Jean Monnet, Konrad Adenauer et la politique européenne de l’Allemagne fédérale – Convergence et discordances (1950-1957)
p. 147-201
Texte intégral
1 Si l’on s’en tient à l’image que, dans leurs Mémoires, Jean Monnet et Konrad Adenauer donnent, chacun, de la personnalité et de l’action de l’autre, leurs relations politiques ont été marquées par une parfaite harmonie et étaient portées par une même volonté d’unification de l’Europe occidentale1. L’usage veut que, dans les Mémoires qu’ils rendent publics, les hommes politiques mettent davantage l’accent sur les succès communs et les victoires conjointes que sur les divergences de point de vue et les espoirs déçus. Dans le cas présent, cette tendance naturelle a pu se trouver accentuée par le fait que l’établissement de relations franco-allemandes étroites comme fondements de la construction européenne a indubitablement constitué l’un des principaux apports à la paix et à la prospérité européenne de l’après-guerre et qu’il est tout aussi certain que les deux protagonistes y ont joué une part importante, sinon décisive. D’éventuelles plus ou moins grandes différences de point de vue ont ainsi sans doute bénéficié d’une discrétion toute particulière.
2Dans la présente contribution, je me propose d’aller au-delà des relations personnelles entre Jean Monnet et le premier chancelier de la République fédérale d’Allemagne pour retracer et mettre en parallèle les conceptions et initiatives de politique européenne de Jean Monnet et les actions et réactions correspondantes de la part du gouvernement fédéral. Mon intérêt se centrera sur le degré de convergence et de discordance des motifs et des objectifs des politiques incarnées par ces deux hommes pendant la phase constitutive de la politique européenne commune entre 1950 et 1957. Les deux perspectives seront alternativement étudiées. Celle adoptée par Monnet sera analysée à partir du rôle qu’il a joué dans les principales initiatives de politique européenne des années considérées ; celle dans laquelle s’inscrivait la politique européenne de l’Allemagne sera examinée en analysant, non seulement l’attitude d’Adenauer, mais également les positions défendues par Ludwig Erhard, Franz Etzel, Franz Josef StrauB et Walter Hallstein, ainsi que, sur certains points, celles des associations de l’industrie allemande ou des partis politiques d’outre-Rhin.
3Le pragmatisme de la politique européenne d’Adenauer a été souligné dès les premiers travaux historiques sur le premier chancelier de la République fédérale2. Ainsi le gouvernement fédéral collabora, simultanément ou à intervalles très rapprochés, à la mise sur pied de modèles d’intégration aussi divers que l’Organisation Européenne de Coopération Economique, le Conseil de l’Europe, la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier, la Communauté Européenne de Défense, sans oublier ses efforts concomitants en vue de l’établissement et, plus tard, de l’approfondissement des relations bilatérales avec la France. Aucun projet européen aux contours précis, auquel les gouvernants allemands se seraient attachés à donner corps de façon conséquente, ne se dégage de toutes ces initiatives, même si l’on tient compte du fait que Bonn, notamment au début des années cinquante, ne jouissait que d’une marge de manœuvre assez restreinte en matière de politique extérieure.
4Il en allait tout autrement de Jean Monnet. Comme je tenterai de le démontrer au travers de l’analyse de situations particulières, il ne fait pas de doute que, si Jean Monnet ne disposait certainement pas non plus, pendant la période qui nous intéresse ici, d’un plan déterminé pour la création des « États-Unis d’Europe », ses idées sur les structures européennes qu’il serait utile et possible de réaliser se caractérisaient bien par des constantes marquées. Parmi celles-ci, il convient de souligner le transfert de compétences souveraines nationales à des institutions supranationales, le renforcement de ces institutions jusqu’à en faire le noyau d’un futur gouvernement européen, ainsi que l’idée qu’il fallait se concentrer sur des domaines d’action clairement délimités pour lesquels une intégration partielle pouvait être considérée comme une étape intermédiaire viable. Cette conception de l’intégration se démarquait sciemment des modèles de coopération internationale se résumant à une simple concertation entre États qui, selon Monnet, s’étaient par le passé avérés inopérants pour garantir la paix en Europe. Malgré tous les compromis auxquels il dut se résoudre et toutes les modifications qu’il se vit contraint d’apporter à sa conception initiale, Monnet établissait à cette époque une distinction très claire entre l’intégration et la coopération, n’admettant ni la confusion de ces concepts ni les tentatives d’occultation de leur différence fondamentale. Ce n’est que plus tard qu’il révisera partiellement son opinion sur ce point.
5Cela étant dit, la présente analyse part du principe qu’il existait une certaine convergence de vues entre Jean Monnet et Konrad Adenauer. Elle trouvait ses racines dans la conviction exprimée dès l’immédiat après-guerre par les deux hommes qu’il était nécessaire de surmonter l’opposition franco-allemande et d’ancrer profondément la République fédérale dans la communauté des États d’Europe occidentale. Tous deux jugeaient que c’était là le meilleur moyen de stabiliser la République fédérale et d’assurer à l’Europe un futur prospère et une paix durable. Ce n’est qu’au delà de ce socle commun que les idées de Monnet et d’Adenauer pouvaient diverger. Aussi la présente analyse se penchera-t-elle sur la question de savoir jusqu’à quel point les conceptions des deux hommes sur les formes concrètes que devait prendre l’intégration européenne convergeaient – et donc à partir de quel point, et dans quelle mesure, elles divergeaient. Dans cette perspective, il sera évidemment nécessaire de retracer les changements de points de vue intervenus en fonction de l’évolution de la situation internationale, mais surtout de la mutation de la République fédérale d’un pays occupé en un État souverain et prospère.
6Alors que le rôle joué par Monnet dans l’élaboration et la réalisation du Plan Schuman a toujours été notoire, la forte influence qu’il exerça dans le contexte du projet de constitution d’une armée européenne, de la « relance européenne » vers le milieu des années cinquante et dans des phases ultérieures de la politique européenne a davantage fait l’objet de supputations que d’analyses détaillées visant à établir clairement les faits. Les travaux biographiques parus récemment ont jalonné le terrain et révélé toute l’étendue des activités de Monnet3. Ce faisant, ils ont rendu plus évidente encore la nécessité d’approfondir l’examen du rôle et de l’influence de Jean Monnet en lui consacrant des travaux de recherche supplémentaires basés sur de nouvelles interrogations et sur des études complémentaires des documents d’archives. Eu égard à l’étroite implication de Monnet dans le processus politique européen de l’après-guerre, de telles analyses promettent d’enrichir notre connaissance des véritables motivations des acteurs de ce processus et de jeter de nouveaux éclairages sur les choix retenus et les résistances rencontrées ; en même temps, elles contribueront à améliorer notre appréhension du rôle et de l’influence des individus en politique.
7Monnet se concevait comme un homme des coulisses qui tentait de faire évoluer les choses dans le sens qui lui paraissait favorable par un travail de persuasion constant, ainsi qu’en se concentrant sur un nombre limité de projets et de personnes. Quels furent, concrètement, les canaux de l’influence de Monnet sur la politique du gouvernement de Bonn ? A quels moyens et à quelles personnes eut-il recours pour atteindre ses objectifs ? Enfin, quelles furent les résistances sur lesquelles il buta, quelles conceptions alternatives lui furent-elles opposées, qui étaient ses adversaires ? En résumé, cette contribution a pour objet d’analyser l’engagement européen de Monnet dans une perspective allemande. On tentera d’apporter une réponse aux questions posées ci-dessus en étudiant le Plan Schuman, le projet de CED, la phase de « relance européenne », ainsi que les projets du Marché commun et d’Euratom. Ce sont là, avec certaines réserves en ce qui concerne le Marché commun, les principales initiatives auxquelles Monnet prit une part active. Les projets auxquels Monnet ne participa pas en premier lieu, tels la Communauté Politique Européenne ou la Communauté agricole, ne seront pas traités ici.
I. Le Plan Schuman : une nouvelle architecture de l’Europe ?
8Dans la mesure où elle apportait une solution commune et cohérente à des problèmes de nature fort différente, la proposition faite le 9 mai 1950, par le ministre français des Affaires étrangères Robert Schuman, de soumettre les productions allemande et française de charbon et d’acier au contrôle d’une Haute Autorité indépendante pouvait passer pour un plan marqué par le sceau du génie. Le Plan Schuman dotait la France, pour sa politique allemande et européenne, d’un cadre à l’intérieur duquel l’indépendance politique et la productivité économique croissantes de la République fédérale lui étaient rendues supportables ; avec l’instauration d’un marché commun, il créait un espace élargi pour la régulation de l’industrie sidérurgique, qui tendait à la surproduction, et garantissait en même temps à la France un accès, en principe à parts égales, aux productions de charbon et de coke métallurgique de la Ruhr. Pour la République fédérale, il marquait la fin du contrôle de son industrie minière et sidérurgique par les puissances occupantes, et notamment l’abandon du quota de production d’acier de 11,1 millions de tonnes par an qui était alors toujours officiellement en vigueur. Dans la réalité, ce plafond était déjà atteint, voire dépassé ; il était en tout cas obsolète4 lorsque l’on entreprit de mettre en œuvre les plans de relèvement économique dont on avait convenu dans le cadre de l’OECE.
9Dans sa « Note de réflexion » du 3 mai 1950, destinée à expliciter la logique qui sous-tendait le Plan Schuman, Jean Monnet ne faisait pas mystère des motifs politiques, voire économiques, qui étaient à la base de l’initiative qu’il avait lancée5. Etant donné que les Etats-Unis étaient favorables à la relance économique de la République fédérale, il fallait éviter que la productivité de l’industrie française ne reste comparativement en retrait, en soumettant, dans un secteur-clé essentiel, les industries des deux pays à des conditions de départ en principe égales. Contrairement aux tentatives de répartition des marchés à l’aide de cartels industriels menées dans l’entre-deux-guerres, il fallait à présent créer les conditions d’une expansion commune « dans la concurrence, mais sans domination ».
10Le choix de facto de faire de la collaboration franco-allemande le noyau de la future organisation de l’Europe ne s’exprimait pas seulement dans la circonstance que ces deux pays étaient les seuls à figurer expressément dans la déclaration de Schuman, la Communauté restant bien évidemment ouverte à d’autres pays. Il se manifestait également, de manière détournée, dans la proposition d’un niveau d’intégration assez élevé, dont Monnet savait pertinemment qu’il conduirait la Grande-Bretagne à refuser de s’associer. Monnet avait tiré les leçons de ses tentatives avortées en faveur d’une étroite coopération franco-britannique. Désormais, il tablait sur une association de Londres à plus longue échéance.
11Monnet et ses collaborateurs au sein du Commissariat au Plan français – notamment Étienne Hirsch et Pierre Uri – n’étaient pas les seuls à s’interroger, en 1949- 1950, sur la réorganisation des industries minière et sidérurgique européennes. Les premières réflexions de Monnet en la matière remontaient aux années de guerre, lorsque, à Londres comme à Alger, on envisageait les différents aspects de la politique européenne que la France pourrait adopter après la guerre6. Pour Monnet, la solution du problème de la Ruhr devait établir un équilibre entre les intérêts économiques et de sécurité de la France et la nécessité d’instaurer en Europe un ordre de paix pérenne, ce qui, à ses yeux, excluait une discrimination durable à l’égard de l’Allemagne ou des États qui lui succéderaient. Durant les premières années de l’après-guerre, toute une série de plans d’organisation et de fédération de l’Europe avaient été conçus, mais aucun ne réglait de façon satisfaisante la question du statut qui devait être accordé au centre industriel de l’Allemagne occidentale. Lorsque, suite à la création de la République fédérale, les pressions américaines en vue d’une intégration à part entière de l’économie allemande dans les structures européennes se firent encore plus fortes, Monnet élabora un projet cohérent, qui se démarquait des plans assez confus discutés çà et là, et qui visait clairement à une intégration de l’Europe, et le mit habilement sur orbite à un endroit stratégique de la sphère politique.
12L’adoption de sa proposition par Schuman, qui en assuma la responsabilité politique le 9 mai 19507, fut aussi résolue que fut prompte l’approbation du projet par Adenauer8. Lors de sa première visite à Bonn, le 23 mai 1950, Monnet eut l’agréable surprise de constater qu’Adenauer semblait n’avoir fait qu’attendre que la question européenne prenne un tour semblable à celui que lui imprimait le Plan Schuman. Dans sa conversation avec le chancelier, Monnet sut trouver les mots justes en mettant l’accent sur l’aspect « politique », sur l’aspect éminemment « moral », de la proposition française ; il insista sur le dépassement des anciennes oppositions, sur la création d’un « climat psychologique » bénéfique et sur le renforcement de la place de l’Europe dans le monde9. Au cours de cette conversation, Adenauer alla jusqu’à déclarer que la question du charbon et de l’acier n’avait cessé de le préoccuper depuis vingt-cinq ans et qu’il considérerait dorénavant la réalisation de la proposition française comme sa mission la plus importante. Fait significatif, la structure d’organisation concrète des secteurs du charbon et de l’acier prévue par Monnet, c’est-à-dire l’instauration d’une « autorité supranationale » face à laquelle les gouvernements nationaux feraient figure de simples « organes exécutifs » dans les secteurs en question, ne fit pas l’objet de la conversation. En revanche, Monnet tenta, vers la fin de l’entretien, d’influer sur le choix du chef de la délégation de négociateurs allemande. Il s’avéra cependant plus difficile que prévu de trouver un « Monnet allemand », selon l’expression d’Adenauer. Monnet ne cacha pas ses réserves à l’égard du banquier Hermann Joseph Abs, qui avait la faveur du chancelier allemand, mais dont le passé ne faisait pas un candidat idéal. Sa préférence allait à Hans Schàffer, qui faisait également partie des personnalités envisagées par Adenauer. Schäffer avait été secrétaire d’État au ministère des Finances du Reich de 1929 à 1932 et Monnet en gardait un très bon souvenir. A la fin de l’entretien, Monnet exhorta Adenauer de veiller lui-même, quelle que fût la personnalité retenue, sur l’évolution du projet. Pour Monnet comme pour Adenauer, ce premier échange de vues fut un franc succès, qu’ils évoqueront souvent par la suite comme une sorte d’acte fondateur de leur relation10. « Le vinaigre du Chancelier fédéral s’est changé en miel » observa le Haut Commissaire français à Bonn André François-Poncet11, que Monnet avait pris soin de contourner, comme il ne manquerait pas de le faire en de nombreuses autres occasions.
13Dans les calculs du gouvernement fédéral, Jean Monnet restait un inconnu. Hans Schàffer, qui avait émigré en 1933 et qui avait été naturalisé Suédois en 1938, faisait partie du très petit cercle d’Allemands – et, en l’occurrence, d’anciens Allemands – qui connaissaient Monnet pour avoir personnellement coopéré avec lui pendant un certain temps. Leurs chemins s’étaient croisés pour la première fois à l’époque où Monnet occupait le poste de Secrétaire général adjoint de la Société des Nations. En 1933, l’expert financier Monnet avait invité Schàffer, qui n’avait cependant pas donné suite, à l’accompagner pour un voyage en Chine et, plus tard, les deux hommes avaient été appelés à participer comme consultants à l’assainissement de l’empire industriel du roi des allumettes suédois Ivar Kreuger, qui avait fait faillite12 Le souhait de voir Schäffer prendre la tête de la délégation allemande ne fut finalement pas exaucé, sa nouvelle nationalité constituant un obstacle insurmontable. Toutefois, dans une longue conversation qu’il eut avec Adenauer le 2 juin 1950, Schäffer parvint à convaincre ce dernier aussi bien de l’intégrité de Monnet que des avantages qu’aurait l’Allemagne à faire siens les objectifs du Plan Schuman. Selon lui, la hausse des prix de l’acier et du charbon entraînerait certes une réduction passagère des avantages concurrentiels dont jouissait l’industrie de transformation allemande, mais l’abolition du statut particulier de la Ruhr et l’apaisement des tensions sur la question de la Sarre s’inséraient parfaitement dans l’objectif de l’Allemagne de « retrouver son indépendance » et constituaient des arguments de poids en faveur de l’acceptation de l’initiative française13.
14Les responsables de l’industrie sidérurgique allemande adoptèrent quant à eux une attitude de prudente approbation de principe, mêlée de réserves concernant des points concrets dont le détail n’était pas encore arrêté. Dans l’ensemble cependant, le souhait de voir enfin cesser le contrôle allié, exercé moins par la Haute Autorité de la Ruhr que par le « Combined Steel Control Group » et le « Combined Coal Control Group », et d’être soumis aux mêmes règles du jeu que les autres industries européennes l’emportait sur la crainte de se voir imposer de nouvelles obligations et charges financières, qui restaient à négocier14. Pour ce qui est de la personne de Monnet, les dirigeants de l’industrie sidérurgique allemande le connaissaient de sa fonction de coordinateur des efforts français de modernisation et d’expansion du secteur. Ils avaient très attentivement suivi l’augmentation poussée de la production d’acier entreprise par le Commissariat au Plan et ce « Plan Monnet » leur apparaissait comme un « plan de délocalisation » de la production, de la Ruhr vers la Lorraine15. Certaines prises de position d’hommes politiques français dans l’immédiat après-guerre confirmaient d’ailleurs qu’il s’agissait bien là de l’objectif que poursuivait Paris. L’industrie sidérurgique allemande se sentait à ce point menacée par ces plans, qu’en janvier 1950, elle crut devoir s’y opposer en apportant des « contre-preuves » de leur faisabilité16. Le fait que les industriels allemands fussent prêts, malgré ces expériences négatives, à accepter le Plan Schuman comme base d’une nouvelle entente prouve qu’ils étaient convaincus que cet accord créerait les conditions d’une rupture définitive avec le régime d’après-guerre et d’un retour à la normale. Le déclenchement de la guerre de Corée acheva de les convaincre que, de toute façon, la situation du marché « poussera, avec une force croissante à mesure que les mois s’écouleront, à l’abandon du quota de 11,1 millions de tonnes »17. En plus, la sidérurgie allemande n’avait pas de grands doutes sur le fait que c’était elle qui disposait des meilleures conditions de production.
15Adenauer recueillit d’autres renseignements et avis sur les conséquences possibles du Plan Schuman. Tout en étant – quant au fond – favorable au Plan, l’économiste allemand Wilhelm Rôpke, professeur à Genève, lui conseilla de s’opposer à une éventuelle transposition de l’idée de base du Plan Schuman à d’autres secteurs économiques, tels l’industrie énergétique ou les transports. En effet, selon les explications que le chef de file des partisans du libéralisme économique de l’époque donna à Adenauer dans leur entretien du 4 juin 1950, on devait absolument éviter de « placer l’économie européenne sous la tutelle d’une planification omnipotente ». L’unification de l’économie européenne ne devait pas se faire au moyen de la planification, mais par des mesures permettant un libre fonctionnement des marchés, c’est-à-dire par l’abolition du contrôle des devises, des contingentements, des quotas et des droits de douane18. Les pourparlers en vue de la création de la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier n’avaient pas débuté que déjà se manifestaient ces esprits critiques qui s’opposeront tout au long des années cinquante à l’idée de l’intégration sectorielle, soupçonnée de dirigisme. A ce stade, tous les participants au débat étaient toutefois encore suffisamment conscients des avantages politiques du Plan Schuman pour que le principe d’un certain degré d’administration commune du charbon et de l’acier fût accepté. Au ministère de l’Economie de Ludwig Erhard, on choisit la voie du pragmatisme en s’attachant à limiter les charges financières dont auraient à souffrir les secteurs industriels concernés, à faire valoir les besoins de rattrapage de l’économie allemande dans le domaine des investissements et, plus généralement, à « réduire au strict nécessaire les mesures dirigistes »19. Ce ne fut pas à un « homme de l’économie », mais à un professeur de droit international – Walter Hallstein – que fut confiée, avec, d’ailleurs, l’aval de Monnet, la direction de la délégation allemande aux négociations de Paris.
16Dans l’esprit de Monnet, les pourparlers engagés le 20 juin 1950 devaient permettre d’aboutir en quelques semaines à la signature d’un accord-cadre. Les nombreux « détails techniques » et questions procédurales devaient être réglés par la Haute Autorité une fois installée. Il s’avéra bien vite que cet ordre du jour sous-estimait gravement la ténacité des différents gouvernements, qui étaient loin d’être disposés à lâcher les commandes avant que des garanties concernant leurs revendications spécifiques ne fussent arrêtées. Certes, Monnet menait à tout moment les débats dans la mesure où les fils essentiels de la discussion passaient toujours par ses mains ; il n’en fut cependant pas moins contraint de renoncer très vite à des aspects fondamentaux de sa conception d’une Haute Autorité disposant d’un assez grand degré de souveraineté.
17Contre toute attente, ce ne fut pas la délégation allemande qui mit les premiers problèmes sérieux sur le tapis. En particulier, le système institutionnel présenté par Monnet et ses collaborateurs dans le « Document de travail » du 24 juin 195020, prônant la création d’une Haute Autorité forte qui ne fût pas contrôlée par un conseil des ministres réuni à cet effet, mais seulement, dans une certaine mesure, par une assemblée parlementaire constituée annuellement par vote indirect, ne suscita pas la levée de boucliers à laquelle on aurait pu s’attendre. Les instructions confidentielles données le 29 juin 1950 à la délégation allemande par le cabinet fédéral qualifiaient expressément le système général proposé par l’équipe de Monnet de « voie viable »21. Au travers de certains points de détail transparaissait toutefois la volonté de limiter les compétences de la Haute Autorité, par exemple en ne lui permettant que d’établir les « principes de la formation des prix » et non pas, comme le demandait Monnet, de fixer concrètement les niveaux minimaux et maximaux des prix du charbon et de l’acier. Et il est certes vrai qu’on ne pouvait pas s’attendre à ce qu’un gouvernement qui devait sa réputation économique – pas encore définitivement établie – à ses succès dans le domaine de la libéralisation des prix se prononce en faveur d’une réglementation des prix au niveau européen.
18Ce furent les délégations des pays du Benelux qui opposèrent des critiques fondamentales aux structures institutionnelles prévues pour la Communauté. Leur crainte de voir naître une Haute Autorité dotée de prérogatives excessives les amena à demander que lui fût adjoint un conseil des ministres ayant pouvoir de donner des directives sur les questions de portée générale22. Il s’engagea à ce sujet un intense échange de vues entre Monnet et le chef de la délégation néerlandaise Dirk Spierenburg, dans lequel intervint Walter Hallstein, qui se prononça énergiquement en faveur de « véritables » institutions supranationales et qui se posa ainsi comme l’appui le plus important de Monnet. Même après que Spierenburg, ayant consulté son gouvernement, se fut déclaré prêt à certaines concessions, en insistant toutefois sur la sauvegarde d’une autorité directe, au moins dans le domaine de la défense nationale, Hallstein monta de nouveau au créneau et mit en avant ses réserves d’ordre général « sur l’attribution de compétences trop larges au conseil des ministres, avec toutes les menaces que cela fait peser sur le caractère supranational de l’organisme à créer »23. Dans cette phase des discussions, Hallstein alla par moments jusqu’à reprendre la propre terminologie de Monnet – en quoi il ne fut suivi par personne –, ne reculant pas même devant le concept de « fusionnement des droits souverains » que visait l’intégration européenne24. Dans le cas, qui paraissait désormais envisageable, d’un abandon des pourparlers par les pays du Benelux en raison des dissensions sur les questions institutionnelles, le gouvernement fédéral semblait être disposé à en tirer toutes les conséquences et à poursuivre, seul, les négociations avec la France et l’Italie25.
19Un certain nombre d’esquisses de directives complémentaires de date ultérieure prouvent que le gouvernement allemand couvrait entièrement la ligne de conduite adoptée par Hallstein. Ainsi peut-on lire, dans une note datant de la fin août 1950, que la délégation allemande devait veiller à ce que « la Haute Autorité, organe exécutif central, soit dotée d’une marge de manœuvre suffisante pour pouvoir exercer son rôle de force motrice de l’intégration européenne » et que les initiatives des petits pays en vue de renforcer les pouvoirs du conseil des ministres devaient être contrées par un élargissement des compétences de l’Assemblée commune26. Allant plus loin que Monnet, qui estimait que ce serait une « erreur psychologique » que de « conférer dès à présent un caractère supranational à l’Assemblée », Hallstein s’était antérieurement prononcé en faveur d’une revalorisation du rôle de « la représentation des peuples unis d’Europe »27. Dans le même esprit, Hallstein prôna à Paris que le tribunal d’arbitrage, qui en était encore à ces balbutiements, soit élevé au rang d’institution permanente et devienne ainsi le « promoteur d’une saine évolution du droit »28. Dans le soutien qu’il apportait au projet d’insérer la Haute Autorité dans la structure générale des futures institutions de la CECA, le gouvernement fédéral rejoignait dans l’ensemble les positions du gouvernement français. Toutefois, les positions prises par le chef de délégation Hallstein lors de ces pourparlers visaient bel et bien à instaurer, avec la CECA, un nouveau niveau politique dont les institutions souveraines jouiraient d’une légitimité directe29.
