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Diplomatie et grands contrats

 | 
Laurence Badel

Vendre, une nouvelle fonction diplomatique

Chapitre 9. La coopération, une déclinaison du « néobilatéralisme »

Texte intégral

  • 1 Extrait de la conférence de presse du général de Gaulle du 9 septembre 1965, dans Charles de Gaulle (...)
  • 2 Philip G. Cerny, Une politique de grandeur : aspects idéologiques de la politique extérieure de de (...)
  • 3 Frédéric Turpin, La politique française de coopération avec l’Afrique subsaharienne francophone au (...)
  • 4 François de Callières, De la manière de négocier avec les souverains. De l’utilité du choix des amb (...)
  • 5 Extrait de la conférence de presse du général de Gaulle du 9 septembre 1965, op. cit., p. 385.

1« En effet, l’indépendance ainsi recouvrée permet à la France de devenir, en dépit des idéologies et des hégémonies de colosses, malgré les passions et préventions des races, par-dessus les rivalités et les ambitions des nations, un champion de la coopération [...]1. » Lorsque le général de Gaulle employa le terme de « coopération » dans ce discours de 1965, il ne le fit pas dans le sens étroit qui lui est traditionnellement donné – la nature des relations nouvelles entre la France et les États africains décolonisés –, mais, usant de sa polysémie, il en fit l’expression d’une gestion nouvelle des relations bilatérales de l’État entrant dans la mondialisation des années 1960. « Principe opératoire » de la politique extérieure gaullienne2, élément de la politique de grandeur, déclinaison de la politique d’aide au développement, la coopération relève de logiques multiples3. En dépit du caractère vindicatif du verbe gaullien, elle participa d’une « transition douce vers d’autres formes d’expression de souveraineté4 ». Son champ d’application excéda la seule Afrique, comme le rappelait le président de la République dans la suite de son discours : « [...] Nous tendons à ce que ce soit le cas pour les divers pays de l’Amérique latine [...], où déjà le Mexique et, voici deux mois, le Chili [...] ont décidé de conjuguer leurs progrès avec les nôtres. [...] Nous souhaitons que ce soit le cas [...] pour les peuples de l’Orient [...]5 », même si la politique de coopération avec l’Afrique fut conçue comme un modèle. Dès lors, la coopération apparaît comme sise dans l’ensemble vaste du redéploiement des ambitions extérieures de la France après la Seconde Guerre mondiale, comme une composante de la politique d’expansion économique internationale qui se structura dans les décennies 1950 et 1960 et fut redéfinie au lendemain du premier choc pétrolier.

  • 6 Georges Sokoloff, Gérard Wild, « Les relations économiques de la France avec l’Est », chapitre 9 du (...)
  • 7 À l’exception de l’Albanie et de la RDA.
  • 8 Bertrand Nezeys, Les relations économiques extérieures, Paris, Economica, 2e éd., 1984, p. 152-153.

2Les pays de l’Est en furent le domaine géographique privilégié dans la seconde partie des années 1960. La diplomatie commerciale vint épauler le dialogue politique avec l’Union soviétique et les démocraties populaires, sécrétant sa propre logique au mépris parfois de toute logique financière. Pour la soutenir, la France mit en place à partir des années 1960 un système original, identifié de longue date, passant par « la participation à des "sommets" [...], par la mise en place d’instances intergouvernementales de coopération bilatérale [...], par l’extension, enfin, aux pays de l’Est, de nos formules générales de soutien public au financement des exportations6 ». Ce système n’a toutefois encore jamais été analysé. Il y eut, en fait, plusieurs vagues d’accords de coopération. Les premiers accords de coopération économique furent signés avec les États de l’Est européen de 1966 à 19697. Ils étaient d’une durée illimitée. Ils furent suivis d’une seconde série d’accords, dont la négociation débuta en 1971, qui touchèrent en premier lieu l’URSS, la Pologne, la République démocratique allemande (après sa reconnaissance officielle), la Bulgarie, la Hongrie, et dont la durée fut fixée à dix ans avec possibilité de reconduction tacite. Ces accords vinrent élargir le cadre d’échanges qui, relancés au lendemain de la mort de Staline, s’étaient incarnés jusqu’en 1966 dans des accords commerciaux faisant l’objet de protocoles annuels comportant la liste des produits à échanger, des stipulations sur les monnaies de règlement, etc.8. La troisième vague, engendrée par la recherche de l’indépendance énergétique, fut marquée par la diversification géographique et la conclusion d’accords de coopération sous des formes très diversifiées, avec des pays du Proche-Orient et divers pays en voie de développement.

  • 9 Denis Lacorne, « La politique de promotion des exportations ou le colbertisme dans les moyens en vu (...)
  • 10 Marie-Claude Smouts, « Valéry Giscard d’Estaing et le nouvel ordre économique international : une d (...)

3Dans ce cadre, l’importance que la France continua à attacher à une approche bilatérale des problèmes internationaux incite à nuancer la vision traditionnellement attachée à la présidence giscardienne, qui met l’accent sur la priorité donnée à une « diplomatie mondialiste9 » visant à modifier l’environnement international, à développer le dialogue Nord-Sud10 et à accroître la participation française à l’aide publique multilatérale. Or, cette diplomatie planétaire prolongeait en grande partie celle du général de Gaulle et de Georges Pompidou par sa volonté d’échapper au condominium américano-soviétique, par la multiplication des rencontres au sommet entre chefs d’État ou de gouvernement, ou encore en reprenant la proposition d’un dialogue euro-arabe lancée par Michel Jobert en novembre 1973 ou d’un dialogue Nord-Sud, évoquée par Georges Pompidou, à Poitiers en janvier 1974. En outre, l’instauration des sommets économiques entre les pays industrialisés, dont l’inauguration eut lieu à Rambouillet en novembre 1975, ne doit pas masquer la prédilection personnelle que Valéry Giscard d’Estaing manifesta, à l’instar de ses prédécesseurs, pour une approche bilatéralisée des rapports internationaux (outre le renforcement bien connu de l’axe franco-allemand, l’affermissement de l’axe franco-soviétique et le développement de l’axe franco-polonais en sont deux exemples en Europe). Ce goût, assumé dans ses écrits, est confirmé par le suivi qu’il a apporté à la gestion des dossiers commerciaux soumis par ses conseillers élyséens, Jean-Pierre Dutet et Guy de Panafieu.

La genèse de la coopération : le rapprochement avec les pays de l’Est

  • 11 Centre des archives économiques et financières de la France (CAEF), B 54 922, Pays de l’Est, sd. Eu (...)

4Ce rapprochement remontait au milieu des années 1950, lorsque l’État français entreprit de définir ses objectifs économiques vers les pays de l’Est. À cette date, il était symptomatique que l’identité de ceux-ci fût toujours appréhendée comme un bloc homogène (les « pays de l’Est »), structuré par le communisme. La liste établie par le quai Branly incluait l’URSS, la Pologne, la Tchécoslovaquie, la Hongrie, la Roumanie, la Bulgarie, l’Albanie et la Yougoslavie, ainsi que la Chine continentale et le Nord-Viêtnam11. L’exclusion de la Yougoslavie du Kominform le 28 juin 1948 la mettait un peu à part. Elle l’avait conduite à un rapprochement précoce avec les pays occidentaux, qui devinrent alors ses partenaires économiques les plus importants. La Yougoslavie entra au FMI le 24 mai 1949, obtint un poste d’observateur permanent à l’OECE le 25 février 1955 et put, dès lors, renouer des relations avec l’URSS sur la base de cette indépendance affirmée par rapport au bloc soviétique. Avec la France, les échanges étaient encadrés par un premier accord de paiement signé le 21 mai 1949, puis par une série d’accords commerciaux renouvelés annuellement.

  • 12 Centre d’accueil et de recherche des Archives nationales (CARAN), 5 AG 3/ 1089.

5À partir du 3 septembre 1951, l’accord sur les relations commerciales réciproques et le statut de la représentation commerciale de l’URSS en France fournissent un premier cadre à la relance des échanges avec la Russie12. Le 15 juillet 1953, un nouvel accord fut signé à Paris. La France était à cette date le deuxième partenaire occidental de l’URSS derrière le Royaume-Uni. Les échanges seraient dorénavant encadrés par des protocoles annuels, négociés par une commission mixte franco-soviétique. Le même jour, un accord de paiement fut signé qui prévoyait la création d’un compte destiné à retracer les échanges franco-soviétiques. Parallèlement, la normalisation des relations commerciales avec la Roumanie s’esquissa avec l’accord du 24 décembre 1954, signé pour trois ans.

  • 13 CAEF, B 54 922, Pays de l’Est, sd. Europe orientale. Ensemble, ssd. Relations économiques et financ (...)
  • 14 Ibid., note pour le ministre de la DREE/SAC5, du 27 mars 1956.
  • 15 Sur la naissance du Comité pour le commerce avec l’Est de l’économie allemande (Ostausschuβ der deu (...)
  • 16 CAEF, B 54 922, Pays de l’Est, sd. Europe orientale. Ensemble, ssd. Relations économiques et financ (...)
  • 17 Ibid., lettre de Max Fléchet à J. de Précigout, président du Syndicat français des textiles artific (...)
  • 18 Note de Bernard Clappier du 7 juillet 1956 citée par Arnaud Marty, Les acteurs publics de la diplom (...)

6Pour coordonner ces premières initiatives commerciales et les inscrire dans une politique globale, le quai Branly mit en place en octobre 1955, sous la présidence de Philippe Clément, une commission interministérielle destinée à centraliser les informations dont l’administration pouvait disposer13. Il se préoccupa également de lutter contre les positions de quasi-monopole acquises par certaines sociétés commerciales avec les pays de l’Est : l’activisme de la société Interagra de Jean-Baptiste Doumeng tant en URSS qu’en Chine était vu d’un mauvais œil. En 1956, l’administration envisagea de susciter la création d’une société qui serait spécialisée dans les opérations commerciales et financières avec l’Est14, à l’instar de ce que la RFA avait fait en 1952 en mettant sur pied l’Ostausschuβ15. En 1955, une société FRANCEST avait été créée, sous la forme d’une association, mais elle disposait de ressources minimes. Paribas avait le projet de monter une société d’économie mixte dans laquelle la Caisse des dépôts et consignations aurait participé au capital. L’idée fut abandonnée en 1958, mais l’administration entendait contrôler les intermédiaires français « politiquement marqués16 ». Elle se savait souveraine dans le contrôle des échanges dans la mesure où elle disposait du levier des licences d’exportation : aucune commande importante ne pouvait être acceptée par un industriel français sans qu’il se fût préalablement assuré auprès du bureau géographique correspondant de la DREE que les autorisations d’exportation pourraient bien lui être délivrées17. Or, les industriels français exerçaient, on l’a dit, une pression de plus en plus insistante en faveur d’un approfondissement des échanges avec l’URSS : une délégation soviétique en France rencontra en octobre 1956 les dirigeants des grandes entreprises exportatrices comme Schneider, Alsthom, la Société alsacienne de constructions mécaniques, etc.18. Un accord triennal fut conclu le 11 février 1957, premier accord engageant, depuis la fin de la guerre, les deux parties sur la durée. L’interpénétration des sphères bancaire, industrielle et étatique en ce milieu des années 1960 sembla dès lors renouer avec la situation de la décennie précédant la Première Guerre mondiale, quand les trois sphères marchèrent de conserve pour promouvoir le développement économique extérieur français. Mais au sein de l’appareil d’État des années 1960, les motivations étaient diverses : les enjeux géopolitiques liés aux transferts technologiques déterminaient les décisions prises par le ministère des Affaires étrangères, les enjeux commerciaux étaient au cœur de l’intérêt précoce manifesté par la DREE.

  • 19 CAEF, B 54 922, Pays de l’Est, sd. Europe orientale. Ensemble, ssd. Relations économiques et financ (...)
  • 20 Cf. chapitre 7, p. 270-271.

7Dans la première moitié des années 1960, la France signa une première série d’accords commerciaux avec les pays de l’Est qui commençaient à en augmenter la durée afin d’établir une base fixe permettant la définition d’une politique de long terme. Une commission mixte était appelée à veiller à leur application et à la définition de protocoles annuels. Après l’accord avec la Pologne du 26 novembre 1963, conclu pour deux ans, et celui avec la Tchécoslovaquie du 16 janvier 1964, l’accord commercial du 25 janvier 1964 avec la Yougoslavie marqua un nouveau tournant : il était conclu pour cinq ans et, pour la première fois, la France appliquait à un pays de l’Europe de l’Est les mesures de libération accordées aux pays membres de l’ex-OECE19. La même année, l’accord commercial conclu le 30 octobre avec l’URSS innova par son ambition – augmenter en valeur les échanges de plus de 60 % par rapport à la moyenne des cinq années antérieures –, par sa durée – il était signé pour cinq ans –, et, surtout, par le protocole financier destiné à financer les échanges qui mettait en place pour la première fois des crédits à moyen terme prolongé, d’une durée de sept ans20. La France signa dans la foulée un premier accord quinquennal avec la Roumanie en décembre 1964, avec la Tchécoslovaquie en janvier 1965 et avec la Pologne en juin 1965.

La définition des cadres de la coopération avec l’Union soviétique

  • 21 Marie-Pierre Rey, La tentation du rapprochement. France et URSS à l’heure de la détente (1964-1974)(...)
  • 22 Hubert Bonin, « L’émergence de la coopération industrielle, bancaire et commerciale franco-soviétiq (...)
  • 23 Marie-Pierre Rey, La tentation du rapprochement..., op. cit., p. 277-282.
  • 24 CAEF, B 54 922, Pays de l’Est, sd. Europe orientale. Ensemble, ssd. Relations économiques et financ (...)

8L’accord avec l’URSS préluda au rapprochement économique consacré par le voyage du président de la République Charles de Gaulle à Moscou, du 20 juin au 1er juillet 1966. Cet épisode est aujourd’hui bien connu21. Dans un contexte où la concurrence des autres pays ouest-européens était avivée – l’Italie venait de conclure en 1966 un contrat pour construire une usine à Togliatti grâce à l’ingénierie du groupe Fiat –, le voyage de 1966 mit en place les cadres de la coopération économique22. Une Grande et une Petite Commission furent créées pour la faire vivre23. Sur le plan administratif, son essor vint conforter le rôle central du quai Branly. Répondant à une demande de son ministre Michel Debré désireux de créer un secrétariat des négociations avec les pays de l’Est pour coordonner les activités des industriels et de l’administration, André Valls, le directeur de la DREE, fit valoir qu’au sein de sa direction, ce rôle était déjà tenu par le Bureau en charge des relations avec les pays de l’Est et la Chine. Ce dernier préparait effectivement les accords commerciaux, les travaux des commissions mixtes et servait d’intermédiaire dans les relations avec les milieux privés. A. Valls demanda que ce rôle fût reconnu en attribuant à la DREE le secrétariat de la Grande Commission, créée par la Déclaration du 30 juin24, ce qui lui fut accordé.

  • 25 Papiers privés de Bertrand Larrera de Morel (PPBLM), doss. CE1, sd. Relations bilatérales, dossier (...)

9La première grande opération française eut lieu six mois plus tard : l’entrée de la Régie Renault sur le marché soviétique. L’URSS, qui entendait développer le secteur des biens de consommation de longue durée, souhaitait créer deux nouvelles usines automobiles Moskvitch à Oufa et à Izevsk, et moderniser celle existant déjà à Moscou. Aux termes des accords conclus en octobre, Renault fournissait les équipements nécessaires à la modernisation de cette dernière et à l’installation de l’usine de montage d’Izevsk, ainsi que la fourniture de deux chaînes automatiques complètes d’usinage pour une usine de moteurs. Pour financer l’opération, le Crédit lyonnais et la Société générale signèrent un protocole le 28 octobre avec la Banque du commerce extérieur de l’URSS (Vnechtorgbank) dont la durée du crédit était fixée à huit ans et demi, sur la base d’un taux de 5,5 %. Il s’agissait d’une opération exceptionnelle par le montant des contrats, portés par étapes de 250 millions à 750 millions de francs, et dans la mesure où, selon les accords de 1964, le taux d’intérêt avait été fixé pour les opérations à caractère général à 5,95 %. La bonification d’intérêt s’était élevée à 0,45 96. Une seconde opération exceptionnelle eut lieu, durant cette période 1965-1969, lors de la vente de 12 cargos frigorifiques au taux de 5,60 %, impliquant une bonification de 0,35 %, pour un montant de 460 millions de francs25. Dans le cadre des accords d’octobre 1966, de très importantes commandes furent passées par l’URSS, et Renault s’enhardit sur ce nouveau marché. La conquête de celui-ci tint en grande partie à l’engagement étatique, mais aussi à la manière dont la Régie sut faire évoluer ses structures internes et sa stratégie commerciale.

  • 26 Entretien de Maurice Badiche avec Frédérique Kern. Cf. F. Kern, L’implantation de Renault dans les (...)
  • 27 F. Kern, L’implantation de Renault dans les pays de l’Est..., op. cit., p. 12-13.
  • 28 Ibid., p. 48-49.
  • 29 Marie-Pierre Rey, La tentation du rapprochement..., op. cit., p. 241.

10Depuis le milieu des années 1950, elle s’était tournée vers l’exportation. Pierre Dreyfus en était devenu le président en 1955, au lendemain de la mort accidentelle de Pierre Lefaucheux. En 1958, il créa avec Maurice Badiche la direction à l’exportation de la zone des pays de l’Est et en confia à ce dernier la responsabilité26. Sous leur impulsion, la Régie développa une gamme de voitures diversifiée, capable de s’adapter aux demandes variables selon les pays, et un réseau commercial très important qui atteignait en 1971 5 800 points de vente à l’étranger. Afin de pénétrer sur les marchés protégés de l’Est européen, elle élabora une stratégie fondée sur l’exportation de collections et la construction d’usines de fabrication ou de montage27. Dans ce dernier cas, il s’agissait d’y assembler des pièces fabriquées dans les usines de Billancourt. Par ailleurs, elle envoya sur le terrain des équipes destinées à comprendre le fonctionnement du système soviétique, le rôle des centrales d’achat et à expliquer aux Soviétiques le fonctionnement des entreprises occidentales, les aides dont Renault pouvait disposer, etc. La négociation était ensuite conduite par la direction commerciale d’exportation de Renault avec l’appui du Service financier. En 1971, la Régie créait la direction des usines extérieures (DUE) destinée à encadrer le développement industriel des usines de montage à l’étranger28. Les ventes de Renault à l’URSS eurent un effet d’entraînement sur de nombreux secteurs industriels : les contrats conclus profitèrent pour les trois quarts aux producteurs français de matériels de biens d’équipement. Sa situation privilégiée lui permit, à l’instar du Crédit lyonnais et de la Société générale, d’installer à Moscou un bureau de liaison. En revanche, la plupart des équipementiers durent continuer à s’appuyer sur le poste d’Expansion économique pour connaître les spécificités du marché soviétique29.

11En 1968, la France était devenue le premier État occidental fournisseur de l’URSS, devant Cuba, le Royaume-Uni et la Finlande. Les échanges de la période pompidolienne, aujourd’hui bien connus, donnèrent lieu au perfectionnement des procédures de financement qui les accompagnaient : accord commercial, puis protocole financier, puis protocole bancaire. Dans ce processus de négociation bilatérale, le quai Branly s’imposa comme le véritable maître d’œuvre, définissant les positions françaises, conduisant les négociations, frayant la voie aux protocoles bancaires et aux accords entre industriels français et centrales d’achat soviétiques. Les équipes qui se succédèrent au sein de la sous-direction clef des interventions financières eurent la responsabilité pendant plus de dix ans d’ajuster tous les mécanismes afin de maintenir, pour des raisons politiques et commerciales, l’Union soviétique dans sa situation de cliente privilégiée de la France au sein de l’ensemble des pays socialistes. Des pressions permanentes avaient lieu, de la négociation d’un accord financier à un autre, sur tous les leviers dont les partenaires disposaient : seuil de déclenchement des crédits, quotité des versements au comptant, incorporation des primes d’assurance-crédit dans les prix, durée des crédits, et, point essentiel, définition du taux d’intérêt applicable.

  • 30 CARAN, 5 AG 2/113, sd. Audience de Patolitchev, 6 décembre 1973, curriculum vitae.
  • 31 Marie-Pierre Rey, La tentation du rapprochement..., op. cit., p. 264.
  • 32 Henri Froment-Meurice, Vu du Quai. Mémoires 1945-1983, Paris, Fayard, 1998, p. 519.
  • 33 Entretien de M. Michel Freyche avec l’auteur du 29 juin 2007.

12La négociation avait un caractère de jeu entre des équipes de négociateurs très stables, emmenées par Nikolaï Sémionovitch Patolitchev du côté soviétique, et Michel Freyche du côté français, des équipes qui se connaissaient et qui parvenaient en définitive à toujours dégager un accord. Né en 1908, ayant entamé une ascension rapide au sein du Parti communiste à partir de 1938, devenu premier secrétaire du Parti en Biélorussie entre 1950 et 1956, puis vice-ministre des Affaires étrangères de l’URSS de 1956 à 1958, Patolitchev fut nommé ministre du Commerce extérieur en 195830. Avec lui, son administration conquit à l’ère de la détente une place nouvelle dans l’appareil bureaucratique soviétique, liée à l’ouverture du marché socialiste31. Il vint à Paris en 1964 participer aux négociations et dès lors devint l’interlocuteur inamovible des Français qui lui reconnaissaient compétence et fermeté dans ses fonctions de négociateur. Pour beaucoup, il disposait d’une totale latitude dans les négociations et manifestait à l’occasion une réelle brutalité. « Pato » marqua tous ses interlocuteurs français, du directeur de la DREE au nouvel ambassadeur de France à Moscou, Henri Froment-Meurice, qui le croqua en « maquignon » dans ses Mémoires : « Son but, son amusement consistaient à vous vendre votre propre cheval en vous faisant croire qu’il vous faisait la grâce de vous donner le sien32. » On savait aussi les membres de son équipe très bien renseigné par leur ambassade parisienne sur le fonctionnement de l’administration française33.

Nikolaï S. Patolitchev, ministre du Commerce extérieur de l’URSS depuis 1958

Nikolaï S. Patolitchev, ministre du Commerce extérieur de l’URSS depuis 1958

© MEIE/MBCPRE-CAEF (cote 71/68 n° 1 A)

  • 34 Ibid. M. Freyche fut conseiller technique économique à l’Élysée de 1973 à 1974. Il avait appris à c (...)
  • 35 Entretien de M. Michel Freyche avec l’auteur du 25 février 2008.

13Le goût de la stabilité des Soviétiques était de fait comblé par la permanence de l’équipe française. En France, Michel Freyche était devenu le spécialiste des échanges commerciaux avec l’URSS tant pour les cabinets ministériels qui le sollicitaient que pour les membres du CNPF ou les industriels. Né en 1929, inspecteur des Finances, affecté au cabinet de Michel Debré en 1966, il rejoignit la sous-direction des interventions financières en février 1968, où il fut immédiatement chargé du dossier russe qu’il apprit à connaître sur le terrain et par les informations accumulées par le bureau Europe de l’Est de la DREE, par le poste d’Expansion économique de Moscou et par celles qui lui étaient transmises par les autres ministères34. Il avait des contacts réguliers avec l’ambassade soviétique à Paris au sein de laquelle il disposait d’interlocuteurs comme cet ancien du KGB, spécialiste des questions économiques, aux messages duquel il reconnaissait une certaine fiabilité. Il connaissait aussi les grands responsables des centrales d’achat soviétiques. Jean-Baptiste Doumeng aurait déclaré au sujet de M. Freyche qu’il était la « seule personne à Paris qui pouvait lui dire non » ; leurs relations étaient étroites, fréquentes, à l’instar de celles entretenues par M. Freyche avec l’ensemble des représentants des entreprises exportatrices et leurs banquiers. Les grandes entreprises comme Pechiney n’avaient pas d’équipe spécialisée sur l’Union soviétique et envoyaient par conséquent leur directeur commercial consulter le haut fonctionnaire en charge du dossier. Même les rares entreprises ou banques qui disposaient à Moscou d’un représentant permanent restaient très tributaires du poste d’Expansion économique car leur représentation était peu reconnue par la structure soviétique qui privilégiait toujours l’interlocuteur officiel35.

  • 36 Ibid.
  • 37 PPBLM, doss. CE1, sd. Relations bilatérales, dossier de base URSS, note pour le ministre du 27 janv (...)
  • 38 Ibid., note pour le ministre du 27 janvier 1970 signée par Jean Chapelle et préparée par B. de More (...)
  • 39 Entretien de M. Michel Freyche avec l’auteur du 29 juin 2007.

14La bonne connaissance mutuelle des hommes n’introduisait toutefois aucune cordialité dans des négociations dénuées de toute spontanéité et où tous les échanges demeuraient cadrés36. Succédant à celui du 30 octobre 1964, un nouvel accord commercial portant sur la période 1970-1974 fut conclu entre les deux États, le 26 mai 1969. Du 29 janvier au 12 mars 1970 s’ouvrit la négociation portant sur le nouveau protocole financier. Le taux d’intérêt fixé en 1964 était alors de 5,95 % l’an, charges d’assurance-crédit incluses. Or, le renchérissement général du loyer de l’argent ne permettait plus de le maintenir car il apparaissait dorénavant « très sensiblement inférieur aux charges financières réelles depuis que l’élévation de 3 à 4 % du taux "export" de la Banque de France et l’augmentation du coût de la Trésorerie, pour la part non mobilisable, ont porté autour de 7 % le coût réel des crédits à l’URSS37 ». Mais un autre paramètre s’exerçait en sens contraire : la concurrence ouest-européenne, vive, qui s’exerçait sur les taux d’intérêt. Le taux pratiqué par les Britanniques était de 5,50 % l’an, hors commissions et hors assurance-crédit payée par l’exportateur britannique, celui pratiqué par les Allemands autour de 6,10 %, l’assurance-crédit comprise, celui des Italiens excédait rarement 6 % tout compris. « Le taux de 6 %, si possible assurance-crédit comprise, constituera donc pour les Soviétiques un objectif primordial dans la future négociation », concluait la DREE. « Leur revendication actuelle porte même sur 5,75 %38. » La baisse du taux était inconcevable pour les Français. Selon Michel Freyche, il aurait reçu, dès son arrivée, des instructions très précises du cabinet de François-Xavier Ortoli et de Jean Chapelle pour s’y opposer39. Il fallait donc faire admettre un relèvement, tout en demeurant attractif par rapport aux conditions proposées par la concurrence. Un calcul fait à partir des conditions actuelles réelles conduirait à des solutions inacceptables par les Soviétiques : 7,10 % pour le crédit acheteur, dont l’URSS réclamait l’introduction, et 7,05 % pour le crédit fournisseur. La DREE recourut donc à toute une série de calculs visant à alléger le taux.

  • 40 PPBLM, doss. CE1, sd. Relations bilatérales, dossier de base URSS, note pour le ministre a/s Condit (...)
  • 41 Ibid., §3.
  • 42 Ibid., § 6.
  • 43 Ibid., protocole du 12 mars 1970, article VI.
  • 44 Ibid., note pour le ministre a/s Conditions de crédit à l’URSS de Bertrand Larrera de Morel du 13 m (...)
  • 45 Ibid., note pour le ministre de Jean Chapelle du 15 mai 1970.
  • 46 Ibid., protocole du 12 mars 1970, article VII.
  • 47 Exemple donné par B. Larrera de Morel, note pour le ministre a/s Conditions de crédit à l’URSS, de (...)
  • 48 PPBLM, doss. CE1, sd. Relations bilatérales, dossier de base URSS, Protocole du 12 mars 1970 relati (...)
  • 49 Cf. Marie-Pierre Rey, La tentation du rapprochement..., op. cit., p. 116.
  • 50 Ibid., p. 147-149.
  • 51 Ibid., p. 148.
  • 52 Ibid., p. 149.

