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    Plan

    Plan détaillé Texte intégral Géographie physique, « milieu » et zonalité Des zones aux régions ou terroirs Terroirs et régions : les dynamiques des sociétés au cœur de l’analyse Bibliographie Notes de bas de page Auteur

    Territoires impériaux

    Ce livre est recensé par

    • Luis Teixeira, Revue d’histoire du XIXe siècle, mis en ligne le 3 avril 2013. URL : https://journals.openedition.org/rh19/4412 ; DOI : https://doi.org/10.4000/rh19.4412
    • Henri Chamussy, Cybergeo : revue européenne de géographie / European journal of geography, mis en ligne le 27 février 2014. URL : https://journals.openedition.org/cybergeo/26242 ; DOI : https://doi.org/10.4000/cybergeo.26242
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    Table des matières

    Chapitre 2. Découper des objets de recherche en Afrique : circonscriptions, zones, régions ou terroirs ?

    Marie-Albane de Suremain

    p. 59-82

    Texte intégral Bibliographie Sources imprimées Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    1Si dès 1914 paraît un conséquent Essai d’atlas statistique de l’Indochine française1 – traitant tout à la fois des aspects physiques des territoires, des populations, de l’administration, des finances, de l’agriculture, du commerce et de l’industrie à partir de cartes au 1/4000000 accompagnées de commentaires –, la cartographie des colonies françaises en Afrique subsaharienne semble beaucoup moins avancée. En 1904, le gouvernement général de l’Afrique occidentale française avait pourtant créé un service géographique, mais ses activités furent interrompues par la Première Guerre mondiale. Ouvert de nouveau en 1922 sous la direction du commandant Édouard de Martonne, il reçoit pour mission de réaliser la carte de l’AOF. Premier effort de synthèse systématique, un Atlas des cercles de l’AOF est publié entre 1924 et 19272. Il ne s’agit pour lors que de représenter la localisation des centres administratifs et les limites des circonscriptions. Cependant, la production scientifique n’en reste pas à ces premiers repères et un très important effort de cartographie est consenti. Il débouche notamment, un quart de siècle plus tard, sur des travaux thématiques plus ambitieux, comme des cartes ethnodémographiques de toute l’Afrique de l’Ouest3.

    2Les années 1950-1960 constituent alors un moment d’inflexion majeure sur le plan scientifique, un peu en amont donc du moment proprement dit des indépendances. Elles sont marquées en effet par une professionnalisation de la recherche sur l’Afrique subsaharienne. La distinction entre amateurs et professionnels est souvent peu satisfaisante car les pratiques de recherche, la proximité avec le terrain ont été plus déterminantes souvent que le statut. Toutefois, c’est à cette période que se mettent en place des structures permanentes qui permettent l’accueil sur le terrain, et dans la durée, de scientifiques de formation et de statut académique ou universitaire. C’est un des rôles de l’Institut français d’Afrique noire (IFAN) à Dakar. Créé en 1938, dans la suite du Comité d’études historiques et scientifiques de l’AOF fondé en 1916, il prend son essor après la Seconde Guerre mondiale, et les centres se multiplient dans les différents territoires de l’AOF. Ces meilleures conditions de travail permettent le recrutement de scientifiques, un renouvellement des méthodes de travail et problématiques de recherche, ainsi qu’une plus grande circulation à la fois des personnes et des concepts entre le « centre » métropolitain et les « marges » coloniales, mais aussi entre les différentes colonies. En AEF, l’Office de la recherche scientifique coloniale (ORSC), fondé en 1942 (devenu Office de la recherche scientifique outre-mer, ORSOM, en 1949), et l’Institut d’études centrafricaines (IEC), fondé à Brazzaville en 1946, jouèrent aussi un rôle décisif.

    3Ce chapitre propose d’examiner comment, dans ce cadre institutionnel renouvelé, on est passé d’une simple localisation de données à caractère administratif, pour toute une fédération, à un intérêt scientifique pour les relations complexes entre les sociétés et leur environnement. Nous suivrons ainsi les itinéraires et productions de quelques géographes dont l’impact pour la géographie africaniste paraît significatif : Jacques Richard-Molard, Paul Pélissier et Gilles Sautter se trouvèrent en position de responsabilité à l’IFAN ou à l’ORSTOM. Les deux derniers lancèrent un grand projet d’« Atlas des terroirs », qui forme finalement la collection de l’« Atlas des structures agraires au sud du Sahara4 ». Ils animèrent ainsi des travaux d’équipe, échangèrent beaucoup et produisirent quelques œuvres majeures pour l’élaboration de la géographie universitaire de l’Afrique, ainsi que des travaux de plus large diffusion.

    4On suivra le fil des travaux de ces géographes professionnels et leurs efforts pour s’extraire des commodes découpages administratifs ou politiques pour déterminer de nouvelles limites et élaborer des objets dotés d’une cohérence géographique propre. L’enjeu est ici d’historiciser les catégories en usage dans les années 1950-1960 pour « découper » l’Afrique en situation coloniale. Comment passe-t-on de cartes représentant des circonscriptions administratives, telles celles de l’ Atlas des cercles de l’AOF, 1924-19275 (fig. 1) ou encore de représentations centrées sur les données topographiques et, hydrographiques comme dans l’Atlas colonial français de Pollachi6 (fig. 2), à des croquis à l’échelle locale, qui mettent en lumière les interactions entre les sociétés et leur milieu, tels les travaux menés pour la collection de l’« Atlas des structures agraires au sud du Sahara7 » (fig. 3) ? Cette évolution n’est ni linéaire ni continue, elle s’inscrit dans une succession d’essais, d’étapes et de détours. Elle interfère avec des changements dans le choix des échelles d’investigation : de la plus petite à la plus grande, pour se fixer prioritairement sur l’échelle régionale et même plus locale au tournant des années 1950 et 1960, comme en témoigne l’« Atlas des structures agraires au sud du Sahara ». Elle met aussi en question la manière dont les liens entre les sociétés et leur milieu sont envisagés en situation coloniale. Quelles positions les géographes universitaires adoptent-ils par rapport à un déterminisme mésologique ? Quels sont leurs efforts éventuels pour s’en extraire et proposer une autre compréhension des relations entre les hommes et les contraintes environnementales, en dénaturalisant les formes d’occupation de l’espace par les sociétés africaines ? Ce processus prend aussi une signification politique dans un contexte colonial car il reconnaît ainsi une capacité d’initiative aux sociétés colonisées et d’usage stratégique des contraintes et potentialités de leur environnement.

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    Figure 1 – Gouvernement général de l’AOF, AOF, carte d’ensemble, Dakar, 1922.

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    Figure 2 – Paul Pollachi, Atlas colonial français, colonies, protectorats et pays sous mandat, Paris, L’Illustration, 1929.

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    Figure 3 – Henri Barral, Physionomie du peuplement en fin de saison sèche (mai-juin 1968), dans « Utilisation de l’espace et peuplement autour de la mare de Bangao (Haute-Volta) », Etudes rurales, 37-39, janvier-septembre 1970.

    5Dans un premier temps, les travaux de J. Richard-Molard permettent d’examiner l’intérêt développé pour la géographie physique et le milieu en faisant varier les échelles, de la plus petite – qui, dans une approche très uniformisante et globale de l’Afrique, met en évidence une certaine zonalité bioclimatique – à l’échelle régionale, qui interroge ces découpages trop schématiques. Dans un deuxième temps, les recherches des trois géographes aident à comprendre comment est justifié théoriquement et mis en œuvre pratiquement le passage d’une réflexion sur la zonalité à des découpages spatiaux à des échelles plus fines, celles des régions et des « terroirs ». Enfin, ces deux catégories d’analyse, proches des réflexions menées de manière parallèle par des ethnologues, apparaissent désormais centrées sur les dynamiques des sociétés africaines, ce qui est déjà subvertir une certaine vision coloniale de « mise en valeur » des territoires à partir de normes importées d’Europe, sans toutefois faire une place très explicite au rôle des informateurs locaux, pourtant décisif dans l’élaboration de ces savoirs universitaires.

    Géographie physique, « milieu » et zonalité

    6Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la place de la géographie physique et les études de « milieu » étayées par la bioclimatologie jouent un rôle encore tout à fait important dans les travaux de géographie sur l’Afrique subsaharienne, tels qu’ils peuvent être encouragés et développés dans le cadre de l’Institut français d’Afrique noire.

