Chapitre 5. Des modes d’intervention étatique inédits (1945-1960)
p. 165-196
Texte intégral
1La réinsertion de la France dans le réseau des échanges internationaux après 1945 a fait l’objet d’analyses contrastées. Si la majorité d’entre elles s’entendent sur la rupture irréversible de décembre 1958 qui permit au pays d’entrer activement dans le Marché commun, beaucoup tempèrent les effets bénéfiques qu’en retira l’économie française, dont l’adaptation aux contraintes du marché fut relativement plus lente et difficile que dans les pays voisins. De même, si elles s’accordent sur la réorganisation fondamentale des marchés qui substitua aux pays de l’Union française les pays en expansion de la Communauté économique européenne, elles soulignent aussi que la pression nouvelle de la concurrence étrangère dans des secteurs où les entreprises françaises cherchaient à se développer créa un déficit permanent dans les échanges avec les pays de la CEE et les États-Unis. Dès lors, l’une des questions souvent posées porte sur le rôle respectif des pouvoirs publics et des entreprises dans cet état de fait, et sur le poids des représentations souvent négatives qui pèsent sur les uns et les autres1. Dans le domaine du commerce extérieur, la part trop longtemps réservée par les aides publiques à la réalisation de grands travaux et l’obtention de grands contrats à l’étranger, le faible soutien apporté aux petites et moyennes entreprises ou encore le manque de confiance de l’État dans la capacité d’initiative des entreprises ont été incriminés2. On a pu aussi évoquer le manque de soutien de l’administration, obnubilée par la croissance au tournant des années 1950-19603. Cette dernière assertion, quelque peu contradictoire avec les précédentes, apparaît contestable dès lors que l’on étudie la mobilisation croissante des moyens étatiques en faveur de l’exportation, en soulignant l’importance donnée, dès la fin de la guerre, à deux modalités de soutien, inédites et méconnues : l’accompagnement financier et le soutien apporté aux programmes de coopération technique et de grands travaux à l’étranger. Au-delà, il faut insister sur le pragmatisme qui a régi la position étatique dans la décennie qui a suivi la Libération, quelles qu’aient été les convictions personnelles des hauts fonctionnaires qui ont déterminé la politique du commerce extérieur et leur volontarisme maintes fois souligné.
2Les tout premiers gouvernements de la IVe République ne définirent aucune « politique du commerce extérieur » : les premiers plans exprimèrent surtout leur volonté de parvenir à une compression des importations, générées par l’intensité des pénuries et alimentées par l’aide américaine dès 19444. Mais les responsables français étaient conscients de la nécessaire ouverture de l’économie française et, dans les faits, l’analyse macroéconomique démontre un « redressement énergique » du commerce extérieur « à partir de la Seconde Guerre mondiale5 », attestant l’amorce de ce processus. Les analyses des historiens des relations internationales comme des historiens économiques convergent sur cette volonté d’ouverture qui s’est heurtée, malgré elle, à des déséquilibres exceptionnels. La première mesure significative témoignant de ce volontarisme a été l’inclusion, dans les premiers plans, des biens d’équipement dans les importations essentielles afin de soutenir une modernisation intérieure indispensable à l’expansion future6. Il n’y a pas eu, dans cette première phase, tant une obsession exportatrice qu’une obsession de la balance des paiements, de l’équilibre extérieur, comme le traduisait, parmi tant d’autres, Pierre Mendès France en 1948 : « Le moment est venu maintenant de prendre conscience de ce que sera notre commerce extérieur de l’avenir. [...] La disparité de nos ressources traditionnelles de change (revenus de placement à l’étranger, etc.) nous obligera, dans l’avenir, à financer nos achats à l’extérieur par des ventes équivalentes7. » Cette obsession était en l’occurrence partagée par tous les États européens au sortir du conflit, comme l’atteste notamment le célèbre Export or die britannique8. La création de la COFACE et de la BFCE témoigna aussi de cette volonté de réinsertion internationale de l’économie française suivant le modèle d’économie mixte que la France mettait alors en place. C’est néanmoins au coup par coup, de manière ajustée à la conjoncture et sans véritable réflexion de fond sur les capacités exportatrices des entreprises, que les pouvoirs publics construisirent le dispositif destiné à développer les exportations françaises, tout en desserrant progressivement le système de contraintes étatiques pesant sur les échanges de la France. L’intervention de l’État fut en grande partie déterminée par sa perception des attentes des entreprises via les canaux d’information dont il disposait, ainsi que par la pression exercée par les nouvelles organisations internationales. Il lui fallut ainsi naviguer en croisant plusieurs objectifs : libérer les échanges et rétablir la convertibilité, et desserrer les pénuries sans créer une crise des paiements, exporter pour nourrir la croissance sans effectuer des prélèvements excessifs sur les disponibilités de l’économie nationale9.
Une demande d’Etat forte et contrastée
Une libération modulée des échanges
3L’attente des entreprises fut indéniable à la Libération, mais dans un premier temps elle s’exerça dans le sens de moins d’État. Toutes aspiraient au desserrement de son emprise. Dans le domaine des échanges avec l’étranger, les contraintes, imposées aux entrepreneurs par le décret du 30 novembre 1944 fixant les conditions d’importation et d’exportation en et hors de France, étaient très fortes10. Ce décret avait reconduit, par son article 1er, la prohibition générale à l’importation qui avait été imposée par le décret du 1er septembre 1939 en application de l’article 45 de la loi du 11 juillet 1938 sur l’organisation générale de la nation en temps de guerre. En ce qui concernait l’exportation, il avait même étendu, par son article 5, la prohibition à l’ensemble des produits, alors que le décret du 12 septembre 1939 avait limité la prohibition de sortie aux produits figurant sur des listes. Des mesures de dérogation vinrent atténuer la dureté générale du système, mais elles renforcèrent l’existence de la série de services administratifs qui le faisaient vivre quotidiennement : le Service IMPEX (des importations et des exportations), créé par une ordonnance du 22 juin 1944, agissant en grande partie pour le compte de l’État, le Service central des licences d’importation et d’exportation, créé le 22 février 1944, rattaché à la direction des relations économiques extérieures (DREE), et auquel les exportateurs étaient quotidiennement confrontés pour accomplir la moindre démarche, ou encore le Service des approvisionnements industriels, ou le Centre des approvisionnements en Indochine. « Les exportateurs sont exaspérés », rapportait Combat en 1946, en décrivant leur parcours du combattant et les difficultés du Service central des licences11. Les députés s’en faisaient l’écho, dénonçant la « complexité invraisemblable » des opérations imposées pour réaliser une opération d’exportation ou d’importation. « Les industriels doivent établir une demande de licence ou d’engagement de change en six, sept et parfois huit exemplaires. Le modèle de ces demandes vient d’être modifié en ce qui concerne l’importation. Le service qui a choisi le nouveau modèle a simplement oublié qu’en raison du nombre d’exemplaires exigé, il était nécessaire d’utiliser du papier carbone. Or les dimensions du nouvel imprimé sont telles qu’il n’existe pas de papier carbone pouvant être utilisé à cet effet. Il s’agit là d’un détail, mais ce détail aura pour conséquence d’obliger des milliers d’industriels à faire passer sur leur machine à écrire des centaines de milliers de demandes12. »
4Les services administratifs spécialisés se montrèrent à l’écoute des récriminations des chefs d’entreprise, transmises par les groupements professionnels, les institutions patronales et consulaires, et par le nouveau Conseil national du patronat français, né à la fin de l’année 1945. Les plaintes et les demandes remontaient au secrétariat d’État aux Affaires économiques et au nouveau directeur de la DREE, Jean Filippi. Ce dernier insistait sur le fait de « ne rien faire sans prendre l’avis des professions et du CNPF en particulier13 », ce qui exprimait assez que sa direction reconduisait les mêmes méthodes de travail que celles du ministère du Commerce de l’avant-guerre. Cela la soumit d’ailleurs aux feux croisés des députés communistes à l’Assemblée nationale qui dénoncèrent la « tendance constante de la direction des relations économiques extérieures [de] se refuser à fournir [...] tous les éléments d’appréciation de notre commerce extérieur » et sa connivence avec « de puissants intérêts privés14 ». De leur côté, les milieux privés entendaient renouer avec la méthode de travail concertée pratiquée avant guerre. L’un de leurs représentants estima que les services administratifs associaient encore insuffisamment les milieux exportateurs à leurs travaux. Il demanda une « coopération plus active dans les travaux relatifs aux conférences commerciales internationales et dans l’élaboration des accords commerciaux », ainsi que l’institution d’une « commission interministérielle, dans laquelle [les groupements professionnels] ser[aie]nt représentés15 ». Administration et patronat montèrent de concert la première grande manifestation de l’après-guerre en faveur de l’exportation, « Les Journées de l’exportation », en novembre 1948. Elle fut organisée sous le double patronage du CNPF et de l’Assemblée des présidents de chambre de commerce16. Les associations libre-échangistes actives dans les années 1920, comme le Comité d’action économique et douanière, l’Association nationale d’expansion économique ou l’Union française des industries exportatrices, connurent à cette occasion un retour sur le devant de la scène publique17. Les Journées permirent à l’État de prendre le pouls des entreprises. Si celles-ci réclamaient la levée des contraintes administratives pesant encore sur les échanges, l’allègement et la simplification des formalités18, elles ne dissimulaient pas leur attente d’une aide, plus particulièrement financière. Obtenir le rétablissement de tarifs dégressifs sur les transports de marchandises, atténuer les charges fiscales, notamment en exonérant l’ensemble des entreprises de 50 % au titre des bénéfices industriels et commerciaux, alléger, voire lever les mesures de contrôle des changes19 et rendre aux exportateurs la libre disposition des devises provenant de leurs ventes à l’étranger, accorder des facilités de crédit supplémentaire en devises aux succursales des banques françaises à l’étranger, telles furent les premières demandes qui s’exprimèrent clairement20. D’autre part, les milieux économiques manifestèrent de grandes réticences face au libre-échangisme prôné par les organisations internationales. Or, à partir de l’été 1949, une importante libération de produits à l’importation dans le cadre des recommandations de l’Organisation européenne de coopération économique, instituée en 1948, et conformément à l’Accord général sur les tarifs douaniers, conclu en octobre 1947, commença de manière progressive.