15La négociation avec les Soviétiques porta essentiellement sur la quotité des versements au comptant et le taux d’intérêt. L’URSS accepta de relever la quotité de l’acompte de 15 % à 20 % en échange d’un taux d’intérêt que la France accepta de faire passer de 6,5 % à 6,25 %, assurance-crédit comprise40. Autre concession soviétique : dans le cas de projet exceptionnel, le même montant d’acompte était retenu, alors que, précédemment, pour le projet Renault, l’État avait accepté 10 % d’acomptes seulement41. Réciproquement, la France acceptait de fixer un taux d’intérêt à 5,95 % pour les « projets exceptionnels42 » lorsque « la valeur des machines, équipements et services fournis par la France au titre d’un contrat ou d’un ensemble de contrats concernant un même projet atteindra ou dépassera 350 millions de francs français43 ». Le seuil était plus élevé que dans le précédent accord (250 millions de francs pour le projet Renault)44. La DREE avait alors en tête un certain nombre de « grands projets de coopération », selon la terminologie de l’époque, comme la construction d’une usine de camions par Renault, chiffrée à un milliard de francs, et la modernisation des usines de camions existantes, chiffrée à 350 millions de francs, la vente de tubes pour gazoduc par FBT, chiffrée à un milliard de francs, la construction d’une usine de cellulose par Parsons et Whitemore-France, chiffrée à 400 millions de francs, et l’aménagement d’une mine de cuivre, évalué à un milliard de francs45. Ces conditions étaient applicables aux contrats signés pendant une période de deux ans à compter de la signature du protocole46. Selon la DREE, le protocole avait pour avantage principal de consolider la durée des crédits alors qu’une évolution rapide vers l’allongement se faisait jour, en particulier chez les concurrents allemands47. D’autre part, l’augmentation de l’acompte diminuait l’effort de financement global, et le seuil pour les projets exceptionnels était plus élevé que dans le protocole précédent. Le protocole financier fut signé à Paris le 12 mars 197048. Suivant la procédure désormais établie, il revint aux banques françaises de conclure les conventions d’application qui constituaient le cadre pratique d’exécution financière des contrats commerciaux. Sur ces bases, un nouveau protocole entre la Banque du commerce extérieur de l’URSS et un groupe de banques françaises (Paribas, Crédit du Nord, Banque commerciale pour l’Europe du Nord, etc.) fut conclu le 7 août 1970, destiné à s’appliquer aux contrats signés avant janvier 197549. Conformément aux attentes de la DREE, un certain nombre de gros contrats purent ainsi être financés dans le cadre du protocole : le contrat Renault et l’accord gazier, en particulier50. Renault emporta le marché, le plus gros contrat qu’elle eût alors signé avec l’URSS, d’un total de 683 millions de francs51. L’« accord gaz » du 6 août 1971, fondé sur le principe de la compensation – l’URSS livrerait du gaz à la France de 1976 à 1985, et les industriels français équiperaient les gazoducs nécessaires au transport de ce gaz –, fut une autre réussite importante de la période pompidolienne52.

« Déchopiniser » la relation avec la Pologne

  • 53 CAEF, B 54 922, Pays de l’Est, sd. Europe orientale. Ensemble, ssd. Embargo, notes de la DREE des 5 (...)
  • 54 Ibid., ssd. Relations économiques et financières, note de Jean Chapelle du 11 mars 1969. La réunion (...)
  • 55 Ibid., note pour le ministre de Jean Chapelle du 19 septembre 1969.
  • 56 Ibid.

16À l’occasion du renouvellement, pour la période 1970-1974, des accords commerciaux de long terme, conclus avec les pays de l’Est en 1964-1965 et qui arrivaient à expiration à la fin de 1969, la France décida de relancer sa politique de libération des produits industriels, ralentie depuis 1966-196753. Les conseillers commerciaux français en poste dans ces pays, réunis à Paris en janvier 1969, avaient exprimé leur crainte d’un ralentissement des commandes de produits français, tant les pays de l’Est manifestaient une obsession accrue de l’équilibre de leurs paiements avec chacun de leurs partenaires54. La France proposa la libération immédiate d’une soixantaine de positions contingentaires, alors que la Grande-Bretagne venait de libérer près de 95 % de son commerce en provenance de l’Est. Le quai Branly insista pour que l’on tînt compte dorénavant de la spécificité économique de chaque pays et que l’on arrêtât de les considérer comme un bloc : « Une diversification plus grande devra être opérée en ce qui concerne le traitement accordé à nos différents partenaires55. » Cette inflexion était révélatrice de l’évolution du regard porté sur les démocraties populaires, dont les identités particulières, au sein du bloc de l’Est, étaient davantage prises en compte au moment où s’amorçait le processus de détente politique à l’échelle internationale. Par ailleurs, la DREE attirait l’attention sur le dynamisme commercial de la République fédérale qui était en train d’effectuer son grand retour dans ces territoires : « L’Allemagne effectue à l’heure actuelle un effet de pénétration considérable sur les marchés de l’Est et plus particulièrement sur la Pologne56. » Les débuts de la présidence pompidolienne coïncidèrent donc avec une nouvelle libération sensible des échanges avec les pays de l’Est et avec une attention accrue portée au marché polonais.

  • 57 En ce qui concerne les nationalisations, il s’agit de l’accord bilatéral du 19 mars 1948 ; pour les (...)
  • 58 Article de Philippe Ben, « Les Polonais vont découvrir la télévision au pavillon français de la Foi (...)

17Celui-ci avait toujours été important pour la France en raison de ses besoins en charbon qui donnèrent lieu à la signature d’un premier accord le 8 mai 1946 pour permettre la livraison immédiate de 200 000 tonnes de charbon polonais. Mais la question des échanges était grevée par de nombreux problèmes : celui des dettes polonaises contractées par le gouvernement polonais d’avant-guerre, celui de l’indemnisation des actifs français nationalisés par le gouvernement de la Pologne populaire, celui du rapatriement des travailleurs polonais venus en France après la Première Guerre mondiale. Une série d’accords vinrent les épurer57 mais, comme dans les autres pays socialistes, les échanges commerciaux faiblirent de 1949 à 1953 et restèrent irréguliers jusqu’au début des années 1960. La foire de Poznan fut dans ces années-là l’une des rares occasions de redécouverte réciproque. Les industriels français y tenaient une place bien plus modeste que leurs homologues ouest-allemands – alors que la RFA n’avait pas encore de relations diplomatiques avec la Pologne –, mais l’envoyé spécial du Monde en juin 1956 croyait ressentir que « le nom de la France soulève des espoirs vagues et considérables58 [...] ».

  • 59 Les représentants de six États africains francophones participèrent aux côtés de la France à la sig (...)
  • 60 Article « M. Modrzewski : il y a un accord de principe entre la France et la Pologne pour développe (...)
  • 61 Article de Claude Temple, « M. Djubinski, conseiller commercial de l’ambassade de Pologne : "Nous a (...)
  • 62 Article de Bernard Margueritte, « Le contrat pour la livraison d’une usine française à la Pologne s (...)
  • 63 Notes et études documentaires, n° 3922, Les relations franco-polonaises (1945-1972), La Documentati (...)
  • 64 Article de Bernard Margueritte, déjà cité.
  • 65 Article de Gérard-Jean Froment, « L’industrie polonaise s’implante en France », Le Figaro, numéro d (...)
  • 66 Cf. Maurice Vaïsse, La grandeur..., op. cit., p. 437.

18Il fallut attendre l’accord commercial du 11 mars 1963, qui permit à la Pologne d’accéder au marché africain59, et l’avenant du 26 novembre, qui prorogea cet accord jusqu’au 31 décembre 1965, pour que les échanges entrent dans une voie nouvelle. Dans la même quête de stabilité, la validité de l’accord commercial conclu à Varsovie le 25 juin 1965 fut étendue à cinq ans : du 1er janvier 1965 au 31 décembre 1969. Le ministre des Finances Valéry Giscard d’Estaing vint le signer officiellement en octobre. C’était le cinquième de ce type après ceux passés avec la Yougoslavie, l’Union soviétique, la Roumanie et la Tchécoslovaquie. Il incluait dans ses clauses des dispositions instaurant une coopération industrielle qui s’était déjà esquissée dans le domaine de la production de tracteurs agricoles60. Selon la formule du conseiller commercial de l’ambassade de Pologne à Paris, l’enjeu était bien de « déchopiniser » les relations entre les deux pays en incitant la France à vendre ses installations les plus modernes en matière de biens d’équipement61. En 1966-1967 eut lieu la négociation la plus emblématique de ce nouvel état d’esprit : la vente d’une usine complète de production de produits azotés par ENSA, filiale du groupe Schneider, à la centrale polonaise du commerce extérieur POLIMEX. La nouvelle usine devait être construite sur la Vistule, à Wloclawek, à 200 km au nord-ouest de Varsovie. La signature du contrat d’un montant de 300 millions de francs eut lieu le 22 avril 1967 en présence des ambassadeurs des deux pays. La presse souligna « l’intérêt personnel pris à l’affaire [par] l’ambassadeur de France en Pologne, M. Arnaud Wapler, et [...] la discrète ténacité du conseiller commercial, M. Raymond Grière62 ». Le contrat fut salué à la fois comme « le contrat le plus important passé par la Pologne avec un pays d’Occident depuis la Seconde Guerre mondiale63 » et « le plus important que la France ait jamais signé pour la fourniture d’usines chimiques complètes64 ». À cette date, seul l’accord passé par Fiat avec l’URSS pouvait lui être comparé. D’autre part, la création en octobre 1966 d’une société commerciale mixte franco-polonaise à Paris, Metalex-France, devait permettre d’intensifier les échanges en s’occupant de la commercialisation des produits polonais en France et de l’intensification de la coopération industrielle entre les deux pays65. Cette dynamique fut consacrée lors du voyage du général de Gaulle du 6 au 12 septembre 1967. Les liens historiques avec la France fondaient toujours officiellement le déplacement66, mais les enjeux économique et politique étaient clairement sous-jacents.

  • 67 CAEF, B 54 922, Pays de l’Est, sd. Europe orientale. Ensemble, ssd. Relations économiques et financ (...)
  • 68 Cf. les tableaux établis par Madeleine Ogerau, Georges Pompidou et l’Europe de l’Est (Pologne, Roum (...)
  • 69 Cf. Madeleine Ogerau, Georges Pompidou et l’Europe de l’Est, op. cit., p. 122.
  • 70 Cf. les tableaux et graphiques élaborés par Madeleine Ogerau, Georges Pompidou et l’Europe de l’Est (...)

19Faisant le point au lendemain de l’arrivée de Georges Pompidou à la présidence de la République, Jean Chapelle rappela l’enjeu politique principal : « Le maintien d’une coopération qui, si elle disparaissait, ferait basculer la Pologne dans l’orbite ouest-allemande67. » Jusqu’en 1968, les ventes de la RFA et de la France avaient progressé au même rythme sur les marchés de l’Est, même si les exportations ouest-allemandes l’emportaient déjà considérablement. Mais à partir de 1969, le rythme des exportations françaises faiblit et la part de la RFA dans les exportations occidentales passa de 22 % en 1969 à 30 % en 1974. La RFA s’affirma, dès lors, comme le principal concurrent de la France sur les marchés de l’Est, occupant sans faiblir la première place dans le commerce des pays de l’OCDE avec les pays de l’Est de 1970 à 197568. Un nouvel accord franco-polonais à long terme sur les échanges commerciaux et la coopération économique et industrielle pour la période 1970-1974 fut signé le 23 décembre 1969. Celui avec la Roumanie suivit le 9 janvier 1970 et celui avec la Tchécoslovaquie le 23 février de la même année. Dans les trois textes, il fut précisé que la France poursuivrait ses ventes de biens d’équipement et de grands ensembles industriels69. De manière générale, la progression des échanges franco-polonais fut la plus rapide et la plus forte de la période 1969-1974 pour les échanges avec les pays de l’Est, hors Union soviétique70, mais, comme les échanges franco-soviétiques, les échanges franco-polonais ne constituaient, rappelons-le, qu’une part infime du commerce extérieur français, de l’ordre de 0,5 %.

  • 71 Article « La Pologne voudrait développer la coopération industrielle avec la France », Le Nouveau J (...)
  • 72 Article « Berliet : contrat de 300 millions de francs avec la Pologne », Le Figaro, numéro du 1er a (...)
  • 73 Extrait de l’entretien de Georges Pompidou et d’Edward Gierek le 2 octobre 1972, CARAN, 5 AG 2/ 101 (...)
  • 74 Annotation de Georges Pompidou sur une note que lui fait parvenir Jean-Bernard Raimond le 26 septem (...)
  • 75 Madeleine Ogerau, Georges Pompidou et l’Europe de l’Est, op. cit., p. 85-86. Des accords similaires (...)
  • 76 Ibid.

20À partir de décembre 1970 le nouveau dirigeant polonais Edward Gierek mit en avant son attachement personnel à un pays, la France, où il avait vécu de 1925 à 1934 et dont il parlait la langue. L’inauguration du complexe de Wlocawek le 14 juillet 1972 lui fournit l’occasion d’afficher sa volonté de poursuivre dans la voie d’une coopération plus étroite71. La négociation en cours sur la cession par la firme Berliet de licences de fabrication d’autobus à l’usine POL-MOT reçut son soutien : le 1er août, l’accord qui portait sur 300 millions de francs fut signé en présence de l’ambassadeur de France et du ministre polonais du Commerce extérieur72. Il intervenait deux mois avant la visite du secrétaire général du POUP en France. À l’automne 1972, il se tourna en effet vers elle pour obtenir son aide afin de réaliser les objectifs ambitieux du plan quinquennal lancé en 1971. Sa bonne connaissance des économies occidentales lui permit de faire jouer la concurrence franco-allemande pour obtenir de meilleures conditions de crédit. « Si la France nous fait des offres à des conditions identiques à celles de l’Allemagne, nous choisirons toujours la France », déclara-t-il à Georges Pompidou lors d’un entretien le 2 octobre 197273. De son côté, le président français, conscient des avancées allemandes à la suite de l’institutionnalisation de l’Ostpolitik, qui réglait en partie le contentieux germano-polonais, souhaitait relancer la dynamique des échanges avec l’Est européen. « Je veux un geste vis-à-vis de la Pologne, écrivit-il à un conseiller en septembre 1972, à qui je donne la priorité à l’Est après l’Union soviétique74. » Le 5 octobre 1972, un accord sur le développement de la coopération économique, industrielle, scientifique et technique d’une durée de dix ans fut signé entre les deux États sur le modèle de l’accord du 27 octobre 1971 signé avec l’Union soviétique75. G. Pompidou intervint personnellement auprès de son ministre des Finances V. Giscard d’Estaing pour que les taux d’intérêt sur les crédits accordés à la Pologne fussent abaissés, confirmant le partenariat privilégié établi avec ce pays76.

Les caractéristiques du « néobilatéralisme »

  • 77 Armelle Demagny, « La présidence française face à la mutation du marché pétrolier, 1969- 1974 ; ana (...)
  • 78 Ibid., p. 230-232.
  • 79 Armelle Demagny, « Les réactions de la présidence française face au choc pétrolier » dans Éric Buss (...)
  • 80 PPBLM, dossier CE 2, sd. Interventions et notes personnelles du directeur, Réunion du 30 janvier 19 (...)
  • 81 Ibid., doss. CE 3, sd. Orientations générales et politique du commerce extérieur (notes générales p (...)
  • 82 Ibid., note pour le ministre de la DREE du 13 janvier 1977 ; DREE. Note pour le directeur du 17 jan (...)

21La nécessaire diversification des sources d’approvisionnement énergétique de la France fit naître une troisième vague d’accords de coopération. La dépendance pétrolière croissante de la France avait été anticipée par le président de la République Georges Pompidou avant que la crise proprement dite n’éclatât77. En particulier, la diversification avait été encouragée par le conseil restreint du 29 juillet 197178. La Délégation générale à l’énergie, créée en décembre 1973, définit les actions d’économie d’énergie à mettre en œuvre, et le conseil restreint du 5 mars 1974, présidé par Georges Pompidou, mit en place les principales orientations énergétiques de la fin du siècle en lançant le plan électronucléaire civil79. L’État eut, en l’occurrence, la tâche impossible de concilier la politique d’indépendance, la stratégie des entreprises, la politique commerciale globale de la France avec le nouvel impératif social engendré par l’essor du chômage de masse. Pour endiguer le déficit commercial et soutenir l’emploi, le quai Branly fit prévaloir, à marche forcée, le développement continu des exportations, s’engageant dans une politique tant de renforcement des procédures financières de soutien que de redéploiement sectoriel et géographique des exportations. Mesure emblématique de cet état d’esprit : la procédure dite des quatre milliards, conçue par la DREE et soumise en février 1974 au ministre des Finances V. Giscard d’Estaing. Il s’agissait de créer un fonds particulier d’investissement, destiné à accorder des crédits d’équipement aux industries exportatrices, spécialement à celles qui répondraient à la nouvelle demande mondiale. Institué le 20 mars 1974 et entré en application en juillet, ce régime spécial, qui s’imposa, dans les mois qui suivirent, comme la « procédure Ségard », mettait à la disposition des entreprises une première tranche de quatre milliards de francs, composée pour moitié de prêts à long terme du Crédit national et du Crédit hôtelier, pour moitié de prêts bancaires non soumis aux normes de l’encadrement du crédit. Au 31 décembre 1974, la moitié des fonds étaient engagés80. Cette tranche fut suivie de deux autres tranches de trois milliards chacune pour 1975 et 197681. La DREE demanda en janvier 1977 au ministre des Finances sa prorogation jusqu’au 31 décembre 1978, ce qui fut accordé82.

  • 83 Ibid., doss. CE 2, sd. Interventions et notes personnelles du directeur, exposé de Serge Normand, c (...)
  • 84 Ibid., doss. CE 2, sd. Interventions et notes personnelles du directeur, Réunion du 30 janvier 1975 (...)

22Le choc pétrolier eut pour effet d’élargir à de nouveaux pays la politique de coopération, qui fut rapidement conceptualisée par l’administration sous le vocable de « néobilatéralisme83 ». Le néobilatéralisme fut la déclinaison diplomatique retenue pour équilibrer la balance des paiements français et répondre à la demande des pays producteurs de pétrole qui avaient une population nombreuse et des besoins d’équipement considérables. « Avoir une politique d’exportation est bien une nécessité permanente rendue vitale par la crise de l’énergie, déclarait le nouveau directeur des Relations économiques extérieures, Bertrand Larrera de Morel, devant un parterre de conseillers commerciaux en janvier 1975. [...] La politique du commerce extérieur est absolument consubstantielle à la politique économique générale84. » La crise, par les reclassements de la demande mondiale qu’elle induisait, paraissait confirmer l’orientation de long terme du commerce extérieur français : privilégier l’exportation de biens d’équipement lourds au détriment de celle des biens de consommation. Les accords de coopération fournirent un cadre pour la mise en œuvre de cette politique.

Le contournement des contraintes communautaires

  • 85 Cf. chapitre 10 et Bertrand Nezeys, Les relations économiques extérieures, op. cit., p. 163- 164 ; (...)
  • 86 PPBLM, dossier CE 2, sd. Interventions et notes personnelles du directeur, exposé de Serge Normand, (...)

23Recourir à ce type d’accords présentait l’avantage de permettre à l’État français d’échapper à la régulation internationale qui se renforçait depuis les années 196085. Les accords de coopération, de nature hybride, s’épanouissaient dans des cadres ad hoc, échappant à tout contrôle juridique international et, en particulier, aux contraintes communautaires. Ce n’étaient ni des accords commerciaux comme dans les années 1950, ni des accords financiers, même si certains pouvaient comporter un protocole financier86. Leur appellation était variable : accords de « coopération économique », accords de « coopération économique et industrielle », accords de « coopération économique, industrielle et technique ». Leur durée pouvait être limitée ou illimitée. Parfois, c’est la création de la commission mixte qui les matérialisait, qui constituait le simple support juridique de la coopération bilatérale, sans que ni déclaration préalable ni accord fussent venus l’instituer.

Première réunion de la Commission de coopération commerciale et économique avec l’Iran le 7 février 1974. A la gauche du ministre des Finances, Valéry Giscard d’Estaing, on distingue le directeur de la DREE, Bertrand Larrera de Morel

Première réunion de la Commission de coopération commerciale et économique avec l’Iran le 7 février 1974. A la gauche du ministre des Finances, Valéry Giscard d’Estaing, on distingue le directeur de la DREE, Bertrand Larrera de Morel

© MEIE/MBCPRE-CAEF (cote 74/10)

  • 87 CARAN, 5 AG 3/1121, sd. Missions à l’étranger, note du ministre du Commerce extérieur du 8 octobre  (...)
  • 88 Ibid., note du 10 janvier 1975 du secrétaire d’État au Commerce extérieur au président de la Républ (...)
  • 89 Exposé de Serge Normand, chef de bureau à la DREE, lors d’une réunion du 30 janvier 1975 pour les c (...)
  • 90 CARAN, 5 AG 3/1854, sd. Iran, note du 10 juin 1974.
  • 91 Exposé de Serge Normand, chef de bureau à la DREE, lors d’une réunion du 30 janvier 1975 pour les c (...)
  • 92 François Seurot, Le commerce Est-Ouest, Paris, Economica, 1987, p. 78-81 ; Bertrand Nezeys, Les rel (...)

24Ainsi, de véritables accords furent signés avec la Libye, la Syrie87, le Qatar, « le plus francophile des Émirats88 », ou encore l’Irak tandis que, avec les Émirats arabes unis, le Koweït, l’Égypte, l’Arabie Saoudite ou encore l’Iran, seule une commission mixte vint donner forme à la coopération89. Une réunion à Téhéran, présidée par le ministre des Finances Valéry Giscard d’Estaing en janvier 1972, décida ainsi la création d’une commission ministérielle mixte de collaboration commerciale et économique. Elle se réunit pour la première fois à Paris, les 7 et 8 février 1974, sous l’égide du ministre français et de son homologue iranien Hushang Ansari. À l’issue de cette rencontre, un protocole portant sur le développement de la coopération industrielle dans les domaines nucléaire, pétrolier et gazier fut signé90. Parallèlement, d’anciennes commissions mixtes gouvernementales, généralistes, furent réactivées afin de donner un cadre à la coopération proprement économique ; ce fut le cas avec le Maroc, la Tunisie ou les États d’Amérique latine. Avec Cuba, la France signa un accord en bonne et due forme ; avec l’Inde, elle mit sur pied un groupe d’études qui fonctionna en réalité comme une véritable commission mixte d’accord de coopération économique91. Sur le plan financier, il n’y avait pas de relation directe entre l’existence d’un accord général de coopération et l’octroi de crédits. Il y eut de nombreux accords sans protocole financier, comme des protocoles sans accord. Toutefois, de nombreux accords comportaient une clause de bienveillance et, par ailleurs, l’arme du crédit à l’exportation continua d’être maniée, mais de manière modulée : les pays du Moyen-Orient se virent imposer des conditions durcies dans la mesure où leurs nouvelles richesses ne les rendaient plus éligibles à des financements privilégiés. En revanche, la France poursuivit une politique de continuité en matière de crédits privilégiés avec les pays de l’Est : avec l’URSS, au premier chef, et avec la Pologne. La coopération prenait le plus souvent le tour d’une coopération industrielle, s’incarnant en diverses formes de transfert technologique (importation de machines, achat de licences et de brevets, livraison d’usines « clefs en main », etc.)92.

  • 93 PPBLM, doss. CE 3, sd. Orientations générales, note pour le ministre établie par Guy Carron de La C (...)
  • 94 CARAN, 5 AG 3/1854, sd. Irak, note du 28 mai 1976 du ministère de l’Économie et des Finances et du (...)
  • 95 Ibid., 1121, sd. Missions à l’étranger, note du ministre du Commerce extérieur du 10 juin 1975 au s (...)
  • 96 Ibid., note du ministre du Commerce extérieur du 8 octobre 1975 au sujet de son déplacement en Syri (...)

25Incarnations des accords de coopération, les commissions mixtes étaient composées uniquement de fonctionnaires représentant les différents départements ministériels. Elles étaient créées au niveau ministériel ou bien élevées à ce niveau qui avait la préférence de la DREE, car il permettait de « canaliser les initiatives parfois désordonnées des différentes administrations93 ». Ce vœu trahissait la volonté de contrôle d’une direction qui, proche du nouveau président de la République, pouvait se permettre de renforcer un échelon lui permettant de coordonner la politique économique extérieure de la France. Ce fut notamment le cas pour les échanges avec l’Irak, encadrés par l’accord de coopération économique et technique du 12 mars 197494. Une commission devait, à l’origine, réunir les hauts fonctionnaires, mais la DREE suggéra que, à l’occasion du prochain déplacement du Premier ministre Jacques Chirac, il fût décidé de la réunir à l’échelon ministériel. De même, lors d’une visite en Bulgarie à la fin du mois de mai 1975, Norbert Ségard accepta d’élever la commission mixte franco-bulgare au niveau ministériel afin de donner satisfaction à ce pays auquel, par ailleurs, la France refusait la négociation d’un nouveau protocole financier. Si la RFA et l’Italie demeuraient, à l’Ouest, ses partenaires traditionnels, la Bulgarie avait signé en novembre 1974 avec la France un accord décennal de coopération économique, scientifique et technique. Par cette concession, le Français donnait à peu de frais un signe politique fort à un État avide de reconnaissance95. Il prit la présidence de la commission avec son homologue bulgare Ivan Nedev. Quelques mois plus tard, au début de l’automne 1975, Norbert Ségard donna également satisfaction à son hôte Afez Al Assad qui, alors que la commission mixte ne s’était même pas encore réunie, lui demandait de l’élever au rang ministériel96. Le mécanisme des accords de coopération était donc d’une grande souplesse et permettait à la France de moduler ses engagements politiques bilatéraux.

  • 97 Ibid., 5 AG 2/ 113, compte rendu de l’entretien entre Valéry Giscard d’Estaing, ministre de l’Écono (...)

26La question de la compatibilité de ces accords avec le cadre communautaire se posa néanmoins de manière croissante. Lors d’un entretien avec Valéry Giscard d’Estaing, alors ministre, le dirigeant soviétique Kossyguine l’interrogea longuement sur le risque que l’accord décennal qui venait d’être conclu le 27 octobre 1971 fût affecté par les relations de la France dans le cadre du Marché commun. « Tout ce problème n’est pas clair pour nous [...], expliquait-il. Lors de ma dernière conversation avec M. Maurice Schumann, il m’a indiqué que, lorsque le Marché commun serait élargi à dix membres, le problème des relations commerciales avec l’URSS passerait par le mécanisme de la Communauté et non plus celui des États97. » Le ministre français s’employa à le rassurer : l’accord était valable jusqu’en 1975, en aucun cas la CEE ne pouvait en l’état le dénoncer. « La CEE interviendra pour la coordination des politiques commerciales à partir de 1973 [...]. Les problèmes douaniers et contingentaires seront, je pense, du ressort de la Commission, mais les problèmes de crédit et de financement qui constituent l’essentiel de notre coopération continueront à être du cadre bilatéral. [...] Les grandes opérations entre la France et l’URSS ne concernent pas la politique commerciale commune [...]. » Non convaincu, le dirigeant soviétique se raidit néanmoins à la fin de l’échange : « Si, par exemple, nous négocions un nouvel accord à dix ans, devrons-nous aller à Bruxelles pour négocier avec vous ? [...] Si nous devions aller à Bruxelles, alors, nous vous enverrions le COMECON. »

  • 98 Ibid., 5 AG 3/1089, sd. Entretiens franco-soviétiques de Rambouillet, 4-7 décembre 1974, dossier du (...)
  • 99 Ibid., note pour le président de la République de Jean-Pierre Dutet du 10 juin 1974.
  • 100 Exposé de Serge Normand, chef de bureau à la DREE, lors d’une réunion du 30 janvier 1975 pour les c (...)
  • 101 CARAN, 5 AG 3/1089, sd. Entretiens franco-soviétiques de Rambouillet, 4-7 décembre 1974, dossier du (...)

