Science et guerre froide : la fondation d’une académie anticommuniste à Mayence ?
p. 365-374
Texte intégral
1Le 9 juillet 1949, des intellectuels allemands signaient l’acte de fondation de l’Académie des sciences et des lettres de Mayence1. Alors que naissait la République fédérale d’Allemagne, la capitale du jeune Land de Rhénanie-Palatinat acquérait en un temps record une dimension scientifique majeure. Petite ville provinciale, complètement en ruine à la fin de la guerre, Mayence, pour des raisons politiques et stratégiques, avait été dès le début de l’occupation l’objet de l’attention privilégiée du gouvernement militaire français. Principale ville rhénane en zone française, elle était le centre de gravité de la rive gauche du Rhin que les autorités françaises, pour des raisons de sécurité, avaient initialement voulu séparer du reste de l’Allemagne. À l’automne 1945, l’idée de donner aux Rhénans et aux Palatins un lieu pour former les futures élites de leur État autonome ou indépendant n’avait pas été complètement étrangère aux services culturels (Direction de l’Éducation publique ou DEP) du gouvernement militaire installé à Baden-Baden. Motivée par ces considérations politiques, mais aussi par le souci de fonder une institution nouvelle face à des universités traditionnelles jugées irréformables, la DEP avait créé de toutes pièces à Mayence, en mai 1946, l’université Jean Gutenberg2. Au moment de l’inauguration de cette université, les plus réalistes des responsables français – politiques, diplomates et militaires – avaient compris qu’il faudrait renoncer à l’exigence de séparation de la Rhénanie pour se rapprocher des alliés britannique et américain. Mais, dans ce qu’il est désormais convenu d’appeler la double politique allemande de la France3, à l’ambiguïté bien maîtrisée, Mayence resta au cœur de l’intérêt français. À l’été 1946, elle fut déclarée capitale politique du nouveau Land de Rhénanie-Palatinat, fondé le 30 août4. Moins de trois ans plus tard, soucieux d’asseoir son statut jusque-là précaire de capitale, les Français définirent un « programme pour notre action culturelle en Allemagne », presque exclusivement centré sur Mayence : des sommes considérables furent investies pour la restauration de son patrimoine culturel, et pour la création de deux institutions majeures qui, comme l’université, restent aujourd’hui des piliers importants de la vie scientifique allemande : l’institut d’histoire européenne et l’Académie des sciences et des lettres5. La fondation de ces deux établissements dans les soubresauts de la guerre froide et de la construction européenne concomitante permet de saisir les imbrications entre science et politique : l’Institut für Europäische Geschichte incarnait la volonté de mettre en relief le socle commun de l’« Occident chrétien » (Abendland)6. Les autorités françaises ont très vite compris qu’avec l’Akademie, l’anticommunisme – ciment « répulsif » fédérateur de l’Europe de l’Ouest – pouvait être mis en exergue7. Grâce à de nouvelles archives8, il est désormais possible d’analyser la fondation de l’Académie dans sa double dimension : une initiative privée de scientifiques allemands massivement soutenue par les autorités françaises, et d’appréhender la réaction du reste de la communauté scientifique allemande face à la création de cette institution au caractère ambigu.
Une initiative allemande venue d’un groupe de scientifiques allemands
2La conception du projet d’académie, en 1948-1949, fut exclusivement le fait d’une poignée d’intellectuels allemands. Le projet résulta de la concordance de plusieurs entreprises portées par des juristes, des physiciens, des mathématiciens – réunis autour d’Alexander Nikuradse de l’université technique de Munich –, et un noyau interdisciplinaire d’anciens membres de la prestigieuse Académie berlinoise, au sein duquel prédominaient les spécialistes de sciences humaines9. Carl August Emge, spécialiste de philosophie du droit et membre de l’Académie prussienne depuis 1939, se retrouva à l’intersection de ces différents cercles. En janvier 1949, il rencontra Helmuth Scheel, ancien directeur de l’Académie prussienne, et les deux hommes élaborèrent le premier projet d’académie. Une nouvelle étape fut franchie en avril 1949, lors d’un colloque organisé par Nikuradse à Munich, auquel participèrent les mathématiciens de l’Académie de Berlin, Karl Willy Wagner et Georg Hamel. Au plus tard en mai 1949, naquit l’idée d’adjoindre aux anciens membres de l’Académie de Berlin, les membres de l’Académie de Leipzig réfugiés à l’Ouest10.
