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Pouvoir et contestations à Byzance (963-1210)

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Jean-Claude Cheynet

Troisième partie. Interprétation des révoltes

Chapitre VII. Constantinople exclue de l’empire

Texte intégral

La capitale isolée

  • 1 Nicétas Chôniatès, notre meilleure source, se montre très partial en faveur de Théodore Lascaris d (...)

1Les années 1203-1204, très révélatrices des forces et des faiblesses de l’Empire, offrent une situation sans précédent : la compétition pour le pouvoir se déroule, non pas entre l’empereur et un usurpateur, mais entre plusieurs empereurs couronnés1. En juillet 1203, Alexis III fit face à une situation à la fois traditionnelle depuis un siècle, et en même temps insolite. En effet des prétendants au trône de Byzance avaient souvent accompagné les armées d’invasion, normandes en 1081 et en 1185, coumanes en 1095 ; mais celles-ci n’étaient jamais-parvenues aux portes de Constantinople. En revanche, des armées croisées avaient déjà campé devant la capitale, point de passage obligé entre l’Europe et l’Asie par voie de terre, mais elles n’avaient pas été liées au sort d’un prétendant. La nouveauté réside donc dans cette combinaison de deux menaces habituelles.

  • 2 Villehardouin I, § 110-113. Le métropolite de Corfou reçut plutôt mal les prélats occidentaux et i (...)
  • 3 Villehardouin I, § 123, 125.
  • 4 Nicétas Chôniatès (Histoire, p. 546) confirmé par Villehardouin I, p. 137-139. Les Croisés disposa (...)

2Jusqu’à l’arrivée devant la Ville, la promenade militaire d’Alexis, fils d’Isaac II, s’était déroulée sans incident notoire. Comme d’habitude, Dyrrachion et Corfou avaient ouvert leurs portes sans difficulté2, mais Nègrepont, l’île d’Andros et Abydos cédèrent à la force des Croisés3. Face à ce danger, l’empereur Alexis III avait-il été abandonné dans sa capitale sans avoir reçu des provinces aucun secours ? Il ne le semble pas, car en juillet 1203, le souverain disposait de toutes les troupes nécessaires pour sa défense. Il les avait regroupées à l’intérieur de la ville, ayant renoncé à affronter les Latins en rase campagne, ce qui n’était pas nécessairement une erreur, à considérer les désastres infligés à Alexis I par Guiscard. Cette armée l’emportait largement en nombre sur celle des Occidentaux4.

  • 5 Nicétas Chôniatès, Histoire, p. 547.
  • 6 Nicétas Chôniatès (ibid. p. 547), accusant Alexis III de fuite sous l’effet de la panique, reconna (...)
  • 7 Alexis Paléologue qui le précédait dans l’ordre de succession était décédé à cette date (Akropolit (...)
  • 8 Nicétas Chôniatès, Histoire, p. 546. Le frère de Théodore, Constantin, fut capturé au cours d’une (...)

3Cependant le 17 juillet 1203, Alexis III ne livra pas bataille et la nuit suivante, quitta secrètement Constantinople avec les insignes impériaux et la majeure partie du trésor impérial5, attitude unanimement condamnée tant par Chôniatès que par les Croisés. Or Alexis III ne s’était jamais senti en sécurité dans la capitale, tandis que son frère Isaac y disposait d’un large crédit susceptible de se reporter sur son fils, présent dans les rangs des Croisés. De surcroît la prise par les Vénitiens d’une partie de la muraille prouvait sa vulnérabilité. Par un plan élaboré à l’avance, Alexis décida donc de quitter la ville pour ne pas risquer de tomber prisonnier aux mains des Latins et pour mener le combat sur les arrières de l’ennemi6. Il laissait dans la capitale son épouse Euphrosynè, qui à plusieurs reprises avait assumé la charge du maintien de l’ordre, et son gendre Théodore Lascaris, héritier de l’Empire7 et a priori populaire, puisque les Lascaris, partisans d’une lutte active contre les Latins, avaient payé de leur personne lors de sorties8. Le partage des responsabilités était clair, l’empereur en exercice combattait hors de Constantinople, disposant d’une forte somme pour lever des troupes, pendant que son héritier tenait la capitale. Alexis III choisit de résider en Thrace plutôt que de passer en Orient non pas tant parce que les Croisés dominaient la mer, mais parce qu’Alexis n’avait jamais été populaire dans les provinces d’Orient alors qu’il jouissait de l’amitié de l’aristocratie thrace et macédonienne. Il se fit accompagner par sa fille ainée Irène, veuve d’Alexis Paléologue, se réservant ainsi la possibilité de créer un nouveau despote en la remariant, au cas où le comportement de Théodore Lascaris lui eût semblé suspect.

  • 9 Nicétas Chôniatès, Histoire, p. 550. Sur l’emprisonnement de Théodore Lascaris, Idem, Orationes I, (...)
  • 10 Le précédent de Romain IV Diogénès ne serait pas pertinent car il n’était qu’un co-empereur. En ou (...)

4Nous concevons qu’Alexis soit parti subrepticement, de nuit, car les Croisés tenaient toutes les communications autour de la ville et le départ de l’empereur ne pouvait que démoraliser les défenseurs. De fait le peuple déjoua les projets du souverain, condamnant sa fuite, et la faction favorable à Isaac II sortit alors de sa réserve. Les Constantinopolitains crurent découvrir la solution idéale en rappelant Isaac II qui n’était pas compromis avec les Latins mais qui pourrait, par l’intermédiaire de son fils, intervenir auprès d’eux afin d’éviter leur entrée en armes dans la ville. L’impératrice Euphrosynè, les parents d’Alexis III, Théodore Lascaris le premier - mais Chôniatès n’en souffle mot -, furent arrêtés et emprisonnés9. Le 18 juillet 1203, l’empereur Alexis III, qui n’avait rien perdu de sa légitimité, voyait donc sa capitale se donner à un usurpateur, situation inédite depuis le viiie siècle lorsque Constantin V avait dû affronter Artavasde, maître de Constantinopie10. Mais de son côté Alexis IV, bénéficiant de l’opinion selon laquelle celui qui occupait le trône à Constantinople était toujours vainqueur, fut couronné. Les provinces de l’Empire eurent donc à choisir entre deux empereurs, Alexis III et Alexis IV.

  • 11 Toutes références dans Oikonomidès , Décomposition, p. 3-13.

5La répartition entre sujets et rebelles d’Alexis IV nous est connue par la Partitio Romanie, établie à partir de documents fiscaux dont le cadastre général de Constantinople qui reflète la situation lors de la dernière levée, celle de l’automne 1203. Pour simplifier, disons que les provinces citées dans le document, versant l’impôt à Constantinople, acceptaient donc Alexis IV comme basileus, tandis que les provinces omises lui étaient rebelles11. Une description sommaire établit qu’en Europe, son autorité était reconnue en Thrace et dans les provinces sises à l’ouest d’une ligne joignant Thessalonique à Patras et Argos, ainsi que dans les îles de l’Égée, sauf Rhodes et la Crète ; en Asie Mineure demeuraient fidèles les provinces de Néokastra, Atramyttion et Pergame et le thème de Mylasa-Mélanoudion. Nous verrons ultérieurement ce qu’il convient de penser de cette répartition.

  • 12 Parmi les incidents révélateurs de cet état d’esprit, le plus porteur d’avenir fut le pillage de l (...)

