Pouvoir et contestations à Byzance (963-1210)
|Troisième partie. Interprétation des révoltes
Chapitre II. À la recherche d’un nouvel équilibre (1028-1081)
Texte intégral
La légitimité par les femmes
- 1 Cf. f. d. n° 56.
- 2 Cf. f. d. n° 63.
1En 1028, les filles de Constantin VIII héritèrent du pouvoir sans la moindre contestation, Romain Argyre, époux de l’aînée, Zôè, exerçant le pouvoir effectif. Les princesses porphyrogénètes jouissaient d’une popularité remarquable à Constantinople où la foule prit leur défense lorsqu’elle les crut menacées. Michel V perdit son trône pour avoir écarté du palais impérial Zôè1 et Constantin Monomaque faillit connaître un sort identique lorsqu’il favorisa trop ouvertement sa maîtresse, Marie Sklèraina2. Cependant la compétition pour le pouvoir fut ouverte de fait lorsqu’il devint évident qu’elles n’auraient pas d’héritier. Tant qu’elles vivaient, il fallait respecter leurs droits en se faisant épouser ou adopter pour légitimer la prise du pouvoir.
- 3 Les Diogénai étaient apparentés aux Phocas, Léon Diacre, p. 120.
- 4 L’état d’esprit de Tornikios et de ses hommes nous est connu, non seulement par les chroniqueurs, m (...)
2Les partis en présence continuaient dans une large mesure ceux du siècle précédent. En Asie Mineure, s’opposaient les partisans d’une armée nationale, favorables à une expansion de l’Empire ; ils se recrutaient dans le centre de l’Anatolie, principalement en Cappadoce, et se reconnaissaient pour chefs les Diogènai qui poursuivaient l’attitude traditionnelle des Phocas3. D’autres qui se regroupèrent autour des Comnènes et des Doukas préféraient une armée de mercenaires, moins nombreuse mais jugée plus efficace, tout en souhaitant limiter les dépenses militaires ; par certains aspects, nous verrons qu’ils trouvèrent des soutiens dans les provinces où jadis les Sklèroi avaient obtenu les leurs. En Occident, la faction macédonienne était désormais solidement implantée autour d’Andrinople. Ses chefs souhaitaient également accroître l’Empire par des guerres victorieuses, en s’appuyant sur des soldats recrutés localement4. Tous ces groupes accordaient à la défense de leurs biens fonciers une attention prioritaire, les Macédoniens de Tornikios et de Batatzès en 1047, lorsque les Petchénègues menaçaient la Thrace et la Macédoine, et les Cappadociens en 1067, lorsque les Turcs parcouraient leurs propriétés.
3À Constantinople, des factions s’opposent, soutenant les prétentions de l’un ou l’autre des clans orientaux, alors que les Macédoniens ne disposaient pas de tels appuis. Les dirigeants de ces factions de la capitale ainsi que leurs motivations nous échappent en grande part.
4Les rivalités d’intérêts de ces groupes provoquèrent le retour aux grandes “tyrannies” qui, à partir des années 1040, rythmèrent tous les 10 ans (1047, 1056- 1057, 1067-1068, 1077-1078, 1081) la vie politique. Les ambitions et les inimitiés personnelles entrèrent également en ligne de compte, brouillant parfois notre classement en grandes factions. Ainsi chez les Macédoniens, après l’éclipsé des Tornikioi et des Batatzai consécutive à leur échec de 1047, les deux familles prédominantes s’opposèrent systématiquement. En 1056, Bryennios tenait pour Isaac Comnène, Basile Tarchaneiôtès pour Michel VI ; en 1071, Nicéphore Bryennios était proche de Romain IV, alors que Joseph Tarchaneiôtès soutenait les Doukas ; son fils, Katakalôn, défendit Michel VII contre Bryennios en 1077 jusqu’à ce qu’un mariage le ralliât à ce dernier.
- 5 Cf. supra, p. 275.
5Deux nouveautés marquèrent la décennie 1040, l’apparition de familles civiles et celle des Macédoniens parmi les postulants au trône. Le complot fomenté par Michel Cérulaire, son frère et Jean Makrembolitès, durant l’été 1040, n’est guère éclairé ni par l’éloge du patriarche, ni par son acte d’accusation, composés ultérieurement par Psellos ; tout juste perçoit-on que les conjurés partageaient avec l’aristocratie militaire un certain mépris envers Michel IV et les siens, famille de parvenus, tant le préjugé de la naissance restait enraciné au cours du xie siècle. Cet événement met en avant deux familles, adversaires de Michel IV, qui constituèrent autour d’elles à Constantinople une véritable faction par la somme des alliances directes ou indirectes qu’elles contractèrent avec toutes les familles impériales de ce siècle5.
- 6 Il est vrai que nous ne connaissons pas les officiers supérieurs qui secondèrent Maniakès, mais s’i (...)
6Des deux rébellions militaires qui ménagèrent Constantin Monomaque, celle de Georges Maniakès en 1042-1043 et celle de Léon Tornikios quatre ans plus tard, la plus significative pour l’avenir de l’Empire fut la seconde. L’attaque de Maniakès fut provoquée par l’ambition d’un stratège dont les brillantes victoires avaient suscité un attachement très profond chez ses hommes, mercenaires étrangers ou tagmata d’élite, probablement orientaux. Mais il ne s’appuya pas sur un parti6, ses hommes ne l’incitèrent pas à prendre les armes contre l’empereur mais se rallièrent à lui et Maniakès compléta ses troupes en faisant largement appel aux mercenaires latins. Il se heurta à l’armée d’Occident qu’il vainquit, puis aux troupes du sébastophore Etienne composées partiellement de mercenaires, mais aussi des troupes d’Orient qui ne servaient pas en Italie. La mort de Maniakès suffit à supprimer instantanément tout désordre.
- 7 Cette démobilisation n’était pas nécessairement un licenciement définitif, car les soldats rentraie (...)
- 8 Nous ignorons les raisons de ce prestige de Léon Tornikios. Était-il dû à une prééminence de la lig (...)