    7Richard-Molard est le premier directeur de la section de géographie de l’IFAN. Né en 1913 à Tunis dans une famille protestante, il passe son bac à Montpellier et fait ses études à Lyon, en lettres supérieures, puis à la faculté en histoire et géographie, où il suit les enseignements de Jules Blache. Agrégé en 1937, il enseigne au lycée Ampère de Lyon. Au printemps 1941, une note du gouvernement de Vichy propose des bourses à de jeunes professeurs de géographie ou de sciences naturelles afin de passer un semestre en voyage d’études dans l’empire. Richard-Molard fait ainsi partie des six boursiers – trois géographes, deux botanistes, un zoologiste – de la « Quinzaine impériale » qui viennent faire un premier travail de terrain en Afrique. À l’automne 1941, après un bref passage à l’IFAN de Dakar, il se rend en Guinée française et au Fouta Djalon d’où il revient en juillet 1942. À l’occasion de ce premier voyage, il rédige des carnets, publiés récemment8. De retour en France, il prend un poste au lycée Champollion de Montpellier, et s’occupe de la « classe de coloniale » qui prépare au concours de l’École nationale de la France d’outre-mer. Cependant, Théodore Monod, directeur de l’IFAN, qui l’a remarqué en 1942, le presse de revenir en Afrique. C’est chose faite en octobre 1945. Il s’installe à Dakar avec sa famille, comme premier directeur de la nouvelle section de géographie de cet institut. Il s’engage alors dans une thèse sur les « Rivières du Sud » et, sous l’impulsion de Monod, il lance la réalisation des cartes ethniques et démographiques de l’Afrique de l’Ouest, tout en s’occupant activement du Bulletin de l’IFAN. Directeur adjoint de l’IFAN en 1949, il rentre en France pour des raisons familiales, acceptant à Paris un professorat à l’École nationale de la France d’outre-mer. Il enseigne aussi la géographie physique à l’École supérieure d’application d’agriculture tropicale, à la suite d’Édouard de Martonne. Reparti en mission en Guinée, il fait une chute mortelle dans les monts Nimba le 29 juillet 1951. De formation académique mais sans avoir pu finir de thèse et avoir un statut universitaire, il avait alors publié plus d’une vingtaine d’articles et un ouvrage de synthèse sur l’AOF en 1949.

    8La première rencontre avec l’Afrique de cet agrégé d’histoire-géographie – la reconnaissance des monts Nimba en 1942 – se présente par bien des aspects comme une sorte de voyage initiatique. Cette expérience montre comment la pratique du terrain, qui n’est certes pas nouvelle en Afrique, permet à des géographes de profession de définir des objets d’étude affranchis des commodes circonscriptions administratives. Les documents originaux de cette enquête sont constitués d’une part d’un cahier-journal manuscrit au crayon, dont certains passages ont fait l’objet d’une publication en 1955 dans la collection des « Mémoires de l’IFAN », puis dans la série des « Études guinéennes » en 19619 ; d’autre part, d’un document dactylographié illustré intitulé Dans la brousse des Karamokos et qui est le support de la publication la plus récente ; enfin, d’un carnet de croquis de paysages aux crayons de couleur ainsi que d’un cahier de dessins à l’encre de Chine des sites les plus représentatifs. La première publication de ces travaux fut reportée jusqu’en 1955 en raison du décès de Richard-Molard, mais aussi de celle du géographe Jean-Charles Leclerc, son collègue du lycée Ampère de Lyon, qui avait aussi participé à cette expédition et disparut foudroyé en 1946.

    9Ces carnets de voyage – et de jeunesse, dans le contexte particulier de la guerre – s’apparentent pour une part à une géographie de l’exploration et de la découverte, avec un parfum d’aventure, ne serait-ce qu’à travers le récit du périple pour atteindre les monts Nimba, passant par des « espaces infinis, domaine vierge où les grands problèmes ne sont pas déflorés ; l’homme jouit d’une enivrante majoration de l’action, de la vie ; c’est une griserie de la liberté d’agir ». S’il souscrit à certains clichés exotiques de l’exploration, sur les moyens de transport utilisés, les itinéraires suivis, les personnes rencontrées..., le propos s’éloigne des vues cavalières car cet espace est parcouru à pied, dessiné et décrit avec une grande attention et une certaine recherche littéraire :

    « La vallée de la Bentala semble se creuser au fur et à mesure que nous grimpons, ourlée d’un repli plus vert, qui tranche le reste de la savane buissonneuse. De loin en loin, le pinceau d’un rônier émerge. Le paysage s’accidente. Les sommets deviennent des plateaux trapus, bordés de falaises. Les versants, abrupts, se couvrent de bois. Ce serait la forêt, si tout n’était massacré par les feux de cultivateurs ; on voit les chaos de gros blocs sombres de latérite râpeuse et de boules de dolérite, belle roche gris perle que l’érosion dépèce par écailles10. »

    10Dans la tradition du récit de voyage exotique, ce qui est retenu est certes plutôt l’exceptionnel, le saillant : les monts Nimba sont d’ailleurs le but de cette expédition parce qu’ils forment un relief unique, une unité géomorphologique bien particulière sur le bouclier africain. Cependant, tout en faisant remarquer dans des envolées esthétisantes la beauté exceptionnelle de tel ou tel paysage, la démarche suivie vise à ramener ce qui est observé à des catégories de géographie physique, géomorphologique ou bioclimatique bien répertoriées. Cette expédition s’inscrit ainsi dans le genre bien établi du voyage de reconnaissance géographique, qui transfère en contexte colonial le paradigme vidalien de l’étude régionale fondée sur une solide analyse physique et géomorphologique, loin des études de cercles administratifs.

    11Cette originalité physique des monts Nimba revêt également un intérêt scientifique car elle ouvre des pistes pour remettre en question, à une échelle plus petite, les divisions zonales très schématiques de l’Afrique de l’Ouest. L’étude de ce relief « fait apparaître une richesse de types climatiques locaux tout à fait exceptionnelle en Afrique occidentale, annonciatrice de diversités analogues dans les domaines de la géographie physique, de la flore et de la faune11 ».

    12Toutefois, l’intérêt scientifique reste centré sur la géographie physique et repousse les sociétés à la périphérie de l’aventure scientifique. À la date du dimanche 25 janvier 1942, Richard-Molard note avec exaltation :

    « Première ascension ! Enfin notre “Étude des massifs montagneux de Moyenne Guinée” objet de notre voyage, va commencer. L’intérêt de la course, pour nous, est de repérer le contact entre les roches anciennes et plissés du soubassement, et les grès en bancs horizontaux étagés par-dessus12. »

    13Les lieux d’habitation sont d’ailleurs localisés à la périphérie de la réserve naturelle du Nimba. Dans la publication scientifique de 1955, l’abandon de ce massif – officiellement sanctuarisé en réserve depuis le décret du 5 juillet 1944 – par les habitants qui le parcouraient est ainsi relevé :

    « À l’intérieur du massif, il ne subsiste plus rien des anciennes pistes qu’utilisaient autrefois chasseurs ou agriculteurs, et qui permettaient une pénétration sinon facile, en tous les cas moins pénible qu’à travers la nature vierge13. »

    14De nouvelles appellations – ainsi des monts « Richard-Molard » et « Leclerc », « les deux sommets les plus remarquables de l’ensemble » – ont d’ailleurs été substituées à la toponymie locale dont on peut supposer qu’elle existait mais dont on ne saura rien. En effet, si la « carte toponymique du mont Nimba » fait apparaître des termes autochtones pour désigner le réseau hydrographique, en revanche, ceux qui sont associés aux formes du relief semblent récents et de consonance bien française.

    15Cette étude n’en demeure pas moins féconde, car elle s’affranchit d’un cadre politico-administratif souvent commode et permet de reconsidérer une organisation de l’espace africain en fonction d’une stricte zonalité bioclimatique. Mais cette réflexion reste comme une sorte d’essai scientifique qui n’est pas systématiquement poursuivi. En effet, d’autres travaux ultérieurs de Richard-Molard souscrivent à un type de découpage très schématique de l’Afrique de l’Ouest. Ayant connu une large diffusion, l’Afrique occidentale française 14 est ainsi un ouvrage de vulgarisation dont l’ambition est de faire la synthèse de différentes approches géographiques pour rendre compte de l’organisation de l’espace africain à petite échelle. Il met en évidence la prégnance d’un cadre de référence qui accorde encore une grande importance aux découpages politiques et aux données mésologiques. J. Richard-Molard déclare avoir « dû renoncer à présenter une étude régionale systématique qui [l]’eût entraîné trop loin. En réalité il sera équitable de mettre au point un jour un petit manuel général non plus sur l’ensemble de l’AOF mais sur chacun des huit territoires qui la composent15 ».