6La position d’Alexis IV devint intenable car les exigences des Croisés nourrissaient les sentiments xénophobes des Constantinopolitains déjà manifestes depuis les massacres de 118212. La population était acquise d’avance à tout adversaire déterminé des Latins. Un événement inouï se produisit : le peuple se réunit spontanément à Sainte-Sophie pour examiner qui pourrait devenir empereur, entreprise totalement subversive puisqu’elle inversait le processus habituel par lequel Dieu désignait l’empereur qu’ensuite l’armée, le peuple et le Sénat acclamaient. Furent contraints d’assister à cette réunion, les sénateurs, les membres de l’Église et les juges du Velum, soit toutes les autorités de la ville. Au grand scandale de Nicétas Chôniatès, le peuple décida de rester groupé à Sainte-Sophie tant que l’accord n’aurait pas été obtenu sur le nom d’un nouvel autokratôr qui leur agrée. Leur choix se portait nécessairement sur un eugénès, pourvu qu’il n’appartînt pas aux Anges ; ainsi le retour d’Alexis III et de son clan n’était-il point souhaité.

  • 13 Chronique de Novgorod, p. 307 : “Tous désiraient Radènos, mais lui refusait le trône”. Cf. f. d. n (...)
  • 14 Cf. f. d. n° 202.
  • 15 Akropolitès, p. 7 ; Nicétas Chôniatès, Histoire, p. 563.
  • 16 Robert de Clari, p. 58, éd. Mac Neal, New-York 1936, p. 85.

7La foule désigna d’abord un Radènos, peut-être Constantin, qui déclina l’offre13. Les raisons de cette désignation nous échappent car nous ignorons en quelles circonstances ce Radènos se serait opposé aux Latins, mais les Constantinopolitains songeaient sans doute à l’éparque, s’il s’agit bien de Constantin, responsable du maintien de l’ordre urbain. Le second choix, celui de Nicolas Kanabos14, un militaire, apparaît aussi logique. Toutefois, le vainqueur de cette compétition, Alexis Doukas-Mourtzouphlos, était le candidat de l’aristocratie de çour, illustration du rapport de force réel entre cette aristocratie et la population de la capitale, y compris ses élites administratives. Mourtzouphlos avait compté parmi les adversaires d’Alexis III ; un manuscrit laisse entendre qu’il était en fait le véritable instigateur de la tentative de Jean Comnène le Gros15, qu’il fut emprisonné pour cette raison et sans doute libéré par Alexis IV dont il devint un proche familier16. Sous le règne de ce dernier il combattit ouvertement les Latins, condition nécessaire pour connaître la notoriété.

  • 17 Alexis V confisqua les biens des sébastocrators et des Césars pour renflouer les caisses vides de (...)

8Les régions déjà dissidentes sous Alexis IV n’avaient aucune raison de se rallier et celles qui avaient été favorables au précédent empereur ne soutenaient pas nécessairement son meurtrier. Effectivement, au moment du péril suprême en avril 1204, l’empereur de Constantinople se trouva isolé. Mais ce n’est pas la preuve formelle de la désaffection des provinces envers la capitale ; comment les troupes provinciales auraient-elles pu forcer le blocus maritime et terrestre des Croisés ? Si un empereur, Mourtzouphlos, était encerclé, un autre, Alexis III Ange, restait libre de ses mouvements, mais il n’allait pas soutenir le rival qu’il avait jadis tenu enfermé en ses prisons et qui avait dépouillé ses proches de leurs richesses17. Pour les provinces, la prise de Constantinople ne signifiait pas nécessairement la fin de l’État byzantin, tant qu’un empereur à la légitimité incontestable sinon incontestée résidait dans le territoire de l’Empire.

  • 18 Sur cette élection, voir B. Sinogowitz, Uber das byzantinische Kaisertum nach dem Vierten Kreuzzug (...)
  • 19 Telle est aussi l’hypothèse de Polemis, Doukai, p. 195 n° 235, qui l’identifie peut-être au fils d (...)

9Le dénouement eut lieu le 12 avril 1204, non sans un ultime conflit pour un pouvoir impérial plein de périls. Alexis Mourtzouphlos avait quitté Constantinople, emmenant avec lui l’impératrice Euphrosynè épouse d’Alexis III et sa fille Eudocie, double atout pour la lutte prévisible après la chute de Constantinople ; s’il épousait Eudocie, il serait, lui aussi, rattaché à la dynastie des Anges et deviendrait un successeur potentiel d’Alexis III ; Euphrosynè était entre ses mains un otage important vis-à-vis de l’ancien empereur. La rivalité entre Constantin Lascaris et Constantin Doukas pour obtenir le pouvoir, alors que les Latins étaient déjà dans la ville, fut peut-être la dernière manifestation de l’opposition entre les deux branches de la dynastie Ange, celle qui préférait Isaac II et le parti favorable à Alexis. Constantin Lascaris18, frère du despote Théodore à ce moment parti de Constantinople, représentait l’entourage d’Alexis III. Constantin Doukas n’est pas identifiable de façon assurée, mais nous pensons qu’il appartenait aux Anges-Doukai du côté du sébastocrator Jean Doukas19. Étrangement, un représentant de la dynastie qui allait l’emporter en Orient était opposé à un membre de la lignée promise à dominer l’Occident. L’arrivée des Croisés ne permit pas à Constantin Lascaris de régner effectivement, car la population de Constantinople, en dépit de sa haine des Latins, n’était ni prête, ni apte à opposer une résistance acharnée.

Le triomphe éphémère des dynastes provinciaux

  • 20 Oikonomidès, Décomposition, p. 7-8 et 15-17.

10Jusqu’en juillet 1203, la dissidence était limitée à Sgouros en Occident et à Maggaphas en Orient. Avec la chute d’Alexis III, le mouvement s’étendit considérablement puisque cet empereur garda le contrôle d’un vaste territoire compris entre la Mer Noire et la Maritza à l’est et le Vardar à l’ouest, d’après la Partitio Romanie, ensemble qui allait constituer ultérieurement le “royaume de Thessalonique”20. Peut-on vraiment parler de dissidence à propos d’Alexis III, puisqu’en fait c’est Constantinople qui s’est éloignée de lui ?

  • 21 La délimitation du territoire de Sgouros vérifie la précision de la Partitio Romanie, où sont omis (...)
  • 22 Nicétas Chôniatès, Histoire, p. 638.
  • 23 MM IV, p. 345 et cf. f. d. 218.

11Le premier siège de la Reine des Villes encouragea l’apparition de nouveaux dynastes locaux et renforça ceux qui étaient déjà actifs. En Occident, Léon Sgouros osa attaquer Athènes puis Thèbes21. Un “toparque” tint les montagnes de Thessalie22, sans doute un Maliasènos23 ; l’information est confirmée par l’omission dans la Partitio Romanie de Trikala citée dans le chrysobulle de 1198.

  • 24 Oikonomidès, Décomposition, p. 19.
  • 25 Ibid., p. 21-28.
  • 26 Villehardouin II, p. 123 § 313.

12En Asie Mineure, la région pontique si souvent indocile à l’autorité constantinopolitaine, refusa une nouvelle fois de reconnaître l’empereur de la capitale, et cela avant même qu’Alexis et David Comnène, les petits-fils de l’ancien empereur Andronic, n’aient contrôlé Trébizonde en avril 1204, car la Partitio Romanie n’aurait pu tenir compte de faits contemporains de la seconde chute de Constantinople24. La deuxième lacune notable concerne un territoire bordant la mer de Marmara et s’étendant de Nicée à Abydos. N. Oikonomidès a démontré qu’il s’agissait de la région occupée par Théodore Lascaris, échappé de sa prison constantinopolitaine, sans doute à l’automne 120325. Lorsque le despote eut échoué à garder la capitale au nom de son beau-père redevenu libre, il se dirigea vers l’Orient puisqu’Alexis III tenait déjà l’Occident, selon une division logique des responsabilités, l’Occident contrôlé par l’empereur, l’Orient par son héritier. Villehardouin ne l’ignorait pas : “la terre de l’autre côté du bras avait pour seigneur un Grec qui s’appelait Toldre l’Ascre ; il avait pour femme la fille de l’empereur dont il revendiquait la terre”26.