5Le ministère de l’Économie nationale prit alors un certain nombre de mesures qui, directement ou indirectement, visaient à développer les exportations pour affranchir la France du soutien des États-Unis, et anticiper la fin programmée de l’aide Marshall. Celles-ci n’eurent qu’une faible efficacité et rencontrèrent rapidement leurs limites. Le remboursement d’une partie des charges sociales et fiscales fut l’une d’elles, élaborée par le Service exportation de la DREE. Au sein de celui-ci, la cellule Études fut la responsable de l’élaboration du système qui conduisit à l’adoption du décret du 6 octobre 1950 et à l’arrêté d’application de l’article 19 dudit décret, publié au Journal officiel le 6 mars 1951, et réservant aux exportations à destination des États-Unis et du Canada le bénéfice du remboursement d’une partie des charges sociales et fiscales aux entreprises exportatrices21. Il s’agissait d’améliorer les soldes commerciaux et de paiement avec la zone où ils étaient encore les plus déficitaires : la zone dollar. Rapidement, son extension à l’ensemble des pays de la zone dollar fut obtenue. Puis, un arrêté du 6 février 1952 l’étendit à l’ensemble des pays étrangers, à l’exception d’une liste de pays où figuraient les démocraties populaires, les pays baltes, l’URSS, la Chine et la Corée du Nord22. Mais le taux de remboursement baissait de 80 % à 50 %. Très rapidement des critiques tant internes qu’externes s’exprimèrent. L’Inspection générale des finances fit paraître en juillet 1955 un rapport sur ce thème recommandant non le démantèlement du système, mais une réduction du niveau des aides et l’allègement des charges pesant sur le budget23. Le Comité des échanges de l’OECE était très critique vis-à-vis de la politique de la France. Non seulement celle-ci tardait à parachever la libération de ses échanges, « une histoire de demi-pas en avant et de pas en arrière24 », mais en plus elle accordait des aides très élevées à ses exportateurs que l’institution internationale s’employait à dénoncer, même si elle admettait la disparité structurelle entre les prix français et les prix étrangers. Au sein du Comité des échanges, la Grande-Bretagne s’entendit avec la RFA pour obtenir de celle-ci l’abandon de toute aide spéciale à l’exportation et son soutien pour tenter de rendre cet accord obligatoire pour tous les membres de l’OECE. Systèmes de non-rétrocession de devises ou pratique analogue impliquant l’octroi d’une prime sur les exportations et réexportations, attribution de subventions directes aux exportateurs, exonération des impôts directs ou de cotisations de Sécurité sociale accordée aux entreprises industrielles et commerciales au titre des exportations, etc., l’ensemble des mesures d’aide artificielle aux exportateurs firent l’objet d’une note commune présentée par les deux États au Comité de direction des échanges du 15 septembre 1954. Ils demandèrent l’abrogation de ces mesures pour le 31 décembre 195525. La position française était délicate : tout en soutenant le plan anglo-allemand, elle souhaitait obtenir une clause dérogatoire couvrant le « cas spécial » français26. Elle obtint gain de cause au sein du Comité des échanges réuni les 2-4 décembre. Les pays membres devaient abroger avant le 31 décembre 1955 toutes mesures d’aide comportant une ristourne des impôts directs ou des charges sociales. Grèce et Turquie en étaient dispensées. Quant à la France, elle devait fournir à ses partenaires, d’ici le 30 septembre 1955, un rapport justifiant son incapacité à appliquer cette décision27. Le Conseil des ministres entérina cette procédure le 14 janvier 1955.
6Transmis à l’OECE le 29 septembre, le rapport démontrait l’incapacité française à supprimer les mesures d’aide d’ici la date retenue. Il fut décidé de réexaminer sa situation avant le 31 mars 1956 sur la base d’un nouveau rapport à remettre le 1er février28. Pour les autorités françaises, la situation devenait de plus en plus intenable. Le GATT s’y mettait à son tour, en révisant au début de l’année 1955 son article XVI et en demandant l’abolition du régime d’aide pour le 1er janvier 1958. « Nos négociateurs dans les organisations internationales éprouvent des difficultés constantes à [le] faire tolérer par nos partenaires », s’élevait le Quai d’Orsay en demandant à son collègue des Finances et des Affaires économiques de trouver une solution29. D’autant que, dès l’instauration du système, la DREE avait eu des doutes très nets sur son efficacité. Dès juillet 1952, elle avait diligenté une enquête auprès de ses conseillers commerciaux pour mesurer l’incidence réelle des mesures sur le niveau des exportations françaises30. Les réponses étaient édifiantes. Pour le conseiller au Mexique, les aides n’avaient pas changé grand-chose. Les prix restaient élevés dans la plupart des cas, les exportateurs ayant préféré se réserver une soupape de sûreté pour les courants d’affaires réguliers, en cas de nouvelle hausse des prix. Ils n’avaient donc pas utilisé les aides pour proposer des prix particulièrement attrayants31. Le conseiller à New York livrait également des conclusions pessimistes, constatant même l’amenuisement du volume des ventes françaises aux États-Unis. Au-delà, il soulignait la difficulté pour obtenir des informations fiables, dans la mesure où tant les industriels français que les commerçants américains répugnaient à parler de choses identifiées comme « délicates ». François Gavoty estimait « inutile d’éveiller l’attention et la susceptibilité des commerçants américains, généralement enclins à considérer que l’exportateur français connaît mal son métier et que, d’autre part, les mesures d’aide accordées par le gouvernement français sont de nature à [...] mettre [les exportateurs français] en difficulté, tant vis-à-vis de leurs concurrents américains que de l’administration douanière de leur propre pays32 ». Beaucoup d’exportateurs estimaient que l’aide leur avait été accordée trop tard. Le Parlement avait également suivi de près la question et l’évolution de la réglementation internationale. Les aides à l’exportation avaient été condamnées par la charte de La Havane, par le Gatt, par le Conseil des fédérations industrielles d’Europe, qui, lors d’une réunion le 22 octobre 1953, avait dénoncé toute « absurde surenchère dans l’adoption de nouveaux systèmes d’aide à l’exportation ». Un avis de la Commission des affaires économiques du Conseil de la République concluait en ces termes : « Il faut donc prévoir que, dans un avenir plus ou moins lointain, les nations devront renoncer à toute aide budgétaire directe ou indirecte aux exportations. Aussi convient-il de prendre dès maintenant des dispositions [...]. Il faut d’abord donner à nos industriels l’"esprit exportateur"33. » Les remboursements des charges sociales et fiscales devaient disparaître dans le train de mesures décidées par Félix Gaillard, alors ministre des Finances et des Affaires économiques, à l’été 1957, pour remédier au déficit de la balance des paiements et assainir la situation financière34.
7La gestion de ce dossier témoigne que l’État était prêt à se livrer à des concessions conjoncturelles aux entreprises tout en ne se berçant d’aucune illusion sur l’efficacité de celles-ci. Le problème des difficultés d’exportation vers les États-Unis et les pays industriels était patent dès cette date. La lenteur de la libération des échanges dans les années 1950, signe des difficultés d’adaptation des entrepreneurs français, renforça de manière perverse le pouvoir de l’administration sur ces derniers. La même ambiguïté régissait la politique française au sein de la commission des échanges de l’OECE. Le directeur de la DREE devait gérer la levée de contingents en tenant compte des résistances vives exprimées par les organisations professionnelles et les ministères techniques. À plusieurs reprises, la France dut revenir en arrière dans le processus de libération des échanges industriels : en février 1952, elle revint au contingentement intégral, puis en juin 1957, elle dut suspendre de nouveau les mesures libératoires35. Lorsque le général de Gaulle arriva au pouvoir, le mouvement était inachevé. Il fit le choix d’honorer les engagements internationaux de la France par l’adoption du plan d’assainissement financier de décembre 1958. La France revint à un niveau élevé de libération des échanges, porté à 90 % le 29 décembre 1958, au lendemain de la dévaluation de 17,5 %. Or, à cette date, la DREE manifestait encore des réticences : « Attachée au poison du bilatéralisme et aux délices de la négociation », elle estimait surtout que les industriels français étaient encore insuffisamment prêts à affronter la concurrence36. André de Lattre, alors directeur de cabinet du ministre des Finances W. Baumgartner, a laissé un témoignage mordant sur cette dernière étape et sur l’attitude des « grands Européens », comme Bernard Clappier et Olivier Wormser, qui s’opposaient souvent à toute levée prématurée des contingents qui protégeaient certains secteurs. Ayant fait connaître à la DREE que la libération totale interviendrait prochainement, il vit arriver dans son bureau « un Bernard Clappier furieux, l’œil encore plus noir que de coutume, qui [lui] expliqua que la loyale subordination des directeurs au directeur du cabinet avait ses limites37 ». De fait, l’ambivalence fondamentale de la direction à cette date reflétait sa position particulière au sein de l’administration française, prise entre des services décidés au grand saut et d’autres réticents, comme ceux du ministère de l’Industrie38.
L’accompagnement sur le terrain
8Si les dirigeants français connaissaient les voies à emprunter pour moderniser l’économie de leur pays, ils devaient tenir compte de la situation réelle des entreprises. Parmi les différents canaux d’information qui se mettaient en place, ils disposaient du réseau naissant des postes d’Expansion économique qui fit converger vers le quai Branly un ensemble d’analyses mettant en lumière leurs faiblesses sur les marchés lointains, en particulier sur ceux essentiels pour rapporter des devises. Par exemple, une étude établie par le Centre national du commerce extérieur avec le concours de l’attaché commercial à Sydney stigmatisa en 1947 deux causes pour expliquer la faiblesse des ventes sur le marché australien : l’influence de la distance et l’insuffisante conformité des produits français aux besoins de ce marché. En ce qui concernait la distance, l’étude eut beau jeu de rappeler ce qui était devenu une tendance lourde du commerce extérieur français : sa prédilection pour les ventes aux pays limitrophes. À cette date, ses importations venaient à 45 % de la zone dollar (États-Unis, Canada, Venezuela, Chili...), et à 19 % de la zone sterling (Grande-Bretagne, Australie, Union sud-africaine, Égypte...)39. Au-delà, l’étude dénonçait une « distance psychologique » dans l’incapacité à se plier aux coutumes, aux méthodes de vente, à la langue du pays importateur. Elle confirmait que ces pays avaient besoin d’autre chose que des produits traditionnels ou de luxe de l’exportation française : en pleine fièvre d’équipement, il leur fallait du matériel portuaire, ferroviaire, des usines complètes, etc., que les États-Unis avaient commencé à leur procurer. Par ailleurs, le mode de vie, rudimentaire pour des Européens, n’incitait pas les Australiens à acheter des produits très raffinés40.
9Conscient de l’importance des obstacles tant du côté de ces pays ignorants des possibilités d’exportation de la France que du côté des exportateurs français ignorants des caractères propres de ces marchés, René Mayer proposa à Georges Bidault d’envoyer des missions mixtes de fonctionnaires et d’entrepreneurs en Australie, en Nouvelle-Zélande, en Afrique du Sud et aux Indes41. Il choisit de désigner le conseiller commercial à Londres Jean de Sailly comme responsable de la mission. « L’activité et le savoir-faire remarquables dont il a fait preuve dans son poste, les connaissances qu’il y a acquises des goûts, des méthodes et de la réglementation britanniques, la confiance dont il jouit à la Trésorerie et au Board of Trade, enfin l’expérience qu’il possède des milieux et des possibilités de l’exportation française seraient les meilleures garanties du succès de ce projet. » Pour le conforter dans cette tâche auprès d’États peu sensibles à la qualité de conseiller commercial en Grande-Bretagne, René Mayer demanda à son collègue de conférer à Jean de Sailly le titre de ministre plénipotentiaire. Sensible à cet argument, Georges Bidault accepta, mais à titre temporaire, pour la durée de la mission42. Une première mission se rendit en Afrique du Sud et en Rhodésie fin 1948, puis une seconde en Australie et en Nouvelle-Zélande en janvier 1950. Maurice Petsche devait imputer à la première le doublement, avéré, des exportations françaises en Afrique du Sud en 194943... Cette première réponse – une mission mixte – fut caractéristique de l’état d’esprit qui prévalut dans les décennies suivantes : l’État se devait d’assumer ce rôle de partenaire et d’accompagnateur physique des entrepreneurs à l’étranger.