7Les soldats macédoniens qui soutinrent Tornikios reprochaient à Monomaque deux objectifs suceptibles de léser leurs intérêts : son refus de détruire les Petchénègues, son désir de faire campagne en Orient. Ainsi le mouvement déclenché par Tornikios s’éclaire nettement ; des mécontents, presque tous soldats originaires de la même région, démobilisés7 de surcroît, réunis autour d’un chef charismatique8, profitèrent d’une situation favorable - Constantinople était dégarnie de troupes - pour faire prévaloir leurs vues.
- 9 G. Dagron a souligné, dans son commentaire du Traité sur la guérilla (p. 255) que le phénomène est (...)
- 10 Une lettre de Mauropous (Lagarde, n° 125) témoigne des discussions à propos des châtiments à inflig (...)
- 11 Polys et Strabomytès, anciens compagnons de Tornikios, trouvèrent la mort en combattant les Petchén (...)
8L’empereur eut dans les deux crises la ressource d’opposer les troupes d’Orient à celles d’Occident, preuve de l’évolution divergente des traditions militaires des deux groupes9. Il jouit aussi de la sympathie de la population de la capitale. À vrai dire, Maniakès n’eut pas le temps d’approcher assez la ville pour que les habitants fussent contraints de manifester leur volonté réelle, mais leur hostilité envers Tornikios est certaine, même si quelques-uns des plus riches songèrent, après la victoire de l’usurpateur, à se rallier pour sauvegarder leurs biens, attitude naturelle à ce stade d’une révolte, qui ne dénote en rien les sentiments profonds des individus. En 1047, Constantin IX condamna sévèrement les chefs, Léon Tornikios et Jean Batatzès, en les faisant aveugler, mais se montra clément envers la troupe et les officiers car il savait qu’il aurait encore besoin d’eux10. Cette politique fut couronnée de succès puisque Monomaque acheva son règne sans connaître d’autre opposition et fut servi fidèlement par l’armée d’Occident lorsqu’il fut contraint de combattre les Pétchénègues trop indociles11.
Les nouveaux acteurs : les Comnènes et les Doukai
9La crise de 1056-1057 se révèle la plus éclairante, car l’abondante proso- pographie tant des participants que des opposants permet de cerner les factions en présence, et reflète non seulement la situation politique de ces deux années, mais explique largement les luttes du quart de siècle précédent.
- 12 Skylitzès p. 487. Kékauménos, d’une naissance plus modeste que Comnène, estima probablement que ses (...)
- 13 Psellos, Chronographie II, p. 136. Par ailleurs (ibid., p. 85), Psellos affirme qu’Isaac fit l’unan (...)
- 14 Toutes les données sont fournies par Skylitzès, p. 492-493 ; cf. f. d. n° 80.
10Lorsque certains généraux décidèrent de s’opposer par la force à Michel VI, après avoir tenté à deux reprises d’obtenir satisfaction par la négociation, ils cherchèrent un chef digne de les mener. D’après Skylitzès et Psellos, trois noms furent avancés, ceux de Kékauménos, d’Isaac Comnène et de Constantin Doukas. Kékauménos déclina l’offre au profit de Comnène12. Un accord aurait été conclu avec Constantin Doukas : ce dernier aurait cédé la place à Isaac en échange du second rang dans l’Empire, souligné par la dignité de César13. La répartition des troupes à la bataille de Nicée révèle les divisions du stratiôtikon en 1057. Le plan de bataille peut être ainsi schématisé14.
11Du côté des rebelles se tenaient :
12Leur faisaient face les impériaux :
- 15 Barzos, Généalogie I, n° 4 et n° 6 ; ces notices sont inexactes (aucune source ne nous informe qu’I (...)
- 16 Bryennios, p. 75-77.
- 17 Ibid., p. 77.
- 18 Il put être catépan soit avant Michel Iasitès et Katakalôn Kékauménos (avant 1038), soit après eux (...)
- 19 Psellos, Chronographie II, p. 84 ; Michel VI accusa Isaac d’avoir failli perdre la ville d’Antioche (...)
- 20 Son sceau de stratopédarque nous est parvenu, Zacos-Veglery, sceau n° 2680.
- 21 Ils avaient gardé quelque lien avec la ville de Kastamôn où leur père Manuel possédait une résidenc (...)
13Qui étaient les officiers rebellés et quels liens les unissaient eux et leurs complices de Constantinople ? Isaac Comnène et son frère Jean qui partagea fidèlement sa destinée étaient fils de Manuel Erôtikos15. Leur père était décédé dans leur prime jeunesse, aussi l’empereur Basile II prit en charge leur éducation et les fit entrer dans les hétairies impériales16 ; puis Isaac, le seul sur lequel nous ayons des informations, exerça des commandements provinciaux17 ; patrice, il fut catépan d’Ibérie18, peut-être duc d’Antioche ensuite19, et en 1055, alors magistre, il fut destitué de sa charge de stratopédarque d’Orient20. Nous ne saurions donc le qualifier de représentant des grandes familles provinciales traditionnellement opposées au pouvoir central, puisqu’il vécut longtemps dans la capitale21 sous la protection de Basile II.
- 22 Les rebelles, lors des négociations avec l’empereur, furent intraitables sur leur exigence du renvo (...)
- 23 IDEM, MB IV, p. 361, a rappelé dans son éloge de Cérulaire, que “les militaires souffraient de voir (...)
- 24 Parmi les stratèges partisans de Comnène, Léon Antiochos, tué à la bataille de Nicée, était peut-êt (...)
14Le point le plus notable de sa carrière est cette destitution sous le règne de Théodôra qui illustre un remaniement du haut commandement, poursuivi par Michel Stratiôtikos. Il faut y voir la main du principal ministre, Léon Paraspondylès, responsable des affaires sous Théodôra qui le légua à Michel22. Parmi les autres conjurés, Bryennios avait subi le même sort, aggravé par l’exil et la confiscation de ses biens, Kékauménos avait perdu le commandement du duché d’Antioche. Michel Bourtzès, Romain Sklèros, Nicéphore Botaneiatès, les fils de Basile Argyros, qui rejoignirent précipitamment Comnène à Kastamôn à la nouvelle de l’arrestation de Bryennios, n’avaient pas de troupes sous leurs ordres et étaient donc, eux aussi, en disponibilité23. Tous ces stratèges avaient longtemps servi sous Monomaque24.