  • 27 L’omission de la Crète est explicable par le don de l’île qu’Alexis IV avait accordée à Boniface d (...)
  • 28 Son nom n’apparaît qu’après avril 1204.

13La Partitio Romanie27 montre que Philadelphie, dont Maggaphas était le maître, Attaleia, probablement déjà dominée par l’Italien Aldebrand, et Rhodes, dont s’était emparé Léon Gabalas28, ne reconnurent pas Alexis IV. Maggaphas n’acceptait pas davantage Alexis III avant juillet 1203 ; la position des deux autres archontes entre 1203 et 1204 ne peut être définie ; à en juger cependant par leur attitude postérieure, hostile à Théodore Lascaris, ils ne reconnaissaient probablement alors ni l’une ni l’autre de ces deux autorités.

  • 29 En fait, si Constantin Lascaris obtint par tirage au sort le titre impérial, il n’en reçut pas les (...)

14La désintégration de l’Empire ne fut donc pas consommée avant avril 1204. Les provinces se partageaient entre les deux autorités légitimes, le nombre des vrais dissidents n’avait pas notablement augmenté, sauf peut-être en Asie Mineure. La chute d’Alexis IV et la prise de Constantinople allaient modifier les règles du jeu politique en supprimant toute référence à la capitale et en jetant sur les routes de l’exil d’autres empereurs, Alexis V, qui avait été couronné selon les règles, et Constantin Lascaris qui n’eut pas le temps de remplir toutes les formalités29.

  • 30 Ibid., p. 625.
  • 31 Akropolitès, p. 14.

15Le sort des provinces restées fidèles à Alexis IV constituait le principal enjeu immédiat de l’été 1204. À cette date, il n’était pas impensable de voir l’Occident uni sous la direction d’Alexis III et l’Orient sous son lieutenant Lascaris ; ainsi un Empire unique se serait-il reconstitué, qui aurait eu pour objectif la reconquête de la capitale. Nicétas Chôniatès dénonce le comportement égoïste des chefs byzantins, surtout en Asie. Ils se battaient entre eux et méconnaissaient les liens de parenté ; ils ne secouraient en aucune façon les villes d’Occident, préoccupés du seul choix de l’empereur : il y avait une polyarchie en Orient30. Georges Akropolitès confirme ce témoignage : dans la confusion qui suivit la prise de Constantinople, partout les gouverneurs ou les notables considérèrent comme un bien personnel les provinces dont ils avaient la charge, alors qu’ils étaient appelés par les habitants pour défendre leur province31.

  • 32 Nicétas Chôniatès, Histoire, p. 608.
  • 33 Villehardouin II, p. 81 § 272. Une partie de la suite d’Alexis V resta aux côtés d’Alexis III.

16Alexis III, seul basileus résidant en Occident, tenta d’en reprendre le contrôle complet. Thessalonique, la plus importante cité de l’Occident byzantin, lui avait conservé sa fidélité, à en juger d’après la Partitio Romanie, mais Alexis n’y séjournait point car il préférait demeurer plus près de Constantinople pour saisir les opportunités que pourrait présenter la situation fort agitée de la ville et surveiller la menace latine. Il élimina son rival potentiel Alexis Mourtzouphlos qui s’était posé en héritier en épousant Eudocie. Alexis III ne put accepter de se voir imposer un gendre ; il considéra le geste de Mourtzouphlos comme un crime de lèse-majesté et le punit comme tel en faisant aveugler le coupable32. La version de l’événement livrée par Villehardouin fait porter toute la responsabilité sur Alexis III, visant à préparer la conclusion que les Latins tirèrent de ce triste épisode : “ils (les Croisés) dirent bien que ces hommes (les Grecs) n’avaient pas droit de leurs terres quand ils se trahissaient si déloyalement l’un l’autre”33. Cela justifiait qu’Alexis III n’ait plus aucun droit à l’Empire. Puis, Alexis, ayant observé l’extension des territoires contrôlés par Sgouros qui atteignaient la Thessalie et avaient donc englobé la région de Volos et d’Halmyros, centre des propriétés de sa femme, l’impératrice Euphrosynè, estima utile de chercher l’alliance de ce dynaste. Tous deux en effet s’étaient opposés à l’administration d’Alexis IV. Alexis III donna donc en mariage à Sgouros sa plus jeune fille Eudocie ; par ce geste il lui confiait en quelque sorte la défense de l’Occident.

  • 34 Akropolitês , p. 8.
  • 35 Cf. f. d. n°° 209.
  • 36 Vie de sainte Théodôra, col. 904.

17Le territoire contrôlé par Alexis III était-il continu ? À Philippoupolis, au moins dans un premier temps, l’entrée de la ville avait été refusée à l’empereur34. Comme la Partitio Romanie invite à penser que cette cité n’était pas non plus ralliée à Alexis IV, elle fut autonome sous un autre dynaste, peut-être Alexis Aspiétès. L’avance latine vers l’ouest se heurta à la résistance d’un chef local, Sénachérim, à Xantheia35. Nicétas Chôniatès ne précise pas le statut de cet homme, dynaste indépendant, officier d’Alexis III, ou bien, à en croire une source tardive, stratège revenu de la région de Nicopolis d’Épire pour s’opposer à l’envahisseur36 ? En ce cas, qui l’aurait nommé ? Serait-il resté depuis l’époque d’Alexis III ou serait- ce l’un des gouverneurs de provinces nommés par Alexis IV, puisqu’en principe cette région, d’après la Partitio Romanie, lui était acquise ?

  • 37 Nicétas Chôniatès, Histoire, p. 612 ; Villehardouin II, § 309.
  • 38 Nicétas Chôniatès, Histoire, p. 605.

18Alexis III subit un double échec ; il n’obtint pas le ralliement de la partie la plus occidentale de l’Empire, et il dut s’enfuir devant Boniface de Montferrat durant l’automne 1204, abandonnant ses insignes impériaux au marquis qui les transmit à Baudouin de Constantinople. Alexis III ne pouvait plus après cette date être considéré comme un souverain légitime, d’autant plus qu’il se vit assigné à résidence à Halmyros, donc sous le contrôle d’une puissance étrangère37. En outre, le nouveau gendre d’Alexis, Sgouros, ne put tenir ce qu’il avait conquis et fut réduit à s’enfermer dans sa forteresse de l’Acrocorinthe38. Le rêve d’Alexis III de reconstituer l’Empire en Occident se révéla donc chimérique. La place était libre pour tous les prétendants.

  • 39 Villehardouin II, § 311.
  • 40 Ibid., § 269.
  • 41 Ibid., § 262 ; Nicétas Chôniatès, Histoire, p. 598 ; Akropolitês , p. 13 ; Ernoul, p. 377.
  • 42 Villehardouin II, § 279.
  • 43 Nicétas Chôniatès, Histoire, p. 598-599. Nicétas Chôniatès n’y voit qu’une ruse de Boniface. De fa (...)