27Dans le cadre de la préparation du nouvel accord quinquennal qui devait régir les échanges bilatéraux pour la période 1975-1979, l’ambassadeur soviétique Tchervonenko proposa à plusieurs reprises à Valéry Giscard d’Estaing, ministre, puis président, un projet d’accord commercial que le Quai d’Orsay conseilla de rejeter entièrement. Le conseiller élyséen Jean-Pierre Dutet fit valoir une ligne plus ouverte suggérant de trouver une « formule souple en envisageant pour une période de trois ou cinq ans un chiffrage des projets les plus immédiats retenu dans l’accord décennal98 », ce qui revenait à confirmer le recours à l’accord de coopération économique. Peu avant la visite de Brejnev à Paris en décembre 1974, il recommanda au président français de rassurer les Soviétiques sur le cadre juridique des échanges99. Certes, la Commission européenne avait obtenu, après de longs débats, du Conseil de la CEE l’institution, par une décision du 22 juillet 1974, d’une procédure de consultation entre les États membres sur les projets d’accords de coopération. Sans être contraignante, cette consultation s’imposait comme un préalable aux États membres100. Et, surtout, à partir du 1er janvier 1975, la politique commerciale deviendrait une compétence communautaire : la CEE était même ouverte à l’idée de négocier un accord avec les pays à commerce d’État, mais, ajoutait Dutet, « bien évidemment, la coopération économique et industrielle demeure une compétence entière des États ». Cela justifiait la préparation du nouvel accord quinquennal de coopération économique qui serait prochainement ratifié, « et non d’un accord commercial, souhaité par les Soviétiques, mais impossible en raison de la réglementation communautaire101 ».

  • 102 Exposé de Serge Normand, chef de bureau à la DREE, lors d’une réunion du 30 janvier 1975 pour les c (...)

28Toutefois, la Commission commença à affirmer sa propre vocation à traiter des problèmes de coopération, introduisant cette notion dans les accords commerciaux qu’elle concluait102.

Le renforcement de la puissance publique : le poids comparé des acteurs gouvernementaux

29Préludant à l’instauration de chaque nouvelle commission, les gouvernements français successifs avaient adopté des déclarations de bonne volonté, semblables à la déclaration commune franco-soviétique du 30 juin 1966, mais leur contenu était devenu beaucoup plus imprécis que dans ce texte, sans précision sur les moyens. Elles devaient avoir un effet incitatif sur les entreprises, mais ne pas prendre, à ce stade, la voie de la contrainte. En revanche, une fois la commission mixte instaurée, des groupes de travail, généralement sectoriels, étaient fréquemment créés, associant industriels et fonctionnaires sous la présidence d’un fonctionnaire et sous le contrôle de la commission mixte.

  • 103 Ibid., p. 27.
  • 104 Ibid., p. 28.

30La structure politique des pays où le commerce était étatisé ou soumis à de fortes contraintes exigeait sans conteste une approche spécifique de leur marché. Les accords de coopération étaient un cadre indispensable pour se procurer une information sur l’état de ces marchés, sur leurs besoins comme sur leurs attentes. Ils permettaient aussi de rassurer les gouvernements des pays étrangers sur les intentions des entreprises françaises qui participeraient à la mise en œuvre de la coopération. Mais ils répondaient aussi à une demande des entreprises françaises, qui avaient besoin d’un encadrement de la puissance publique pour y prendre pied. Aux yeux de l’administration, les entrepreneurs français avaient besoin d’un cadre « même symbolique » pour se lancer sur les marchés étrangers. Ils s’étaient jadis appuyés sur un « cadre juridique privilégié » pour assurer l’expansion de leurs ventes : « Ce fut la zone franc, puis le Marché commun. » Les accords de coopération économique constituaient un « nouveau relais pour la conquête de débouchés supplémentaires103 ». Mais l’administration était aussi consciente des risques d’une « confusion des responsabilités » des États et des entreprises : en cas de difficulté avec une entreprise française, un État pouvait se tourner vers l’État français et transférer sur lui la charge de régler le différend avec l’entreprise104.

  • 105 Armelle Demagny, « La présidence française face à la mutation du marché pétrolier », art. cité, p.  (...)
  • 106 Cf. Jean-Pierre Williot, « L’énergie gazière dans la France de Georges Pompidou : aménagement du te (...)
  • 107 Cf. les comptes rendus de ces entretiens dans CARAN, 5 AG 2/ 113, URSS. Entretiens (1973-1974).
  • 108 Ibid., compte rendu de l’audience de M. Patolitchev du 25 avril 1972.
  • 109 Ibid., 5 AG 3/1854, s.d. exportations, note de Philippe Esper du 25 mars 1977.

31Les grands contrats énergétiques, en particulier, étaient négociés au plus haut niveau de l’État, comme celui du 30 novembre 1973, prévoyant la livraison de 27 millions de tonnes de pétrole par l’Arabie Saoudite à la France de 1974 à 1976, orchestré par le Premier ministre Pierre Messmer et son collaborateur Hugues de L’Estoile, directeur des affaires internationales au ministère des Armées, sans passer par le Quai d’Orsay105. Les présidents de la République Pompidou et Giscard d’Estaing suivaient aussi personnellement les grands dossiers commerciaux. Georges Pompidou suivit ainsi les négociations des accords de livraison de gaz par l’Union soviétique dès son accession à la présidence de la République106. Il soutenait ces livraisons pour des raisons politiques alors que certains de ses collaborateurs manifestaient leur réticence ou que l’entreprise nationale Gaz de France aurait préféré accroître son approvisionnement en provenance des Pays-Bas. Dans le cadre de la coopération franco-soviétique, le président français avait des entretiens en tête à tête fréquents avec le ministre soviétique du Commerce extérieur Patolitchev107. Il lui déclara d’ailleurs un jour : « Je m’occupe tant de ces échanges économiques et commerciaux avec votre pays que je finis par croire que je suis ministre du Commerce extérieur108. » Et il ajoutait d’une manière révélatrice des modalités de l’emprise de l’exécutif sur ces dossiers : « Et je m’en occupe dans les deux sens, tant pour demander aux responsables soviétiques de faire avancer les contrats en cours que pour dire à l’administration et aux entreprises de faire les pas nécessaires. » Devenu président à son tour, Valéry Giscard d’Estaing manifesta une double continuité à la fois vis-à-vis de la politique de son prédécesseur que par rapport à sa propre pratique comme ministre de l’Économie et des Finances. Sur certains dossiers stratégiques, la direction générale de l’industrie du ministère de l’Industrie et de la Recherche acquit un rôle renforcé. Philippe Esper, le chef du Service des affaires internationales, suivit en particulier la négociation de toutes les affaires relevant du domaine énergétique ou des hautes technologies, notamment avec les États du Moyen-Orient. Il soutenait l’idée d’une conversion culturelle de son ministère qui, longtemps régi par une vision protectionniste, soumis aux intérêts contradictoires des groupements professionnels, avait été réduit, selon lui, à un rôle technique par le Quai d’Orsay et le quai Branly. Le ministère de l’Industrie entendait devenir un acteur à part entière de l’action internationale et être le fer de lance de la nouvelle politique industrielle de la France109.

Jean Chapelle et Bertrand Larrera de Morel lors de la remise des Oscars de l’exportation au Centre national du commerce extérieur le 21 octobre 1971

Jean Chapelle et Bertrand Larrera de Morel lors de la remise des Oscars de l’exportation au Centre national du commerce extérieur le 21 octobre 1971

© MEIE/MBCPRE-CAEF (cote 71/66-1)

  • 110 Entretien de M. Michel Freyche avec l’auteur du 29 juin 2007.
  • 111 PPBLM, dossier photographique, note personnelle de Bertrand Larrera de Morel pour M. Chapelle du 20 (...)
  • 112 CAEF, Pers. CE 1, C 30 301, Antoine Hullo.

32Or, ses prétentions se heurtaient à l’équipe soudée et homogène qui, depuis une décennie, définissait, quai Branly, la politique des grands contrats. La décennie 1968-1978 marqua l’apogée de la direction des Relations économiques extérieures. Elle fut alors considérée comme une grande direction, celle de la « diplomatie économique », la plus prestigieuse après le Trésor. Elle constitua un vivier que Jean Chapelle, nommé à la tête de la DREE le 22 juin 1967, sut alimenter. Ancien de la direction du budget, lieu sacro-saint de l’« esprit Finances », qui témoignait ordinairement d’un mépris avéré pour toutes les administrations dépensières, il attira à la DREE des responsables dynamiques, de l’Inspection des finances et d’ailleurs. Beaucoup de hauts fonctionnaires y démarrèrent des carrières brillantes. À ses côtés, deux inspecteurs des Finances poursuivirent leur ascension au sein de la direction. Bertrand Larrera de Morel devint directeur adjoint, et Michel Freyche, sous-directeur des interventions financières, poste clé au cœur du dispositif. Comme tel, ce dernier présidait la Commission des garanties et il faisait d’ailleurs figurer ce titre sur sa carte de visite, avec l’accord de son directeur, en l’estimant beaucoup plus évocateur à l’étranger110. Bertrand de Morel lui abandonna progressivement un secteur où il avait accompli sa carrière jusqu’ici : « Je vois de moins en moins d’industriels ou de banquiers sur des affaires particulières, et je les renvoie systématiquement à Freyche [...]. Je continue à m’occuper [...] de certaines négociations financières (Maroc, Pakistan, OCI), d’autres étant dévolues à Freyche (Colombie, Mexique, URSS)111. » En décembre 1972, il remplaça Jean Chapelle à la tête de la DREE, puis Michel Freyche lui succéda à son tour en octobre 1978, ce qui atteste la grande continuité de l’équipe directionnelle pendant près de quinze ans. On peut y ajouter le nom d’une personnalité qui marqua la génération des conseillers commerciaux de l’époque, celui d’Antoine Hullo, qui fut le chef du service de l’Expansion économique de décembre 1967 à mars 1976112.

  • 113 Entretien de M. Guy Carron de La Carrière avec l’auteur du 19 mai 2005. Le conseiller technique iss (...)
  • 114 Ibid.
  • 115 Entretien de M. Philippe Pontet avec l’auteur du 31 mai 2005. Administrateur civil, entré à la DREE (...)

33Traditionnellement, et du fait même de sa localisation, rue de Rivoli, le Trésor avait toujours eu une audience plus grande auprès du ministre, quel qu’il fût. Un certain rééquilibrage des relations se fit dès l’attribution des responsabilités entre les différents membres du cabinet du nouveau ministre des Finances au printemps 1969. Guy Carron de La Carrière avait reçu le suivi des relations avec la DREE ainsi que des crédits extérieurs, c’est-à-dire d’une partie des attributions du Trésor. Était-ce Jean Serisé, le directeur du cabinet, ou Jean Chapelle qui avait insisté pour que le découpage fût ainsi réalisé ? Toujours est-il que, durant plus de deux ans, le point de vue de la DREE put alors être présenté à égalité avec celui du Trésor113. L’entrée de Michel Pébereau pour représenter le Trésor au cabinet, que dirigeait dorénavant Jacques Calvet, marqua une renaissance des tensions entre les deux directions114. Cela correspondit au départ de Carron de La Carrière, fin 1972, et à l’arrivée de Philippe Pontet, qui lui succéda de 1972 à 1974115.

  • 116 PPBLM, dossier CE 3, sd. Évolution des procédures de soutien au commerce extérieur, Compte rendu de (...)
  • 117 Ibid.

34D’autre part, à la veille de quitter les Finances, en mars 1974, Valéry Giscard d’Estaing procéda à un ultime arbitrage sur la question de la gestion des crédits à l’exportation. Lors d’une réunion tenue par le ministre le 14 mars 1974, la question du partage des compétences entre les deux directions fut rapidement mise sur la table116. Le ministre estima en premier lieu que les dossiers individuels de demande d’assurance-crédit devaient être examinés par une « cellule administrative limitée » alors que la Commission des garanties comportait à cette date une trentaine de personnes ! D’autre part, il convenait de mettre un terme au « bicéphalisme » du pouvoir en matière de commerce extérieur, et, selon le compte rendu effectué par Jean-Pierre Dutet, si la direction du Trésor devait continuer à surveiller les normes, « elle n’[était] pas une direction d’examen des dossiers individuels. Elle [était] une direction de politique monétaire interne et externe ; elle [participait] à la fixation des plafonds et des normes. Mais ensuite, les exportateurs ne [devaient] connaître que la direction des Relations économiques extérieures, sauf peut-être pour les très grandes affaires (plus de 500 millions de francs ?)117 ». Par conséquent, le ministre demandait à B. Larrera de Morel de préciser sur cette base, dans les quarante-huit heures, sa proposition.

  • 118 Entretien avec M. Bertrand Larrera de Morel du 18 avril 2005.
  • 119 PPBLM, dossier CE 2, sd. Structures de l’administration du commerce extérieur, note pour le directe (...)
  • 120 Ibid., § 4
  • 121 Entretien de M. Guy Carron de La Carrière avec l’auteur du 19 mai 2005.
  • 122 PPBLM, dossier CE 2, sd. Structures de l’administration du commerce extérieur, note pour le ministr (...)
  • 123 Henri Froment-Meurice, Vu du Quai..., op. cit., p. 408. Entretiens avec M. Christian d’Aumale des 5 (...)
  • 124 CARAN, 5 AG 3/ 1854, note du 13 juin 1974. Les noms des personnalités retenues furent : Blancard (d (...)

35Le texte définitivement adopté, en date du 22 mai 1974, opéra un partage de responsabilités plus équilibré. Il renforçait la DREE en rendant facultatif le rôle de la Commission des garanties en matière d’assurance-crédit : l’accord du Trésor n’était donc plus nécessaire pour octroyer la garantie de l’État. La DREE restait maître d’œuvre de l’octroi des garanties. En revanche, la gestion et la négociation des prêts gouvernementaux passèrent intégralement sous l’égide du Trésor, et, en outre, la politique des crédits à l’exportation devait s’inscrire dans des « normes générales » définies par le Trésor en fonction du solde extérieur. Pour le directeur des Relations économiques extérieures, la notion de « normes générales » ne voulait pas dire grand-chose. Les crédits d’exportation demeuraient gérés par la DREE et, en volume, ils étaient les plus importants118. « Dans le cadre de ces normes, le directeur des Relations économiques extérieures aura, seul, la responsabilité de chaque affaire individuelle119. » En outre, la DREE avait, selon l’arbitrage ministériel, la faculté de disposer d’une demande de dérogation à ces normes au vu d’affaires particulières. D’autre part, elle demeurait « associée » aux négociations des prêts du Trésor, « chargée de la définition des projets à financer120 ». Enfin, c’était de concert que les deux directions étaient appelées à traiter de l’harmonisation de ces normes dans un cadre européen et international. Le directeur adjoint eut une interprétation différente du texte, dans la mesure où, du fait de la normalisation des crédits accordés par la France, progressivement calés sur les conditions du marché, selon les normes imposées par Bruxelles et l’OCDE, le prêt gouvernemental devenait décisif pour l’obtention d’un marché difficile121. « Notre aide, écrivait-il alors, avec ses prêts gouvernementaux est dans de nombreux pays un support important, voire prépondérant de nos exportations : approximativement la moitié de nos ventes à l’Inde, le quart de celles au Maroc sont financées de cette manière. Écarter la DREE de la négociation des prêts gouvernementaux lui enlèvera donc la responsabilité d’une part importante de notre politique d’exportation122. » Toujours est-il que, dans un premier temps, la mesure renforça l’autorité de la DREE sur les dossiers soumis à la Commission des garanties. En outre, les relations avec les industriels et les hommes d’affaires continuèrent à être orchestrées par le duumvirat qu’elle formait avec la direction des affaires économiques et financières (et plus particulièrement avec le Service des accords commerciaux sur lequel Christian d’Aumale régnait depuis 1968)123. En juin 1974, quand il s’agit d’établir la liste des industriels qui auraient le privilège d’être reçus en audience par le shah d’Iran au Trianon, lors de son séjour en France, la liste fut préparée conjointement par les deux administrations et transmises à l’Élysée124.

  • 125 Il avait été membre de son cabinet ministériel du printemps 1969 à 1972.
  • 126 Entretiens de M. Bertrand Larrera de Morel avec l’auteur du 18 avril 200 et du 16 mai 2005.
  • 127 Cf. Samy Cohen, Les conseillers du président. De Charles de Gaulle à Valéry Giscard d’Estaing, Pari (...)

36Devenu président de la République, Valéry Giscard d’Estaing continua à soutenir les avis de la DREE. Ses conseillers au ministère des Finances, membres du corps de l’Expansion économique, furent promus comme G. Carron de La Carrière au poste de directeur adjoint de la DREE dès 1973125, ou le suivirent à l’Élysée, comme J.-P Dutet comme conseiller pour les relations économiques internationales. Guy Carron de La Carrière était le premier membre de l’Expansion économique à accéder à un poste aussi élevé dans l’administration centrale. Avec Dutet, le directeur de la DREE eut un intermédiaire privilégié auprès du président de la République126. Il fut ensuite remplacé à ce poste, en 1978, par Guy de Panafieu, un inspecteur des Finances. De manière générale, le nouveau chef de l’État s’entourait de personnalités qui l’avaient déjà servi au ministère des Finances et sur la fidélité desquelles il pouvait compter. C’est ainsi que Claude-Pierre Brossolette, ancien directeur du Trésor, devint le secrétaire général de l’Élysée de 1974 à 1976127.

La pérennisation du secrétariat d’État au Commerce extérieur

  • 128 On en trouve les comptes rendus dans les archives de la présidence de V. Giscard d’Estaing, CARAN, (...)
  • 129 Entretien de l’auteur avec M. Philippe Pontet du 31 mai 2005. M. Pontet avait succédé à Guy Carron (...)
  • 130 Les Échos, numéro du 30 décembre 1974, interview de Norbert Ségard.
  • 131 L’Aurore, numéro du 5 novembre 1975, « La ronde mondiale des contrats plutôt que les "accords fabul (...)
  • 132 CARAN, 5 AG 3/ 1121, sd. Missions à l’étranger, note du 19 novembre 1975 du ministre du Commerce ex (...)

37Autre signe du renforcement de la mainmise étatique, les missions d’industriels français à l’étranger étaient dorénavant de plus en plus souvent présidées par un haut fonctionnaire ou un membre du gouvernement. Les déplacements de Norbert Ségard, nommé secrétaire d’État au Commerce extérieur dans le gouvernement formé par Jacques Chirac en juin 1974, en furent la meilleure illustration128. La pérennisation du poste de ministre du Commerce extérieur à partir du milieu des années 1970 fut engendrée par cette institutionnalisation des déplacements conjoints à l’étranger de représentants de l’État et de chefs d’entreprise. Le dessein de Valéry Giscard d’Estaing avait été de créer un poste de « super-VRP » en y plaçant une personnalité de qualité, bien placée dans la hiérarchie ministérielle, pour parcourir le monde129. Docteur es sciences physiques, élu député apparenté UDR de Lille en mars 1973, en plein fief socialiste, N. Ségard se présentait volontiers comme un « commis voyageur au service de l’exportation130 ». Décernant les « Oscars de l’exportation », il inaugurait aussi les quinzaines du commerce extérieur et les expositions techniques françaises à l’étranger dans la continuité des années 1960, comme l’exposition de Singapour en mars 1975, en présence de 200 exposants français. Emmenant régulièrement avec lui une cohorte de vingt à cinquante industriels, N. Ségard fit la conquête de nombreux hommes d’affaires. Évoquant le séjour de trois jours au Brésil du ministre à l’automne 1975, L’Aurore expliquait : « Norbert Ségard n’est pas venu seul. Une quarantaine d’hommes d’affaires l’ont accompagné dans ce voyage : des représentants d’Alsthom, Gaz-Océan, Schneider, Matra, Peugeot, Renault, Citroën, Elf et même du secteur hôtelier, la chaîne Méridien131. » Ce voyage représentait un enjeu réel pour la France car sa part de marché au Brésil était alors en chute libre et les deux pays manifestaient la volonté conjointe de relancer leurs échanges et les investissements. À la suite de la création d’une Grande Commission en octobre 1975 à l’initiative des ministres des Affaires étrangères des deux États, Ségard et son homologue brésilien instituèrent une Commission économique pour l’industrie et le commerce qui devait encadrer les projets d’équipement tous azimuts évoqués par les deux hommes132.

  • 133 Les Échos, numéro du 30 décembre 1974, interview de Norbert Ségard.
  • 134 L’Express, numéro du 4 novembre 1974, « Un espoir ».
  • 135 The Economist, numéro du 4 octobre 1975, « Off their derrières ».
  • 136 Le Monde, numéro du 14 janvier 1976, « M. Norbert Ségard : un grand voyageur ».

38La presse, un temps dubitative, rendit hommage à son activité. « Ce professeur souriant et débonnaire allait-il être capable de mobiliser les énergies dans la bataille de l’exportation ? [...] Six mois plus tard, le moins qu’on puisse dire est qu’il a su se donner l’image de marque de sa fonction », estimaient Les Échos, en décembre 1974133. « [...] M. Giscard d’Estaing a eu raison de créer un secrétariat d’État au Commerce extérieur et de le confier à un homme politique, estimait Roger Priouret dans L’Express, en novembre 1974, [...] le choix du secrétaire d’État a été heureux. M. Norbert Ségard était connu dans le Nord comme un scientifique dynamique. Il est devenu en peu de temps un commerçant dynamique134. » Il ne fut pas jusqu’à The Economist qui ne saluât l’activisme de « Monsieur Export », who practically lives on an aeroplane135. Et l’hebdomadaire britannique d’expliquer avec humour : Want to buy a French-built car factory, a cernent plant, a television system ? Call Paris now. A French minister will be knocking at your door tomorrow morning. Lorsqu’il quitta son poste, Le Monde rendit hommage au « grand voyageur » qui avait « sans doute permis de sensibiliser davantage les industriels à l’impératif exportateur136 ». À sa suite, Raymond Barre, André Rossi et Jean-François Deniau affermirent le statut du ministère au sein de l’équipe gouvernementale, Raymond Barre étant notamment promu au poste de Premier ministre en août 1976, six mois après sa nomination au Commerce extérieur.

  • 137 JO du 22 février 1975, décret n° 75-106 du 21 février 1975 : « Art. 2 – La direction des Relations (...)
  • 138 Les Échos, numéro du 4 décembre 1974.
  • 139 « Les espoirs du commerce extérieur »– tableau, p. 63, de l’article « Le redéploiement et les expor (...)

39Au sein du quai Branly, les premières réactions furent en revanche circonspectes vis-à-vis du nouveau poste ministériel, d’autant que le décret relatif aux attributions du nouveau ministre rattachait la DREE à celui-ci137. La création d’un tel ministère vint surtout confirmer l’accentuation, en ce milieu des années 1970, de l’emprise étatique sur le commerce extérieur, ce qui n’échappa d’ailleurs pas aux commentateurs de l’époque. « Le temps est bien fini où l’on assignait aux industriels français de conquérir le Marché commun : M. Michel Poniatowski en Algérie, M. Jacques Chirac en Irak, M. Norbert Ségard, secrétaire d’État au Commerce extérieur dans les Émirats du golfe Persique et au Moyen-Orient, les cartes françaises sont clairement redistribuées », lançaient Les Échos138. Les temps s’annonçaient où les présidents de la République prendraient en personne la tête de délégations d’entrepreneurs pour témoigner de leur engagement sur les marchés étrangers. Dans l’immédiat, l’arrivée de Valéry Giscard d’Estaing correspondit à l’accroissement de la communication politique sur les problèmes économiques, en particulier sur ceux liés au commerce extérieur. La nouvelle politique des exportations fut dévoilée dans la presse et Norbert Ségard fit, par exemple, parvenir à L’Express en décembre 1974 le bilan des contrats de biens d’équipement garantis par la COFACE au cours de neuf premiers mois de 1974, en les comparant avec ceux de 1973139.

Le choix des « pays cibles » de la coopération

  • 140 Cf. Denis Lacorne, « La politique de promotion des exportations ou le colbertisme dans les moyens e (...)
  • 141 PPBLM, doss. CE 2, sd. Structures de l’administration du commerce extérieur.
  • 142 Ibid., doss. CE 3, sd. Orientations générales, note pour le ministre établie par Guy Carron de La C (...)
  • 143 En 1975, Guy Carron de La Carrière fait allusion à une note de juillet 1972 sur ce thème.
  • 144 À Sarrebruck, Gênes, Boston, Bilbao, Séville, Las Palmas, ou encore à la délégation de l’ONU.
  • 145 À Calcutta (Inde), au Pakistan, au Bangladesh, en Afghanistan, à l’île Maurice.
  • 146 PPBLM, dossier CE 2, sd. Structures de l’administration du commerce extérieur, note pour le ministr (...)
  • 147 Ibid.
  • 148 Ibid.

40Contrairement à ce qui a pu être écrit140, la gravité du choc pétrolier et ses répercussions sur le commerce extérieur comme sur la société furent donc immédiatement saisies par les responsables français. La réponse apportée fut une accentuation de la politique déjà existante des grands contrats et le redéploiement du dispositif vers un certain nombre de pays. C’est de cette période que date l’approche du commerce extérieur en termes de « pays cibles », même si cette appellation n’était pas encore apparue en 1974-1975. L’on parlait alors de « pays prioritaires ». Avant même l’élection de Valéry Giscard d’Estaing, la DREE avait commencé à réfléchir au renforcement des postes d’Expansion économique (PEE) en fonction des pays dont elle attendait beaucoup en termes de commandes. Une note de son directeur Larrera de Morel au responsable du service de l’Expansion économique du 12 avril 1974 l’atteste : « Il me semble que l’effort sur les pays "prioritaires" est insuffisant. Pouvons-nous en parler à nouveau ? BM. » À cette date, un tableau faisait apparaître deux catégories de pays : 1) Algérie, Irak, Iran, Malaisie, Nigeria, Venezuela, Afrique du Sud, Indonésie ; 2) Égypte, Syrie, Pakistan, Zaïre, États-Unis, Canada141. Par la suite, quatre catégories affinées furent établies : 1) les pays pétroliers du tiers-monde, et, parmi eux, ceux disposant des ressources humaines les plus importantes (Iran, Irak, Indonésie, Nigeria et Venezuela) ; 2) les grands pays producteurs de matières premières autres que le pétrole (Malaisie, Zaïre) ; 3) les pays développés ayant d’importantes ressources minérales (Canada, Afrique du Sud) ; et 4) les pays de l’Est, que leur régime économique mettait, en principe, à l’abri de la crise142. Le renforcement des PEE était l’un des éléments de leur réforme, commencée avant le début de la crise économique143 et que celle-ci n’avait fait qu’accélérer. Elle passait en premier lieu par la suppression des antennes de postes les moins productives144, la suppression totale des postes dans les pays sous-développés à l’importance jugée déclinante145 et la diminution d’effectifs dans les postes en surnombre – Londres apparaissait alors comme l’archétype du poste pléthorique146. En ce qui concernait la péninsule Indochinoise, « une décision définitive en la matière comme en sens inverse, sur la réactivation en temps opportun des postes de Konakry, Salisbury ou Pyong-Yang, ne saurait guère être prise sans concertation préalable avec le Quai d’Orsay et sans coordination avec ses propres travaux de "révision de la carte diplomatique" auxquels nous devrions être associés147 ». En revanche, la présence d’importants PEE dans les pays industrialisés n’était pas remise en cause à cette date comme elle le serait vingt ans plus tard148.