- 25 Mansi, PG 120, col. 741 (1054).
- 26 Sceau IFEB n° 840.
- 27 Nicolas, sous Romain III, laissa perdre la forteresse de Berkri (Skylitzès, p. 388) ; Théodore, cor (...)
15Parmi ceux qui proclamèrent Isaac à Sainte-Sophie, figurent en dehors du patriarche Cérulaire, des militaires et des civils, Michel, fils d’Anastase, Théodore Chrysèlios, Christophore Pyrrhos. Michel fut l’un des généraux préférés de Constantin IX qui lui confia la responsabilité du thème du Paristrion, en dépit de la sévère défaite subie devant les Serbes. Christophore Pyrrhos reste inconnu, mais sa famille fournit au xie siècle le traducteur de la lettre d’excommunication du synode de 105425 ; une fois encore il s’agissait d’une famille au service de Monomaque. Théodore Chrysèlios, parent (fils ?) du dynaste de Dyrrachion qui livra la ville à Basile II, était peut-être juge, si le sceau inédit26 de Théodore Chrysèlios, protospathaire, mystographe, juge du Velum et des Arméniaques lui appartient. Les autres Chrysèlioi connus au xie siècle furent des militaires27. Classer ces trois personnages dans une catégorie précise, civile ou militaire, est bien embarrassant ; l’un d’eux au moins, Michel, faisait partie, pensons-nous, des généraux de Constantin IX mis à l’écart par Paraspondylès, mais séjournait dans la capitale et non pas en province comme ses autres collègues. Constantin Doukas, dont nous ne savons rien, était probablement dans la même situation.
- 28 Aucun autre Lykanthès n’est actuellement connu, ni dans les sources byzantines, ni par la sigillogr (...)
16Nous ignorons en grande partie quel personnel militaire prit la relève des généraux limogés par Michel VI ou plutôt par Théodôra. En Occident, il semble qu’un Macédonien plus fidèle, Tarchaneiôtès, en ait remplacé un autre (Bryennios). En Orient, nous ne disposons que de deux noms, ceux de Pnyemios et de Lykanthès. Sans vouloir tirer de conclusions solides sur deux noms, constatons que ni l’un ni l’autre de ces stratèges n’étaient issus de familles illustres28. Outre l’avantage de contrôler l’armée par des généraux fidèles, Léon Paraspondylès réduisit aussi les dépenses, puisqu’il refusa de nommer proèdres Isaac Comnène, Katakalôn Kékauménos, ou magistre Hervé le Francopoule, alors que Randolphe, chef des mercenaires francs de Michel VI,- se contentait de la dignité de patrice comme Lykanthès à la tête des tagmata les plus glorieux de l’Orient ; même Aarôn, commandant en second de toute l’armée, n’était que magistre.
- 29 Attaleiatès (p. 54) a noté que de nombreux soldats, originaires de ces provinces, vinrent au secour (...)
- 30 Le proèdre Théodore, domestique des Scholes de Michel VI, cumulait cette charge avec celle de strat (...)
- 31 Skylitzès, p. 491. Les Arméniens de Téphrikè, Mélitène, Sébastè furent parmi les premiers ralliés.
17Les troupes se répartirent entre les deux camps, avec l’avantage du nombre pour les impériaux qui comprenaient de nombreux tagmata orientaux et l’armée d’Occident. Celle-ci avait failli être engagée du côté d’Isaac Comnène puisque Bryennios qui la commandait s’était joint au complot à l’incitation de Kékauménos, mais son action prématurée entraîna son arrestation et son aveuglement. La nomination de Basile Tarchaniôtès rendit les troupes totalement fidèles à Michel VI, au point que de nombreux soldats de ces tagmata périrent sur le champ de bataille avec quelques-uns de leurs stratèges (Katzamountès et Maurokatakalôn). Isaac Comnène fut loin de rallier toutes les troupes d’Orient29 car des tagmata entiers s’opposèrent à Isaac ; ils provenaient du centre de l’Asie Mineure, Anatoliques et Charsianon, et probablement aussi des Thracésiens30. La répartition des troupes ralliées à Isaac Comnène, originaires de la région de Mélitène - Sébastè, rappelle celle des armées de Bardas Sklèros qui, lui non plus, n’avait pu obtenir le soutien du centre de l’Asie Mineure. Il n’est pas jusqu’aux Arméniens qui suivirent Comnène31, alors que figuraient dans le camp impérial des Ibères comme Pnyemios, chef du tagma de Charsianon, et Liparitès. Isaac Comnène était en quelque sorte l’héritier du clan Sklèros. Romain Sklèros qui commandait une aile de son armée n’était-il pas l’arrière-petit-fils de Bardas ?
18Les officiers et les partisans de Comnène avaient servi Monomaque et avaient été écartés lors du coup de force des partisans de Théodora conduits par Paraspondylès. Cette alternance rapprochée en découvre une autre plus ancienne : des familles bien établies sous Romain III avaient décliné sous son successeur, Michel IV ; elles revinrent au premier plan sous Monomaque qui promut ceux qui avaient eu à souffrir du Paphlagonien, alors qu’une partie au moins du personnel de cet empereur se retrouve dans les rangs des fidèles de Théodôra.
- 32 Il ne s’agissait point d’une faveur personnelle puisque Monomaque n’avait jamais rencontré Cérulair (...)
- 33 Il faut donc replacer l’affaire des moines de Chio dans ce contexte plus large. Rappelons les faits (...)
- 34 idem, Chronographie II, p. 88 : “l’empereur n’était pas en harmonie de pensée avec le patriarche et (...)
- 35 Attaleiatès, p. 60.
19Hors de l’armée, les carrières de trois personnalités de premier plan confirment cette évolution du personnel gouvernemental, celles de Michel Cérulaire, de Michel Psellos et de Léon Paraspondylès. Cérulaire, condamné avec son frère sous Michel IV, revint en faveur dès la venue de Monomaque qui en fit un patriarche, en dépit des obstacles canoniques à une telle nomination32. Théodôra n’était pas hostile à la personne du patriarche - elle le vénérait lorsqu’elle n’était pas encore au pouvoir - mais songeait, à la veille de sa mort, à s’en débarrasser33, sous l’influence de Paraspondylès. Cérulaire resta hostile à Michel VI34 et en favorisant Isaac Comnène, soutenait les intérêts de sa famille, car sa nièce avait épousé Constantin Doukas et ses neveux occupèrent de très hautes fonctions après 105735.