19Baudouin, s’appuyant sur son titre impérial et surtout sur ses capacités militaires, attira les populations grecques, menacées par les attaques très meurtrières de Kalojean. Ainsi Rénier de Trit, l’homme de Baudouin envoyé à Philippoupolis, fut d’abord très volontiers reconnu comme “seigneur” par les gens du pays39. Le territoire dégagé autour de Constantinople durant l’été 1203 pour le compte d’Alexis IV passa sans difficulté aux mains de Baudouin, considéré comme le successeur des basileis puisqu’il tenait Constantinople40. Sans attendre le couronnement de Baudouin, Boniface de Montferrat, dont la famille avait des attaches anciennes avec l’Empire, épousa Marguerite de Hongrie, veuve d’Isaac II et donc impératrice41, s’introduisant, indirectement certes, au sein de la dynastie Ange. Lors du conflit avec Baudouin, les Grecs de Didymotique se tournèrent effectivement vers Boniface, grâce aux relations de l’impératrice et la ville lui fut rendue par un Grec42. Mieux encore, il n’hésita pas à désigner Manuel, fils d’Isaac II et de Marguerite de Hongrie, comme son héritier, dans l’espoir d’attirer les Byzantins43.

L’échec politique de l’aristocratie locale face aux nouveaux États

20Au milieu de tous les désordres engendrés par la multiplication des pouvoirs locaux, entre le printemps 1204 et la fin de 1205, émergèrent quatre regroupements de provinces dont les responsables prétendirent à l’Empire et à la reconquête de Constantinople ; ce furent les États du Pont, de Nicée, de Thrace et d’Épire, dont l’un, celui de Thrace, avorta avant même d’avoir pu s’établir solidement. L’existence de ces regroupements dépendait des rapports qu’entretinrent ceux qui les provoquaient avec le reste de l’aristocratie, tout particulièrement les dynastes locaux qui visaient à l’autonomie, et avec la population autochtone qu’ils prétendaient commander.

  • 44 Roger De Howden, Chronica, éd. Stubbs, Londres 1868-1871, p. 111-112 : “rex Angliae...confirmavit (...)
  • 45 Néophyte Le Reclus, RHC Historiens Grecs I, p. 560 : ceux-ci sont caractérisés par leur richesse ( (...)
  • 46 Nicétas Chôniatès, Histoire, p. 599. “Βαλδουίνος τοις Θεσσαλονικεϋσι πρόσισχε και γράμμα σφίσιν έρ (...)
  • 47 Tafel-Thomas, Urkunden II, p. 57.

21Les archontes n’adoptèrent pas une attitude uniforme, puisque les uns se rallièrent aux conquérants latins et d’autres se réfugièrent là où subsistait une autorité byzantine. En règle générale, ils souhaitaient comme la population de leur province, le maintien du statu quo ; ils cherchèrent en particulier la confirmation des impositions et des privilèges éventuellement obtenus auprès des empereurs byzantins. En Chypre, exemple précurseur, Roger de Howden rappelle que les gens de l’île après l’échec de leur résistance, acceptèrent la présence des Croisés latins en échange du maintien des lois et de l’organisation (leges et institutiones) qui les régissaient au temps de l’empereur Manuel44. En fait, les sources occidentales tendent toujours à surestimer le ralliement de l’aristocratie grecque pour des raisons politiques évidentes, et Néophyte le Reclus révèle qu’en réalité, bien des notables quittèrent l’île pour gagner des provinces de l’Empire ou Constantinople45. En 1204, à Thessalonique, les habitants demandèrent à Baudouin de confirmer par chrysobulle toutes les coutumes accordées à la ville46. Enfin dans l’île de Corfou conquise par les Vénitiens, ces derniers promirent de ne point changer le statut des personnes et de ne pas lever d’impôts supérieurs à ceux payés au temps des empereurs grecs47.

  • 48 D. Jacoby, Les archontes grecs et la fidélité en Morée franque, TM 2, 1967, p. 428 sq.
  • 49 Xérochoraphiou, p. 13-16.
  • 50 MM IV, p. 293.
  • 51 Patmos II, p. 139.
  • 52 MM IV, p. 217.
  • 53 Hélène Ahrweiler, La politique agraire des empereurs de Nicée, Byz. 28, 1958, p. 51-66, particuliè (...)
  • 54 Supra, p. 405.

22Ce désir de stabilité n’interdisait nullement de profiter de la destruction du système administratif central pour accaparer les biens détenus par l’État ou par des institutions religieuses constantinopolitaines ou provinciales. De nombreux archontes durent faire passer les terres confiées au titre de pronoiai pour des biens tenus en toute propriété48. Les paysans ne furent pas les derniers à s’approprier les terres d’autrui. En avril 1214 Théodore Lascaris écrivait à Sabbas Asidènos, pour obtenir la restitution au monastère de Hiéra des terrains situés dans le thème du Méandre et dont s’étaient emparés depuis plusieurs années les parèques du sébastoerator et ceux de Georges Phocas, beau-frère de ce dernier49. Le proasteion d’Alexandreion avait été arraché au couvent de Saint-Paul du Latros à l’époque où Sabbas exerçait le pouvoir50. Les monastères de Constantinople offrirent une proie de choix. Les parèques du couvent de Panachrantos en considérèrent les biens comme leurs terres propres51. Les habitants du village de Kyparission, dépendant de l’Église de Smyrne, s’étaient, en 1204, emparés de force du lieu-dit Dimosion, dont le nom traduit une probable appartenance au fisc52. Les exemples pourraient être aisément multipliés de transferts de propriétés au profit de paysans lors des troubles engendrés par la seconde chute de Constantinople, et non pas après la première53. Dans les autres régions de l’Empire où étaient attestés des biens importants de monastères ou de grandes familles de la capitale, comme dans le Péloponnèse, des phénomènes identiques durent se produire, dont l’absence de documents d’archives ne permet pas de rendre compte. Sans en avoir la preuve formelle, nous avons le sentiment que si les dynastes locaux n’étaient pas les premiers à se servir, ils encourageaient leurs paysans à usurper les biens ecclésiastiques, puisque dans les exemples précédents, les occupations de propriétés coïncidaient exactement, pour la région du Méandre, avec le territoire du dynaste autonome Sabbas Asidènos. Au début du xiiesiècle déjà, Constantin Gabras s’était forgé une armée fidèle dans le Pont, aux dépens des biens d’Église du thème de Chaldée54.

  • 55 Odon De Deuil, p. 104-106, notait qu’en Asie Mineure les paysans évacuaient le pays et se réfugiai (...)
  • 56 Les Arméniens, auxquels il faudrait ajouter les Popelicans à Philippoupolis, qui ne soutinrent pas (...)
  • 57 Villehardouin II, § 323.
  • 58 Ibid., § 486.

23Cette rapacité des provinciaux représentait en fait un avatar du sentiment d’hostilité à Constantinople dont nous avons relevé la montée avant 1203-1204. Mais pas plus qu’à la fin du xiie siècle, il ne signifiait que la population rurale était prête à se rallier aux maîtres étrangers de la ville. Depuis longtemps les paysans craignaient les Occidentaux, non pas les marchands avec lesquels ils pouvaient avoir des relations normales de commerce, mais les soldats des Croisades. Ceux-ci, avides de ravitaillement que leur nombre rendait difficile à assurer, s’emparaient du bétail et des récoltes des paysans55. Après 1204, à l’exception de certaines régions de Thrace, aucune province ne saurait être citée où la population rurale, n’étaient des éléments allogènes, ait bien reçu les Latins ou leurs concurrents bulgares56. Elle se rendait seulement lorsque tout espoir était perdu : lorsqu’Henri de Flandre fut vainqueur à Atramyttion, les Latins devinrent “très bien pourvus”, car les gens du pays commencèrent à leur apporter des produits de la terre57. Une défaite pouvait remettre en cause une soumission récente, comme l’éprouva Henri de Flandre qui “fit courir ses gens par le pays car les habitants s’étaient soulevés quand ils eurent ouï dire que Thierry de Los, le Sénéchal de Romanie, était pris, et ils prirent beaucoup de bestiaux et de prisonniers”58.

  • 59 Tafel-Thomas, Urkunden II, p. 31-34.