3Quelles étaient les motivations de ce groupe de savants ? Scheel avait beau affirmer que la plupart des membres étaient venus à l’Ouest en raison de la guerre11, un grand nombre d’entre eux étaient restés à Berlin et avaient même participé aux travaux de l’Académie désormais passée sous influence communiste, et rebaptisée « Académie allemande des sciences » (Deutsche Akademie der Wissenschaften)12. Mais une part des intellectuels allemands refusait désormais de travailler pour un régime communiste. Au cours de l’été 1945, Scheel aurait même tenté, vainement, de transférer l’Académie dans les secteurs occidentaux de Berlin13. Restait donc le passage à l’Ouest, où ces chercheurs se considéraient comme des « réfugiés14 ». L’anticommunisme, en ces années d’après-guerre, leur donnait une identité fondée en opposition au devenir est-allemand et représentait un élément de cohésion de la société ouest-allemande15. Les Occidentaux tirèrent parti de la venue de ces transfuges de zone soviétique : ainsi l’occupant français puisa-t-il abondamment dans ce vivier pour recruter le personnel enseignant de la nouvelle université de Mayence en 1946. C’était pour redonner une organisation et des possibilités de travail à cette « diaspora » que certains d’entre eux avaient alors songé à fonder une nouvelle académie16. La situation de ces académiciens était devenue précaire au lendemain de la réforme monétaire de 1948, quand la maison berlinoise, espérant peut-être les contraindre à revenir, cessa de verser les salaires des membres résidant à l’Ouest17.
4Les savants allemands à l’origine du projet ont pourtant sans cesse affirmé publiquement l’absence de toute hostilité à l’égard des académies de Berlin et de Leipzig18. Le physicien Nikuradse fut même « sacrifié » à Worms (refus de le compter parmi les membres fondateurs), en raison de ses origines géorgiennes et de son antisoviétisme prononcé, afin de ne pas compromettre d’éventuels contacts à venir avec les Russes et l’Académie allemande de « zone soviétique19 ». Malgré ces précautions, les fondateurs parlaient pourtant d’une Westakademie dans leur correspondance interne20. Le projet fut entouré de secret pour éviter de donner l’impression de rivaliser avec l’Académie berlinoise.
Un projet soutenu par les autorités françaises d’occupation
5Le 25 avril 1949, Carl August Emge fut invité à Baden-Baden par Raymond Schmittlein, directeur de l’Éducation publique du gouvernement militaire. Comme Schmittlein s’était enquis de savoir ce qui pouvait être entrepris en faveur du développement culturel et scientifique, Emge s’ouvrit de son projet d’académie21. Il savait qu’au contraire des autres zones occidentales, il n’existait pas d’institution de ce type dans la petite zone française. Il suggéra même une implantation à Baden-Baden, ce qui montre à quel point il s’en remettait à l’occupant, mais Schmittlein proposa alors Mayence, où ses services allaient bientôt être transférés22.
6Le chef de la DEP soutint ce projet parce qu’il s’inscrivait dans la politique rhénane de la France et symbolisait le choix de Paris dans la guerre froide : au côté de ses alliés occidentaux sur la scène internationale, la fin du tripartisme en politique intérieure. Il fallait reprendre l’initiative dans le domaine culturel et, au moment où l’ère du gouvernement militaire touchait à son terme, il était judicieux de soutenir un projet allemand et d’afficher la volonté de coopération franco-allemande. Aussi la nouvelle institution devait-elle avoir un programme ambitieux lui permettant de « se distinguer des petites académies locales ou régionales de Heidelberg, Göttingen et Munich23 ». Schmittlein voulait, selon sa propre formule, « concentrer en zone française l’effort intellectuel allemand24 ». Il promit donc son soutien, y compris financier, à cette entreprise, en affirmant vouloir se garder de toute immixtion25.