- 36 Le récit de cette ambassade n’est rien d’autre que celui d’une trahison à peine voilée. Michel VI n (...)
- 37 Psellos, Chronographie II, p. 142.
- 38 Idem, MB V, p. 204-206.
20Psellos qui, avec Leichoudès et Alôpos, conduisit l’ambassade de Michel VI auprès de Comnène36, avait compté, en dépit de son jeune âge, parmi les premiers conseillers de Monomaque ; son influence auprès de l’empereur lui avait permis d’obtenir pour Constantin Doukas une demeure plus conséquente37 et sans doute de hauts titres, puisque Doukas devint vestarque à une époque où de nombreux stratèges n’étaient que patrices. Il connut une éclipse dans sa carrière, au début de 1055, lorsqu’il fut plus ou moins contraint de prendre l’habit monastique à l’Olympe de Bithynie. Le procès contre son gendre Kenchrès manifeste que Psellos connaissait une certaine disgrâce sous le règne de Théodôra38. En récompense de son appui, Isaac Comnène le remit au premier plan et lui accorda dès le 31 août 1057 la dignité et le nom de proèdre du Sénat.
- 39 Idem, Chronographie II, p. 79 (traduction Renauld) : “Ce personnage ne jouissait pas des honneurs a (...)
21Dans l’autre camp, Léon Paraspondylès, qui avait commencé sa carrière sous Michel IV, ne joua aucun rôle notable sous Monomaque39. Les Maniakai, victimes de Monomaque et de Romain Sklèros, défendirent Michel VI. Parmi les familles intéressées à la réussite d’Isaac Comnène, qu’elles fussent complices ou apparentées, les Sklèroi, les Argyroi, les Dalassènoi s’étaient illustrés sous Romain III, avant d’être éloignés sous Michel IV et, du moins pour les Sklèroi, de revenir au premier plan sous Monomaque.
- 40 Les Bringas venaient également de cette province, supra, p. 222.
- 41 Ils employèrent des Maniakai, Tarchaneiôtai, Xylinitai...
- 42 Est-ce cette réalité que Psellos a voulu décrire lorsqu’il rappelle que Michel VI pouvait compter s (...)
22La rébellion de 1057 nous montre un stratiôtikon divisé certes entre armée d’Orient et armée d’Occident, mais les troupes d’Orient étaient elles aussi scindées en deux parties, les soldats des frontières s’opposant à ceux du centre et de l’ouest de l’Anatolie. À Constantinople, le politikon n’était pas davantage uni, le personnel des bureaux, notamment des eunuques originaires de Paphlagonie, de souche plus modeste que les grandes familles civiles, détenait le pouvoir sous Michel IV, puis sous Théodôra et Michel VI40. Faute d’alliances solides, ces empereurs se méfièrent de l’aristocratie aussi bien à tradition militaire qu’à tradition civile, sans toutefois l’exclure41, en tirant parti de ses divisions. Cette hostilité n’impliquait nullement un affaiblissement de l’armée, Michel IV tenta de recouvrer la Sicile, Michel VI conservait la majorité de l’armée avec lui, dont les Macédoniens et les Cappadociens42.
23L’arrivée des Comnèno-Doukas, également influents en Paphlagonie, marque la revanche de cette aristocratie et le déclin définitif du parti de Michel VI, Bringai, Xylinitai, Lykanthès.
L’échec des armées d’Orient
- 43 Dernière édition, Gautier, Basilikoi logoi, p. 763. Cette solution rencontra toutefois une vive opp (...)
24Lorsque la politique fiscale d’Isaac lui eut aliéné une grande partie des gens de la capitale, sans jamais menacer sérieusement son trône, Constantin Doukas offrit une solution de rechange acceptable au sein de la même coalition. La transmission du pouvoir entre Isaac Comnène et Constantin Doukas fut assez délicate pour que le nouvel empereur, dans sa lettre d’avènement aux gouverneurs de thèmes, insistât sur l’accord de l’armée, du Sénat, de la famille d’Isaac et jugeât nécessaire d’associer dans les acclamations impériales l’épouse de son prédécesseur, l’Augusta Catherine43.
- 44 Le dernier titulaire de cet honneur avait été Bardas, père de Nicéphore Phocas, mais son âge lui in (...)
- 45 Psellos, Chronographie II, p. 139.
- 46 Le sort réservé à Katakalôn Kékauménos ne contredit pas nécessairement cette opinion ; l’omission d (...)
25Le pouvoir des Doukai semblait solidement établi par la perspective d’établir une dynastie, puisque le fils aîné de Constantin, Michel, était à son tour couronné, et que le frère de l’empereur, Jean, élevé à la dignité exceptionnelle de César44, était presque devenu l’égal de l’empereur. Constantin avait atténué les aspects les plus déplaisants des mesures financières de son prédécesseur. Rien cependant ne permet d’affirmer qu’il y ait eu un complet renversement de la politique d’Isaac. Psellos souligne que “Constantin n’engagea point de dépenses insensées”45 ; il faut entendre qu’il ne distribua pas inconsidérément, à la différence de Michel VI, dignités et rogai attenantes. Constantin Doukas s’appuyait sur la même coalition que son prédécesseur, mais avec quelques nuances puisqu’il appartenait par sa femme au clan Cérulaire, davantage attaché à la capitale46.
- 47 Le texte, l’analyse et le commentaire ont été publiés par Oikonomidès, Serment, p. 101-128.