24Le pape Innocent III recommandait du reste, dans une lettre au patriarche latin de Constantinople, de se montrer très prudent à propos de la perception de la dîme pour les différents produits agricoles et de ne pas indisposer les paysans par des mesures coercitives59. La remarque pontificale laisserait à penser que l’opposition de la paysannerie byzantine s’appuyait davantage sur sa fidélité à l’orthodoxie religieuse que sur son attachement à un Empire décapité.

  • 60 Nicétas Chôniatès, Histoire, p. 637.

25Le comportement des archontes fut moins unanime, nous l’avons dit, puisque certains d’entre eux, en Occident, n’hésitèrent pas à brader leur patrie aux Latins60. Il faut donc chercher un principe d’explication à cette attitude hétérogène.

  • 61 Rappelons la liste : en Occident, Sgouros, Maliasènos (?), Chamarètos, Doxapatrès, l’anonyme de Mo (...)
  • 62 Les deux types de sceaux conservés de lui explicitent ses ambitions et l’idéal politique qui les f (...)
  • 63 Eustathe de Thessalonique , Espugnazione, p. 28. Le mariage eut lieu alors qu’Andronic était déjà (...)

26Alors qu’en 1204-1205, on avait pu compter jusqu’à quinze dynastes sans parler des Latins indépendants des Croisés, qui s’emparèrent aussi de lambeaux des territoires byzantins61, en 1211 il ne subsistait plus que trois territoires régis par un État susceptible de reconquérir la capitale perdue. Le premier d’entre eux, celui de Trébizonde, avait été fondé par les petits-fils d’Andronic Comnène, Alexis et David. Ce dernier s’empara facilement de la Paphlagonie, région où son grand- père avait trouvé les forces nécessaires à sa marche sur Constantinople, et manifesta des ambitions impériales62 brisées par Théodore Lascaris. Une partie de l’aristocratie le suivait dont un Synadènos ; or Marie, fille d’Andronic et tante de David, avait épousé Théodore Synadènos, et le partisan de David était peut-être leur fils63.

  • 64 Plousias, ville pourvoyeuse de guerriers, quitta son camp (Nicétas Chôniatès, Histoire, p. 641).

27David Comnène, d’abord très populaire en raison de ses succès, se tourna vers les Latins après avoir été vaincu par Lascaris, s’aliénant aussitôt la sympathie de beaucoup de ses partisans64, perdant toute chance d’entrer à Constantinople.

  • 65 Michel Chôniatès II, p. 150.

28La position de Lascaris était théoriquement beaucoup plus solide, puisqu’au moment où il s’installait en Orient, à l’automne 1203, il était l’héritier incontestable d’Alexis III. En Orient il argua, semble-t-il, de son titre de despote, si nous comprenons bien une lettre de Michel Chôniatès : “lorsque la Reine des Villes fut submergée par le flot des Latins, ce qui avait survécu de Byzance fut gouverné par Lascaris de manière despotique, c’est-à-dire paternelle, δεσποτικώς εϊτουν πατρικώς”65. Despotikôs dans ce contexte ne peut avoir qu’un sens élogieux et n’évoque donc pas la contrainte dont aurait usé Lascaris, mais la dignité, celle de despote, qui lui donnait autorité pour entreprendre la restauration de la “politeia romaine”.

  • 66 Nicétas Chôniatès, Orationes, p. 136.
  • 67 Idem, Histoire, p. 638.
  • 68 Xérochoraphiou, p. 14. Les liens entre Asidènos et Lascaris auraient été renforcés par un mariage (...)
  • 69 MM IV, p. 291.

29Prudents, les Nicéens ne voulurent pas risquer une guerre civile avec l’empereur de Constantinople, et tout en recevant l’épouse et les enfants de Lascaris, ils lui refusèrent d’utiliser leur ville comme centre de ses activités. Le gendre du basileus dut se livrer à une véritable tournée de propagande dans les provinces, réunissant la population, partageant ses repas avec les notabilités locales et recourant tantôt aux menaces, tantôt à la flatterie66. La puissance de Lascaris reposait donc dans un premier temps sur l’aristocratie de la région de Nicée, grâce à laquelle il put repousser et éliminer son rival Maggaphas, battre Sabbas Asidènos et Manuel Maurozômès soutenu par son gendre, le sultan d’Iconium, Kaykhusraw. Ses incontestables succès, considérablement grossis par Nicétas Chôniatès, aboutirent en fait à des compromis. Si Maggaphas disparut de la scène historique, Sabbas devint sébastocrator, Manuel Maurozômès obtint les villes de Laodicée et de Chônes ainsi que la région du Méandre67. Sous le règne de Lascaris, l’extension du titre de sébastocrator au-delà de son acception traditionnelle de frère de l’empereur, s’expliquerait par l’intégration d’un certain nombre de potentats locaux, tel Sabbas Asidènos68, dans la famille fictive de l’empereur, à l’instar d’un frère. Nous pensons que Nicéphore Kontostéphanos aurait obtenu ce titre pour la même raison69, et qu’il se serait établi quelque temps dans la vallée du Méandre là où sa famille tenait justement de vastes possessions.

  • 70 Il subit une grave défaite à Poimanénon, et son frère Constantin fut peut-être le vaincu d’Atramyt (...)
  • 71 Nicétas Chôniatès, Histoire, p. 636; lui-même était encore en Occident, à Sèlymbria au printemps 1 (...)
  • 72 Grumel, Régestes, n° 1202 ; Nicétas Chôniatès, Histoire, p. 633 ; Akropolitès, p. 11.
  • 73 Michel Chôniatès II, p. 354.
  • 74 Akropolitès, p. 14. La générosité de Michel Ange d’Épire n’était évidemment pas dénuée d’arrière-p (...)
  • 75 Akropolitès, p. 17.

30Théodore Lascaris ayant entrepris de constituer un État face aux Latins70 et face aux Turcs, assuma le titre de basileus en 1205, mettant à profit la capture d’Alexis III par Boniface et celle de l’empereur de Constantinople, Baudouin, par Kalojean. Il pouvait considérer qu’il disposait du soutien de l’armée et du Sénat puisqu’une grande partie des réfugiés de Constantinople avaient rejoint Nicée après une assez longue période d’hésitation71. Il ne se fit point couronner cependant, pour deux raisons. L’intronisation en dehors de Sainte-Sophie de Constantinople était inconcevable, et en 1205, après l’anéantissement d’une partie importante des forces latines, la reconquête de la capitale semblait un objectif réalisable à court terme. D’autre part, le patriarche Jean Kamatèros qui en avril 1204 avait fui la domination latine et refusait d’aller vers Nicée, s’était établi à Didymotique où il mourut en 1206. Sitôt connues de lui les intentions de Lascaris, il lui avait envoyé sa démission écrite72. À partir de cette date, Théodore se posa en successeur des basileis de Constantinople et Michel Chôniatès n’hésitait pas à le comparer à Basile II pour les empereurs modernes, et à Héraclius parmi les anciens73. Aussi l’inquiétude gagna- t-elle Lascaris, lorsqu’il apprit qu’Alexis III, racheté par Michel Ange d’Épire, était venu se réfugier auprès de son vieil ami, le sultan Kaykhusraw74. En effet, Alexis, fort mécontent de son gendre, accompagna le sultan lors de son invasion de la vallée du Méandre. Sa capture, après la mort du sultan, leva une sérieuse hypothèque pour Lascaris75.

  • 76 Nicétas Chôniatès, Histoire, p. 598 ; Villehardouin , § 269, § 311.
  • 77 Ibid., § 403, .Villehardouin précise que “le Vernas était un Grec qui s’était rangé de leur côté ( (...)