7Lors de cette visite à Baden-Baden, Emge rencontra encore l’écrivain Alfred Döblin, toujours en uniforme français bien qu’il eût quitté son poste au sein du gouvernement militaire26, qui préparait de son côté un projet d’Académie de la littérature, de la poésie et des arts. Emge et Döblin lièrent alors leurs deux plans, car il ne pouvait être question de fonder deux académies. De la part du gouvernement militaire français, soutenir ce projet élargi, c’était aussi rendre hommage à l’auteur de Berlin Alexanderplatz, ancien membre de l’Académie des arts de Berlin et opposant au régime national-socialiste (exilé en France en 1933).
8Au moment de la négociation franco-allemande du projet d’académie, les relations entre les Occidentaux et les Soviétiques étaient particulièrement tendues. Le blocus de Berlin avait encore accru la montée de l’anticommunisme à l’Ouest et le poids de l’anticommunisme dans la politique extérieure de la France. Et Schmittlein, dans une note de mars 1950, confia l’intérêt français qui sous-tendait cette entreprise :
La création de l’Académie des sciences et des lettres de Mayence (doit) contrebalancer l’influence soviétique parmi les intellectuels en élevant en face de l’Académie de Berlin soviétisée, une académie allemande dont la valeur et le prestige marquent bien de quel côté de l’Europe s’est orientée la pensée allemande27.
Prudent, il poursuivait :
On ne pourrait considérer comme de bonne politique la reconstitution, où que ce soit, de l’Académie des sciences de Berlin. Cette dernière existant toujours officiellement à Berlin et étant soutenue par les autorités soviétiques, la base légale d’une telle reconstitution paraît fort fragile et, de plus, inopportune politiquement. Elle grèverait en effet la nouvelle académie d’une hypothèque politique et lui conférerait dès le début un caractère d’agressivité qui ne pourrait en aucun cas convenir à une institution de ce genre28.
9Wagner se réjouit inconditionnellement de l’appui de Schmittlein et parla d’une fenêtre ouverte sur l’union de l’Europe de l’Ouest pendant que l’Académie de Berlin s’orientait toujours plus vers l’Est29. Mais inversement, cette instrumentalisation manifeste de l’Académie et l’ambiguïté de la politique scientifique de Schmittlein ne laissèrent pas sans réaction le reste de la communauté scientifique allemande.
Les réactions allemandes et la polémique sur la fondation de l’Académie
10Au printemps 1949, lorsque les initiateurs du projet cherchèrent à contacter certains de leurs collègues pour entrer dans l’Académie, ils se heurtèrent parfois à des attitudes attentistes, négatives voire hostiles.
11Parmi les opposants farouches au projet se trouvaient des membres de la Deutsche Akademie der Wissenschaften de Berlin-Est, en premier lieu le philologue Johannes Stroux, recteur de l’université de Berlin (bientôt dénommée Humboldt-Universität) et président de l’Académie30. Sans appartenir officiellement à aucun parti, Stroux faisait partie de ce petit nombre d’universitaires « bourgeois », déjà en place avant 1945, qui se rallia au régime communiste et entretint des relations très étroites avec les autorités soviétiques31. Apprenant la fondation de l’académie mayençaise, il se rendit immédiatement au siège de l’administration militaire soviétique en Allemagne (SMAD), dénonça ce qui venait de se passer, indiqua que bon nombre de signataires étaient d’anciens membres de l’Académie prussienne (Carl August Emge, Georg Hamel, Helmuth Scheel, Friedrich Seewald, Franz Specht, Otmar von Verschuer, Karl Willy Wagner) et que certains d’entre eux s’étaient compromis, parfois gravement, avec le national-socialisme. La SMAD confirma que Emge et Verschuer avaient été exclus de l’Académie prussienne au printemps 1945 pour participation active au sein de la NSDAP (rappelons que Verschuer avait été le Doktorvater de Josef Mengele, médecin d’Auschwitz, avec lequel il était resté en contact pendant toute la guerre, exploitant dans son institut de la Kaiser-Wilhelm-Gesellschaft les pseudo-résultats des expériences que l’on sait)32. Le cas de Scheel est un peu différent. Certes le directeur de l’Académie prussienne était entré à la NSDAP en 1937, mais il en avait été membre passif exclusivement et put prouver être intervenu à plusieurs reprises en faveur de scientifiques en grande difficulté. Aussi, les autorités est-allemandes, en accord avec l’occupant soviétique, l’avaient-elles autorisé à rester en poste33. Les Soviétiques ne partagèrent pas les craintes de Stroux. Tout d’abord, il leur était impossible d’empêcher la fondation d’une académie en zone française. Ensuite, Berlin ne leur semblait pas pouvoir être concurrencé par Mayence34.