    16Force est de constater que l’horizon de la réflexion géographique reste encore inscrit dans des découpages administratifs et politiques hérités, qui traduisent des commodités fonctionnelles. Pour lors, Richard-Molard s’estime contraint d’opter par défaut pour un autre découpage. Il s’inscrit ainsi dans un paradigme dans lequel le milieu est déterminant pour rendre compte des genres de vie des hommes, définis ainsi par le géographe Fernand Maurette qu’il cite :

    « [Les genres de vie] sont l’effet d’une adaptation aux conditions naturelles ; par-dessus des caractères psychologiques et ethniques partout assez analogues, ils ont recouvert les différentes peuplades d’un vernis varié de mœurs, qui tiennent en définitive aux milieux dans lesquels chacun de leurs groupes a dû chercher sa subsistance. C’est ainsi que, même parmi les Bantous, il y a lieu de distinguer des sous-groupes, non point ethniques, mais géographiques : Bantous de la zone atlantique, Bantous de la forêt, Bantous de la savane, Bantous de l’Est16. »

    17Ce type d’explication des différences entre les groupes par les divers milieux renvoie à une naturalisation des caractères spécifiques des populations, qui est synthétisée et exposée de manière zonale17.

    18Toujours dans une perspective de vulgarisation, dans le volume sur l’AOF de l’Encyclopédie de la France d’outre-mer, Richard-Molard va jusqu’à développer la thématique de l’adaptation de certains peuples aux conditions climatiques et en fait des traits spécifiques de ces groupes :

    « Les Peuls de la brousse, Fulbé Bourouré dans l’Ouest, Bororodji, Mbororo, etc. dans l’Est, farouches, d’abord difficile, sont éparpillés un peu partout, capables de vivre dans des savanes désolées que fuient les cultivateurs. Ils sont essentiellement sahéliens, accoutumés à d’écrasantes chaleurs comme au froid, et surtout à la sécheresse. Ils sont seuls capables par exemple d’utiliser le soi-disant désert du Ferlo où ils forment de véritables communautés nomades autonomes de tribus et fractions. [...] Tous se contentent d’un genre de vie des plus sommaire. L’habitat est un groupe de huttes. [...] Par nécessité, ils sont toujours très maigres18. »

    19Une telle vision de l’espace africain peut s’expliquer par la formation universitaire de Richard-Molard, marquée par la géographie physique19. Le fait de mener des travaux à petite échelle encourage aussi à ce type d’analyse très globalisante et schématique : la spectaculaire zonalité bioclimatique à l’échelle de l’Afrique de l’Ouest ou de tout le continent fournit une entrée commode, tout en jetant une ombre sur le recours à d’autres grilles d’analyse qui peuvent apparaître à d’autres échelles. On arrive ainsi au paradoxe d’une géographie élaborée dans les colonies, mais qui s’apparente par certains aspects aux usages compilateurs de géographes de cabinet, ce qui conduit à questionner les jeux d’opposition un peu trop simples entre « centre » et « périphérie ». Mais le poids de Monod à l’IFAN et sa vision naturaliste de la science appliquée à la géographie humaine ont pu aussi conforter ces représentations. Richard-Molard n’a en effet pas eu d’autre expérience professionnelle et a fait l’essentiel de sa carrière à l’IFAN. Il est enfin significatif que, dans un cadre colonial, ce soit des contraintes externes aux sociétés, une « objectivité naturelle » qui contribuent à expliquer des faits humains, en laissant au second plan les choix et les stratégies mis en œuvre par les sociétés. La position de Richard-Molard sur ce point n’est d’ailleurs pas exceptionnelle. Le géographe Pierre Gourou, qui publia sa thèse sur les paysans du delta tonkinois en 1936, élargit sa réflexion à l’ensemble de la zone tropicale au lendemain de la guerre en accordant un rôle essentiel aux contraintes du milieu sur les activités humaines20.

    20Cependant, dans les travaux mêmes de Richard-Molard pointent d’autres grilles d’intelligibilité qui viennent miner ces découpages un peu trop simples et naturalisants de l’espace africain. Il y aurait en effet quelque facilité à limiter ses propositions scientifiques à ces affirmations schématiques. Ainsi, dans deux articles de 195221, à visée scientifique plus que de vulgarisation, on peut relever déjà l’exposé d’un jeu entre ce qui relève des contraintes climatiques, biogéographiques et les facteurs proprement humains pour définir des objets d’analyse. Si le « milieu géographique » sert de cadre de classification de l’organisation sociopolitique des populations, c’est par défaut, car l’auteur ne trouve pas de classifications ethniques satisfaisantes :

    « Non certes que dans notre esprit il y ait rapport de cause à effet entre le milieu et la structure des sociétés. Mais il nous paraît possible de constater que d’une part les régions, les milieux les plus ouverts aux influences extérieures, aux échanges, sont dans l’ensemble les domaines d’élection des sociétés les plus évoluées et que, d’autre part, les régions les plus répulsives et les plus isolées sont plutôt le domaine de civilisations restées à l’écart, donc plus archaïques. C’est tout. C’est encore, reconnaissons-le, très conventionnel. Mais je ne vois pas dans l’état actuel de nos connaissances de conventions moins contestables que celles-là22. »

    21L’interrogation portée sur les relations entre les sociétés et les milieux dans lesquels elles s’inscrivent est aussi développée par des géographes un peu plus jeunes que Richard-Molard, comme Paul Pélissier qui lui succède à l’IFAN ou Gilles Sautter à l’Institut d’études centrafricaines de Brazzaville, dépendant de l’ORSTOM, et dont les travaux font émerger de nouveaux objets géographiques.

    Des zones aux régions ou terroirs

    22L’expérience de terrain et l’intérêt pour des échelles d’enquête plus grandes conduisent à requalifier les liens entre milieux et sociétés. Dans certaines publications de vulgarisation, Richard-Molard distend lui-même le lien étroit qu’il a noué entre contraintes géographiques et sociétés africaines. D’une vulgate ethnologique accumulant les poncifs, il reprend le topos selon lequel le paysan noir, agriculteur itinérant, ne façonne pas sa terre et ne s’y attache pas, à la différence du paysan européen :

    « Comme en tant d’autres pays tropicaux non irrigués [le paysan noir] pratique la culture itinérante sur brûlis ; [...] il ne peut concevoir de s’enraciner pour toujours sur la même terre puisqu’ici l’exploitation l’épuise et la rend vite stérile au contraire de ce qui se passe en Europe où, à force de labeur, le paysan “fait sa terre” et peut dire “ce coin est à moi”23. »

    23Cependant, il poursuit son analyse en se démarquant de cette vulgate. Il établit un lien entre l’homme africain et le terroir, en l’enracinant non dans une passive soumission à des contraintes naturelles, mais dans une spiritualité ancrée localement. Il met alors en question l’idée chère à E.E Gautier selon laquelle le « patriotisme du paysan noir est biologique » et différerait de l’attachement au terroir des Européens : « Encore ne faudrait-il pas exagérer cette distinction, car le paysan noir s’il doit fuir pour vivre la parcelle tôt épuisé, va ailleurs, le moins loin possible, et se montre plus lié qu’on ne croit parfois à la région où sont fixés les mânes de ses ancêtres24. » Ce sont donc les croyances de ces paysans, élément de caractérisation ethnologique, qui lui permettent de faire l’hypothèse d’une relation forte entre des groupes sociaux et un territoire restreint, évoquant en conclusion un micropatriotisme.

    24Mais ce sont plus encore les apports de la démographie qui permettent de relancer la réflexion et de sortir plus sûrement d’un certain déterminisme mésologique en recherchant d’autres facteurs d’explication à la distribution de la population : comment, en effet, expliquer la présence d’îlots de forte densité là où on ne les attendrait pas ? Il évoque ainsi les traits généraux de la répartition démographique en AOF. Bien que les densités soient organisées selon une régionalisation qui évoque celle des climats, « cette zonation subit un grand nombre d’exceptions que l’on doit chercher à expliquer soit par la géographie physique, soit par la géographie humaine, l’ethnologie et l’histoire25 ». La démographie lui semble jouer un rôle de révélateur décisif :

    « Deux peuples vivant dans le même milieu et avec le même genre de vie ont généralement “comme une physionomie de peuplement particulière, une sorte de coefficient propre de densité” (Y. Urvoy). Ainsi le peuple Gourmantché, frère de race, de langue et de tradition du peuple mossi, ne dépasse presque jamais 10 et tombe en de nombreuses régions à moins de 126. »

    25C’est un paramètre finalement très « objectif », mesurable – la densité -, qui permet de reconsidérer la complexité des situations humaines, en déplaçant aussi l’observation à grande échelle. De manière plus systématique, c’est dans un article de 1952 parus dans les Annales de géographie, revue universitaire en position centrale dans le champ géographique, qu’il prend le plus de distance vis-à-vis d’une lecture trop simple des découpages zonaux de l’Afrique. Il propose ainsi « quelques éléments de discussion relatifs à la question de savoir dans quelle mesure la misère de tels terroirs et de leurs habitants procède davantage de faits humains que de faits naturels irrémédiables ». S’il se fonde sur une « analyse régionale africaine, dont le fondement primordial est, sauf rares exceptions, l’unité naturelle écoclimatique », ce changement d’échelle lui permet de souligner que cette « complexité révèle à quel point le simplisme de nos généralisations claires et distinctes était le reflet de nos ignorances27 ». Il conclut alors son analyse sur la mise en relation des contraintes économiques auxquelles se trouvent confrontés les paysans africains en situation coloniale, génératrices de surpopulation relative sur certaines terres et, par voie de conséquence, de migrations et de bouleversement des pratiques agraires.