10En Allemagne, il n’en fut pas autrement. La situation n’était pas facile en raison des réticences des entreprises à investir sur un marché où tout gain en devises demeurait intransférable en France du fait de l’application très stricte du contrôle des changes44. En outre, à l’exception des grandes entreprises établies de longue date en Allemagne, comme Saint-Gobain, Pont-à-Mousson, L’Air Liquide ou L’Oréal, les entreprises de taille plus moyenne ne disposaient toujours pas des réseaux de vente capables de soutenir leurs efforts d’exportation. En Allemagne, comme sur les autres marchés, le rôle du poste d’Expansion économique fut alors essentiel pour faciliter leurs démarches et promouvoir leurs produits. En 1950, des maisons françaises de parfumerie et de bijouterie-orfèvrerie s’adressèrent aux services de Lefort pour obtenir les noms et adresses d’agents commerciaux et de chambres professionnelles qui pourraient être leurs interlocuteurs45. L’autre grande activité des attachés commerciaux fut d’organiser la présence française sur les foires et salons professionnels en Allemagne. Là encore, le démarrage fut difficile : le ministère de l’Industrie constata en janvier 1948 qu’aucune firme française ne s’était inscrite pour figurer parmi les exposants de la Foire de Leipzig, qui allait se tenir au printemps46. Pour y remédier, les PEE organisèrent des déplacements de chefs d’entreprise ou de groupements professionnels en RFA, comme celui de l’Union française des industries exportatrices en octobre 194947.
11L’Amérique latine fut, bien avant le voyage du général de Gaulle de mars 1964, une région privilégiée par les pouvoirs publics pour assurer la vente des biens d’équipement français. Pont-à-Mousson, Roussel-Uclaf, Middy avaient installé, dans les années 1950, des usines qui firent beaucoup pour la réputation d’excellence des produits français. Les banques favorisèrent l’implantation des industries : le Crédit commercial de France avait placé avec une banque belge le premier emprunt mexicain en Europe. Paribas participa à la construction des aciéries de Chimbote au Pérou, puis de grandes usines sidérurgiques au Brésil48. De 1954 à 1965, on estimait que la CNEP, la BNCI et le Crédit lyonnais avaient à eux trois ouvert au Mexique des crédits d’achat de matériel français de l’ordre de 200 millions de francs. Leur effort était épaulé par le poste d’Expansion économique qui jouissait alors d’une très bonne réputation, « faisant preuve d’une efficacité exceptionnelle dans les services, dépouillant les nouveaux venus de leurs illusions et les mettant face à face avec les interlocuteurs mexicains dotés du pouvoir de décision49 ». Les pouvoirs publics favorisèrent également la création en mars 1946 de la chambre de commerce France-Amérique latine (CCFAL), fondée à l’instigation commune du quai Branly et du Quai d’Orsay50. Constatant la concentration des échanges sur des pays comme l’Argentine ou le Brésil, ils tentèrent de les réorienter vers l’Amérique centrale (Chili, Bolivie, Colombie) et sur le Mexique. En 1960, Bernard Clappier avait organisé plusieurs réunions qui avaient mis au jour l’implantation encore insuffisante des sociétés commerciales françaises ; en avril 1963, l’administration proposait encore l’envoi de missions de commerçants et d’industriels, spécialisés dans le petit outillage agricole, dans les produits chimiques et pharmaceutiques, dirigées par un « fonctionnaire de rang moyen », « dont les frais seraient réglés en partie par l’État51 ». Le rôle du conseiller commercial était fondamental pour orienter les entreprises ne disposant pas toujours de représentant bien établi. Ce fut le cas au Chili au début des années 1960, où le conseiller Gérard Dubois, tout occupé qu’il fût à gérer les modalités du prêt gouvernemental octroyé par la France à la suite du tremblement de terre52, n’eut de cesse de rappeler que les véritables enjeux pour l’industrie française se situaient peut-être ailleurs, dans l’alimentation d’échanges où les produits français, plus compétitifs et bénéficiant de l’amélioration du réseau commercial, confirmaient leur enracinement sur le marché chilien : produits chimiques, textiles, produits en caoutchouc, optique, produits agroalimentaires, matériel pour l’industrie du lait, matériel de traitement des minerais, etc. La RFA y était le principal concurrent de la France, forte d’une structure commerciale remarquablement organisée. Le poste d’Expansion économique veillait enfin à la défense des marques d’origine et de fabrique françaises, d’autant que le Chili n’avait toujours pas adhéré aux conventions internationales. Ainsi il empêcha que la marque Epernay fût accolée sur des bouteilles de vin mousseux chilien et que l’appellation Figaro vint orner une publication chilienne53.
L’observation des concurrents étrangers
12L’attention prêtée à l’évolution des positions britanniques au Moyen-Orient motiva en partie l’intérêt de la France pour développer sa représentation commerciale dans cette partie du monde où ses propres intérêts étaient remis en cause. René Massigli, ambassadeur à Londres, souligna que l’un des buts essentiels de la politique britannique demeurait le développement économique, technique et administratif du Moyen-Orient, dont la nécessité avait été mise au jour, durant la guerre, par le Middle East Supply Centre, et que cela motivait la reconversion rapide des structures de guerre et la naissance d’un British Middle East Office (BMEO) au Caire, destiné à être un « instrument d’expansion pour l’avenir54 ». La Grande-Bretagne était alors le seul État occidental à développer un programme de ce type, s’imposant comme un véritable « pionnier dans le domaine de l’assistance technique55 ». Son but initial était fondamentalement politique : gagner l’appui des élites politiques du Moyen-Orient, région qui demeurait d’une importance stratégique capitale pour elle, mais où se faisaient entendre des revendications nationalistes et anti-occidentales de plus en plus vives. La politique du ministre travailliste des Affaires étrangères Ernest Bevin s’inscrivit, en l’occurrence, dans la continuité de la politique impériale des gouvernements conservateurs précédents. En septembre 1945, il réunit à Londres les représentants britanniques au Moyen-Orient pour leur présenter les grandes lignes de son action dans la zone ; la création du BMEO eut lieu dans la foulée. Son démarrage, sous l’égide de sir Arnold Overton, fut difficile en raison tant des réticences des ambassades et légations déjà en place dans la région à voir s’implanter une nouvelle structure que de celles manifestées par le Trésor56. Lors de son intervention, Bevin avait établi un lien entre l’assistance technique et l’expansion économique britanniques, estimant que l’existence d’importances balances sterling accumulées par de nombreux États de la région fournirait des « opportunités en or » (golden opportunities) pour les exportateurs britanniques au Moyen-Orient.
13À cette époque, la présence française sur les marchés du Moyen-Orient était encore inexistante, alors que le Japon, l’Allemagne et l’Italie étaient en train de s’y introduire. Les sociétés commerciales, industrielles et financières françaises étaient peu présentes dans la région, la participation des intérêts français aux entreprises à statut local, faible. Le ministère français en avait eu confirmation durant l’été 1949 en recevant les réponses des principales ambassades et légations dépendant de la direction d’Afrique-Levant à sa demande d’information précise à ce sujet57. Dans le domaine du seul négoce, seule une société commerciale France-Éthiopie, établie à Addis-Abeba et à Djibouti (sous le nom de « Compagnie française de l’océan Indien »), se cantonnait dans le commerce de produits français. Les quelques autres, comme les Magasins Orosdi Back, établis à Bagdad, orientaient leurs activités vers les articles et les marchés anglo-saxons. Une certaine redistribution des produits français s’opérait par l’intermédiaire du Liban, qui les envoyait vers l’Irak, la Jordanie, l’Arabie Saoudite. La situation française en Éthiopie était assez représentative : trois maisons de commerce françaises étaient installées à Addis-Abeba (France-Éthiopie, Ries et Herald). La chambre de commerce avait une activité très restreinte : elle comprenait, en tout et pour tout, sept membres français, sans locaux ni matériel. Son président était le président d’une des trois sociétés commerciales françaises, Herald, spécialisée dans l’exportation de peaux mais ne faisant aucune importation d’articles français, bien qu’Herald fût le représentant de Peugeot et de Citroën ; son secrétaire général était le représentant d’Air-France à Addis-Abeba. Mais ni l’un ni l’autre n’avaient connaissance des activités du dispositif public français d’aide, ignorant « l’existence non seulement de la direction des relations économiques extérieures, mais aussi du Centre national du commerce extérieur », ce qui était assez révélateur de la désorganisation des structures commerciales françaises publiques58. Une mission destinée à faire le point fut alors confiée en mars-mai 1950 à Philippe Clément, un jeune administrateur civil issu de la promotion Croix de Lorraine de l’ENA, qui venait d’entrer à la DREE, au Service des accords commerciaux59. Celui-ci ne put que souligner le potentiel économique des pays de la région. « [...] Leur sous-sol a fait jaillir sa richesse. Tous possèdent du pétrole dont l’exploitation vient tout à coup les porter parmi les plus riches au monde [...]60. » Les gouvernements locaux multipliaient les appels aux gouvernements étrangers pour industrialiser et équiper leurs pays, cherchant progressivement à se libérer de la zone sterling à laquelle ils avaient d’abord été intégrés.
14Or, la représentation commerciale officielle de la France au Proche-Orient s’avérait encore très limitée et incapable d’aider à l’implantation des entreprises61. Trois postes d’Expansion économique avaient été ouverts depuis 1945 : en Égypte, au Liban et en Syrie, censés, chacun, couvrir plusieurs pays. Le poste du Caire, tenu par le conseiller commercial Jean-Pierre Herrenschmidt, depuis novembre 194862, et deux attachés commerciaux, couvrait six pays : l’Égypte, le Soudan, l’Éthiopie, les pays de la mer Rouge. Celui de Beyrouth, dirigé par Pierre Casalongua, couvrait le Liban et l’Irak, celui de Damas, occupé par l’attaché commercial Charles Boeglin, couvrait la Syrie et la Jordanie. Les responsables des postes, déjà très occupés par la situation de leur pays de résidence, n’avaient pu fournir d’éléments sur les autres pays de leur secteur. Devant l’incapacité budgétaire de la France à ouvrir un poste dans chacun des pays, Philippe Clément préconisa de créer un poste d’attaché commercial itinérant pour les pays de la mer Rouge, à Aden, à défaut un poste sédentaire en Arabie Saoudite. En conclusion, il estimait que des accords gouvernementaux donneraient évidemment un signe décisif aux entrepreneurs français, mais qu’en dernier ressort, la création d’un courant d’affaires ne dépendrait que d’eux63. Dans les années qui suivirent, des accords commerciaux vinrent encadrer les échanges avec une partie des pays de la région : avec la Grèce et la Turquie, avec l’Iran, Israël, l’Égypte. Le 23 mai 1955, un accord fut signé avec le Liban, pays qui continuait à occuper une place privilégiée dans le dispositif français, en raison de la présence de nombreux ressortissants français, de l’influence politique et culturelle que la France voulait maintenir, et surtout, de son rôle de courtier du Moyen-Orient. Saisi de la même fièvre d’équipement que les autres pays de la région, il se lançait dans l’aménagement du fleuve Litani, et les entreprises françaises entendaient y participer64. De la même manière, à la suite de la normalisation politique de l’Iran et du règlement du conflit pétrolier en 1953, la France tablait sur l’accord commercial conclu pour favoriser sa participation au programme d’équipement défini par ce pays.
Le poids nouveau de la guerre froide
15Les tensions grandissantes entre l’Est et l’Ouest, la mise en place de l’embargo occidental sur le commerce avec les pays socialistes paralysèrent dans un premier temps les échanges de la France avec un certain nombre d’entre eux. Tant que les objectifs de sa diplomatie commerciale ne furent pas précisément définis, les considérations de sécurité l’emportèrent un peu partout à Moscou65. La mission d’informateur du conseiller commercial s’en trouva considérablement affectée : la méfiance globale que suscitaient les diplomates étrangers en URSS le privait de l’accès aux sources. Les statistiques sur le commerce extérieur soviétique semblaient par ailleurs inexistantes66.