12Finalement, la fronde vint moins de l’Est que de l’Ouest. Ainsi, les scientifiques de Göttingen, fondateurs de la Max-Planck-Gesellschaft, le groupe des prix Nobel qui constituait alors la force de frappe scientifique allemande (Max von Laue, Werner Heisenberg, Otto Hahn), réagirent avec la plus extrême réserve à l’Académie mayençaise. Leur argument principal résidait dans le fait que la fondation d’une telle académie venait consolider encore la cassure entre Est et Ouest de l’Allemagne, et faire obstacle à une éventuelle réunification des zones35. L’Académie de Göttingen tenta de court-circuiter le projet en proposant d’accueillir en son sein, comme invités, les académiciens originaires de l’Est, une contre-proposition qui ne pouvait pas satisfaire les initiateurs du projet mayençais. Le président de l’Académie de Mayence, Karl Willy Wagner, lui répondit qu’en cas d’évolution politique, il serait possible de fusionner la nouvelle académie avec la maison berlinoise. Cette attitude mérite d’être soulignée. Elle reproduit ce qui venait de se passer quelques mois plus tôt, à l’été 1948, lors de la fondation par les Américains de l’Université libre (Freie Universität) à Berlin-Ouest. En effet, cette nouvelle université berlinoise, rivale de l’université Humboldt en secteur soviétique, était, elle aussi, un pur produit de la guerre froide36. Les universitaires allemands des trois zones occidentales, dans leur majorité, avaient alors redouté que la création de l’Université libre ne rejetât immanquablement l’ancienne université berlinoise dans le camp de l’Est. Le recteur de Göttingen, Ludwig Raiser, estimait que les Allemands étaient victimes du conflit entre alliés occidentaux et Soviétiques37.
13D’autres motifs encore expliquaient la grande réserve du cercle de Göttingen : la crainte de fonder un établissement au rabais, incompatible avec la tradition académicienne allemande, et surtout le soupçon d’une académie placée sous la tutelle de l’occupant. Wagner eut beau insister sur le caractère transitoire du soutien français38, il ne réussit guère à convaincre ses collègues qui entretenaient des relations très conflictuelles avec Schmittlein, en raison des obstacles que le chef de la DEP mettait à reconnaître l’autorité de la jeune Max-Planck-Gesellschaft, héritière de la Kaiser-Wilhelm-Gesellschaft, en zone française39. C’est également la crainte de la tutelle de l’occupant qui justifia le refus des scientifiques de Tübingen (Alfred Kühn, Adolf Butenandt, Max Hartmann), pourtant approchés, de participer à l’entreprise40. La réaction négative des membres de l’Académie de Munich reposait sur une analyse assez peu approfondie de la situation : les académiciens semblent avoir redouté une institution concurrente à prétention centralisatrice et, dans une attitude défensive, dénoncèrent surtout la présence d’une « classe de littérature », contraire à la tradition des académies des sciences en Allemagne, et les modalités de recrutement des membres41. Il faut se demander si les propos de Schmittlein, assez méprisants au sujet des « académies provinciales », n’avaient pas transpiré... Face à certaines attaques42, Scheel dut s’expliquer :
Aujourd’hui encore, on prétend que l’Académie serait un contrepoids à celle de Berlin. Ce n’est pas vrai. Les fondateurs n’en ont jamais eu l’intention, de même que l’institution mayençaise n’a jamais eu pour objectif de devenir une académie supérieure aux autres43.