20La véritable crise des pourparlers n’intervint qu’après la trêve estivale que les délégations s’étaient accordée. Alors que, dans la première partie des négociations, la question de la réorganisation, sous le régime légal du droit d’occupation, des industries sidérurgique et minière allemandes avait été soigneusement contournée, elle ne tarda pas à s’installer au cœur des discussions, devenant l’un de leurs principaux enjeux. De façon manifeste, le gouvernement fédéral et l’industrie allemande voulaient se servir des négociations sur le Plan Schuman pour émousser les projets alliés de déconcentration et de décartellisation, alors que, pour Monnet, l’instauration d’un marché commun du charbon et de l’acier n’était concevable qu’après que le pouvoir des conglomérats de la Ruhr aurait été étroitement limité. Dans la correspondance qu’il a entretenue avec Schuman fin 1950-début 1951, Monnet décrit en effet les « magnats de la Ruhr » comme un danger pour le futur système de libre concurrence, voire pour la paix en Europe30. Il était selon lui impératif de dissoudre la « Deutscher Kohlen-Verkauf » (DKV), l’association de distribution du charbon de la Ruhr, organisée en monopole de fait, et de démanteler les structures de production liée, à savoir l’intégration verticale des productions de charbon et d’acier, source d’un avantage concurrentiel pour l’industrie sidérurgique allemande que la France ne pouvait tolérer. Monnet mit en œuvre tous les moyens dont il disposait pour vaincre l’opposition du gouvernement fédéral, de l’industrie allemande, voire, dans le cas de la DKV, des syndicats, aux mesures de déconcentration ; il alla même jusqu’à charger Étienne Hirsch de tenter d’influer sur Adenauer dans le cadre d’une conversation en tête-à-tête en janvier 195131.
21Ce n’est cependant que l’intervention, cette fois ouverte, du Haut Commissaire américain – et ami de longue date de Monnet – John McCloy qui permit d’amener le gouvernement fédéral à se montrer plus conciliant. En effet, McCloy fit comprendre à Adenauer que l’adoption de certaines mesures de réorganisation était une condition sine qua non de la réalisation du Plan Schuman. Monnet se félicita de ce soutien et encouragea McCloy à persévérer dans sa fermeté32. Si les concessions faites par Adenauer dans son mémorandum adressé à la Haute Commission Alliée le 14 mars 195133 rendirent finalement possible la signature du traité instituant la CECA, la traduction des stipulations de celui-ci en mesures concrètes donna lieu, dans les années qui suivirent, à d’âpres et interminables négociations entre la Haute Autorité et le gouvernement fédéral.
22On peut s’étonner de ce que la réputation, dont jouissait Monnet, d’être un président de conférence neutre ne fut à aucun moment ébranlée par toutes les pressions qu’il exerça34. Monnet le dut sans doute au fin partage des tâches qu’il avait mis au point, en vertu duquel c’était à McCloy qu’il revenait de mener les négociations avec les industriels de la Ruhr, alors qu’il restait lui-même plutôt en retrait35. Les critiques des industriels allemands se dirigeaient donc essentiellement sur les spécialistes anti-cartel américains – parmi lesquels figurait notamment Robert Bowie –, ceux-là mêmes dont Monnet utilisait les travaux pour rédiger les clauses correspondantes du traité de la CECA. Ainsi, ce n’étaient pas les négociateurs français que les industriels de la Ruhr considéraient comme les interlocuteurs les plus difficiles, mais « les Américains avec leurs obsessions anti-trust »36.
23L’appréciation favorable portée sur le rôle de Monnet s’expliquait sans doute également par la contribution décisive qu’il avait apportée à la concrétisation de deux points auxquels le gouvernement fédéral s’était montré particulièrement attaché. D’une part, on avait accepté que la Sarre ne fasse pas partie des signataires du traité de la CECA37 ; d’autre part, l’Allemagne avait obtenu la promesse qu’au plus tard à l’entrée en vigueur du Marché commun, les restrictions auxquelles était soumise l’industrie minière et sidérurgique allemande seraient abolies38 – promesse faite de la façon la plus officielle qui soit, puisque, le jour de la signature du traité, le 18 avril 1951, la délégation allemande se vit remettre par le ministre des Affaires étrangères français, Robert Schuman, une lettre correspondante. Dans une conversation qu’il avait eue avec Adenauer le 4 avril 1951, Monnet était parvenu en contrepartie à faire accepter à ce dernier que la France – avec ou sans ses territoires d’outre-mer – et la République fédérale – réunifiée ou pas – se vissent accorder un nombre de voix identique dans les organes de la CECA, ce qui signifiait que, contrairement à la revendication initiale du gouvernement allemand, le droit de vote de chaque pays ne serait pas pondéré par le volume relatif de sa production de charbon et d’acier. Après les altérations successives qu’avait subies son projet supranational, Monnet enregistra cette concession du gouvernement allemand avec un contentement manifeste et lui attribua valeur de symbole39. Toutefois, cet accord sur l’égalité des voix des deux pays n’est, lui non plus, rien d’autre qu’une conséquence et un reflet supplémentaires de la transformation du projet de Monnet au gré de l’évolution du contexte international. En effet, six mois plus tôt, en septembre 1950, Monnet ne doutait pas que le rôle prééminent de la France, qu’il revendiquait comme une chose naturelle et due, se traduirait entre autres par une pondération positive de sa voix lors des votes de l’ Assemblée commune40. Même si la force du Plan Schuman résidait essentiellement dans le principe d’un traitement à droits égaux de la République fédérale, Monnet restait incontestablement convaincu que, dans l’Union européenne qui était en train de naître, ce serait à la France qu’il appartiendrait de donner le ton.
II. Le réarmement de la République fédérale d’Allemagne : des soldats allemands ou européens ?
24Le traité de la CECA n’avait pas encore été signé que déjà s’ouvrait à Paris un nouveau « front » de négociation avec la conférence sur le projet de création d’une armée européenne, le Plan Pleven. Suite à l’intensification considérable des pressions américaines en faveur d’une contribution de l’Allemagne occidentale aux efforts de défense du bloc occidental41, liée au déclenchement de la guerre de Corée en juin 1950, la politique de la France avait été menacée de s’enliser dans une politique d’isolement du type de celle dont elle avait fait preuve en amont du Plan Schuman. Une nouvelle fois, la France avait craint d’être mise devant un fait accompli – en l’occurrence, le réarmement de l’Allemagne sous l’égide des États-Unis – ; une nouvelle fois, la diplomatie française avait tergiversé ; une nouvelle fois, l’issue consista finalement à insérer dans un contexte européen ce qui aurait été intolérable dans le cadre national allemand. Et une nouvelle fois, comme si l’histoire se répétait, ce fut par le truchement de Monnet que l’option européenne finit par être adoptée par le gouvernement français et devint la ligne politique officielle de la France42.
25Le texte que lut René Pleven le 24 octobre 1950 devant l’Assemblée nationale, qui l’approuva deux jours plus tard43, reprenait, dans ses passages essentiels, l’ébauche de projet que Monnet avait envoyée deux jours plus tôt au Premier ministre44. Cette ébauche était, quant à elle, le résultat de multiples échanges de vues et de décisions successives auxquels avaient pris part, outre Monnet et ses collaborateurs, notamment Robert Schuman et Pleven lui-même. Dix versions provisoires furent discutées – une de plus que dans le cas du Plan Schuman – avant d’en arriver à la proposition définitive45. Dans l’essentiel, le gouvernement français s’y déclarait prêt à engager des pourparlers sur la création d’« une armée européenne rattachée à des institutions politiques », dans laquelle seraient également incorporés, « au niveau de l’unité la plus petite possible », des troupes allemandes. Les pays qui disposaient déjà de forces militaires ne mettraient qu’une partie de celles-ci à disposition de l’armée européenne, alors que la totalité des divisions allemandes devaient être placées sous l’autorité d’un « ministre de la Défense européen ».
26D’autres que Monnet s’étaient prononcés, au cours des mois précédents, en faveur d’une participation allemande à l’armée européenne : le Haut Commissaire américain McCloy, le 25 juillet, Winston Churchill devant l’Assemblée consultative du Conseil de l’Europe, le 8 août 1950, et, surtout, Adenauer, lors d’interviews de presse judicieusement accordées, en novembre et décembre 1949, en vue de préparer le terrain46. Mais le gouvernement de Bonn ne s’était pas arrêté là. Il avait en effet engagé, dès avril-mai 1950, des réflexions sur la possibilité de mettre sur pied des forces de sécurité nationales. Vu qu’il était illusoire de songer à de véritables divisions militaires, en raison des résistances tant intérieures qu’extérieures que cela ne manquerait pas de susciter, on envisagea dans un premier temps une sorte de « police fédérale », dont les effectifs et les équipements seraient limités47. Après de longues discussions de travail, menées de juin à août 1950, entre Adenauer, son plus proche collaborateur Herbert Blankenhom, son conseiller sur les questions de sécurité von Schwerin, général à la retraite, et des représentants de la Haute Commission Alliée, on était tombé d’accord sur l’objectif d’une contribution militaire de l’Allemagne, sans avoir pour autant trouvé de solution praticable pour la réalisation concrète de celle-ci. L’idée la plus étonnante avancée dans le cadre de ces discussions avait été lancée par Adenauer lui-même qui, le 6 juin 1950, avait proposé au Haut Commissaire britannique, le général Robertson, la création d’une « légion » basée sur le territoire français, à laquelle pourraient prendre part des forces allemandes48.
27Une nouvelle étape fut franchie avec la déclaration faite au nom du gouvernement fédéral par Adenauer, dans un mémorandum strictement confidentiel sur la politique de sécurité en date du 29 août 1950, selon laquelle « en cas de création d’une armée internationale européenne, l’Allemagne serait prête à apporter la contribution en effectifs militaires qui lui échoirait »49. Dès ce stade, la diplomatie allemande prit soin de signaler aux puissances occidentales, par tous les moyens possibles, que le gouvernement de Bonn entendait que l’accomplissement de ses devoirs à l’intérieur d’une union européenne s’accompagnât de l’abolition progressive du statut d’occupation50. Sur le plan militaire, ainsi que Blankenhom l’expliqua au début du mois de septembre au Haut Commissaire adjoint français Armand Bérard, cela revenait à dire que l’Allemagne ne se déclarerait prête à s’associer à cette collaboration militaire européenne qu’avec la garantie que « les divisions allemandes qui seraient mises à disposition seraient soumises aux mêmes conditions que les divisions des autres pays quant à leur organisation, leur structure de commandement et leur équipement »51.
28On ne sait pas exactement dans quelle mesure Monnet était informé de l’avancement des discussions entre le gouvernement fédéral et les Alliés et à quel moment il eut connaissance de la « déclaration » d’Adenauer. En dépit de l’étroitesse de ses relations avec McCloy, Monnet n’était alors vraisemblablement pas très au fait de la situation. Toujours est-il que, lors de la longue conversation qu’il eut avec Blankenhom le 11 août 1950 à Paris, la discussion porta sur les problèmes liés au Plan Schuman, et non sur la question du réarmement allemand52.
29Si l’on prend en compte les initiatives diplomatiques et les manœuvres internes ci-dessus décrites, il devient évident que Monnet se consacra à l’idée d’une armée européenne avec un certain retard. Il était sans doute conscient depuis le début que chaque pas qui serait entrepris en direction du réarmement de l’Allemagne susciterait de vives résistances du côté français et mettrait ainsi sérieusement en péril les travaux sur le Plan Schuman, qui n’en étaient alors qu’à leurs débuts53. C’était là, pour Monnet, un point essentiel car il était clair à ses yeux que la forme qui serait choisie pour le réarmement allemand était appelée à décider du sort de l’intégration européenne, ou du moins de la voie qu’elle prendrait. Monnet était alors – et demeurera – convaincu que, si l’on permettait à l’Allemagne de se doter d’une armée essentiellement nationale, elle perdrait instantanément tout intérêt pour la CECA54. On le voit, Monnet n’accordait pas une confiance sans bornes à la volonté d’intégration politique du gouvernement allemand et il n’était vraisemblablement pas le seul à penser ainsi, puisqu’il fut convenu, en dépit des pressions exercées par Adenauer en faveur de la création rapide de divisions allemandes, que les négociations sur une armée européenne ne pourraient pas être entamées avant que les pourparlers sur la CECA n’eussent abouti.
30Les moyens d’analyse rétrospective dont dispose l’historien ne permettent d’obtenir que des approximations de ce qu’étaient à ce moment précis les motivations profondes de l’action de Monnet, au rang desquelles figurait notamment l’image qu’il se faisait de l’Allemagne. Il serait par exemple fort intéressant de connaître l’évaluation qu’il faisait alors de la possibilité réelle d’une menace de la paix par l’apparition d’un nouveau militarisme allemand. L’une des caractéristiques principales de Monnet était qu’il ne se livrait que très rarement à des considérations historiques et qu’il n’avait l’habitude ni de faire entrer en ligne de compte ses expériences personnelles, ni de se servir des événements historiques comme arguments dans les débats concernant des questions politiques actuelles. Son style de réflexion et sa manière de convaincre étaient autres. Considérant l’expérience des catastrophes de la première moitié du xixe siècle comme une base historique commune sur laquelle il n’était pas nécessaire de s’étendre davantage, il concentrait toute son attention sur les tâches immédiates qu’imposait l’objectif de parvenir à une organisation supranationale de la vie des nations européennes. Aux yeux de son proche collaborateur Jacques Van Helmont, il était clair que « [Monnet ne s’intéressait pas à l’Histoire, sauf contemporaine. Ce détachement du passé lui donna à l’égard des États européens une liberté d’esprit exceptionnelle qui n’évitait pas les méprises »55. Or, c’est sans aucun doute cette absence relative de préjugés qui lui permit d’envisager, si peu de temps après la fin de la guerre, une contribution allemande à la défense européenne. Ceci étant, en 1950, même Monnet se posait encore des questions sur le rôle historique de l’Allemagne et faisait, ici ou là, des allusions à ses « tentations traditionnelles »56, dont il n’explicita, d’ailleurs, qu’une seule, la « tentation de balancer entre l’Ouest et l’Est »57.
31L’analyse qu’il fait de la situation européenne dans une longue lettre envoyée à René Pleven le 3 septembre 1950 surprend par le peu d’attention qu’il prête à la question, pourtant cruciale, du réarmement allemand58. De toute évidence, Monnet tenait à établir solidement l’approche adoptée dans le Plan Schuman comme principe directeur de la politique européenne de la France avant de passer au règlement de la question du réarmement allemand qui, s’il était certes urgent, ne devait être considéré que comme un aspect singulier d’un débat d’ensemble. La voie qu’il préconisait à cet effet était plutôt celle d’un « plan Schuman développé » que celle de l’accumulation d’intégrations partielles isolées.
32Monnet ne fut convaincu de la nécessité de concrétiser ses idées59 qu’après que le projet américain, fort avancé, de mettre sur pied des divisions allemandes fût révélé à Schuman, par Acheson, lors de la conférence des ministres des Affaires étrangères de New York du 12 septembre60. Schuman lui-même, qui s’était jusqu’à présent refusé à considérer la possibilité d’un réarmement allemand, préconisait désormais de rechercher une solution européenne, qui constituerait un moindre mal61 par rapport à l’alternative consistant en l’incorporation d’une armée allemande dans une force militaire de l’OTAN commandée par les États-Unis. Il est certain que, du moins du point de vue de Monnet, cette seconde possibilité aurait peut-être résolu les problèmes de sécurité liés au réarmement allemand, mais aurait réduit à néant les chances de réalisation d’une solution supranationale européenne sous leadership français, alors que la prééminence de la France restait à ses yeux capitale : « [...] Armer l’Allemagne est un danger. Il faut que l’Allemagne contribue par sa force à une entité plus large qu’elle-même dans laquelle elle se fonde. A cette fusion de l’Europe de l’Ouest, il faut un guide – un leader. Ce ne peut être l’Allemagne, ni l’Italie, ce ne peut être que la France »62.
33Monnet observait attentivement le comportement des acteurs allemands. Au cours de cette phase, la diplomatie allemande ne profitait-elle pas du sentiment croissant que la défense militaire de l’Europe de l’Ouest ne pourrait être assurée sans une participation, sous une forme ou une autre, de l’Allemagne, pour durcir sa position sur le Plan Schuman ? Monnet en fut convaincu dès septembre 1950 et fit part de son inquiétude à ses interlocuteurs américains63. L’affaire Lehr, déclenchée par la violente attaque du maire de Düsseldorf – qui ne tarderait pas à être nommé ministre de l’intérieur – contre la politique de l’acier française, soupçonnée de servir des ambitions inavouées64, ainsi que le mémorandum allemand sur l’incompatibilité entre le Plan Schuman et le statut d’occupation65, furent interprétés par Monnet comme des manifestations très claires de l’assurance retrouvée de l’Allemagne66 – qui, à ses yeux, soulignaient l’urgence d’une nouvelle initiative française.
34Et encore, Monnet n’avait-il vraisemblablement pas eu connaissance du document le plus important concernant les objectifs de politique militaire de l’Allemagne. En effet, dans la « Himmeroder Denkschrift » du 9 octobre 1950, les experts militaires nommés par Adenauer prônaient une participation active de l’Allemagne à une armée euro-atlantique et réitéraient les revendications allemandes d’une pleine souveraineté et de droits équivalents, en matière militaire, à ceux des autres nations67. McCloy, qui avait été mis au courant du détail de ces revendications, semblait considérer la normalisation du statut militaire de l’Allemagne comme quelque chose de tout à fait naturel et n’hésita pas à proposer une contribution allemande de l’ordre de « dix à douze divisions »68. La différence par rapport au Plan Pleven inspiré par Monnet n’est que trop évidente.
35L’accueil que reçut la déclaration du gouvernement français du 24 octobre de la part d’Adenauer fut diamétralement opposé à celui que ce dernier avait réservé moins de six mois plus tôt au Plan Schuman. La réaction du chancelier a été « totalement négative », nota Blankenhom, avant de préciser les raisons de son rejet : « D’abord, le lien étroit entre les préparatifs de réarmement et le Plan Schuman, 2. Discrimination des contingents allemands, 3. Au lieu d’une action immédiate, le tout est rapporté à un futur lointain par le moyen de difficiles négociations internationales qui ne devront débuter qu’après l’adoption du Plan Schuman »69. Hallstein, auquel Schuman avait, peu de temps avant cela, assuré que la politique de Paris suivrait une ligne de continuité absolue70, fut chargé de transmettre au ministre des Affaires étrangères français « les grandes inquiétudes et le désappointement » du chancelier. Sur le plan intérieur, le gouvernement allemand tenta de minimiser les tensions extérieures afin de ne pas offrir des points d’attaque supplémentaires au SPD, principal parti d’opposition.
36Alors que, pour Monnet, il n’était pas question de revenir sur la liaison étroite entre le Plan Schuman et l’armée européenne, qui restait le véritable objectif de son action, la question du traitement à droits égaux pouvait être discutée et il s’efforça d’œuvrer dans le sens d’un rapprochement des points de vue. L’un des partis concernés par le travail de persuasion de Monnet était le gouvernement des États-Unis, qui avait réagi au Plan Pleven avec le même scepticisme qu’Adenauer et qui s’était montré inquiet des retards impliqués par ce plan, mais surtout de la faible valeur opérative des troupes internationales71 ; mais il fallait aussi influer sur le gouvernement fédéral, bien que de façon indirecte, vu qu’en tant que président de la conférence sur le Plan Schuman, Monnet ne pouvait pas prendre ouvertement position. Deux jours après l’annonce du Plan Pleven, Monnet réunit Pleven, Schuman et McCloy dans sa maison de Houjarray pour tenter, dans un premier temps, de convaincre le Haut Commissaire américain, sceptique, du bien-fondé des propositions du gouvernement français72. A la suite de cet entretien, McCloy fit part à Blankenhom – et c’était là sans doute ce que Monnet avait voulu – de l’insistance avec laquelle les deux hommes politiques français avaient souligné « qu’ils n’ont en aucune façon l’intention de retarder les préparatifs en vue d’une défense européenne. L’essentiel pour eux est que des garanties soient offertes contre la création d’une armée nationale allemande. La France ne peut ni ne veut accepter qu’un nouvel état-major général allemand voie le jour ». McCloy rapporta également la volonté française de voir la participation de l’Allemagne à la défense de l’Europe occidentale « se faire sur une base d’égal à égal et sans discrimination aucune »73. Le Haut Commissaire américain assuma ainsi le rôle de rapporteur et d’interprète à l’égard de Bonn, voire, plus tard, après notamment que le travail assidu de persuasion de Monnet eut fait son effet, celui de fervent défenseur du projet de création d’une armée européenne74. Dans un long entretien que lui accorda Adenauer le 7 novembre 195075, François-Poncet ne parvint pas, quant à lui, à dissiper sérieusement les soupçons allemands selon lesquels le gouvernement français ne faisait que chercher à retarder la contribution militaire allemande, jugée pourtant si nécessaire par Bonn76.
37En raison des difficultés rencontrées dans les négociations sur le Plan Schuman, qui constituaient sa priorité absolue, Monnet choisit, dans les semaines qui suivirent, de se limiter à des interventions ponctuelles concernant le Plan Pleven. Les hésitations dont fit preuve le gouvernement français suite aux vives critiques des États-Unis, de la Grande-Bretagne et des autres membres de l’OTAN, mais aussi des cadres militaires français, qui n’avaient pas été consultés77, confortèrent Monnet dans son idée qu’il fallait persévérer sur la voie qu’on avait choisie. Ses objectifs prioritaires étaient l’adoption du Plan Schuman, qui devait être la première étape à franchir, l’instauration d’une structure politique en charge de l’armée européenne, ainsi que l’établissement d’un lien indissoluble entre la création de divisions allemandes et la décision politique de leur intégration dans l’armée européenne. Le premier soldat recruté en Allemagne devait être, selon la formule de Monnet, un « soldat européen »78. Toute autre voie risquait de faire échouer l’ensemble du projet européen.
38Pour Adenauer, il était de la plus haute importance qu’à la suite de la solution provisoire adoptée, à l’initiative des États-Unis, par le Conseil de l’OTAN le 18 décembre à Bruxelles, des pourparlers directs sur une participation militaire de l’Allemagne, dont la forme officielle ne serait certes que temporaire, soient entamés avec les trois Alliés. Pour l’essentiel, la solution provisoire prévoyait que des accords militaires puissent être négociés et conclus avant la clôture des débats sur les structures politiques européennes, qui devaient cependant être menés simultanément79. Parallèlement aux « entretiens de Petersberg » entre des représentants de la Haute Commission Alliée et des experts militaires allemands, ouverts le 9 janvier 1951 et qui portaient sur les modalités concrètes du réarmement allemand, Adenauer insista, dans ses propres entrevues politiques avec les Hauts Commissaires, sur le lien indéfectible entre la contribution militaire allemande et la dissolution progressive des droits d’occupation des Alliés. La relation étroite qu’Adenauer établissait entre ces deux aspects, qu’il avait déjà exposée dans une discussion de fond qu’il avait eue le 21 décembre 1950 avec les Hauts Commissaires, témoigne du fait qu’à ses yeux, la participation militaire allemande avait aussi un caractère instrumental80. Dans les entretiens de Petersberg, la contribution militaire allemande fut dès l’abord placée dans le contexte d’une possible adhésion à l’OTAN, ce que le négociateur allemand Theodor Blank posa comme la seule voie que la République fédérale serait disposée à emprunter81. La préférence d’Adenauer pour la « solution atlantique » directe ne s’expliquait pas seulement par le fait que cette voie promettait de faciliter l’accession de l’Allemagne à une souveraineté accrue, mais également par sa conviction intime que seule une alliance la plus étroite possible avec les États-Unis permettrait de garantir la sécurité de la République fédérale et de l’Europe occidentale82.
39Dans ces conditions, la délégation allemande adopta une politique de négociation dilatoire lors de la conférence sur le Plan Pleven, qui fut engagée à Paris le 15 février 1951. Adenauer, pour sa part, ne ménagea pas ses critiques à l’égard de la France. Lors d’une conversation qu’il eut le 2 mars 1951 avec le Président de la République fédérale Theodor Heuss, il se plaignit amèrement des difficultés que lui faisait, « dans tous les domaines », le côté français. Si l’on en croit le compte-rendu de cette conversation, le chancelier Adenauer considérait que « le Plan Pleven, par rapport auquel Monnet prend par ailleurs ses distances, n’est rien d’autre qu’une impertinente tentative de restaurer l’hégémonie de la France en Europe »83. Ces passages témoignent de deux choses. La première est la très grande méfiance qu’éprouvait Adenauer, au moins à cette époque, à l’égard de la politique européenne de la France ; le moins que l’on puisse dire est qu’il ne partageait pas l’optimisme qu’inspiraient à d’autres les progrès continus du processus d’intégration européenne. La seconde est le maintien du crédit accordé à Jean Monnet ; ce dernier était en effet expressément lavé de tout soupçon de soutenir les ambitions hégémoniques de la France. Ce coup de sang d’Adenauer constitue très vraisemblablement une réaction immédiate au mémorandum français présenté à l’occasion de l’ouverture de la conférence, le 15 février 1951, qui révèle un durcissement notable de la position de Paris. Ce mémorandum reprend assez fidèlement la position du ministre de la Défense Jules Moch et fut effectivement rédigé sans que Monnet eût été consulté84.
40Un autre facteur jouait en faveur du maintien de la considération dont jouissait Monnet de la part d’Adenauer, aussi bien dans cette phase que tout au long des années cinquante : Monnet ne pouvait pas être soupçonné de vouloir amener le règlement de la question allemande par des ententes avec l’Union soviétique. Lorsque, le 5 mars 1951, des représentants des trois Alliés occidentaux entamèrent à Paris des discussions avec une délégation venue de Moscou, Monnet rejeta vivement cette forme de diplomatie « à Quatre », jugeant qu’elle ne pouvait aboutir à rien de bon et ne ferait que parasiter les négociations essentielles. Cette attitude si ferme s’explique par le fait que le règlement de la question allemande à l’intérieur de l’Europe occidentale constituait l’essence-même de son projet européen et que toute entente sur, mais sans, l’Allemagne risquait de réduire à néant tout ce qu’il s’était efforcé de construire85. Par cette opinion tranchée, Monnet se posait en adversaire de ceux, nombreux parmi les représentants politiques et diplomatiques de la France, à qui l’on devait la réponse favorable donnée à la proposition soviétique d’engager des pourparlers, et qu’Adenauer soupçonna aussitôt de viser « la neutralisation de l’Allemagne occidentale, voire de l’Allemagne dans sa totalité »86. Un an plus tard jour pour jour, Monnet fit parvenir au ministre des Affaires étrangères Schuman un schéma détaillé de réponse à l’offensive des notes engagée par Staline qui répondait au même esprit de rejet des ententes sur la question allemande n’impliquant pas Bonn. Monnet restait convaincu qu’il devait être possible de présenter à l’opinion publique française la participation de l’Allemagne occidentale à une armée européenne comme une garantie de paix plus sûre que l’alternative proposée par Moscou, qui consistait en la création d’une armée nationale d’une Allemagne unifiée et neutralisée87.