  • 149 Ibid.

41Inversement, on commença à étoffer considérablement les postes en fonction des nouveaux courants du commerce international. Le poste de Téhéran passa de 15 agents en 1973 à 24 en 1975. Pour 1976, il était prévu d’augmenter de 15 agents un ensemble de pays prioritaires composé de l’Indonésie, du Nigeria, de l’Afrique du Sud et du Venezuela, de 20 agents l’ensemble formé par les pays pétroliers du Moyen-Orient, de la Libye à la péninsule Arabique, et d’augmenter la présence française de 14 autres agents dans un ensemble formé par l’Égypte, la Jordanie, le Liban, le Soudan, la Syrie et le Yémen. D’autres pays aux importantes ressources minérales seraient renforcés de 24 agents : Bolivie, Canada, Équateur, Gabon, Malaisie, Mexique, Zaïre, Zambie. Enfin, les pays de l’Est les plus actifs pour le commerce français (URSS, Pologne) verraient également s’accroître leurs effectifs d’une quinzaine d’agents. Il fut enfin envisagé de renforcer la présence française dans trois pays industrialisés où elle était faible : les États-Unis, le Japon et la Nouvelle-Zélande, et, le cas échéant, dans des pays identifiés comme « prometteurs » : les nouveaux pays industrialisés d’Asie du Sud-Est, le Brésil et Cuba149. Au début de l’année 1976, la plupart des pays du Moyen-Orient étaient couverts par ce dispositif, ainsi que le Canada.

La continuité de la politique de coopération avec l’URSS

L’apogée de 1976 et la remise en cause engendrée par le Consensus

  • 150 Georges Sokoloff, Gérard Wild, « Les relations économiques de la France avec l’Est », op. cit., p.  (...)
  • 151 CARAN, 5 AG 3/1089, sd. Entretiens franco-soviétiques de Rambouillet, 4-7 décembre 1974, dossier du (...)

42La coopération économique, progressivement structurée durant la période gaulliste, se poursuivit dans la continuité sous les présidences pompidolienne et giscardienne, même si elle perdit la primauté qui avait été la sienne dans la définition et la pratique de ce schéma de coopération économique bilatérale qui fut alors copié et amélioré par d’autres États comme la RFA ou les États-Unis150. Après un ralentissement des échanges observable entre 1970 et 1971, ils repartirent à la hausse de 1971 à 1974. Un accord sur le développement de la coopération économique, technique et industrielle fut signé le 27 octobre 1971, dans le cadre du premier voyage du président du Soviet suprême Leonid Brejnev en France et en Occident, du 25 au 30 octobre 1971. Il fut prolongé par le programme de développement de la coopération franco-soviétique dans le domaine de l’économie et de l’industrie pour une période de dix ans, du 10 juillet 1973. Dans le même temps, la France constatait l’essor spectaculaire des relations économiques de l’Union soviétique avec la République fédérale allemande151.

  • 152 Article « Le redéploiement des exportations », L’Express, numéro du 16 décembre 1974.
  • 153 CARAN, 5 AG 3/1089, sd. Entretiens franco-soviétiques de Rambouillet, 4-7 décembre 1974, dossier du (...)
  • 154 Ibid., accords signés du 6 décembre 1974.
  • 155 Tatiana Speranskaia, Les relations économiques et commerciales franco-soviétiques des années 1960 a (...)

43La politique économique soviétique de Valéry Giscard d’Estaing, devenu président, fut inaugurée par l’accord entre le gouvernement de la République et le gouvernement de l’Union des Républiques socialistes soviétiques sur la coopération économique pour la période 1975-1979, du 6 décembre 1974. La photographie de la signature de ce dernier entre Nicolas Patolitchev et Jean-Pierre Fourcade, lors du deuxième voyage de Brejnev en France du 4 au 7 décembre 1974, illustra un dossier consacré par L’Express en décembre 1974 au redéploiement des exportations152. Il fixa l’objectif du doublement des échanges pour la période 1975-1979. Il fut accompagné d’un protocole annexe établissant la liste de projets industriels communs, d’un accord sur la fourniture de gaz ainsi que d’un protocole financier mettant à jour le protocole précédent du 12 mars 1970. Ce protocole relatif aux entretiens sur les conditions générales de crédit applicables aux ventes de biens d’équipement par la France à l’URSS pour la période 1975-1979 fut négocié par les équipes conduites par le directeur de la DREE Larrera de Morel et par le vice-ministre pour le Commerce extérieur Alkhimov du 28 au 31 octobre 1974, et finalisé à partir du 25 novembre 1974153. Il introduisait la formule du crédit acheteur (article II). Le taux de l’acompte (20 %) demeurait inchangé par rapport à celui du protocole de 1970 (article III). La durée du crédit allait de sept à huit ans et demi. Les affaires « moyennes », d’un montant inférieur à 425 millions de francs, relevaient d’un taux de 7,55 % (assurance-crédit comprise), soit un taux net de 7,5 %, et les « grands projets », d’un taux de 7,20 %, soit un taux net de 7,10 %. Le taux de droit commun en 1974 était de 7,50 %, soit une augmentation de 0,50 % depuis 1970154. Le protocole gouvernemental fut suivi d’un nouveau protocole financier signé, ce même 6 décembre 1974, par la Vnechtorgbank et 13 banques françaises. Pour la première fois, il s’agissait d’un document commun à toutes les banques françaises155.

  • 156 INSEE, Le mouvement économique en France, 1949-1979, mai 1981, p. 202.

44L’évolution des échanges commerciaux resta positive jusqu’en 1978, marquée par une nouvelle augmentation de leur montant (près de 6 milliards de francs en 1974, plus de 8 milliards en 1975, près de 10 milliards en 1976, plus de 12 milliards en 1977) comme des ventes françaises de biens d’équipement qui s’élevaient à plus de 17 milliards de francs, soit un montant trois fois supérieur à celui du montant total des ventes réalisées dans la période antérieure (1970-1974), qui était de 5,6 milliards de francs156.

  • 157 Sources : chiffres donnés par Marie-Pierre Rey, complétés avec le tableau figurant au dossier de Gu (...)

Tableau du montant des échanges de la France avec l’URSS de 1970 à 1979157

Années

Importations

Exportations

Total

Balance France

1970

1 130

1 517

2 647

+ 387

1971

1 442

1419

2 861

– 23

1972

1 487

1 719

3 206

+ 232

1973

1 924

2453

4377

+ 618

1974

2 839

3 152

5991

+ 338

1975

3 304

4905

8 209

+ 1 601

1976

4386

5312

9698

+ 926

1977

5680

7237

12917

+ 1 557

1978

5 627

6 551

12 178

+ 925

(Données en millions de francs courants)

  • 158 CARAN, 5 AG 3/1094, sd. Conseil restreint sur la préparation du voyage en Union soviétique du prési (...)
  • 159 PPBLM, doss. CE1, sd. Relations bilatérales, dossier de base URSS, note pour le directeur du 17 mai (...)
  • 160 Ibid., note de la DREE du 16 mai 1977 a/s visite en France de M. Brejnev.
  • 161 Cf. A. Capian, Notes et études documentaires, n° 4116-4117, 8 octobre 1974 ; Bertrand Nezeys, Les r (...)
  • 162 Marie-Pierre Rey, La tentation du rapprochement..., op. cit., p. 151-153.
  • 163 PPBLM, doss. CE1, sd. Relations bilatérales, dossier de base URSS, note pour le directeur du 17 mai (...)
  • 164 Annexe 1 à la note II, État de réalisation du programme décennal du 10 juillet 1973..., op. cit.

45Mais à partir de 1977, la réalisation des promesses de commandes faites par l’URSS entra dans une phase de ralentissement, et un tassement sensible de ses commandes effectives eut lieu : après s’être élevées à 5 400 millions de francs (MF) en 1974, puis 4300 MF en 1975, puis 7 000 MF en 1976, elles étaient retombées à 2 100 MF en 1977158. À la veille de la rencontre au sommet du 20 au 22 juin 1977 entre le président français et Leonid Brejnev, un premier bilan de la coopération économique franco-soviétique pour la période 1973- 1976 fut établi au mois de mai par la DREE159. L’année 1976 fut saluée comme une année « particulièrement remarquable » en raison du montant global des contrats signés, encore jamais atteint – près de 7 milliards de francs –, comme du montant des contrats unitaires passés160. En ce qui concernait les projets réalisés dans le cadre du programme de juillet 1973, ceux qui avaient entraîné les contrats les plus importants avaient été établis selon un système de compensation. De fait, parmi les formes multiples prises par la coopération économique avec les pays de l’Est161, les accords de compensation furent une forme privilégiée qui s’épanouit à partir de la signature du programme de juillet 1973162. La plupart du temps, l’acheteur soviétique acquérait une licence de fabrication et la France s’engageait à racheter une partie des produits soviétiques fabriqués sous licence française. Ce fut le cas pour deux affaires : lors de la vente d’équipements et de matériels pour l’industrie du gaz, et lors de la vente d’équipements pour l’industrie de la cellulose163. À cela s’ajoutèrent douze projets s’élevant à un montant total de 2 224 millions de francs, conçus dans le cadre de contrats établis sans contreparties. L’opération qui avait le plus rapporté était la vente du complexe de camions de la Kama et d’autres équipements destinés à l’industrie automobile (760 millions de francs)164. Toutefois, le quai Branly ne pouvait dissimuler le ralentissement de la réalisation des promesses de commandes faites par l’URSS. Or, un handicap pesait sur cette coopération privilégiée : l’évolution de la question des taux d’intérêt. En ce qui concernait le protocole financier conclu en 1974, applicable durant la période 1975-1979 aux ventes de biens d’équipement et de grands ensembles industriels, et qu’elle avait accepté de reconduire en 1976, la DREE avait conscience qu’elle ne pourrait maintenir son taux privilégié.

  • 165 Cf. chapitre 10.
  • 166 PPBLM, doss. CE1, sd. Relations bilatérales, dossier de base URSS, note pour le ministre du 8 juin  (...)

46En octobre 1974, à Washington, les puissances du G 7 (États-Unis, Canada, Japon, Allemagne de l’Ouest, France, Italie, Grande-Bretagne) avaient contracté, en effet, un premier Arrangement portant à 7,5 % le taux d’intérêt minimum des crédits à l’exportation d’une durée de plus de cinq ans. Par la suite, la France avait pris part à la signature du Consensus entre les États membres de l’OCDE et accepté de relever ses taux d’intérêt à long terme sur les pays de l’Est de 0,25 %, ce qui les portait à 7,75 %165. Elle fut l’objet de pressions britannique et italienne pour exercer un tel relèvement, également sur les taux consentis à l’URSS. En tout état de cause, il fallait actualiser le taux consenti à l’Union soviétique pour la période allant de juillet 1977 à décembre 1979. Tactiquement, il pouvait s’avérer opportun pour la France de procéder à ce relèvement lors de la négociation prochaine avec l’URSS, car elle pouvait arguer du relèvement récent des taux à l’exportation. Attendre la fin de l’accord quinquennal, la fin de l’année 1979, serait beaucoup plus risqué : les taux de droit commun seraient peut-être restés au même niveau, mais les partenaires de la France n’accepteraient plus d’exception au Consensus. En outre, le maintien des taux actuels, par la réduction des taux ou des primes d’assurance, était de plus en plus coûteux pour l’État. La DREE envisagea donc un relèvement des taux allant de 0,15 à 0,25 %. Elle écarta ce dernier relèvement qui ferait très probablement échouer la négociation : des négociations similaires entre l’Italie et l’URSS portant sur un taux de 7,80 % étaient actuellement dans l’impasse. Elle estima que la proposition d’un relèvement de 0,15 %, limité aux seuls grands projets, bien que risquée, était une position défendable. « Je laisse toutefois apprécier au ministre, écrivait le directeur de la DREE, car l’enjeu m’apparaît tout autant politique que commercial, si une économie de 0,15 % sur le taux justifie une éventuelle altération du climat de la coopération avec la France166. » La DREE était parfaitement consciente que, « pour l’URSS, l’enjeu des négociations dépassera[it] le cadre français ». Tablant sur un montant de commandes très important d’ici la fin de l’année 1979, elle ne mésestimait pas l’avantage politique et commercial que la France retirerait d’un tel maintien en dépit de son coût financier élevé. Mais elle maintint sa position en recommandant un relèvement minimal de 0,15 %.

  • 167 Le précédent protocole financier avait été signé, rappelons-le, le 6 décembre 1974.
  • 168 PPBLM, doss. CE1, sd. Relations bilatérales, dossier de base URSS, note 1 établie par la DREE à l’o (...)
  • 169 Ibid., annexe à la note 2, Liste des contrats conclus avec l’URSS depuis le 1er janvier 1977 et arr (...)
  • 170 Ibid., note 2. Souligné dans la note.
  • 171 CARAN, 5 AG 3/1094, sd. Conseil restreint sur la préparation du voyage en Union soviétique du prési (...)
  • 172 Ibid., 1093, sd. Visite officielle d’Andrei Gromyko en France, 25-28 octobre 1978, note du conseill (...)

47Les 14 et 15 juin 1977 eut lieu une rencontre franco-soviétique, préliminaire au sommet présidentiel, consacrée à l’actualisation du protocole de 1974167. Les taux valables jusqu’au 30 juin 1977 étaient de 7,55 % pour les opérations courantes assorties d’un crédit long terme, et de 7,20 % pour les grands projets supérieurs à 425 millions de francs. En octobre 1977, lorsque Raymond Barre se rendit en Union soviétique pour la 12e session de la Grande Commission, la question n’était pas encore tranchée168. En outre, au 15 septembre 1977, le montant des commandes soviétiques dépassait à peine 1,7 milliard de francs, ce qui était très en deçà du montant estimé par la DREE169. Indéniablement, l’on assistait à un essoufflement des prises de commandes de biens d’équipement et d’installations industrielles. Aussi la visite de Raymond Barre représentait un véritable enjeu : « En tout état de cause, le Premier ministre sera fondé à insister pour qu’au cours de la dernière partie de l’année (donc du 4e trimestre), le maximum d’efforts soit fait de part et d’autre afin que le maximum de commandes d’usines et d’équipement puisse nous être passé170. » Lors de son voyage, le Premier ministre accepta la reconduction du taux jusqu’au 31 décembre 1978 contre l’assurance d’une passation de 10 milliards de francs de commandes. L’échange de lettres eut lieu le 30 novembre 1977. Toutefois les promesses soviétiques ne furent pas honorées puisque le volume des commandes réellement passées fut de 3 450 millions de francs171, et, six mois plus tard, Patolitchev dut admettre que l’URSS avait décidé de marquer une pause dans le rythme de ses commandes vis-à-vis de l’ensemble de ses fournisseurs occidentaux afin de résorber le nombre trop élevé d’ensembles industriels livrés, mais non encore montés172.

L’Afghanistan ? Business as usual

  • 173 Cf. le récit donné par Jean-François-Poncet, 37, Quai d’Orsay. Mémoires pour aujourd’hui et pour de (...)
  • 174 CARAN, 5 AG3/1093, sd. Divers, notes 1979, note pour le président de Guy de Panafieu du 9 janvier 1 (...)
  • 175 Ibid., note de Michel Freyche du 19 janvier 1979.
  • 176 Ibid., 1094, sd. Visite officielle en Union soviétique (26-28 avril 199), note de synthèse de la so (...)
  • 177 Ibid., note de la DREE du 23 avril 1979.

48Lorsque de nouvelles négociations sur le protocole financier s’ouvrirent, en janvier 1979, entre Freyche et Ivanov, le vice-ministre du Commerce extérieur, un fait nouveau en modifia le contexte : l’invasion soviétique qui venait d’avoir lieu en Afghanistan, fin décembre 1978. Les États-Unis prièrent la France d’y surseoir immédiatement, mais celle-ci fit prévaloir une position réaliste173. Valéry Giscard d’Estaing demanda aux négociateurs français de poursuivre le processus de négociation tout en ne descendant pas en dessous du taux minimum fixé par l’Arrangement de l’OCDE174. La négociation eut lieu les 9-11 janvier 1979. La France maintint encore les taux en cours (de 7,55 96 et de 7,20 96) pour les contrats qui devaient être conclus en 1979175. Par ailleurs, la visite officielle du président français en Union soviétique des 26-28 avril 1979, au cours de laquelle deux grands accords économiques devaient être signés, ne fut pas remise en cause. Dixième rencontre franco-soviétique au sommet depuis 1966 et quatrième rencontre entre les deux hommes, elle s’inscrivait pour le Quai d’Orsay dans la continuité. Son enjeu était bien de conforter « notre statut de puissance mondiale176 ». Le quai Branly comptait sur le président pour pousser certains dossiers, en particulier celui relatif à la fabrication de tôles au silicium sur le site de Novolipetsk, porté par Creusot-Loire Entreprises depuis 1975177. Les textes furent signés à Moscou le 28 avril 1979. Le programme à long terme de développement de la coopération économique, industrielle et technique pour la période 1980-1990 vint se substituer à celui signé en juillet 1973 ; l’accord de coopération économique pour 1980-1985, à l’accord signé en décembre 1974. L’objectif affiché était celui d’un triplement des échanges au cours des cinq années suivantes. D’autre part, l’accord de coopération industrielle et technique du 27 octobre 1971 fut prorogé jusqu’au 31 décembre 1990 à la suite d’un échange de lettres entre René Monory, ministre de l’Économie, et N.S. Patolitchev en date du 28 avril 1979. Une kyrielle d’autres accords vinrent préciser la coopération dans différents domaines.

  • 178 Sd. Divers, notes 1979, note de la DREE du 16 novembre 1979.
  • 179 Ibid.
  • 180 Ibid., 1094, sd. Visite officielle en Union soviétique (26-28 avril 199), note de Guy de Panafieu d (...)
  • 181 Ibid., AG 3/1093, sd. Divers, note de Guy de Panafieu du 21 novembre 1979.
  • 182 Ibid., note de Guy de Panafieu du 14 décembre 1979.
  • 183 Ibid., AG 3/1095, notes diverses, notes de Guy de Panafieu des 16 et 17 janvier 1980.
  • 184 Ibid., note de Guy de Panafieu du 21 février 1980.

49La négociation sur le protocole financier s’ouvrit à la fin de l’année 1979. Or, du fait du Consensus, le taux de droit commun était passé à 7,75 % pour cette catégorie de « pays intermédiaires », dont l’URSS faisait partie178. En outre, la conjoncture internationale allait dans le sens d’une nouvelle hausse des taux d’intérêt tant sur le marché international des capitaux que sur le marché intérieur. La prochaine négociation pour fixer le régime d’un nouveau cycle d’échanges dans les années 1980-1985 devait en tenir compte, au risque de constituer le « premier cas de "dérogation franche" » au Consensus et d’entraîner des réactions hostiles, voire un risque de dislocation de ce Consensus. Il faudrait à la fois respecter le taux fixé par ce dernier tout en donnant des concessions à l’URSS qui la maintiendraient dans une situation privilégiée par rapport aux autres pays socialistes. Trois options se présentaient : soit réduire la prime d’assurance-crédit, comme on le faisait pour les autres pays de l’Est, voire la supprimer et fixer un taux unique de 7,75 % ou 7,80 % ; soit abaisser les acomptes à 15 % ; soit maintenir le régime antérieur pour trois grands projets en cours179. La question ne fut pas évoquée lors de la tenue de la Grande Commission à Moscou, les 3-5 octobre 1979, mais la France apprit à cette occasion que le projet relatif aux tôles en silicium était en train de lui échapper180. L’Américain ARMCO était en train d’emporter le marché. Sur une note de son conseiller Guy de Panafieu, Valéry Giscard d’Estaing demanda que l’on négocie le nouveau taux en respectant le taux minimum du Consensus de 7,75 % fixé pour les pays de l’Est, « peut-être, ajouta-t-il, en gardant une petite réduction pour les "grands projets"181 ». Dès lors, le quai Branly établit la position française : accepter d’abaisser l’acompte à 15 96, de réduire le taux de prime à 0,10 % ou 0,05 %, et de maintenir le taux actuel pour les trois grands projets en cours182. La négociation s’ouvrit à Paris à la mi-janvier 1980 sur la proposition de Michel Freyche d’un taux de 7,95 96, qui respectait en fait le taux de 7,75 96 du Consensus, puisque la part de la COFACE envisagée était de 0,20 %. D’autre part, le Français proposait un taux de 7,80 % pour financer les grands projets183. La négociation se poursuivit à Moscou, un mois plus tard. L’Union soviétique fit une contre-proposition portant sur un taux unique de 7,80 % pour tous les contrats. Le quai Branly s’y déclara favorable dans la mesure où elle respectait le taux du Consensus en prévoyant une prime d’assurance-crédit de 0,05 %, qui était la même que celle du protocole de 1974. Le président de la République se rangea à cet avis. Le taux net restait de 7,75 96, ce qui était l’essentiel184. L’accord fut définitivement conclu le 22 février 1980.

  • 185 Ibid., note de Guy de Panafieu du 9 janvier 1980.
  • 186 Ibid., note de Guy de Panafieu du 27 février 1980.
  • 187 Ibid., note de François Mayer pour Guy de Panafieu du 18 avril 1980.
  • 188 Ibid., note de Guy de Panafieu du 16 juin 1980 pour MM. David, Pelletier (copie à M. Viot).
  • 189 Ibid., note manuscrite pour le ministre de Jean-Claude Paye, du 22 juin 1980.
  • 190 Ibid., note de Jacques Wahl à Guy de Panafieu du 22 juillet 1980 et note de P. Leclercq du 30 juill (...)

50La France s’engouffra par ailleurs dans la brèche ouverte par l’adoption de sanctions économiques décidée par les États-Unis à l’encontre de l’envahisseur soviétique. Lorsque la société Citroën et le groupe Empain-Schneider sollicitèrent l’Élysée au début du mois de janvier 1980 pour savoir s’ils devaient maintenir une rencontre prévue avec leurs interlocuteurs soviétiques, le président annota la demande d’un « suivre la procédure normale ». Quand le baron Empain et le président de Spie-Batignolles, Berthon, s’enquirent de l’opportunité d’aller dîner à l’ambassade soviétique à Paris, le président annota un « pas d’objection185 ». L’affaire de la construction d’une usine à Novolipetsk bénéficia de la conjoncture politique. La commande avait bien été passée à ARMCO associée à Nippon Steel, le 17 décembre 1980. Or, depuis l’invasion de Kaboul, les États-Unis avaient mis l’embargo sur les exportations de technologies sensibles vers l’Union soviétique et celle-ci revenait vers Creusot-Loire Entreprises (CLE). Pour remporter le marché, le groupe français était prêt à négocier soit les seuls équipements (laminoirs et lignes), soit ceux-ci et la technologie afférente. En mars 1980, l’URSS fit savoir qu’elle dénonçait officiellement le contrat américain186. Dès lors, le président-directeur général de CLE, François Mayer, partit pour Moscou en avril et confirma son accord de principe pour la livraison des équipements187. Les pressions américaines qui s’exercèrent alors sur la France en furent-elles la cause principale ? Toujours est-il que l’Élysée mit tout d’un coup son veto et CLE en informa Moscou le 18 juin188. François Mayer ne cacha pas son amertume à Jean-Claude Paye, alors directeur des affaires économiques et financières au Quai d’Orsay, qui suggéra de reconsidérer l’interdiction signifiée à CLE, arguant que personne n’avait songé à faire observer aux Américains que si l’ingénierie du projet ARMCO était américaine, les équipements étaient japonais, et que, par conséquent, si la France se substituait à un concurrent, c’était au Japonais, non à l’Américain. En outre, Nippon Steel n’avait pas renoncé à vendre des équipements en dépit du retrait américain189. L’argumentation de Paye fut repoussée par les Américains lors d’un entretien qu’il eut avec Richard Cooper, le secrétaire d’État adjoint aux Affaires économiques : le contrat tout entier était américain. En juillet 1980, nouvelle volte-face : l’Élysée ne s’opposait plus à la livraison des équipements par CLE, à la fureur des États-Unis190.

L’intensification de la politique polonaise

  • 191 Ibid., 1054.
  • 192 Ibid., sd. Rencontre d’Arlamowo, 23-24 septembre 1978, note de la sous-direction d’Europe orientale (...)

51Lorsque Valéry Giscard d’Estaing devint président de la République, les relations avec la Pologne, loin de se distendre, s’intensifièrent. Il revendiquait une relation privilégiée avec le dirigeant polonais Gierek dont atteste la tournure privée de certaines lettres adressées à celui-ci191. Entre 1974 et 1978, les deux hommes se rencontrèrent à quatre reprises, ce qui était la marque d’un dialogue au sommet sans équivalent à l’Est, y compris dans le cadre de la coopération soviétique192. Dans ce contexte, le président français poursuivit avec continuité, du ministère des Finances à la présidence de la République, une diplomatie commerciale destinée à soutenir le développement économique de la Pologne et son émancipation au sein du bloc communiste. Un véritable pari politique soutint une démarche qui, à partir de 1976, passa outre la situation d’endettement exceptionnel que connaissait la Pologne.

Signature de l’accord franco-polonais du 30 janvier 1975 entre Mieczyslaw Jagieski, vice-président du Conseil des ministres, et Jean-Pierre Fourcade, ministre des Finances, sous le regard de Bertrand Larrera de Morel, directeur des relations économiques extérieures

Signature de l’accord franco-polonais du 30 janvier 1975 entre Mieczyslaw Jagieski, vice-président du Conseil des ministres, et Jean-Pierre Fourcade, ministre des Finances, sous le regard de Bertrand Larrera de Morel, directeur des relations économiques extérieures

© MEIE/MBCPRE-CAEF (cote 75/1 31 n° 12 A)

  • 193 Ibid., sd. Séjour de Jagielski, 26-29 janvier 1977, curriculum vitae préparé par le Quai d’Orsay ; (...)
  • 194 Ibid., sd. Visite officielle de Wojtaszek en France, 3-4 juillet 1978, biographie.
  • 195 Article « La Pologne est devenue le premier marché de l’industrie française des télécommunications  (...)
  • 196 Article de Jacques Jublin, « La France et la Pologne sur la voie d’une coopération exemplaire », Le (...)