14L’attitude de Scheel, prétendant être l’administrateur des biens de l’ancienne Académie prussienne dans l’Ouest de l’Allemagne (Treuhänder)44, devait contribuer à brouiller la situation, certains se demandant alors dans quelle mesure l’Académie mayençaise n’entendait pas être l’héritière de l’Académie prussienne. À la demande même du président de l’Académie de Mayence, Scheel dut préciser au milieu des années 1950 que ses fonctions de secrétaire général de l’Académie de Mayence et celle de Treuhänder, qu’il assumait à titre personnel, n’avaient rien à voir l’une avec l’autre45. Après ces éclaircissements, les relations s’améliorèrent tant avec les académies ouest-allemandes qu’avec la Deutsche Akademie de Berlin46. Des entretiens, qualifiés de cordiaux, eurent lieu à l’automne 1955 entre les deux orientalistes Helmuth Scheel, de Mayence, et Hermann Grapow, de Berlin-Est47. Ils ouvrirent la voie à des échanges de publications entre les deux académies48. À la fin des années 1950, les académies est-allemandes n’élevèrent pas d’objection à l’intégration de l’Académie mayençaise dans le groupe de travail (Arbeitsgemeinschaft) des académies ouest-allemandes49.
15La fondation de l’Académie de Mayence n’est pas une initiative gouvernementale, même si, en 1950, le Land de Rhénanie-Palatinat s’est engagé à en assurer le financement50. Cette création relève de l’initiative d’un groupe restreint d’intellectuels allemands, représentants de disciplines diverses. D’un point de vue politique, cette poignée de savants composait un panel curieux : des victimes du nazisme, tel Alfred Döblin, y côtoyaient des personnalités parfois lourdement compromises avec le régime national-socialiste, comme Otmar von Verschuer, mais toutes communiaient dans l’anticommunisme. Les fondateurs de la nouvelle académie furent dans leur grande majorité des « dissidents » de l’Académie berlinoise soviétisée. Dans le contexte de l’époque, cette initiative privée ne put aboutir qu’avec le soutien de la puissance d’occupation : cette nouvelle académie s’articulait fort bien dans la politique rhénane de la France et reflétait le poids désormais prépondérant de l’anticommunisme dans la politique extérieure de Paris : il était à la fois le ciment de la société ouest-allemande et celui de la construction européenne. Mais le soutien du gouvernement militaire français fut en lui-même problématique, cristallisant les hostilités. Le soupçon planait d’un établissement placé sous le contrôle de l’étranger. Si la Direction de l’Éducation publique était considérée comme une alliée par les concepteurs du projet, la plus grande partie de la communauté scientifique ouest-allemande voyait toujours en elle l’expression du contrôle et de la tutelle étrangère. Après l’expérience berlinoise de l’Université libre, l’Académie de Mayence devenait le symbole de la fracture de la communauté scientifique allemande au niveau national. Malgré tout, des contacts individuels furent maintenus, et de manière limitée, des liens institutionnels tissés entre l’Académie de Berlin et celle de Mayence dans les années 1950. Le souvenir d’une expérience commune au sein de l’Académie prussienne restait le point de ralliement d’un certain nombre d’académiciens de part et d’autre de l’Elbe.
Notes de bas de page
1 Ministère des Affaires étrangères, archives de l’occupation française en Allemagne et en Autriche (dépôt de Colmar) [désormais, MAE/Colmar], série Affaires culturelles [AC] 40 (5), note du 29 septembre 1949. Parmi les signataires figurent en particulier les onze membres fondateurs : Karl Willy Wagner, Georg Hamel, Friedrich Seewald, Otmar Freiherr von Verschuer, Paul Diepgen, Christian Eckert, Carl August Emge, Helmuth Scheel, Franz Specht, Alfred Döblin, Walter von Molo.
2 Cf. C. Defrance, La Politique culturelle de la France sur la rive gauche du Rhin, 1945-1955, Strasbourg, 1994, p. 33-74.