41Adenauer eût grandement sous-estimé la foncière opiniâtreté de Monnet s’il eût cru que les distances que celui-ci avait prises par rapport aux dernières évolutions signifiaient l’abandon de son idée d’une armée européenne. Avec Hervé Alphand et Étienne Hirsch, c’étaient deux collaborateurs de longue date de Monnet qui occupaient des positions-clés au sein de la conférence sur le Plan Pleven. De cette façon, Monnet n’était pas seulement indirectement associé au déroulement de la conférence, mais pouvait profiter de sa position, ce qu’il fit effectivement à plusieurs reprises, pour faire entrer en jeu ses propres idées via des propositions de négociation. Ce n’est cependant pas sur le tapis des tables de négociation que Monnet obtint son plus grand succès. Dans une rencontre entre Monnet et le général Eisenhower organisée par McCloy et qui eut lieu le 21 juin 1951 à Paris, Monnet parvint à convaincre le Commandant en chef des forces alliées en Europe nouvellement nommé que l’armée européenne constituait la seule possibilité viable de faire accepter le réarmement allemand par les voisins européens. La mise sur pied précipitée de quelques divisions allemandes, insista Monnet, représenterait par contre une menace pour la sécurité de l’Europe88. Selon Eisenhower, la viabilité du projet pouvait être accrue grâce à un certain nombre de modifications pratiques, comme par exemple le renforcement du degré d’intégration des différentes divisions par rapport à ce qui était prévu avec les « combat teams » ; dans la réalisation du projet, il faudrait toujours veiller à garantir le traitement à droits égaux de tous les pays participants89. En contrepartie du soutien qu’il avait obtenu d’Eisenhower, Monnet se chargerait de faire accepter ses conditions par Paris.
42La conversion d’Eisenhower, qui jouissait alors d’un grand prestige, influa de façon décisive sur les positions prises par les gouvernements américain et britannique90. Washington et Londres se prononcèrent en faveur de la création d’une armée européenne, mais posèrent la condition que celle-ci fût intégrée dans les systèmes de l’OTAN91. Le 5 juillet 1951, McCloy déclara au chancelier fédéral qu’à présent, la contribution allemande à l’effort de défense occidental ne saurait être envisagée que dans un cadre européen et qu’il fallait remettre à une date ultérieure l’adhésion de l’Allemagne à l’OTAN92. Adenauer réagit à la nouvelle donne en fin diplomate et en faisant preuve d’une habileté certaine, puisqu’il se contenta de déclarer qu’il fallait à présent « élever les pourparlers parisiens à la hauteur des entretiens de Petersberg »93. Mais, sur le fond, la situation avait changé. Le « rapport intermédiaire » présenté à Paris le 24 juillet 1951 rendait compte du revirement essentiel intervenu dans les discussions et esquissait un premier modèle de cadre politique fortement inspiré des institutions de la CECA94. Adenauer n’eut d’autre possibilité que d’accepter la « Communauté Européenne de Défense », mais intima les membres de la délégation allemande d’insister sur la revendication de l’égalité de droits à chaque fois que l’occasion s’en présenterait. Afin de rehausser la position de l’Allemagne dans les négociations parisiennes, voire de ne pas être lié par l’issue de celles-ci, Adenauer tenta, parallèlement, de mettre en œuvre une contribution militaire de forme provisoire par le biais d’un accord intergouvememental. Le chancelier fut cependant contraint de constater que non seulement son initiative fut mise en échec au début du mois de septembre 1951, mais que, tout au contraire, le gouvernement français parvint à imposer que l’amélioration du statut international de la République fédérale prévu par le « traité général » fût liée à la ratification préliminaire du traité sur la CED95. Adenauer ne rencontra pas plus de succès dans sa demande, maintes fois réitérée, d’obtenir que l’Allemagne fût admise comme membre de l’OTAN à l’instar des autres pays de la CED ; à chaque nouvelle tentative, sa demande se heurta au veto opposé par la France.
43Après la césure de l’été 1951, Monnet continua d’œuvrer en faveur du projet de la CED en devenant membre du Temporary Council Committee (TCC) – plus précisément, de son Comité des Sages –, institué par le Conseil de l’OTAN à Ottawa en septembre 1951, au sein duquel il participa à l’évaluation des charges financières liées à la mise sur pied et au fonctionnement de la CED, ainsi qu’à l’élaboration de modèles de répartition de celles-ci entre les États membres96. Dans deux longues conversations qu’il eut avec Blankenhom les 7 et 8 novembre 1951, Monnet reconnut que l’on avait perdu du temps, notamment en raison des discussions intérieures françaises. Mais l’heure était maintenant à l’optimisme, ce dont Monnet tenta de convaincre le représentant d’Adenauer en soulignant que tout était « très bien engagé pour que l’idée de la Communauté Européenne de Défense puisse très prochainement se concrétiser »97. Monnet n’était pourtant pas lui-même sans quelques inquiétudes quant à la poursuite du projet. Non seulement certains problèmes risquaient de s’enliser en raison des interminables discussions des experts financiers98, mais, surtout, il avait lui-même contribué à dissuader le gouvernement français de se lancer immédiatement dans la création d’organes politiques européens, « afin de ne pas offrir à l’opposition l’argument que l’on commence tout, mais qu’on ne mène rien à terme »99. De ce point de vue, il avait également trouvé « très malvenue » l’idée de Schuman de mettre la question de la création d’une Haute Autorité politique de caractère supranational à l’ordre du jour de la prochaine séance du Conseil de l’Europe. Cet aveu quelque peu surprenant de la part de Monnet, qui n’avait eu de cesse de souligner l’importance de la création d’institutions politiques, traduit sa distance, voire son scepticisme, à l’égard des projets politiques trop généraux et qui promettaient plus que ce qu’ils pouvaient tenir100. On peut certainement y voir également un pressentiment de l’exacerbation des problèmes intérieurs que le projet de la CED allait susciter en France. Monnet comptait sur la dynamique que ne manquerait pas de créer une prochaine rencontre entre Schuman et Adenauer qu’il suggérait de tenir hors de Paris pour permettre « de fixer, au terme de discussions approfondies, les futures étapes d’une politique européenne commune »101.
44Les ministres des Affaires étrangères des Six signèrent finalement, le 27 mai 1952, un traité instituant la Communauté Européenne de Défense dont la dimension intégrative avait été réduite à son strict minimum. Les décisions les plus importantes seraient prises dans le cadre de conseils des ministres ; le recrutement, la formation et les nominations dépendraient des ministres de la défense nationaux ; le Commissariat serait bien réalisé, mais se voyait relégué au second plan. Sans illusions face à la dénaturation manifeste de la conception supranationale originale, Monnet se moqua que « l’organisation militaire envisagée limitera à l’uniforme commun le seul aspect tangible de l’Armée européenne »102, tout en ne désespérant pas de pouvoir obtenir, en dernière minute, un renforcement des compétences « européennes ». Adenauer était tout aussi peu satisfait du traité sur la CED, mais pas pour les mêmes raisons. Il tint rétrospectivement à souligner, comme premier résultat de ces dures négociations, que l’Allemagne avait obtenu une – légère – amélioration de son statut international : « Nous n’étions plus seuls. Nous n’étions plus un simple objet de la politique extérieure d’autres puissances »103.
45L’attitude adoptée par Jean Monnet et Konrad Adenauer dans les discussions et négociations autour des deux principaux projets d’intégration du début des années cinquante retracées ci-dessus permet de reconnaître, dès ce stade, les similitudes des points de vue des deux hommes, mais aussi les conditions de l’engagement européen de chacun. En dépit de tous les compromis qu’il dut se résoudre à accepter, Monnet resta intransigeant sur le fond et n’abandonna jamais son idée de procéder à une fusion partielle et progressive des compétences nationales. La perspective qu’il avait adoptée était celle du court et du moyen terme car il jugeait, avec une grande perspicacité, qu’il fallait battre le fer européen tant qu’il était chaud, c’est-à-dire tant que l’on pouvait encore directement fixer les modalités d’insertion de la République fédérale dans l’ensemble ouest-européen.
46Pour Adenauer, en revanche, il ne s’agissait pas uniquement de lier l’avenir de la République fédérale à la communauté des nations occidentales, mais aussi de lui rendre sa pleine souveraineté. Si les négociations sur le Plan Schuman avaient démontré, du moins dans leur première phase, que le gouvernement fédéral était prêt, dans cette situation spécifique, à apporter son appui et à prendre part à la réalisation des projets institutionnels de Monnet, les premières étapes de la négociation sur le projet de la CED prouvèrent que, à Bonn, la politique d’intégration pouvait céder le pas à d’autres préoccupations et objectifs. Pour Adenauer, la CED resterait toujours une solution de rechange dont il s’agissait, faute d’avoir pu l’empêcher, de tirer le meilleur parti, à l’intérieur comme à l’extérieur104. Or, il ne faut pas négliger le fait que la voie directe vers la solution prônée par Adenauer et défendue par Bonn jusqu’à la fin des négociations, à savoir l’adhésion à la plus puissante alliance militaire de l’Ouest qui, seule, garantirait à ses yeux le plein droit de codécision et l’égalité des droits, avait été obstruée avec le concours appuyé de Monnet.
47La bonne réputation dont jouissait Monnet à Bonn ne pâtit pas de cette divergence flagrante. Ceci s’explique peut-être par le fait que le talent qu’avait Monnet pour gagner l’estime des collaborateurs et conseillers des chefs de gouvernement auxquels il avait affaire ne manqua pas de produire son effet dans le cas de Bonn. Ainsi Hallstein et Blankenhom admiraient la ténacité de Monnet, qui ne baissait pas les bras devant les difficultés intérieures françaises et n’abandonnait pas la recherche de compromis entre les intérêts allemands et français, ainsi que l’idéalisme altruiste de son engagement européen105. Franz Etzel, vice-président de la Haute Autorité de la CECA à partir de 1952 avec lequel Monnet avait établi des relations de travail privilégiées, se montrait tout aussi fasciné par Monnet106. Pour Monnet, cette méthode impliquait toutefois certains risques, la concentration sur ce cercle étroit d’« Européens convaincus » de l’entourage d’Adenauer l’engageant à se laisser aller à un trop grand optimisme concernant la volonté d’intégration du gouvernement fédéral dans son ensemble.
III. Après le 30 août
48Le 30 août 1954, jour du rejet de la Communauté Européenne de Défense par l’Assemblée nationale française, fut une journée aussi noire pour Monnet que pour Adenauer107. Si Monnet n’avait pas jugé très favorablement les modifications successives du projet, il ne lui avait, ne serait-ce que faute d’alternatives, jamais retiré son soutien108. Dans une ultime phase des négociations il se rangea aux côtés des cinq ministres des Affaires étrangères européens, qui, lors de la conférence de Bruxelles du 19 au 22 août 1954, rejetèrent unanimement les propositions d’ajouts et de modifications faites par Mendès France109. Il n’avait pas hésité auparavant à envoyer expressément son plus proche conseiller pour les affaires allemandes, Max Kohnstamm, en consultation à Bonn pour s’assurer de l’attitude négative du gouvernement fédéral110. Le fait, par exemple, d’accorder aux gouvernements nationaux, comme le préconisait le Président du Conseil français, un droit de veto sur les décisions du Commissariat commun aurait réduit à néant la signification réelle de la Communauté aux yeux de Monnet. Il est intéressant de noter que le principal argument avancé par lui contre les propositions de Mendès France fut que le droit de veto des gouvernements nationaux ouvrirait irrémédiablement la porte à la création d’une armée nationale allemande111. Si l’on se refuse à interpréter cette obsession d’empêcher la constitution d’une armée nationale allemande comme le signe d’une volonté de discriminer l’ancienne puissance ennemie, elle ne peut s’expliquer que par le fait que, pour Monnet, la reconstitution d’une armée nationale allemande eût été le symbole même de l’échec des efforts d’intégration entrepris jusque-là.
49Sachant cela, on ne s’étonnera pas d’apprendre que Monnet et Adenauer ne tiraient pas exactement les mêmes leçons de l’échec de la CED. Dans un premier réflexe, Monnet chercha à sauver ce qui pouvait encore l’être de l’esprit d’intégration, alors qu’Adenauer en conclut qu’il fallait – à présent plus que jamais – œuvrer dans le sens de la « normalisation » du statut international de la République fédérale.
50Un jour seulement après la décision prise par l’Assemblée nationale, Monnet et le diplomate américain William Tomlinson, qui faisait partie de ses relais les plus proches, proposèrent à Adenauer une déclaration publique dans laquelle la République fédérale devait en quelque sorte annuler l’effet des droits souverains que la nouvelle situation pourrait lui conférer en déclarant qu’elle n’avait pas l’intention de « recourir » à ces droits112. Mais Bonn ne répondit pas à cet appel désespéré de Monnet pour sauver la dernière chance de l’intégration militaire de l’Europe.
51Les lignes de conduite dictées le même jour par Adenauer à ses collaborateurs étaient tout autres. S’il avait placé en tête de ses priorités – ne serait-ce que pour pouvoir affirmer la continuité et la cohérence de sa politique – « la poursuite de la politique d’intégration politique européenne », il avait retenu trois autres points qui procédaient d’un esprit bien différent, mais qui, apparemment, ne semblaient pas contradictoires aux yeux de Bonn : « pleine souveraineté », « adhésion à l’OTAN » et « conclusion de traités réglant la présence de troupes étrangères sur le sol de la République fédérale »113.
52Dans les mois qui suivirent, la réalisation de ce programme accapara presque toute l’énergie du gouvernement fédéral114. On s’occupa d’abord de l’abolition du statut d’occupation, de l’adhésion simultanée à l’OTAN et à l’Union de l’Europe Occidentale et de la question de la Sarre, règlements qui furent mis en œuvre au travers les Accords de Paris, signés lors des conférences d’octobre. On travailla ensuite à la ratification de ces accords par les parlements respectifs. Celle-ci suscita de vifs débats parlementaires en Allemagne et se trouva retardée en France en raison de la démission de Mendès France, ainsi que de la demande que certaines précisions jugées nécessaires fussent apportées au traité sur la Sarre. Le reste des activités diplomatiques entreprises par Bonn au printemps 1955 se concentrèrent sur le combat contre la résurgence de l’idée de créer une zone neutre en Europe centrale, redevenue d’actualité dans le contexte du traité d’État autrichien et qui constituait l’une des plus profondes craintes d’Adenauer. Si des plans alternatifs en vue de l’adhésion à l’OTAN et à l’Union de l’Europe Occidentale avaient commencé à être discrètement élaborés par le ministère des Affaires étrangères allemand dès l’automne 1953/début 1954115, les documents correspondants ne révèlent pas l’existence de plans concomitants sur l’avenir de l’intégration européenne.
53La décision de Monnet, rendue publique le 9 novembre 1954, de ne pas solliciter le renouvellement de son mandat de président de la Haute Autorité de Luxembourg était essentiellement motivée par le tour qu’avait pris la coopération européenne après le 30 août. Aux yeux de Monnet, les États d’Europe occidentale opéraient un retour en arrière vers le système des alliances classiques, c’est-à-dire vers un schéma de relations bilatérales qui risquait de compromettre définitivement son objectif de transfert des souverainetés116. De ce point de vue, le bilatéralisme franco-allemand promu par Mendès France et Adenauer se présentait davantage comme un motif d’inquiétude que comme une orientation bénéfique. En effet, les accords passés par les deux chefs de gouvernement à La Celle-St-Cloud, le 19 octobre 1954, à la veille des conférences de Paris, ouvraient la voie à des relations bilatérales préférentielles avec de considérables implications économiques117. Cette tendance ne pouvait pas laisser indifférents les pays du Benelux et l’Italie, qui avaient été exclus de ces accords. En retrouvant sa liberté d’action personnelle, Monnet – qui, par ailleurs, ne se plaisait pas dans le rôle d’administrateur d’une autorité politiquement isolée – espérait pouvoir influer plus efficacement sur l’évolution de l’intégration européenne.
54Les regrets que Blankenhom transmit à Monnet immédiatement après sa déclaration étaient le reflet sincère du souhait d’Adenauer de voir la figure de proue des efforts d’unification européenne rester en fonction. La succession incertaine et de toute évidence délicate à la tête de la Haute Autorité ne pouvait qu’accentuer la crise manifeste que traversait la politique européenne. Avec Schuman, selon l’expression d’Adenauer, « nous aurions beaucoup d’idéalisme, mais pas beaucoup de charbon »118. Un même type de réaction s’observa dans une large part de l’opinion publique allemande, pour laquelle Monnet restait, en dépit de telle ou telle insuffisance de la CECA, l’incarnation de la volonté d’intégration européenne119.
55Du côté de l’industrie allemande, on reprochait certes à la Haute Autorité de recourir à des méthodes par trop bureaucratiques et dirigistes et on mettait tout en œuvre pour empêcher l’élargissement, discuté depuis si longtemps, de l’intégration sectorielle à d’autres domaines économiques120. Avec l’échec du projet de la CED, ce danger semblait toutefois écarté et les cercles industriels allemands ne voyaient, fin 1954, aucun inconvénient particulier à ce que Monnet fût reconduit à son poste luxembourgeois. Et ceci aussi, et surtout, parce qu’une éventuelle présidence allemande présentait des désavantages tactiques121. Dans les difficiles négociations menées dans les années précédentes sur la mise en œuvre des mesures de déconcentration dans différents domaines de l’industrie de la Ruhr, la Haute Autorité avait fait preuve d’une grande compréhension122. Un président allemand, en revanche, pourrait se sentir obligé de commencer par prouver son indépendance à l’égard des intérêts industriels allemands.
56Tel était le contexte dans lequel Monnet rendit une dernière visite, à titre de président de la Haute Autorité, à Adenauer, le 4 février 1955. Cette visite, tout du moins pour les participants allemands, fut placée sous le signe d’une sorte de fin de partie européenne. Avec le départ de Monnet, non seulement « une courte époque de l’histoire européenne chargée d’espoirs et de certaines illusions »123 s’achevait, ainsi que le notait Herbert Blankenhom dans son Journal, mais surtout, on pouvait considérer comme étant arrivé à son terme historique le projet d’intégration européenne, tel qu’il avait été lancé en 1950. De ses années de coopération avec Monnet, Blankenhom fit un résumé personnel fort intéressant : « Je regrette que le petit homme s’en aille car, avec Schuman, Clappier et d’autres, il m’avait semblé offrir le meilleur espoir de mettre définitivement l’Allemagne et la France sur la voie de la coopération pratique. Tous ces projets ont échoué. Il en subsiste des traces qui persisteront peut-être un certain temps. Mais on peut se demander si elles ne finiront pas, elles aussi, par disparaître à tout jamais »124. Gagné par un pessimisme de même nature, Adenauer donnait des chances de succès tout aussi infimes aux projets d’avenir de Monnet. En effet, Monnet avait révélé à ses interlocuteurs qu’il avait l’intention de créer une organisation privée chargée de soutenir des projets concrets d’unification européenne, citant comme exemples notamment l’approvisionnement énergétique, les problèmes de transport et les questions sociales. Adenauer lui donna à entendre que ce dessein lui semblait utopique.
57Il faut certes prendre en considération le fait que cette entrevue eut lieu la veille de la démission de Mendès France, dont on savait qu’elle était imminente, et que Bonn doutait de la capacité de la France de devenir un jour un partenaire stable avec lequel il serait possible de mettre sur pied des projets de long terme. Mais, même en faisant abstraction de ces circonstances particulières, le caractère de cette entrevue révèle clairement le sentiment, qu’en ce début d’année 1955 le gouvernement Adenauer n’était pas le seul à avoir, que l’on se trouvait dans une sorte d’impasse en matière de politique européenne. Nulle voie d’issue, nulle conception viable et promettant d’aboutir n’apparaissait à l’horizon.
58Pendant que Bonn semblait préoccupé par le retard que prenait la ratification des Accords de Paris, Monnet misait sur les possibilités que la nouvelle situation lui semblait offrir. Il fallait en terminer avec la politique des accords bilatéraux et forcer la création des « États-Unis d’Europe », surtout maintenant qu’il s’était avéré que la France ne remplissait pas la fonction d’ancre occidental que Bonn – tout comme Monnet lui-même – avait espéré la voir assumer. Pour réaliser ce projet, il fallait signer un nouveau traité européen « afin de donner de la sécurité aux autres, de l’espoir aux Allemands et de la stabilité à la France ». Telle était – selon les notes de son collaborateur Kohnstamm – l’analyse que faisait Monnet dès le début du mois de février 1955125.
IV. Les enjeux de la « Relance européenne » 1954-1955
59« Une conférence des ministres des Affaires étrangères des pays de la CECA doit avoir lieu le 1er juin à Taormine. Il n’y sera pas question de points très importants. Les questions principales seront la succession de Monnet et l’éventuel élargissement de la CECA »126. C’est de ces trois courtes phrases que le chancelier se contente, une bonne semaine avant la conférence de Messine, pour informer le Président de la République fédérale Theodor Heuss de la situation européenne en mai 1955. Ces mots semblent très clairement indiquer qu’Adenauer attendait tout, sauf une avancée décisive de la politique d’intégration européenne, de cette rencontre qui avait été reportée à plusieurs reprises et à laquelle il n’assista pas personnellement, se contentant d’y déléguer le secrétaire d’État Hallstein. Il faut dire que l’objectif sans doute le plus important de la politique extérieure du chef de gouvernement était d’ores et déjà atteint, depuis le 5 mai 1955, date de la signature des Accords de Paris. Cet apparent manque d’intérêt d’Adenauer ne doit toutefois pas cacher qu’à l’intérieur du gouvernement allemand, des discussions sur la ligne européenne à suivre étaient en cours. Ces discussions, dans lesquelles il faut surtout voir une réaction aux plans élaborés dans d’autres capitales, n’aboutiraient cependant que bien plus tard à des initiatives concrètes.
60Le processus de prise de décision au sein du gouvernement fédéral était devenu considérablement plus complexe qu’il ne l’était en 1950. S’il est certes vrai qu’Adenauer dirigeait toujours son équipe de ministres d’une main ferme, on assistait néanmoins aux premières manifestations d’une plus grande assurance des ministères des Affaires étrangères et de l’Économie. A l’intérieur des ministères, les opinions sur la direction à imprimer à la politique européenne s’étaient diversifiées. Les participants au débat qui s’était engagé à la fin de l’année 1954 se confrontaient dans des formations rodées et avec des armes que les discussions sur la Communauté Politique Européenne et ses implications économiques menées ces dernières années à Bonn leur avaient permis d’affûter127.
61Le ministre fédéral de l’Économie Erhard estimait qu’il fallait, dès lors que l’échec de la CED avait inauguré une ère nouvelle de l’intégration européenne, s’opposer résolument à toute tentative de mise en œuvre de projets d’intégration de caractère « dirigiste »128. Aussi commença-t-il par organiser la contre-offensive en réaction au projet de pool d’armement européen proposé par Mendès France, dans lequel il croyait reconnaître le dernier avatar des projets de cette nature, ainsi qu’une tentative éhontée de la France de se donner un instrument de contrôle sur l’industrie allemande dans son ensemble129. Dans ce domaine, comme dans tous les autres, son idéal était celui d’un « marché entièrement libéralisé » débarrassé de toute forme de restriction de la concurrence, qui ne faisait qu’augmenter le prix des produits130. Par la suite, Erhard poussa son offensive encore plus loin qu’il ne l’avait fait pour le projet de Mendès France – à l’égard duquel, par ailleurs, ni Adenauer, ni les pays du Benelux n’avaient manifesté une disposition particulière – et entreprit d’établir une distinction de principe entre les modèles de coopération proposés dans le cadre de l’OECE, de l’Union Européenne des Paiements ou du GATT, qu’il jugeait féconds, et les schémas d’« intégration institutionnelle », dont il estimait qu’elle avait définitivement échoué131. Dans son fameux document, comptant pas moins de 17 pages, intitulé « Considérations sur le problème de la Coopération ou de l’Intégration » de mars 1955, Erhard expliquait longuement qu’à son avis, l’Europe tirerait un bénéfice bien plus grand de ce qu’il appelait l’« intégration fonctionnelle »– c’est-à-dire la libéralisation généralisée des mouvements de biens, de services et de capitaux, à laquelle devait s’ajouter la convertibilité des monnaies –, que de la « création d’institutions toujours nouvelles », qui ne pouvaient que mener à une bureaucratisation de l’économie, voire à un régime d’économie planifiée132. Ce n’est pas par hasard que cette déclaration de principe du ministre fédéral de l’ Economie fut rédigée et rendue publique à ce moment précis. Elle avait en effet été suscitée par la conversation qu’Erhard avait eue avec Jean Monnet lors de la visite d’adieux que celui-ci avait faite à Bonn au mois de février de la même année. Pour Erhard, il s’agissait de prévenir l’évolution européenne qui avait été esquissée par Monnet en cette occasion.