    26Si Richard-Molard occupe une position dominante dans les publications géographiques sur l’Afrique de l’Ouest, en tant que directeur de la section de géographie de l’IFAN, sa voix n’est pas exclusive. D’autres travaux à la même époque soulignent aussi la complexité des relations entre hommes et milieux. On peut citer en particulier ceux de Jean Dresch, qui reste finalement peu de temps en Afrique subsaharienne, mais dont l’apport scientifique est décisif et affine les outils marxistes d’interprétation des réalités africaines. Il rappelle ainsi que l’on oppose souvent les modes de production africains, adaptés à un milieu mais passifs, aux modes de production d’Extrême-Orient, où le milieu a été transformé par la main de l’homme, mais contredit ce poncif. Il montre qu’il existe une riziculture en Afrique de l’Ouest et que les Africains producteurs de riz révèlent, là aussi, « une singulière capacité non seulement d’adaptation, mais encore d’aménagement28 ». Les paysans des Rivières du Sud en Guinée ont su mettre au point une technique très sophistiquée de culture du riz dans ces plaines irrigables, ce qui contredit la pertinence des classifications zonales pour rendre compte des pratiques spécifiques des sociétés.

    27Cette interrogation sur les relations entre les hommes et leur milieu ainsi que sur les échelles pertinentes d’analyse est portée également et plus largement développée encore par les géographes qui succèdent à Richard-Molard. Pélissier est appelé à l’IFAN pour le remplacer en 1950. Né en 1921, il fait ses études supérieures à la faculté des lettres de Bordeaux et devient géographe sous l’influence de l’enseignement de Pierre Gourou et de Louis Papy. Agrégé de géographie en 1947, il enseigne aux lycées de Mont-de-Marsan puis de Bordeaux. Il rejoint l’IFAN de Dakar en 1950 et reste à la tête de la section de géographie jusqu’en 1953. Il s’occupe alors de la création du département de géographie de l’Institut des hautes études de Dakar, qui devient université de Dakar en 1957, et y reste jusqu’en 1961.

    28À son arrivée à l’IFAN, il reprend le programme de cartes ethnodémographiques de l’Afrique de l’Ouest lancé par Monod et Richard-Molard, tout en en montrant les limites29. Il s’agissait de représenter les densités dans toute l’Afrique de l’Ouest ainsi que la distribution ethnique de la population, à partir de documents préparatoires à des échelles variées mais le plus souvent au 1/200000. À cette échelle, il est possible de montrer que les faits géographiques humains ne s’inscrivent pas dans des limites administratives, non plus que dans une zonalité bioclimatique. Il en tire une incitation à travailler à une échelle plus fine sur les relations complexes entre les sociétés et les milieux. Si ces cartes déploient à l’échelle de toute l’Afrique de l’Ouest la représentation de deux paramètres – groupes ethniques et densités de population –, elles ne s’intéressent en effet guère aux relations entre les hommes et leur milieu. C’est dans le cadre de ses articles et de sa thèse que Pélissier tend à faire émerger des entités régionales et déjà des « terroirs », prisme de la complexité des interactions entre les sociétés et les milieux environnants. Il mène en effet des enquêtes de terrain approfondies en pays sérère et publie dès 1953 un article en forme d’« Essai sur la formation d’un terroir du Sénégal », à la fois à l’université de Dakar et dans les Cahiers d’outre-mer de l’université de Bordeaux30. Il justifie l’audace de parler de « terroir » au Sénégal, en s’appuyant sur des contrastes de densité et paysagers. Il se propose de déceler par l’analyse géographique « les traits, fussent-ils saisonniers ou inachevés, par lesquels se différencie la brousse soumise au parcours des pasteurs et des cultivateurs, du paysage sélectionné et aménagé qui résulte de la présence de paysans31 ». En cela, il reprend une notion très utilisée par la géographie vidalienne et les études rurales, en en faisant un outil privilégié de compréhension du terrain africain. Durant ce séjour il systématise ce travail dans sa thèse d’État sur Les paysans du Sénégal : les civilisations agraires du Cayor à la Casamance32, tout en faisant des missions dans l’Ouest africain, ce qui lui permet de travailler de manière fine sur ces relations en d’autres régions également.

    29D’autres géographes de cette génération allient aussi enquêtes de terrain et travaux de thèse monographiques, générant une réflexion féconde sur les relations complexes entre hommes et milieux en Afrique. C’est ainsi le cas du géographe Gilles Sautter, collègue et ami de Pélissier, et qui se spécialise sur le Congo. Né en 1920, il fait ses études à la Sorbonne puis à Montpellier pendant la guerre, et y suit également les enseignements de Gourou. Agrégé de géographie en 1945, il souhaite partir en Afrique et est détaché à l’ORSTOM de 1948 à 1953. Il effectue un long séjour à Brazzaville où il réunit les matériaux d’une thèse de doctorat, De l’Atlantique au fleuve Congo : une géographie du sous-peuplement, publiée une dizaine d’années plus tard, en 1966, comme celle de Pélissier. Il montre ainsi que les différences de densité sur le plateau de Mbé ne proviennent pas de manière déterministe du sol et du climat, et que les Batéké se sont remarquablement adaptés à la faiblesse des ressources en eau.

    30Cette nouvelle génération de géographes, qui consacrent beaucoup de temps à faire du terrain en Afrique, produit des travaux à l’échelle régionale, étayés par l’identification de terroirs dans la plus grande tradition géographique universitaire de l’époque. Il y a bien une circulation des cadres épistémologiques entre la géographie pratiquée en métropole et celle qui est développée en Afrique en situation coloniale. La question de la spécificité de l’identification d’entités régionales en Afrique est cependant creusée, l’Afrique semblant une fois de plus dans les représentations de l’époque se distinguer davantage de l’Europe que l’Asie.

    31Sautter estime, d’une manière générale, que « tout conduit » le géographe à l’étude régionale, la région étant le « lieu d’une libre confrontation entre le physique et l’humain, considérés sur un pied d’égalité33 ». La région se donne d’abord comme un « paysage », « une combinaison particulière de faits concrets, à l’échelle de l’observation visuelle : des maisons, des routes, des champs d’une certaine étendue et d’une certaine forme, telle ou telle culture, etc. » Ces faits géographiques « matérialisent les efforts d’un groupe humain pour tirer parti des conditions naturelles où il se trouve placé et s’implanter au sein d’un milieu ». S’interrogeant ensuite sur le terrain africain, il ne rompt pas complètement avec le paradigme de la zonalité bioclimatique et constate que, « en Afrique noire, les entités régionales se dégagent très mal », les difficultés venant selon lui « en partie d’un milieu naturel fait de grands ensembles climatiques et morphologiques ». De plus, souscrivant aux poncifs pourtant remis en question dès cette époque, il considère que « l’histoire elle-même est ici défaillante », ce qui signifie un déficit de traces du passé accumulées dans les paysages, comme une « impuissance du sol à retenir l’histoire ». Le caractère mouvant des délimitations justifie, selon lui, une certaine spécificité des travaux régionaux sur l’Afrique à cette époque et l’intérêt des travaux croisés avec les ethnologues, car il lui semble que « l’histoire affleure au présent, sous la forme d’ethnie plutôt que de région34 ». Toutefois, en rétrécissant la focale de leurs travaux, les géographes ont fait aussi varier leur approche du terroir et de la région. Ils substituent à l’identification simple du paysage au terroir un intérêt plus net pour le rôle des sociétés dans le façonnement de ces terroirs et tentent de comprendre les régions comme des entités dynamiques.

    Terroirs et régions : les dynamiques des sociétés au cœur de l’analyse

    32Construites grâce à des observations à grande échelle, les notions de terroir et de région sont employées de manière de plus en plus problématisée et dynamique au tournant des années 1950 et 1960. Elles fédèrent de nombreux travaux de géographes, mais aussi d’ethnologues, étayés par des enquêtes de terrain intensives.