3 Cf. D. Hüser, Frankreichs « doppelte Deutschlandpolitik ». Dynamik aus der Defensive – Planen, Entscheiden, Umsetzen in gesellschaftlichen und wirtschaftlichen innen- und außenpolitischen Krisenzeiten 1944-1950, Berlin, 1996.
4 M. Kissener, Kleine Geschichte des Landes Rheinland-Pfalz, Karlsruhe, 2006.
5 Cf. C. Defrance, « Éléments d’une analyse de la politique culturelle française en Allemagne à travers son financement, 1945-1955 », Revue d’Allemagne et des pays de langue allemande, 23/4 (1991), p. 499-518.
6 Cf. W. Schulze, C. Defrance, Die Gründung des Instituts für Europäische Geschichte Mainz, Mayence, 1992. Cf. E. Schulin, « Universalgeschichte und abendländische Entwürfe », dans Geschichtswissenschaft um 1950, H. Duchhardt et G. May éd., Mayence, 2002, p. 49-64.
7 C. Defrance, « Les autorités françaises d’occupation face à la création de l’Académie des sciences et des lettres de Mayence, 1949-1955 », dans Von der Besatzungszeit zur deutsch-französischen Kooperation/De la période d’occupation à la coopération franco-allemande, J. Jurt éd., Fribourg-en-Brisgau, 1993, p. 169-188.
8 En 2002, j’ai pu avoir accès aux archives, naguère inaccessibles, de l’Académie. Elles permettent une meilleure prise en compte du projet allemand et de la relation des initiateurs de la nouvelle académie tant à l’occupant qu’au milieu intellectuel allemand. Je voudrais ici remercier le Dr Wulf Thommel, secrétaire général de l’Académie, qui m’a autorisée à consulter les archives de l’Académie, le professeur Ernst-Dieter Hehl, de l’Académie, qui m’a guidée dans ces archives ainsi que le professeur Heinz Duchhardt, directeur de l’institut d’histoire européenne de Mayence (Abteilung für Universalgeschichte), pour son soutien constant. Par ailleurs, les archives de la Berlin-Brandburgische Akademie der Wissenschaften, à Berlin, recèlent des dossiers importants sur le départ vers l’Ouest d’anciens membres de l’Académie prussienne.
9 Archives de l’Académie des sciences et des lettres [AWL/Mayence], 01.101/1, « Einrichtung eines Archivs über die Geschichte der Akademie », document de Emge, « Notizen zur Akademiegündung », 17 pages, non daté. Archives de la Berlin-Brandburgische Akademie der Wissenschaften de Berlin [désormais BBAW/Berlin], série Preußische Akademie der Wissenschaften nach 1945, 15, Korrespondenz, IV, T-Z, copie d’une lettre de Wagner à Emge, 18 mai 1949.
10 AWL/Mayence, 01.100/1, lettre de Nikuradse à Scheel, 25 mai 1949.
11 MAE/Colmar, AC 82 (6), « Denkschrift über die Akademie der Wissenschaften und der Literatur zu Mainz », février 1952.
12 Cf. H. Laitko, « Wissenschaftler im Berlin der frühen Nachkriegszeit. Bausteine und Fragestellungen zu einem Soziogramm », dans Wissenschaften und Wissenschaftspolitik. Bestandsaufnahmen zu Formationen, Brüchen und Kontinuitäten im Deutschland des 20. Jahrhunderts, R. vom Bruch, B. Kaderas éd., Stuttgart, 2002, p. 373-392. La Deutsche Akademie der Wissenschaften zu Berlin fut officiellement inaugurée le 1er juillet 1946 en zone soviétique. Cf. G. Dunken, Die Deutsche Akademie der Wissenschaften zu Berlin in Vergangenheit und Gegenwart, Berlin (RDA), 1960 ; M. Heinemann éd., Hochschuloffiziere und Wiederaufbau des Hochschulwesens in Deutschland, 1945-1949. Die sowjetische Besatzungszone, Berlin, 2000, p. 381-386 ; P. Nötzoldt, « Der Weg zur sozialistischen Forschungsakademie. Der Wandel des Akademiegedankens zwischen 1945 und 1968 », dans Naturwissenschaft und Technik in der DDR, D. Hoffmann, K. Macrakis éd., Berlin, 1997, p. 125-150.