62Le vice-président Etzel et le secrétaire d’État Hallstein prirent position contre les idées manifestées par Erhard en faisant des commentaires critiques détaillés. Erhard avait prêté le flanc à leurs critiques dans la mesure où, s’il avait certes mentionné la nécessité d’un « soubassement » politique, il avait par ailleurs laissé de côté tout argument politique. Etzel, visiblement influencé par Monnet, lui opposa son credo sur la nécessité de créer des « États-Unis d’Europe », devant se présenter « sous la forme d’un seul et même Etat fédéral »133. L’argumentation de Hallstein fut, quant à elle, plus mesurée et précise. Selon lui, des alternatives envisageables, il ne restait « que la poursuite et l’élargissement de l’intégration, telle qu’elle avait été mise en œuvre dans le cas de la CECA », les domaines auxquels l’intégration devait être étendue étant notamment ceux des transports, de l’énergie et de l’industrie atomique134. Il n’est certainement pas nécessaire de mentionner que dans l’entourage de Monnet également, les idées d’Erhard furent jugées totalement dénuées de fondement. L’« intégration fonctionnelle » telle qu’elle était défendue par Erhard constituait justement l’essence de l’intégration institutionnelle, rétorqua Pierre Uri dans son analyse du document d’Erhard. Et d’ajouter que l’histoire avait montré que les transformations économiques durables avaient toujours eu besoin d’institutions communes135. Kohnstamm estimait, quant à lui, que le libéralisme extrême prôné par Erhard semblait surtout n’avoir tiré aucune leçon des catastrophes de l’histoire et concluait de ce document qu’il n’en était que plus urgent de procéder à une nouvelle initiative européenne136.
63Les positions d’Erhard, Hallstein et Etzel traçaient le cadre à l’intérieur duquel la politique européenne de l’Allemagne restait à définir au printemps 1955. Il y avait d’un côté l’idée selon laquelle rien n’était plus à même que les forces du marché d’amener l’union de l’Europe, qui devait à son tour s’intégrer dans un système universel de libre-échange ; et, de l’autre, la conviction que l’intégration européenne avait besoin de l’action d’arbitrage et de l’apport symbolique et identitaire d’institutions, qui seraient la souche à partir de laquelle on créerait, dans une étape ultérieure, les structures d’un État fédéral européen. Monnet disposait d’informations détaillées, directes et indirectes, sur la divergence croissante des positions allemandes. Il préféra ne pas entrer directement en conflit avec Erhard, laissant cette tâche à Franz Etzel, qui était, par ailleurs, en très bons termes avec Adenauer. Le chancelier choisit, quant à lui, de ne pas prendre ouvertement position et répondit aux « considérations » de son ministre de l’Economie en faisant preuve d’un grand sens diplomatique, puisqu’il lui écrivit que, « au train où vont les choses, on peut et on va certainement passer de l’intégration de certains domaines économiques vraiment importants à une intégration politique »137. Cela lui laissait sa marge de manœuvre entière pour faire face à toutes les évolutions ultérieures envisageables. De même, Adenauer évita, par un habile subterfuge, que sa liberté de décision fût entravée dans le cadre des discussions du conseil de cabinet : durant les six premiers mois de l’année 1955, le sujet de discussion « politique d’intégration européenne » ne se trouva pas une seule fois à l’ordre du jour du conseil des ministres du gouvernement fédéral138.
64Il est bien connu que l’initiative européenne décisive dans le domaine de l’intégration économique naquit d’une idée commune de Jean Monnet et du ministre des Affaires étrangères belge Paul-Henri Spaak. Ce n’est que dans une seconde étape que l’on compléta leur projet par l’idée d’une union douanière, que le ministre des Affaires étrangères néerlandais Johan Willem Beyen préconisait depuis fin 1952 et dont le principe coïncidait également avec les intérêts économiques de l’Allemagne139.
65La conception de Monnet à la fin 1954-début 1955 portait la marque d’une grande prudence. Ainsi, dans la conversation qu’il eut avec Adenauer le 4 février 1955, il se contenta de proposer un élargissement successif des compétences de la CECA à des domaines proches140. Un document du 25 janvier 1955 démontre cependant que Monnet envisageait en même temps la création d’une « autorité européenne pour le développement de l’énergie atomique » indépendante et, plus audacieux encore, d’une « autorité européenne de l’armement ». Ces deux institutions devaient être adjointes à la Haute Autorité de la CECA et travailler, à l’instar de celle-ci, en étroite collaboration avec le conseil européen des ministres. Elles seraient placées sous le contrôle de l’Assemblée commune, dont l’élection des députés ne tarderaient pas à se faire par voie directe, ainsi que de la Cour de Justice européenne. Etant donné que les nouvelles institutions qu’il proposait devaient travailler selon les mêmes règles que celles de la Haute Autorité de la CECA, Monnet espérait qu’il serait possible d’éviter de nouvelles négociations, qui ne manqueraient pas de traîner en longueur, et qu’un accord correspondant entre les gouvernements respectifs pourrait suffire141. Comme le démontre ce document, Monnet a ainsi cru un court instant qu’il serait possible de faire du pool d’armement proposé par Mendès France une autorité européenne. La suite prouvait qu’il n’en était pas ainsi et ce projet ne tarda pas à rejoindre les oubliettes de l’Histoire142. De ces deux projets ne subsista que celui d’une Haute Autorité de l’énergie atomique.
66Selon toute apparence, l’idée de créer une communauté européenne de l’énergie atomique était venue à Monnet au cours d’un contact avec un collaborateur de l’Atomic Energy Commission (AEC) américaine, Max Isenbergh, et n’avait été approfondie qu’ultérieurement avec la collaboration, notamment, de Louis Armand143. A présent, il vouerait la plus grande part de son énergie à cette idée qui réunissait toute une série d’avantages très opportuns à ce stade de l’évolution de l’intégration européenne. En effet, l’intégration dans le champ de l’énergie atomique semblait non seulement promettre d’ouvrir une brèche dans un domaine économique central qui touchait de près les économies de tous les pays européens ; en outre, elle paraissait rendre possible l’accession de l’Europe à l’indépendance énergétique et pouvoir être utilisée comme argument pour exiger que des efforts communs d’investissement, de régulation et de contrôle soient mis en œuvre par les pays européens. Un dernier aspect – et non des moindres – qui jouait en sa faveur était que l’énergie nucléaire occupait l’imagination de larges pans des opinions publiques de l’époque.
67Pendant que les partisans de l’intégration allemands étaient encore tout occupés à contrer les « considérations » d’Erhard, la « lettre de relance » de Spaak du 4 avril arrivait au ministère fédéral des Affaires étrangères, ainsi que dans les autres capitales concernées. Dans cette missive, Spaak proposait l’élargissement des compétences de la CECA, ainsi que la création d’une nouvelle organisation pour le développement de l’énergie atomique, devant être placée sous l’autorité de la première. Il préconisait également que le mandat de Monnet à la tête de la Haute Autorité fût reconduit et que celui-ci se visse confier la présidence d’une prochaine conférence sur la relance européenne144. Nous ne saurons sans doute jamais dans quelle mesure Monnet avait informé par avance Adenauer, Erhard, Etzel et Hallstein, lors des entretiens qu’il avait eus à Bonn le 1er avril 1955, de l’initiative qu’il s’apprêtait à lancer145.
68Dans la lettre du ministre des Affaires étrangères belge, il n’est fait mention ni de l’objectif de faciliter les échanges commerciaux intraeuropéens, ni de l’idée de créer une union douanière. Spaak et Monnet avaient une conscience très nette des résistances qu’un tel projet d’intégration susciterait notamment en France. Dans les ministères français des Affaires étrangères, des Finances et de l’Economie, on jugeait en effet que le temps n’était pas encore venu d’exposer l’économie du pays à une concurrence internationale accrue. Le nouveau Président du Conseil Edgar Faure serait peut-être enclin à accepter un certain degré d’ouverture vers l’Europe, mais refuserait, à n’en pas douter, son appui à toute initiative qui risquât de mettre en péril la cohésion de son gouvernement, de composition très hétérogène. Dans ces conditions, la seule possibilité semblait résider dans une poursuite mesurée de la méthode d’intégration qui avait fait ses preuves jusque-là146.
69La majorité des partenaires européens manifestaient cependant un vif intérêt pour des solutions dépassant l’intégration sectorielle. Parmi eux, il y avait Beyen qui, informé très tôt du plan de relance, avait, dès le 4 avril, fait transmettre à son collègue Spaak un mémorandum dans lequel il réitérait la proposition de créer un marché européen commun. Il y avait aussi Carl Friedrich Ophüls, partisan de la cause européenne au ministère des Affaires étrangères, qui, dans un entretien qu’il eut avec Monnet et son collaborateur Pierre Uri, informa les deux hommes qu’Euratom resterait sans intérêt pour le gouvernement fédéral et perdrait ainsi toute chance de se voir réalisé, tant que l’on ne s’attaquerait pas parallèlement à une intégration économique généralisée, c’est-à-dire dépassant la notion de l’intégration sectorielle. Monnet avait prié ce chef de subdivision de V Auswärtiges Amt, qu’il connaissait des négociations sur le Plan Schuman, de venir le voir à Luxembourg pour lui décrire la réaction probable du gouvernement de Bonn147. Il est intéressant de noter que Monnet se montra surpris de découvrir que l’Allemagne ne ferait pas un accueil très enthousiaste à l’idée de fonder une communauté de l’énergie atomique avec les pays d’Europe continentale, alors qu’il était manifeste que ces derniers avaient accumulé de sérieux retards technologiques148.
70Ainsi informé à l’avance, Monnet fut convaincu de la nécessité d’élargir la portée de son projet avant même qu’Adenauer ne réponde à Spaak par une lettre, en date du 13 avril 1955149, dans laquelle le chancelier, cherchant à gagner du temps, soulignait le besoin d’entreprendre de « solides travaux préparatifs ». Monnet devança cette réaction avec un « Projet de déclaration », datant de ce même 13 avril et rédigé par Pierre Uri, dont l’ambition était de proposer un compromis viable entre les différents intérêts. Cette déclaration devait fixer comme objectif la « fusion » progressive des marchés nationaux, proposer la création d’une « autorité commune » disposant de compétences dans les domaines des transports et de l’énergie conventionnelle et, en dernier lieu, plaider pour la constitution d’une autorité indépendante chargée de coordonner et d’harmoniser le développement de l’énergie atomique150. Ce document fut à la base du mémorandum rédigé sous l’autorité de Spaak et de Beyen et qui serait présenté au nom des pays du Benelux lors de la conférence de Messine. Le « Projet de déclaration » parvint au ministère des Affaires étrangères de Bonn à peu près dans les mêmes délais qu’il était parvenu à Spaak et à Beyen, ce qui permit à Bonn de fixer, cette fois, sa ligne de conduite en fonction d’une parfaite connaissance des propositions de Monnet, qui avaient dans l’intervalle été soumises à de profondes modifications151.
71A présent, le processus de prise de décision s’accélère au sein du gouvernement allemand. Le 26 avril 1955, Etzel eut une entrevue de six heures avec Alfred Müller-Armack, le chef du département du ministère de l’Economie chargé des questions générales de politique économique et de la coopération internationale. Le président adjoint de la Haute Autorité cherchait à convaincre cet important collaborateur d’Erhard des possibilités et des avantages qu’offrait le projet de Monnet du 13 avril, maintenant qu’il prévoyait plusieurs voies. D’après le rapport qu’il fit parvenir à Monnet au sortir de l’entretien, sa tentative ne fut pas vaine152. Il y écrivait que Müller-Armack avait dans l’essentiel accepté le principe d’une intégration s’appuyant sur des institutions communes et avait demandé des précisions, en particulier sur l’union douanière prévue par le projet et les mesures qui l’accompagneraient. Etzel et Müller-Armack étaient tombés d’accord sur l’élargissement des compétences de la Haute Autorité, notamment dans le domaine de l’énergie atomique, sur un désarmement douanier progressif, sur l’abolition des mesures impliquant des distorsions de la concurrence et sur l’introduction de taux de change monétaire unifiés. Ils s’entendirent également sur l’idée, dont Müller-Armack deviendrait dès lors l’un des grands défenseurs, de fonder une université européenne. Ces informations furent très importantes pour Monnet, vu qu’elles lui permirent de donner un contour plus précis à ses propres propositions. La collaboration à l’intérieur du camp allemand entre Etzel et Müller-Armack joua un rôle essentiel dans la préparation du compromis, indispensable, qui trouva son expression un mois plus tard dans le mémorandum du gouvernement fédéral devant, à son tour, être présenté à la conférence de Messine.
72Les analyses effectuées, au cours de cette phase, au ministère des Affaires étrangères fédéral, plus précisément au sein du département chargé des Affaires européennes dirigé par Ophüls, s’appuyaient elles aussi sur les propositions de Monnet. Dans une note interne, on alla même jusqu’à préciser que la position allemande, qui combinait des éléments d’intégration verticale et horizontale, correspondait « pour l’essentiel aux dernières modifications des propositions de Monnet, qui ont été acceptées par Spaak et dont Pinay a maintenant également agréé le principe »153. Pour relativiser, peut-être aussi pour ne pas irriter certains esprits, on se pressa d’ajouter que ces éléments ne constituaient pas, « à proprement parler, des idées personnelles de Monnet, mais plutôt des tentatives de rassembler dans un projet ce qui ne demande qu’à être réalisé »154. En réalité cependant, la visite effectuée à Bonn les 29 et 30 avril 1955 par le ministre des Affaires étrangères Pinay visait clairement à l’intensification de la coopération bilatérale franco-allemande, dont il estimait qu’elle pourrait aller jusqu’à la création d’une usine de séparation isotopique de financement commun155. Dans le fond, Pinay restait attaché au principe de la confédération, tel qu’il s’exprimait dans son projet de création d’un « conseil confédéral européen », auquel lui-même avait entre-temps renoncé, mais auquel Adenauer s’intéressait à présent très vivement, projet qui, au demeurant, n’avait rien en commun avec la conception de l’intégration défendue par Monnet156.
73Comme on le sait, la route de Messine empruntée par l’Allemagne passait par le petit bourg de l’Eifel Eicherscheid, où Alfred Müller-Armack avait une maison de campagne157. La rencontre qui y eut lieu le 22 mai 1955 entre Erhard, Etzel, le ministre désigné des Affaires étrangères von Brentano, Müller-Armack, Ophüls, Rudolf Regul, de la Haute Autorité, ainsi que Josef Rust et Hans von der Groeben, du ministère fédéral de l’Economie, ressemblait fort, de par sa composition, à une discussion informelle d’un comité spécial du conseil des ministres. Deux jours après avoir reçu le mémorandum des pays du Benelux, on s’y entendit sur les grandes lignes d’un mémorandum allemand qui devait concilier les opinions fort divergentes. On tomba d’accord, d’une part, sur l’acceptation du principe de la création par étapes successives d’un « marché commun de libre-échange » au sein duquel devait être assurée la libre circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux, et, d’autre part, sur la participation au projet d’une communauté européenne dans le domaine de l’énergie atomique et – concession supplémentaire du ministère fédéral de l’Economie aux amis de Monnet – sur la création d’un fonds européen destiné au soutien des investissements productifs des pays de la communauté158. Le fait que Müller-Armack eût été gagné dans une étape antérieure au principe d’un marché commun structuré institutionnellement joua un rôle important dans l’obtention de ce compromis.
74Toutefois, la version définitive de ce mémorandum autorisait des lectures assez différentes selon les points de vue respectifs. Ophüls, qui en avait assuré la rédaction en collaboration avec Müller-Armack, estimait qu’il constituait un bon point de départ, même si l’on devait reconnaître qu’« en raison de la résistance du ministère de l’Economie », la constitution d’organes supranationaux à l’intérieur du marché commun « n’a, pour l’instant, pas été explicitement mentionnée »159. En réalité, le mémorandum reflétait même la tendance opposée, puisqu’en matière institutionnelle, il y était proposé que la mise en œuvre de la future « étroite collaboration économique » fût confiée dans un premier temps à un « organe consultatif permanent » placé sous l’autorité du conseil des ministres des pays de la CECA. S’il n’excluait pas des progrès ultérieurs, le mémorandum présentait sur cette question un point faible évident. Le texte évitait sciemment de prendre une position précise sur l’organisation institutionnelle qui devait être un jour celle de l’Europe, un compromis sur cette question essentielle n’ayant pas pu être trouvé entre les partisans et les détracteurs du modèle d’organisation supranational.
75Dans une rencontre des chefs de département des différents ministères fédéraux concernés qui eut lieu le 26 mai, le mémorandum fut accepté dans ses grandes lignes. Les critiques qui furent exprimées lors de cette rencontre démontrèrent cependant très clairement que l’ajout d’éléments d’intégration supplémentaires n’aurait pas manqué de susciter de fortes résistances, que les amis de Monnet étaient donc allés jusqu’au bout de ce qui pouvait être obtenu. De façon fort révélatrice, ce fut par un représentant du ministère fédéral des Affaires étrangères, van Scherpenberg, que la compatibilité entre l’intégration horizontale prévue dans le mémorandum et les règles de l’OECE et du GATT fut mise en doute160, ce qui prouvait que, à l’intérieur même de chaque ministère, il existait des préférences différentes sur la politique européenne à poursuivre.
76La question de la présidence de la Haute Autorité, qui devait être réglée lors de la conférence de Messine, resta ouverte jusqu’à la fin161. Après la décision de Monnet, plutôt regrettée, de ne pas solliciter le renouvellement de son mandat, le gouvernement allemand ne suivit que de loin le carrousel des candidats qui se mit en mouvement en France, surtout parce qu’il ne parvenait pas à identifier les véritables intentions de Monnet. Le seul candidat allemand possible, le vice-président Etzel, avait lui-même jugé que sa candidature ne serait pas opportune162. En fin de compte, le choix d’Adenauer – tout comme celui des milieux industriels allemands163 – se porta sur le membre belge de la commission Alfred Coppé car, comme il le signala lors d’une discussion interne du 25 mai 1955, il ne voyait pas « pourquoi ce devait toujours être à la France d’en occuper la tête »164. Adenauer était cependant prêt à déroger, sous certaines conditions, au principe de rotation qu’il prônait : « Si Monnet acceptait de rester, ce serait différent ». Le chancelier fédéral était donc disposé à soutenir une nouvelle candidature de Monnet – que ce dernier avait, pendant un temps, fait miroiter – alors qu’il n’ignorait pas l’hostilité du Président du Conseil Faure à une éventuelle réélection de Monnet165. Le soutien apporté par le gouvernement de Bonn à la possible candidature de Monnet ne signifiait toutefois pas qu’il adhérait à ses objectifs en matière de politique européenne. Après que les membres de son gouvernement se furent laborieusement mis d’accord sur un compromis, Adenauer leur fit soudainement comprendre dans de nouvelles instructions que, tout compte fait, les conceptions de Monnet lui paraissaient exagérées : « Je suis cependant d’avis que le programme de Monnet ne peut en aucun cas être accepté. [...] Il vaudrait mieux que l’on se limite à l’histoire du nucléaire. Je ne sais pas jusqu’à quel point on peut également s’engager dans le domaine des transports »166.
77Ces phrases d’Adenauer sont sujettes à interprétation. Elles ne peuvent être comprises que comme un indice supplémentaire de la lassitude qu’éprouvait le chancelier au sujet de l’intégration à la veille de la conférence de relance sicilienne et comme une confirmation de l’opinion désabusée, évoquée plus haut, qu’il avait exprimée quelques jours plus tôt face au président de la République fédérale Heuss. La note qui reproduit ces phrases ne permet pas de savoir quel est le « programme de Monnet » que le chancelier juge si sévèrement. Si l’on tient compte du contexte, il ne peut s’agir que de l’élargissement des compétences des institutions, notamment dans le cadre du Marché commun, étant donné que « l’histoire du nucléaire », projet qui portait tous les espoirs d’intégration de Monnet, avait, à ce stade, reçu le feu vert du chancelier.
78C’est dans ce sens qu’il faut comprendre également le « plein pouvoir » formel donné à Hallstein pour la conférence de Messine167. Le texte d’une page et demie autorisait en première ligne celui-ci à remettre le mémorandum allemand. Dans les paragraphes sur des points concrets, il est respectivement précisé pour les domaines des transports et de l’énergie conventionnelle : « pour l’instant pas de pouvoir de décision supranationale », ainsi que – à l’égard de l’intégration horizontale – « sans doute dans un premier temps sans organes directeurs supranationaux ». Uniquement à propos de l’énergie atomique, on y trouve une pleine « approbation du Benelux » en faveur d’une autorité supranationale telle qu’elle était prévue dans le mémorandum des pays du Benelux. En même temps, comme en contrepoint, le texte du plein pouvoir plaide fortement en faveur d’une nouvelle nomination de Monnet, ou au moins, dans le cas où celle-ci échouerait en raison des résistances de la France, de l’attribution à Monnet d’un « rôle de premier plan dans les nouvelles négociations sur l’intégration ». Ce soutien apporté à Monnet fut, en outre, expressément confirmé dans une séance extraordinaire du conseil des ministres allemand du 27 mai 1955, convoquée spécialement au sujet de la présidence de la Haute Autorité. Ceci étant, Adenauer eut le soin d’ajouter qu’une confrontation franco-allemande sur le sujet était à éviter, ce qui aboutit au résultat que, malgré ses réserves, Bonn ne s’opposa pas à l’élection de René Mayer, qui bénéficiait de l’appui d’Edgar Faure168.
79La position d’Adenauer restait flexible et tactiquement ouverte aussi bien à l’égard des contenus que des personnes. La méthode de Monnet, qui s’appuyait sur des prises de position rapides et précises de chacun, touchait ainsi à ses limites. Adenauer semblait, finalement, accorder une importance moins grande à l’intégration économique qu’à la « grande tâche » qu’était pour lui la création d’une « union politique »169. L’influence de Monnet sur le processus de décision allemand en amont de la conférence de Messine reste cependant clairement décelable. Etzel, Hallstein et Ophüls constituaient des relais fiables qui influaient à leur tour sur le calibrage des projets de Monnet. En effet, le mode d’action de Monnet se construisait en fonction d’une évaluation préalable de l’effet et des chances de réussite de ses plans, qui conduisait, selon les cas de figure et le type d’opposition rencontrée, à des élargissements, des compromis et/ou des détours, tant que la direction prise était la bonne.
80L’intégration institutionnelle dans le cadre des Six trouvait cependant un adversaire de taille en la personne de Ludwig Erhard, qui jouissait d’une grande popularité en raison du boom économique allemand intervenu entre-temps. Seul le chancelier pouvait être en mesure d’imposer une communauté européenne avec une forte dose d’intégration contre la volonté de celui-ci. Mais Adenauer lui-même, comme Monnet avait fini par le comprendre, n’était pas véritablement prêt à trancher entre la coopération et l’intégration. Vingt-quatre heures seulement avant le début de la conférence sur la relance européenne, Monnet tenta une fois encore de forcer les résistances du chancelier en en appelant à sa conscience. Il lui serait impossible de solliciter le renouvellement de son mandat, écrivait Monnet dans sa lettre du 31 mai, si, lors de la conférence qui était maintenant imminente, c’étaient les propositions du gouvernement allemand et non celles contenues dans le mémorandum des gouvernements du Benelux qui étaient avalisées. Selon lui, le texte allemand s’éloignait par trop de l’esprit original de l’idée d’intégration, qu’il ne négligea pas de rappeler au chancelier : « La voie dans laquelle nous nous étions engagés il y a cinq ans, c’était celle d’une intégration de l’Europe qui ne peut se faire sans des pouvoirs de décision confiés, sous des garanties appropriées, à un organisme fédéral. Les propositions allemandes tendent simplement à revenir à la coopération économique entre États souverains : une telle méthode ne peut provoquer les transformations nécessaires à l’avenir de l’Europe parce qu’elle se heurte inévitablement aux intérêts nationaux dont elle ne fait que confirmer la prééminence »170. Et Monnet de préciser ses interrogations critiques dans une note adressée à Etzel : « Je ne parviens pas à comprendre la contradiction sur la Haute Autorité qui s’exprime dans ce mémorandum. De quelle façon imagine-t-on qu’elle pourrait jouer son rôle actuel à l’égard du Conseil, c’est-à-dire disposer des prérogatives qui lui sont conférées par les parlements, et exercer en même temps la fonction de secrétariat rattaché à un organe consultatif qui ne peut, quant à lui, qu’exprimer des recommandations »171. Or, les compétences de la Haute Autorité, sur lesquelles le texte de compromis allemand restait si obscur, étaient pour Monnet, depuis toujours, la pierre de touche du processus d’intégration. Adenauer répondit très succinctement qu’il attendrait que Hallstein fût rentré de la conférence pour revenir sur la question172. Combien plus simple avait été le lancement du Plan Schuman, cinq ans plus tôt ! A l’époque, l’Allemagne avait tout à gagner ; maintenant, comme le soulignait Monnet, l’Allemagne devait faire des sacrifices, elle aussi. Des sacrifices en termes de souveraineté173.
V. Euratom et le Marché commun – L’âpre recherche d’un dénominateur commun 1955-1957
81Les résolutions de la conférence de Messine n’ouvraient la voie qu’à d’assez vagues options sur des projets européens, devant être définis à l’intérieur d’un champ délimité par les idées développées dans le mémorandum des pays du Benelux et dans celui de la République fédérale174. De longues et complexes négociations étaient prévisibles, au cours desquelles les autres gouvernements concernés tenteraient également de faire valoir leurs intérêts, qui étaient eux aussi de natures bien diverses, sinon opposées. Une commission inter-gouvernementale placée sous la présidence de Spaak et qui commença son travail le 9 juillet, à Bruxelles, fut chargée de sonder le terrain et de rédiger un rapport d’experts. Ainsi, non seulement Monnet ne resta pas à la présidence de la Haute Autorité – à laquelle fut élu René Mayer –, mais le souhait, exprimé par le gouvernement allemand, de lui voir confiée la direction des négociations à venir ne se réalisa pas non plus en raison du refus du gouvernement Faure.