52Dans le cadre de l’accord décennal du 5 octobre 1972, une commission mixte annuelle vint faire vivre la coopération. Les rencontres de travail avaient lieu sous l’égide du directeur de la DREE qui, au nom du ministre des Finances, assurait la vice-présidence de la commission mixte annuelle. Du côté polonais, Mieczyslaw Jagielski, vice-président du Conseil des ministres depuis 1970, assurait la présidence de la commission. La francophilie qu’on lui attribuait était au diapason de celle affichée par Gierek ou encore par le ministre des Affaires étrangères Emil Wojtaszek193. L’équipe élyséenne avait alors pleinement conscience que cette prédisposition francophile de l’équipe polonaise et sa stabilité aux commandes de l’État depuis 1970 créaient une conjoncture particulière pour approfondir la relation entre les deux pays. Ambassadeur en France de 1972 à 1976, puis nommé ministre des Affaires étrangères en décembre 1976, Wojtaszek, était, comme Gierek, un « émigré économique » de l’entre-deux-guerres et il avait, lui aussi, grandi en France de 1929 à 1950194. Les années 1972-1975 furent celles d’une mobilisation accrue des acteurs publics et parapublics vers le marché polonais. La Pologne fut célébrée par la presse française comme le « premier marché de l’industrie française des télécommunications ». Deux usines de centraux téléphoniques furent construites dans le cadre de deux contrats signés en septembre 1972, le premier avec Le Matériel téléphonique et la Compagnie générale de construction téléphonique, filiales françaises de l’Américain ITT, le second avec CIT-Alcatel, du groupe français CGE195. Puis le secteur français des télécommunications remporta « sa plus importante commande à l’exportation » en décrochant le 10 janvier 1975 un contrat de 335 millions de francs pour la construction d’une usine de fabrication de câbles de télécommunications à Ozarow, près de Varsovie, sur la base d’un accord de compensation permettant d’écouler en France la production polonaise196. La signature entre Elektrim, la société polonaise pour le commerce extérieur de l’équipement électronique, la société française d’ingénierie Serete et la Société anonyme de télécommunications (SAT) eut lieu en présence de Pierre Lelong, secrétaire d’État aux Postes et Télécommunications, et de son homologue Edward Kowalczyk.

  • 197 PPBLM, doss. CE1, sd. Relations bilatérales, dossier de base Pologne, RDA.
  • 198 Marie-Pierre Rey, La tentation du rapprochement..., op. cit., p. 151-153.
  • 199 Cf. François Seurot, Le commerce Est-Ouest, Paris, Economica, 1987, p. 27.

53Le 20 juin 1975, un accord quinquennal de coopération économique fut signé par lequel les deux parties s’engageaient à mettre en œuvre des « programmes de coopération concertés entre les deux pays et l’exécution de grands projets d’intérêt mutuel concernant les organismes et entreprises français et polonais, dans les conditions prévues aux contrats passés, y compris ceux qui pourraient être réalisés sur la base de la compensation ou de la coproduction » (article II)197. Les accords de compensation avaient été expérimentés dans la coopération avec l’Union soviétique à partir de la signature du programme de développement décennal adopté en juillet 1973198. Dans le cas de la coproduction, les deux parties se répartissaient la gamme de fabrication de manière à permettre un échange de technologies dans les deux sens199.

  • 200 Entretien avec M.B. Larrera de Morel du 13 juin 2005.
  • 201 PPBLM, doss. CE1, sd. Relations bilatérales, dossier de base Pologne, RDA.

54Un nouveau protocole financier fut signé, le 20 juin, qui déterminait les conditions préférentielles de crédit applicables aux ventes de biens d’équipement par la France en Pologne pour la période 1976-1978. Il prenait la suite du protocole précédent qui avait défini une enveloppe de 4,5 milliards de francs. Le montant fut porté à 7 milliards de francs à la demande expresse du ministre Jean-Pierre Fourcade200. De même, la quotité de l’acompte de 15 %, et non de 20 %, comme cela se pratiquait généralement, reflétait la place privilégiée accordée à l’acheteur polonais201. Le montant total des commandes et la définition des seuils créaient des conditions plus favorables que celles contenues dans le protocole du 12 mars 1970 signé avec l’URSS. Des bonifications d’intérêt furent accordées : de 0,18 % pour les crédits à cinq ans, et de 0,30 % pour les crédits égaux ou supérieurs à sept ans, soit des taux de l’ordre de 7,55 % pour les premiers, et de 7,73 % pour les seconds. En l’occurrence, la bonification était moins forte que celles accordées dans les contrats avec l’URSS, de l’ordre de 0,5 % à 1 %. Il n’en demeurait pas moins qu’elle portait sur un montant de commandes très élevé et que peu de pays bénéficièrent alors de bonifications sur des montants aussi importants.

  • 202 Ibid., document annexé à l’accord relatif au charbon du 20 juin 1975 « Conditions des facilités fin (...)
  • 203 CARAN, 5 AG 3/1054, sd. Séjour de Jagielski, 26-29 janvier 1977, note pour le président de Jean-Pie (...)

55Enfin un troisième accord fut aussi signé le 20 juin 1975, fixant les quantités de charbon achetées par la France en Pologne et les facilités financières octroyées à cette occasion pour des achats en France. L’enjeu était important pour la France qui, au lendemain du premier choc pétrolier, cherchait à diversifier ses sources d’approvisionnement en énergie. Par cet accord, la Pologne s’engageait à faire tous ses efforts pour augmenter les tonnages de charbon-vapeur qui avaient été prévus pour 1975, résultant d’un contrat antérieur du 14 avril 1972 et de l’avenant du 7 novembre 1974, et pour majorer de 300 000 tonnes par an les tonnages envisagés pour les années 1976 à 1979. Pour le charbon à coke, les livraisons devaient être portées à 2,5 millions de tonnes par an à compter du 1er janvier 1983 et pour une période de quinze ans. En contrepartie de ces livraisons, la France donnait son accord pour que des facilités financières préférentielles fussent accordées à la Pologne à concurrence de 900 millions de francs (article IV). Le montant total des commandes se décomposait de la manière suivante : 225 millions de francs pour les achats en France de demi-produits, 225 millions de francs pour les achats en France de biens d’équipement légers et 450 millions de francs pour les achats en France de biens d’équipement moyens202. L’ensemble des contrats bénéficiaient des mêmes conditions préférentielles pour la quotité de l’acompte (15 %). L’achat des demi-produits (tôles, tubes et tuyaux, barres, profilés, aciers spéciaux, fibres synthétiques et artificielles, fils de laine, caoutchouc synthétique, polystyrène, acide phosphorique, solvants, polyuréthane, pesticides, etc.) se faisait selon la formule classique du crédit acheteur, sur cinq ans, amortissable en dix semestrialités égales, à partir d’un montant minimum d’un million de francs. La bonification d’intérêt était de 0,18 %, soit un taux de 7,55 % l’an. Enfin, en janvier 1976, deux nouvelles lignes de crédit furent ouvertes, destinées à permettre l’achat en France de produits sidérurgiques, chimiques et textiles. Cet effort sans précédent permit à la France de se hisser en 1976 à la place de 2e fournisseur occidental de la Pologne après la République fédérale allemande, et même de s’emparer de la première place en ce qui concernait la fourniture de biens d’équipement. Les ventes françaises avaient augmenté de 38 % de 1975 à 1976, et ses achats de 36 96, pour des montants respectifs de 3,5 et 2 milliards de francs203.

  • 204 Projet de loi de finances. Budget de 1978, économie et finances. II. Services financiers, commerce (...)

56Jusqu’en 1977, l’État français ne s’alarma pas outre mesure de l’accroissement de l’endettement des pays de l’Est. Évalué à environ 45 milliards de dollars pour 1976, il se répartissait de la manière suivante : 18 milliards pour l’Union soviétique, 10 milliards pour la Pologne, 6 milliards pour la RDA, 4 milliards pour la Roumanie, 1,8 milliard pour la Tchécoslovaquie et 3 milliards pour la Bulgarie et la Hongrie. La commission des finances de l’Assemblée nationale, bien que donnant les chiffres attestant l’accroissement spectaculaire de l’encours des risques garantis par la COFACE sur la Pologne, se contentait à l’automne 1977 d’une prévision générale rassurante, estimant « peu probable qu’une cessation de paiements de ces pays intervienne à terme prévisible [...]204 ».

  • 205 CARAN, 5 AG 3/1054, sd. Séjour de Jagielski, 26-29 janvier 1977, note pour le président de Jean-Pie (...)
  • 206 CARAN, 5 AG 3/1054, sd. Rencontre d’Arlamowo, 23-24 septembre 1978, note de Guy de Panafieu du 21 s (...)
  • 207 Ibid., sd. Visite de Gierek, 7-8 septembre 1979, note de Guy de Panafieu du 4 septembre 1979.

57Pourtant, dès le début de l’année 1977, l’un des conseillers du président de la République tira la sonnette d’alarme devant les difficultés économiques intérieures qui s’accroissaient en Pologne : mauvaises performances de l’agriculture, déficit commercial avec les pays occidentaux très élevé et, surtout, cet endettement extérieur très élevé de près de 10 milliards de dollars, avec un service de la dette estimé à 30 % des recettes d’exportation alors qu’il n’était que de 20 96 en Union soviétique. Dès lors, le conseiller recommandait une certaine révision de la politique commerciale française, dont la part dans l’endettement polonais représentait 10 % de la dette totale contractée par la Pologne auprès des Occidentaux. Il prônait la poursuite d’une « politique de crédit raisonnablement ouverte, sans toutefois chercher à emporter à tout prix les opérations d’un montant très élevé205 ». Un an plus tard, la situation financière polonaise demeurait très préoccupante : le service de la dette était passé à 40 % en 1978, soit 12 milliards de dollars. En outre, la réduction amorcée de son déficit commercial engendrait une réduction des échanges dont la France pâtissait : elle avait rétrogradé au rang de 4e fournisseur derrière la RFA, les États-Unis et la Grande-Bretagne. Malgré les importantes facilités de crédit accordées depuis 1975, le rythme des commandes polonaises en France s’était fortement ralenti206. En 1979, prenant acte de la fin de la période « euphorique » des années 1976-1979, la Pologne manifesta le souhait d’obtenir le refinancement de sa dette extérieure auprès des Occidentaux. Toutefois, elle était hostile à un traitement multilatéral de cette question pour des raisons d’image politique : cela aurait été reconnaître l’état de quasi-faillite d’un État socialiste. Or, la France était son premier créancier au titre des crédits commerciaux garantis (2,4 milliards de dollars). En 1980, la Pologne était tenue de lui rembourser 1,8 milliard de francs, et en 1981, 2,1 milliards de dollars207. En juillet 1979, le président de la Banque polonaise du commerce extérieur suggéra à Michel Freyche de lui accorder des crédits financiers à hauteur de 4 milliards de francs, amortissable en sept à huit ans, dont deux à trois ans de carence. Cela éviterait à la Pologne de réduire de manière drastique ses importations...

  • 208 Ibid.
  • 209 Ibid., télégramme de Serge Boisdevaix du 4 septembre 1979.
  • 210 Ibid., télégramme de Serge Boisdevaix du 5 septembre 1979.
  • 211 Ibid., sd. Divers. Notes 1980. Il s’agissait d’un prêt à huit ans, dont trois ans et demi de grâce, (...)

58Deux lignes s’opposaient dans l’entourage de Valéry Giscard d’Estaing. Du côté du ministre des Finances René Monory, le rééchelonnement pur et simple était préféré, du côté de l’entourage élyséen, on inclinait vers l’octroi de nouvelles facilités. L’avis de Guy de Panafieu en septembre 1979 était assez représentatif de cet état d’esprit : « Indépendamment des raisons politiques qui militent dans ce sens, il ne semble pas justifié, pour des motifs purement économiques, de se montrer trop restrictif à l’égard des demandes polonaises. [...] L’octroi de crédits à moyen terme, à des conditions de faveur, pour l’importation de demi-produits, à hauteur d’un montant qui reste à déterminer, paraît être la solution la plus conforme à la fois aux besoins de la Pologne et à nos propres intérêts208. » L’ambassadeur de France en Pologne Serge Boisdevaix poussait en faveur de cette seconde approche, relayant la vision défendue par Michel Poniatowski, envoyé spécial du président français auprès du dirigeant polonais. La France devait s’engager et « jouer la carte de l’avenir économique à long terme » de la Pologne. Cela impliquait qu’elle assure des courants d’importation suffisants en provenance de Pologne afin de permettre à celle-ci de maintenir ses achats en France. Qu’elle accepte de financer à très long terme des projets d’exploitation des ressources naturelles polonaises (cuivre, charbon, lignite, minerai de fer) et qu’elle fasse un effort financier immédiat209. D’autre part, Jagielski faisait savoir, par l’intermédiaire de Michel Poniatowski, qu’« un échec [...] renforcerait notre dépendance à l’égard de l’Est210 ». En novembre 1979, la France accorda un prêt de 1 250 millions de francs à la Pologne destiné à consolider les 2/3 des dettes échéant en 1980211.

  • 212 Ibid., lettre de Valéry Giscard d’Estaing à Jimmy Carter du 1er septembre 1980.
  • 213 Ibid., note de Patrick Leclercq du 19 novembre 1980.
  • 214 Le 21 novembre, René Monory et Mieczyslaw Jagielski signèrent un nouveau programme de coopération p (...)
  • 215 CARAN, 5 AG 3/1054, notes de Jacques Wahl du 8 septembre 1980 et de Guy de Panafieu du 16 septembre (...)
  • 216 Ibid., note de Guy de Panafieu du 19 novembre 1980.

59Au problème dramatique de l’endettement polonais vinrent se greffer les événements politiques qui mobilisèrent l’opinion internationale autour de la révolte des chantiers navals de Gdansk et de la signature des accords du 31 août 1980. Lors d’un échange épistolaire avec le président américain Jimmy Carter, Valéry Giscard d’Estaing voulut lire dans la crise politique la preuve que « la détente contribue à une évolution en profondeur des régimes socialistes212 ». Il estimait aussi que « c’est en acceptant d’accorder l’aide financière et alimentaire que Varsovie nous demandera que nous pourrons le mieux aider M. Gierek et ses amis à persévérer dans la voie libérale ». La chute de Gierek le 6 septembre 1980 et son remplacement par Stanislaw Kania à la tête du Parti ouvrier unifié de Pologne entraînèrent le report du voyage prévu du président français. Mais cela n’eut pas de conséquence immédiate sur la gestion des affaires économiques extérieures. Selon l’Élysée, Jagielski sortait renforcé de la crise. Signataire des accords, il bénéficiait à la fois de la confiance de Kania et de celle des syndicats213. Il fut maintenu à son poste de vice-Premier ministre et de coprésident de la commission franco-polonaise et, en septembre-octobre, Michel Freyche comme son homologue du Trésor Jean-Yves Haberer se rendirent à Moscou pour poursuivre les négociations en cours214, et le 21 novembre, ce fut au tour de Mieczyslaw Jagielski de venir à Paris demander la reconduction de l’accord et solliciter l’octroi de nouveaux crédits. La France n’entendait pas remettre en cause la reconduction pour 1981 de l’accord pour 1980 sur le crédit de 1 250 millions de francs215. Toutefois, l’Élysée estima que la question de la dette polonaise ne pouvait plus faire l’objet de mesures bilatérales et qu’une concertation internationale s’imposait, requise d’ailleurs pour la première fois par la Pologne elle-même216. Sa dette vis-à-vis des pays occidentaux s’élevait à près de 22 milliards de dollars.

  • 217 Ibid., copie de lettres de Jean François-Poncet, Edmund Muskie, Jimmy Carter et Trudeau.
  • 218 Ibid., note de Guy de Panafieu du 7 janvier 1981.
  • 219 Article « L’aide française : 4 milliards pour la Pologne », Le Figaro, numéro du 1er avril 1981.
  • 220 Article d’A. Navarro « L’ardoise polonaise : 3 milliards pour la France », Libération, numéro du 19 (...)

60Craignant qu’une rencontre des Occidentaux ne fournît à l’Union soviétique le prétexte à intervenir militairement en Pologne, les États-Unis tentèrent de reporter la rencontre fixée aux 11-12 décembre 1980. Le président français ne la différa que d’une dizaine de jours pour ne pas envoyer de signal négatif à la Pologne. Au début du mois de décembre, les responsables occidentaux eurent un échange relatif à l’imminence d’une intervention soviétique217. La rencontre des créanciers de la Pologne se tint les 22-23 décembre 1980 : elle rassembla dix États. Les quatre Européens furent les plus ouverts à une aide accrue à la Pologne, tandis que la circonspection américaine entraînait l’abstention du Canada, de la Suisse et du Japon218. Le 26 mars 1981, la Pologne suspendit le service de la dette. Les acomptes impayés entraînèrent le blocage des exportations françaises. La France renouvela pour 1981 le crédit de quatre milliards de francs accordé en 1980 afin de permettre à la Pologne d’acheter les produits alimentaires vitaux pour sa survie219. À la suite du coup de force du général Jaruselski, le 13 décembre 1981, les Occidentaux suspendirent les négociations sur le rééchelonnement de la dette polonaise en janvier 1982 : cela les laissait face à une « ardoise » qu’ils étaient bien obligés d’éponger. À la fin de l’année 1982, la presse française évaluait l’« ardoise polonaise » à trois milliards de francs pour la France220. La dette totale de la Pologne à l’égard de la France s’élevait selon les chiffres rendus officiels à 11 milliards de francs sur un endettement total de 175 milliards de francs (soit 25 milliards de dollars). À ce sinistre plus ou moins prévu s’ajouta un autre sinistre moins attendu.

L’Iran : un pays brièvement « prioritaire » (1974-1979)

  • 221 Michel Jobert, Mémoires d’avenir, 1984, p. 284.

61Au lendemain de la première crise pétrolière, les pays du Proche-Orient étaient devenus essentiels dans le dispositif français. Comme on l’a vu, l’administration française avait anticipé cette évolution afin de stimuler le développement des exportations, et, avant la crise, Michel Jobert, ministre des Affaires étrangères, avait encouragé l’ouverture des marchés du Proche-Orient aux industriels français pour conforter la politique arabe de la France221. L’Iran et l’Irak furent deux pays privilégiés par Valéry Giscard d’Estaing et son Premier ministre Jacques Chirac, qui effectuèrent une sorte de partage des responsabilités dans le suivi des dossiers.

  • 222 Archives du ministère des Affaires étrangères (AMAE), DE-CE, Papiers directeurs O. Wormser, 76, Ass (...)
  • 223 Ibid., document annexe destiné à la 11e réunion du 6 février 1958 du Conseil supérieur de la coopér (...)

62L’intérêt renouvelé de la France pour un pays où elle avait exercé une profonde influence culturelle remontait à la fin des années 1950. Après le Liban et la Turquie, l’Iran venait en troisième position dans les programmes culturels français grâce à plusieurs établissements anciens : l’Institut franco-iranien, le Lycée de Téhéran, le Centre culturel de Tabriz, la Mission archéologique ou encore le réseau important d’écoles gérées par des missions religieuses222. Face à la politique offensive des États-Unis, la France estima que le développement de sa coopération technique avec l’Iran pouvait permettre de renforcer une influence culturelle défaillante. Une nouvelle fois, l’économie était appelée à soutenir la culture. Ces deux domaines formaient un tout et, à leur intersection, la promotion d’une culture technique française participait de la tentative de renouvellement de l’image traditionnelle d’un État élitiste propageant un savoir littéraire. La coopération technique soutenue par le Quai d’Orsay et le quai Branly en fut le vecteur par l’octroi de bourses aux étudiants iraniens dans les domaines scientifique, technique et médical, et par l’envoi d’experts français auprès des administrations iraniennes. Depuis le règlement du conflit pétrolier en 1953, l’Iran faisait de plus en plus appel à l’équipement, aux capitaux et aux experts étrangers. Or, les principaux concurrents de la France avaient répondu à cet appel : parmi les États fournisseurs, les États-Unis venaient à la première place, suivis par la Grande-Bretagne et la RFA. Enfin, le développement iranien était, depuis peu, soutenu par la Banque mondiale, qui lui avait accordé un premier prêt de 75 millions de dollars en janvier 1957, et l’assistance technique des Nations unies faisait une large place à l’Iran dans ses programmes223.

  • 224 Ibid.
  • 225 La manifestation se tint du 31 octobre au 14 novembre 1959.
  • 226 AMAE, Afrique-Levant, Iran, 1960-1965, 39, note de la DAEF du 16 avril 1960.
  • 227 Entretien avec M. Georges-P. Leroy, commissaire général du Comité permanent des foires et manifesta (...)
  • 228 Article « Au pays des mille et une nuits la France lance une "tête de pont" très réaliste », Le Mon (...)

63La France était déjà présente sur le marché iranien – les principaux contrats d’équipement passés depuis 1955 et garantis par la COFACE représentaient 30 milliards de francs –, mais elle entendait passer à la vitesse supérieure. Le développement des affaires était soutenu par le recours de l’administration iranienne à des bureaux d’études français, comme le GICOF, le Groupement des ingénieurs conseils français, chargé de certains travaux d’électrification, d’adduction d’eau et d’asphaltage des routes de province de l’Ouest224. À côté des champs d’intervention traditionnels (mines, télécommunications, etc.), la France s’efforçait d’imposer son expertise dans de nouveaux domaines : le balisage côtier, la protection civile, l’équipement hospitalier, la cartographie, etc. En novembre 1959, elle organisa une Quinzaine technique à Téhéran225, avec 250 exposants, afin de présenter ses principales réalisations en matière d’équipement226. Comme pour toutes les manifestations de ce type, l’ensemble du dispositif étatique fut mobilisé : le conseiller commercial à Téhéran, le CNCE, le Comité permanent des foires et manifestations économiques à l’étranger. Une surface de 35 000 mètres carrés, située dans le parc de la Cité universitaire, fut mise à la disposition des Français qui y construisirent les bâtiments nécessaires227. Le journaliste Pierre Drouin, envoyé spécial du Monde, s’inquiéta de la « sévérité de l’exposition ». « Notre pays peut-il se reconnaître dans le miroir tendu par nos seuls grands secteurs industriels ?, se demandait-il. L’accent a été mis si longtemps sur les prouesses de nos créations de luxe que le pendule repart aujourd’hui obstinément dans l’autre sens. Y a-t-il excès de rigueur ? » Mais il salua surtout le souci de « coller au marché » des industriels français qui changeait « heureusement des vieilles habitudes ». « De plus en plus l’industriel français s’éloigne de la mentalité de "petit épicier" qui était encore la sienne il n’y a pas si longtemps dans le domaine du commerce extérieur228. »

  • 229 AMAE, Afrique-Levant, Iran, 1960-1965, 39, note de la DAEF du 11 octobre 1961.
  • 230 CARAN, 5 AG 3/1854, sd. Relations internationales, ssd. Iran, note du 10 juin 1974.

64À cette date, l’Iran était devenu le premier des clients de la France au Proche-Orient. En 1961, il venait en deuxième position, très près derrière l’URSS, pour le volume des affaires couvertes par la COFACE229. Dans le cadre du voyage à Téhéran du général de Gaulle en octobre 1963, un accord commercial, reconductible tous les trois ans, fut signé pour encadrer les échanges franco-iraniens. Puis, un protocole financier conclu en décembre de la même année mit, pour la première fois, à la disposition de l’Iran une enveloppe de 300 millions de francs sur dix ans. Il s’inscrivait dans la continuité des prêts consentis la même année, en juin au Mexique et en novembre à l’Espagne, par le ministre des Finances et des Affaires économiques, Valéry Giscard d’Estaing, pour encourager les exportations de biens d’équipement. En novembre 1971, un nouveau crédit du même montant fut de nouveau accordé. Enfin, en novembre 1972, une commission interministérielle mixte de collaboration commerciale et économique fut créée230.

  • 231 Article « Le shah d’Iran au Grand Trianon : la revanche de Persépolis », Le Quotidien de Paris, 24  (...)
  • 232 CARAN, 5 AG 3/1854, sd. Relations internationales, ssd. Iran, note du 12 juin 1974, Rapports commer (...)
  • 233 Ibid., communiqué franco-iranien du 27 juin 1974.
  • 234 La société Eurodif avait à l’origine son capital réparti entre cinq pays : la France, l’Italie, la (...)
  • 235 Article « Le financement de l’usine d’enrichissement de Tricastin », Le Monde, numéro du 4 janvier  (...)
  • 236 La lettre d’intention relative aux deux centrales françaises fut signée par l’Iran le 18 novembre 1 (...)

65Du fait de la crise pétrolière, l’Iran devint un « pays prioritaire » pour les exportations françaises sur la liste établie en 1974. Un accord-cadre fut signé le 7 février 1974 entre le ministre des Finances français et son homologue iranien Hushang Ansari, « le premier et le plus important signé entre un pays industriel et un pays producteur d’hydrocarbures depuis le début de la crise pétrolière231 ». Les importations françaises en provenance d’Iran étaient constituées à 96 % de pétrole ; ce pays était devenu son deuxième fournisseur pétrolier en 1975, derrière l’Arabie Saoudite et devant l’Irak, et il représentait 12,7 % de son approvisionnement total. Réciproquement, les exportations de la France vers l’Iran, qui avaient commencé à croître en 1974, avaient augmenté de 119 % en 1975 : l’État perse était devenu son 13e client dans le monde. Les grands constructeurs français y avaient établi une représentation commerciale. Toutefois, les exportations françaises globales restaient très en retrait par rapport à celles des États-Unis, du Japon, de la RFA et de la Grande-Bretagne232. Le voyage très médiatisé de Mohamed Reza Palahvi, le shah d’Iran, en France, du 24 au 29 juin 1974, scella un rapprochement à la fois politique et économique, et permit au président français de commencer à récolter les fruits dont il avait semé les graines comme ministre des Finances. Outre des promesses de contrats, un accord de coopération pour développer l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire fut signé le 27 juin entre Jean-Pierre Fourcade, le ministre de l’Économie et des Finances du gouvernement Chirac, et Hushang Ansari. La France s’engageait à aider l’Iran à créer un centre de recherches nucléaires, à former son personnel et à lui fournir des centrales nucléaires pour produire son électricité233. Dans le cadre d’un accord signé en novembre 1974 et rendu public par Michel d’Ornano, ministre de l’Industrie et de la Recherche, le 2 janvier 1975, le gouvernement iranien s’engagea à prêter un milliard de dollars au Commissariat à l’énergie atomique pour permettre le financement de la participation de la France à la construction de l’usine européenne d’enrichissement de l’uranium Eurodif, fondée en 1973 par Georges Besse, sur le site drômois du Tricastin, près de Pierrelatte234. En contrepartie, l’Iran acquérait indirectement 10 % du capital du consortium européen et le droit d’acheter 10 % de la production d’uranium enrichi du site235. Il s’assurait ainsi l’approvisionnement des futures centrales nucléaires en uranium enrichi dont il devait passer commande à l’Allemagne et à la France236.

Rencontre de Valéry Giscard d’Estaing, ministres des Finances, et de son homologue iranien, Hushang Ansari, le 7 février 1974 dans les bureaux du ministre, rue de Rivoli

Rencontre de Valéry Giscard d’Estaing, ministres des Finances, et de son homologue iranien, Hushang Ansari, le 7 février 1974 dans les bureaux du ministre, rue de Rivoli

© MEIE/MBCPRE-CAEF (cote 74/9 15)

  • 237 CARAN, 5 AG 3/1854, note de Philippe Esper du 15 mai 1975.
  • 238 Article « France-Iran : des promesses aux contrats », L’Express, numéro du 7 avril 1975.

66Le Premier ministre français se rendit en Iran du 21 au 23 décembre de la même année pour concrétiser ces projets. Dans la foulée, la signature de grands contrats (métro de Téhéran, centrales nucléaires) fut annoncée avec fracas. Le 28 juin 1974, Jean-Pierre Fourcade avait déjà vanté publiquement les « sommes fabuleuses pour notre industrie » attachées aux projets retenus par les deux pays. Les termes lui en furent rapidement reprochés... Le représentant du ministère de l’Industrie, Philippe Esper, présent dans la délégation française à Téhéran, en décembre 1974, ne cachait pas six mois plus tard son inquiétude vis-à-vis d’engagements de principes non encore réalisés237, et la presse française s’emplit d’articles dubitatifs ou ironiques. « Aux industriels français, on fait croire trop vite que le "fabuleux marché" iranien était acquis. On en est loin. Voici pourquoi », titrait un chapeau de L’Express en avril 1975238.