    33Dès les années 1930, l’historien Marc Bloch et le géographe Roger Dion ont lancé de grandes hypothèses de travail sur les notions de « régime » ou de « civilisation agraire ». La notion de terroir est alors au cœur des préoccupations des géographes, comme en témoigne un colloque international de géographie et d’histoire agraires tenu à Nancy en 195735. Selon les organisateurs du colloque, les différences entre des terroirs de « mêmes aptitudes naturelles » sont à mettre en relation avec les groupes humains qui les exploitent : « L’étude des sociétés rurales, de leur structure et de leur mentalité constitue donc un élément capital d’explication des paysages36. » Les auteurs relèvent que, mis à part un article pionnier de J. Blache sur les campagnes d’Afrique occidentale37, seul Richard-Molard a envisagé « les techniques et leurs possibilités d’évolutions bien plus que l’organisation du paysage ». Selon eux, les analyses de géographes français portant sur les terroirs en Afrique restent éparses, fragmentaires et implicites. Ils invitent à prendre en compte les travaux de sociologues, d’ethnologues et même de forestiers et de botanistes qui peuvent apporter leur contribution à la compréhension des paysages38.

    34De fait, les géographes Pélissier et Sautter – ce dernier participe au colloque de Nancy en 1957 –, en relation suivie avec les milieux universitaires métropolitains, contribuent de manière décisive au développement des travaux sur les terroirs et au renouvellement de l’usage d’une telle notion dans le contexte africain. Au début des années 1950, ils emploient le terme de terroir comme synonyme de paysage. Ils l’utilisent par la suite plus clairement dans le sens de paysage aménagé par l’homme, par opposition à paysage naturel, pour bien insister sur les capacités des sociétés africaines à façonner leur environnement naturel. C’est un changement d’échelle et une mutation qui prennent consistance de manière plus systématique au tournant des années 1960. Dans son article sur l’« Étude régionale » de 1961, Sautter précise :

    « Terroir et territoire privilégient, par définition, le fait humain par rapport au fait naturel. Le milieu n’est vu qu’à travers un cadre qui, par lui-même, représente déjà une construction spécifiquement humaine, d’une architecture et d’une dimension sans rapports nécessaires avec l’environnement physique39. »

    35En cela les géographes se rapprochent aussi des travaux des ethnologues ou anthropologues40. Ceux-ci étudient également des groupes à l’échelle d’un terroir, comme l’ethnologue Guy Nicolas au Niger41. Paul Pélissier et Louis-Vincent Thomas ont travaillé chacun sur les Diola, selon leurs méthodes propres et en échangeant par la suite. Si le premier commence par arpenter, observer et interroger les populations, le second passe d’abord du temps, immobile, avec ses informateurs.

    36Pélissier et Sautter font le choix de systématiser la démarche et lancent un grand projet collectif, « Pour un atlas des terroirs africains », qu’ils exposent en 196442. L’accent est mis sur les structures agraires et en premier lieu sur les structures visibles, inscrites sur le sol, repérables à travers une étude soigneuse du paysage rural. Ils recommandent de s’appuyer sur les photographies aériennes, qui ont mis au jour, depuis la fin des années 1950, l’extrême richesse de types agraires au sud du Sahara, encore peu étudiés. Il s’agit donc de lancer des travaux limités mais approfondis : des études monographiques de terroirs conçus comme les « cellules agraires de base ». L’objectif est de rassembler, « suivant une méthode commune, respectant le même plan général et publiés dans le cadre d’une collection homogène, [...] des exemples représentatifs de toute la variété des paysages agraires africains, les documents de base d’une typologie des formes d’occupation du sol43 ».

    37Le fait de travailler sur de petits espaces permet d’en faire un levé intégral et d’établir une fiche par parcelle, ce qui justifie d’employer le terme d’atlas. On est loin de l’ambition d’exhaustivité ou de systématisation à l’échelle de toute l’Afrique de l’Ouest, dont témoignaient par exemple les cartes ethnodémographiques. Loin des grandes catégories zonales, l’approfondissement de l’analyse devrait permettre cependant d’établir une typologie de la diversité des terroirs africains, exposée à travers cartes et jeux de plans thématiques commentés : canevas naturel où s’insère l’exploitation, éléments permanents du paysage rural, plan de l’exploitation du sol et de la répartition de la terre entre les individus, les ménages ou les personnalités collectives faisant partie de la communauté étudiée. Mais la présentation de ces terroirs ne vise pas à être statique : elle devrait mettre en relief également les tensions sociales qu’ils révèlent, entre groupes ou entre générations au sein de la communauté, ainsi que préciser les évolutions en cours.

    38Un premier bilan en est tiré en 1970 et 23 monographies réparties dans toute l’Afrique de l’Ouest et centrale ainsi qu’à Madagascar sont publiées, assorties de nombreuses cartes et figures44. Le recours aux photographies aériennes a été à l’usage très limité, car trop dispendieux et impliquant de longs délais. Les auteurs ont réalisé eux-mêmes les levés nécessaires. Les cartes et figures représentent de manière très minutieuse la répartition du peuplement dans les terroirs étudiés, en relation avec les données de l’environnement naturel. Henri Barral réalise par exemple deux croquis de répartition du peuplement de la mare de Bangao (Nord de la Haute-Volta), l’un en début, l’autre en fin de saison sèche (fig. 3 et 4). Il conclut sur l’analyse que l’utilisation faite de l’espace par les nomades de Bangao joue sur une double complémentarité : tout d’abord, celle des dunes de culture et des dunes à pâturages, dont l’ensemble est occupé en saison sèche, et celle entre cet espace de saison sèche centré autour d’un point d’eau permanent et l’espace occupé en saison des pluies45. Un croquis de synthèse représente l’utilisation de l’espace autour de la mare de Bangao à la fois en saison sèche et en saison humide.

    39Christian Pradeau distingue, lui, trois types de parcellaires dans le terroir de Kokolibou en pays Dagari (Haute-Volta) : siman, bapoué et poulè. Mais il s’intéresse aux logiques de contrôle de l’espace par les sociétés, et un croquis de synthèse met en relation aspects démographiques, paysages et structures lignagères, représentant « structure et dynamique régionale » de cet espace46 (fig. 5). D’autres monographies insistent sur les appartenances lignagères des espaces cultivés, que l’on peut aussi croiser avec les systèmes de rotation des cultures47. Les promesses du projet semblent ainsi largement tenues.

    40De fait, forts de leurs nombreux contacts sur le terrain avec les ethnologues, Pélissier et Sautter notent « combien le village ou la communauté rurale (souvent mais pas toujours confondus), point de rencontre naturel des intérêts du géographe et du sociologue (ou de l’ethnologue), se prêtent à une collaboration entre les deux disciplines48 ». En effet, des binômes avaient mené des missions, mais force est de constater que la production interdisciplinaire est restée limitée. Les contraintes de publication et surtout les enjeux de reconnaissance scientifique universitaire favorisent la persistance d’identités académiques claires. Si des revues telles les Cahiers d’outre-mer ou les Cahiers d’études africaines favorisent le dialogue entre disciplines, l’exercice de la thèse reste par définition un exercice disciplinaire.

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    Figure 4 – Henri Barral, « Physionomie du peuplement en début de saison sèche (décembre 1968) », dans « Utilisation de l’espace et peuplement autour de la mare de Bangao (Haute-Volta) », Etudes rurales, 37-39, janv.-sept. 1970, p. 72.

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    Figure 5 – Christian Pradeau, « Kokolibou (Haute-Volta) ou le pays Dagari à travers un terroir », Etudes rurales, 37-38-39, janv.-sept. 1970, p. 107.

    41Le dialogue entre disciplines est pourtant très présent dans la pratique de la recherche, entre géographes et ethnologues notamment. Pélissier et Sautter identifient ainsi le « rôle homologue que jouent la région et l’ethnie pour le géographe et l’ethnologue, un cadre plus général à la résolution d’une question posée à une échelle plus restreinte ». Tout comme l’approche du terroir s’est complexifiée, la définition de la région s’est aussi enrichie de perspectives multiples et lui confère une dynamique propre en terrain africain. Elle ouvre aussi des perspectives de mise à contribution des savoirs scientifiques au service des actions de développement en donnant un cadre pour serrer de près les différentes activités humaines et leur organisation. Les analyses régionales prennent en compte par exemple, au-delà de supposées pratiques « traditionnelles », les réponses des sociétés à des enjeux économiques et sociaux très actuels, qui se traduisent par exemple par des phénomènes migratoires. Rendre compte des stratégies des groupes sociaux est particulièrement important en situation coloniale ou au tournant des indépendances : c’est déjà rompre avec des représentations de sociétés routinières et sans initiative, qui ont participé à la justification idéologique de la colonisation.