82A l’intérieur du gouvernement fédéral, les oppositions sur la voie européenne à choisir restaient inchangées en dépit de l’étape qui venait d’être franchie avec la conférence des ministres des Affaires étrangères. Hallstein était pleinement conscient du fait que les autres pays attendaient plus du gouvernement fédéral et rapporta à son retour de Messine qu’il avait perçu « une certaine méfiance » à l’égard du cours que prenait la politique européenne de Bonn175. En serviteur de l’Etat d’une parfaite loyauté, il avait, tout au long de la conférence, défendu la ligne de compromis fixée auparavant. Mais, à son retour, il n’avait pas voulu renoncer à déclarer dans une circulaire explicative du ministère des Affaires étrangères adressée à ses représentations à l’étranger que son ministère avait, à l’origine, « tout bonnement souhaité adhérer » aux idées exprimées dans le mémorandum des pays du Benelux176. Etzel était inquiet, lui aussi, et jugeait qu’en raison du sentiment de plus en plus répandu que le gouvernement fédéral poursuivait une ligne floue, celui-ci était en train « de perdre la face »177. Au cours du conseil des ministres pour lequel ce sujet fut pour la première fois inscrit à l’ordre du jour – ce qui n’arriva pas avant le début du mois de juillet –, Erhard réitéra son rejet pur et simple de l’intégration partielle et Hallstein défendit les résolutions de la conférence de Messine, ce qui amena Adenauer à faire un pas en avant en demandant à ses ministres qu’ils s’entendent sur une ligne commune pour les négociations à venir. Dans la ligne de conduite adoptée, la République devait faire figure de « pionnière de l’idée européenne »178.
83Cette demande, au demeurant assez vague, ne suffit pas à aplanir les divergences. Lors de la discussion des directives qui devaient être données au représentant allemand mandaté aux négociations de Bruxelles, Erhard revint à la charge en insistant sur le fait qu’une intégration économique n’était envisageable qu’à l’intérieur d’un « système d’économies libres »179. La seule chose dont il pouvait être question était, toujours selon lui, de savoir « si des organes de surveillance supranationaux sont nécessaires afin de garantir que les États participants s’en tiennent aux règles du jeu qu’ils auront préalablement fixées ». Or, même dans ce cas de figure, ces organes supranationaux ne devaient être institués qu’une fois que les pays fussent tombés d’accord sur les questions de fond. De toute évidence, un large fossé séparait de telles conceptions de l’idée d’une construction obéissant à des critères politiques. Hallstein, quant à lui, souligna que l’on ne parviendrait à une union de l’Europe qu’à condition qu’« une partie de la souveraineté des pays respectifs soit fusionnée »180. L’Europe ne devait pas non plus s’arrêter à l’harmonisation des intérêts nationaux, mais « devra continuer dans la voie de la supranationalité par le biais d’instances gouvernées selon le principe majoritaire ». Monnet n’aurait pas mieux dit. Les différents représentants des départements techniques, qu’ils fussent des ministères de l’Agriculture, des Transports ou des Finances, partageaient cependant plutôt les idées soutenues par Erhard. Ces divergences sur le contenu et la finalité des négociations qui allaient débuter restèrent vives jusqu’aux Traités de Rome, et même au-delà. Elles persistèrent tout au long des vingt-deux mois que durèrent les pourparlers, se manifestant de façon tantôt plus marquée, tantôt plus discrète au gré de l’évolution des négociations et des matières traitées.
84Le débat de principe sur l’intégration partielle, l’intégration horizontale globale ou le libre-échange ne fut, par contre, pas poursuivi lors des discussions menées à Bruxelles par le comité intergouvememental instauré à l’occasion de la conférence de Messine. Les experts travaillant dans des commissions et des sous-commissions prirent assez vite à leur compte l’hypothèse de la création d’un marché commun sur la base d’une union douanière et d’une intégration séparée dans le domaine de l’énergie atomique. Cependant, les sujets soumis à discussion comme, par exemple, les délais à prévoir avant la constitution du marché commun, la création d’un fonds d’adaptation et d’investissement, le désarmement douanier intérieur et l’établissement d’un tarif douanier extérieur commun s’avérèrent si complexes qu’il devenait évident que les négociations devaient être prolongées181. La demande française d’une harmonisation dans le domaine de la politique sociale se révéla être un problème particulièrement épineux, l’Allemagne interprétant cette initiative française comme une manœuvre déloyale destinée à contraindre ses partenaires à compenser ses déficits concurrentiels. A la fin de l’année 1955, les négociations étaient dans l’impasse et l’on peut dire que, depuis début décembre, en raison notamment de la crise gouvernementale française, elles étaient suspendues de fait. Semblait ainsi se confirmer la crainte de Jean Monnet qu’il ne soit pas possible de se mettre d’accord, dans un futur proche, sur la création d’un marché commun. Or, même dans les négociations sur la communauté de l’énergie atomique qui avaient, un temps, semblé moins problématiques, on voyait se préciser les contours d’un blocage182.
85Force était de constater que l’espoir de Monnet de réunir les intérêts nationaux, qui lui avaient paru ne s’être pas encore rigidifiés, dans un projet nucléaire européen s’avérait avoir été marqué par un optimisme excessif. En France, le « Commissariat à l’Energie Atomique » ne songeait pas le moins du monde à accepter que ses projets en cours, qui allaient jusqu’à l’utilisation militaire, soient perturbés par une communauté aux buts exclusivement « pacifistes », position qui bénéficiait d’un large soutien politique183.
86En République fédérale, la création, au mois d’octobre 1955, d’un « Ministère des questions atomiques », suivi bientôt d’une « Commission allemande des questions atomiques » servant de relais avec l’industrie, montra qu’ici aussi, après l’abolition des restrictions qu’avait imposé le droit allié, la mise sur pied d’une industrie nucléaire civile jouissait d’un appui public considérable184. Lejeune ministre montant Franz Josef StrauB ne fit, dès le départ, presque aucun effort pour cacher qu’il considérait Euratom comme un obstacle dérangeant au développement des capacités de recherche et de production allemandes. A ses yeux, « la compétition pacifique dans le domaine du nucléaire »185 déciderait de la place qu’occuperait chaque nation dans le club, très fermé, des nations dominantes et une industrie nucléaire forte servirait à symboliser « un peu de l’autorité de l’Allemagne »186. Le démarrage tardif ne pouvait être compensé que par des efforts concentrés et soutenus. Il est même fort probable que StrauB ait songé dès cette époque à de possibles applications militaires de l’énergie atomique, s’écartant toutefois en cela de l’attitude prudente qu’Adenauer conseillait alors d’adopter en matière de politique extérieure. Selon les projets du ministre de l’énergie atomique, des accords bilatéraux, notamment avec le gouvernement des États-Unis, plus précisément avec l’administration de l’énergie atomique et des entreprises américaines, devaient apporter à l’Allemagne les matières premières nécessaires, ainsi que le know-how nucléaire le plus récent187. Ces plans avaient été établis en étroite collaboration avec les secteurs économiques privées concernés, en particulier avec l’industrie chimique allemande, dont dépendait le secteur nucléaire naissant188.
87Une telle politique était aux antipodes de la conception de Monnet selon laquelle l’attribution à l’autorité européenne d’un monopole d’approvisionnement et de distribution pour les matières fissiles devait constituer le fondement de la future communauté européenne de l’énergie atomique. A côté de la garantie d’un contrôle étroit, Monnet visait par là à donner à la communauté de l’énergie atomique une forme qui lui permît d’être perçue par le gouvernement des États-Unis comme un partenaire fiable qui remplissait les normes de sécurité qu’il imposait à sa propre industrie. Monnet considérait l’instauration d’une Haute Autorité dotée de larges compétences à l’exemple de l’Atomic Energy Commission comme la meilleure garantie de réalisation du transfert technologique dont on espérait pouvoir bénéficier. Aussi Monnet insista-t-il auprès du ministre des Affaires étrangères John Foster Dulles et d’autres interlocuteurs américains sur le fait que la conclusion d’accords bilatéraux sur des réacteurs nucléaires, auxquels l’Allemagne notamment se montrait favorable, menacerait sérieusement la réalisation de la communauté européenne de l’énergie atomique189. L’antagonisme entre les plans de StrauB et la conception de Monnet éclata au grand jour à la conférence préliminaire de Bruxelles, le 4 novembre 1955, lorsque le ministre fédéral de l’énergie atomique tout récemment nommé fit part de son opposition provisoire au rapport final de la commission sur les questions touchant à l’énergie atomique190. Et cela en dépit du fait que ce rapport était resté bien en deçà des attentes de Monnet sur un grand nombre de points, tels que les compétences de la communauté ou les possibles utilisations militaires, sur lesquelles on avait fait l’impasse. Alarmé par la possibilité d’une réorientation, à l’occasion de ces négociations, de la politique allemande, Spaak accourut à Bonn, où il fut tranquillisé par Adenauer, dont il obtint la promesse qu’il donnerait des instructions claires « along the right lines »191.
88Monnet avait entre-temps modifié sa stratégie. Avec la création du Comité d’action pour les États-Unis d’Europe, officiellement annoncée le 13 octobre 1955, il cherchait à se doter d’un instrument qui permettrait d’amener les dirigeants des partis et des syndicats européens représentés en son sein à défendre dans leurs pays respectifs les lignes arrêtées en commun, à commencer par la « réalisation des résolutions de Messine »192. La déclaration, par le parti Social-démocrate allemand, de son intention d’adhérer au Comité fut l’un des facteurs déterminants de sa création. Si les syndicats allemands avaient très spontanément exprimé leur volonté de s’associer au projet, il avait fallu, dans le cas du SPD, procéder à un sérieux travail de persuasion au moyen d’entretiens directs, avec le président du parti Erich Ollenhauer et avec Herbert Wehner essentiellement, avant d’obtenir, en juillet 1955, un avis favorable193. C’était là un facteur capital car Monnet tenait absolument à ce que l’action de son Comité puisse s’appuyer sur une large représentativité politique et sociale. Plus jamais un traité européen devait être mis à bas par un parlement national.
89Sur la scène intérieure allemande, l’inflexion de la ligne politique du SPD, parti d’opposition qui jusque-là s’était montré plutôt hostile vis-à-vis des projets européens ne tenant pas compte de la partie orientale du pays, marquait le début d’une très importante évolution de long terme194. La collaboration active au sein du Comité de Monnet fut interprétée comme l’un des premiers et principaux signes de l’ouverture du parti, qui permettrait au SPD de sortir de son relatif isolement international. Les répercussions immédiates de ce revirement sur la politique européenne d’Adenauer furent toutefois plutôt mineures. Tout au plus y eut-il, en 1956, année préélectorale, quelques membres du parti démocrate-chrétien qui se montrèrent inquiets que le SPD puisse profiter de sa représentation au Comité d’action, où il se prévalait de « notre tradition européenne », pour se présenter aux électeurs comme le meilleur parti « européen » des deux195. Comme projet pour l’Europe, le SPD avait découvert le nucléaire.
90La communauté européenne de l’énergie atomique fut le sujet dominant, pour ne pas dire unique, du Comité d’action durant la première phase de son existence196. En effet, Monnet n’avait pas vraiment eu d’intention ironique quand il avait lancé : « Aujourd’hui, l’Europe, c’est un pouvoir fédéral plus l’utilisation pacifique de l’énergique atomique », librement inspiré de Lénine197. La concentration d’« Euratom » sur une utilisation exclusivement « pacifique » de l’énergie atomique répondait à la conviction de Monnet que les pays européens, ni individuellement, ni en tant qu’Europe unie, ne devaient ni ne pouvaient matériellement prendre part à la course à l’armement engagée entre les deux superpuissances198. Cette prise de position constituait par ailleurs une condition sine qua non de l’adhésion du SPD et des syndicats allemands au Comité d’action.
91Les notes détaillées prises par un délégué allemand, le député chrétien-démocrate Hans Furler, lors de la première réunion du Comité d’action, le 17 et 18 janvier 1956 à Paris199, révèlent que des points de vue divergents y furent défendus et que Monnet ne réussit à faire accepter les deux textes qu’il avait préparés qu’au prix de grands efforts et de certaines modifications. Furler ne voyait pas d’inconvénient à accepter le caractère supranational de la communauté européenne de l’énergie atomique et de se prononcer en faveur d’une limitation expresse à un usage civil, ce en quoi il était en parfait accord avec Ollenhauer et avec Guy Mollet, qui n’était pas encore Président du Conseil. René Pleven et Maurice Faure, quant à eux, firent valoir dès ce stade « certaines réserves » à l’encontre de l’exclusion de l’utilisation militaire. En outre, Furler prit position en faveur d’une limitation notable des compétences de la communauté en demandant notamment, se situant ainsi aux antipodes de la conception de Monnet, que celle-ci renonce au droit exclusif de possession des matières fissiles et au monopole sur les accords avec des pays tiers. En exprimant cette opinion, Furler reflétait parfaitement, sur ce point également, la position qui était en train de l’emporter au sein du gouvernement fédéral. Ollenhauer, au contraire, demanda explicitement que la communauté devînt propriétaire exclusive de toutes les matières combustibles, ceci moins pour des raisons proprement « européennes » que dans le souci de ne pas mettre la disposition sur l’énergie nucléaire entre les mains de l’industrie privée200.
92En d’autres termes, même si le Comité réussit à se mettre d’accord sur un communiqué et sur une déclaration commune qui correspondaient, en tout et pour tout, aux idées de Monnet201, cela ne signifiait pas, loin s’en faut, que l’on était parvenu à écarter les différentes réserves ou les divergences de points de vue des uns et des autres. Le prestige dont jouissait Monnet ne compta pas pour rien dans la décision prise sans vraiment rechigner par le Bundestag allemand, au terme d’un débat sur l’Europe tenu le 22 mars 1956, d’accepter les « principes » de la résolution du Comité d’action202. Même le ministre des questions atomiques StrauB, qui, dans les discussions internes, critiquait violemment les positions prises par le Comité d’action203, avait dû laisser jouer la procédure parlementaire204 car la motion aurait sans cela été présentée par le seul SPD. A ce stade, StrauB misait sur le fait que les États-Unis ne tarderaient pas à renoncer à leur exigence d’une possession européenne commune des matières combustibles, ce qui rendrait toute leur liberté aux gouvernements européens au moment de rédiger le traité. En même temps, il s’inclinait devant le fait que la résolution du Comité d’action était un facteur non négligeable concernant l’opinion publique, avec lequel il fallait donc composer205.
93Dans l’intervalle, la poursuite constructive des négociations de Bruxelles avait reçu l’appui du chancelier lui-même. En recourant expressément au pouvoir, attaché à sa fonction, de fixer la politique de son gouvernement, Adenauer précisa, dans une directive adressée à ses ministres le 19 janvier 1956, qu’une « attitude allemande claire et positive à l’égard de l’intégration européenne » devait être l’objectif de son gouvernement206. Mais, au-delà même de cette formule, la missive d’Adenauer était on ne peut plus explicite. Après un « non seulement, mais encore » on ne peut plus résolu concernant les intégrations verticale et horizontale, les objectifs suivants sont explicitement énoncés : la création d’« institutions communes appropriées » et d’« organes européens disposant de pouvoirs de décision », l’« union solide des Six », ainsi qu’en dernier lieu, la constitution d’une « communauté européenne de l’énergie atomique disposant de pouvoirs de décision, d’organes communs et de moyens communs, financiers et autres, nécessaires à sa réalisation ». L’énoncé de la directive d’Adenauer se concluait sur le rejet net et explicite de l’OECE comme cadre de la création de la nouvelle communauté, jugée inappropriée aux objectifs de caractère politique.
94Avec cette prise de position marquée, Adenauer ne visait sans doute pas uniquement les résistances du ministre de l’Économie, connues depuis toujours, mais tout autant celles du ministre de l’énergie atomique, Erhard et StrauB n’incarnant d’ailleurs pas des positions isolées au sein du cabinet des ministres fédéraux. La discussion qui eut lieu au cours de la séance du conseil des ministres du 25 novembre, la dernière de l’année 1955 où il fut question des négociations bruxelloises, avait clairement montré combien répandues étaient les réserves des ministres à l’encontre les options discutées à Bruxelles. Hallstein, qui remplaçait le ministre des Affaires étrangères, fut poussé dans ses retranchements et ne trouva d’autre recours que de rappeler au conseil les résolutions de la conférence de Messine207. Même si Erhard ne tarderait pas à récuser ce qu’il appela « l’ordre d’intégration » du chancelier208, Adenauer avait-il, au moins, très nettement exprimé son souhait, appuyé sur des considérations de caractère politique, de voir les négociations en cours déboucher sur un résultat positif. Dans une situation internationale qui, selon le chancelier, était toujours difficile et périlleuse – ce qu’il illustra par l’exemple de l’échec de la conférence des ministres des Affaires étrangères de Genève209, il ne fallait pas que ce nouvel élan européen se brise sur des « réticences » ou des « hésitations » allemandes. Ces lignes générales laissaient bien évidemment une certaine marge de manœuvre pour les questions de détail.
95Les représentants des associations industrielles allemandes ne restèrent pas inactifs face à la nouvelle orientation de la politique de négociation allemande à Bruxelles et aux intentions prêtées au gouvernement français, dirigé depuis la fin janvier 1956 par Guy Mollet, de faire jouer à la France un rôle plus actif. Début février 1956, Fritz Berg, le président du Bundesverband der Deutschen Industrie (BDI), fit part à Adenauer des craintes des membres de son association que le traité sur l’énergie atomique soit avancé dans le temps et signé avant la conclusion des consultations sur le Marché commun210. Les résolutions de Messine étaient « conçues comme un tout » et devaient, de ce fait, être traitées comme un tout. Et d’ajouter que le gouvernement fédéral devait opposer une « ferme résistance » à toute tentative de traitement isolé de la question du nucléaire. Même si le président Berg ne mentionna pas explicitement la résolution du Comité de Monnet, on peut sans conteste interpréter son intervention auprès d’Adenauer comme une réaction directe à la réunion récente du Comité. Au vu de l’augmentation des pressions en faveur de la communauté européenne de l’énergie atomique, l’industrie allemande décida de concentrer ses efforts sur une délimitation la plus étroite possible de ses compétences, ainsi que sur l’établissement d’un lien indéfectible avec le projet, bien plus intéressant à ses yeux, de la création d’un Marché commun211. Ainsi naquit l’idée d’un junktim, d’une jonction irrévocable, des deux sujets de négociation, qui ne tarda pas à être exposée à Bruxelles par le gouvernement fédéral212. Au plus tard après la présentation – et l’adoption – du « rapport Spaak », c’est-à-dire après la conférence des ministres des Affaires étrangères de Venise qui, à la fin du mois de mai 1956, ouvrit très officiellement la voie à des « négociations intergouvemementales », ce fut là la position définitive du gouvernement fédéral213.
96Cette jonction tactique entre Euratom et le Marché commun fut acceptée de plein gré par les « intégrationnistes » Hallstein et Etzel214 pour qui la création d’une communauté de l’énergie atomique n’avait que peu de chances d’être approuvée, à elle seule, par l’opinion allemande. En outre, ils avaient, depuis le début, misé sur les vertus intégratrices du Marché commun, dont il s’agissait de ne pas mettre en péril la réalisation en lâchant inopportunément un appât pour la France, qui ne se départissait pas, à la table des négociations, de son attitude hésitante. Qui plus est, le ministère des Affaires étrangères était dans une large mesure parvenu à trancher en sa faveur la controverse qui l’avait opposé au ministère de l’Economie au sujet de l’autorité de négocier à Bruxelles au nom de l’Allemagne et tendait, ne serait-ce qu’en raison de cela, à envisager la situation d’un œil plutôt optimiste215.
97Aux yeux de Monnet, le junktim se présentait comme une affaire hautement explosive. Le premier séisme eut lieu le 11 juillet 1956, lorsque le Premier ministre Guy Mollet, dans un spectaculaire revirement de position, déclara devant l’Assemblée nationale qu’Euratom ne constituerait en aucun cas un obstacle à la poursuite, par la France, de ses recherches scientifiques visant à une utilisation militaire de l’énergie atomique216. Si Mollet parvint en effet à créer ainsi un consensus autour de la poursuite des négociations de Bruxelles et à leur assurer une majorité parlementaire, ce fut au prix, considérable, d’une modification fondamentale de la nature de la communauté de l’énergie atomique. La France, cela était clair à présent, ne mettrait qu’une partie réduite de ses ressources budgétaires et scientifiques vouées au nucléaire à la disposition d’Euratom. Selon elle, le contrôle effectif d’Euratom devait s’arrêter là où commençait son programme de développement de l’arme nucléaire217. Cette évolution ne confirmait-elle pas le sentiment du ministre des questions atomiques StrauB qui avait depuis toujours considéré la communauté comme un instrument de contrôle discriminatoire dirigé contre la République fédérale ? Même le soutien du SPD, essentiel pour Monnet, se voyait sérieusement menacé maintenant que la communauté de l’énergie atomique n’était plus synonyme du renoncement des pays d’Europe continentale à produire des armes atomiques.
98Monnet était toujours en mesure de contrer par une voie indirecte, la meilleure dans ces circonstances, les initiatives de StrauB, en dissuadant l’administration américaine de conclure des accords bilatéraux avec la République fédérale, qui réduiraient son intérêt de voir se réaliser la communauté de l’énergie atomique218. Le voyage de StrauB à Washington et sa tentative de convaincre le gouvernement américain du caractère « socialiste » de la conception d’Euratom selon Monnet, dont les propositions étaient « totalement inacceptables » pour le gouvernement fédéral, étaient restés vains219. Même le fait d’avoir fait miroiter la possible alternative d’une coopération atomique au sein de l’OECE incluant la Grande-Bretagne n’y fit rien. Washington s’était une fois pour toutes décidé en faveur d’une communauté européenne de l’énergie atomique et jugeait, de plus, que sa réalisation ne devait pas être liée au sort du Marché commun220. Les relations, étroites et de longue date, qui existaient entre Monnet et le Secretary of State John Foster Dulles ont, à n’en pas douter, été d’une grande utilité dans cette affaire.
99Le SPD, quant à lui, s’était si résolument fixé sur le projet d’avenir « énergie nucléaire », qu’il resta fidèle à l’objectif de créer une communauté de l’énergie atomique à vocation civile, malgré la déception que lui causa le revirement de Mollet et les difficultés qui en résultaient pour son argumentation dans la discussion interne allemande. Ce fut là l’impression qu’eut Kohnstamm dès l’entretien qu’il eut avec Ollenhauer et Wehner à l’occasion du congrès munichois du parti de la mi-juillet 1956221 où, portés par la foi en l’avènement d’une nouvelle ère ou, tout au moins, d’une « seconde révolution industrielle », les délégués adoptèrent un « plan nucléaire » propre222.
100Tout ceci n’empêcha pas le Comité d’action pour les États-Unis d’Europe de se trouver, lors de sa deuxième réunion les 19 et 20 juillet 1956, au bord d’une crise grave. Pleven défendit sans aucun état d’âme le choix de la France en faveur du développement de l’arme nucléaire, alors que d’autres membres du Comité s’interrogèrent sur le sens que pourrait avoir une communauté de l’énergie atomique composée de deux catégories de pays. Dans leurs critiques, les délégués néerlandais et belges se montrèrent d’ailleurs plus directs encore que les sociaux-démocrates ou les syndicalistes allemands223. Laissant, dans une analyse rétrospective, libre cours à son désenchantement, Wehner constata néanmoins sans ambages que les objectifs du Comité d’action s’étaient « indiscutablement [vus] contrecarrés » sur un point essentiel par la décision de Mollet224. En dépit de ces interrogations Monnet réussit à éviter une dislocation du Comité et le SPD finit par reconnaître les avantages qu’il avait à poursuivre son adhésion à celui-ci.
101Monnet et ses collaborateurs faisaient une analyse assez particulière de la situation, en décalage avec celles de la plupart des membres du Comité. Ce qui primait à leurs yeux c’étaient moins les concessions de Mollet que le fait que, pour la première fois depuis l’échec de la CED, les européanistes avaient remporté un succès à l’Assemblée nationale225. A ce stade il importait surtout d’exploiter et d’amplifier ce mouvement favorable sans plus tarder. En conséquence, il fallait que le traité d’Euratom soit conclu et soumis aux parlements au plus vite, d’autant que, si Monnet croyait fermement à la réalisation d’Euratom, il n’arrivait toujours pas à imaginer celle du Marché commun, à laquelle, selon l’observation de Kohnstamm, il ne croyait guère226. Or, seul l’abandon du junktim allemand pouvait dégager rapidement la route vers Euratom. Dans un entretien qu’il eut avec Adenauer le 12 septembre 1956 à Bonn, Monnet parvint effectivement à réussir l’impossible et, selon toute apparence, persuada un court instant le chancelier des avantages que trouverait l’Allemagne à accepter le découplage de la communauté européenne de l’énergie atomique du Marché commun227. Quelles qu’aient été les réflexions d’Adenauer, cet interlude en dit long sur le pouvoir de conviction et sur les facultés d’influence de Monnet, mais aussi sur leurs limites. Etzel, Hallstein et von der Groeben, ainsi que le rapporte ce dernier, s’attachèrent aussitôt à faire revenir Adenauer sur sa décision spontanée et y parvinrent. C’est en vain que Monnet envoya à Adenauer, faisant suite à leur entretien, le projet de résolution devant être discuté lors de la prochaine réunion du Comité d’action qui, au vu de l’expérience faite à l’occasion de la crise de Suez, mettait l’accent sur la sécurité énergétique qu’Euratom procurerait à l’Europe228. Rien n’y fit, Euratom ne devait voir le jour qu’en même temps que le Marché commun.