  • 239 PPBLM, doss. 1, sd. Relations bilatérales, dossier de base Iran, note d’actualité de la 5e sous-dir (...)
  • 240 CARAN, 5 AG 3/1854, note de Philippe Esper du 10 juin 1976.
  • 241 PPBLM, doss. CE 1, sd. Relations bilatérales, dossier de base Iran, note d’actualité de la 5e sous- (...)
  • 242 Ibid., note de synthèse de la 5e sous-direction de la DREE de septembre 1976.
  • 243 Ibid.
  • 244 Ibid., note de synthèse de la 5e sous-direction de la DREE du 15 novembre 1977.

67À partir du printemps 1976, l’administration française s’inquiéta de la solvabilité du marché iranien. « Sanction d’ambitions démesurées », la balance des paiements était devenue déficitaire, en raison d’importations civiles fortement accrues et de dépenses militaires excessives. La dette extérieure n’atteignait toutefois pas 3 milliards de dollars et l’Iran disposait du double en réserves monétaires. Il assuma le choix de s’endetter plus avant pour ne pas casser sa croissance économique. Cela passa par l’emprunt sur le marché international et par le recours aux crédits à l’exportation. Cela se traduisit aussi par une réorientation de ses priorités, voire l’abandon de plusieurs projets, dont la France fit en partie les frais239. Lors de la visite que fit le Premier ministre iranien à Paris, les 24-28 mai 1976, il confirma néanmoins l’engagement de son pays pour une commande de six centrales nucléaires PWR, de deux surgénérateurs et d’un système de retraitement240. À cette occasion, le ministre des Finances Jean-Pierre Fourcade signa un protocole confidentiel indiquant que la France était prête à accorder des crédits à l’exportation d’un montant de 6 milliards de francs « pour faciliter la réalisation en Iran de projets d’intérêt mutuel ». Les conditions de ces crédits seraient déterminées au cas par cas, en fonction des caractéristiques de chaque projet241. Mais en septembre, l’inquiétude perdurait : aucun des grands contrats d’infrastructure n’avait encore été signé242. En outre, le ministère iranien de l’Économie et des Finances venait de demander dans une circulaire aux organismes publics commanditaires d’éviter de payer leurs achats d’équipement à l’étranger au comptant. Systématiquement, les entreprises françaises furent soumises à des demandes de financement243. Dans les années qui suivirent, si les négociations commerciales sur les prix ou les délais de livraison purent aboutir, les négociations financières furent beaucoup plus longues et difficiles, et des décalages de plusieurs mois entre les deux séries d’opérations étaient courants, comme le reconnaissait l’administration dans une note interne de 1977244.

  • 245 Ibid., note d’actualité de la 5e sous-direction de la DREE de septembre 1976 a/s relations commerci (...)
  • 246 Article « La France veut doubler dans les cinq ans sa part dans le marché iranien », Le Monde, numé (...)
  • 247 Article de Roland Guinier du Vignaud, « Et pendant ce temps Giscard revient d’Iran sa hotte pleine  (...)
  • 248 PPBLM, doss. CE 1, sd. Relations bilatérales, dossier de base Iran, note pour le ministre de la 5e (...)

68Le quai Branly misa beaucoup sur le voyage annoncé du président Giscard d’Estaing en Iran pour faire aboutir des affaires « dont beaucoup [étaient] prêtes pour la signature » et pour obtenir la signature, d’ici la fin de l’année 1976, du contrat annoncé pour la construction de deux centrales nucléaires de 900 MW par le consortium français (Framatome, Alsthom-Atlantique, Spie-Batignolles)245. Les négociations en cours entre l’Office atomique iranien et les entreprises françaises devaient permettre à terme l’installation des deux centrales sur la rivière Karun, au sud de l’Iran. Le voyage présidentiel eut lieu du 4 au 7 octobre 1976. La commande des deux centrales nucléaires fut confirmée (et celle de six autres inscrites sur l’agenda diplomatique), tout comme la commande de la centrale thermique de Tabriz, celle d’automobiles à Peugeot en association avec Iran National, la construction du chemin de fer Téhéran-Bandar Shahpour, la construction de quinze mille logements dans la ville nouvelle de Lavizan, près de Téhéran, etc. « Notre objectif est de doubler dans les cinq ans notre part du marché iranien et d’atteindre 10 % », déclara le ministre des Finances246. Le Quotidien de Paris ironisa une nouvelle fois. « [...] la tradition des coups de trompette ne s’est pas perdue. » Le président français ramenait à son tour, « dans sa gibecière de commis-voyageur du pays », « plein les mains de "contrats fabuleux" ». Se fondant sur la lenteur de la finalisation du contrat d’ingénierie relatif à la construction du métro de Téhéran, finalement signé le 14 mars 1976, le journal soulignait qu’il y avait « loin de la coupe aux lèvres et aux communiqués officiels trempés dans le champagne247 ». De fait, si le contrat commercial pour la construction de la centrale de Tabriz par Alsthom-Atlantique fut signé le 20 novembre 1976, et si le premier acompte fut versé en février 1977, le contrat financier n’était toujours pas finalisé à la veille de la 4e session de la commission mixte franco-iranienne en mai 1977248.

  • 249 Ibid., note pour le ministre de la 5e sous-direction de la DREE du 16 mai 1977.

69Celle-ci siégea à Téhéran du 2 au 4 mai 1977. Elle fut présidée par Hushang Ansari et par Jean-Pierre Fourcade, devenu ministre de l’Équipement et de l’Aménagement du territoire du gouvernement Barre, mais qui avait suivi depuis le début le dossier iranien. Elle fit progresser le dossier nucléaire puisque les préalables relatifs aux prix, aux garanties et au financement des deux centrales furent enfin levés et le début des travaux sur le site annoncé pour juin 1977. La signature de la convention de financement de la centrale thermique de Tabriz, annoncée comme imminente, intervint le 18 juillet249.

  • 250 Ibid., note de synthèse de la 5e sous-direction de la DREE du 15 novembre 1977.
  • 251 Article « Le contrat sur la livraison à l’Iran de deux centrales nucléaires est signé », Le Monde, (...)
  • 252 Article « Après l’Afrique du Sud, l’Iran : la France conquiert un brevet international », Les Échos(...)

70Le 16 octobre 1977 eut enfin lieu la signature définitive de l’ensemble des accords concernant les deux centrales : contrats commerciaux, contrat pour l’approvisionnement en combustibles, accord intergouvernemental de garantie, protocole financier fixant définitivement les conditions de crédit, y compris les taux d’intérêt. La négociation fut finalisée entre Akbar Etema, le président de l’Organisation iranienne de l’énergie atomique, et les présidents des trois firmes du consortium français : Philippe Boulin pour Creusot-Loire-Framatome, Pierre Loygues pour Alsthom-Atlantique et René Berthon pour Spie-Batignolles. Par ailleurs, la construction de deux autres centrales nucléaires commandées au groupe ouest-allemand Kraftwerk Union (KWU) était déjà lancée sur le site de Bushehr dans le golfe Persique. Ce fut, à cette date, le contrat le plus important jamais signé par la France avec l’Iran. Il s’élevait à 11 milliards de francs pour les deux centrales, dont 8,5 milliards de francs en part rapatriable (dont 5,3 milliards à crédit) et 2,5 milliards en dépenses locales, et à 4 milliards pour les combustibles nucléaires250. Trois années avaient donc été nécessaires depuis la lettre d’intention du 18 novembre 1974. Et encore, la signature initialement prévue pour le 18 septembre 1977 à Téhéran, en présence du délégué général à l’énergie Paul Mentré, avait-elle été différée à la dernière minute et repoussée à un mois plus tard. Comme le notait Le Monde, « il fallut que M. Poniatowski, envoyé spécial de M. Giscard d’Estaing, soit reçu par le shah d’Iran au début du mois d’octobre pour que la conclusion du contrat devienne enfin possible251 ». La presse économique salua ce contrat en soulignant que la France, qui venait de vendre sa première centrale nucléaire à l’Afrique du Sud, acquérait, grâce à l’Iran, un « brevet international dans la construction des centrales », même si le livre de commandes de Framatome était encore loin de rejoindre celui de KWU ou de Westinghouse et General Electric252.

  • 253 CARAN, 5 AG 3/1121, sd. Missions à l’étranger, note du ministre du Commerce extérieur au ministre d (...)
  • 254 Article « France-Iran : programme nucléaire compromis », Le Figaro, numéro du 11 octobre 1978.
  • 255 PPBLM, doss. CE 1, sd. Relations bilatérales, dossier de base Iran, note de synthèse de la 5e sous- (...)
  • 256 Article d’Henri Le Moing « Contrats iraniens : la fin du mirage », La Vie française, numéro du 13 n (...)
  • 257 Article « Ce que la France risque de perdre en Iran », L’Express, numéro du 6 janvier 1979.

71Ce succès fut suivi par la signature d’un accord-cadre, le 29 septembre 1977, entre la SNCF et les Chemins de fer de l’État iranien, qui, au terme de longues discussions, jetait les bases d’une coopération entre les deux organismes. La SNCF se voyait confier le contrôle de la réalisation du chemin de fer Téhéran-Bandar Shahpour. En revanche, pour le métro de Téhéran, dont l’étude avait été confiée à la RATP/SOFRETU, les appels d’offres pour la réalisation de la première tranche du tronçon avaient été limités à des entreprises iraniennes, même si les sociétés françaises devaient fournir une assistance technique. En juin 1978, de passage à Téhéran, Jean-François Deniau, ministre du Commerce extérieur, s’inquiétait de l’offensive de l’administration iranienne contre les projets du shah et se montrait dubitatif quant à leur poursuite253. De fait, les négociations relatives à la livraison de quatre nouvelles centrales françaises furent suspendues à l’automne suivant et la presse se fit l’écho du « changement de cap » iranien, imputé à la « pression des troubles récents254 ». Sur des difficultés économiques récurrentes se greffaient en effet des interrogations politiques : la poursuite des relations entre les deux pays était subordonnée à l’évolution de la politique intérieure iranienne, suivie avec attention par le ministère français des Affaires étrangères et qui ne laissait pas d’inquiéter le quai Branly255. En novembre 1978, La Vie française analysa clairement la « fin du mirage ». « Aux risques technologiques et économiques que peuvent encourir des exportateurs en Iran s’ajoutent désormais des risques politiques [...]. Le battage "publicitaire" qui avait accompagné l’annonce des commandes fabuleuses acquises en 1975 et en 1976 est encore dans toutes les oreilles. [...] Nous sommes loin de l’époque où les accords de principe, les lettres d’intention et les contrats conclus étaient hâtivement additionnés. Les espoirs étaient souvent raisonnables, mais l’accident s’est produit avec la crise politique256. » L’opération « 100 000 logements » fut enterrée, Bouygues perdit le chantier du Centre de technologie nucléaire d’Ispahan. Dès avant le départ du shah en janvier 1979, la plupart des grands contrats étaient annoncés comme perdus pour la France257. L’incertitude principale se concentra durant ces semaines de troubles sur le sort dévolu aux deux centrales commandées en 1977, dont les travaux étaient entamés sur le site de Darquin sur le fleuve Karun, et la livraison prévue pour 1983-1984.

  • 258 Article d’Henri Lauret, « L’Iran décide : pas de centrales nucléaires françaises », Le Matin, numér (...)
  • 259 Article de Bruno Dethomas « Une lourde ardoise pour le Trésor français », Le Monde, numéro du 11 av (...)
  • 260 Le Monde, numéro du 22-23 avril 1979.
  • 261 Article « Les Iraniens dénoncent le contrat passé avec la RATP pour la construction d’un métro à Té (...)

72À la suite de la révolution islamique, l’Iran annonça en avril 1979 qu’il poursuivait la construction des deux centrales ouest-allemandes mais qu’il abandonnait celle des centrales françaises258. Dès cette date, l’opinion s’inquiéta de la « lourde ardoise » que les événements faisaient peser sur le Trésor français259 et, au Sénat, le président de la commission des finances Édouard Bonnefous stigmatisa l’« imprévision de la politique iranienne de la France260 ». Le 13 mai 1979, l’Iran dénonça le contrat d’études passé avec la SOFRETU, le 14 mars 1976, pour la construction du métro de Téhéran261. Il réclama aussi le remboursement du prêt Eurodif consenti par le shah et résilia le marché relatif aux centrales nucléaire à la date du 4 juin 1979.

  • 262 Article d’Arnaud Rodier, « Des Français, timidement, retournent en Iran », Les Échos, numéro du 25  (...)
  • 263 CARAN, 5 AG 3/897, sd. Notes de Guy de Panafieu (1978-1981), note du 28 septembre 1979.
  • 264 Article de Pierre Briançon, « La révolution iranienne a coûté 4 milliards à la France », Libération(...)
  • 265 Article de Pascal Riché, « Français et Iraniens enterrent le contentieux Eurodif », Libération, num (...)

73En septembre 1979, l’incertitude demeurait sur la reprise de l’exécution de certains marchés comme celui de la construction de la centrale de Tabriz ; celle de la modernisation de la ligne de chemin de fer Téhéran-Bandar-Shahpour paraissait assurée. De fait, les deux chantiers furent relancés à l’automne 1979, l’Iran ayant repris certains paiements et la COFACE commencé à indemniser certains sinistres262. Le directeur de la COFACE écrivait à cette date à celui du Trésor que les sinistres liés aux événements iraniens se révéleraient moins coûteux qu’il ne l’avait envisagé en mai 1979, mais s’élèveraient quand même de 1 800 à 3 500 millions de francs263. Trois ans plus tard, les estimations officieuses portaient le montant à 4 milliards de francs264. Parallèlement, autour d’Eurodif, s’ouvrit un « grand feuilleton politico-juridico-diplomatique » qui se clôtura, provisoirement, par l’accord conclu à Paris, le 25 octobre 1991 par Mahmoud Vaezi, le vice-premier ministre des Affaires étrangères iranien, et François Scheer, le secrétaire général du Quai d’Orsay265.

Les relations privilégiées avec l’Afrique du Sud (1963-1981)

  • 266 Daniel Bach, « Un système autonome de relations : la France et l’Afrique du Sud (1963- 1977), dans (...)
  • 267 Daniel Bach, « Un système autonome de relations... », art. cité, p. 177.
  • 268 Ibid., p. 188.
  • 269 Jean-Paul Hébert, « Les exportations françaises d’armement... », art. cité, p. 264 ; Hugo Sada, « L (...)
  • 270 L’Afrique nouvelle, numéro des 23-29 juillet 1970, article « Qui vend des armes à l’Afrique du Sud  (...)

74L’Afrique du Sud fut l’autre pays avec lequel la France développa dans les années 1970 une grande politique d’exportation de nucléaire civil en dépit d’un risque politique beaucoup plus prévisible qu’en Iran. Le rapprochement s’était amorcé durant la période gaullienne, fondé sur la nécessité partagée de se « prémunir contre des pressions ou politiques internationales » allant contre leurs intérêts respectifs : l’embargo anglo-américain sur les ventes d’armements à l’Afrique du Sud, le contrôle exercé par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) sur l’emploi de l’uranium à des fins militaires266. L’Afrique du Sud s’imposa rapidement comme l’un des principaux clients d’armes de la France, les industriels français se retrouvant « en situation de quasi-monopole » dans nombre de secteurs du fait du retrait volontaire des fournisseurs anglo-américains267. Il n’existait pas encore en France de mouvement d’opinion anti-apartheid susceptible de contester ces relations, par ailleurs soutenues par des groupes de pression très actifs268. Dans la continuité de la circulaire de Georges Pompidou, qui avait interdit, le 10 septembre 1962, l’exportation d’armements susceptibles d’être employés à des fins de répression interne, la France avait voté l’embargo décrété par le Conseil de sécurité de l’ONU le 4 décembre 1963, établissant une distinction entre armements offensifs et défensifs. Elle ne s’interdisait donc pas la vente d’armements lourds et de licences destinées à soutenir l’effort d’équipement sud-africain. Les premiers contrats d’achat de matériel militaire français, en l’occurrence des automitrailleuses AML Panhard et des Mirage III, avaient été signés en 1961, suivis de ventes d’hélicoptères Alouette, en 1962269. De 1963 à 1970, le matériel fourni par la France comprenait : « 2 escadrilles de chasseurs Mirage III-EZ ; 4 avions de reconnaissance Mirage III-RZ ; 9 transports de troupe Nord-Transall ; 3 avions Mystère 205 ; 16 hélicoptères Super-Frelon ; plusieurs hélicoptères Alouette ; 3 sous-marins ; et du matériel de radar270. » Entre 1964 et 1968, l’Afrique du Sud devint le troisième client de l’industrie aéronautique française, derrière Israël et les États-Unis.

  • 271 Daniel Bach, « Un système autonome de relations... », art. cité, p. 178-179.
  • 272 Hugo Sada, « Les intérêts militaires et stratégiques en Afrique australe », dans Daniel Bach (dir.) (...)
  • 273 Le Figaro, numéro du 13 juin 1969, « Le système d’armes sol-air "Cactus" sera livré au début de 197 (...)
  • 274 Le Figaro, numéro du 13 juin 1969, « Le système d’armes sol-air "Cactus" sera livré au début de 197 (...)
  • 275 Combat, numéro du 29 juin 1971, « Usine de "Mirage" en Afrique du Sud ».

75À la suite de l’exacerbation de la querelle sur les ventes d’armes, elle entreprit de développer sa propre industrie d’armement en faisant appel à la technologie et à l’assistance technique étrangère sous l’égide de l’ARMSCOR, Armement’s Development and Production Corporation of South Africa. L’assouplissement de la politique des Anglo-Saxons à partir de 1969-1970 conduisit la France à multiplier, de son côté, les contrats à long terme et les cessions de licence pour se prémunir contre un retour en force de ses concurrents sur le marché271. Au-delà des relations commerciales, une véritable coopération économique et technique fut instaurée, « favorisant l’accueil, dans les écoles militaires, les laboratoires de recherche et de développement, les services techniques et de fabrication d’armement, de plusieurs centaines d’officiers et de techniciens militaires sud-africains272 ». En 1968, l’Afrique du Sud commença la fabrication locale d’engins blindés Panhard, sous licence française, puis, en 1969, d’automitrailleuses légères (AML H-60 et H-90)273. Un accord fut conclu en 1969 pour la mise au point d’ici 1971 du système d’armes sol-air Crotale, réalisé en Afrique du Sud sous le nom de Cactus, par Thomson-CSF et Matra274. En juin 1971, la Société des avions Marcel Dassault conclut un accord avec l’ARMSCOR destiné à permettre la fabrication sous licence française de Mirage F I et Mirage 111275.

  • 276 CARAN, 5 AG 3/1121, sd. Missions à l’étranger, note du ministre du Commerce extérieur du 23 avril 1 (...)
  • 277 Cf. Daniel Bach, « Un système autonome de relations... », art. cité, p. 197.
  • 278 CARAN, 5 AG 3/1121, sd. Missions à l’étranger, note du ministre du Commerce extérieur du 23 avril 1 (...)
  • 279 PPBLM, doss. CE1, sd. Afrique du Sud, DREE/Ve sous-direction A, fiche récapitulative, Principaux év (...)

76Étant l’un des pays les plus riches du monde en minerai d’uranium, l’État sud-africain commença aussi, en 1964, à en fournir à la France en échange de la coopération de celle-ci pour développer son propre équipement nucléaire. La coopération entra dans une phase nouvelle à la suite de l’élection de Valéry Giscard d’Estaing à la présidence de la République. Au terme d’une première mission du directeur de la DREE en novembre 1974, suivie d’une seconde mission conduite par Norbert Ségard en avril 1975, les dirigeants français s’étaient inquiétés de la faiblesse des échanges civils non sensibles : la France était le 6e fournisseur de l’Afrique du Sud et celle-ci occupait le 6e rang de ses clients africains après les pays de Maghreb (Algérie, 1er client, Maroc, 2e, Tunisie, 5e) et le Nigeria (3e) et la Côte d’Ivoire (4e)276. Le Centre français du commerce extérieur fit de l’Afrique du Sud l’un de ses nouveaux champs de prospection déclarés en 1975277. La France devait y accroître ses achats miniers, soutenir le développement de l’exploitation minière tout en participant aussi à de grands projets de production d’électricité278. Ces contacts conduisirent à la signature d’un contrat de ventes d’Airbus en septembre 1975, puis, surtout, à l’annonce de la signature le 29 mai 1976 de ce que l’on devait appeler le « contrat du siècle », portant sur la première centrale nucléaire à construire en Afrique du Sud sur le site de Koeberg, près du Cap279.

  • 280 CAEF, B 0055277/5, note du 4 juin 1976 de Jacques Gantier, conseiller commercial à Johannesburg, à (...)
  • 281 Ibid.
  • 282 PPBLM, doss. CE1, sd. Afrique du Sud, DREE/IV-B, Politique de crédit sur l’Afrique du Sud, mars 197 (...)

77Ce fut en l’occurrence « le plus gros contrat jamais signé par l’Afrique du Sud » à cette date, comme le releva le conseiller commercial français à Johannesburg280, estimé à quelque deux milliards de dollars. Cette annonce intervint au lendemain de celle de l’interruption des négociations avec le consortium concurrent conduit par General Electric et comprenant la société hollandaise Rijn-Schelde-Verolm et la société suisse Brown-Boveri. Suscitant la surprise, interprétée comme une « décision politique », l’attribution par ESCOM (l’équivalent sud-africain d’EDF) du marché à la France tint surtout aux conditions de crédit particulièrement avantageuses consenties par cette dernière. C’est en tout cas ce que fit valoir le poste d’Expansion économique à Johannesburg. Si les prix proposés par les trois groupes préqualifiés en avril par ESCOM – le groupe français, le groupe américain et le groupe ouest-allemand KWU – semblaient assez comparables, les conditions de crédit faites par la France avaient emporté la décision sud-africaine. « Or, à cet égard, il n’est pas contesté que la proposition française était très supérieure à celle des firmes concurrentes, et ceci pour deux raisons : en premier lieu parce que le système de crédit export français est, on le sait, spécialement favorable (et dans ce cas particulier rien n’avait été négligé pour le rendre aussi attractif que possible. On sait aussi que l’Import-Exim Bank ne participe pas au montage de crédits export sur l’Afrique du Sud, ce qui rend ces crédits nécessairement onéreux) ; en second lieu parce que, compte tenu des besoins d’emprunts à l’étranger de l’Afrique du Sud, il était incontestablement plus indiqué pour ce pays de s’adresser à une source de financement qui ne soit pas une source habituelle des emprunts financiers sud-africains. Cet élément orientait incontestablement aussi vers le fournisseur français281. » La réalisation de cette centrale à deux réacteurs nucléaires de 900 mégawatts chacun fut donc confiée au consortium français composé de Framatome, Alsthom et Spie-Batignolles. Le contrat de fourniture de cette centrale clés en main prévoyait l’entrée en fonctionnement de la première unité à la fin de 1982 et de la deuxième unité un an plus tard282.

  • 283 CAEF, B 0055277/5, note du 4 juin 1976 de J. Gantier, déjà citée.
  • 284 Hugo Sada, « Les intérêts militaires et stratégiques... », art. cité, p. 291 ; Daniel Bach, « Un sy (...)

78L’administration française comptait sur l’effet d’entraînement qu’aurait l’attribution d’un tel marché sur les industriels français : « [L’obtention d’un tel contrat] constitue une référence de valeur pour l’industrie française. [...] La position prise par le gouvernement français en la matière et qui implique la garantie d’un très gros financement sur une période extrêmement longue, devrait d’ailleurs les inciter à surmonter les hésitations qu’ils ont pu éprouver dans un passé récent à investir dans un pays comportant d’indéniables risques politiques283. » Mais l’entrée en application du contrat fut contrariée par un changement de conjoncture puisque sa signature intervint deux semaines avant les événements de Soweto de juin 1976. La mobilisation internationale croissante contre l’apartheid soumit la France à de fortes pressions pour appliquer des sanctions économiques à l’encontre de l’Afrique du Sud284. Si le Conseil des ministres des Affaires étrangères de la CEE écarta lors de sa réunion du 20 septembre 1977 l’application de sanctions proprement dites et s’en remit à l’adoption d’un code de bonne conduite pour les entreprises européennes implantées sur le territoire sud-africain, le Conseil de sécurité de l’ONU vota le 4 novembre 1977 la résolution 418 décrétant l’embargo obligatoire sur les livraisons de matériel militaire, sur les produits pétroliers et sur les équipements nucléaires.

  • 285 La Croix, numéro du 15 mai 1976, « La bombe atomique de Vorster » ; Le Quotidien du peuple, numéro (...)
  • 286 L’Express, numéro du 29 août 1977, « L’engrenage africain », numéro du 5 septembre 1977, « Afrique (...)
  • 287 L’Express, numéro du 29 août 1977, « L’engrenage africain ».
  • 288 Le Monde diplomatique, numéro de septembre 1978, « Comment l’Afrique du Sud a pu mettre au point "s (...)

79À cela s’ajoutait le débat naissant sur la capacité de l’Afrique du Sud à se doter de l’arme nucléaire : il fit rage au tournant des années 1970-1980. Avec le concours des États-Unis et de l’Allemagne, elle avait en effet conçu, près de Pretoria, une usine pilote d’enrichissement de l’uranium à Valindaba, susceptible d’être détournée à des fins non pacifiques285. En août 1977, l’agence Tass annonça l’existence d’un centre d’essais nucléaires, dans les sables du Kalahari, et l’imminence d’une première explosion286. Ce fut l’occasion de mettre en accusation la France sur la scène internationale, même si la centrale de Koeberg était loin d’être encore opérationnelle287. Les journaux ne se privaient pas de pointer la formation dans le domaine nucléaire de l’« axe Prétoria-Paris-Téhéran-Tel Aviv288 ».

  • 289 PPBLM, doss. CE 1, sd. Afrique du sud, DREE/IV-B, Politique de crédit sur l’Afrique du Sud, mars 19 (...)
  • 290 Daniel Bach, « Un système autonome de relations... », art. cité, p. 202.
  • 291 Hugo Sada, « Les intérêts militaires et stratégiques... », art. cité, p. 291.

80L’arrêt effectif des exportations de matériel militaire, y compris pour les livraisons en cours, eut des conséquences financières qui furent examinées par le quai Branly en 1978. La fabrication de deux sous-marins de type « Agosta » par Dubigeon-Normandie avait déjà engagé 75 % des dépenses prévues ; d’autre part, deux avisos-escorteurs et divers matériels terrestres avaient déjà été construits par les chantiers de la marine, ce qui constituait une charge totale de plus d’un milliard de francs pour la COFACE et le ministère de la Défense, si de nouveaux acquéreurs ne pouvaient être trouvés. Aussi des prospections furent engagées en ce sens par le ministère de la Défense pour revendre les sous-marins à des États comme le Pakistan, l’Inde ou l’Égypte, et les avisos au Maroc289. Les deux avisos-escorteurs furent finalement vendus à l’Argentine290. D’autre part, les annulations firent l’objet de longues tractations portant sur l’indemnité due aux Sud-Africains291.

  • 292 PPBLM, CE1, sd. Afrique du sud, DREE/IV-B, Politique de crédit sur l’Afrique du Sud, mars 1978.
  • 293 Ibid.
  • 294 Ibid.

