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Le roi des rois et la photographie

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Estelle Sohier

Assurer la pérennité du royaume

Avant-Propos

Texte intégral

  • 1 Marcus, op. cit., 1975, p. 241.

1À l’entrée du xxe siècle, Ménélik II a atteint le sommet de son pouvoir : il règne sur un territoire d’une ampleur inédite pour la royauté éthiopienne, aux frontières bien établies. Le pays se remet de la famine qui l’a ravagé durant les années 1890, et la paix règne tant à l’intérieur qu’à l’extérieur : les principaux chefs rebelles ont été matés, et les différents accords signés avec les puissances étrangères garantissent, pour le moment, l’indépendance du pays. Une question agite pourtant la cour depuis quelques années, celle de la succession du roi des rois, qui n’a pas eu de fils viable. Le problème se fait plus pressant quand la santé du roi commence à défaillir, à partir de 1904. En 1909, un accident vasculaire cérébral plus important que les précédents laisse Ménélik II vivant, mais privé de toutes ses capacités physiques et intellectuelles1. Le souverain ne reparaîtra plus jamais en public avant sa mort, en 1913. S’ouvre alors une décennie d’instabilité politique, accentuée par les remous de la Grande Guerre.

2Ménélik II a désigné officiellement son successeur peu de temps avant de perdre définitivement conscience. Il s’agit de son petit-fils, le jeune Iyasu, alors âgé de 11 ans. Secondé par un tuteur jusqu’en 1911, Iyasu s’empare progressivement des rênes du pouvoir, malgré son jeune âge. Le roi meurt dans le plus grand secret en décembre 1913. La mort du héros national est alors cachée de tous, son corps emmené secrètement loin de la capitale, et le couronnement de son petit-fils reporté. Mais le prince est destitué par un coup d’État en septembre 1916. La fille de Ménélik II, Zäwditu, a été choisie par les grands dignitaires du royaume pour le remplacer. Elle est couronnée en février 1917 aux côtés d’un héritier du trône désigné, ras Tafari, qui sera sacré à son tour, sous le nom de Haïlé Selassié, en 1930.

3Durant cette période, la production d’images des représentants du pouvoir royal ne faiblit pas, bien au contraire. Après la disparition de Ménélik II, différentes images ont été utilisées par ses successeurs, tandis que son corps paralysé puis défunt était caché : peintures d’église, photographies, statues... Quel rôle a-t-on prêté aux images durant cette transition politique longue et tourmentée, pour transmettre le pouvoir ou l’ôter, pour le prendre de force ou le conserver ? Comment les images ont-elles été utilisées pour donner du sens à ces ruptures politiques et dynastiques, pour maintenir la cohésion du royaume et pour qu’il continue à revendiquer son indépendance ?

Notes

1 Marcus, op. cit., 1975, p. 241.

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