16En Chine, la situation n’était pas plus aisée. Conscient de l’enjeu que représentait le retour d’une présence française en Chine face aux efforts déployés par les Anglais et les Américains, le Quai d’Orsay demanda au ministère de l’Économie d’augmenter sa participation financière aux frais d’entretien d’une mission temporaire conduite par Henri Maux, un ingénieur en chef hors classe des travaux publics des colonies67, et souligna l’urgence d’institutionnaliser la présence de celui-ci en une « mission économique à caractère semi-permanent, destinée à se substituer, au moins jusqu’au retour en Chine de circonstances normales, à l’ancien poste d’attaché commercial68 ». Cela fut fait par un décret du 13 mai 1946 qui créa une Mission économique française en Extrême-Orient dont le but était de développer les exportations de la France sur les marchés asiatiques, notamment en Chine, et d’articuler sa mission avec les activités des services économiques du Haut-Commissariat de France en Indochine, en particulier en canalisant l’afflux de fonctionnaires économiques et de négociants chinois vers l’Indochine69. Maux fut officiellement confirmé comme chef de la Mission, exerçant les fonctions de conseiller commercial et, comme tel, relevant de la compétence du ministère de l’Économie nationale70. Il s’établit quai de France, à Shanghai. Son équipe fut renforcée par la nomination d’un représentant de la Mission économique en Chine du Sud, P. Lenouvel, qui s’établit à Canton, à partir de novembre 194671. En outre, il fut créé en France un Syndicat d’études pour l’Extrême-Orient (SEPEO), qui regroupait les principales entreprises françaises désireuses de s’y implanter72. À cette date, les industriels français apparaissaient au Quai d’Orsay encore peu intéressés par le marché chinois73. Seuls y étaient présents les représentants traditionnels du négoce français en Chine, comme la Maison Olivier, établie à Shanghai74.
17Le 28 juin 1949, Henri Maux fut désigné comme délégué permanent de la France à la Commission économique pour l’Asie et l’Extrême-Orient75. Quelques mois plus tard, la situation révolutionnaire conduisit les Affaires étrangères et le ministère des Finances à mettre la Mission en veilleuse76. Dans la période incertaine qui suivit, le Quai d’Orsay maintint une attitude circonspecte, justifiée par l’absence de tout accord entre les puissances occidentales « pour déterminer les grandes lignes d’une politique économique commune à l’égard des autorités communistes chinoises77 ». Les échanges en cours pourraient provisoirement se poursuivre par l’intermédiaire des sociétés françaises de négoce, en l’occurrence la Hong-Kong-Canton Export Co et l’Indochina Trading Co, chargées par Maux de représenter la Mission économique française pour l’achat des produits couramment échangés (tourteau de soja, soies de porc, huile, thé)78. Il n’en demeurait pas moins que le maintien en l’état de la Mission économique posait à la France des problèmes croissants, dont Maux était bien conscient, dénonçant la politique de la DREE, interpellant le Quai d’Orsay : « Je suis administré par un service [le service de l’Expansion économique] qui ignore complètement la Chine, l’Indochine et les conférences internationales : il place ses conseillers commerciaux comme des pions, au gré de leur carrière et des requêtes des ambassades, et c’est très simple ainsi. Alors vous, ministère des Affaires étrangères (que je prends en bloc, sans m’occuper des litiges d’attribution entre différentes directions), qui avez insisté pour que cette mission soit pour moitié sous votre dépendance, vous désintéresserez-vous entièrement de ses problèmes d’existence et de fonctionnement79 ? » Fin septembre, il lui fut signifié que sa mission s’achèverait au 31 décembre 1949. Robert Douteau fut nommé conseiller commercial en Chine et son arrivée fut annoncée à Hong Kong pour courant décembre80.
La mise en œuvre de nouvelles techniques de crédit
18Tandis que, sur le terrain, fonctionnaires et entreprises développaient leurs actions au cas par cas, une réflexion de fond fut entreprise par le milieu bancaire sur le financement des exportations. Elle bénéficia de la réflexion globale développée autour de la modernisation des structures économiques. Les énormes besoins de capitaux, suscités par la reconstitution des stocks, la reconstruction, la modernisation et l’équipement des entreprises comme des installations publiques, conduisirent à la mise en place, sous l’égide de la Banque de France, de mécanismes nouveaux de crédit fondés sur l’allongement de sa durée. La Banque de France, qui limitait jusqu’alors tant son soutien au système bancaire que son financement direct des entreprises à l’escompte d’effets à échéance maximale de trois mois, accepta leur allongement progressif. C’est dans ce contexte que s’inscrivit la réforme du financement du commerce extérieur au début des années 1950. Limitées d’abord à l’équipement intérieur, les nouvelles techniques de crédit furent étendues aux exportations81. Elles furent le fruit de réflexions spécifiques engagées dès avant la guerre entre les banques, les établissements financiers dépendant de l’État et le Crédit national que dirigeait Wilfrid Baumgartner82. Elles conduisirent à l’arrêté du 11 mai 1944 par lequel le conseil général de la Banque de France décidait d’admettre à « l’escompte les effets à trois mois d’échéance, créés pour la mobilisation des prêts consentis par les banques pour une durée comprise entre neuf mois et deux ans83 ». Il s’agissait de garantir les crédits liés aux ventes sur une durée plus longue, mais aussi de permettre le préfinancement de fabrications ayant fait l’objet d’une commande ou d’un marché de la part de l’étranger. Toutefois le maintien du contrôle des changes à la Libération conduisit l’Office des changes à exiger des exportateurs un rapatriement des devises résultant de la vente dans un délai de quatre-vingt-dix jours maximum, ce qui vida le texte de son effet.
19La loi de nationalisation du crédit du 2 décembre 1945 fraya la voie à la réforme du système de l’assurance-crédit d’État. L’article 16 de la loi encourageait l’adoption de mesures « pour organiser la distribution de crédits à long terme nécessaires à l’équipement industriel, commercial, artisanal et agricole du pays ». Dans les mêmes termes, l’article 17 autorisait le gouvernement à prendre, dans un délai de six mois, « toutes mesures ayant pour objet l’amélioration des conditions du crédit nécessaire au commerce extérieur de la France84 ». Le gouvernement pouvait « provoquer la création d’établissements nouveaux spécialisés dans le crédit à l’exportation ou à l’importation, et proposer au Parlement la modification des statuts ou la réorganisation des établissements existants, notamment de la Banque nationale française du commerce extérieur et de tous organismes administratifs ou subventionnés par l’État ayant pour objet l’assurance du crédit à l’exportation ou à l’importation ». En exécution de cet article, un décret du 1er juin 1946 institua la Banque française du commerce extérieur, ou BFCE (titre Ier) et la Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur, ou COFACE (titre II)85. L’ensemble du dispositif d’assurance-crédit à l’exportation était dorénavant nationalisé. Se trouvait confirmée la partition institutionnelle opérée après le premier conflit mondial entre l’octroi des crédits et leur garantie. La couverture des risques commerciaux et politiques était dorénavant assurée par un seul organisme, la COFACE.
La naissance de la COFACE
20La nouvelle compagnie était une société mixte dont le capital fut majoritairement souscrit par des établissements publics : la Caisse des dépôts et consignations, le Crédit national, la BFCE, seize compagnies d’assurances nationalisées, et par une seule société privée : la Société française d’assurance pour favoriser le crédit (SFAFC)86, dont la participation ne pouvait excéder 30 % de son capital (article 8). Elle assurait, pour le compte de l’État, les risques politiques, monétaires ou catastrophiques, reprenant à son compte les fonctions de l’ancienne assurance-crédit d’État, ainsi que les risques commerciaux extraordinaires afférents auxdites opérations et, pour son propre compte, les risques commerciaux ordinaires, reprenant les fonctions exercées par la SFAFC, appelée à lui céder l’intégralité de son département étranger (article 8), et donc à recentrer ses activités propres sur le marché national. Un second décret du 1er juin 1946 régla les relations financières de la compagnie avec l’État en prévoyant l’ouverture de deux comptes à la BFCE : un compte A, où seraient portées toutes les opérations assurées pour le compte de l’État, et un compte B, où figureraient les opérations réalisées pour son propre compte (article 3)87. Le décret du 16 avril 1948 précisa, deux ans plus tard, la nature des risques politiques et de change couverts, mais aussi élargit aux prestations en travaux ou en services, aux licences et aux brevets (article 1er) les opérations couvertes pour le compte de l’État. En ce qui concernait les risques couverts par la COFACE au nom de l’État, les risques politiques étaient couverts quelle que fût la nature publique ou privée de l’acheteur. Pour l’ensemble de ces risques, la quotité de garantie était fixée à 80 %. Le compte A était crédité des primes relatives aux garanties délivrées et débité des indemnités versées aux clients sinistrés. En cas d’insuffisance des ressources, la compagnie pouvait faire appel à des avances du Trésor. Lorsqu’elle agissait pour son propre compte, protégeant à court terme l’exportateur du danger de non-paiement d’un acheteur privé, la quotité variait de 60 % à 75 %88. Le compte B était approvisionné selon un principe de réassurance : l’État s’engageait à prendre à sa charge un excédent de perte supérieur à 10 % du montant net des primes encaissées pour l’assurance des risques commerciaux ordinaires.
21Les statuts de la COFACE furent approuvés par la première assemblée générale du 2 septembre 1947 et homologués par décret du 20 janvier 1948. Elle entra en activité le 1er mai 194889. Seules les activités propres de la COFACE faisaient partie des prérogatives du conseil d’administration90. Pour les autres risques, une commission interministérielle de l’assurance-crédit avait été créée par le décret fondateur de 1946. Trois ans plus tard, par la loi du 5 juillet 1949, elle devint la commission des garanties et du crédit au commerce extérieur. Composée du directeur de la DREE, son président, du directeur des affaires économiques et financières du ministère des Affaires étrangères, du directeur des programmes, du directeur des finances extérieures et du directeur du Trésor du ministère des Finances et des Affaires économiques, et d’un représentant d’un ministère technique, de la Banque de France et du Crédit national, elle s’imposa rapidement comme le « véritable centre de pouvoir pour la délivrance des garanties de l’État91 », se voyant également conféré l’examen des dossiers de garantie de prix. En son sein, la DREE tint une place prépondérante, le directeur y déléguant le chef du service de l’Expansion économique Hubert Roussellier. C’est la commission des garanties qui définissait les taux et les modalités de calcul des primes, ainsi que le pourcentage de garantie à accorder. Elle pouvait aussi intervenir pour obtenir l’amélioration des procédures ou la création d’une nouvelle police. Enfin, elle était appelée à statuer en matière de crédit. Le démarrage de la compagnie se fit à un rythme lent de 1948 à 1951, les entrepreneurs n’ayant pas encore l’habitude de souscrire ce type de police de garantie92.
22Le système des garanties commença à se perfectionner avec la mise en place de l’assurance-prospection par la loi du 21 juillet 1950. Sur le modèle des joint-stock policies et des venture policies de l’assurance-crédit anglaise, de l’Export Credits Guarantee Department, des contrats furent élaborés par la COFACE, destinés à couvrir les risques de prospection des marchés, de constitution de stocks à l’étranger ou encore les opérations de publicité. Entre 1950 et 1955, une trentaine de contrats furent souscrits, signe d’un démarrage modeste imposé par la commission des garanties, soucieuse de ne soutenir que les projets viables financièrement93. Toutefois, la formule fit progressivement la conquête des exportateurs, ce qui devait entraîner, dans les décennies qui suivirent, son adaptation aux petites et moyennes entreprises : l’assurance-foire en 1958, puis l’assurance-prospection simplifiée en 197594.