81La DREE empêcha en revanche la réalisation de l’embargo préconisé sur les équipements nucléaires292. Le Trésor français s’était porté garant. L’interruption de ce contrat aurait eu évidemment de graves conséquences en forçant la COFACE à verser une indemnité très élevée. Le risque direct à supporter par les finances publiques s’élevait à 1,5 milliard de francs au 31 décembre 1977 et serait porté à 2,1 milliards de francs au 30 juin 1978293. D’autre part, les engagements de fourniture d’uranium à la France risquaient d’être remis en cause : le contrat portait sur la fourniture de 9000 tonnes d’uranium livrables à raison de 990 tonnes par an, sur dix ans, à partir de 1980, pour un montant d’environ 4 milliards de francs. Or la COFACE avait également délivré une police pour garantir cette opération d’importation par décision spéciale du ministre du 25 mars 1977. Et la COGEMA avait commencé à procéder à un prépaiement sous forme d’un prêt, par tiers, les 15 janvier et 1er juillet 1977 et 1er juillet 1978. La politique française à l’ONU était de sauvegarder en priorité les contrats signés, quitte à envisager des concessions pour l’avenir294. En la matière, la France s’annonçait prête à s’aligner sur la position allemande : suppression de l’octroi de la garantie aux investissements, limitation de la durée des crédits à cinq ans, surveillance des entreprises bénéficiant de garanties d’assurance-crédit pour des opérations sur l’Afrique du Sud.

  • 295 La Croix, numéro du 27 juillet 1985, « Le pied de nez de Framatome ».
  • 296 Témoignage chrétien, numéro du 5 août 1985, « La France et les sanctions... Il était temps ! » : «  (...)

82Dans un accord signé avec la France en décembre 1977, l’Afrique du Sud s’engagea à n’utiliser la centrale qu’à des fins pacifiques. L’AIEA devait contrôler la mise en service et l’utilisation de la centrale ainsi que le rapatriement vers la France de tous les déchets à retraiter. Après le 10 mai 1981 et la victoire de François Mitterrand, le nouveau gouvernement français décida de respecter le contrat signé sous la présidence précédente. Le second réacteur devait être raccordé au réseau électrique sud-africain en juillet 1985295. Au même moment, à l’initiative de la France, une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU était adoptée le 26 juillet, demandant aux États membres de prendre des sanctions économiques nouvelles pour obtenir l’éradication de l’apartheid comme la suspension de tout nouvel investissement et des prêts à l’exportation, ou encore l’interdiction de tout nouveau contrat dans le domaine nucléaire. La presse française de l’époque ne se priva pas de souligner les contradictions du gouvernement socialiste et le peu d’empressement de l’administration à mettre en œuvre les recommandations onusiennes296...

83La fin des années 1970 marqua ainsi l’apogée d’un dispositif d’expansion économique qui privilégia le cadre bilatéral pour s’épanouir alors même que la France était engagée, depuis la fin des années 1940, dans des logiques de multilatéralisation du traitement des problèmes extérieurs. En Union soviétique, en Pologne, en Iran ou en Afrique du Sud, l’année 1977 marqua un tournant dans la politique commerciale française sous l’effet conjugué de la pression internationale, de l’échec de la politique d’industrialisation forcenée de ces pays et de leur situation parfois proche de la banqueroute, et du poids de la conjoncture politique. Jusqu’à cette date, l’État français parvint à se faufiler entre les rets de ses engagements multilatéraux tout en acceptant de nouvelles procédures de régulation.

  • 297 Kenichi Fujisaku, « La politique asiatique de la France après de Gaulle (1969-1972) : une approche (...)
  • 298 Marie-Claude Smouts, « Valéry Giscard d’Estaing et le nouvel ordre économique international... », a (...)

84Les successeurs du général de Gaulle furent, de fait, plus actifs dans le domaine des négociations multilatérales. Le dossier communautaire fut débloqué dès l’élection présidentielle de juin 1969, la France entra dans un nouvel organisme régional, la Banque asiatique de développement, en décembre 1969297. Elle participa à la restructuration du système monétaire international comme ce fut le cas lors de la rencontre des Açores entre Pompidou et Nixon en décembre 1971, ou lors de l’instauration de sommets économiques entre les pays industrialisés, dont l’inauguration eut lieu à Rambouillet en novembre 1975298. Tout en se distinguant par son implication nouvelle dans les organismes internationaux en charge des questions économiques, monétaires et de développement, la politique des pouvoirs publics dans les années 1973-1978 constitua un apogée de la diplomatie des grands contrats inscrite dans la continuité d’une pratique décennale. Le président Giscard d’Estaing agit en cohérence avec le ministre de l’Économie et des Finances qu’il avait été à plusieurs reprises. Mais dès avant la fin de son septennat, à partir des années 1977-1978, une remise en cause profonde de cette politique intervint à divers niveaux.

Notes

1 Extrait de la conférence de presse du général de Gaulle du 9 septembre 1965, dans Charles de Gaulle, Discours et messages. Pour l’effort, août 1962-décembre 1965, Paris, Plon, 1965, p. 384.

2 Philip G. Cerny, Une politique de grandeur : aspects idéologiques de la politique extérieure de de Gaulle, Paris, Flammarion, 1986, p. 156.

3 Frédéric Turpin, La politique française de coopération avec l’Afrique subsaharienne francophone au prisme de la volonté de puissance, mémoire original de l’habilitation à diriger des recherches, université Paris 4, décembre 2007, p. 6.

4 François de Callières, De la manière de négocier avec les souverains. De l’utilité du choix des ambassadeurs et des envoyés et des qualités nécessaires pour réussir dans ces emplois (1716), (éd. critique par Alain Pekar Lempereur, Genève, Droz, 2002, p. 20).

5 Extrait de la conférence de presse du général de Gaulle du 9 septembre 1965, op. cit., p. 385.

6 Georges Sokoloff, Gérard Wild, « Les relations économiques de la France avec l’Est », chapitre 9 du livre publié sous la direction de Samy Cohen et Marie-Claude Smouts, La politique extérieure de Valéry Giscard d’Estaing, Paris, FNSP, 1985, p. 228.

7 À l’exception de l’Albanie et de la RDA.

8 Bertrand Nezeys, Les relations économiques extérieures, Paris, Economica, 2e éd., 1984, p. 152-153.

9 Denis Lacorne, « La politique de promotion des exportations ou le colbertisme dans les moyens en vue du libéralisme comme fin », dans Samy Cohen, Marie-Claude Smouts, La politique extérieure..., op. cit, p. 155.

10 Marie-Claude Smouts, « Valéry Giscard d’Estaing et le nouvel ordre économique international : une diplomatie plus qu’une politique ? », dans Samy Cohen, Marie-Claude Smouts, La politique extérieure..., op. cit., p. 263-283.

11 Centre des archives économiques et financières de la France (CAEF), B 54 922, Pays de l’Est, sd. Europe orientale. Ensemble, ssd. Relations économiques et financières (1955-1969), lettre de la DREE/SAC6 au ministère de l’Industrie et du Commerce du 13 octobre 1955.

12 Centre d’accueil et de recherche des Archives nationales (CARAN), 5 AG 3/ 1089.

13 CAEF, B 54 922, Pays de l’Est, sd. Europe orientale. Ensemble, ssd. Relations économiques et financières (1955-1969), lettre de la DREE/SAC6 au ministère de l’Industrie et du Commerce du 13 octobre 1955.

14 Ibid., note pour le ministre de la DREE/SAC5, du 27 mars 1956.

15 Sur la naissance du Comité pour le commerce avec l’Est de l’économie allemande (Ostausschuβ der deutschen Wirtschaft) créé en octobre 1952, cf. Andreas Wilkens, « Ostpolitik allemande et commerce avec l’Est. Objectifs politiques et enjeux économiques d’Adenauer à Brandt (1949-1974) », Revue d’histoire diplomatique, n° 2, 1999, p. 212.

16 CAEF, B 54 922, Pays de l’Est, sd. Europe orientale. Ensemble, ssd. Relations économiques et financières (1955-1969), note pour le ministre de Bernard Clappier du 26 février 1958.

17 Ibid., lettre de Max Fléchet à J. de Précigout, président du Syndicat français des textiles artificiels du 19 mai 1959.

18 Note de Bernard Clappier du 7 juillet 1956 citée par Arnaud Marty, Les acteurs publics de la diplomatie économique française en URSS..., op. cit., p. 72.

19 CAEF, B 54 922, Pays de l’Est, sd. Europe orientale. Ensemble, ssd. Relations économiques et financières (1955-1969), note pour le service de l’Expansion économique du Service de la politique commerciale du 31 janvier 1964.

20 Cf. chapitre 7, p. 270-271.

21 Marie-Pierre Rey, La tentation du rapprochement. France et URSS à l’heure de la détente (1964-1974), Paris, Publications de la Sorbonne, 1991 ; Maurice Vaïsse, La grandeur. Politique étrangère du général de Gaulle, 1958-1969, Paris, Fayard, 1998, chapitre 9 ; id. (dir.), De Gaulle et la Russie, Paris, CNRS Éditions, 2006.

22 Hubert Bonin, « L’émergence de la coopération industrielle, bancaire et commerciale franco-soviétique dans les années 1960 », dans Maurice Vaïsse (dir.), De Gaulle et la Russie, Paris, CNRS Éditions, 2006, p. 232.

23 Marie-Pierre Rey, La tentation du rapprochement..., op. cit., p. 277-282.

24 CAEF, B 54 922, Pays de l’Est, sd. Europe orientale. Ensemble, ssd. Relations économiques et financières (1955-1969), note pour le ministre d’André Valls du 23 novembre 1966.

25 Papiers privés de Bertrand Larrera de Morel (PPBLM), doss. CE1, sd. Relations bilatérales, dossier de base URSS, note pour le ministre de Jean Chapelle du 15 mai 1970.

26 Entretien de Maurice Badiche avec Frédérique Kern. Cf. F. Kern, L’implantation de Renault dans les pays de l’Est entre 1966 et 1974, maîtrise d’histoire, dir. Robert Frank, université Paris 1, septembre 1998.

27 F. Kern, L’implantation de Renault dans les pays de l’Est..., op. cit., p. 12-13.

28 Ibid., p. 48-49.

29 Marie-Pierre Rey, La tentation du rapprochement..., op. cit., p. 241.

30 CARAN, 5 AG 2/113, sd. Audience de Patolitchev, 6 décembre 1973, curriculum vitae.

31 Marie-Pierre Rey, La tentation du rapprochement..., op. cit., p. 264.

32 Henri Froment-Meurice, Vu du Quai. Mémoires 1945-1983, Paris, Fayard, 1998, p. 519.

33 Entretien de M. Michel Freyche avec l’auteur du 29 juin 2007.

34 Ibid. M. Freyche fut conseiller technique économique à l’Élysée de 1973 à 1974. Il avait appris à connaître G. Pompidou quand celui-ci était Premier ministre car c’était lui que Michel Debré déléguait alors pour traiter des questions sociales avec Jacques Delors et Édouard Balladur. Sa nomination au sein de l’équipe élyséenne se fit contre l’avis du ministre des Finances V. Giscard d’Estaing qui, après « six mois de pénitence », le nomma conseiller financier ministre plénipotentiaire à Londres où il resta jusqu’en octobre 1978, moment de sa nomination comme directeur de la DREE.

35 Entretien de M. Michel Freyche avec l’auteur du 25 février 2008.

36 Ibid.

37 PPBLM, doss. CE1, sd. Relations bilatérales, dossier de base URSS, note pour le ministre du 27 janvier 1970 signée par Jean Chapelle, et préparée par B. de Morel et F. Gavois.

38 Ibid., note pour le ministre du 27 janvier 1970 signée par Jean Chapelle et préparée par B. de Morel et F. Gavois.

39 Entretien de M. Michel Freyche avec l’auteur du 29 juin 2007.

40 PPBLM, doss. CE1, sd. Relations bilatérales, dossier de base URSS, note pour le ministre a/s Conditions de crédit à l’URSS de Bertrand Larrera de Morel du 13 mars 1970, § 5.

41 Ibid., §3.

42 Ibid., § 6.

43 Ibid., protocole du 12 mars 1970, article VI.

44 Ibid., note pour le ministre a/s Conditions de crédit à l’URSS de Bertrand Larrera de Morel du 13 mars 1970. En revanche, pour les autres projets, les seuils de déclenchement des crédits demeuraient les mêmes : 10 millions de francs pour les crédits à sept ans, et 50 millions de francs pour les crédits à huit ans et demi.

45 Ibid., note pour le ministre de Jean Chapelle du 15 mai 1970.

46 Ibid., protocole du 12 mars 1970, article VII.

47 Exemple donné par B. Larrera de Morel, note pour le ministre a/s Conditions de crédit à l’URSS, de Bertrand Larrera de Morel du 13 mars 1970.

48 PPBLM, doss. CE1, sd. Relations bilatérales, dossier de base URSS, Protocole du 12 mars 1970 relatifs aux entretiens sur les conditions générales des crédits à long terme consentis par la France pour la fourniture de machines et d’équipements français à l’URSS dans le cadre de l’accord entre la France et l’URSS sur la coopération économique et commerciale pour la période 1970-1974, signé le 26 mai 1969.

49 Cf. Marie-Pierre Rey, La tentation du rapprochement..., op. cit., p. 116.

50 Ibid., p. 147-149.

51 Ibid., p. 148.

52 Ibid., p. 149.

53 CAEF, B 54 922, Pays de l’Est, sd. Europe orientale. Ensemble, ssd. Embargo, notes de la DREE des 5 décembre 1966 et 29 novembre 1967.

54 Ibid., ssd. Relations économiques et financières, note de Jean Chapelle du 11 mars 1969. La réunion des conseillers commerciaux avait eu lieu du 13 au 15 janvier.

55 Ibid., note pour le ministre de Jean Chapelle du 19 septembre 1969.

56 Ibid.

57 En ce qui concerne les nationalisations, il s’agit de l’accord bilatéral du 19 mars 1948 ; pour les créances d’avant-guerre, de l’accord du 7 septembre 1951 (cf. Assemblée nationale, n° 2830. Deuxième législature. Session de 1952. Annexe au procès-verbal de la séance du 28 février 1952. Projet de loi autorisant le président de la République à ratifier l’accord du 7 septembre 1951, exposé des motifs).

58 Article de Philippe Ben, « Les Polonais vont découvrir la télévision au pavillon français de la Foire de Poznan », Le Monde, numéro du 28 juin 1956.

59 Les représentants de six États africains francophones participèrent aux côtés de la France à la signature de cet accord avec la Pologne.

60 Article « M. Modrzewski : il y a un accord de principe entre la France et la Pologne pour développer les échanges », Le Monde, numéro des 21-22 mars 1965 ; article de René Kerremans, « À l’ordre du jour des conversations : une coopération économique dépassant le cadre du nouvel accord commercial », Le Monde, numéro du 9 septembre 1965.

61 Article de Claude Temple, « M. Djubinski, conseiller commercial de l’ambassade de Pologne : "Nous avons pour 600 millions d’équipements à acheter en France... mais il faut ’déchopiniser’ nos relations" », L’Intransigeant, numéro du 10 mai 1966.

62 Article de Bernard Margueritte, « Le contrat pour la livraison d’une usine française à la Pologne s’élève à plus de 300 millions de francs », Le Monde, numéro du 25 avril 1967.

63 Notes et études documentaires, n° 3922, Les relations franco-polonaises (1945-1972), La Documentation française, 25 septembre 1972.

64 Article de Bernard Margueritte, déjà cité.

65 Article de Gérard-Jean Froment, « L’industrie polonaise s’implante en France », Le Figaro, numéro du 11 octobre 1966.

66 Cf. Maurice Vaïsse, La grandeur..., op. cit., p. 437.

67 CAEF, B 54 922, Pays de l’Est, sd. Europe orientale. Ensemble, ssd. Relations économiques et financières, note pour le ministre de Jean Chapelle du 9 septembre 1969.

68 Cf. les tableaux établis par Madeleine Ogerau, Georges Pompidou et l’Europe de l’Est (Pologne, Roumanie, Tchécoslovaquie), 1969-1974, maîtrise d’histoire, dir. Robert Frank, université Paris 1, juin 1998, p. 83.

69 Cf. Madeleine Ogerau, Georges Pompidou et l’Europe de l’Est, op. cit., p. 122.

70 Cf. les tableaux et graphiques élaborés par Madeleine Ogerau, Georges Pompidou et l’Europe de l’Est, op. cit., p. 92-93.

71 Article « La Pologne voudrait développer la coopération industrielle avec la France », Le Nouveau Journal, numéro du 18 juillet 1972.

72 Article « Berliet : contrat de 300 millions de francs avec la Pologne », Le Figaro, numéro du 1er août 1972 ; article de Jean-Marc Théolleyre, « Une usine de Wroclaw produira cinq mille autobus par an », Le Monde, numéro du 5 octobre 1972.

73 Extrait de l’entretien de Georges Pompidou et d’Edward Gierek le 2 octobre 1972, CARAN, 5 AG 2/ 1016, dossier Pologne, cité par Madeleine Ogerau, Georges Pompidou et l’Europe de l’Est, op. cit., p. 73.

74 Annotation de Georges Pompidou sur une note que lui fait parvenir Jean-Bernard Raimond le 26 septembre 1972, CARAN, 5 AG 2/1016, dossier Pologne, citée par Madeleine Ogerau, Georges Pompidou et l’Europe de l’Est, op. cit., p. 70.

75 Madeleine Ogerau, Georges Pompidou et l’Europe de l’Est, op. cit., p. 85-86. Des accords similaires furent signés avec la Roumanie le 28 juillet 1975 et avec la Tchécoslovaquie, le 14 novembre 1975.

76 Ibid.

77 Armelle Demagny, « La présidence française face à la mutation du marché pétrolier, 1969- 1974 ; analyses, anticipations, réactions », dans Éric Bussière (dir.), Georges Pompidou face à la mutation économique de l’Occident, Paris, PUF, 2003, p. 226.

78 Ibid., p. 230-232.

79 Armelle Demagny, « Les réactions de la présidence française face au choc pétrolier » dans Éric Bussière, Michel Dumoulin, Sylvain Schirmann (dir.), Milieux économiques et intégration européenne au xxe siècle. La crise des années 1970. De la conférence de La Haye à la veille de la relance des années 1980, Bruxelles, PIE-Peter Lang, 2006, p. 105-117.

80 PPBLM, dossier CE 2, sd. Interventions et notes personnelles du directeur, Réunion du 30 janvier 1975 pour les conseillers commerciaux. Réunions d’information et de travail. DREE, « Politique du commerce extérieur » par Bertrand Larrera de Morel.

81 Ibid., doss. CE 3, sd. Orientations générales et politique du commerce extérieur (notes générales pour l’arrivée des ministres, Prise de fonction de M. Barre, ministre du Commerce extérieur (20 janvier 1976), documents annexes, Annexe 4. Bilan de la politique d’aide aux capacités de production ; annexe 4 bis, Bilan au 31 décembre 1975 de la procédure de financement du 20 mars 1974.

82 Ibid., note pour le ministre de la DREE du 13 janvier 1977 ; DREE. Note pour le directeur du 17 janvier 2007.

83 Ibid., doss. CE 2, sd. Interventions et notes personnelles du directeur, exposé de Serge Normand, chef de bureau à la DREE, lors d’une réunion du 30 janvier 1975 pour les conseillers commerciaux. Réunions d’information et de travail. DREE, « Néobilatéralisme et coopération économique », p. 18.

84 Ibid., doss. CE 2, sd. Interventions et notes personnelles du directeur, Réunion du 30 janvier 1975 pour les conseillers commerciaux. Réunions d’information et de travail. DREE, « Politique du commerce extérieur » par Bertrand Larrera de Morel.

85 Cf. chapitre 10 et Bertrand Nezeys, Les relations économiques extérieures, op. cit., p. 163- 164 ; Marie Lavigne, Les relations économiques Est-Ouest, Paris, PUF, 1979 ; id., Les économies socialistes soviétiques et européennes, Paris, Armand Colin, 1979.

86 PPBLM, dossier CE 2, sd. Interventions et notes personnelles du directeur, exposé de Serge Normand, chef de bureau à la DREE, lors d’une réunion du 30 janvier 1975 pour les conseillers commerciaux. Réunions d’information et de travail. DREE, « Néobilatéralisme et coopération économique », p. 18.

87 CARAN, 5 AG 3/1121, sd. Missions à l’étranger, note du ministre du Commerce extérieur du 8 octobre 1975 au sujet de son déplacement en Syrie du 30 septembre au 2 octobre 1975. L’accord de coopération économique et industrielle fut signé en 1974.

88 Ibid., note du 10 janvier 1975 du secrétaire d’État au Commerce extérieur au président de la République au sujet du déplacement dans la Fédération des Émirats arabes unis, à Qatar et Oman des 7-17 décembre 1975.

89 Exposé de Serge Normand, chef de bureau à la DREE, lors d’une réunion du 30 janvier 1975 pour les conseillers commerciaux, déjà cité, p. 22.

90 CARAN, 5 AG 3/1854, sd. Iran, note du 10 juin 1974.

91 Exposé de Serge Normand, chef de bureau à la DREE, lors d’une réunion du 30 janvier 1975 pour les conseillers commerciaux, déjà cité.

92 François Seurot, Le commerce Est-Ouest, Paris, Economica, 1987, p. 78-81 ; Bertrand Nezeys, Les relations économiques extérieures, op. cit., p. 164-171.

93 PPBLM, doss. CE 3, sd. Orientations générales, note pour le ministre établie par Guy Carron de La Carrière, Les activités de la DREE au début de 1976, du 20 janvier 1976.

94 CARAN, 5 AG 3/1854, sd. Irak, note du 28 mai 1976 du ministère de l’Économie et des Finances et du ministère du Commerce extérieur.

95 Ibid., 1121, sd. Missions à l’étranger, note du ministre du Commerce extérieur du 10 juin 1975 au sujet de son déplacement en Bulgarie des 28-30 mai 1975.

96 Ibid., note du ministre du Commerce extérieur du 8 octobre 1975 au sujet de son déplacement en Syrie du 30 septembre au 2 octobre 1975. L’accord de coopération économique et industrielle avait été signé en 1974.

97 Ibid., 5 AG 2/ 113, compte rendu de l’entretien entre Valéry Giscard d’Estaing, ministre de l’Économie et des Finances, et Kossyguine, président du Conseil des ministres de l’URSS, du 4 mai 1972.

98 Ibid., 5 AG 3/1089, sd. Entretiens franco-soviétiques de Rambouillet, 4-7 décembre 1974, dossier du président, sd. URSS. Entretiens (1974), ssd. Audience de M. Tchervonenko du 11 juin 1974, note pour le président de la République de Jean-Pierre Dutet du 10 juin 1974.

99 Ibid., note pour le président de la République de Jean-Pierre Dutet du 10 juin 1974.

100 Exposé de Serge Normand, chef de bureau à la DREE, lors d’une réunion du 30 janvier 1975 pour les conseillers commerciaux, déjà cité.

101 CARAN, 5 AG 3/1089, sd. Entretiens franco-soviétiques de Rambouillet, 4-7 décembre 1974, dossier du président, note pour le président de la République de Jean-Pierre Dutet du 29 novembre 1974.

102 Exposé de Serge Normand, chef de bureau à la DREE, lors d’une réunion du 30 janvier 1975 pour les conseillers commerciaux, déjà cité.

103 Ibid., p. 27.

104 Ibid., p. 28.

105 Armelle Demagny, « La présidence française face à la mutation du marché pétrolier », art. cité, p. 234, et le témoignage de Pierre Messmer dans le même livre, p. 265. Ce contrat fut d’ailleurs rompu à la suite du décès de Georges Pompidou.

106 Cf. Jean-Pierre Williot, « L’énergie gazière dans la France de Georges Pompidou : aménagement du territoire, intégration européenne, enjeu de relations internationales », dans Eric Bussière (dir.), Georges Pompidou face à la mutation économique, op. cit., p. 213.

107 Cf. les comptes rendus de ces entretiens dans CARAN, 5 AG 2/ 113, URSS. Entretiens (1973-1974).

108 Ibid., compte rendu de l’audience de M. Patolitchev du 25 avril 1972.

109 Ibid., 5 AG 3/1854, s.d. exportations, note de Philippe Esper du 25 mars 1977.

110 Entretien de M. Michel Freyche avec l’auteur du 29 juin 2007.

111 PPBLM, dossier photographique, note personnelle de Bertrand Larrera de Morel pour M. Chapelle du 20 janvier 1968.

112 CAEF, Pers. CE 1, C 30 301, Antoine Hullo.

113 Entretien de M. Guy Carron de La Carrière avec l’auteur du 19 mai 2005. Le conseiller technique issu du Trésor était l’inspecteur des Finances Jacques Wahl.

114 Ibid.

115 Entretien de M. Philippe Pontet avec l’auteur du 31 mai 2005. Administrateur civil, entré à la DREE « par hasard » sur la proposition de Jean Chapelle, Philippe Pontet s’était retrouvé au bureau des études, dirigé par Alain Bavelier, puis au bureau des relations avec les pays de l’Est, avant de diriger pendant deux ans le Service de l’assurance-crédit. Il constata les différends entre les deux directions, mais aussi le désagrément qu’ils causaient au ministre qui tentait de maintenir la part égale entre les deux.

116 PPBLM, dossier CE 3, sd. Évolution des procédures de soutien au commerce extérieur, Compte rendu des réunions tenues par M. Giscard d’Estaing pour la préparation des mesures de politique économique arrêtées par le Conseil des ministres du 20 mars 1974 par Jean-Pierre Dutet, en date du 2 avril 1974.

117 Ibid.

118 Entretien avec M. Bertrand Larrera de Morel du 18 avril 2005.

119 PPBLM, dossier CE 2, sd. Structures de l’administration du commerce extérieur, note pour le directeur du Trésor et pour le directeur des Relations économiques extérieures de Valéry Giscard d’Estaing, ministre de l’Économie et des Finances, du 22 mai 1974, § 3.

120 Ibid., § 4

121 Entretien de M. Guy Carron de La Carrière avec l’auteur du 19 mai 2005.

122 PPBLM, dossier CE 2, sd. Structures de l’administration du commerce extérieur, note pour le ministre de Guy Carron de La Carrière, directeur adjoint des Relations économiques extérieures, du 22 mai 1974.

123 Henri Froment-Meurice, Vu du Quai..., op. cit., p. 408. Entretiens avec M. Christian d’Aumale des 5 et 22 février 2008.

124 CARAN, 5 AG 3/ 1854, note du 13 juin 1974. Les noms des personnalités retenues furent : Blancard (délégué général à l’énergie), Roux (CGE), Petitmengin (CDF-Chimie), Berthon (Spie-Batignolles), Forgeot (Creusot-Loire), Boudet (Gaz-Océan), Berliet (Berliet), Gauthier (Peugeot), Guillaumat (Elf-ERAP), Granier de Lilliac (CFP), Giraudet (RATP) et Dreyfus (Aéroports de Paris).

125 Il avait été membre de son cabinet ministériel du printemps 1969 à 1972.

126 Entretiens de M. Bertrand Larrera de Morel avec l’auteur du 18 avril 200 et du 16 mai 2005.

127 Cf. Samy Cohen, Les conseillers du président. De Charles de Gaulle à Valéry Giscard d’Estaing, Paris, PUF, 1980.

128 On en trouve les comptes rendus dans les archives de la présidence de V. Giscard d’Estaing, CARAN, 5 AG 3/1121, sd. Missions à l’étranger.