26La mort de Constantin ouvrit une période de régence sous la direction de son épouse Eudocie Makrembolitissa, car leur fils aîné Michel, sans doute en âge de régner, en était bien incapable. L’empereur avait prévu une telle situation et voulu la pallier par le serment qu’il avait fait jurer à sa femme Eudocie. Le texte précisait qu’elle n’introduirait pas ses cousins, neveux du patriarche Cérulaire, ni ses autres parents comme mésazontés, mais gouvernerait avec le soutien du César Jean47. Constantin Doukas s’était donc préoccupé de conserver le pouvoir entre les mains des Doukai et d’éviter qu’il ne passât dans celles des Cérulaires-Makrembolitai.
- 48 Attaleiates,p. 101.
- 49 Psellos, Chronographie II, p. 159, fait allusion aux conventions passées entre l’impératrice et Dio (...)
27Or le premier janvier 1068, Romain Diogénès était proclamé empereur après avoir épousé Eudocie. Les raisons qui avaient poussé l’impératrice à ne pas tenir compte du serment juré sont bien connues et nous n’y insisterons pas. La situation militaire s’était aggravée au point que la nécessité de disposer d’un empereur capable d’y remédier était largement admise. Pourquoi Eudocie préféra-t-elle un homme qui n’appartenait pas au clan victorieux en 1057, alors qu’elle songea un temps au duc d’Antioche, Nicéphore Botaneiatès48 ? Romain Diogénès venait de se révolter contre Constantin X, manifestant probablement l’état d’esprit des Cappadociens hostiles à un empereur qui s’appuyait trop, à leurs yeux, sur des mercenaires. Par son choix, Eudocie, en dehors de l’attirance certaine que l’impératrice ressentit à l’égard de Diogénès, se conciliait une partie de l’armée dont elle avait besoin et, négociant en position de force puisque Diogénès venait d’échapper à un châtiment redoutable, assurait en principe les droits de ses enfants49.
- 50 Romain était issu d’une vieille famille cappadocienne dont le représentant le plus ancien était peu (...)
- 51 Attaleiates, p. 175, rappelant le prestige dont avait joui Diogénès, le qualifie d’ἰσóθεος.
- 52 Alexiade II, p. 196.
- 53 Attaleiatès, p. 173.
- 54 Ibid., p. 146.
- 55 Ibid., p. 126.
28Le promotion du nouvel empereur ne résultait donc nullement d’une réaction de la classe militaire contre les civils, puisque ceux qui oeuvrèrent le plus pour son succès furent des sénateurs de Constantinople et le patriarche Xiphilin. Dans la capitale, la seule réticence notable à sa proclamation fut celle des Varanges, gardiens scrupuleux de la légitimité de Michel VII. Diogénès n’avait pas été porté au pouvoir par une armée, à la différence d’Isaac Comnène : il n’était qu’un simple particulier résidant en sa province cappadocienne. Sans nul doute, l’ascendance et la carrière antérieure de Diogénès50 annonçaient le type de gouvernement qu’il allait exercer. Fort de sa grande expérience des commandements provinciaux et désireux de réformer la composition et le commandement de l’armée, il voulait s’appuyer sur un recrutement national plutôt que sur le mercenariat, comme les Macédoniens et Léon Tornikios en 1047. Assuré de la fidélité fervente des soldats cappadociens51, il conquit l’amitié de Nicéphore Bryennios, un des Macédoniens les plus influents, au point qu’ils s’adoptèrent comme frères52. Après la chute de Diogénès, les forces occidentales ne prirent aucune part à la guerre civile qui opposa l’ancien empereur aux partisans des Doukai, car elles s’étaient engagées (sous l’influence de Bryennios ?) à ne jamais commettre d’acte hostile à l’égard de Diogénès53. Derrière ce dernier se regroupèrent donc les forces armées qui avaient formé le gros des troupes fidèles à Michel VI, notamment celles du Charsianon où Diogénès avait son oikos54. L’empereur eut le vif souci de l’union entre les troupes d’Orient et celles d’Occident : lorsqu’il fit une sortie pour éliminer quelques pillards turcs près de Larissa de Cappadoce, symboliquement il prit à ses côtés un tagma occidental et un tagma de Lycaoniens55.
- 56 Constantin Doukas avait consenti un effort plus considérable pour la défense de ce territoire. Les (...)
- 57 N’oublions pas que le couronnement de Romain eut lieu le premier janvier, jour de la commémoration (...)
29Après avoir levé des troupes dans tout l’Empire, remis à jour les rôles militaires et exercé la jeunesse byzantine au maniement des armes, il dut choisir le front où combattre en priorité, l’Italie menacée par les Normands ou l’Anatolie percée par les raids turcs. Les provinces danubiennes restaient calmes précisément grâce aux succès acquis par Diogénès et Botaneiatès sous Constantin X. Le nouvel empereur se contenta de soulager les assiégés de Bari par l’envoi d’une petite flotte en 107156 et marcha contre les Turcs qui, durant l’été 1067, avaient pillé Césarée de Cappadoce, emportant les trésors de l’église Saint-Basile57.
- 58 Attaleiatès (ibid. p. 136), conseilla à l’empereur de ne plus se préoccuper des thèmes ravagés et i (...)
- 59 Skylitzès Continué, p. 141.
- 60 Attaleiatès, p. 160.
30À propos de la défense de l’Asie Mineure, deux positions s’affrontaient au sein même de l’état-major de Diogénès, les uns voulant abandonner les thèmes arméniens et concentrer leurs efforts sur les anciens thèmes “romains”, les autres souhaitant porter le combat sur les frontières contemporaines de l’Empire58. Parmi ceux qui, en 1070, conseillaient à Romain de ne point partir en campagne contre les Turcs victorieux de Manuel Comnène, nous relevons les noms de Nicéphore Paléologue, qui servit ultérieurement Michel VII59, de Michel Psellos, dont l’hostilité à Diogénès fut totale en dépit des flatteries qu’il adressa à l’empereur pour retrouver une situation élevée, et du César Jean Doukas lui-même. De profondes divergences de vues divisaient l’état-major et Diogénès fut soutenu par ceux qui préconisaient l’offensive contre les Turcs, comme en témoigne l’ultime conseil de guerre avant Mantzikert60.
- 61 Diogénès était peut-être né à Césarée ; Psellos (MB V, p. 223), dans une lettre fort élogieuse à l’ (...)
- 62 Attaleiatès, p. 171 ; Zônaras, p. 705 ; Skylitzès Continué, p. 153.
