasse sentir d’une manière continue sur le cours des affaires européennes »78. Il prend acte aussi de l’intention annoncée de ne plus toujours exiger l’unanimité au Conseil et de la décision d’aller à l’élection au suffrage universel de l’ Assemblée, qualifiée de « décision capitale pour l’avenir démocratique de l’Europe ».
28Ainsi, le Conseil européen est, dans une large mesure, le résultat de l’action de Monnet. S’il n’a jamais employé cette dénomination, il a utilisé des expressions très variées : « autorité politique », « gouvernement européen »« sommet », plus rarement « autorité suprême », « conseil suprême », « conférence présidentielle ». Plus que le nom, lui importait l’existence d’un organe ayant l’autorité d’assurer la cohésion et l’essor de la Communauté. Comme d’autres « inventions » de Monnet, le Conseil européen apparaît comme la réponse à un problème, en l’occurrence le manque d’efficacité des institutions en place. Pendant cinq ans, du sommet de La Haye au sommet de Paris de décembre 1974, l’intérêt de Monnet pour ce projet ne s’est pas démenti. Mais en même temps qu’il cherche à promouvoir une nouvelle autorité, il veut améliorer le fonctionnement des institutions existantes. Il associe aussi, constamment, questions institutionnelles et construction politique de l’Europe selon une logique que l’on retrouve de manière récurrente par la suite, par exemple, avec le plan Genscher-Colombo (1981) ou le projet d’union élaboré par le Parlement européen sous l’impulsion d’Altiero Spinelli (1984) ou les propositions Mitterrand-Kohl de 1990. Pour réaliser son projet, Monnet, qui ne détient pas le pouvoir, use, comme d’habitude, de son influence sur les hommes en place. Si au départ il compte sur les dirigeants des trois grands pays européens, il revient assez vite à une formule qui a déjà fait ses preuves : le moteur franco-allemand. Au total, par un curieux paradoxe qui illustre sans doute assez bien son réalisme, Jean Monnet a pesé de tout son poids en faveur d’un aménagement institutionnel qui allait accentuer le caractère intergouvememental d’un système communautaire qu’il avait lui-même largement inspiré dans les années 1950.
Notes de bas de page
1 Aux archives de la Fondation Jean Monnet, à Lausanne, en plus des papiers du Comité d’action pour les États-Unis d’Europe (série AMK) il a été possible de consulter des correspondances (série AMKC) entre Monnet et de nombreuses personnalités comme W. Brandt, R. Barzel, E. Noël, G. Pompidou, M. Jobert, J.R. Bernard, F.X. Ortoli, V. Giscard d’Estaing, J. Sauvagnargues ainsi que des interviews datant des années 1980 de W. Brandt, H. Schmidt, K. Focke, R. Barzel, M. Kohnstamm. Dans le Fonds G. Pompidou, aux Archives nationales, Paris (série 5 AG 2) ont pu être consultés, notamment, des dossiers sur le sommet de Copenhague (décembre 1973) et sur les relations franco-allemandes.
2 Plusieurs entretiens en 1968-1969. Voir AMK C X5X6, Lausanne.
3 Note marginale de Jean Monnet sur une note de Jacques Van Helmont, 1er avril 1971, AMK 26/2/30. Voir aussi les documents AMK 26/2/34 et 26/2/46.
4 Résolution de la 16e session du CAEUE.
5 Ibid, et projet de déclaration, 13 décembre 1969, AMK 24/7/5.
6 Document cité en note 4 (point 1).
7 Projet de déclaration (2e version) 13 décembre 1969, AMK 24/7/10.
8 Document cité en note 4 (point 12).
9 Ibid, (point 14).
10 Avant-projet du 26 janvier 1970, AMK 26/2/4.
11 Note sur une conversation avec W. Brandt, 3 novembre 1970, AMK C1/6/208. Voir aussi note du 14 novembre 1970, AMK C1/6/209.