31La troisième entité territoriale prit forme en Thrace et en Macédoine dans les années 1204-1205, mais faute d’avoir pu durer, elle n’a pas retenu autant que les autres l’attention des historiens. La région d’Andrinople, patrie du fameux groupe des Macédoniens, le seul à maintenir sa spécificité à l’époque des Comnènes, fut l’un des points d’appui de cette ébauche d’État, dont Philippoupolis formait le centre de la défense face aux Bulgares. Juste après la prise de Constantinople, les villes de Thrace et de Macédoine, Andrinople, Didymotique, Philippoupolis reçurent des garnisons latines76. Les Grecs profitèrent de circonstances favorables, la querelle entre l’empereur Baudouin et Boniface de Montferrat et l’appui du bulgare Kalojean, se révoltèrent et s’emparèrent d’Andrinople, de Didymotique et de Philippoupolis évacuées par les Latins. Lorsqu’ils approchèrent de Constantinople, occupant Bizyè, Tzouroulos, Arkadioupolis, les Latins réagirent, reprenant ces villes sans toutefois pouvoir les tenir. Ainsi se dessinait progressivement un État, s’étendant de Philippoupolis à la Méditerranée et confinant les Latins à Constantinople et à sa banlieue, Sèlymbria et Raidestos. Nous ignorons dans une large mesure qui dirigeait les Grecs. À Philippoupolis, Alexis Aspiétès avait pris les insignes impériaux, indice clair que l’objectif du mouvement était bien la restauration de l’Empire à Constantinople. À Andrinople, toute l’aristocratie, sauf paraît-il Théodore Branas, soutenait cette tentative77.

  • 78 Nicétas Chôniatès, Histoire, p. 627. Après la mort d’Aspiétès ses partisans étaient pour la plupar (...)
  • 79 Villehardouin II, § 423 et § 441 ; Τafel-Thomas, Urkunden II, p. 18-19 ; Nicétas Chôniatès, Histoi (...)
  • 80 Τafel-Thomas, Urkunden II, p. 119-123.

32Quelles furent les raisons de l’échec ? La prétention à l’Empire d’Alexis Aspiétès, bien qu’il fût de sang Comnène, était moins fondée en droit que celle des Comnènes de Trébizonde ou de Lascaris. De plus, elle heurtait les ambitions de Kalojean, le tsar bulgare qui le supplicia cruellement lorsqu’il s’empara de Philippoupolis78. Le nouvel État était trop proche de Constantinople pour ne pas constituer le premier objectif des Latins, dont la puissance militaire en dépit du désastre d’Andrinople, excédait les possibilités de résistance des nouveaux territoires byzantins libres, pris isolément. L’absence de solidarité entre les Byzantins d’Occident et ceux d’Orient donna aux Latins le temps de réagir. Les Grecs ne purent donc se maintenir entre les Bulgares et les Latins et choisirent le camp qui leur promettait les meilleures chances de survie. Us traitèrent avec les Latins, usant du crédit dont jouissait auprès d’eux Théodore Branas. En 1206, le César Branas, époux de la soeur du roi de France, fut intégré au système féodal établi par les Latins79. La région d’Andrinople et de Didymotique, son fief, garda donc un chef grec et une certaine autonomie. Au reste, le traité avec les Vénitiens ne doit pas être interprété comme la fin de tout espoir de la part des Grecs de retrouver leur indépendance, puisque cinq ans plus tard, Michel Ange d’Épire n’hésita pas lui non plus à reconnaître la souveraineté vénitienne sur les territoires qu’il détenait80.

  • 81 Sur la question de l’origine du “despotat d’Épire” et la titulature de Michel Ange, L. Stiernon, L (...)
  • 82 C’est ce lien familial que retient Akropolitès (p. 13) pour le présenter.
  • 83 POLEMIS, Doukai, n° 45, p. 92.
  • 84 On admet généralement (BARZOS, Généalogie II, p. 673) qu’il s’agit d’Alexis III, mais en réalité A (...)
  • 85 Villehardouin II, § 301.
  • 86 MM IV, p. 345; Skoutariotès , p. 502.
  • 87 Nicol, Despotate, Appendix I, p. 215-216.

33Un dernier État se constitua, comme il est bien connu, dans la partie occidentale des Balkans. Nous ignorons pourquoi Michel Ange se dirigea vers Arta durant l’été 1204, abandonnant Boniface de Montferrat. Toutefois, comme il était le dernier à tenter sa chance, la route de l’Orient et de la Thrace lui était déjà fermée. En outre, ses parents dont sans doute son propre père, le sébastocrator Jean, possédaient de grands biens dans cette région dont les habitants pouvaient considérer cette branche des Doukai comme leurs protecteurs naturels. De fait le seul titre dont se prévalut Michel, se désignant toujours comme le fils du sébastocrator, fut cette paternité81, encore qu’il fût aussi cousin germain de l’empereur Alexis III82. À la différence de ses rivaux, les Comnènes de Trébizonde appuyés par les Géorgiens ou Lascaris soutenu à ses tout débuts par les Turcs et l’aristocratie thrace hésitant entre Bulgares et Latins, Michel Ange n’apparaît pas comme la créature d’un ennemi des Grecs, facteur tout à fait favorable ; il comprit immédiatement qu’il ne pourrait pas s’imposer sans rallier l’aristocratie locale, par le seul moyen à sa disposition, les alliances matrimoniales. Lorsqu’il vint à Arta, “il épousa la fille d’un grec puissant”, un Mélissènos probablement83, “qui tenait la terre de par l’empereur84 et s’empara de celle-ci”85. Quelques années plus tard lorsqu’il s’étendit vers la Thessalie, il donna en mariage sa fille, ou sa soeur86, Marie, à Constantin Maliassènos-Doukas-Bryennios, le plus riche des Thessaliens, chassé par la conquête latine. Michel Ange maria également son demi- frère et futur successeur Théodore Ange Doukas à une Pétraliphaina, issue d’une puissante famille de sang impérial qui avait, semble-t-il, des intérêts en Épire87.

  • 88 Ibid., p. 17.
  • 89 Chômatianos, col. 90.
  • 90 Nicol, Despotate, p. 26.

34Si nous observons l’extension de l’État de Michel Ange jusqu’à ce que sa défaite dans le Péloponnèse l’ait obligé à quitter la presqu’île, nous constatons qu’il coïncidait avec la partie de l’Empire qui avait constitué, selon la Partitio Romanie, la Byzance collaboratrice, celle ralliée, pas toujours sous la contrainte, à Alexis IV, créature des Croisés. Ainsi Michel Ange s’assura rapidement l’île de Corfou et Dyrrachion qui avaient tant de fois trahi en faveur de l’Occident. Ces franges de l’Émpire semblaient prêtes à se donner à un chef grec pourvu qu’il les protégeât. Les Chamarétoi, maîtres d’une partie du Péloponnèse, quittèrent la région pour se réfugier auprès de Michel Ange quand ils ne purent s’opposer efficacement aux Latins. Au nord de ces États, Michel Ange s’assura l’amitié des princes albanais, Ghin, puis son frère Dèmètrios, détenteurs de l’Arbanon et de la forteresse de Kruja88. Comme Lascaris en Orient, et peut-être plus généreusement encore, les maîtres de l’Épire accordèrent des titres très élevés à ceux qui leur firent soumission. Jean Chamarétos était despotès’89, l’Albanais Dèmètrios, grand archonte et panhypersébaste90.