31Romain Diogénès ne s’appuyait donc pas sur les mêmes forces militaires qu’Isaac Comnène. Le peu d’enthousiasme d’Isaac pour agrandir l’Empire s’opposait à l’acharnement de l’empereur cappadocien pour conserver les territoires encore détenus et reprendre ceux qui avaient été perdus, Chliat et Mantzikert, voire améliorer éventuellement les positions acquises (à Membidj). Ainsi, l’empereur renouait avec l’attitude traditionnelle des Phocas au xe siècle. Dans une certaine mesure, de même que nous avons pu dire qu’Isaac Comnène était l’héritier du clan Sklèros, de même Diogénès l’était des Phocas. Il ne s’agissait pas vraiment d’un héritage par le sang, puisque de ce point de vue, Nicéphore Botaneiatès eût été mieux placé que Romain, ni d’un legs des alliances du clan, puisqu’un des généraux les plus sûrs de Romain IV fut Théodore Alyatès, dont l’ancêtre Anthès avait servi Bardas Sklèros, et d’autre part parce que les Arméniens au service de Byzance demeurèrent fidèles à l’empereur déchu, alors que les Phocas en étaient les adversaires. Les Diogénai exerçaient leur influence sur la même aire géographique que les Phocas, la Cappadoce61. Après septembre 1071, Diogénès chercha naturellement protection dans sa province d’origine, et il s’établit précisément à Tyropoion62, place qui avait déjà servi de refuge en 970 à Bardas Phocas, et en 989 au même Phocas pour y enfermer son rival Sklèros.
- 63 Attaleiatès, p. 158.
32La politique de Romain Diogénès provoqua naturellement l’hostilité de ceux qu’il avait écartés, et parmi eux, les mercenaires étrangers, du moins leurs officiers qui avaient constitué le fer de lance de l’armée sous Constantin X. Le mécontentement de Crispin, chef des Francs, l’agitation des Némitzoi, le refus de Roussel de Bailleul, successeur de Crispin, de revenir vers l’empereur lorsque celui- ci fit appel à ses réserves avant Mantzikert63, traduisent cet état d’esprit.
- 64 Zônaras, p. 688.
33La crise de 1071 fut préparée par un renforcement progressif des pouvoirs de Diogénès et l’éloignement du clan Doukas (le César, Psellos...). Une victoire décisive sur les Turcs aurait assis définitivement le pouvoir de l’empereur qui en avait une claire conscience : “il voulait faire campagne pour deux raisons, assurer la sécurité et acquérir un prestige suffisant pour gouverner seul sans être soumis à l’impératrice”64.
34Il n’est pas possible de prouver l’existence d’une conjuration, durant l’été 1071, incluant Andronic Doukas et certains chefs de l’armée, comme Tarchaneiôtès, Crispin, Roussel de Bailleul, mais l’hypothèse peut en être risquée si nous considérons la rapidité de la réaction des Doukai à l’annonce de la défaite et de la capture de Diogénès.
- 65 Attaleiates, p. 172-3 ; au printemps 1072, Andronic Doukas versa aux soldats les sitérésia et se le (...)
35La guerre civile qui suivit la libération inattendue du vaincu de Mantzikert souligne à nouveau les clivages des élites civiles et militaires de l’Empire. Comme l’Occident ne prit pas part aux luttes conformément à son serment, Michel Doukas, ou plutôt son principal conseiller, son oncle le César, opposa aux Cappadociens et aux Arméniens de Diogénès des mercenaires francs dont le rôle, sous l’impulsion de Crispin, fut décisif, des troupes de la capitale, ainsi que des soldats des thèmes orientaux. Faute de précision sur l’origine de ces soldats, nous ne connaissons pas les oppositions régionales en 1071 en Asie Mineure. Nous pouvons tout de même conjecturer que les fils du César Doukas rassemblèrent plutôt des troupes des thèmes situés à l’ouest de l’Asie Mineure, car une partie du recrutement se fit au cours de leur avance contre Diogénès. Ces soldats se rallièrent-ils en raison de leur fidélité envers l’empereur de Constantinople, c’est-à-dire désormais Michel VII, ou seulement parce que leur solde leur avait été versée par les Doukai ? Cette deuxième raison reste la plus vraisemblable, car Attaleiatès estime que si Diogénès, au lieu de se replier vers le duché d’Antioche, s’était avancé vers la Bithynie, il aurait rallié toute l’Asie Mineure65.
- 66 Psellos, Chronographie II, p. 168.
- 67 Cf. infra, p. 408.
36À Constantinople, l’opinion était aussi divisée puisque Psellos, un des plus farouches adversaires de l’ancien empereur admet que même après la première défaite de ce dernier devant Dokeia, tout un parti penchait pour la négociation, souhaitant que le pouvoir fût partagé avec lui66. Pour cette raison, peu de temps après sa capture, il fut aveuglé, au mépris de toutes les conventions et serments, grave faute politique que les Cappadociens ne pardonnèrent pas67, mais conséquence des amitiés qu’il gardait, tant au sein du stratiôtikon que du politikon.
- 68 Gautier, Tzétzès, p. 212-216.
- 69 Théognoste Bourtzès remporta une victoire sur les Serbes en 1073 (Skylitzès Continué, p. 164).
- 70 Damien Dalassènos fut duc de Skopje en 1073 (ibid., p. 163). Les Dalassènoi ne sont pas cités en 10 (...)
- 71 Cf. f. d. n° 95.
37La faction formée en 1056-1057 au profit d’Isaac Comnène conservait une solidité suffisante pour se reconstituer autour de Michel VII Doukas. Parmi ceux qui le soutinrent ou le servirent au plus niveau, nous comptons ses parents Doukai, Constantin, neveu du patriarche Cérulaire auquel l’empereur accorda la dignité nouvelle de sébaste68, Nicéphore Botaneiatès, les Bourtzai69, les Dalassènoi70 ; Nicéphore Bryennios, qui s’abstint de combattre Romain Diogénès, obtint aussi de son successeur des postes très importants. Reste le cas particulier des Comnènes. Anne Dalassènè qui n’avait pas pardonné aux Doukai d’avoir succédé à Isaac Comnène, crut judicieux de placer ses fils auprès de Diogénès qui ne pouvait qu’être satisfait de rallier des adversaires potentiels et qui accorda à Manuel la dignité encore exceptionnelle de curopalate et la charge de prôtostratôr. Après septembre 1071, la mère des Comnènes continua à soutenir secrètement Diogénès71, mais les rapports entre les Doukai et les Comnènes se normalisèrent rapidement, Alexis et Isaac servirent fidèlement Michel VII.