12 Résolution de la 17e réunion du CAEUE, 23-24 février 1971. La commission comprend notamment les Allemands R. Barzel (CDU), H. Wehner (SPD), W. Scheel (FDP, alors ministre des Affaires étrangères, à Bonn), H.O. Vetter (DGB) ; les Français A. Pinay et M. Faure ; les Italiens P. Nenni, M. Rumor, G. Malagodi, A. Spinelli (alors membre de la Commission des Communautés) ; les Britanniques R. Jenkins, J. Thorpe, Lord Jellicoe ; les Belges L. Tindemans et A. Cool ; les Néerlandais Den Uyl et Schmelzer.
13 Lettre de Jean Monnet à François Duchêne, 28 avril 1971, AMK 26/4/13.
14 Lettre de Jean Monnet du 29 mai 1971, AMK 26/1/21.
15 Les rapports présentés au CAEUE sont publiés dans un « Livre rouge » Fédération des États-Unis, Confédération suisse, Fédération allemande, Communauté européenne, Lausanne, Centre de recherches européennes, 1972. Jean Monnet a, par ailleurs, demandé à F. Duchêne, alors directeur de l’Institute for Strategie Studies, un rapport sur l’opportunité d’inclure les questions de sécurité dans la réflexion sur l’Europe politique. (Lettre du 29 mai 1971, AMK 26/1/21.)
16 Notes de J. Monnet (cinq versions successives entre le 15 et le 29 mars 1971).
17 Note de J. Monnet, 25 mars 1971, AMK 26/2/20.
18 Note de J. Monnet, 15 mars 1971, AMK 26/2/16.
19 Document cité en note 17.
20 Note de J. Monnet, 21 juin 1971, AMK 26/2/44.
21 G. Pompidou en a parlé dans une conférence de presse le 21 janvier 1971 et W. Brandt dans son discours devant la 17e réunion du CAEUE, le 23 février 1971. Sur ces projets, voir les éditoriaux d’E. Gazzo, dans Europe les 13, 14 et 15 avril 1971.
22 Note du 28 juin 1971, AMK 26/2/50. Voir aussi note du 14 novembre 1970, AMK C1/6/209.
23 Projet de lettre du 4 septembre 1971, AMK 26/6/8.
24 Presque à la même date, le 9 septembre 1971, dans un exposé devant le groupe socialiste du Parlement européen, A. Spinelli propose une notion plus précise : « Un gouvernement européen véritable dont les membres soient des hommes politiques de premier plan, choisis moyennant une procédure appropriée par le Conseil et le Parlement et qui dispose d’une administration propre. Un tel gouvernement devrait absorber les fonctions d’initiative et de gestion de la Commission ainsi que les fonctions de décision... du Conseil ». AMK 26/5/7.
25 L’idée d’une évolution parallèle entre union monétaire et union politique est défendue en RFA, par le gouvernement (W. Brandt) et l’opposition (R. Barzel).
26 J. Monnet à CAEUE, 21 décembre 1972, AMK 28/1/7.
27 Monnet avait envisagé de tenir cette première session après l’élargissement à Londres, en espérant la participation de E. Heath mais il y renonce en raison de réticences de R. Jenkins (voir note AMK 28/4/1). Il a aussi envisagé de la réunir à Paris (G. Pompidou contacté par l’intermédiaire de J.R. Bernard semblait d’accord) mais seulement à condition que la participation française soit suffisamment forte. Or, côté RPR, il n’obtient ni la participation de J. Chirac, ni celle de J. Chaban-Delmas. Pour Bruxelles, le président de la Commission F.X. Ortoli donne son accord dès mars. Voir note de J. Monnet, 20 mars 1973, AMK 28/1/22.
28 Projet d’ordre du jour, 6 mars 1973, AMK 28/6/4.
29 Document de travail en vue de propositions relatives à la réalisation du programme du sommet (de Paris), 21 décembre 1972, AMK 28/1/6.