13 BBAW/Berlin, série Preußsche Akademie der Wissenschaften nach 1945, 22, Weiterführung der Preußischen Akademie der Wissenschaften in der BRD, lettre de Scheel à l’avocat W. Hoepffner (Hambourg), 9 août 1954.
14 AWL/Mayence, 01.101/1, lettre de Wagner à von Laue, 23 juillet 1949.
15 Cf. Gesine Schwan, Antikommunismus und Antiamerikanismus in Deutschland : Kontinuität und Wandel nach 1945, Baden-Baden, 1999.
16 Landeshauptarchiv/Coblence [LHA/Colence], B 910, 5703, note du secrétaire général de l’Académie au ministre de l’Enseignement et des Cultes, 10 juillet 1951.
17 BBAW/Berlin, série Preußische Akademie der Wissenschaften nach 1945, 15, lettre de Wagner à Emge, 18 mai 1949. Dans le même dossier, lettre de Scheel à Wagner, 18 mai 1949.
18 AWL/Mayence, 01.101/1, lettre de Wagner à Möglich, 6 août 1949.
19 AWL/Mayence, 01.101/1, lettre de Wagner à Scheel, 5 août 1949.
20 AWL/Mayence, 01.101/1, lettre de Scheel à Emge, 19 avril 1949.
21 AWL/Mayence, 01.101/1, « Gedanken zur Gründung einer Akademie der Wissen-schaften », Emge, 27 avril 1949.
22 AWL/Mayence, 01.100/1, lettre de Wagner à Scheel, 17 juin 1949. MAE/Colmar, AC 82 (6), 29 septembre 1949, note de Raymond Schmittlein pour André François-Poncet.
23 MAE/Colmar, AC 82 (6), note du 22 mars 1950, signée Schmittlein.
24 Ibid.
25 AWL/Mayence, 01.101/1, « Einrichtung eines Archivs über die Geschichte der Akade-mie », document de Emge, « Notizen zur Akademiegündung », s.d.
26 Il avait été jusqu’en mars 1948 à la tête du bureau des Lettres de la DEP. Cf. A. Birkert, « Alfred Döblin im Dienst französischer Kulturpolitik in Deutschland », dans Frankreichs Kulturpolitik in Deutschland 1945-1950, F. Knipping, J. Le Rider éd., Tübingen, 1987, p. 182-187.
27 MAE/Colmar, AC 82 (6), note du 22 mars 1950, signée Schmittlein.
28 MAE/Colmar, AC 82 (6), 29 septembre 1949, note de Schmittlein pour l’ambassadeur.
29 BBAW/Berlin, série Preußische Akademie der Wissenschaften nach 1945, 15, lettre de Wagner à Emge, 18 mai 1949.
30 AWL/Mayence, 01.101/1, lettre de Scheel à Emge, 19 avril 1949.
31 Cf. R. Jessen, Akademische Elite und kommunistische Diktatur. Die Ostdeutsche Hochschullehrerschaft in der Ulbricht-Ära, Göttingen, 1999, p. 295-296. Cf. P. Nikitin, Zwischen Dogma und gesundem Menschenverstand. Wie ich die Universitäten der deutschen Besatzungszone sowjetisierte. Erinnerungen, Berlin, 1997, p. 63.
32 Cf. W. Hartkopf, Die Berliner Akademie der Wissenschaften. Ihre Mitglieder und Preisträger, 1700-1990, Berlin, 1992, p. 373. Voir aussi E. Klee, Auschwitz, die NS-Medizin und ihre Opfer, Francfort-sur-le-Main, 2002, p. 451 et suiv.
33 BBAW/Berlin, série Akademieleitung, 671, note du 3 juillet 1945 pour Stroux.
34 Cf. P. Nikitin, Zwischen Dogma…, op. cit., p. 157-158.
35 AWL/Mayence, 01.101/1, lettre de Laue à Wagner du 25 juillet 1949.
36 Cf. S. Lönnendonker, Freie Universität Berlin. Gründung einer politischen Universität, Berlin 1988 ; J.F. Tent, Freie Universität Berlin, 1948-1988. Eine deutsche Hochschule im Zeitgeschehen, Berlin, 1988.