38Une fois victorieux de Diogénès, le clan Doukai disposait donc de larges appuis à Constantinople et dans l’armée, mais la pression des ennemis turcs, petchénègues, puis normands révéla l’inefficacité du gouvernement impérial, réveilla après quelques années les oppositions et brisa la solidarité de ses propres soutiens. En trois ans, sans compter les complots avortés, six grandes révoltes militaires se succédèrent, celles de Nicéphore Bryennios à deux reprises, de Nicéphore Botaneiatès, de Nicéphore Basilakios, de Nicéphore Mélissènos, et enfin d’Alexis Comnène.
- 72 Le déroulement de sa carrière est exemplaire pour suivre l’alternance du personnel des bureaux depu (...)
- 73 Lemerle, Cinq études, p. 300-302.
39Michel VII Doukas bénéficia pourtant de cinq années pendant lesquelles les dissidences se limitèrent à quelques provinces d’Asie Mineure, phénomène grave pour l’avenir de l’Empire, mais qui ne constituait pas une menace pour l’empereur établi à Constantinople. Durant la majeure partie de son règne, il laissa gouverner Nicéphoritzès72, dont l’oeuvre commence à être réévaluée par les historiens modernes73. Il comprit que les nécessités de la défense ne permettaient plus à des eunuques ou à des hommes sans expérience de la guerre d’exercer les plus hauts commandements aux dépens des militaires compétents ; ainsi, il nomma ou conserva à leurs postes Nicéphore Botaneiatès, duc des Anatoliques, Nicéphore Basilakios en Paphlagonie puis à Dyrrachion, Nicéphore Bryennios en Bulgarie puis à Dyrrachion, Katakalôn Tarchaneiôtès à Andrinople, en laissant à chacun d’eux le commandement des troupes locales, le tagma des Anatoliques sous l’autorité de Botaneiatès, celui des Macédoniens sous Tarchaniôtès, sans chercher à briser la solidarité naturelle unissant les troupes à leur chef. En matière de recrutement, reprenant les orientations déjà perceptibles au temps où ils servaient tous sous Constantin X, il fit largement appel aux mercenaires ; parce qu’une bonne partie de l’Asie Mineure échappait à son contrôle, il ne pouvait y lever de troupes, encore qu’il eût constitué le nouveau tagma des Immortels.
- 74 Infra, p. 405 sq.
- 75 Nicéphore Paléologue, duc de ce thème, revint à Constantinople à la fin de 1077 ou au début de 1078 (...)
40Les résultats de ses efforts ne furent pas négligeables, mais nous sont en partie dissimulés par les historiens byzantins contemporains, qui tous avaient une raison de lui être hostiles : Attaleiatès parce qu’il était ferme partisan de Botaneiatès, Bryennios par souci de justifier la rébellion de son grand-père, Anne Comnène parce qu’elle visait à diminuer la responsabilité de son père dans la mauvaise situation des affaires pendant la première décennie de son règne. Or Nicéphoritzès avait réussi à maintenir l’Occident à peu près intact, puisque Nicéphore Botaneiatès dès son avènement put rétablir le calme jusqu’à la frontière du Danube sans même y envoyer d’armée. Nicéphore Bryennios avait libéré la Bulgarie de toute menace serbe. En Orient, si le Taurus et la Cappadoce avaient fait défection74, une administration régulière était encore en place en 1078 dans le thème de Mésopotamie75.
- 76 Ibid., p. 217. Nicéphoritzès avait obtenu l’administration du sékréton de l’Hebdomon (Attaleiatès, (...)
41Nicéphoritzès, pour financer l’armée et notamment les mercenaires dont la solde commandait la valeur militaire, fut contraint de prendre des mesures fiscales qui lui aliénèrent l’aristocratie terrienne en Occident. Il opéra aussi des confiscations à l’égard des chefs militaires comme Nestor, ou refusa des récompenses aux généraux victorieux, alors que son propre enrichissement faisait scandale76. Tout aussi grave à moyen terme fut le clivage qui intervint dans la famille Doukas car l’empereur Michel, sous son influence, éloigna le César Jean Doukas et ne traita pas dignement ses frères les co-basileis.
- 77 Bryennios, p. 243. Précisément, Anne Comnène chiffre à ce nombre les Chômatènoi trouvés à Constanti (...)
- 78 Il s’agit sans doute de Jean Goudélès nobélissime, dont le sceau a été édité par Schlumberger, Sigi (...)
- 79 Attaleiatès, p. 263.
- 80 Les Paléologues étaient issus de Phrygie, et Mélissènos avait ses propriétés à Dorylée, infra, p. 2 (...)
- 81 Il fut successivement duc d’Édesse, de Bulgarie, de Thessalonique, du Paristrion, d’Antioche, d’Hel (...)
42En 1077, l’opposition latente à Michel VII se manifesta, tant en Europe qu’en Asie, avec la double révolte de Nicéphore Byrennios et de Nicéphore Botaneiatès. Le caractère régional de ces révoltes est patent. Autour de Botaneiatès se groupaient les Chômatènoi, un des tagmata des Anatoliques, de trois cents hommes environ77, quelques généraux, ses parents, originaires de Phrygie, les Synadènoi, Romain Straborômanos, Goudélès78, ainsi qu’Alexandre Kabasilas. Deux autres stratèges disposant de forces importantes l’accompagnaient, mais par crainte des Turcs, ils désertèrent la cause de Botaneiatès en dépit des conventions passées avec lui79. P. Gautier a conjecturé, à juste titre nous semble-t-il, qu’il s’agissait de Nicéphore Mélissènos et de Georges Paléologue, l’un et l’autre originaires de cette même région80. Tous ces généraux représentaient donc l’Asie Mineure occidentale, encore entièrement byzantine, mais mal défendue et parcourue par des bandes turques ; ils souhaitaient installer un basileus plus actif en Orient. Or Botaneiatès, en dépit d’un certain âge - il comptait plus de trente ou quarante ans de service - constituait un candidat remarquable puisqu’il avait assumé tous les commandements importants, sauf celui de domestique des Scholes, tant en Orient qu’en Occident81
- 82 Sur ce point, Gautier, Introduction à l’Histoire de Bryennios, p. 16 et note 4.