129 Entretien de l’auteur avec M. Philippe Pontet du 31 mai 2005. M. Pontet avait succédé à Guy Carron de La Carrière comme conseiller technique issu de la DREE au sein du cabinet de V. Giscard d’Estaing, ministre des Finances, de 1972 à 1974. Quand le président de la République nomma N. Ségard au Commerce extérieur, il demanda aussi à P. Pontet de prendre la tête de son cabinet.

130 Les Échos, numéro du 30 décembre 1974, interview de Norbert Ségard.

131 L’Aurore, numéro du 5 novembre 1975, « La ronde mondiale des contrats plutôt que les "accords fabuleux" ».

132 CARAN, 5 AG 3/ 1121, sd. Missions à l’étranger, note du 19 novembre 1975 du ministre du Commerce extérieur.

133 Les Échos, numéro du 30 décembre 1974, interview de Norbert Ségard.

134 L’Express, numéro du 4 novembre 1974, « Un espoir ».

135 The Economist, numéro du 4 octobre 1975, « Off their derrières ».

136 Le Monde, numéro du 14 janvier 1976, « M. Norbert Ségard : un grand voyageur ».

137 JO du 22 février 1975, décret n° 75-106 du 21 février 1975 : « Art. 2 – La direction des Relations économiques extérieures du ministère de l’Économie et des Finances ainsi que les organismes placés sous le contrôle ou la tutelle de celle-ci sont placés sous l’autorité du ministre du Commerce extérieur pour l’exercice de la mission de celui-ci. Le ministre du Commerce extérieur recourt également, en tant que de besoin, aux services compétents des autres départements ministériels [...]. » B. Larrera de Morel a évoqué l’interpellation de N. Ségard dont il fit l’objet : « Êtes-vous au courant qu’il existe un ministre du Commerce extérieur ? » [Entretien avec M. Bertrand Larrera de Morel du 16 mai 2005].

138 Les Échos, numéro du 4 décembre 1974.

139 « Les espoirs du commerce extérieur »– tableau, p. 63, de l’article « Le redéploiement et les exportations » de L’Express du 16 décembre 1974.

140 Cf. Denis Lacorne, « La politique de promotion des exportations ou le colbertisme dans les moyens en vue du libéralisme comme fin », dans Samy Cohen, Marie-Claude Smouts, La politique extérieure..., op. cit., Paris, Presses de la FNSP, 1985. L’auteur estime que ce n’est qu’à partir de 1978 que le gouvernement aurait pris conscience de la nécessité d’une relance de la machine exportatrice française, se rendant alors aux impératifs de l’« intendance ». Selon lui, on perdit trois années avant de se lancer de manière effrénée, voire « pathologique » dans le développement du commerce extérieur.

141 PPBLM, doss. CE 2, sd. Structures de l’administration du commerce extérieur.

142 Ibid., doss. CE 3, sd. Orientations générales, note pour le ministre établie par Guy Carron de La Carrière, Les activités de la DREE au début de 1976, du 20 janvier 1976.

143 En 1975, Guy Carron de La Carrière fait allusion à une note de juillet 1972 sur ce thème.

144 À Sarrebruck, Gênes, Boston, Bilbao, Séville, Las Palmas, ou encore à la délégation de l’ONU.

145 À Calcutta (Inde), au Pakistan, au Bangladesh, en Afghanistan, à l’île Maurice.

146 PPBLM, dossier CE 2, sd. Structures de l’administration du commerce extérieur, note pour le ministre de Guy Carron de La Carrière, non datée (1975 manuscrit) a/s redéploiement des postes.

147 Ibid.

148 Ibid.

149 Ibid.

150 Georges Sokoloff, Gérard Wild, « Les relations économiques de la France avec l’Est », op. cit., p. 229.

151 CARAN, 5 AG 3/1089, sd. Entretiens franco-soviétiques de Rambouillet, 4-7 décembre 1974, dossier du président, note de synthèse révisée du Quai d’Orsay du 29 novembre 1974.

152 Article « Le redéploiement des exportations », L’Express, numéro du 16 décembre 1974.

153 CARAN, 5 AG 3/1089, sd. Entretiens franco-soviétiques de Rambouillet, 4-7 décembre 1974, dossier du président, accords signés du 6 décembre 1974, ssd. Notes manuscrites de M. Dutet a/a réunion de travail du 5 décembre 1974, à 15 h 30. L’équipe soviétique était composée d’Alkhimov, de Patolitchev, de Komarov, d’Egov, de Gougoutchov et de Lochkin. L’équipe française comprenait : le ministre Fourcade, le secrétaire d’État Ségard, les hauts fonctionnaires des relations économiques extérieures Larrera de Morel et Ribadeau-Dumas, le directeur des accords commerciaux au sein du Quai d’Orsay d’Aumale et le conseiller du président Dutet.

154 Ibid., accords signés du 6 décembre 1974.

155 Tatiana Speranskaia, Les relations économiques et commerciales franco-soviétiques des années 1960 aux années 1980 à travers l’activité de la banque Paribas en URSS, mémoire de DEA d’histoire économique contemporaine, dir. Éric Bussière, université Paris 4, 2002, p. 81. Consulté avec l’autorisation de M. Éric Bussière.

156 INSEE, Le mouvement économique en France, 1949-1979, mai 1981, p. 202.

157 Sources : chiffres donnés par Marie-Pierre Rey, complétés avec le tableau figurant au dossier de Guy de Panafieu pour la préparation du conseil restreint du 27 mars 1979 [CARAN, 5 AG 3/1094].

158 CARAN, 5 AG 3/1094, sd. Conseil restreint sur la préparation du voyage en Union soviétique du président de la République, ssd. Dossier de Guy de Panafieu.

159 PPBLM, doss. CE1, sd. Relations bilatérales, dossier de base URSS, note pour le directeur du 17 mai 1977 établie par la DREE/5e sous-direction, note II, État de réalisation du programme décennal du 10 juillet 1973 et de l’avenant n° 1 du 6 décembre 1974.

160 Ibid., note de la DREE du 16 mai 1977 a/s visite en France de M. Brejnev.

161 Cf. A. Capian, Notes et études documentaires, n° 4116-4117, 8 octobre 1974 ; Bertrand Nezeys, Les relations économiques extérieures, op. cit., p. 173-176 ; François Seurot, Le commerce Est-Ouest, op. cit., p. 27-28 ; Marie-Pierre Rey, La tentation du rapprochement..., op. cit., p. 151-153.

162 Marie-Pierre Rey, La tentation du rapprochement..., op. cit., p. 151-153.

163 PPBLM, doss. CE1, sd. Relations bilatérales, dossier de base URSS, note pour le directeur du 17 mai 1977 établie par la DREE/5e sous-direction, note II, État de réalisation du programme décennal du 10 juillet 1973 et de l’avenant n° 1 du 6 décembre 1974, annexe 1.

164 Annexe 1 à la note II, État de réalisation du programme décennal du 10 juillet 1973..., op. cit.

165 Cf. chapitre 10.

166 PPBLM, doss. CE1, sd. Relations bilatérales, dossier de base URSS, note pour le ministre du 8 juin 1977 a/s négociations financières franco-soviétiques.

167 Le précédent protocole financier avait été signé, rappelons-le, le 6 décembre 1974.

168 PPBLM, doss. CE1, sd. Relations bilatérales, dossier de base URSS, note 1 établie par la DREE à l’occasion du voyage de M. Raymond Barre à Moscou, 12e session de la Grande Commission, septembre 1977.

169 Ibid., annexe à la note 2, Liste des contrats conclus avec l’URSS depuis le 1er janvier 1977 et arrêtés au 15 septembre 1977.

170 Ibid., note 2. Souligné dans la note.

171 CARAN, 5 AG 3/1094, sd. Conseil restreint sur la préparation du voyage en Union soviétique du président de la République, ssd. Dossier de Guy de Panafieu.

172 Ibid., 1093, sd. Visite officielle d’Andrei Gromyko en France, 25-28 octobre 1978, note du conseiller technique pour Jean-François Deniau, ministre du Commerce extérieur, du 22 août 1978.

173 Cf. le récit donné par Jean-François-Poncet, 37, Quai d’Orsay. Mémoires pour aujourd’hui et pour demain, Paris, Odile Jacob, 2008, p. 157-180, ainsi que le témoignage d’Henri Froment-Meurice, Vu du Quai..., op. cit., p. 568-569.

174 CARAN, 5 AG3/1093, sd. Divers, notes 1979, note pour le président de Guy de Panafieu du 9 janvier 1979.

175 Ibid., note de Michel Freyche du 19 janvier 1979.

176 Ibid., 1094, sd. Visite officielle en Union soviétique (26-28 avril 199), note de synthèse de la sous-direction d’Europe orientale du Quai d’Orsay.

177 Ibid., note de la DREE du 23 avril 1979.

178 Sd. Divers, notes 1979, note de la DREE du 16 novembre 1979.

179 Ibid.

180 Ibid., 1094, sd. Visite officielle en Union soviétique (26-28 avril 199), note de Guy de Panafieu du 9 octobre 1979.

181 Ibid., AG 3/1093, sd. Divers, note de Guy de Panafieu du 21 novembre 1979.

182 Ibid., note de Guy de Panafieu du 14 décembre 1979.

183 Ibid., AG 3/1095, notes diverses, notes de Guy de Panafieu des 16 et 17 janvier 1980.

184 Ibid., note de Guy de Panafieu du 21 février 1980.

185 Ibid., note de Guy de Panafieu du 9 janvier 1980.

186 Ibid., note de Guy de Panafieu du 27 février 1980.

187 Ibid., note de François Mayer pour Guy de Panafieu du 18 avril 1980.

188 Ibid., note de Guy de Panafieu du 16 juin 1980 pour MM. David, Pelletier (copie à M. Viot).

189 Ibid., note manuscrite pour le ministre de Jean-Claude Paye, du 22 juin 1980.

190 Ibid., note de Jacques Wahl à Guy de Panafieu du 22 juillet 1980 et note de P. Leclercq du 30 juillet 1980.

191 Ibid., 1054.

192 Ibid., sd. Rencontre d’Arlamowo, 23-24 septembre 1978, note de la sous-direction d’Europe orientale du 21 septembre 1978.

193 Ibid., sd. Séjour de Jagielski, 26-29 janvier 1977, curriculum vitae préparé par le Quai d’Orsay ; sd. Rencontre d’Arlamowo, 23-24 septembre 1978, note de la sous-direction d’Europe orientale du 21 septembre 1978 ; sd. Visite officielle de Wojtaszek en France, 3-4 juillet 1978, biographie.

194 Ibid., sd. Visite officielle de Wojtaszek en France, 3-4 juillet 1978, biographie.

195 Article « La Pologne est devenue le premier marché de l’industrie française des télécommunications », Le Monde, numéro du 21 janvier 1975.

196 Article de Jacques Jublin, « La France et la Pologne sur la voie d’une coopération exemplaire », Les Échos, numéro du 15 janvier 1975.

197 PPBLM, doss. CE1, sd. Relations bilatérales, dossier de base Pologne, RDA.

198 Marie-Pierre Rey, La tentation du rapprochement..., op. cit., p. 151-153.

199 Cf. François Seurot, Le commerce Est-Ouest, Paris, Economica, 1987, p. 27.

200 Entretien avec M.B. Larrera de Morel du 13 juin 2005.

201 PPBLM, doss. CE1, sd. Relations bilatérales, dossier de base Pologne, RDA.

202 Ibid., document annexé à l’accord relatif au charbon du 20 juin 1975 « Conditions des facilités financières accordées par la France à la Pologne, en exécution de l’article IV de l’accord du 20 juin 1975 ».

203 CARAN, 5 AG 3/1054, sd. Séjour de Jagielski, 26-29 janvier 1977, note pour le président de Jean-Pierre Dutet du 27 janvier 1977.

204 Projet de loi de finances. Budget de 1978, économie et finances. II. Services financiers, commerce extérieur. Assemblée nationale. Annexe au procès-verbal de la séance du 5 octobre 1977, Rapport fait au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du plan sur le projet de loi de finances pour 1978, annexe n° 7, commerce extérieur, p. 60. Les encours de crédits « cofacés » sur la Pologne étaient de 584960 milliers de francs en 1971 ; de 650 146 milliers de francs en 1972 ; de 927 114 milliers de francs en 1973 ; de 1 878 856 milliers de francs en 1974 ; de 3369400 milliers de francs en 1975 ; de 6 120 303 milliers de francs en 1976.

205 CARAN, 5 AG 3/1054, sd. Séjour de Jagielski, 26-29 janvier 1977, note pour le président de Jean-Pierre Dutet du 27 janvier 1977.

206 CARAN, 5 AG 3/1054, sd. Rencontre d’Arlamowo, 23-24 septembre 1978, note de Guy de Panafieu du 21 septembre 1978.

207 Ibid., sd. Visite de Gierek, 7-8 septembre 1979, note de Guy de Panafieu du 4 septembre 1979.

208 Ibid.

209 Ibid., télégramme de Serge Boisdevaix du 4 septembre 1979.

210 Ibid., télégramme de Serge Boisdevaix du 5 septembre 1979.

211 Ibid., sd. Divers. Notes 1980. Il s’agissait d’un prêt à huit ans, dont trois ans et demi de grâce, au taux du marché.

212 Ibid., lettre de Valéry Giscard d’Estaing à Jimmy Carter du 1er septembre 1980.

213 Ibid., note de Patrick Leclercq du 19 novembre 1980.

214 Le 21 novembre, René Monory et Mieczyslaw Jagielski signèrent un nouveau programme de coopération pour la décennie 1980-1990 et un accord quinquennal de coopération économique pour 1981-1985.

215 CARAN, 5 AG 3/1054, notes de Jacques Wahl du 8 septembre 1980 et de Guy de Panafieu du 16 septembre 1980.

216 Ibid., note de Guy de Panafieu du 19 novembre 1980.

217 Ibid., copie de lettres de Jean François-Poncet, Edmund Muskie, Jimmy Carter et Trudeau.

218 Ibid., note de Guy de Panafieu du 7 janvier 1981.

219 Article « L’aide française : 4 milliards pour la Pologne », Le Figaro, numéro du 1er avril 1981.

220 Article d’A. Navarro « L’ardoise polonaise : 3 milliards pour la France », Libération, numéro du 19 novembre 1982.

221 Michel Jobert, Mémoires d’avenir, 1984, p. 284.

222 Archives du ministère des Affaires étrangères (AMAE), DE-CE, Papiers directeurs O. Wormser, 76, Assistance technique, dossier général, document annexe destiné à la 11e réunion du 6 février 1958 du Conseil supérieur de la coopération économique et technique bilatérale (doc CS 40. B du 30 janvier 1958).

223 Ibid., document annexe destiné à la 11e réunion du 6 février 1958 du Conseil supérieur de la coopération économique et technique bilatérale (doc CS 40. À du 30 janvier 1958).

224 Ibid.

225 La manifestation se tint du 31 octobre au 14 novembre 1959.

226 AMAE, Afrique-Levant, Iran, 1960-1965, 39, note de la DAEF du 16 avril 1960.

227 Entretien avec M. Georges-P. Leroy, commissaire général du Comité permanent des foires et manifestations économiques à l’étranger, Le Monde, numéro du 5 novembre 1959.

228 Article « Au pays des mille et une nuits la France lance une "tête de pont" très réaliste », Le Monde, numéro des 8-9 novembre 1959.

229 AMAE, Afrique-Levant, Iran, 1960-1965, 39, note de la DAEF du 11 octobre 1961.

230 CARAN, 5 AG 3/1854, sd. Relations internationales, ssd. Iran, note du 10 juin 1974.

231 Article « Le shah d’Iran au Grand Trianon : la revanche de Persépolis », Le Quotidien de Paris, 24 juin 1974.

232 CARAN, 5 AG 3/1854, sd. Relations internationales, ssd. Iran, note du 12 juin 1974, Rapports commerciaux entre la France et l’Iran.

233 Ibid., communiqué franco-iranien du 27 juin 1974.

234 La société Eurodif avait à l’origine son capital réparti entre cinq pays : la France, l’Italie, la Belgique, l’Espagne et la Suède. Cette dernière s’étant retirée, la redistribution de sa part entre les autres partenaires fit de la France l’actionnaire majoritaire (52,8 %). Après la prise de participation de l’Iran, la part française revint à 42,8 %.

235 Article « Le financement de l’usine d’enrichissement de Tricastin », Le Monde, numéro du 4 janvier 1975.

236 La lettre d’intention relative aux deux centrales françaises fut signée par l’Iran le 18 novembre 1974.

237 CARAN, 5 AG 3/1854, note de Philippe Esper du 15 mai 1975.

238 Article « France-Iran : des promesses aux contrats », L’Express, numéro du 7 avril 1975.

239 PPBLM, doss. 1, sd. Relations bilatérales, dossier de base Iran, note d’actualité de la 5e sous-direction de la DREE de septembre 1976 a/s relations commerciales et économiques entre la France et l’Iran.

240 CARAN, 5 AG 3/1854, note de Philippe Esper du 10 juin 1976.

241 PPBLM, doss. CE 1, sd. Relations bilatérales, dossier de base Iran, note d’actualité de la 5e sous-direction de la DREE de septembre 1976 a/s relations commerciales et économiques entre la France et l’Iran.

242 Ibid., note de synthèse de la 5e sous-direction de la DREE de septembre 1976.

243 Ibid.

244 Ibid., note de synthèse de la 5e sous-direction de la DREE du 15 novembre 1977.

245 Ibid., note d’actualité de la 5e sous-direction de la DREE de septembre 1976 a/s relations commerciales et économiques entre la France et l’Iran.

246 Article « La France veut doubler dans les cinq ans sa part dans le marché iranien », Le Monde, numéro du 11 octobre 1976.

247 Article de Roland Guinier du Vignaud, « Et pendant ce temps Giscard revient d’Iran sa hotte pleine », Le Quotidien de Paris, numéro du 8 octobre 1976.

248 PPBLM, doss. CE 1, sd. Relations bilatérales, dossier de base Iran, note pour le ministre de la 5e sous-direction de la DREE du 22 avril 1977.

249 Ibid., note pour le ministre de la 5e sous-direction de la DREE du 16 mai 1977.

250 Ibid., note de synthèse de la 5e sous-direction de la DREE du 15 novembre 1977.

251 Article « Le contrat sur la livraison à l’Iran de deux centrales nucléaires est signé », Le Monde, numéro du 18 octobre 1977.

252 Article « Après l’Afrique du Sud, l’Iran : la France conquiert un brevet international », Les Échos, numéro du 16 juin 1977.

253 CARAN, 5 AG 3/1121, sd. Missions à l’étranger, note du ministre du Commerce extérieur au ministre des Affaires étrangères du 30 juin 1978.

254 Article « France-Iran : programme nucléaire compromis », Le Figaro, numéro du 11 octobre 1978.

255 PPBLM, doss. CE 1, sd. Relations bilatérales, dossier de base Iran, note de synthèse de la 5e sous-direction de la DREE du 16 juin 1978. Le shah devait quitter son pays en janvier 1979.

256 Article d’Henri Le Moing « Contrats iraniens : la fin du mirage », La Vie française, numéro du 13 novembre 1978.

257 Article « Ce que la France risque de perdre en Iran », L’Express, numéro du 6 janvier 1979.

258 Article d’Henri Lauret, « L’Iran décide : pas de centrales nucléaires françaises », Le Matin, numéro du 9 avril 1979 ; article « Le gouvernement iranien abandonnerait la construction des centrales nucléaires françaises », Le Monde, numéro du 11 avril 1979.

259 Article de Bruno Dethomas « Une lourde ardoise pour le Trésor français », Le Monde, numéro du 11 avril 1979.

260 Le Monde, numéro du 22-23 avril 1979.

261 Article « Les Iraniens dénoncent le contrat passé avec la RATP pour la construction d’un métro à Téhéran », Le Monde, numéro du 15 mai 1979.

262 Article d’Arnaud Rodier, « Des Français, timidement, retournent en Iran », Les Échos, numéro du 25 janvier 1980.

263 CARAN, 5 AG 3/897, sd. Notes de Guy de Panafieu (1978-1981), note du 28 septembre 1979.

264 Article de Pierre Briançon, « La révolution iranienne a coûté 4 milliards à la France », Libération, numéro du 26 septembre 1982.

265 Article de Pascal Riché, « Français et Iraniens enterrent le contentieux Eurodif », Libération, numéro du 3 juillet 1991 ; entrefilet « La France et l’Iran ont paraphé le texte de leur accord », Le Monde, numéro du 27 octobre 1991.

266 Daniel Bach, « Un système autonome de relations : la France et l’Afrique du Sud (1963- 1977), dans Daniel Bach (dir.), La France et l’Afrique du Sud : histoire, mythes et enjeux contemporains, Paris, Karthala, 1990, p. 173 ; Jean-Paul Hébert, « Les exportations françaises d’armement au début de la Ve République : la mise en place des éléments d’une politique », dans Maurice Vaïsse (dir.), Armement et Ve République (fin des années 1950-fin des années 1960), Paris, CNRS Éditions, 2002, p. 264-265.

267 Daniel Bach, « Un système autonome de relations... », art. cité, p. 177.

268 Ibid., p. 188.

269 Jean-Paul Hébert, « Les exportations françaises d’armement... », art. cité, p. 264 ; Hugo Sada, « Les intérêts militaires et stratégiques en Afrique australe », dans Daniel Bach (dir.), La France et l’Afrique du Sud, op. cit., p. 287. Cf. Combat, numéro du 29 juin 1971, « Usine de "Mirage" en Afrique du Sud ».

270 L’Afrique nouvelle, numéro des 23-29 juillet 1970, article « Qui vend des armes à l’Afrique du Sud ? », fondé sur la Note sur les forces et le matériel militaires de la République sud-africaine, divulguée le 24 juin 1970 par le Comité spécial onusien chargé d’étudier la politique d’apartheid.

271 Daniel Bach, « Un système autonome de relations... », art. cité, p. 178-179.

272 Hugo Sada, « Les intérêts militaires et stratégiques en Afrique australe », dans Daniel Bach (dir.), La France et l’Afrique du Sud, op. cit., p. 289.

273 Le Figaro, numéro du 13 juin 1969, « Le système d’armes sol-air "Cactus" sera livré au début de 1971 à l’Afrique du Sud » ; numéro du 9 juin 1971, « L’Afrique du Sud s’oriente vers la mise sur pied de sa propre industrie d’armement ».

274 Le Figaro, numéro du 13 juin 1969, « Le système d’armes sol-air "Cactus" sera livré au début de 1971 à l’Afrique du Sud ».

275 Combat, numéro du 29 juin 1971, « Usine de "Mirage" en Afrique du Sud ».

276 CARAN, 5 AG 3/1121, sd. Missions à l’étranger, note du ministre du Commerce extérieur du 23 avril 1975.

277 Cf. Daniel Bach, « Un système autonome de relations... », art. cité, p. 197.

278 CARAN, 5 AG 3/1121, sd. Missions à l’étranger, note du ministre du Commerce extérieur du 23 avril 1975.

279 PPBLM, doss. CE1, sd. Afrique du Sud, DREE/Ve sous-direction A, fiche récapitulative, Principaux événements, 1972-1978, du 14 septembre 1978. Cf. H. Schissel, « How France and South-Africa did the nuclear deal », African Development, août 1976, p. 784-785.

280 CAEF, B 0055277/5, note du 4 juin 1976 de Jacques Gantier, conseiller commercial à Johannesburg, à M. le directeur des Relations économiques extérieures, ministère de l’Économie et des Finances, au sujet de l’attribution à la France du contrat de la centrale nucléaire de Koeberg.

281 Ibid.

282 PPBLM, doss. CE1, sd. Afrique du Sud, DREE/IV-B, Politique de crédit sur l’Afrique du Sud, mars 1978. Le contrat comprenait l’ensemble nucléaire, chaudières et installations auxiliaires, l’ensemble conventionnel, turbines, alternateurs et auxiliaires, et l’ensemble du génie civil.

283 CAEF, B 0055277/5, note du 4 juin 1976 de J. Gantier, déjà citée.

284 Hugo Sada, « Les intérêts militaires et stratégiques... », art. cité, p. 291 ; Daniel Bach, « Un système autonome de relations... », art. cité, p. 200-202.

285 La Croix, numéro du 15 mai 1976, « La bombe atomique de Vorster » ; Le Quotidien du peuple, numéro du 19 février 1977, « L’Afrique du Sud aura des armes nucléaires grâce aux USA et à l’Europe ».

286 L’Express, numéro du 29 août 1977, « L’engrenage africain », numéro du 5 septembre 1977, « Afrique du Sud : la bombe ou pas ? ».

287 L’Express, numéro du 29 août 1977, « L’engrenage africain ».

288 Le Monde diplomatique, numéro de septembre 1978, « Comment l’Afrique du Sud a pu mettre au point "sa" bombe nucléaire ». Le 22 septembre 1979 à l’aube, dans l’océan Indien, au large de l’Antarctique, près des îles du prince Edward et Marion, un satellite américain enregistra deux éclairs successifs caractéristiques d’une explosion nucléaire. On ne put pas démontrer la responsabilité de Pretoria. En mars 1993 le président Frédéric De Klerk révéla que son pays avait bien possédé l’arme nucléaire, mais que décision avait été prise trois ans plus tôt de démanteler l’arsenal existant, soit six bombes nucléaires (cf. Le Monde, numéro du 26 mars 1993, « M. De Klerk affirme que la production d’armes nucléaires a été démantelée »).

289 PPBLM, doss. CE 1, sd. Afrique du sud, DREE/IV-B, Politique de crédit sur l’Afrique du Sud, mars 1978.

290 Daniel Bach, « Un système autonome de relations... », art. cité, p. 202.

291 Hugo Sada, « Les intérêts militaires et stratégiques... », art. cité, p. 291.

292 PPBLM, CE1, sd. Afrique du sud, DREE/IV-B, Politique de crédit sur l’Afrique du Sud, mars 1978.

293 Ibid.

294 Ibid.

295 La Croix, numéro du 27 juillet 1985, « Le pied de nez de Framatome ».

296 Témoignage chrétien, numéro du 5 août 1985, « La France et les sanctions... Il était temps ! » : « [...] il ne semble pas que des mesures précises aient été décidées pour appliquer, en particulier, la suppression des prêts garantis à l’exportation. »

297 Kenichi Fujisaku, « La politique asiatique de la France après de Gaulle (1969-1972) : une approche multilatérale en rupture avec la politique de grande puissance », Relations internationales, n° 134, 2008-2, p. 83-91.

298 Marie-Claude Smouts, « Valéry Giscard d’Estaing et le nouvel ordre économique international... », art. cité, p. 263-283.

Table des illustrations

Titre Nikolaï S. Patolitchev, ministre du Commerce extérieur de l’URSS depuis 1958
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Titre Première réunion de la Commission de coopération commerciale et économique avec l’Iran le 7 février 1974. A la gauche du ministre des Finances, Valéry Giscard d’Estaing, on distingue le directeur de la DREE, Bertrand Larrera de Morel
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Titre Jean Chapelle et Bertrand Larrera de Morel lors de la remise des Oscars de l’exportation au Centre national du commerce extérieur le 21 octobre 1971
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Titre Signature de l’accord franco-polonais du 30 janvier 1975 entre Mieczyslaw Jagieski, vice-président du Conseil des ministres, et Jean-Pierre Fourcade, ministre des Finances, sous le regard de Bertrand Larrera de Morel, directeur des relations économiques extérieures
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Titre Rencontre de Valéry Giscard d’Estaing, ministres des Finances, et de son homologue iranien, Hushang Ansari, le 7 février 1974 dans les bureaux du ministre, rue de Rivoli
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