102Certaines observations semblent toutefois indiquer que, dans cette phase, Adenauer jugeait avec un certain scepticisme aussi bien les chances de réalisation que le bénéfice politique qui pouvait être tiré du Marché commun des Six. En même temps, sous certains aspects et notamment d’un point de vue national, il semblait accorder à la communauté de l’énergie atomique plus d’avantages que ne le faisait la majorité de ses ministres, même si c’était pour des raisons par moments bien distinctes de celles de Monnet. Quoi qu’il en soit, dans un discours de principe tenu le 25 septembre 1956 à Bruxelles dans le cadre des Grandes Conférences Catholiques, Adenauer commença par démontrer une nouvelle fois combien son engagement européen était peu dogmatique puisqu’il y développa l’antithèse de presque toutes les lignes directrices qu’il avait données à ses ministres dans sa « directive sur l’intégration » au début de l’année : l’intégration européenne ne devait pas être rendue impossible par un trop grand « perfectionnisme », elle devait être « la plus extensible et flexible possible » ; par ailleurs, il ne jugeait « pas nécessaire la création d’institutions supranationales », étant donné qu’elles ne faisaient que faire reculer d’autres pays – dixit : la Grande-Bretagne – devant l’adhésion. Surtout, Adenauer adjurait de presser le mouvement car « les autres agissent aussi » et les changements intervenant sur la scène mondiale, notamment dans le domaine du nucléaire, mèneraient à la longue « à des situations intenables pour les petites entités »229. D’autres critiques à l’adresse de la politique américaine ne laissent subsister aucun doute sur le fait que le discours était conçu comme une riposte au Plan Radford rendu public à la mi-juillet par la voie d’indiscrétions. Le retrait massif des forces conventionnelles du territoire européen, projeté par le président des Joint Chiefs of Staff en application de la politique du New Look, n’aurait non seulement – dans le cadre de la stratégie de « nucléarisation » de l’OTAN – conféré un rôle subsidiaire aux forces conventionnelles de la Bundeswehr en cours de constitution, elle mettait en cause, aux yeux d’Adenauer, la nature même de l’engagement américain pour la sécurité de l’Europe230. Face au danger de l’instauration future d’un condominium des deux superpuissances étayé et stabilisé par des armes atomiques, ainsi poursuivit un Adenauer clairement emporté par son élan, le continent se verrait de plus en plus obligé de ne se fier qu’à lui-même, notamment en tirant des conséquences sur sa stratégie militaire au sein de l’Alliance. Dans cette perspective, il était essentiel de parvenir rapidement à des résultats tangibles dans les négociations bruxelloises, en ce qui concernait tant Euratom – d’où la tentation passagère du chancelier de renoncer au junktim – que le Marché commun.
103Dix jours après le discours de Bruxelles, le conseil des ministres fédéraux fixa, au cours de sa séance du 5 octobre 1956, les directions essentielles à tenir lors des prochaines semaines de négociation, qui s’annonçaient décisives231. En premier lieu, Adenauer rejeta la proposition d’Erhard – qui s’était cru encouragé à l’avancer par une interprétation quelque peu personnelle du discours bruxellois du chancelier – d’envisager des solutions européennes avec la Grande-Bretagne, les pays Scandinaves et la Suisse232. Selon Adenauer, l’ajournement de la conférence des ministres des Affaires étrangères à venir constituerait la « solution la plus mauvaise ». La discussion des autres points de l’ordre du jour fut également marquée par la volonté d’éviter tout blocage des discussions internationales en réagissant avec le plus de flexibilité et de discernement possible aux demandes faites par la France dans son mémorandum du 19 septembre 195 6233. Dans ce mémorandum, Paris demandait qu’une deuxième étape du Marché commun soit abordée, qu’il soit procédé à une harmonisation des régimes sociaux et que le maintien des aides à l’exportation soit envisagé. Adenauer alla même jusqu’à vouloir de nouveau se préserver le droit de renoncer au célèbre junktim – celui-ci pouvant être réduit à un échange postérieur des actes de ratification des deux projets –, afin de procurer à Mollet, qu’il avait entre-temps appris à apprécier, « une meilleure posture » au parlement français. Cette proposition ne relevait cependant pas, elle non plus, d’un pur altruisme, ce que dévoile une réponse au ministre des questions atomiques StrauB dans laquelle Adenauer exprima clairement le fond de son propre intérêt pour Euratom : selon les termes du protocole résumant les déclarations du chancelier, « [Adenauer] souhaite que, au travers d’Euratom, l’Allemagne soit au plus vite mise en état de produire ses propres armes atomiques ». Le traité sur Euratom « sera à n’en pas douter bénéfique pour la République fédérale elle-même » étant donné que, d’une part, la France dispose d’une considérable avance technologique et que, d’autre part, l’industrie allemande n’est pas prête à consentir, de sa propre initiative, à d’importants investissements234. Sur la question de l’utilisation militaire de l’énergie atomique par la République fédérale, les avis du chancelier et du ministre des questions atomiques ne divergeaient donc pas tant sur le fond que sur la forme. Alors qu’Adenauer jugeait que, pour des raisons pragmatiques et politiques, il était bon de lier l’utilisation militaire du nucléaire à Euratom, StrauB continuait de considérer la communauté davantage comme un obstacle que comme un cadre d’action adéquat235. Après le précédent créé par la France, la politique allemande s’éloignait ainsi elle aussi du modèle, proposé par Monnet, d’une communauté européenne de l’énergie atomique limitée à une utilisation exclusivement civile.
104La ligne de compromis sur le Marché commun épousée par le cabinet fédéral, puis proposée lors de la conférence des ministres des Affaires étrangères qui se tint à Paris les 20 et 21 octobre 1956, ne suffit pas à produire un consensus et n’empêcha pas l’échec de la conférence. Le gouvernement français se montra intraitable, notamment sur sa demande qu’une durée de travail commune de 40 heures hebdomadaires soit fixée avant la conclusion de la première étape du Marché commun, idée qui fut rejetée par les représentants allemands – Ludwig Erhard en tête – avec une même intransigeance236. Le principal argument avancé par Erhard était qu’il n’y aurait aucun sens, du point de vue économique, à vouloir établir les mêmes conditions de travail et les mêmes prestations sociales « de la Sicile à la Ruhr », les écarts de productivité étant considérables237. A Paris, on jugeait que le système social français était un handicap concurrentiel majeur et on tenait à ce qu’il soit pris en compte comme tel. Rétrospectivement toutefois, même le négociateur français Robert Marjolin admettrait que l’harmonisation sociale abrupte exigée par la France constituait une condition préalable excessive238. Convaincu d’avoir la logique économique de son côté, Erhard crut pouvoir considérer l’échec de la conférence de Paris comme la fin du projet d’établissement d’un Marché commun239 et jugea le moment venu de proposer un programme alternatif qu’il élabora spontanément avec l’aide de ses collaborateurs. Selon ses propres mots, il s’agissait à présent de mettre en œuvre « une forme plus libre de coopération européenne » qui ne pâtît pas de la « dangereuse tendance au perfectionnisme »240.
105Comme en tant d’autres occasions, Adenauer choisit de ne pas suivre son ministre de l’Economie, mais de chercher une nouvelle fois une solution conforme à l’esprit des négociations de Bruxelles. Le 31 octobre, il convia Erhard, von Brentano et Etzel à une discussion qui s’avérerait décisive. Enthousiasmé, Max Kohnstamm, que Monnet avait mandaté à Bonn en tant qu’observateur, qualifia le résultat de cette discussion de « victoire totale »241, étant donné qu’Etzel s’y était vu chargé d’élaborer, en collaboration avec l’Auswärtiges Amt, des formules de compromis susceptibles d’être acceptées par la France lors des prochaines rencontres inter-gouvernementales franco-allemandes. Or, le 6 novembre à Paris, Adenauer et Mollet tombèrent effectivement d’accord sur des propositions de déblocage qui mirent à portée de vue la conclusion des Traités de Rome. Ce rapprochement avait été par ailleurs facilité par l’échec de l’intervention franco-britannique à Suez, qui avait, à son tour, contribué à ramener à leur véritable dimension les différends subsistants et qui avait permis d’y apporter des solutions procédant de concessions de nature politique242 Adenauer, aidé en cela par le ministère des Affaires étrangères, dut défendre et imposer cette ligne de compromis face aux réserves exprimées à l’intérieur de son cabinet. Pour ce faire, il n’hésita pas à donner, jusqu’à la fin, des leçons d’européanisme à ceux de ses ministres qui restaient dubitatifs : « Puisque nous n’avons pas exprimé de réserves à l’encontre du fait que la vie de nos soldats soit confiée à un commandement suprême commun », ainsi le cite le protocole officiel du conseil des ministres du 15 janvier 1957, « il serait, maintenant, bien difficile de faire comprendre que nous nous refusions à soumettre des biens économiques à un contrôle communautaire exercé par une institution européenne »243.
106Selon toute apparence, le rôle actif de Monnet dans les dernières phases de la négociation, qui s’étira jusqu’à février 1957, resta assez limité, même s’il n’eut de cesse, jusqu’à la signature des Traités de Rome, le 25 mars 1957, de rapprocher les positions des uns et des autres par le biais de contacts directs et indirects avec des responsables des deux bords244 Étant donné qu’il n’avait pas véritablement modifié son opinion sur le Marché commun, dont il sous-estimait toujours le potentiel d’avenir, et qu’il ne lui accordait par conséquent qu’un intérêt limité, il n’était pas parfaitement au fait des évolutions. Concernant la Communauté européenne de l’énergie atomique, Monnet était certes parvenu à mettre sur pied la mission des Trois sages, qui, au printemps 1957, proposerait un vaste programme pour une politique nucléaire européenne245. Mais Euratom ne se verrait pas octroyer les moyens de procéder à une réalisation commune de ce programme, dont l’un des grands torts était de donner la préférence à la technologie nucléaire américaine aux dépens de la technologie française. Les inlassables efforts de Monnet ne suffirent pas à empêcher que les gouvernements allemand et français manifestent leur net refus de se laisser lier les mains par Euratom et se réservent, pour le futur, une ample marge de manœuvre nationale dans leur politique nucléaire. En dépit de tous les indices contraires, Monnet, manifestement emporté par son optimisme à ce sujet, sembla croire étonnamment longtemps aux chances de réalisation du projet. Toujours est-il que, si la résolution du Comité d’action des 6 et 7 mai 1957 laissait certes transparaître certaines critiques à l’encontre de dispositions non spécifiées des Traités de Rome, elle accordait un soutien sans réserve à leur contenu. En définitive, concluait le communiqué du Comité, il en irait de ces traités comme de tout engagement commun : « Les traités vaudront ce qu’en feront leur application et les hommes qui en seront chargés »246.
107Monnet ne s’attarda pas à regarder en arrière, mais s’employa de toutes ses forces à faire approuver les traités par les parlements des pays concernés. En effet, la démission du gouvernement Mollet, le 21 mai 1957, mais surtout le fait que la législature du Bundestag allemand, dont la dernière session était prévue pour le 6 juillet, s’approchait de sa fin, constituaient un danger non négligeable pour le processus de ratification. Si le groupe parlementaire CDU/CSU du Bundestag s’était engagée à voter pour, le FDP penchait pour le refus, ce qui mettait en quelque sorte la décision dans les mains du SPD, dont l’attitude serait ainsi décisive. Alors qu’il était clair depuis assez longtemps que les députés du SPD étaient largement favorables à Euratom, le projet du Marché commun, qui n’avait été que très peu discuté à l’intérieur du parti, suscitait un grand scepticisme parmi ses membres. Il persistait de tels doutes sur l’attitude à adopter, que même Herbert Wehner, qui était pourtant membre du Comité d’action de Monnet, crut opportun de proposer aux organes politiques de son parti, le 30 mai 1957, qu’ils optent pour une directive d’abstention de vote247. Dans ces conditions, nombreux étaient ceux qui jugeaient qu’il serait bon de différer la procédure de ratification. Le SPD pouvait-il, en effet, se permettre d’entrer en campagne après avoir voté en faveur de la politique européenne d’Adenauer ? Les relations entretenues de longue date par Monnet avec le SPD et les syndicats allemands s’avérèrent très utiles dans ces circonstances. Le 22 juin 1957, revêtant une nouvelle fois l’habit de commis voyageur de la cause européenne, Monnet insista auprès d’Ollenhauer sur la responsabilité européenne de son parti, non sans lui rappeler fort habilement que les socialistes français soutenaient inconditionnellement, et, cette fois, de façon unitaire, le projet européen248. Pour achever de convaincre Ollenhauer, Monnet n’hésita pas à assurer par écrit à la direction du SPD qu’Euratom disposerait des moyens de mener à bien un parfait contrôle des matières fissiles249. Deux jours plus tard, le groupe SPD du Bundestag décida, dans l’unanimité, de voter en faveur des deux Traités de Rome250. Rien ne pouvait plus s’opposer à ce que le parlement allemand ratifie les traités le 5 juillet, qui plus est à une forte majorité.
VI. Conclusion
108Jean Monnet a indéniablement été une figure importante de l’échiquier non seulement de la politique française et européenne, mais également de la politique allemande des années 50, sur lesquelles nous nous sommes penchés dans cette analyse. La forme concrète de son action et de son influence fut soumise à des évolutions en fonction des différentes positions qu’il lui fut donné d’occuper : président de la conférence sur le Plan Schuman, initiateur de la Communauté Européenne de Défense, président de la première autorité européenne intégrée, puis lobbyiste omniprésent en affaires européennes. Indépendamment des fonctions qu’il occupa, Monnet fut toujours investi du rôle de figure de référence, dont les conceptions étaient adoptées par certains, rejetées, voire combattues par d’autres.
109Face à Adenauer, Monnet se trouva toujours clairement dans la position de celui qui exige, de celui qui encourage et qui pousse. Les avis des deux hommes politiques étaient proches en ce qui concerne l’intégration de la République fédérale dans les structures occidentales, le principe de l’égalité des nations européennes et la finalité politique du processus d’intégration. Monnet fit siens ces principes plus tôt que nombre d’autres représentants de la classe politique française, ce qui fit de lui un pionnier du rapprochement franco-allemand. En effet, quand elles étaient données par l’« inventeur » du Plan Schuman, les assurances de la France de vouloir reprendre depuis le début sa politique européenne et d’être prête pour cela à s’insérer pleinement dans le nouvel ensemble, étaient d’une tonalité plus crédible.
110Toutefois, contrairement à Monnet, Adenauer n’était nullement convaincu que l’ère des États nationaux touchait à sa fin. Le chancelier allemand ne souscrivait pas au principe de la fusion progressive des droits souverains nationaux comme fondement de l’unité européenne. En fin de compte, sa politique resta toujours marquée par une tradition éclairée de l’État national qui considérait l’étroite coopération entre les nations du continent européen comme une forme de relations internationales réalisable et souhaitable, mais suffisante. Il acceptait les éléments et les structures d’intégration là où ils lui semblaient constituer la meilleure solution en raison de circonstances particulières ou quand il n’avait pas les moyens de les éviter. Sur l’agenda politique d’Adenauer, l’« égalité de droits » de la République fédérale était le premier point de l’ordre du jour ; pour y parvenir, il était prêt à accepter le degré d’intégration qui serait nécessaire. La forme spécifique de coopération européenne qui devait être réalisée se définissait, pour Adenauer, toujours selon les circonstances du moment : en fonction des intérêts pragmatiques de la République fédérale, en fonction de la volonté de coopération de ses partenaires européens et, élément qu’il prenait bien plus au sérieux que Monnet, en fonction de la menace soviétique.
111L’indécision de l’Allemagne quant à sa politique européenne offrait des chances à des tentatives ciblées d’influence extérieure. Le réseau bonnois de Monnet ne comptait que quelques têtes, mais Hallstein, Blankenhom et Etzel constituaient des relais particulièrement bien placés dans l’entourage immédiat du chancelier. Or, à côté de l’intervention plus ou moins directe, Monnet disposait d’un autre moyen, notamment en ce qui concerne ses relations avec la République fédérale, à savoir le détour par l’administration américaine. Pour la phase finale des négociations sur le Plan Schuman, pour l’acceptation de la CED par Bonn, puis pour l’aval donné à la Communauté européenne de l’énergie atomique, les excellentes relations de Monnet avec Washington ont certainement été un atout décisif.
112L’engagement obstiné de Monnet en faveur de la Communauté européenne de l’énergie atomique porta finalement ses fruits dans un domaine distinct du nucléaire. Si Euratom ne permit pas, en définitive, de parvenir à l’intégration des industries nucléaires nationales, le développement de ce projet s’avéra cependant être une sorte de passerelle que les sociaux-démocrates allemands purent emprunter pour rejoindre la dynamique européenne de la deuxième moitié des années cinquante. Ce fut en effet le projet d’Euratom, et non pas une certaine idée abstraite de l’intégration européenne ou la perspective de l’instauration d’un marché européen commun, qui amena le SPD allemand à se prononcer en faveur des Traités de Rome en juillet 1957. Ce vote en faveur de la ratification marqua la naissance d’un consensus allemand sur la politique européenne qui s’avérera d’une importance bien supérieure à celle du projet d’intégration nucléaire avorté. Cette évolution a sans doute été facilitée par des facteurs structurels, tels que la diminution des chances de réalisation de la réunification des deux Allemagnes, la large acceptation de la politique d’intégration occidentale par l’opinion allemande ou l’arrimage de plus en plus solide de l’Allemagne à l’Europe de l’Ouest. Si l’on présume toutefois qu’une personne, à elle seule, et qui plus est, à titre privé, puisse avoir pris sa part à la naissance du consensus allemand sur le devenir de l’Europe, ce sera à un certain Monsieur de Cognac, en Charente, que l’on songera.
Notes de bas de page
1 Jean Monnet, Mémoires, Paris, Fayard, 1976 ; en particulier pp. 364-367, 374-375, 403, 466, 510-512, 550-551. Konrad Adenauer, Erinnerungen, t. I : 1945-1953, t. Ii : 1953- 1955, t. III : 1955-1959, t. IV : 1959-1963, Stuttgart 1965-1968 ; en particulier : t. I, pp. 336- 337, 381, 427, 439 ; t. II, p. 290 ; t. III, p. 161.
2 Arnulf Baring, Aufienpolitik in Adenauers Kanzlerdemokratie. Bonns Beitrag zur Europàischen Verteidigungsgemeinschaft, Munich, Vienne 1969, pp. 59-61 ; Waldemar Besson, Die Aufienpolitik der Bundesrepublik Deutschland. Erfahrungen und Mafistd.be, Munich 1970, p. 56 sq. ; Hans-Peter Schwarz, « Das auBenpolitische Konzept Konrad Adenauers », in Rudolf Morsey, Konrad Repgen (éd.), Adenauer-Studien I, Mayence, 1971, pp. 71-108 ; Idem, « Adenauer und Europa », in Vierteljahrshefie für Zeitgeschichte 27 (1979), pp. 471-523.
3 François Duchêne, Jean Monnet. The First Statesman of Interdependence, New York, Londres 1994 ; Éric Roussel, Jean Monnet 1888-1979, Paris, Fayard, 1996.
4 Klaus Schwabe (éd.), Die Anfänge des Schuman-Plans/The Beginnings ofthe Schuman Plan, Baden-Baden 1988 ; John Gillingham, Coal, Steel, and the Rebirth of Europe, 1945- 1955. The Germans and Frenchfrom Ruhr conflict to économie community, Cambridge 1991, p. 228 sq. ; Gérard Bossuat, La France, l’aide américaine et la construction européenne 1944-1954, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 1992, pp. 735-794 ; Alain Milward, The Reconstruction of Western Europe 1945-51, Londres 1984, pp. 362-420.
5 A consulter in Die Bundesrepublik Deutschland und Frankreich : Dokumente 1949- 1963, t. II : Wirtschaft, Andreas Wilkens (réd.), Horst Möller et Klaus Hildebrand (éd.), Munich 1997, n° 166 (par la suite : BDFD II).
6 Voir la célèbre note de Monnet en date du 5.8.1943, reproduite in Henri Rieben, Des guerres européennes à l’union de l’Europe, Lausanne, Fondation Jean Monnet pour l’Europe, 1987, pp. 272-285 ; voir aussi Andreas Wilkens, « Neuordnung Europas‘ ? Die Nachkriegsplanungen im “Comité Français de Libération Nationale” 1943/1944 », in Thomas Höpel, Dieter Tiemann (éd.), 1945 – 50 Jahre danach. Aspekte und Perspektiven im deutsch-franzôsischen Beziehungsfeld, Leipzig 1996, pp. 81-93.
7 Sur le rôle de Schuman, voir Raymond Poidevin, Robert Schuman, homme d’État 1886-1963, Paris, Imprimerie nationale, 1986, pp. 258-263.
8 Voir les deux lettres d’Adenauer à Schuman du 8.5.1950, in Adenauer, Briefe 1949- 1951, Hans Peter Mensing (réd.), Berlin 1985, n° 236 et 236a ; voir aussi : Bérard à Affaires étrangères, télégramme n° 2156-61, 11.5.1950, Archives du ministère des Affaires étrangères, Paris (par la suite : AMAE), Europe 1944-1960, Généralités, vol. 111, pp. 3-5 ; Hans-Peter Schwarz, Adenauer, t. 1 : Der Aufstieg 1876-1952, Stuttgart 1986, pp. 710-727.
9 Compte-rendu de l’entrevue in Fondation Jean Monnet pour l’Europe (éd.), La naissance d’un continent nouveau, Lausanne, Fondation Jean Monnet pour l’Europe, 1990, pp. 197-203 ; extraits in BDFD, 1.1 : Auβienpolitik und Diplomatie, Ulrich Lappenküper (réd.), Munich 1997, n° 53 (par la suite : BDFD I). Voir aussi le compte-rendu de l’entrevue établi par Blankenhom qui présente quelques différences, in Akten zur Auswärtigen Politik der Bundesrepublik Deutschland 1949-1950, September 1949 bis Dezember 1950, éd. à la demande de l’Auswärtiges Amt par l’institut für Zeitgeschichte, Munich 1997, n° 62 (par la suite : AAPD 1949/50).
10 Adenauer, Erinnerungen I, p. 336 sq. ; Monnet, Mémoires, pp. 364-367 ; Herbert Blankenhorn, Verstandnis und Verstandigung. Blatter eines politischen Tagebuchs 1949- 1979, Francfort-sur-le-Main, Berlin, Vienne 1980, pp. 103-105 ; Armand Bérard, Un Ambassadeur se souvient, t. II : Washington et Bonn 1945-1955, Paris, Plon, 1978, pp. 317-319.
11 Rapport mensuel de François-Poncet du 21.5.1950, in Hans Manfred Bock (éd.), Les rapports mensuels d’André François-Poncet, Haut Commissaire français en Allemagne, 1949-1955. Les débuts de la République fédérale d’Allemagne, Paris, Imprimerie nationale, 1996, 2 tomes, p. 272.
12 Extrait du journal de Schäffer du 3.6.1950, reproduit in Eckhard Wandel, « Adenauer und der Schuman-Plan. Protokoll eines Gesprachs zwischen Konrad Adenauer und Hans Schäffer vom 3. Juni 1950 ». in Vierteljahrshefte für Zeitgeschichte 20 (1972), pp. 192-203, ici p. 199. La date du 2.6.1950 est déterminée sur la base des deux mentions faites par Blankenhorn dans son journal ce jour-là, Bundesarchiv Koblenz (par la suite : BA), Nachlaβ (NL) Blankenhorn, vol. 4, pp. 76-78. Sur l’affaire Kreuger, voir Monnet, Mémoires, pp. 125-126 ; Duchêne, Jean Monnet, pp. 47-51.
13 Journal de Schäffer (voir n. 12), pp. 200-201.
14 Voir les positions prises par les sidérurgistes Hans-Günther Sohl et Günter Henle le 2.6.1950 et le 10.6.1950, in BDFD II (voir n. 5), n° 172 et 173. Sur l’ensemble de la question, voir Wemer Bührer, Ruhrstahl und Europa. Die Wirtschaftsvereinigung Eisen- und Stahlindustrie und die Anfange der europaischen Intégration 1945-1952, Munich 1986, pp. 165-215.
15 Wirtschaftsvereinigung Eisen- und Stahlindustrie, Lothringen-Stahl statt Ruhrstahl ? Stellungnahme zu dem französischen Vorschlag einer Verlagerung rheinisch-westfälischer Roheisen- und Rohstahlerzeugung nach Frankreich, s. 1., août 1947.
16 Wilhelm Salewski, Secrétaire général de la Wirtschaftsvereinigung Eisen- und Stahlindustrie, « Der franzôsische Verlagerungsplan – Gegenbeweise », 26.1.1950, in BDFD II (voir n. 5), n° 16.
17 Note de Blankenagel (Wirtschaftsvereinigung Eisen- und Stahlindustrie), « Betr. : Vorschlage zur Montanunion », 4.7.1950, Politisches Archiv des Auswärtigen Amtes (par la suite : PAAA), Sekretariat fur Fragen des Schuman-Plans (par la suite : SFSP), vol. 45, pp. 1-25, ici p. 7.
18 Note de Blankenhom du 4.6.1950, B A, NL Blankenhom, vol. 4, pp. 79-80 ; voir Wilhelm Rôpke, « Für und wider den Schuman-Plan », in Rheinischer Merkur, 22.7.1950.
19 Bundesministerium für Wirtschaft, Note du 16.6.1950, in BDFD II (voir n. 5), n° 174 (extrait).
20 Voir le « Résumé du Document de travail » du 27.6.1950, in Ibid., n° 176.
21 Reproduction in ibid., n° 177. Voir, Die Kabinettsprotokolle der Bundesregierung 1950, Ulrich Enders et Konrad Reiser (réd.), Boppard 1984, p. 492 sq. ; Commentaires de Hallstein, Séance des délégations du 3.7.1950, PAAA, SFSP, vol. 53, pp. 91-99.