37 Cf. C. Defrance, Les Alliés occidentaux et les universités allemandes, 1945-1949, Paris, 2000, p. 282 et suiv.
38 AWL/Mayence, 01.101/1, lettre de Wagner à Laue, 23 juillet 1949.
39 AWL/Mayence, 01.101/1, lettre de Laue à Wagner du 25 juillet 1949. Cf. M. Heinemann, « Der Wiederaufbau der Kaiser-Wilhelm-Gesellschaft und die Neugründung der Max-Planck-Gesellschaft 1945-1949 », dans Geschichte und Struktur der Kaiser-Wilhelm-/Max-Planck-Gesellschaft, R. Vierhaus, B. vom Brocke éd., Stuttgart, 1990, p. 407-470 ; C. Defrance, « La mission du CNRS en Allemagne (1945-1950) : entre exploitation et contrôle du potentiel scientifique allemand », La Revue pour l’histoire du CNRS, 5 (2001), p. 54-65.
40 AWL/Mayence, 01.101/1, lettre signée Kühn, Butenandt et Hartmann, à Wagner du 24 juillet 1949.
41 AWL/Mayence, 01.100/1, lettre de Franz Dölger à Wagner, 7 août et 4 septembre 1949.
42 LHA/Coblence, B 910, 5703, lettre du sénateur Landhal (Hambourg) à Mathilde Ganten-berg, 28 novembre 1949.
43 LHA/Coblence, B 910, 5703, 10 juillet 1951, lettre de Scheel au ministre du Land rhéno-palatin.
44 BBAW/Berlin, série Preußische Akademie der Wissenschaften nach 1945, 15, lettre de Scheel à Ernst Waldschmidt, professeur à Göttingen, 20 janvier 1949.
45 BBAW/Berlin, série Akademieleitung. Beziehungen zu fremden Institutionen, Persönlichkeiten… Akademie der Wissenschaften und Literatur Mainz, 471, protocole d’un entretien entre Grapow et Scheel, 24 novembre 1955.
46 BBAW/Berlin, série Akademieleitung, 471, lettre du professeur Volmer, Berlin, à Eduard Justi, Mayence, 20 avril 1956 et réponse de Justi du 27 avril 1956.
47 Ibid.
48 BBAW/Berlin, série Akademieleitung, 471, lettre du professeur Volmer, Berlin, à Eduard Justi, président de l’Académie des sciences et des lettres de Mayence, 20 avril 1956 ; réponse de Mayence du 27 avril 1956.
49 BBAW/Berlin, série Akademieleitung, 471, lettre du président de l’académie de Göttingen au professeur Werner Hartke, président de la Deutsche Akademie, Berlin, 9 mars 1959.
50 Le gouvernement rhéno-palatin finança l’Académie à partir de 1953, Landeshauptarchiv Coblence, B. 910, n° 4130, note du 9 mai 1955.
Auteur
-
Corine Defrance
CNRS, UMR IRICE (Identités, relations internationales et civilisations de l’Europe).
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
L’Europe des Français, 1943-1959
La IVe République aux sources de l’Europe communautaire
Gérard Bossuat
1997
Les identités européennes au XXe siècle
Diversités, convergences et solidarités
Robert Frank (dir.)
2004
Autour des morts de guerre
Maghreb - Moyen-Orient
Raphaëlle Branche, Nadine Picaudou et Pierre Vermeren (dir.)
2013
Capitales culturelles, capitales symboliques
Paris et les expériences européennes (XVIIIe-XXe siècles)
Christophe Charle et Daniel Roche (dir.)
2002
Au service de l’Europe
Crises et transformations sociopolitiques de la fonction publique européenne
Didier Georgakakis
2019
Diplomatie et religion
Au cœur de l’action culturelle de la France au XXe siècle
Gilles Ferragu et Florian Michel (dir.)
2016