L’aménagement du crédit fournisseur en 1949
23La Banque française du commerce extérieur, instituée par le décret du 1er juin 1946, n’avait pas reçu de monopole en matière de financement du commerce extérieur : elle devait non se substituer aux banques d’affaires, mais compléter et coordonner leur action. Dès sa création, elle s’était engagée sur la voie du préfinancement des fabrications ou d’opérations à moyen terme. En janvier 1948, la Banque de France décida d’admettre à son réescompte les billets souscrits par les exportateurs à l’ordre de leur banquier et revêtus du cachet de la BFCE : l’autorisation de ces signatures d’aval permit à la banque d’augmenter l’octroi des crédits à court terme à l’exportation. Le quai Branly se distingua par ses pressions précoces en faveur de l’allongement du crédit : en janvier 1950, il fit savoir au Trésor qu’un certain nombre d’affaires avalisées par la commission des garanties n’avaient pu être conclues faute de financements95. Ses interventions lors des séances du conseil général de la Banque de France allaient dans le même sens. Il relayait les demandes émanant de la Banque de Paris et des Pays-Bas (Paribas), qui, sous l’impulsion de son directeur général Jean Reyre, se montrait très en pointe pour obtenir la mise au point de formules financières permettant de soutenir la vente de biens d’équipement français. Prête à accorder des prêts à long terme aux exportateurs français, la banque participa à la discussion visant à permettre leur couverture par la COFACE96. Au terme des débats, le 2 mars 1950, le conseil général de la Banque de France approuva l’arrêté en vertu duquel « la Banque admet[tait] à l’escompte des effets créés pour la mobilisation de crédits consentis, avec son accord préalable, pour une durée de cinq ans au plus, lorsque ces crédits [étaient] destinés à faciliter le financement des opérations du commerce extérieur et [avaient] obtenu la garantie de l’État, par l’intermédiaire de la Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur (COFACE)97 ». Ainsi, banques et pouvoirs publics structurèrent de concert, à partir de 1948, un système où les mécanismes d’assurance et de financement des crédits à l’exportation étaient étroitement liés : pour obtenir un crédit à moyen terme, c’est-à-dire supérieur à dix-huit mois, la garantie de la COFACE était obligatoire. Ce système s’appliquait aux crédits consentis par l’exportateur français à son acheteur (d’où leur nom de « crédits fournisseurs ») et pour lesquels il pouvait obtenir de ses banques des ressources équivalant à ce crédit, soit un crédit de préfinancement (couvrant la période de fabrication des produits exportés) et un crédit dit de « créances nées » (couvrant la période de remboursement). Ces crédits étaient refinancés par les banques, par escompte auprès de la Banque de France, par l’intermédiaire du Crédit national et de la Banque française du commerce extérieur, à un taux de réescompte privilégié par rapport au taux du marché98. La garantie de la COFACE s’appliquait à l’exportateur en cas de non-paiement par son acheteur. Dès 1950 donc, la durée du crédit fut portée de deux ans à cinq ans, situation qui perdura jusqu’au début des années 1960. Ce premier allongement était révélateur de l’entrée dans une nouvelle phase. L’ère de la reconstruction s’achevait, le marché intérieur commençait à ralentir sa demande, l’inflation surtout commençait à être contenue.
24La COFACE n’admettant à souscrire des polices de longue durée que les ventes de biens d’équipement à destination d’acheteurs publics, le dispositif favorisa la vente de ce secteur phare traditionnel de l’économie française, gros pourvoyeur de devises. L’opinion publique y poussait, qui rappelait la part prise jadis par la France dans l’exécution des travaux publics à l’étranger. Dressant un bilan mitigé de son action dans ce domaine entre les deux guerres, La Tribune économique concluait à la nécessaire relance d’une activité qui, au xixe siècle, porta haut le nom de la France : « Nous n’avons plus de capitaux à placer, mais nous avons un grand et pressant besoin de devises pour pallier l’insuffisance de nos exportations. L’exécution de travaux publics à l’extérieur pourrait nous les procurer99. » Paribas participa activement, dès le début des années 1950, au financement des exportations de biens d’équipement vers des marchés extra-européens : la part privilégiée qui fut la sienne dans la répartition des crédits de préfinancement des grands contrats à l’exportation programmés par la Banque de France par rapport aux autres banques françaises atteste sa capacité inédite à associer de manière efficace montage financier et montage industriel100. L’un de ses premiers gros marchés fut la Colombie, où elle soutint la construction du complexe sidérurgique de Paz del Rio grâce au contrat que lui apporta l’homme d’affaires américain Richard S. Richards à la suite du refus de la Banque mondiale de financer le projet101. L’usine fut inaugurée en octobre 1954. La banque d’affaires eut en l’occurrence un rôle décisif pour apprendre aux grands constructeurs français comme Alsthom, Stein et Roubaix, Fives-Lille, Batignolles-Châtillon à réaliser ensemble de grands ensembles industriels à l’étranger. Le Brésil fut l’un des autres pays d’Amérique du Sud où elle prit pied dans les années 1950, avant que ce continent ne devînt un champ d’expansion prioritaire pour la diplomatie française102. Le 25 mars 1959, elle signa ainsi un protocole avec la Companhia Siderurgica Paulista (COSIPA) pour le financement d’équipements destinés à l’installation d’une usine sidérurgique à Piacaguera, dans l’État de São Paulo103. Pour soutenir les industriels français, elle développa un réseau de délégués permanents ou de bureaux de représentation en Amérique latine, puis au Moyen-Orient104.
25Rares étaient encore les industriels français, tournés vers la reconstruction intérieure, à disposer des structures aptes à soutenir leur expansion internationale. Le groupe industriel que constituait la Compagnie générale d’électricité commença à la fin des années 1940 à rechercher de nouveaux débouchés, en particulier dans les colonies d’Afrique noire où elle était absente. En 1949, l’une de ses filiales, la Compagnie générale d’entreprises électriques, créa un Bureau d’études exportation (BEE) – qui deviendra la société Cogelex –, en liaison avec les Ateliers de Delle pour répondre aux demandes de livraisons d’installations complètes, appuyées par l’envoi d’ingénieurs105. Cela permit au groupe de participer à la construction de grands ensembles industriels, comme celle de centrales hydro-électriques ou thermiques en Afrique, mais aussi en Amérique latine où elle avait entrepris un voyage d’études en 1948. Grâce à l’appui de la Société générale, l’usine CEGELEC-Argentine installée à Buenos Aires débuta ses activités en 1950. Elle favorisa l’essor des ventes du groupe dans d’autres pays de la région : au Chili, au Venezuela et en Uruguay106.
26Parallèlement, les pouvoirs publics créèrent un nouvel instrument destiné à répondre au problème des répercussions de l’inflation sur les ventes à l’étranger : la mise en place d’une garantie des prix. La hausse continue des prix empêchait en effet les exportateurs de conclure des contrats à prix fermes. La DREE institua à partir de 1946 une procédure de garantie des prix incluant une garantie des changes pour encourager l’exportation des biens d’équipement107. Le matériel exporté devait expressément relever de la direction des industries mécaniques et électriques du ministère de l’Industrie pour bénéficier de la garantie des prix. Des entreprises comme la Compagnie générale d’électricité de Delle, la société Fives-Lille, les Ateliers et Chantiers de la Loire en bénéficièrent. La loi du 5 juillet 1949 prit le relais en accordant à l’ensemble des exportateurs la garantie de l’État contre la hausse des prix intérieurs.
L’essor de l’assistance technique aux pays en voie de développement
27Parmi les buts de guerre que se fixèrent les Alliés occidentaux pendant la Seconde Guerre mondiale, il y eut un objectif sinon nouveau, du moins affirmé avec une force sans précédent : celui de contribuer au développement économique et social de l’humanité. Cette préoccupation se retrouva dans les programmes nationaux des principaux dirigeants européens au moment de la libération de leur territoire du joug nazi. Elle fut consacrée au niveau international par la charte des Nations unies adoptée à San Francisco en 1945. L’octroi d’une assistance technique aux gouvernements des États membres fut reconnu comme l’une des principales attributions de l’ONU et de ses institutions spécialisées. L’article 55 de la charte stipulait que les Nations unies favoriseraient « des conditions de progrès et de développement dans l’ordre social et économique108 ». À cette date, la notion de « développement » avait un caractère très général et renvoyait au relèvement des niveaux de vie et à la stabilisation économique nécessaires au sortir de la guerre. L’Europe occidentale fut la première à bénéficier du premier grand plan d’aide internationale de l’histoire, le Plan Marshall, fondé non plus sur la forme traditionnelle du prêt financier, mais sur des formes nouvelles, complexes, alliant planification économique et intégration de l’aide extérieure dans les projets nationaux de modernisation. Mais rapidement, les pays sous-développés firent entendre leurs revendications au sein des nouvelles tribunes internationales qui leur étaient ouvertes. Le Conseil économique et social fut plus particulièrement chargé par une résolution en date du 14 décembre 1946 de la promotion de l’aide technique au développement109. En son sein furent créées des commissions économiques régionales qui tinrent un rôle essentiel dans l’essor de l’assistance technique110. Le but explicite était de contribuer dorénavant au développement des régions retardées sur la base de la reconnaissance de l’interdépendance des États. La coopération emprunta dans une première phase la voie de l’assistance opérationnelle et institutionnelle : fourniture de biens, de fonds, de services, aide à des réalisations matérielles sur le territoire des États membres par les organisations internationales111.
28Si les considérations morales n’en furent pas absentes, la nécessaire diversification des zones d’expansion économique fut sans doute la première raison de la participation française aux programmes d’assistance technique mis en place par l’ONU au début des années 1950 comme de l’élaboration, quasi simultanée, d’une politique indépendante d’assistance technique bilatérale, qui anticipait, dans une certaine mesure, le développement de la politique de « coopération » des années 1960 et 1970. L’assistance technique apparut comme un moyen essentiel de soutien à l’implantation des entreprises françaises à l’étranger. Mais elle fut aussi reconnue comme un vecteur de l’influence culturelle française, ce qui expliqua l’effort rapide de la diplomatie française pour lui donner un cadre institutionnel. On touchait là en effet à une spécificité traditionnelle de la politique extérieure : l’attachement porté au développement de la présence culturelle de la France dans le monde. Depuis deux siècles, ses missions, ses instituts, ses écoles avaient tissé des réseaux culturels denses dans de nombreux pays, sur lesquels les dirigeants de l’après-guerre pouvaient s’appuyer. Dorénavant, impératifs économiques et impératifs culturels furent liés, plus inextricablement qu’ils ne l’avaient jamais été. Cette imbrication explique en partie les difficultés de définition et de gestion de cette politique que rencontrèrent les responsables français.
La participation aux programmes internationaux
29À l’instar des autres puissances occidentales, la France agit, dès l’origine, dans un cadre double, à la fois multilatéral et bilatéral. Au niveau international, la place de pionnière reconnue à la Grande-Bretagne fut rapidement remise en cause par l’engagement des organisations internationales et des États-Unis, notamment en Égypte, en Irak et en Iran. L’impulsion fut donnée par le discours du président Truman du 20 janvier 1949, et, plus particulièrement, par le point IV de ce discours qui invitait les autres nations à coopérer dans une vaste entreprise d’aide technique internationale que coordonneraient les Nations unies : « Quatrièmement, nous devons mettre en œuvre un programme nouveau et hardi pour faire bénéficier l’amélioration et le développement des régions retardataires des avantages de nos progrès scientifiques et industriels [...]. Ceci devrait être une entreprise coopérative où toutes les nations travailleraient ensemble, par l’intermédiaire des Nations unies et de leurs organismes spécialisés chaque fois que cela serait possible112. » En réponse à ce point IV, une agence internationale d’assistance technique fut créée, la Technical Cooperation Administration (TCA), qui devint connue sous le nom de « Point IV ». En décembre 1949, l’Assemblée des Nations unies adopta la résolution 304 en faveur d’un « programme élargi d’assistance technique » (PEAT) (Expanded Programme of Technical Assistance), adopté par la 9e session du Conseil en août 1949. Pour les participants, la résolution 304 constitua la « charte de l’assistance technique » internationale113.