30 Ibid.
31 Voir notamment, lettre de J. Monnet à Katharina Focke, 25 janvier 1972, AMK C 9/5/91.
32 Résolution de la 18e session du CAEUE.
33 Jean Monnet, Mémoires, Paris, Fayard, 1976 (Poche, t. 2, pp. 761-762).
34 Document de travail en vue de la prochaine réunion du Comité d’action, 8 mars 1974, AMK 29/1/16.
35 Note de J. Monnet, 27 mars 1974, AMK 29/1/27.
36 Ibid.
37 Pascal Fontaine a montré l’extraordinaire activité de J. Monnet, en septembre 1973, dans « Le rôle de Jean Monnet dans la genèse du Conseil européen », in Une course sans retour, Lausanne, Centre de recherches européennes, 1981, pp. 121-143.
38 J. Monnet a rencontré le président Pompidou, secrètement, en tête-à-tête, en novembre 1972, peu après le sommet de Paris. Voir Éric Roussel, Jean Monnet, Paris, Fayard, 1995, p. 895.
39 J. Monnet à Michel Jobert, 28 août 1973, AMK C/H4. Sur les contacts entre les deux hommes et les idées de M. Jobert, voir aussi Michel Jobert, Mémoires d’avenir, Paris, Grasset, 1974, p. 253.
40 Fontaine (voir n. 37), p. 127.
41 Monnet, Mémoires, p. 764.
42 Fontaine (voir n. 37), pp. 129-130. Jean Monnet informe également le président de la Commission, F.X. Ortoli.
43 Conférence de presse du président Pompidou, 27 septembre 1973, 5 AG 2 633, Fonds Pompidou, AN Paris.
44 Lettre du chancelier W. Brandt au président G. Pompidou, 8 octobre 1973, 5 AG2 1012. (Le chancelier semble alors envisager favorablement un sommet en décembre ou en janvier. Voir note de J.R. Bernard, 10 octobre 1973, 5 AG 2 1054.)
45 Déclaration du président Pompidou, 31 octobre 1973, dans 5 AG 2 127.
46 Télégramme du ministère des Affaires étrangères (MAE) aux ambassades de Washington, Moscou..., corrigé par le président Pompidou, 5 novembre 1973, 5 AG 2 1036.
47 P. V. de l’entretien Pompidou-Brandt, 26 novembre 1973 (sommet franco-allemand) 5 AG 2 1012.
48 Note de J.B. Raimond, 23 novembre 1973, 5 AG 2 1012.
49 Note de J.B. Raimond pour le président Pompidou, 10 décembre 1973, 5 AG 2 1036. Voir aussi Pierre Gerbet, « Georges Pompidou et les institutions européennes », in Georges Pompidou et l’Europe, Bruxelles, Éd. Complexe, 1995, p. 62. Rappelons que le rapport Vedel (1972) s’était également montré réservé à l’égard de l’institutionnalisation des sommets dont il préconisait des réunions ni trop fréquentes, ni trop régulières afin de préserver leur rôle d’impulsion.
50 Note de J.B. Raimond pour E. Balladur, 12 décembre 1973, 5 AG 2 1036.
51 P. V. des entretiens Pompidou-Brandt, 26 novembre 1973, 5 AG 2 1012 et 27 novembre 1973, 5 AG 2 1054.
52 Ibid, et discours du chancelier W. Brandt devant le Parlement européen, à Strasbourg, 13 novembre 1973, AMK C 1/6/347.
53 Ambassade de Bonn (J. Sauvagnargues) à MAE, Paris, 26 décembre 1973, notes du 16 et du 23 janvier 1974, 5 AG 2 1036.
54 L’expression « désordre » revient dans plusieurs documents.
55 J. Monnet à J. Sauvagnargues, ministre des Affaires étrangères, 1er juillet 1974, AMK C/H6.
56 J. Monnet à M. Jobert, 27 décembre 1973, AMK C/H4.
57 Note du 2 janvier 1974, AMK 29/2/6.
58 Projet de lettre de J. Van Helmont annotée par Monnet, 1er février 1974, AMK 29/2/23.
59 Ibid.
60 Note du 17 janvier 1974, « Principaux résultats et insuffisances de l’exécution du programme... » (adopté par le sommet de Paris, 1972), AMK 29/2/19.