35L’État épirote ne fut pas, comme les deux autres épigones de l’Empire, ceux de Trébizonde et de Nicée, le siège d’un empereur, du moins pas avant que Théodore, successeur de Michel Ange ne s’emparât de Thessalonique et crût Constantinople accessible. Cet État n’était pas un despotat, comme il a déjà été montré, parce que Michel Ange ne fut jamais titré despote. Quand même il l’eût été, l’idée d’Empire unique n’était pas morte en 1204 car la reconquête semblait proche. Ainsi Théodore Lascaris, authentique despote, n’eut jamais à l’esprit de fonder un “despotat”, mais lorsque l’idée d’une proche reprise de Constantinople s’estompa, il fallut bien mettre en place les institutions permettant la survie de l’idée d’Empire.

  • 91 Nicétas Chôniatès, Orationes, p. 131.

36La multiplication des pouvoirs locaux entre 1203 et 1206, surtout, répétons- le, après avril 1204, montra à la fois la puissance et les limites de l’aristocratie provinciale : sa puissance, car aucun de ceux qui reconstituèrent un État n’y parvint sans composer avec elle ; ses limites car aucun de ces notables ne put s’imposer durablement, même lorsqu’ils avaient assis de longue date leur puissance régionale, tels Sgouros ou Maggaphas. L’Empire s’héritait, quoiqu’en dise Nicétas Chôniatès91, par le sang, celui des Comnèno-Doukai, dont tous les nouveaux chefs d’États étaient issus. Mieux encore, à l’exception des Comnènes de Trébizonde, ils se définirent par rapport au dernier empereur couronné hors de toute pression étrangère, Alexis III, tant était devenu fort le sentiment de la légitimité dynastique, en dépit du discrédit des Anges. Il y aurait eu de bonnes chances pour que Théodore Lascaris succédât à Alexis III. La conquête latine en ce domaine a compliqué la passation du pouvoir, mais n’a pas fait intervenir de modification fondamentale ; l’organisation sociale établie sous les Anges avec ses familles dominantes était déjà largement celle des Paléologues.

Notes

1 Nicétas Chôniatès, notre meilleure source, se montre très partial en faveur de Théodore Lascaris dont il attend des bienfaits ; il a peint complaisamment toutes ses actions, et noirci par contraste celles de ses rivaux, dont au premier chef Alexis III.

2 Villehardouin I, § 110-113. Le métropolite de Corfou reçut plutôt mal les prélats occidentaux et il s’ensuivit une attaque de la population contre la flotte croisée. Les représentants de l’Église se distinguèrent toujours par leur rôle actif et légitimiste en cette période de troubles, Anonyme D’halbertstadt, éd. Riant, Exuviae, p. 14.

3 Villehardouin I, § 123, 125.

4 Nicétas Chôniatès (Histoire, p. 546) confirmé par Villehardouin I, p. 137-139. Les Croisés disposaient de six batailles, les Grecs de quarante, chacune supérieure en nombre à la plus importante des batailles croisées.

5 Nicétas Chôniatès, Histoire, p. 547.

6 Nicétas Chôniatès (ibid. p. 547), accusant Alexis III de fuite sous l’effet de la panique, reconnaît que l’empereur avait préparé sa venue à Débeltos, ce qui exclut l’improvisation.

7 Alexis Paléologue qui le précédait dans l’ordre de succession était décédé à cette date (Akropolitès, p. 9).

8 Nicétas Chôniatès, Histoire, p. 546. Le frère de Théodore, Constantin, fut capturé au cours d’une sortie, Tafel-Thomas, Urkunden, Chronicon Gallicum ineditum, I, p. 346.

9 Nicétas Chôniatès, Histoire, p. 550. Sur l’emprisonnement de Théodore Lascaris, Idem, Orationes I, p. 126 et le commentaire d’Oikonomides, Décomposition, p. 23-24: Lascaris échappa au nouvel Hérode. La comparaison avec Hérode était d’autant plus justifiée que ce prince, présenté comme le modèle du collaborateur avec l’ennemi de sa nation, les Romains, symbolisait Alexis IV s’appuyant sur les Croisés.

10 Le précédent de Romain IV Diogénès ne serait pas pertinent car il n’était qu’un co-empereur. En outre, tombé aux mains de l’ennemi, il perdait de ce fait sa légitimité.

11 Toutes références dans Oikonomidès , Décomposition, p. 3-13.

12 Parmi les incidents révélateurs de cet état d’esprit, le plus porteur d’avenir fut le pillage de la mosquée de Constantinople par des Latins à la recherche de butin. Dans la rixe qui opposa Latins et Sarrasins, les Grecs se rangèrent du côté des Sarrasins contre les Latins, en dépit de leur communauté de religion, Nicétas Chôniatès, Histoire, p. 553.

13 Chronique de Novgorod, p. 307 : “Tous désiraient Radènos, mais lui refusait le trône”. Cf. f. d. n° 201.

14 Cf. f. d. n° 202.

15 Akropolitès, p. 7 ; Nicétas Chôniatès, Histoire, p. 563.

16 Robert de Clari, p. 58, éd. Mac Neal, New-York 1936, p. 85.

17 Alexis V confisqua les biens des sébastocrators et des Césars pour renflouer les caisses vides de l’État, Nicétas Chôniatès, Histoire, p. 566.

18 Sur cette élection, voir B. Sinogowitz, Uber das byzantinische Kaisertum nach dem Vierten Kreuzzuge (1204-1205), BZ 45, 1952, p. 345-356.

19 Telle est aussi l’hypothèse de Polemis, Doukai, p. 195 n° 235, qui l’identifie peut-être au fils du sébastocrator Jean Doukas, porteur du même prénom.

20 Oikonomidès, Décomposition, p. 7-8 et 15-17.

21 La délimitation du territoire de Sgouros vérifie la précision de la Partitio Romanie, où sont omises Nauplie, Argos, Corinthe et Thèbes, mais où sont conservées Athènes que Sgouros n’avait pu conquérir, et Lacédémone qui ne lui appartint jamais.

22 Nicétas Chôniatès, Histoire, p. 638.

23 MM IV, p. 345 et cf. f. d. 218.

24 Oikonomidès, Décomposition, p. 19.

25 Ibid., p. 21-28.

26 Villehardouin II, p. 123 § 313.

27 L’omission de la Crète est explicable par le don de l’île qu’Alexis IV avait accordée à Boniface de Montferrat, et ne préjuge pas de la situation réelle de ce territoire.

28 Son nom n’apparaît qu’après avril 1204.

29 En fait, si Constantin Lascaris obtint par tirage au sort le titre impérial, il n’en reçut pas les insignes, Nicétas Chôniatès, Histoire, p. 572.

30 Ibid., p. 625.

31 Akropolitès, p. 14.

32 Nicétas Chôniatès, Histoire, p. 608.

33 Villehardouin II, p. 81 § 272. Une partie de la suite d’Alexis V resta aux côtés d’Alexis III.

34 Akropolitês , p. 8.

35 Cf. f. d. n°° 209.

36 Vie de sainte Théodôra, col. 904.

37 Nicétas Chôniatès, Histoire, p. 612 ; Villehardouin II, § 309.

38 Nicétas Chôniatès, Histoire, p. 605.

39 Villehardouin II, § 311.

40 Ibid., § 269.

41 Ibid., § 262 ; Nicétas Chôniatès, Histoire, p. 598 ; Akropolitês , p. 13 ; Ernoul, p. 377.

42 Villehardouin II, § 279.

43 Nicétas Chôniatès, Histoire, p. 598-599. Nicétas Chôniatès n’y voit qu’une ruse de Boniface. De fait, lorsque son fils Dèmètrios lui naquit de Marguerite, il en fit son héritier à la place de Manuel.

44 Roger De Howden, Chronica, éd. Stubbs, Londres 1868-1871, p. 111-112 : “rex Angliae...confirmavit illis leges et institutiones quas habebant tempore Manuelis imperatoris Constantinopolitani”.