    42Cependant, bien que l’étude des terroirs soit replacée dans un cadre régional plus vaste, on peut être frappé par l’absence d’intérêt pour des objets géographiques inscrits à une échelle nationale. En histoire, un certain nombre de travaux sur des grandes figures de l’histoire de l’Afrique et de la résistance à la colonisation participent à la même époque de la construction d’identités nationales. Certains géographes français comme P. Pélissier justifient ce retrait au moment des indépendances par le choix d’une « neutralité politique » – qui est de fait en soi une posture politique –, contrastant avec l’engagement de Jean Suret-Canale auprès de la Guinée, par exemple. On peut aussi faire l’hypothèse que, pour certains, le cadre national est disqualifié en tant qu’objet géographique pertinent, en raison de l’artificialité des frontières coloniales49. La réflexion sur les terroirs a pu être développée dans la mesure même où les géographes ont souhaité ne pas s’inscrire dans des limites administratives qu’ils considéraient comme définies a priori, mais partir au contraire de leurs observations de terrain, à l’échelle de communautés rurales, pour définir les contours de leurs objets d’étude. Une autre forme de mise à distance par les géographes des conditions de leurs investigations est particulièrement frappante : l’absence ou le peu de références fait aux informateurs locaux. La pratique intensive du terrain semble passer par une mise sous le boisseau, du moins dans les publications, des informations délivrées par les habitants des terroirs observés, alors que le dialogue avec ceux-ci est une des conditions de la bonne intégration des géographes dans « leur » terrain et de leur compréhension de la cohérence de ces terroirs, reposant sur des facteurs en grande partie d’ordre culturel. P. Pélissier fait d’ailleurs un plaidoyer pour le recours à l’histoire orale au début de sa thèse. L’exposé de restitution de ces logiques et dynamiques dans les publications scientifiques s’appuie en revanche généralement sur des supports très visuels : photographies, cartes, croquis..., dont le commentaire par les géographes évacue de fait l’explicitation précise du recours à la parole des Africains, médiation pourtant nécessaire à la compréhension de ces paysages anthropisés.

    43Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la présence croissante en Afrique subsaharienne de géographes professionnels, rompus aux méthodes et problématiques de la géographie universitaire de métropole, s’accompagne d’une mutation des types de découpage et de définition des limites pertinentes pour construire des objets géographiques. Les territoires tendent à être davantage spécifiés, à des échelles plus grandes. Les recherches quittent le terrain quasi exclusif de la géographie physique ou de la bioclimatologie pour s’intéresser davantage aux relations élaborées par les hommes avec les milieux dans lesquels ils s’inscrivent. Le relativement petit nombre des chercheurs présents sur le terrain en Afrique et leurs contacts ou lectures croisées permettent d’expliquer les multiples interrogations réciproques et les stimulations entre disciplines : les apports de la géographie, mais aussi de la démographie, de l’ethnologie, de l’histoire, de l’économie participent aux renouvellements des problématiques et des objets d’étude, même si l’interdisciplinarité reste finalement limitée quand il s’agit de publier des travaux scientifiques. Ces changements de focale sont constitutifs d’une revalorisation du pouvoir d’initiative et du rôle des sociétés dans leur rapport à l’espace, façonnant des territoires, par rapport aux travaux épars publiés jusque-là sur les campagnes, terroirs ou paysages africains. Ceci, dans un contexte colonial, prend aussi un sens politique, même si l’on peut noter que le cadre territorial national n’est guère considéré comme pertinent par les géographes à l’époque et que la parole des informateurs locaux est gommée de fait dans les travaux de restitution des enquêtes de terrain. La multiplication des perspectives d’analyse pour comprendre les terroirs et les régions en Afrique ouvre également de nombreuses pistes pour nourrir des projets de « développement », souvent pensés à une échelle régionale. Cette géographie plus universitaire, en renouvelant ses cadres d’investigation, ne se coupe pas de toute perspective d’« application ».

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    Pélissier, P., et Sautter, G., « Pour un atlas des terroirs africains », L’homme, t. IV, vol. 1, janv.-avril 1964, p. 56-72.

    Pélissier, P., et Sautter, G., « Bilan et perspectives d’une recherche sur les terroirs africains et malgaches », Études rurales, 37-38-39, janv.-sept. 1970, p. 7-45.

    Pollachi, P., Atlas colonial français, Paris, L’Illustration, 1929.

    Richard-Molard, J., Afrique occidentale française, Paris, Berger-Levrault, 1949.

    Richard-Molard, J., « Démographie de l’AOF », Encyclopédie coloniale et maritime, vol. AOF, 1949.

    Richard-Molard, J., « Les groupes ethniques d’AOF », Encyclopédie de la France d’outre-mer, 1949.

    10.3406/geo.1951.13312 :

    Richard-Molard, J., « Les terroirs tropicaux d’Afrique, Annales de géographie, nov.-déc. 1951.

    10.3406/caoum.1952.1772 :

    Richard-Molard, J., « Groupements ethniques et civilisations nègres d’Afrique », Cahiers d’outre-mer, n° 17, janv.-mars 1952.

    Richard-Molard, J., Problèmes humains en Afrique occidentale, Paris, Présence africaine, 1958.

    Richard-Molard, J., « Découverte de la Guinée. Extraits d’un carnet de route », Recherches africaines, Berlin, Akademie-Verlag, numéro 4, oct.-déc. 1961 (Études guinéennes, nouvelle série).

    Richard-Molard, J., Dans la brousse des Karamokos. Le carnet de route de Jacques Richard-Molard, géographe en mission en Guinée (1941-1942), Paris, L’Harmattan, 2007.

    « Terroirs africains et malgaches », Études rurales, 37-38-39, janv.-sept. 1970.

    10.3406/hom.1961.366342 :

    Sautter, G., « L’étude régionale. Réflexions sur la formule monographique en géographie humaine », L’homme, 1961, p. 262.

    Notes de bas de page

    1 H. Brenier, Essai d’atlas statistique de l’Indochine française, Gouvernement général de l’Indochine, 1914,11 fasc. On peut mentionner également l’atlas publié par le gouvernement général de l’Algérie, A. Bernard et R. de Flotte de Roquevaire, Atlas d’Algérie et de Tunisie, Alger, Jules Carbonel, Paris, E. Larose, 1924-1929,8 fasc., au 1/1500 000 et dont la publication est achevée en 1932 mais dont le projet remonte à 1910.

    2 É. de Martonne (dit.), Atlas des cercles de l’AOF, Paris, Forest, 1924-1927.

    3 Cartes ethnodémographiques de l’Afrique de l’Ouest, 5 fasc., Dakar, 1952-1963. Cf. Marie-Albane de Suremain, « Cartes ethnodémographiques de l’Afrique de l’Ouest : enjeux d’une construction », M@ppemonde, 92-4 (2008), http://mappemonde.mgm.fr/num20/index.html.

    4 Vingt-deux volumes monographiques sont publiés par l’ORSTOM et l’EHESS dans cette collection entre 1967 et 1987.

    5 Gouvernement général de l’AOF, Atlas des cercles de l’AOF, Paris, Forest, 1924.

    6 P. Pollachi, Atlas colonial français, Paris, L’Illustration, 1929.

    7 « Terroirs africains et malgaches », Études rurales, 37-38-39, janvier-septembre 1970.

    8 J. Richard-Molard, Dans la brousse des Karamokos. Le carnet de route de Jacques Richard-Molard, géographe en mission en Guinée (1941-1942), Paris, L’Harmattan, 2007.

    9 J.-Ch. Leclerc, J. Richard-Molard, M. Lamotte, G. Rougerie et R. Porteres, La réserve naturelle intégrale du mont Nimba, fascicule III, La chaîne du Nimba. Essai géographique, Dakar, IFAN, 1955 (Mémoires de l’IFAN) ; J. Richard-Molard, « Découverte de la Guinée. Extraits d’un carnet de route », Recherches africaines, Berlin, Akademie-Verlag, numéro 4, oct.-déc. 1961 (Études guinéennes, nouvelle série).