30Dans ce cadre, la France participa financièrement et humainement aux missions envoyées par les Nations unies et les institutions internationales spécialisées : la FAO (Food and Agriculture Organization), l’OMS (Organisation mondiale de la santé), OIT (Organisation internationale du travail), l’UIT (Union internationale des télécommunications), les institutions financières (FMI, BIRD, etc.), destinées à faire le bilan des besoins et lacunes des pays sous-développés et à élaborer des plans de réforme de structure, de modernisation et d’équipement. Parmi celles-ci, les institutions financières, issues des accords de Bretton Woods en 1944, tinrent un rôle de premier plan, dont au premier chef la Banque mondiale, dont les statuts furent approuvés le 27 décembre 1945 et qui démarra ses opérations en juin 1946 dans le but initial d’aider à la reconstruction des pays industrialisés, avant de se tourner vers les pays en voie de développement114. Elle procéda principalement par la voie de l’emprunt pour obtenir le gros des fonds qu’elle se proposait de prêter pour des programmes qu’elle estimait techniquement et financièrement viables115. Dans la décennie qui suivit, l’assistance technique se matérialisa par l’organisation d’équipes internationales d’experts chargées de conseiller les gouvernements sur leurs programmes de développement économique, par l’envoi d’experts étrangers et l’organisation d’instituts techniques, destinés à former des techniciens locaux, par l’octroi de bourses à des techniciens du pays demandeur en vue de leur formation à l’étranger, et par des moyens multiples, comme l’organisation de séminaires, de centres de formation et de perfectionnement, de cycles de conférences, des échanges de films, de livres, de revues ou encore la fourniture de matériels et d’équipements. La France y participa avec une quote-part de participation au PEAT et à des organismes spécialisés de l’ordre de 6 %. Le dossier relevait du secrétariat des Conférences du Quai d’Orsay116. Parallèlement, elle s’engagea dans un organisme régional spécifique, l’Office de secours et de travaux pour les réfugiés de Palestine (United Nations Relief and Works Agency, ou UNRWA).
31L’ONU avait en effet créé, le 11 décembre 1948, une Commission de conciliation pour la Palestine, qui avait institué, le 2 août 1949, une Mission d’études économiques dans le Moyen-Orient (Middle East Economic Survey Mission), où Eirik Labonne représentait la France. La mission devait proposer des solutions pour aider les réfugiés palestiniens et, au-delà, proposer un plan de développement économique d’ensemble de la région. À la suite du rapport Clapp-Labonne de décembre 1949117, l’ONU créa en mai 1950 l’UNRWA, chargée de coordonner l’assistance technique dans la région. La participation financière de la France à son fonctionnement était très inférieure à celles de la Grande-Bretagne et des États-Unis, mais elle lui permit, au moins, de faire entendre sa voix dans la région et d’obtenir des postes de commande dans la nouvelle organisation internationale : le secrétariat général de la Commission, les postes de chef de cabinet du directeur, de chef du Service de l’éducation, de chef du Service de presse, de directeur adjoint des travaux publics, de chef du Service forestier et de chef des Services agricoles de l’UNRWA. Sa présence empêchait que l’UNRWA se transformât « en un organisme purement anglo-saxon118 ». En outre, elle ne pouvait paraître à ses « populations musulmanes d’Afrique du Nord, toujours très intéressées par ce qui se passe dans l’ensemble du monde musulman, [se] désintéresser du sort des 900 000 réfugiés musulmans de Palestine119 ». On le voit, ces questions étaient riches d’enjeux politiques multiples, dégagés par le Quai d’Orsay. À cela s’ajoutait le constat lucide des difficultés économiques françaises en ce début des années 1950 : l’aide technique pourrait pallier en partie la faiblesse de l’aide économique et financière. « [...] Si peu d’espoirs sont permis à notre pays en matière d’expansion économique lorsque cette expansion est conditionnée par un apport financier ou matériel, par contre lorsqu’il s’agit d’exporter ou d’investir non plus des capitaux mais des connaissances scientifiques et des techniciens, la France doit et peut souvent rivaliser avec des concurrents plus riches ou mieux outillés120. »
Le développement des programmes bilatéraux
32Ils naquirent tant de la demande des gouvernements des pays en voie de développement que des organismes onusiens qui recouraient souvent, par commodité, aux puissants bureaux d’assistance technique nationale, déjà organisés par les Anglo-Saxons. Parallèlement à l’engagement multilatéral, de grands programmes gouvernementaux d’assistance technique furent mis en place : les programmes américain et soviétique en constituèrent des archétypes. La coopération bilatérale américaine, initiée par le « Point IV », était soutenue par une agence spécifique, l’International Cooperation Administration (ICA), rattachée au département d’État, qui prenait aussi en charge l’aide mutuelle pour la défense ou l’aide financière sous forme de prêts. L’URSS commença à participer au programme des Nations unies à partir de 1951, tout en développant son aide aux pays membres du bloc soviétique (démocraties populaires, Chine), puis, à partir de 1954, aux pays neutralistes121. Enfin, à mi-chemin entre les programmes multilatéraux et bilatéraux, il existait le Plan de Colombo (Plan pour le développement économique et coopératif de l’Asie du Sud-Est), né en janvier 1950, d’une conférence des ministres du Commonwealth. Il réunissait la Grande-Bretagne, le Canada, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, la Thaïlande, le Pakistan et les autres pays asiatiques qui n’étaient pas sous la domination soviétique, ainsi que les États-Unis, entrés en 1952122. Dans ce contexte, la France saisit tout l’intérêt qu’il y aurait à développer sa propre politique d’assistance technique afin de faire face à la demande des gouvernements locaux, soucieux parfois de se libérer de l’emprise anglo-saxonne. Le Moyen-Orient fut le « berceau de la coopération technique française », comme l’expliqua, quelques années plus tard, le jeune diplomate Stéphane Hessel aux étudiants de l’Institut d’études politiques123. Pour la diplomatie française, dépourvue d’illusions, les politiques britannique et américaine d’assistance allaient de pair : sous couvert du lancement de programmes d’aide, les deux États anglo-saxons entendaient renforcer leur influence sur la région, l’Angleterre via le BMEO, les États-Unis par le truchement du « Point IV Truman », de la Near East Foundation, ou encore de leur université de Beyrouth.
33La France tenta donc de répondre aux demandes de pays qui avaient été placés, avant guerre, sous sa responsabilité, comme la Syrie et le Liban. Au Quai d’Orsay, l’un des premiers à établir un lien entre l’aide technique à apporter aux pays sous-développés et l’expansion économique française fut Jacques Tarbé de Saint-Hardouin, nommé ambassadeur de France en août 1949 et représentant de la France auprès de la commission consultative pour les réfugiés et les travaux en Palestine en avril 1950124. En janvier 1951, il suggéra de créer au sein du Quai d’Orsay un Bureau français d’assistance technique pour les pays de Levant, destiné à coordonner les efforts français en la matière et à affirmer la présence française contre la concurrence alliée. Il proposait de l’installer auprès de la chambre de commerce française à Beyrouth. Au niveau de l’administration centrale, un Bureau commun des experts fut créé, dès le mois suivant, conjointement par la direction économique et le secrétariat des Conférences125. En juin 1951, son nom se transforma en Bureau d’assistance technique126. La correspondance concernant l’aide multilatérale devait être adressée prioritairement au secrétariat des Conférences, avec copie à la DAEF, et, inversement, celle relative à l’aide bilatérale serait adressée à la direction économique, avec copie au secrétariat des Conférences.
34Dès l’origine, le concours des milieux patronaux fut sollicité. Ainsi, lors de la préparation d’une des toutes premières réunions destinées à mettre en place le dispositif au Proche-Orient, Tarbé de Saint-Hardouin convoqua-t-il, le 19 février 1951, le président de la chambre de commerce française à Beyrouth, le directeur général de la Société du port, les directeurs des banques implantées là-bas, et s’entretint aussi avec le directeur de la Kadischa, à Tripoli, contrôlée par la Société pyrénéenne d’électricité. Casalonga et Boeglin, respectivement conseillers commerciaux à Beyrouth et Damas, Lesneau, attaché financier adjoint pour le Proche-Orient, et Boucher, secrétaire général de la Mission culturelle, participaient aussi à la conférence127. La note issue de ces consultations ne dissimulait pas le caractère ambigu de la nouvelle politique d’assistance, expliquant qu’elle était, en fait, « un aspect nouveau du colonialisme, ou plutôt du régime des mandats128 ». Deux domaines d’action furent privilégiés : l’envoi d’experts dans les missions internationales, experts gouvernementaux, mais aussi issus de sociétés privées ; la formation de techniciens locaux, qui propageraient la langue et les méthodes françaises. À ce titre, si l’action culturelle traditionnelle était poursuivie, le Quai d’Orsay prenait conscience indéniablement qu’elle passait par une action corollaire, de nature économique : « [...] Cet effort devrait être adapté aux besoins modernes et, sans abandonner les domaines littéraire, juridique, médical, s’attacher beaucoup plus qu’auparavant à la formation de fonctionnaires et d’ingénieurs129. » De leur côté, les milieux patronaux n’étaient pas tous favorables au projet, comme l’attestèrent les réticences manifestées par René Busson, le président de la Banque de Syrie et du Liban, par crainte de subventionner un organisme inefficace et de heurter les partenaires anglo-saxons. Ce qu’un homme d’affaires comme René Busson privilégiait en l’occurrence, c’était la voie de l’initiative privée, à l’image de la SERIAC, Société d’études et de réalisations industrielles, agricoles et commerciales, qu’il avait créée à la fin de la guerre130.
35À cette date, le ministère de l’Économie et des Finances fut associé à la réflexion mais sur le même plan que les ministères des Travaux publics, de l’Agriculture et de l’Industrie131. En juin 1951, une Commission chargée de l’emploi des crédits mis à la disposition du département au titre de l’assistance technique fut créée132. Elle était appelée à discuter du financement d’envois de techniciens, de stages d’ingénieurs étrangers en France, etc., mais nul représentant du quai Branly n’y était présent. Seule était exigée, à titre obligatoire, la présence de membres du Bureau commun des experts, de la direction générale des relations culturelles, au budget de laquelle les crédits étaient inscrits, et de la direction politique133.
36Dans un premier temps, le Bureau d’assistance technique fit porter effectivement son effort sur les pays du Proche-Orient. Il fut décidé d’établir un siège à Beyrouth, dans la mesure où la France y entretenait déjà une délégation à la commission consultative auprès de l’UNRWA134. Cette dernière constituerait le noyau du futur Bureau. Saint-Hardouin fut chargé officiellement en juillet 1951 de coordonner l’aide apportée dans ce cadre à la Syrie, au Liban, à l’Irak, à la Jordanie, à l’Égypte, à l’Arabie Saoudite, au Yémen et, le cas échéant, à Israël135. Le Liban, la Syrie et l’Irak firent l’objet des premières mesures concrètes. C’est ainsi que la France envoya une mission d’experts en juillet-août 1951 au Liban pour créer à Tell Almara une station agronomique dont la France fournirait le matériel d’expérimentation. Au Liban toujours, un ingénieur en chef d’EDF fut chargé en septembre 1951 de proposer un plan d’électrification des campagnes libanaises136. À la suite de la conférence de Rio qui réunit en 1951 sous la présidence de Maurice Schumann les chefs des missions diplomatiques françaises en Amérique latine, le Quai d’Orsay entreprit de développer son aide à d’autres régions du monde, dont l’Amérique latine. Il y constatait l’affaiblissement de l’influence française et l’essor de l’influence américaine, mais « certains indices permett[ai]ent de penser que le moment [était] venu pour la France de reprendre pied en Amérique latine et que les techniciens français y seraient généralement bien accueillis [...]137 ». Inauguré avec des moyens modestes en 1950, le programme français d’assistance technique bilatérale devait se poursuivre durant la décennie avec une efficacité accrue138. Ce domaine fut dès lors défini par la diplomatie française comme une « forme nouvelle d’expansion économique », jouant, l’image est saisissante, « pour l’économie nationale un rôle analogue à celui d’un budget de publicité pour les entreprises privées139 ».