61 La session était envisagée pour avril ou mai. Le gouvernement allemand avait suggéré qu’elle se tienne à Londres plutôt qu’à Bonn ou Paris.
62 Réunions annulées en raison des changements politiques du printemps 1974 (décès de G. Pompidou, démission de W. Brandt).
63 Note de réflexion du 15 février 1974 adressée à plusieurs personnalités dont W. Brandt et F.X. Ortoli, AMK 29/1/8. R. Barzel, consulté sur cette question, ne croit pas à la possibilité de ce genre de commission et propose plutôt une commission parlementaire ad hoc. Voir lettre de R. Barzel à J. Monnet, 28 mars 1974, AMK 29/3/5.
64 Ibid.
65 Note de janvier 1974, AMK 29/2/15 et document cité en note 34.
66 Ibid.
67 Lettre de J. Monnet au chancelier W. Brandt, 3 avril 1974, AMK C 1/286.
68 Lettre de J. Monnet au président V. Giscard d’Estaing, 21 mai 1974, AMK 29/3/53.
69 Lettre du chancelier H. Schmidt à J. Monnet, 7 juin 1974, AMK 29/3/32. (En le remerciant pour le message de félicitations, H. Schmidt évoque les conclusions d’une conversation avec le président français et se veut optimiste.)
70 Document cité en note 55.
71 Europe, 21 septembre 1974. La convergence d’idées entre J. Monnet et le nouveau président français est soulignée par ce dernier. Voir Valéry Giscard d’Estaing, Le pouvoir et la vie, Paris, Compagnie 12, 1988, p. 118.
72 L’entretien Schmidt-Monnet est signalé par Europe, 2.1-22. octobre 1974.
73 Document cité en note 55. Une note datée du 10 décembre 74 (jour du sommet de Paris) souligne qu’il est essentiel que « le gouvernement français et le gouvernement allemand aient conscience de l’enjeu que représente leur accord intime et volontairement systématique » (AMK 29/1/43).
74 Note du 19 septembre pour l’entrevue avec V. Giscard d’Estaing, AMK C 3/18/107. Dans une lettre adressée à H. Schmidt, le 27 novembre 1974, Jean Monnet déclare que si le prochain sommet aboutit à fixer la date des élections au suffrage universel direct et à décider des rencontres régulières des chefs d’État et de gouvernement, ce sera un succès (AMK Cl/36/130). Dans sa réponse du 6 décembre, le chancelier se dit d’accord avec ce point de vue mais souligne aussi l’importance d’une politique énergétique et d’une politique régionale commune (AMK C1/36/131).
75 Sur le sommet de Paris de décembre 1974, voir Béatrice Taulegne, Le Conseil européen, Paris, PUF, 1993, pp. 71-76.
76 Lettre de J. Monnet aux membres du CAEUE, 20 décembre 1974, AMK 29/1/44.
77 L’expression Conseil européen ne se trouve d’ailleurs pas non plus dans le communiqué final du sommet de Paris en raison de l’opposition de plusieurs États à la dénomination proposée par le gouvernement français. Mais elle est employée dans la presse dans les semaines qui précèdent le sommet et, lors de la conférence de presse du 10 décembre 1974, V. Giscard d’Estaing déclare : « Nous avons assisté au dernier Sommet européen et participé au premier Conseil européen. Le Sommet est mort. Vive le Conseil européen » (Europe, 12 décembre 1974).
78 Tel qu’il est prévu, le Conseil européen correspond, pour l’essentiel, aux vues de Monnet : réunions régulières et assez fréquentes des chefs de gouvernement, sans création d’un nouveau secrétariat. Mais Monnet n’envisageait pas la participation des ministres des Affaires étrangères.
Auteur
Professeur à l’Université Robert Schuman de Strasbourg, Institut des Hautes Études Européennes.
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