45 Néophyte Le Reclus, RHC Historiens Grecs I, p. 560 : ceux-ci sont caractérisés par leur richesse (πλούσιοι), ce qui ne permet pas de déterminer s’il s’agissait d’aristocrates ou de marchands aisés.

46 Nicétas Chôniatès, Histoire, p. 599. “Βαλδουίνος τοις Θεσσαλονικεϋσι πρόσισχε και γράμμα σφίσιν έρυθρόγραφον ένεχείρισε πάσι τοις έθίμοις irj πόλει τό εμπεδον χαριζόμενον”.

47 Tafel-Thomas, Urkunden II, p. 57.

48 D. Jacoby, Les archontes grecs et la fidélité en Morée franque, TM 2, 1967, p. 428 sq.

49 Xérochoraphiou, p. 13-16.

50 MM IV, p. 293.

51 Patmos II, p. 139.

52 MM IV, p. 217.

53 Hélène Ahrweiler, La politique agraire des empereurs de Nicée, Byz. 28, 1958, p. 51-66, particulièrement p. 56 où est analysé le sort des biens possédés par Sainte-Sophie.

54 Supra, p. 405.

55 Odon De Deuil, p. 104-106, notait qu’en Asie Mineure les paysans évacuaient le pays et se réfugiaient sur des embarcations où, ainsi protégés, ils vendaient fort cher leurs denrées. Lors de la Troisième Croisade, les tractations entre les paysans de Thrace et l’empereur Frédéric Barberousse aboutirent à des restitutions de chevaux pris par les Croisés, ANSBERT, p. 56. Dans les montagnes d’Asie Mineure, les Croisés furent dévalisés par des bandits grecs, Historia Peregrinorum, MGH V, p. 153.

56 Les Arméniens, auxquels il faudrait ajouter les Popelicans à Philippoupolis, qui ne soutinrent pas Aspiétès contre Kalojean, Villehardouin II, § 400. On s’interroge toujours sur la nature de ces Popelicans, Pauliciens ou Bogomiles sans doute.

57 Villehardouin II, § 323.

58 Ibid., § 486.

59 Tafel-Thomas, Urkunden II, p. 31-34.

60 Nicétas Chôniatès, Histoire, p. 637.

61 Rappelons la liste : en Occident, Sgouros, Maliasènos (?), Chamarètos, Doxapatrès, l’anonyme de Modon, Sénachérim, Michel Ange-Doukas, Alexis Aspiétès et dans une certaine mesure, Théodore Branas; en Orient, Maggaphas, Alexis et David Comnène, Théodore Lascaris, Gabalas, Sabbas Asidénos, Nicéphore Kontostéphanos, Manuel Maurozômès ; pour les Latins, Aldebrand à Attaleia, Vétrano à Corfou, Pescatore, comte de Malte, en Crète.

62 Les deux types de sceaux conservés de lui explicitent ses ambitions et l’idéal politique qui les fondait. Le premier dans l’ordre chronologique est au motif de saint Eleuthère : + Δαβίδ Κομνηνού πορφυροβλάστου λόγους ’Ελευθέριος προσκυροΰ, Θεού θύτης (LAURENT, Vatican, n° 178). Le choix du motif n’était pas innocent, saint Eleuthère ne fut pas retenu parce qu’il était le patron des femmes enceintes, mais pour la valeur symbolique de son nom. D’après le fichier de V. Laurent, un sceau de la collection Diamanti au même motif aurait appartenu à un Gabras. Le second sceau, au motif du roi David, qualifie David de βασιλέγγονος (Zacos-Veglery, sceau n° 2754). Il affirmait ainsi ses droits à l’Empire parce qu’il avait pour grand-père un empereur.

63 Eustathe de Thessalonique , Espugnazione, p. 28. Le mariage eut lieu alors qu’Andronic était déjà maître de Constantinople. Le stratège de David Comnène était encore tout jeune (Nicetas Choniates, Orationes, p. 136).

64 Plousias, ville pourvoyeuse de guerriers, quitta son camp (Nicétas Chôniatès, Histoire, p. 641).

65 Michel Chôniatès II, p. 150.

66 Nicétas Chôniatès, Orationes, p. 136.

67 Idem, Histoire, p. 638.

68 Xérochoraphiou, p. 14. Les liens entre Asidènos et Lascaris auraient été renforcés par un mariage qui fit du second le συμπένθερος du premier, à moins que cette parenté n’ait été fictive.

69 MM IV, p. 291.

70 Il subit une grave défaite à Poimanénon, et son frère Constantin fut peut-être le vaincu d’Atramyttion face à Henri de Flandre. Le témoignage de Villehardôuin II, § 322-323 est contredit par Nicétas Chôniatès, Histoire, p. 603, qui nomme Théodore Maggaphas comme chef de l’armée battue à Atramyttion. Est-ce une manipulation de Nicétas, si favorable à Lascaris, pour rejeter sur Maggaphas un épisode peu glorieux de la lutte contre les Latins ?

71 Nicétas Chôniatès, Histoire, p. 636; lui-même était encore en Occident, à Sèlymbria au printemps 1205.

72 Grumel, Régestes, n° 1202 ; Nicétas Chôniatès, Histoire, p. 633 ; Akropolitès, p. 11.

73 Michel Chôniatès II, p. 354.

74 Akropolitès, p. 14. La générosité de Michel Ange d’Épire n’était évidemment pas dénuée d’arrière-pensées. Sur ce point, voir en dernier lieu Loenertz, Origines, p. 375-376.

75 Akropolitès, p. 17.

76 Nicétas Chôniatès, Histoire, p. 598 ; Villehardouin , § 269, § 311.

77 Ibid., § 403, .Villehardouin précise que “le Vernas était un Grec qui s’était rangé de leur côté (le côté des Latins) et aucun des Grecs n’était de leur côté que celui-là”.

78 Nicétas Chôniatès, Histoire, p. 627. Après la mort d’Aspiétès ses partisans étaient pour la plupart prêts à suivre Théodore Branas.

79 Villehardouin II, § 423 et § 441 ; Τafel-Thomas, Urkunden II, p. 18-19 ; Nicétas Chôniatès, Histoire, p. 642. Les Croisés prenaient en considération le mariage de Branas avec Agnès de France (Villehardouin II, § 403, § 423), alors que cette dernière, arrivée toute jeune en 1180 à Constantinopole, n’avait pas manifesté la moindre sympathie envers eux en 1204 (ibid. I, § 249).

80 Τafel-Thomas, Urkunden II, p. 119-123.

81 Sur la question de l’origine du “despotat d’Épire” et la titulature de Michel Ange, L. Stiernon, Les origines du despotat d’Épire, REB 17, 1959, p. 90-126 et Loenertz, Origines, p. 360-395. Parmi les sceaux conservés attribuables à Michel Ange Doukas, nous pensons qu’il utilisa pendant l’exercice du pouvoir le plomb où il rappelle son ascendance, Laurent, Bulles Métriques, n° 475.

82 C’est ce lien familial que retient Akropolitès (p. 13) pour le présenter.

83 POLEMIS, Doukai, n° 45, p. 92.

84 On admet généralement (BARZOS, Généalogie II, p. 673) qu’il s’agit d’Alexis III, mais en réalité Alexis IV n’est pas exclu puisque, selon la Partitio Romanie, cette région lui payait l’impôt.

85 Villehardouin II, § 301.

86 MM IV, p. 345; Skoutariotès , p. 502.

87 Nicol, Despotate, Appendix I, p. 215-216.

88 Ibid., p. 17.

89 Chômatianos, col. 90.

90 Nicol, Despotate, p. 26.

91 Nicétas Chôniatès, Orationes, p. 131.

© Éditions de la Sorbonne, 1996

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