22 Sur l’ensemble de la question, voir : Dirk Spierenburg, Raymond Poidevin, Histoire de la Haute Autorité de la Communauté européenne du charbon et de l’acier. Une expérience supranationale, Bruxelles, Bruylant, 1993, pp. 17-22 ; Jacques Van Helmont, Options européennes 1945-1985, Luxembourg, Office des publications officielles des Communautés européennes, 1986, p. 29.
23 Sitzung des Organisationsausschusses vom 20.7.1950, in AAPD 1949/50, n° 95 ; Sitzung des Organisationsausschusses vom 21.7.1950, ibid., n° 96 ; Niederschrift über die Besprechung im Planungsamt am 16.9.1950, ibid., n° 121.
24 Kurzprotokoll über die Sitzung des Ausschusses für die institutionellen Fragen am 12. Juli 1950 um 16 Uhr im Uhrensaal des Quai d’Orsay, PAAA, SFSP, vol. 102, pp. 8-11.
25 Comme en attestent les déclarations faites à McCloy par Blankenhom ; McCloy to the Secretary of State, 29.6.1950, in Foreign Relations of the United States (FRUS) 1950, t. III, p. 739.
26 Bundesministerium für Wirtschaft, Entwurf Direktiven des Kabinetts an die deutsche Délégation in Paris zur weiteren Verhandlungsführung für den Schuman-Plan, 25.8.1950, PAAA, SFSP, vol. 7, pp. 17-25 ; voir aussi Hallstein, Notizen für Herrn von Brentano, 8.8.1950, ibid., vol. 53, pp. 225-227.
27 Sitzung des Organisationsausschusses vom 4./5. August 1950, in AAPD 1949/50, Nr. 105.
28 Besprechung zwischen der deutschen und franzbsischen Délégation, 2.7.1950, compte-rendu, in BDFD II (voir n. 5), n° 178 ; AAPD 1949/50, n° 82.
29 Séance du conseil des ministres du 23.8.1950, in Kabinettsprotokolle 1950, pp. 629-632.
30 Monnet à Schuman, 22.12.1950 et 22.1.1951, in Jean Monnet – Robert Schuman, Correspondance 1947-1953, Lausanne, Fondation Jean Monnet pour l’Europe, 1986, pp. 90- 91 et 97-100.
31 Étienne Hirsch, Ainsi va la vie, Lausanne, Fondation Jean Monnet pour l’Europe, 1988, pp. 109-110.
32 Thomas Alan Schwartz, America’s Germany. John J. McCloy and the Fédéral Republic of Germany, Cambridge (Mass.), Londres 1991, pp. 189-197.
33 Adenauer à la Haute Commission Alliée, 14.3.1951, BK 487/51, in Die Neuordnung der Eisen- und Stahlindustrie im Gebiet der Bundesrepublik Deutschland. Ein Bericht der Stahltreuhandervereinigung, Munich, Berlin 1954, pp. 455-457.
34 Adenauer, Teegesprache 1950-1954, Hanns Jurgen Küsters (réd.), Berlin 1984, p. 50 (Teegesprach du 9.3.1951).
35 George W. Ball, The Past has another Pattern. Memoirs, New York, Londres 1982, pp. 87-89.
36 Citation extraite de : Henle à Adenauer, 13.2.1951, BA, NL Henle, vol. 1 ; voir également le texte du sidérurgiste Henle intitulé « Bowies Abschied » du 17.12.1951, ibid., vol. 487.
37 Sur le rôle de Monnet, voir : Compte-rendu de la conversation ayant eu lieu au Commissariat au Plan le 20 novembre 1950 au sujet de l’harmonisation du Plan Schuman et des contrôles actuellement exercés en Allemagne, AMAE, DE-CE, vol. 507, pp. 74-77.
38 note à compléter
39 Monnet, Mémoires, pp. 413-415.
40 Monnet, Note relative au règlement du problème allemand, 22.9.1950, Archives de la Fondation Jean Monnet pour l’Europe, Lausanne (par la suite : FJME), AMI 4/4/5.
41 Klaus A. Maier, « Die internationalen Auseinandersetzungen um die Westintegration der Bundesrepublik Deutschland und um ihre Bewaffnung im Rahmen der europaischen Verteidigungsgemeinschafi », in Anfange westdeutscher Sicherheitspolitik 1945-1956, t. Il : Die EVG-Phase, Munich 1990, pp. i-234 ; Edward Fursdon, The European Defence Community. A History, Londres 1980 ; Robert Mcgeehan, The German Rearmement Question. American Diplomacy and European Defense after World War II, Urbana, Chicago, Londres 1971 ; David Clay Large, Germans to the Front. West German Rearmament in the Adenauer Era, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 1996.
42 Sur le rôle de Monnet, voir Duchêne, Monnet, pp. 226-235 ; Roussel, Monnet, pp. 567-589 ; Philippe Vial, « Jean Monnet, un père pour la CED ? », in René Girault, Gérard Bossuat (éd.), Europe brisée, Europe retrouvée. Nouvelles réflexions sur l’unité européenne au xxe siècle, Paris, Publications de la Sorbonne, 1994, pp. 197-253. Pour un cadre plus général, cf. Georgette Elgey, La République des contradictions 1951-1954, Paris, Fayard, 1968, pp. 193-338 ; Raymond Aron, Daniel Lerner (éd.), La querelle de la CED. Essais d’analyse sociologique, Paris, Colin, 1956 ; Armand Clesse, Le projet de CED du Plan Pleven au « crime » du 30 août. Histoire d’un malentendu européen, Baden-Baden 1989.
43 Reproduit in BDFD I (voir n. 9), n° 113.
44 Monnet à Pleven, 21.10.1950, en annexe : Notes pour une déclaration du Gouvernement, FJME, AMI 4/7/3 et 4/7/3bis ; Projet de déclaration du Gouvernement français, 22.10.1950, ibid., AMI 4/7/5.
45 Monnet, Mémoires, p. 406.
46 Adenauer, Erinnerungen 1, p. 341-344 ; Schwarz (voir n. 8) pp. 727-739.
47 Note du Général à la retraite Graf von Schwerin, 16.5.1950, in AAPD 1949/50, n° 61, voir également ibid., n° 63.
48 AAPD 1949/50, n° 65. Adenauer réitéra sa proposition le 7.6.1950 devant McCloy, qui réagit négativement, et le 8.6.1950 devant François-Poncet : Ibid., n° 66 et 69.
49 Texte in AAPD 1949/50, n° 113. Sur l’ensemble de la question cf. : Norbert Wiggershaus, « Die Entscheidung für einen westdeutschen Verteidigungsbeitrag 1950 », in Anfänge westdeutscher Sicherheitspolitik 1945-1956, t. I : Von der Kapitulation bis zum Pleven-Plan, Munich, Vienne 1982, pp. 325-402 ; Rolf Steininger, Wiederbewaffnung. Die Entscheidung für einen westdeutschen Verteidigungsbeitrag. Adenauer und die Westmachte 1950, Erlangen, Bonn, Vienne 1989.
50 Le chancelier fédéral Adenauer, Mémorandum zur Frage der Neuordnung der Beziehungen der Bundesrepublik zu den Besatzungsmachten, in AAPD 1949/50, n° 114.
51 Communication de Blankenhom au Haut Commissaire français adjoint Armand Bérard, Note de Blankenhom du 9.9.1950, BA, NL Blankenhom, vol. 5, pp. 181-182.
52 D’après les notes manuscrites de Blankenhom : BA, NL Blankenhom, vol. 5, pp. 78-89.
53 Ball (voir n. 35), pp. 90-94.
54 Mémorandum de Monnet du 9.9.1950 destiné à Schuman, mais qui ne lui fut pas remis, Monnet-Schuman, Correspondance (voir n. 30), pp. 53-55 ; Monnet, Mémoires, p. 401.
55 Van Helmont (voir n. 22), p. 163.
56 Mémorandum de Monnet à Pleven du 18.9.1950, cité in Elgey (voir n. 42), p. 234.
57 Mémorandum de Monnet à Schuman du 16.9.1950, in Monnet-Schuman, Correspondance (voir n. 30), pp. 58-59.
58 Monnet à Pleven, 3.9.1950, reproduction in Girault, Bossuat (éd.) (voir n. 42), pp. 256-262.
59 Mémorandum de Monnet à Schuman du 16.9.1950 (voir n. 57) ; voir Monnet, Mémoires, p. 401 ; pour l’ensemble des documents : FJME, AMI, sous-dossier 4/4.
60 Compte-rendus in FRUS 1950, t. III, p. 1191 sq.
61 Poidevin (voir n. 7), p. 305 sq.
62 Monnet, Note sur la résolution du problème allemand par l’intégration dans l’ouest, 23.9.1950, FJME, AMI 4/4/9.
63 The Ambassador in France (Bruce) to the Secretary of State, 21.9.1950, in FRUS 1950, t. III, pp. 748-752. McCloy fut aussitôt dépêché auprès d’Adenauer afin de lui donner clairement à entendre que Washington tenait à la réalisation du Plan Schuman : Acting Secretary of State à McCloy, 29.9.1950, ibid., pp. 752-753.
64 On trouvera un extrait du discours prononcé par Lehr le 13.10.1950 in Industriekurier, 14.10.1950 ; voir à ce sujet le dossier spécial in Archives nationales, Paris (AN), 81 AJ 138.
65 Reproduction du mémorandum du 13.10.1950 in BDFD I (voir n. 9), n° 57.
66 Monnet à Schumann, 14.10.1950, in Monnet-Schuman, Correspondance (voir n. 30), pp. 61-63 ; Monnet, Mémoires, pp. 402-403, 410 ; Jacques Van Helmont, La politique allemande du Plan Schuman, Projet de note, 8.9.1950, FJME, AMI 3/4/5. Voir également René Dabernat, « Le sort du Plan Schuman dépend de plus en plus de l’Allemagne », in Le Monde, 21.9.1950.
67 Hans-Jürgen Rautenberg, Norbert Wiggershaus, « Die “Himmeroder Denkschrift” vom Oktober 1950. Politische und militarische Überlegungen fur einen Beitrag der Bundesrepublik Deutschland zur westeuropaischen Verteidigung », in Militärgeschichtliche Mitteilungen 21 (1977), pp. 135-206.
68 Hans speidel, A us unserer Zeit. Erinnerungen, Berlin, Francfort-sur-le-Main, Vienne 1977, p. 277.
69 Note de Blankenhom du 25.10.1950, extrait in BDFD I (voir n. 9), n° 114 ; voir aussi Blankenhorn (voir n. 10) pp. 115-116 ; Schwarz (voir n. 8), p. 831 ; voir le compte-rendu que fit Blankenhom de sa conversation avec Bérard du 26.10.1950, in AAPD 1949/50, n° 136.
70 Compte-rendu que fit Hallstein de sa conversation avec Schuman du 24.10.1950, in AAPD 1949-1950, n° 134.
71 Dean Acheson, Présent at the Création. My Years in the State Department, New York 1969, pp. 458-459 ; Pierre Mélandri, « Les États-Unis et le plan Pleven », in Relations internationales 11 (1977), pp. 201-229, ici : p. 209 sq. ; Thomas U. Schôttli, USA und EVG. Truman, Eisenhower und die Europa-Armee, Berne 1994, pp. 167-176.
72 Notes écrites par JM, 27.10.1950, FJME, AMI, 5/2/3 (version dactylographiée).
73 Note de Blankenhom rendant compte d’une conversation téléphonique avec McCloy du 28.10.1950, BA, NL Blankenhom, vol. 6, pp. 58-59.
74 Schwartz (voir n. 32), p. 144 sq.
75 Compte-rendu de Blankenhom du 7.11.1950, AAPD 1949/50, n° 142 ; voir également l’interview accordée par Schuman à la Frankfurter Allgemeine Zeitung du 7.11.1950 : « Schuman : Deutschland soll gleichberechtigt sein ».
76 Entretien avec les Hauts Commissaires du 1.12.1950, compte-rendu in Adenauer und die Hohen Kommissare 1949-1951, Hans-Peter Schwarz en liaison avec Reiner Pommerin (éd.), Frank-Lothar Kroll et Manfred Nebelin (réd.), Munich 1989, n° 20, p. 281.
77 Pierre Guillen, « Les chefs militaires français, le réarmement de l’Allemagne et la CED (1950-1954) », in Revue d’histoire de la Seconde Guerre mondiale et des conflits contemporains 33 (1983), pp. 3-33.
78 Monnet, Mémoires, p. 408.
79 Maier (voir n. 41), p. 21-23.
80 Entretien entre Adenauer et les Hauts Commissaires du 21.12.1950, compte-rendu in Adenauer und die Hohen Kommissare (voir n. 76), n° 22.
81 Voir les compte-rendus in FRUS 1951, t. ni, pp. 990-1047 ; voir aussi Maier (voir n. 41), p. 37 ; Adenauer, Erinnerungen I, p. 444 ; Gerhard Wettig, Entmilitarisierung und Wiederbewaffnung in Deutschland 1943-1955. Internationale Auseinandersetzungen um die Rolle der Deutschen in Europa, Munich 1967, p. 402 sq.
82 Entretien Adenauer-McCloy du 16.12.1950, in AAPD 1949/50, n° 168.
83 Adenauer-Heuss : Unter vier Augen. Gesprache aus den Gründerjahren 1949-1959, Hans Peter Mensing (réd.), Berlin 1997, p. 56.
84 Jules Moch, Histoire du réarmement allemand depuis 1950, Paris, Robert Laffont, 1965, p. 269 ; voir aussi Bruce to the Secretary of State (Acheson), 15.2.1951, in FRUS 1951, t. III, pp. 767-768.
85 Note relative au règlement du problème allemand, 22.9.1950, FJME, AMI 4/4/5.
86 Adenauer, Erinnerungen I, p. 411 ; on trouve une certaine confirmation de cette tendance in Hervé Alphand, L’étonnement d’être. Journal 1939-1973, Paris, Fayard, 1977, pp. 223-224.
87 Monnet à Schuman, 20.3.1952, comprenant le « Schéma de réponse à la note soviétique » (2e version), in Monnet-Schuman, Correspondance (voir n. 30), pp. 135-137 ; sur les réactions générales, voir également : Nikolaus Meyer-Landrut, Frankreich und die deutsche Einheit. Die Haltung der franzôsischen Regierung und Ôffentlichkeit zu den Stalin-Noten 1952, Munich 1988 ; Eckart Lohse, Ôstliche Lockungen und westliche Zwange. Paris und die deutsche Teilung 1949-1955, Munich 1995.
88 Monnet, Mémoires, pp. 419-421 ; pour la date de l’entretien cf. Schöttli (voir n. 71), pp. 217-220 qui a pu consulter le compte-rendu établi par MacArthur II ; cf. par ailleurs Elgey (voir n. 42), pp. 249-250 ; Mélandri (voir n. 71), pp. 223-225.
89 Voir à ce sujet The Eisenhower Diaries, Robert H. ferrell (éd.), New York, Londres 1981, p. 194 sq. (sans mention de Monnet).
90 Pierre Mélandri, Les États-Unis face à l’unification de l’Europe 1945-1954, Paris, Pedone, 1980, p. 318 sq.
91 The Secretary of State (Acheson) to the Ambassy in France, 28.6.1951, in FRUS 1951, t. III, pp. 801-805.
92 Compte-rendu de l’entretien in FRUS 1951, t. III, pp. 1487-1489.
93 Adenauer, Erinnerungen I, p. 458 ; voir également le compte-rendu de l’entretien cité ci-dessus, dans lequel Adenauer s’exprime de façon analogue.
94 FRUS 1951, t. III, pp. 843-846.
95 Sur cette phase des négociations, voir : Gero von Bernsdorff, Adenauers Aufienpolitik gegenüber den Siegermächten 1954. Westdeutsche Bewajfnung una internationale Politik, Munich 1994, pp. 274-291. Cf. également : Adenauer devant le comité exécutif fédéral de la CDU le 6.9.1951, in Adenauer : « Es mujßte alles neu gemacht werden ». Die Protokolle des CDU-Bundesvorstandes 1950-1953, Günter Buchstab (réd.), Stuttgart 1986, p. 59.
96 Voir également les compte-rendus des conseils des ministres du 31.1. et du 12.2.1952, in : Die Kabinettsprotokolle der Bundesregierung 1952, Karl von Jena (réd.), Boppard 1989, p. 83 sq. et p. 103.
97 Entretien du 7.11.1951 à Paris, Note de Blankenhom (pour Adenauer), 8.11.1951, BA, NL Blankenhom, vol. 8a, pp. 208-211.
98 Conversation du 8.11.1951 à Houjarray, Note de Blankenhom (pour Adenauer), 9.11.1951, B A, NL Blankenhom, vol. 8a, pp. 202-205.
99 Entretien du 7.11.1951 à Paris (voir n. 97).
100 Sur son appréciation de l’initiative en faveur d’une Communauté Politique Européenne, voir Monnet, Mémoires, p. 446 sq. et 461 sq.
101 Lettre de Blankenhorn à Adenauer, 12.11.1951, BA, NL Blankenhorn, vol. 8b, pp. 13-15.
102 Note de réflexions sur l’Armée européenne, 15.3.1952, FJME, AMI 11/1/6 ; cf : Roussel, Monnet, p. 616.
103 Adenauer, Erinnerungen I, p. 537.
104 Voir entre autres Paul Noack, DUS Scheitern der Europaischen Verteidigungsgemeinschaft. Entscheidungsprozesse vor und nach dem 30. August 1954, Düsseldorf 1977, pp. 185 – 190 ; IDEM, « EVG und Bonnet Europapolitik », in Die Europàische Verteidigungsgemeinschaft. Stand und Problème der Forschung, Hans-Erich Volkmann et Walter schwengler (éd.), Boppard 1985, pp. 239-254 ; Von Gersdorff (voir n. 95) p. 341 sq.
105 Note de Blankenhom du 7.11.1951, BA, NL Blankenhorn, vol. 8a, p. 191 : « Monnet est l’un des hommes les plus sympathiques que je connaisse dans cette ville – il est d’une modestie, d’un esprit et d’un humour infiniment français et il est un véritable Européen, tel qu’on n’en trouve que très peu en France. Je ne connais aucune personne qui soit aussi nuancée que Monnet. L’écouter, c’est un peu comme écouter un sage qui forge sa vision du monde loin des égoïsmes mesquins de la vie quotidienne. Dans son esprit, l’intégration de l’Europe est une idée révolutionnaire. »
106 Voir à ce sujet l’entretien de Franz Etzel et Éric Westpahl conduit dans le cadre des travaux préparatifs de la rédaction des mémoires de Monnet, Düsseldorf, 4.2.1966, BA, NL Etzel, vol. 382.
107 Adenauer, Erinnerungen Ii, p. 289 sq. ; Blankenhorn (voir n. 10), pp. 194-195 ; Heinrich Krone, Tagebücher. Erster Band : 1945-1961, Hans-Otto Kleinmann (réd.), Düsseldorf 1995, p. 142 ; sur le jugement de Monnet, voir sa notice du 31.8.1954, FJME, AMI 25/12/7.
108 Voir les lettres échangées entre Monnet et Mendès France les 12. et 16.8 et les 24. et 26.8.1954, in Pierre Mendès France, Œuvres complètes, t. III : Gouverner c’est choisir 1954- 1955, Paris, Gallimard, 1986, pp. 220-233 et pp. 250-251.
109 Sur le jugement d’Adenauer, voir sa lettre à Heuss du 25.8.1954 in Heuss-Adenauer. Unserem Vaterlande zugute. Der Briefwechsel 1948-1963, Hans Peter Mensing (réd.), Berlin 1989, n° 127.
110 Kohnstamm à Hallstein, 17.8.1954, PAAA, Abt. 2, vol. 1253.
111 /Vote sur la reconstitution d’une armée nationale allemande au moyen du droit de véto proposé par M. Mendès France à Bruxelles, 22.8.1954, FJME, AMI 2/8/29.
112 Le texte de cette déclaration proposée à Adenauer est reproduit in Ophüls et Hausenstein à l’Auswärtiges Amt, télégramme n° 503, 31.8.1954, BA, NL Blankenhom, vol. 32a, p. 1.
113 Note de Blankenhom du 31.8.1954, BA, NL Blankenhom, vol. 32a, p. 30. Au cours de la séance extraordinaire du conseil des ministres du 1.9.1954, Adenauer ajouta comme cinquième point la nécessité de procéder « immédiatement à des négociations avec les États-Unis et la Grande-Bretagne » ; Die Kabinettsprotokolle der Bundesregierung 1954, Ursula Hüllbusch et Thomas Trumpp (réd.), Boppard 1993, pp. 350-354.
114 Bruno Thob, « Der Beitritt der Bundesrepublik Deutschland zur WEU und NATO im Spannungsfeld von Blockbildung und Entspannung (1954-1956) », in Anfänge westdeutscher Sicherheitspolitik 1945-1956, t. III : Die NATO-Option, Munich 1993, pp. 1-234, ici : p. 1-134.
115 Wilhelm Grewe, Rückblenden 1976-1951, Francfort-sur-le-Main, Berlin, Vienne 1979, p. 194 ; Blankenhorn (voir n. 10), pp. 175-176.
116 Monnet, Mémoires, p. 466.
117 Andreas Wilkens, « Das Programm von La Celle-St. Cloud. Der Ausbau der deutsch-franzôsischen Wirtschaftsbeziehungen 1954-1957 », in Revue d’Allemagne 25 (1993), pp. 565-580 ; Georges-Henri Soutou, L’alliance incertaine. Les rapports politico-stratégiques franco-allemands 1954-1996, Paris, Fayard, 1996, p. 26 sq.
118 Ainsi s’exprima-t-il dans une conversation avec le Haut Commissaire André François-Poncet du 15.11.1954 ; télégramme n° 5638-43, 16.11.1954, AMAE, Europe 1944-1960, Généralités, vol. 115, p. 179.
119 François-Poncet à Mendès France, 18.11.1954, n° 2631 : L’opinion allemande et la démission de M. Monnet, ibid., pp. 181-185 ; Frankfurter Allgemeine Zeitung, 19.11.1954 : « Was beabsichtigt Monnet ? »
120 BDI, Jahresbericht 1954/55, p. 23 ; Rapport mensuel de François-Poncet du 30.1.1955, in Bock (éd.) (voir n. 11), p. 1327 ; Werner Bührer, « Der BDI und die Auẞenpolitik der Bundesrepublik in den fünfziger Jahren », in Vierteljahrshefte für Zeitgeschichte 40 (1992), pp. 241-261.
121 François-Poncet à Mendès France, 18.12.1954, n° 2940, AMAE, Europe 1944-1960, Généralités, vol. 115, pp. 192-193.
122 Jean-Marie Palayret, « Jean Monnet, la Haute Autorité de la CECA face au problème de la reconcentration de la sidérurgie de la Ruhr (1950-1958) » in Revue d’Histoire diplomatique 105 (1991), pp. 307-348 ; William Diebold Jr., The Schuman Plan. A Study in Economie Coopération 1950-1959, New York 1959, pp. 350-403.
123 BA, NL Blankenhom, vol. 40, pp. 175-176.
124 Ibid.
125 Dagboek/Joumal de Max Kohnstamm, 7.2.1955 ; Dépôt 4, Archives Historiques des Communautés Européennes, Florence. (Transcription du texte en langue néerlandaise par Thierry E. Mommens ; traduction de la citation A.W.).
126 Adenauer à Heuss, 22.5.1955, in Adenauer, Briefe 1953-1955, Hans Peter Mensing (réd.), Berlin 1995, n° 250, p. 288.
127 Pour une présentation plus large de la question, voir : Hanns Jürgen Küsters, Die Gründung der Europaischen Wirtschaftsgemeinschaft, Baden-Baden 1982, p. 33 sq. ; Idem, « Zwischen Vormarsch und Schlaganfall. Das Projekt der Europaischen Politischen Gemeinschaft und die Haltung der Bundesrepublik Deutschland (1951-1954) », in Gilbert Trausch (Hg.), The European Intégration from the Schuman Plan to the Treaties of Rome, Baden-Baden et al., Nomos et al., 1993, pp. 259-293.
128 Sur le point de vue d’Erhard, voir : Volker Hentschel, Ludwig Erhard. Ein Politikerleben, Munich, Landsberg am Lech 1996, p. 211 sq. et passim ; Volkhard Laitenberger, Ludwig Erhard. Der Nationalökonom als Politiker, Gôttingen, Zürich 1986, p. 127-137
129 Erhard à Adenauer, 18.10.1954, in BDFD II (voir n. 5), n° 101.
130 Anregungen des Bundesministers für Wirtschaft zu einer Ko-operation auf dem Gebiete der Rüstung im Rahmen der Westeuropàischen Union, BA, NL Blankenhom, vol. 39, pp. 81-86.
131 Ludwig Erhard, discours au Club « Les Échos », Paris, 7.12.1954, in BDFD II (voir n. 5), n° 207.
132 Texte in ibid., n° 208 ; on y trouvera également la lettre d’accompagnement d’Adenauer du 25.3.1955 (p. 721) ; Erhard à Monnet, 25.3.1955, archives de la Ludwig-Erhard-Stiftung, Bonn, NL Erhard, I 4) 53.
133 Vice-président Etzel, note du 22.4.1955, BDFD II (voir n. 5), n° 210.
134 Secrétaire d’État Hallstein, note du 30.3.1955, BDFD I (voir n. 9), n° 176.
135 Pierre Uri, Premières réflexions sur le document intitulé « Considérations sur le problème de la Coopération ou de l’intégration, 5.4.1955, archives Historiques des Communautés Européennes, Florence (AHCE), Dépôt Uri, vol. 53.
136 Dagboek/Joumal Kohnstamm, 12.4.1955.
137 Adenauer à Erhard, 13.4.1955, in Adenauer, Briefe 1953-1955 (voir n. 127), n° 232.
138 Die Kabinettsprotokolle der Bundesregierung 1955, Michael Hollmann et Kai von Jena (réd.), Munich 1997, passim.
139 Pour la perspective de l’ancien directeur de cabinet de Spaak, voir : Robert Rothschild, Un Phénix nommé Europe. Mémoires 1945-1995, Bruxelles, Racine, 1997, pp. 151-164.