Notes de bas de page
1 Maurice Lévy-Leboyer, « Introduction », dans Maurice Lévy-Leboyer (dir.), L’économie française dans la compétition internationale au xxe siècle, Paris, CHEFF, 2006, p. 1-12.
2 Ibid., p. 12.
3 Ibid., p. 3.
4 Jean-Claude Asselain, « Le tournant des années 1950 : les prémices de la réouverture de l’économie française », dans Maurice Lévy-Leboyer (dir.), L’économie française dans la compétition internationale..., op. cit., p. 242. Gérard Bossuat, Les aides américaines, économiques et militaires à la France, 1938-1960 : une nouvelle image des rapports de puissance, Paris, CHEFF, 2001.
5 Jean-Claude Asselain, « Le tournant des années 1950 », art. cité, p. 244.
6 Ibid., p. 255. Cf. Frances Lynch, France and the International Economy, Londres-New York, Routledge, 1997.
7 Pierre Mendès France, « L’avenir des échanges commerciaux français », La Nouvelle République de Bordeaux, numéro du 12 juin 1948. Reproduit dans ses Œuvres complètes, t. 2, Une politique de l’économie, 1943-1954, Paris, Gallimard, 1985, p. 229-230. Cf. le témoignage de l’ancien directeur des relations économiques extérieures, Roger Nathan, apporté à ses étudiants de l’Institut d’études politiques en 1958 : « Le déficit de 1912 n’inquiétait absolument personne. [...] l’excédent des éléments invisibles pouvait permettre aux Français soit d’acheter de l’or, soit d’augmenter leur portefeuille de valeurs étrangères, soit de payer sans difficulté le travail des ouvriers étrangers en France. Cette situation de la balance des comptes s’est très profondément altérée, et cette modification a pour conséquence de donner au déficit de la balance commerciale française une gravité qu’elle n’a jamais présentée avant 1939 » (université de Paris-Institut d’études politiques 1957-1958, Politique économique de la France, par Roger Nathan, fascicule 1, coll. « Les cours de droit », 158, rue Saint-Jacques, Paris Ve, p. 44-45).
8 Neil Rollings, British Business in the Formative Years of Europe Integration, 1945-1973, Cambridge, Cambridge University Press, 2007, p. 18.
9 Jean-Marcel Jeanneney, Forces et faiblesses de l’économie française, 1945-1956, Paris, Armand Colin, 1956.
10 JO du 1er décembre 1944, Décret du 30 novembre 1944 fixant les conditions d’importation en France et dans les territoires français d’outre-mer des marchandises étrangères, ainsi que les conditions d’exportation et de réexportation des marchandises hors de France et des territoires d’outre-mer à destination de l’étranger, et établissant certaines formalités au point de vue des échanges entre la France et les territoires français d’outre-mer.
11 Article de Jacqueline Bernard dans Combat du 15 janvier 1946.
12 Assemblée nationale, séance du samedi 31 juillet 1948, intervention d’Henri Bergeret.
13 Archives de la chambre de commerce et d’industrie de Paris (ACCIP), VI – 2.12 (3), compte rendu de la réunion de la Commission du commerce extérieur du CNPF du 17 septembre, en date du 20 septembre 1948.
14 Assemblée nationale, séance du samedi 31 juillet 1948, intervention de Gaston Julian.
15 ACCIP, VI – 2.12 (3), conclusion du rapport de M. Gerdolle.
16 Laurence Badel, « La chambre de commerce et d’industrie de Paris et l’expansion commerciale de la France (1898-1970) », dans La chambre de commerce et d’industrie de Paris (1803-2003). 200 ans d’histoire entre changement et continuité, Genève, Droz, 2007, p. 365-403.
17 Id., Un milieu libéral et européen : le grand commerce français (1925-1948), Paris, CHEFF, 1999, chapitre 4.
18 Cf. le rapport de Paul Turot, directeur général de l’ANEE, « Les formalités administratives à l’exportation » [ACCIP, VI – 2.12 (3)].
19 Cf. le rapport de Paul Naudin, directeur général du CAED, « La monnaie, le contrôle des changes et l’exportation » [ACCIP, VI – 2.12 (3)].
20 ACCIP, VI – 2.12 (3), exposé de M. Derode, membre de la chambre de commerce de Paris, sur les mesures à prendre par les pouvoirs publics en faveur de l’exportation.
21 Le témoignage que nous avait livré Armand Saclé en 1992, dans le cadre du comité pour l’histoire économique et financière de la France (entretien n° 3, cassette n° 6, entretien du 14 avril 1992), est corroboré par les notes de la cellule Études, conservées au Centre des archives économiques et commerciales (CAEF) [B. 55 099, sd. Remboursement d’une partie des charges sociales et fiscales aux entreprises exportatrices (1950-1957)].
22 CAEF, B 55 099, annexe au projet d’arrêté transmis par le Service des études à la direction du budget le 6 février 1952.
23 Marc Duchassin, Le ministère des Finances et l’aide à l’exportation, 1945-1958, maîtrise d’histoire économique, dir. Alain Plessis, université Paris 10, septembre 1994, p. 106.
24 Ibid.,p. 107.
25 CAEF, B 55 099, sd. Enquêtes des organismes internationaux, OECE, note présentée par les délégations allemande et britannique au Comité de direction des échanges le 15 septembre 1955.
26 Ibid., note pour le ministre du 4 mai 1954.
27 Ibid., compte rendu de la session du Comité de direction des échanges des 2, 3 et 4 décembre 1954 ; rapport du Comité de direction des échanges sur l’extension de la libération des échanges du 6 décembre 1954, chap. III, § C Aide artificielles à l’exportation.
28 Ibid., rapport du Comité de direction des échanges sur les mesures d’aide aux exportateurs. Situation de la France à l’égard de la situation C(55) 6, du 14 novembre 1955.
29 Ibid., lettre du ministre des Affaires étrangères à M. le président du Conseil du 29 mars 1955.
30 Ibid., circulaire de la DREE du 28 juillet 1952 envoyée aux conseillers commerciaux à Rome, Berne, La Haye, New York, Mexico, Sydney et au Caire.
31 Ibid., rapport d’Ernest Castan du 25 septembre 1952.
32 Ibid., rapport de François Gavoty du 12 août 1952.
33 CAEF, B 26 416, Idées de réforme sur le financement des exportations, sd. Financement des exportations II, Conseil de la République 1953, annexe au procès-verbal de la séance du 10 décembre 1953. Avis présenté au nom de la Commission des affaires économiques, des douanes et des conventions commerciales sur le projet de loi adopté par l’Assemblée nationale, relatif au développement des crédits affectés aux dépenses du ministère des Finances et des Affaires économiques pour l’exercice 1954. Sur l’aide à l’exportation, avis de M. de Villoutreys.
34 Jean-Claude Asselain, « Le tournant des années 1950 », art. cité, p. 259-260.
35 André de Lattre, Servir aux Finances, Paris, CHEFF, 1999, p. 128.
36 Ibid., p. 129.
37 Ibid.
38 Cf. Laurence Badel, « La direction des relations économiques extérieures (DREE). Origines, culture, logique (1920-1970) », dans Laurence Badel, Stanislas Jeannesson, N. Piers Ludlow (dir.), Administrations nationales et construction européenne. Une approche historique, 1920-1970, Berne, Peter Lang, p. 196-200.
39 Article « Commerce extérieur et zones monétaires », L’Économie, numéro du 20 mars 1947.
40 Australie, collection « Pays vendeur – pays acheteur », plaquette de 32 pages avec 4 cartes, CNIE, 10, avenue d’Iéna, 1947, cité par Correspondance économique. CETP-Bulletin de liaison de la Société d’information économique, technique et professionnelle, 16, rue Pergolèse, Paris, 16e, numéro du 25 juin 1947.
41 CAEF, Pers. CE, 1 C 18242, Jean de Sailly, lettre de René Mayer, ministre des Finances et des Affaires économiques à M. le ministre des Affaires étrangères, du 10 mai 1948.
42 Ibid., lettre de Georges Bidault, ministre des Affaires étrangères, à M. le ministre des Finances et des Affaires économiques (DREE), du 4 juin 1948.
43 Ibid., lettre de Maurice Petsche, ministre des Finances et des Affaires économiques, à M. le ministre des Affaires étrangères (cabinet), du 27 avril 1950.
44 Jean-François Eck, Les entreprises françaises face à l’Allemagne de 1945 à la fin des années 1960, Paris, CHEFF, 2003, p. 45.
45 Exemple donné par Jean-François Eck, Les entreprises françaises..., op. cit., p. 64.
46 Jean-François Eck, Les entreprises françaises..., op. cit., p. 65.
47 Exemple donné par Jean-Philippe Parès, Les services de l’Expansion économique de la France en République fédérale d’Allemagne (1948-1973), maîtrise d’histoire, dir. Robert Frank, université Paris 1, juin 2005, p. 63.
48 Éric Bussière, Paribas, l’Europe et le monde, 1872-1992, Anvers, Fonds Mercator, 1992, p. 177.
49 Article « L’effort commercial français doit être profondément réorienté », Les Échos, numéro du 6 juin 1966.
50 CCFAL, Vingt années au service de l’expansion française en Amérique latine, 10 mars 1966.
51 CAEF, B 54913, Amérique latine, Amérique centrale, sd. Échanges commerciaux, nature, statistiques, note de la DREE pour M. Lherm du 25 janvier 1963.
52 Cf. chapitre 7, p. 249.
53 Archives du ministère des Affaires étrangères (AMAE), B-Amérique 1952-1963, Chili, vol. 37, Ambassade de France au Chili. Service commercial, Chili. Rapports d’activité, Rapport d’activité de l’exercice 1960, par Gérard Dubois, 2 mai 1961.
54 AMAE, Levant, Généralités, 14. Sd. Relations économiques, 1944-1952, lettre de René Massigli à M. Georges Bidault, ministre des Affaires étrangères du 12 décembre 1945, a/s Développement économique du Moyen-Orient.
55 Paul W.T. Kingston, Britain and the Politics of Modernization in the Middle East, 1945- 1958, Cambridge University Press, 1996, p. 51 : « Trail-blazer in the technical assistance field. »
56 Ibid., p. 23-24.
57 AMAE, Levant, 17, sd. Entreprises industrielles, commerciales et financières françaises (1949-1951), télégramme au départ de la direction d’Afrique-Levant du 22 juillet 1949.
58 Ibid., 14, sd. Relations économiques, 1944-1952, DREE. Service des accords commerciaux (3e secteur), Rapport de mission au Moyen-Orient, 28 mars-17 mai 1950.
59 Ibid., DREE. Service des accords commerciaux (3e secteur), Rapport de mission au Moyen-Orient, 28 mars-17 mai 1950. Philippe Clément devait être en 1956 détaché en qualité de secrétaire général des entreprises Léon Chagnaud & Fils et y effectuer une belle carrière qui en fit le P.-D.G. en 1969 ainsi que le président de la Fédération nationale des travaux publics de 1973 à 1982. De 1983 à 1989, il présida la chambre de commerce et d’industrie de Paris.