    10 J. Richard-Molard, op. cit., 2007, p. 16.

    11 J.-Ch. Leclerc, op. cit., 1955, p. 115.

    12 J. Richard-Molard, op. cit., 2007, p. 24.

    13 J.-Ch. Leclerc, op. cit., 1955, p. 21.

    14 J. Richard-Molard, Afrique occidentale française, Paris, Berger-Levrault, 1949.

    15 Ibid.

    16 F. Maurette, Afrique équatoriale orientale et australe. Géographie universelle, Paris, A. Colin, 1938, p. 47-48.

    17 La même année, Richard-Molard évoquait d’ailleurs, dans une conférence inédite prononcée à Dakar, la zonalité des climats de manière finalement très contraignante : « Dans ces cadres qui s’étalent d’Ouest en Est s’insère l’homme, qui modèle son genre de vie et son activité en fonction du climat, du sol, des possibilités culturales. »« L’homme ouest-africain », conférence inédite prononcée en juin 1949 à Dakar, reproduite dans J. Richard-Molard, Problèmes humains en Afrique occidentale, Paris, Présence africaine, 1958, 2e édition, p. 99.

    18 J. Richard-Molard, « AOF », Encyclopédie de la France d’outre-mer, cité dans J. Richard-Molard, Problèmes humains en Afrique occidentale, Paris, Présence africaine, 1958, 2e édition, p. 79-80.

    19 Il a suivi les cours de Raoul Blanchard et de Jules Blache, spécialiste de la géomorphologie alpine et de l’habitat. Mais la spécialisation de celui-ci n’est pas exclusive. Il a notamment publié un article sur les campagnes d’AOF en 1940 après un séjour de deux mois et en ayant largement consulté les coutumiers juridiques de l’AOF. Voir J. Blache, « La campagne en pays noir. Essai sur les caractères du paysage rural en Afrique occidentale », Revue de géographie alpine, 28-3 (1940), p. 346-388 ; R. Blanchard, , « Hommage à Jacques Richard-Molard », dans J. Richard-Molard, Problèmes humains en Afrique occidentale, Présence africaine, Paris, 1958.

    20 P. Gourou, Les paysans du delta tonkinois. Étude de géographie humaine, Paris, Les Éditions d’art et d’histoire, 1936 ; P. Gourou, Les pays tropicaux, principes d’une géographie humaine et économique, Paris, PUF, 1946.

    21 J. Richard-Molard, « Groupements ethniques et civilisations nègres d’Afrique », Cahiers d’outre-mer, n° 17, janv.-mars 1952, et « Les groupes ethniques d’AOF », Encyclopédie de la France d’outre-mer, 1949.

    22 Ibid., p. 31-32. Malgré les précautions, on peut être étonné que la question typologique soit posée à cette époque dans ces termes, loin de toute référence aux travaux de l’anthropologie britannique par exemple, mais également aux travaux de certains géographes français, comme ceux de J. Brunhes sur les oasis du Souf et de Mzab, cf. F. Deprest, « Using the concept of genre de vie : French geographers and colonial Algeria, c. 1880-1949 », Journal of Historical Geography, 2011.

    23 Ibid., p. 82-83.

    24 Ibid.

    25 J. Richard-Molard, « Démographie de l’AOF », Encyclopédie coloniale et maritime, vol. AOF, 1949, p. 128.

    26 Ibid., p. 133.

    27 J. Richard-Molard, « Les terroirs tropicaux d’Afrique », Annales de géographie, nov.-déc. 1951, repris dans J. Richard-Molard, op. cit., 1958, p. 222.

    28 J. Dresch, « La riziculture en Afrique occidentale », Annales de géographie, 312, 1949, p. 295.

    29 P. Pélissier, « Notice », Carte ethnodémographique de l’Afrique de l’Ouest, Dakar, IFAN, feuille 1, 1952.

    30 P. Pélissier, Les paysans sérères. Essai sur la formation d’un terroir du Sénégal, Travaux du département de géographie, n° 1, Institut des hautes études de Dakar, extrait des Cahiers d’outre-mer, n° 22, avril-juin 1953.

    31 Ibid., p. 2.

    32 P. Pélissier, Les paysans du Sénégal : les civilisations agraires du Cayor à la Casamance, Saint-Yrieix, 1966.

    33 G. Sautter, « L’étude régionale. Réflexions sur la formule monographique en géographie humaine », L’homme, 1961, p. 262.

    34 Sur les proximités entre géographie et ethnologie, cf. M.-A. de Suremain, « « Faire du terrain en AOF dans les années cinquante », dans « Ethnologues et géographes », Ethnologie française, XXXIV (2004-4), p. 651-659.

    35 E. Juillard, A. Meynier, X. de Planhol, G. Sautter, Structures agraires et paysages ruraux. Un quart de siècle de recherches françaises, Colloque international de géographie et d’histoire agraires, Nancy, Annales de l’Est, Mémoire n° 17, 1957.

    36 Ibid., p. 17.

    37 Art. cité. Ce travail privilégie toutefois une analyse par grandes zones.

    38 Op. cit., p. 119.

    39 Ibid.

    40 M.-C. Robic, « Rencontre et voisinage de deux disciplines », dans « Ethnologues et géographes », Ethnologie française, XXXIV-4 (2004), p. 581-590.

    41 G. Nicolas, « Un village Bouzou du Niger. Étude d’un terroir », Cahiers d’outre-mer, 1962.

    42 P. Pélissier et G. Sautter, « Pour un atlas des terroirs africains », L’homme, t. IV, vol. 1, janv.– avril 1964, p. 56-72.

    43 Ibid., p. 57.

    44 P. Pélissier et G. Sautter, « Bilan et perspectives d’une recherche sur les terroirs africains et malgaches », Études rurales, 37-38-39, janv.-sept. 1970, p. 7-45.

    45 H. Barral, « Utilisation de l’espace et peuplement autour de la mare de Bangao », ibid., p. 83.

    46 C. Pradeau, « Kokolibou (Haute-Volta) ou le pays Dagari à travers un terroir », ibid., p. 85-112.

    47 Voir par exemple A. Lericollais, « La détérioration d’un terroir : Sob, en pays sérèr (Sénégal) », ibid., p. 113-128.

    48 P. Pélissier et G. Sautter, art. cité, 1970, p. 7.

    49 Cf. C. Lefebvre, « Beyond scramble, partition and artificiality, what history for African borders ? », Journal of Historical Geography, 2011.

    Auteur

    • Marie-Albane de Suremain

      Université Paris-Est-Créteil

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    1 H. Brenier, Essai d’atlas statistique de l’Indochine française, Gouvernement général de l’Indochine, 1914,11 fasc. On peut mentionner également l’atlas publié par le gouvernement général de l’Algérie, A. Bernard et R. de Flotte de Roquevaire, Atlas d’Algérie et de Tunisie, Alger, Jules Carbonel, Paris, E. Larose, 1924-1929,8 fasc., au 1/1500 000 et dont la publication est achevée en 1932 mais dont le projet remonte à 1910.

    2 É. de Martonne (dit.), Atlas des cercles de l’AOF, Paris, Forest, 1924-1927.

    3 Cartes ethnodémographiques de l’Afrique de l’Ouest, 5 fasc., Dakar, 1952-1963. Cf. Marie-Albane de Suremain, « Cartes ethnodémographiques de l’Afrique de l’Ouest : enjeux d’une construction », M@ppemonde, 92-4 (2008), http://mappemonde.mgm.fr/num20/index.html.

    4 Vingt-deux volumes monographiques sont publiés par l’ORSTOM et l’EHESS dans cette collection entre 1967 et 1987.

    5 Gouvernement général de l’AOF, Atlas des cercles de l’AOF, Paris, Forest, 1924.

    6 P. Pollachi, Atlas colonial français, Paris, L’Illustration, 1929.

    7 « Terroirs africains et malgaches », Études rurales, 37-38-39, janvier-septembre 1970.

    8 J. Richard-Molard, Dans la brousse des Karamokos. Le carnet de route de Jacques Richard-Molard, géographe en mission en Guinée (1941-1942), Paris, L’Harmattan, 2007.

    9 J.-Ch. Leclerc, J. Richard-Molard, M. Lamotte, G. Rougerie et R. Porteres, La réserve naturelle intégrale du mont Nimba, fascicule III, La chaîne du Nimba. Essai géographique, Dakar, IFAN, 1955 (Mémoires de l’IFAN) ; J. Richard-Molard, « Découverte de la Guinée. Extraits d’un carnet de route », Recherches africaines, Berlin, Akademie-Verlag, numéro 4, oct.-déc. 1961 (Études guinéennes, nouvelle série).