140 Voir n. 123.
141 Note sur les modalités de réalisation de la prochaine étape de l’intégration européenne, 25.1.1955, AHCE, Dépôt Uri, vol. 79. Cette note de sept pages n’est pas signée, mais a très probablement été rédigée par Uri. Elle porte des corrections manuscrites de la plume de Monnet.
142 Voir aussi l’intervention de Jacques Van Helmont in Enrico Serra (éd.), Il rilancio dell’Europa e i Trattati di Roma, Bruxelles et al., Bruylant et al., 1989, p. 164.
143 Pierre Uri, Penser pour l’action. Un fondateur de l’Europe, Paris, Odile Jacob, 1991, p. 112 ; Duchéne, Monnet, p. 264 ; Peter Weilemann, Die Anfange der Europaischen Atomgemeinschaft. Zur Gründungsgeschichte von Euratom 1955-1957, Baden-Baden 1983, p. 25 sq. ; Henri Teissier du Cros, Louis Armand. Visionnaire de la modernité, Paris, Odile Jacob, 1987, pp. 238-241.
144 Texte in Documents Diplomatiques Français (DDF) 1955,1.1, n° 171 (Annexe) ; voir également Paul-Henri Spaak, Combats inachevés, t. II : De l’espoir aux déceptions, Paris, Fayard, 1969, pp. 61-65. Selon Rothschild, la lettre fut rédigée le 2.4.1955 : Rothschild (voir n. 139), p. 158.
145 FJME, Agenda Monnet. Son agenda et ses « Notes roses » ne font que mentionner ces rencontres, sans fournir une quelconque information supplémentaire.
146 Pierre Gerbet, « La relance européenne jusqu’à la conférence de Messine », in Serra (éd.) (voir n. 142), pp. 61-91 ; Anjo G. Harryvan, Albert E. Kersten, « The Netherlands, Benelux and the relance européenne 1954 – 1955 », ibid., pp. 125-157, ici : p. 146 sq. ; Gérard Bossuat, L’Europe des Français 1943-1959. La IVe République aux sources de l’Europe communautaire, Paris, Publications de la Sorbonne, 1996, pp. 261-289.
147 Uri (voir n. 143), p. 114 sq. ; voir aussi : Intervention de Pierre Uri, in Serra (éd.) (voir n. 142), p. 166.
148 Monnet, Mémoires, p. 472.
149 Adenauer, Briefe 1953-1955 (voir n. 126), n° 237. En même temps, Erhard fut prié « de faire étudier confidentiellement quelles conséquences économiques aurait pour nous une réalisation de la totalité ou d’une partie des propositions de Monnet » : Adenauer à Erhard, 13.4.1955, ibid., n° 232.
150 Texte in Pierre Uri, Fragments de politique économique, Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble, 1989, pp. 199-203.
151 L’exemplaire conservé aux archives du ministère fédéral des Affaires étrangères est daté du 14.4.1955 et porte l’ajout manuscrit « proposition de Monnet », PAAA, Abt. 2, vol. 900, pp. 8-12.
152 Etzel à Monnet, 27.4.1955 (rédigée en français), en annexe : Entretien survenu entre M. Müller-Armack et M. Etzel le 26 avril 1955 à Baden-Baden, AHCE, Dépôt Uri, vol. 79 ; FJME, AMK C 1/12/2 et AMK C 1/12/3.
153 Note, Wiederaufnahme der europàischen Intégration, s. d. [29.4.1955], PAAA, Abt. 2, vol. 900, pp. 25-31.
154 Note, Zur Sitzung des Auswdrtigen Ausschusses vom 3. Mai 1955, 18.00 Uhr, ibid., pp. 34-39.
155 Niederschrift über die Besprechung vom 29.4.1955, B A, NL Blankenhorn, vol. 45b, pp. 2-20. Voir également les discussions sur des questions économiques menées par les experts des deux pays ; compte-rendu in BDFD II (voir n. 5), n° 130.
156 Le projet est décrit de façon fort détaillée in Adenauer, Erinnerungen III, pp. 23-26.
157 Alfred Müller-armack, Auf dem Weg nach Europa. Erinnerungen und Ausblicke, Tübingen 1971, pp. 96-100 ; Hans von der Groeben, Deutschland und Europa in einem unruhigen Jahrhundert. Erlebnisse und Betrachtungen, Baden-Baden 1995, pp. 273-274.
158 Texte définitif du mémorandum allemand in BDFD II (voir n. 5), n° 215.
159 Note de Ophüls pour le Secrétaire d’État (Hallstein), 24.5.1955, PAAA, Abt. 2, vol. 900, pp. 58-59.
160 Protokoll der Ressortbesprechung vom 26. Mai 1955 im Auswârtigen Amt betreffend Fortführung der Intégration, ibid., pp. 100-105.
161 Spierenburg, Poidevin (voir n. 22), pp. 308-321.
162 Etzel à Adenauer, 28.12.1854 et 11.11.1955, PAAA, B 13, vol. 41.
163 François-Poncet à Pinay, 12.3.1955, n° 790, AMAE, Europe 1944-1960, Généralités, vol. 115, pp. 221-222.
164 Protokoll der Besprechung Adenauers mit den Botschaftern Blankenhorn, von Herwarth, Krekeler und Frh. von Maltzan sowie Staatssekretar Hallstein in Bühlerhôhe am 25.5.1955, BA, NL Blankenhorn, vol. 41b, pp. 56-62, ici : p. 56.
165 Hallstein à Etzel, télégramme n° 25, 13.5.1955, BA, NL Etzel, vol. 255.
166 Réunion du 25.5.1955 (voir n. 164), p. 56. Voir également François-Poncet au ministère des Affaires étrangères, télégramme n° 2080, 27.5.1955, AMAE, Europe 1944-1960, Généralités, vol. 115, p. 253 : « Le Gouvernement Federal est partisan de la réélection de M. Jean Monnet et c’est, sans doute, la position que prendra M. Hallstein à Taormina. Cependant le Chancelier Adenauer ne m’a pas caché qu’il considérait la seconde lettre de M. Monnet comme fâcheuse ; la première aussi, a-t-il ajouté. »
167 Ermàchtigung durch Herrn Bundeskanzler fiir Messina, sans date (mention de réception 26.5.1955), PAAA, Abt. 2, vol. 900, pp. 56-57.
168 Protocole détaillé de la séance du conseil des ministres in Kabinettsprotokolle 1955, pp. 326-329. Les documents disponibles n’apportent ainsi aucune confirmation de l’affirmation de Faure selon laquelle Adenauer aurait témoigné d’une certaine hostilité à l’égard de la candidature de Monnet : Edgar Faure, Si tel doit être mon destin ce soir... Mémoires II, Paris, Plon, 1984, p. 210.
169 Adenauer, Erinnerungen III, p. 30.
170 Monnet à Adenauer, 31.5.1955, PAAA, Abt. 2, vol. 902, p. 119 sq.
171 Note du 31.5.1955, ibid., pp. 121-123.
172 Adenauer à Monnet, 1.6.1955, ibid., p. 118.
173 Compte-rendu de la conversation correspondante in Kohnstamm, Dagboek/Journal, 21.4.1955.
174 On trouvera le texte de ces mémorandums, ainsi que celui du mémorandum italien et des résolutions de Messine in L’Année politique 1955, pp. 714-719. Extraits des déclarations de Hallstein et de Pinay du 2.6.1955, in BDFD II (voir n. 5), n° 216.
175 Kurzprotokoll über die Ressortbesprechung vom 20.6.1955 im Auswartigen Amt, PAAA, Abt. 2, vol. 901, pp. 140-147.
176 Lettre circulaire de Hallstein, 6.7.1955, n° 225-00/7961/55, PAAA, Abt. 2, vol. 902, pp. 92-95.
177 Etzel à Globke, Secrétaire d’État à la chancellerie, 17.6.1955, BA, B 136, vol. 1 310, pp. 67-68.
178 Séance du 6.7.1955, in Kabinettsprotokolle 1955, pp. 405-406.
179 Niederschrift über die Besprechung am Donnerstag, dem 7. Juli 1955 unter Vorsitz des Vizekanzlers Dr. Blücher im Hause Carstanjen betr. Weisung an den deutschen Vertreter bei der Vorbereitung der Brüsseler Vorkonferenz, BA, B 136, vol. 1310, pp. 79-91.
180 Ibid.
181 Voir DDF 1955, t. II, n° 13, 48, 151, 179, 297 ; BDFD II (voir n. 5), n° 218-220. Sur l’ensemble de la question, cf. Küsters, Gründung (voir n. 127), p. 145 sq. ; Wilfried Loth, « Deutsche und französische Interessen auf dem Weg zu EWG und Euratom », in Andréas Wilkens (éd.), Die deutsch-franzôsischen Wirtschaftsbeziehungen 1945-1960, Sigmaringen 1997, pp. 171-187.
182 Pierre Guillen, « La France et la négociation du traité d’Euratom », in Relations internationales 44 (1985), pp. 391-412.
183 Lawrence Scheinman, Atomic Energy Policy in France under the Fourth Republic, Princeton 1965, pp. 129-165 ; Georges-Henri Soutou, « Pierre Guillaumat, le CEA et le nucléaire civil », in Georges-Henri Soutou, Alain Beltran (éd.), Pierre Guillaumat, la passion des grands projets industriels, Paris, Éd. Rive Droite, 1995, pp. 97-129.
184 Peter Fischer, Atomenergie und staatliches Interesse : Die Anfange der Atompolitik in der Bundesrepublik Deutschland 1949-1955, Baden-Baden 1994 ; Michael Eckert, « Kem-energie und Westintegration. Die Zähmung des westdeutschen Nukleamationalismus », in Ludolf Herbst, Wemer Bührer, Hanno Sowade (éd.), Vom Marshallplan zur EWG. Die Eingliederung der Bundesrepublik Deutschland in die westliche Welt, Munich 1990, pp. 313-334.
185 Franz Josef Straub, « Deutschland im friedlichen Atomwettkampf, in Süddeutsche Zeitung, 10./11.12.1955 ; Idem, « Der Eintritt Deutschlands in die Atom – Nutzung », in Bulletin des Presse- und Informationsamtes der Bundesregierung, 27.11.1956, n° 19, p. 153 (par la suite : Bulletin).
186 Franz Josef Straub, Die Erinnerungen, Berlin 1989, p. 232.
187 Entretien entre StrauB et l’ambassadeur américain Conant du 4.11.1995, FRUS 1955- 1957, t. IV, pp. 344-346 ; Franz Josef Straub, « Die Atom-Plane der Bundesrepublik », in Bulletin, 9.12.1955, n° 231, pp. 1965-1966.
188 Christian Deubner, Die Atompolitik der westdeutschen Industrie und die Gründung von Euratom, Francfort-sur-le-Main 1977, pp. 66-80.
189 Sur les conversations du 25.10. et du 17.12.1955 entre Monnet et Dulles, voir FRUS 1955-1957, t. IV, p. 337 sq. et 367 sq. Alors que le State Department favorisait la position de Monnet, la AEC préférait les accords bilatéraux qui lui paraissaient faciliter les contrôles. Voir entre autres « Mémorandum prepared in the Office of European Regional Affairs », 6.12.1955 in FRUS 1955-1957, t. IV, pp. 355-360.
190 Fischer (voir n. 184), p. 276 ; Gemeinsame Kabinettvorlage des Bundesministers des Auswartigen und des Bundesministers für Atomfragen, 16.12.1955, BA, B 136, vol. 1310, pp. 281-290.
191 Selon un rapport de Dulles rédigé après une conversation avec Spaak le 17.12.1955, in FRUS 1955-1957, t. IV, pp. 369-371. Voir également le compte-rendu de la conversation entre Spaak et StrauB du 14.11.1955, BA, B 138, vol. 721.
192 Voir, sur l’ensemble de la question : Pascal Fontaine, Le Comité d’action pour les Etats-Unis d’Europe de Jean Monnet, Lausanne, Centre de recherches européennes, 1974 ; Jean Meynaud, Dusan Sidjanski, « Le Comité d’Action pour les États-Unis d’Europe », in Annuaire européen 13 (1965), pp. 3-27 ; Walter Yondorf, « Monnet and the Action Committee. The Formative Period of the European Communities », in International Organization 19 (1965), pp. 885-912.
193 Ollenhauer à Monnet, 27.7.1955, FJME, AMK 2/6/8 ; Monnet, Mémoires, p. 482 sq. ; voir également la lettre ouverte de Jean Monnet à Herbert Wehner : « Demokratische Kontrolle, soziale Perspektive », in Die Zeit, 13.10.1972.
194 Rudolf Hrbek, Die SPD – Deutschland und Europa. Die Haltung der Sozialdemokratie zum Verhältnis von Deutschland-Politik und West-Integration (1945-1957), Bonn 1972, pp. 244-285 ; William E. Paterson, The SPD and European Intégration, Westmead, Lexington (Mass.) 1974, pp. 115-139.
195 Ainsi, entre autres, Kurt Georg Kiesinger en parlant de la troisième réunion du Comité de Monnet devant le comité exécutif fédéral de la CDU le 23.11.1956, in Adenauer : « Wir haben wirklich etwas geschajfen ». Die Protokolle des CDU-Bundesvorstands 1953- 1957, Giinter Buçhstab (réd.), Düsseldorf 1990, p. 1131.
196 Note d’Éric Westphal, Euratom, Marché commun et Comité d’action pour les États-Unis, s.d. (janvier 1958), 25 p., FJME, AMK 1/1/6.
197 Interview dans Le Monde du 16.6.1955.
198 Exposé de M. Jean Monnet à la première réunion du Comité d’action pour les États-Unis d’Europe, FJME, AMK 4/3/8.
199 Hans Furler, Notizen über die Sitzungen des Aktionskomitees für die Vereinigten Staaten von Europa (Atomgemeinschaft-Monnet) am 17. und 18. Januar in Paris, PAAA, Abt. 2, vol. 887, pp. 116-130. Furler assista à cette réunion en remplacement de Kiesinger.
200 Rapport de Ollenhauer devant le groupe parlementaire du SPD et de sa présidence, le 30./31.1.1956, in Die SPD-Fraktion im Deutschen Bundestag. Sitzungsprotokolle 1949-1957 ; t. 2 : 182.-328. Sitzung 1953-1957, Petra Weber (réd.), Düsseldorf 1993, p. 271.
201 Recueil des communiqués et déclarations du Comité d’action pour les États-Unis d’Europe 1955-1965, Lausanne, Centre de Recherches européennes, 1965, pp. 17-22.
202 La motion correspondante avait été présentée par les groupes parlementaires CDU/CSU, SPD, GB/BHE, DP et DA : Deutscher Bundestag, 2. Wahlperiode, Drucksache n° 2 229 du 19.3.1956 ; le débat in Verhandlungen des Deutschen Bundestages, Sténographische Berichte, 22.3.1956, pp. 7069-7109.
203 Fischer (voir n. 184), p. 281.
204 Karl Carstens, Ministerialdirigent à l’Auswartiges Amt, Aufzeichnung betr. Einbringung der Entschlieβung des Monnet-Komitees für die Vereinigten Staaten von Europa im Bundestag, 24.2.1956, PAAA, Abt. 2, vol. 38.
205 Protokollnotiz über eine Besprechung betreffend die Monnet-Resolution, 2.2.1956, participants : StrauB, von Bismarck, Furler, Lenz (en partie), Schwarz et Liebermann, BA, B 138, vol. 721.
206 Texte in Adenauer, Erinnerungen III, pp. 253-255 ; BDFD I (voir n. 9), n° 180 ; voir également Hans-Peter Schwarz, Adenauer, t. 2 : Der Staatsmann 1952-1967, Stuttgart 1991, p. 288 sq.
207 Kabinetsprotokolle 1955, pp. 698-699.
208 Erhard à Adenauer, 11.4.1956, Archives de la Ludwig-Erhard-Stiftung, NL Erhard I 1) 4. Voir également Daniel Koerfer, Kampf ums Kanzleramt : Erhard und Adenauer, 2e éd., Stuttgart 1988, p. 138 ; Hentschel (voir n. 128), pp. 228-235.
209 Adenauer, Erinnerungen 111, p. 253.
210 Berg à Adenauer, 4.2.1956, BA, B 136, vol. 1310, pp. 302-304. La lettre du président de la Wirtschaftsvereinigung Eisen- und Stahlindustrie à Adenauer du 1.3.1956 relève du même esprit, ibid., pp. 339-340.
211 Wilhelm A. Menne, président du comité d’études pour les questions atomiques du BDI au ministre des Affaires étrangères von Brentano, 22.5.1956, BA, B 138, vol. 721 (copie).
212 Dans sa lettre de réponse du 12.3.1956, Adenauer écrivit à Berg : « A l’approche de la ratification d’un traité sur Euratom, des résultats visibles dans le domaine du Marché commun devront avoir été obtenus et l’on devra pouvoir reconnaître une ferme volonté générale de ne pas s’en tenir à une intégration partielle ». B A, B 136, vol. 1310, pp. 379-380. Adenauer avait, par ailleurs, donné comme directive qu’Euratom n’était « pas envisageable » sans le Marché commun dès le conseil des ministres du 10.2.1956 (extrait de : Kurzprotokoll über die 119. Kabinettssitzung, BA, NL Carstens, vol. 642).
213 Voir le « KabinettsbeschluB » du gouvernement fédéral du 9.5.1956, BA, NL Carstens, vol. 642.
214 Dagboek/Joumal Kohnstamm, 25.2.1956.
215 Küsters, Gründung (voir n. 127), p. 271 sq.
216 Journal officiel, Ass. Nat., Déb. pari., 1956, pp. 3382-3385. Mollet avait informé Monnet de ses intentions dès février 1956 : Van Helmont (voir n. 22), p. 62. Pour le point de vue de l’industrie nucléaire française, voir : Bertrand Goldschmidt, Le complexe atomique. Histoire politique de l’énergie nucléaire, Paris, Fayard, 1980, p. 151 ; idem, L’aventure atomique. Ses aspects politiques et techniques, Paris, Fayard, 1962, pp. 128-135.
217 Pour une vue d’ensemble cf. : Dominique Mongin, La bombe atomique française 1945-1958, Bruxelles, Bruylant, 1997, ici : pp. 397-403, 431-435 ; voir aussi : Général Charles Ailleret, « De l’Euratom au programme atomique national », in Revue de Défense nationale 12 (1956), p. 1 319-1 327.
218 Entretien Monnet-Kohnstamm-Barnett, 14.7.1956, FRUS 1955-1957, t. IV, pp. 453-455.
219 FRUS 1955-1957, t. IV, pp. 435-441 (entretiens du 14.5.1956).
220 Entretien Dulles-Adenauer, 12.6.1956, FRUS 1955-1957, t. IV, pp. 446-447.
221 Dagboek/Joumal Kohnstamm, 16.7.1956.
222 Protokoll der Verhandlungen des Parteitages der Sozialdemokratischen Partei Deutschlands vont 10. bis 14. Juli 1956 in München, Bonn, s. d. (1956), pp. 357-362.
223 Compte-rendu de la session des 19 et 20 Juillet 1956, FJME, AMK 5/3/26.
224 Note de Herbert Wehner, « Das Aktionskomitec Jean Monnets und die Entwicklung von Euratom », 21.7.1956, reproduit in BDFD III : Parteien, Ôffentlichkeit, Kultur, Herbert Elzer (réd.), Munich 1997, n° 170.
225 Max Kohnstamm, Notizfür Herm Etzel, Gesprach über Euratom und den Gemeinsamen Markt, 3.9.1956, FJME, AMK C 1/12/13. (L’analyse devait servir à la préparation d’un entretien, probablement entre Monnet et Etzel).
226 Dagboek/Joumal Kohnstamm, 18.7.1956.
227 Von der Groeben (voir n. 157), p. 281 ; voir également Küsters, Gründung (voir n. 127), pp. 310-311 ; Jean François Deniau, L’Europe interdite, Paris, Seuil, 1977, pp. 13-14.
228 Monnet à Adenauer, 13.9.1956, FJME, AMK C 9/1/10 ; Adenauer à Monnet, 24.9.1956, FJME, AMK C 9/1/11. Voir également la résolution de la réunion du 19.– 20.9.1956, in Recueil des communiqués et déclarations (voir n. 201), pp. 25-32.
229 Konrad Adenauer, Reden 1917-1967. Eine Auswahl, Hans-Peter Schwarz (éd.), Stuttgart 1975, pp. 327-332.
230 Pour la réaction d’Adenauer voir Adenauer, Erinnerungen III, pp. 197-214 ; Schwarz (voir n. 206), pp. 291-296 ; Thob (voir n. 114), pp. 216-224 ; Hans-Gert Pöttering, Adenauer s Sicherheitspolitik 1955-1963. Ein Beitrag zum deutsch-amerikanischen Verhaltnis, Düsseldorf 1975, pp. 62-90 ; Detlef Felken, Dulles und Deutschland. Die amerikanische Deutschlandpolitik 1953-1959, Bonn, Berlin 1993, S. 364-381. Cf. aussi : Saki Dockrill, Eisenhower’s New-Look National Security Policy, 1953-61, Houndmills, New York 1996, p. 203 sq.
231 Auszug aus dem Kurzprotokoll der 155. Kabinettssitzung am 5.10.1956, BA, NL Etzel, vol. 84.
232 Pour le détail de la position d’Erhard, voir sa proposition écrite au conseil des ministres du 2.10.1956,I A 1-2761/56, in BDFD II (voir n. 5), n° 232, ainsi que sa lettre au ministre des Affaires étrangères von Brentano, 4.10.1956, ibid., n° 233.
233 Text du mémorandum in BDFD I (voir n. 9), n° 184 ; cf. aussi l’entretien Adenauer-Mollet du 29.9.1956, extrait du compte-rendu in BDFD II (voir n. 5), n° 231.
234 « Kurzprotokoll » (voir n. 231). Allant dans le même sens, le « Kurzprotokoll » de la même séance rédigé par Carstens pour le ministère des Affaires étrangères, BA, NL Carstens, vol. 643.
235 Voir à ce sujet les déclarations faites par Adenauer et StrauB au comité exécutif fédéral de la CDU du 20.9.1956, in Protokolle 1953-1957 (voir n. 195), pp. 1029-1031, 1073-1089. Pour une vue d’ensemble, voir, entre autres, Catherine Mcardle Kelleher, Germany and the Politics of Nuclear Weapons, New York 1975, pp. 33-59.
236 Note de Carstens, 29.10.1956, 20-120-224-00/42a/56 gll, BA, NL Carstens, vol. 643 ; protocole de la conférence in MAE 460 d/56eg, PAAA, Abt. 2, Bd. 907, Bl. 196-252.
237 Erhard à Adenauer, 25.9.1956, in BDFD II (voir n. 5), n° 229.
238 Robert Marjolin, Le travail d’une vie. Mémoires 1911-1986, Paris, Laffont, 1986, p. 286.
239 Karl Carstens, Erinnerungen und Erfahrungen, Kai von Jena et Reinhard Schoeckel (éd.), Boppard am Rhein 1993, p. 203 sq.
240 Ludwig Erhard, Entwurf eines europaischen Programms, annexe de la lettre de Erhard à Adenauer du 29.10.1956, L 4-1-284/56 geh., BA, NL Etzel, vol. 84 ; voir également les documents reproduits in BDFD II (voir n. 5), n° 237 et 238.
241 Dagboek/Joumal Kohnstamm, 31.10.1956.
242 Résumé du compromis : François Valéry, Ministère des Affaires étrangères, note du 9.11.1956, in BDFD II (voir n. 5), n° 236 (avec des indications bibliographiques supplémentaires). Reproduction textuelle des propositions des experts allemands et français in BDFD I (voir n. 9), n° 188. Voir également Karl Carstens, « Das Eingreifen Adenauers in die Europa-Verbandlungen im November 1956 », in Konrad Adenauer und seine Zeit. Politik und Persön-lichkeit des ersten Bundeskanzlers, t. 1 : Beiträge von Weg- und Zeitgenossen, Dieter Blumenwitz et al. (éd.), Stuttgart 1976, pp. 591-602 ; Christian Pineau, Christiane Rimbaud, Le grand pari. L’aventure du traité de Rome, Paris, Fayard, 1991, pp. 219-223.
243 Séance du conseil des ministres du 15.1.1957, Auszug aus dem Kurzprotokoll, BA, NL Carstens, vol. 644.
244 Dagboek/Journal Kohnstamm, 30.11., 11.12., 19.12. et 23.12.1956 ; Émile Noël, « Jean Monnet et la négociation d’Euratom (1956/1957) », in Témoignages à la Mémoire de Jean Monnet, Lausanne, Fondation Jean Monnet pour l’Europe, 1989, pp. 371-376.
245 DDF 1956, t. III, n° 210 ; Monnet, Mémoires, p. 494 ; Un objectif pour Euratom. Rapport présenté par Louis Armand, Franz Etzel et Francesco Giordani, S. 1., mai 1957.
246 Texte de la résolution in Recueil des communiqués et déclarations (voir n. 201), pp. 37-41.
247 Protokolle des Parteivorstands der SPD, Sitzung vom 30.5.1957, Archiv der sozialen Demokratie, Friedrich-Ebert-Stiftung, Bonn.
248 Dagboek/Joumal Kohnstamm, 25.6.1957 ; Monnet, Mémoires, p. 497.
249 Télégramme envoyé à M. Ollenhauer, 24.5.1957, FJME, AMK C 1/31/99.
250 SPD-Fraktion, Sitzungsprotokolle 1953-1957 (voir n. 200), séance du groupe parlementaire et de sa présidence du 24.6.1957, p. 427.
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