60 Ibid.
61 Ibid.
62 CAEF, Pers. CE, 1 C 30 352, Jean-Pierre Herrenschmidt.
63 AMAE, Levant, Généralités, 14. Sd. Relations économiques, 1944-1952, DREE. Service des accords commerciaux (3e secteur), Rapport de mission au Moyen-Orient, 28 mars-17 mai 1950.
64 CAEF, B 54 917, Proche-Orient, sd. Relations économiques avec les pays arabes ou du Moyen-Orient (1952-1969), note pour le ministre de Bernard Clappier du 15 juillet 1955.
65 Cf. le chapitre 8 ainsi que Bent Boel, « La France, les États-Unis et la politique occidentale d’embargo, 1948-1954 », Revue d’histoire diplomatique, n° 1, 2001, p. 33-58.
66 Ibid., p. 60.
67 AMAE, Asie-Océanie 1944-1955, Chine, vol. 291, lettre du ministre des Affaires étrangères à M. Raoul Dautry, ministre de la Reconstruction et de l’Urbanisme du 6 février 1945 ; lettre du ministre des Colonies à M. le ministre des Affaires étrangères du Ier janvier 1945.
68 Ibid., lettre de la DAEF à la DREE du 9 mai 1945.
69 Ibid., vol. 292, sd. Mission économique de M. Maux, fiche n° 6 établie à la suite de la conférence du 9 septembre 1946.
70 Ibid., note pour tous les consuls de Chine (y compris Hong Kong) de l’ambassade de France en Chine du 13 septembre 1946.
71 Ibid., lettre de P. Viaud, consul de France à Canton à son excellence l’ambassadeur de France en Chine du 31 décembre 1946.
72 Ibid., fiche n° 6 établie à la suite de la conférence du 9 septembre 1946.
73 Ibid., vol. 291, compte rendu de la réunion du 7 novembre 1945 chez M. Alphand.
74 Ibid., télégramme au départ de la direction d’Asie à l’ambassade de France à Tchongking du 10 décembre 1945.
75 Ibid., télégramme à l’arrivée de Canton de H.C. Maux, au ministère de la France d’outre-mer, reçu le 28 septembre 1949.
76 Ibid., télégramme au départ de la DAEF à Canton du 11 juillet 1949.
77 Ibid., télégramme au départ de la DAEF à Canton du 15 juillet 1949.
78 Ibid., lettre de H.C. Maux au ministère des Affaires étrangères et au ministère de l’Économie nationale du 24 septembre 1949.
79 Ibid., lettre de H.C. Maux à Baeyens, directeur d’Asie-Océanie, du 24 septembre 1949.
80 Ibid., télégramme au départ de la DAEF à Canton du 30 septembre 1949. Cf. aussi CAEF, B 54 874, sd. PEE en Chine. Pour une analyse détaillée des activités de la Mission Maux, cf. Antoinette Maux-Robert, Thierry Robin, « La Mission économique française d’Extrême-Orient (1946-1949). Henri Maux, une politique chinoise au service de la France », Revue d’histoire diplomatique, 2009, 4, p. 299-318.
81 Elles seront aussi étendues à la construction immobilière. Cf. Henri Koch, Histoire de la Banque de France et de la monnaie sous la IVe République, Paris, Dunod, 1983, p. 138 ; Olivier Feiertag, Wilfrid Baumgartner. Un grand commis des finances à la croisée des pouvoirs (1902- 1978), Paris, CHEFF, 2006, p. 349.
82 Olivier Feiertag, Wilfrid Baumgartner..., op. cit., p. 229 et suiv.
83 Cité par Henri Koch, Histoire de la Banque de France..., op. cit., p. 140 ; Olivier Feiertag, Wilfrid Baumgartner..., op. cit., p. 282.
84 JO du 3 décembre 1945, loi du 2 décembre 1945.
85 JO du 7 juin 1946, décret n° 46-1332 du 1er juin 1946 portant application de l’article 17 de la loi du 2 décembre 1945 en vue de la réorganisation du crédit et de l’assurance-crédit à l’exportation et à l’importation.
86 Cf. Hubert Bonin, « Aux origines de l’assurance-crédit en France (1927-1939) : la création et l’essor de la SFAC et le repli de ses concurrentes », HES, 21e année, n° 3, 2002, p. 355.
87 Décret n° 46-1333 du 1er juin 1946 relatif au fonctionnement de la Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur et réglant ses relations financières avec l’État.
88 Quotités précisées dans le Rapport annuel du Conseil national du crédit de 1948, cité par Marc Duchassin, Le ministère des Finances et l’aide à l’exportation, 1945-1958, maîtrise d’histoire économique, dir. Alain Plessis, université Paris 10, septembre 1994, p. 27.
89 Geneviève Barrai, L’assurance des crédits à l’exportation, Paris, Nathan-Économie, 1987, p. 28.
90 Samir Saul, « L’État et l’assurance des risques à l’exportation : la COFACE (1946-1966) », HES, 21e année, n° 3, 2002, p. 361 ; id., « La COFACE : des opérations avec garantie de l’État au risque pays », dans Entreprise, État et risques géopolitiques – Cahiers Irice, n° 6, 2010.
91 Marc Duchassin, Le ministère des Finances..., op. cit., p. 32.
92 Marc Duchassin, Le ministère des Finances..., op. cit., p. 39.
93 Ibid., p. 39-40.
94 Évoquée par Geneviève Barrai, L’assurance..., op. cit., p. 32.
95 Cf. Marc Duchassin, Le ministère des Finances..., op. cit., p. 50.
96 Archives orales conservées par le Comité pour l’histoire économique et financière de la France, entretien de Bernard de Margerie avec Pierre de Longuemar du 27 avril 1990, entretien n° 5, cassette n° 6. On dispose de la transcription intégrale de cet entretien réalisée par Paribas en septembre 1991.
97 Cité par Henri Koch, Histoire de la Banque de France..., op. cit., p. 140.
98 Pour une typologie générale des crédits à l’exportation, cf. Philippe Jurgensen, Daniel Lebègue, Le Trésor et la politique financière, Paris, Montchrestien, 1988, p. 632-633.
99 Article de G. Dassy, « Comment nous procurer des devises. Les travaux publics à l’étranger », La Tribune économique, numéro du 14 juin 1946.
100 Cf. les chiffres donnés par Éric Bussière, dans Paribas..., op. cit., dans le tableau p. 176.
101 Éric Bussière, Paribas..., op. cit., p. 174. Cf. Sophie Richards, RSR. Un amour d’acier, Paris, Éditions Génération, 1981.
102 Éric Bussière, Paribas..., op. cit., p. 177.
103 CAEF, B 54 913, Amérique latine, sd. Brésil, note de la DREE au conseiller commercial à Rio de Janeiro du 15 février 1966 a/s projet d’avenant au protocole financier Paribas/Cosipa.
104 Éric Bussière, Paribas..., op. cit., p. 176.
105 Jacques Marseille (dir.), Alcatel Alsthom. Histoire de la Compagnie générale d’électricité, Paris, Larousse, 1992, p. 261.
106 Ibid., p. 263.
107 Marc Duchassin, Le ministère des Finances..., op. cit., p. 58.
108 Cf. Claude Rucz, Le Conseil économique et social de l’ONU et la coopération pour le développement, Paris, Economica, 1983, p. 26.
109 Assistance technique pour le développement économique fournie par les Nations unies et par les institutions spécialisées, New York, Département des questions économiques des Nations unies, Lake Success, septembre 1948.
110 Il en existait quatre : pour l’Europe, pour l’Asie et l’Extrême-Orient, pour l’Amérique latine et pour l’Afrique.
111 Claude Rucz, Le Conseil économique et social de l’ONU..., op. cit., p. 28.
112 Cité par Claude Rucz, Le Conseil économique et social de l’ONU..., op. cit., p. 31.
113 AMAE, Levant, Généralités. 15, sd. Assistance technique française. Questions de principe (1951-1952). Aide-mémoire pour la conférence de Rio d’octobre 1951, élaboré par le Bureau commun des experts.
114 Sur le démarrage de l’aide publique au développement, cf. Pascal Arnaud, La dette du tiers monde, Paris, La Découverte, 1984, rééd. 1991.
115 Sur le fonctionnement de la BIRD, cf. Philippe Jurgensen, Daniel Lebègue, Le Trésor..., op. cit., p. 568-578 ; James Morris, La Banque mondiale, Paris, Gallimard, 1965.
116 Stéphane Hessel, Les pays en voie de développement (la coopération technique), fascicule 1, Institut d’études politiques de l’université de Paris, 1959-1960, p. 70.
117 Le second signataire était Gordon R. Clapp, directeur général de la Tennessee Valley Authority.
118 AMAE, Levant, Généralités. 15, sd. Assistance technique française. Questions de principe (1951-1952), note du 14 avril 1951.
119 Ibid.
120 Ibid.
121 Jean-Baptiste Duroselle, André Kaspi, Histoire des relations internationales de 1945 à nos jours, t. 2, Paris, Armand Colin, 2001, p. 329.
122 Stéphane Hessel, Les pays en voie de développement..., op. cit., p. 52-66.
123 Ibid., p. 81.
124 AMAE, Levant, Généralités. 15. sd. Assistance technique française. Questions de principe (1951-1952), lettre de l’ambassadeur de France, délégué du gouvernement de la République, à la Commission consultative auprès de l’Office des Nations unies de secours et de travaux pour les réfugiés de Palestine, au ministre des Affaires étrangères du 19 janvier 1951. Avec la France siégaient les États-Unis, la Grande-Bretagne et la Turquie.
125 Ibid. Circulaire du secrétariat général du ministère des Affaires étrangères du 15 février 1951 a/s assistance technique française.
126 Ibid. Circulaire du secrétariat général du ministère des Affaires étrangères du 18 juin 1951.
127 Ibid. Lettre de Jacques Tarbé de Saint-Hardouin à son excellence Robert Schuman, ministre des Affaires étrangères, direction d’Afrique-Levant, du 21 février 1951. Confidentiel.
128 Ibid. Note du 2 mars 1951, L’assistance technique dans le Proche-Orient.
129 Ibid.
130 Ibid. Compte rendu de la conversation entre M. de Saint-Hardouin et M. Busson du 1er mars 1951.
131 Ibid. Sous-direction du Levant. Compte rendu de la réunion interministérielle du 9 mars 1951 sur l’assistance technique française dans le Moyen-Orient.
132 Ibid. Copie du règlement de la Commission chargée de l’emploi des crédits mis à la disposition du département au titre de l’assistance technique, transmise le 9 juin 1951.
133 Le dispositif se fondait sur la lettre du ministère du Budget du 12 avril 1951 et la note de la direction générale du personnel du 17 avril 1951.
134 AMAE, Levant, Généralités. 15. sd. Assistance technique française. Questions de principe (1951-1952), note du 2 mars 1951, L’assistance technique dans le Proche-Orient.
135 Ibid. Lettre de la direction d’Afrique-Levant à M. de Saint-Hardouin du 6 juillet 1951.
136 Ibid. Note pour M. Luc du Bureau d’assistance technique (DAEF) du 5 novembre 1951.
137 Ibid. Aide-mémoire pour la conférence de Rio d’octobre 1951, élaboré par le Bureau commun des experts.
138 AMAE, DE-CE, Papiers directeurs O. Wormser, 75, Assistance technique, dossier général, projet de note pour le président, pour le secrétaire général, s.d. (vers 1955).
139 Ibid. Assistance technique bilatérale, a/s Projet de budget pour 1956, note s.d. émanant du Bureau d’assistance technique (DAEF).
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