    10 J. Richard-Molard, op. cit., 2007, p. 16.

    11 J.-Ch. Leclerc, op. cit., 1955, p. 115.

    12 J. Richard-Molard, op. cit., 2007, p. 24.

    13 J.-Ch. Leclerc, op. cit., 1955, p. 21.

    14 J. Richard-Molard, Afrique occidentale française, Paris, Berger-Levrault, 1949.

    15 Ibid.

    16 F. Maurette, Afrique équatoriale orientale et australe. Géographie universelle, Paris, A. Colin, 1938, p. 47-48.

    17 La même année, Richard-Molard évoquait d’ailleurs, dans une conférence inédite prononcée à Dakar, la zonalité des climats de manière finalement très contraignante : « Dans ces cadres qui s’étalent d’Ouest en Est s’insère l’homme, qui modèle son genre de vie et son activité en fonction du climat, du sol, des possibilités culturales. »« L’homme ouest-africain », conférence inédite prononcée en juin 1949 à Dakar, reproduite dans J. Richard-Molard, Problèmes humains en Afrique occidentale, Paris, Présence africaine, 1958, 2e édition, p. 99.

    18 J. Richard-Molard, « AOF », Encyclopédie de la France d’outre-mer, cité dans J. Richard-Molard, Problèmes humains en Afrique occidentale, Paris, Présence africaine, 1958, 2e édition, p. 79-80.

    19 Il a suivi les cours de Raoul Blanchard et de Jules Blache, spécialiste de la géomorphologie alpine et de l’habitat. Mais la spécialisation de celui-ci n’est pas exclusive. Il a notamment publié un article sur les campagnes d’AOF en 1940 après un séjour de deux mois et en ayant largement consulté les coutumiers juridiques de l’AOF. Voir J. Blache, « La campagne en pays noir. Essai sur les caractères du paysage rural en Afrique occidentale », Revue de géographie alpine, 28-3 (1940), p. 346-388 ; R. Blanchard, , « Hommage à Jacques Richard-Molard », dans J. Richard-Molard, Problèmes humains en Afrique occidentale, Présence africaine, Paris, 1958.

    20 P. Gourou, Les paysans du delta tonkinois. Étude de géographie humaine, Paris, Les Éditions d’art et d’histoire, 1936 ; P. Gourou, Les pays tropicaux, principes d’une géographie humaine et économique, Paris, PUF, 1946.

    21 J. Richard-Molard, « Groupements ethniques et civilisations nègres d’Afrique », Cahiers d’outre-mer, n° 17, janv.-mars 1952, et « Les groupes ethniques d’AOF », Encyclopédie de la France d’outre-mer, 1949.

    22 Ibid., p. 31-32. Malgré les précautions, on peut être étonné que la question typologique soit posée à cette époque dans ces termes, loin de toute référence aux travaux de l’anthropologie britannique par exemple, mais également aux travaux de certains géographes français, comme ceux de J. Brunhes sur les oasis du Souf et de Mzab, cf. F. Deprest, « Using the concept of genre de vie : French geographers and colonial Algeria, c. 1880-1949 », Journal of Historical Geography, 2011.

    23 Ibid., p. 82-83.

    24 Ibid.

    25 J. Richard-Molard, « Démographie de l’AOF », Encyclopédie coloniale et maritime, vol. AOF, 1949, p. 128.

    26 Ibid., p. 133.

    27 J. Richard-Molard, « Les terroirs tropicaux d’Afrique », Annales de géographie, nov.-déc. 1951, repris dans J. Richard-Molard, op. cit., 1958, p. 222.

    28 J. Dresch, « La riziculture en Afrique occidentale », Annales de géographie, 312, 1949, p. 295.

    29 P. Pélissier, « Notice », Carte ethnodémographique de l’Afrique de l’Ouest, Dakar, IFAN, feuille 1, 1952.

    30 P. Pélissier, Les paysans sérères. Essai sur la formation d’un terroir du Sénégal, Travaux du département de géographie, n° 1, Institut des hautes études de Dakar, extrait des Cahiers d’outre-mer, n° 22, avril-juin 1953.

    31 Ibid., p. 2.

    32 P. Pélissier, Les paysans du Sénégal : les civilisations agraires du Cayor à la Casamance, Saint-Yrieix, 1966.

    33 G. Sautter, « L’étude régionale. Réflexions sur la formule monographique en géographie humaine », L’homme, 1961, p. 262.

    34 Sur les proximités entre géographie et ethnologie, cf. M.-A. de Suremain, « « Faire du terrain en AOF dans les années cinquante », dans « Ethnologues et géographes », Ethnologie française, XXXIV (2004-4), p. 651-659.

    35 E. Juillard, A. Meynier, X. de Planhol, G. Sautter, Structures agraires et paysages ruraux. Un quart de siècle de recherches françaises, Colloque international de géographie et d’histoire agraires, Nancy, Annales de l’Est, Mémoire n° 17, 1957.

    36 Ibid., p. 17.

    37 Art. cité. Ce travail privilégie toutefois une analyse par grandes zones.

    38 Op. cit., p. 119.

    39 Ibid.

    40 M.-C. Robic, « Rencontre et voisinage de deux disciplines », dans « Ethnologues et géographes », Ethnologie française, XXXIV-4 (2004), p. 581-590.

    41 G. Nicolas, « Un village Bouzou du Niger. Étude d’un terroir », Cahiers d’outre-mer, 1962.

    42 P. Pélissier et G. Sautter, « Pour un atlas des terroirs africains », L’homme, t. IV, vol. 1, janv.– avril 1964, p. 56-72.

    43 Ibid., p. 57.

    44 P. Pélissier et G. Sautter, « Bilan et perspectives d’une recherche sur les terroirs africains et malgaches », Études rurales, 37-38-39, janv.-sept. 1970, p. 7-45.

    45 H. Barral, « Utilisation de l’espace et peuplement autour de la mare de Bangao », ibid., p. 83.

    46 C. Pradeau, « Kokolibou (Haute-Volta) ou le pays Dagari à travers un terroir », ibid., p. 85-112.

    47 Voir par exemple A. Lericollais, « La détérioration d’un terroir : Sob, en pays sérèr (Sénégal) », ibid., p. 113-128.

    48 P. Pélissier et G. Sautter, art. cité, 1970, p. 7.

    49 Cf. C. Lefebvre, « Beyond scramble, partition and artificiality, what history for African borders ? », Journal of Historical Geography, 2011.

    Territoires impériaux

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    Territoires impériaux

    Ce livre est cité par

    • (2019) Géographies. DOI: 10.3917/arco.clerc.2019.01.0313
    • Vailly, Martin. (2021) Le globe synoptique et son vernis craquelé : une histoire matérielle de la production et de l’usage des globes terrestres de Coronelli. Cahiers François Viète. DOI: 10.4000/cahierscfv.394
    • Blais, Hélène. Weber, Serge. (2022) Montrer les invisibles de l’histoire de l’exploration. Recherche académique et muséographie. EchoGéo. DOI: 10.4000/echogeo.24294
    • Clerc, Pascal. (2017) La « géographie coloniale » en France. Terra Brasilis. DOI: 10.4000/terrabrasilis.2043
    • Péaud, Laura. (2015) L’image de l’Algérie selon Bory de Saint-Vincent (1778-1846) et la construction d'un discours géographique colonial. Espaço e Economia. DOI: 10.4000/espacoeconomia.1621
    • Deprest, Florence. (2017) Qu’est-ce qu’un géographe colonial ?. L’Espace géographique, Tome 46. DOI: 10.3917/eg.463.0264

    Territoires impériaux

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    de Suremain, M.-A. (2012). Chapitre 2. Découper des objets de recherche en Afrique : circonscriptions, zones, régions ou terroirs ?. In H. Blais, F. Deprest, & P. Singaravélou (éds.), Territoires impériaux (1‑). Éditions de la Sorbonne. https://doi.org/10.4000/books.psorbonne.42386
    de Suremain, Marie-Albane. « Chapitre 2. Découper des objets de recherche en Afrique : circonscriptions, zones, régions ou terroirs ? ». In Territoires impériaux, édité par Hélène Blais, Florence Deprest, et Pierre Singaravélou. Paris: Éditions de la Sorbonne, 2012. https://doi.org/10.4000/books.psorbonne.42386.
    de Suremain, Marie-Albane. « Chapitre 2. Découper des objets de recherche en Afrique : circonscriptions, zones, régions ou terroirs ? ». Territoires impériaux, édité par Hélène Blais et al., Éditions de la Sorbonne, 2012, https://doi.org/10.4000/books.psorbonne.42386.

    Référence numérique du livre

    Format

    Blais, H., Deprest, F., & Singaravélou, P. (éds.). (2012). Territoires impériaux (1‑). Éditions de la Sorbonne. https://doi.org/10.4000/books.psorbonne.42311
    Blais, Hélène, Florence Deprest, et Pierre Singaravélou, éd. Territoires impériaux. Paris: Éditions de la Sorbonne, 2012. https://doi.org/10.4000/books.psorbonne.42311.
    Blais, Hélène, et al., éditeurs. Territoires impériaux. Éditions de la Sorbonne, 2012, https://doi.org/10.4000/books.psorbonne.42311.
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