- 83 Bryennios, p. 223-225.
- 84 L’épouse d’un Batatzès contrôla Raidestos pour le compte de Bryennios, Attaleiatès, p. 245.
- 85 Ibid., p. 247.
43Nicéphore Bryennios, le concurrent de Botaneiatès, disposait de ressources plus importantes encore, puisque la moitié des armées d’Occident lui obéissait, l’autre restant sous les ordres de Nicéphore Basilakios, son successeur comme duc de Dyrrachion. En effet, les préparatifs d’une attaque normande, les infidélités des Serbes avaient contraint l’Empire à renforcer ses garnisons sur la façade adriatique. La sédition de Nicéphore Bryennios se heurta d’abord à l’attitude des Tarchaneiôtai, traditionnellement hostiles aux intiatives des Bryennioi ; aussi sa mère, la curopalatissa Anne, probablement une Batatzina82, conçut un projet d’alliance matrimoniale entre les deux familles, que le duc d’Andrinople, Katakalôn Tarchaneiôtès, accepta, désespérant de recevoir une aide de la part de Michel VII et du logothète Nicéphoritzès ; il offrit en mariage sa soeur Hélène au neveu du prétendant83. Le groupe macédonien était enfin totalement unanime puisque les Kourtikioi, les Koutzoumitai, les Batatzai84, les Tornikioi s’étaient joints au mouvement, et il put éliminer de sa zone d’influence les étrangers au groupe, tel Constantin Théodôrokanos, ennemi personnel de Nicéphore Bryennios85.
- 86 Skylitzès Continué, p. 173 ; Cheynet, Dévaluation, p. 462.
- 87 Supra, p. 236.
44Le troisième compétiteur, Nicéphore Basilakios, ne pouvait pas compter, comme Bryennios, sur un clan familial étendu, mais jouissait d’un prestige égal, sinon supérieur, ayant lui aussi exercé les plus hauts commandements lors de la précédente décennie, où il avait été duc de Théodosioupolis, de Paphlagonie, de Dyrrachion86. La liste de ses lieutenants permet de déterminer l’aire géographique où il trouvait du secours : Tessarakontapèchys, issu d’une vieille famille athénienne, les Gymnoi qui eurent des intérêts dans la région de Thessalonique, les Mésimérioi liés à l’Italie87. Ses troupes, composées entre autres d’Albanais et de Bulgares, confirment que Basilakios contrôlait la partie la plus occidentale de l’Empire, et il est naturel que la confrontation entre lui et Alexis Comnène agissant pour le compte de Nicéphore Botaneiatès se soit produite sur la route de Constantinople, en avant de Thessalonique, favorable à Basilakios. Ce mouvement traduit l’inquiétude d’une population soumise à une menace normande imminente, autant que l’ambition personnelle de Basilakios.
- 88 Lorsqu’il chercha un successeur dans sa famille, il se tourna vers un Synadènos, Alexiade I, p. 66. (...)
45Une fois de plus, Constantinople décida du vainqueur, Botaneiatès. Nous avons déjà souligné les raisons, selon nous, de ce choix : la présence de nombreux réfugiés d’Asie Mineure et en particulier de cadres de l’Église, tels le patriarche d’Antioche, Émilien, ou le métropolite d’Iconium, Isaïe. Nicéphore Botaneiatès présentait par ailleurs l’avantage d’être âgé et dépourvu de fils susceptible de lui succéder88, ce qui ouvrait la porte à des négociations avec les autres compétiteurs, comme Nicéphore Bryennios, même si les propositions que lui fit Botaneiatès furent finalement rejetées. Le triomphe du nouvel empereur ne doit pas être interprété comme un indice de la supériorité, en 1078, des armées d’Orient sur les troupes d’Occident, car les troupes qui portèrent au pouvoir Botaneiatès étaient fort bariolées et comportaient apparemment davantage de Turcs que de Grecs.
- 89 Bryennios, p. 269, fournit toutes les données chiffrées concernant les troupes de son grand-père ; (...)
46Les troubles qui commencèrent à secouer l’Empire à partir de l’automne 1077 rendent impossible toute explication politique, en dehors de leur caractère régionaliste que nous venons de souligner. Aucun des fils directeurs qui nous permettaient de rendre compte des mouvements précédents ne garde de signification ; nous ne saurions évoquer la relève d’une équipe gouvernementale par une autre, car les adversaires d’hier collaboraient dès le lendemain avec leurs vainqueurs, et parce que la famille Doukas, la première visée, garda de belles positions sous le règne de Botaneiatès. Les différents groupes ne se sont pas déterminés, semble- t-il, selon les réponses qu’ils proposaient aux questions fondamentales de l’époque : fallait-il davantage de mercenaires étrangers, ou au contraire plus de soldats nationaux, ou bien aurait-il fallu défendre tous les thèmes ou seulement les thèmes peuplés de Grecs ? La composition des armées combattant dans les années 1077- 1078 montre que les chefs militaires avaient fait appel à toutes les ressources disponibles, troupes nationales, mercenaires, alliés barbares, sans que rien distinguât une faction d’une autre ; seul le dosage variait, comme l’illustre la distribution des troupes de Bryennios et d’Alexis Comnène au printemps 107889.
47Les deux armées comportaient des mercenaires francs - ceux d’Alexis Comnène passèrent du reste à Bryennios -, des alliés barbares, les Scythes qui causèrent la perte de l’usurpateur et des Turcs qui sauvèrent le domestique des Scholes. L’armée de Bryennios comptait encore, il est vrai, une majorité de soldats byzantins, l’Occident demeurant alors à peu près intact.
- 92 Cela n’arrêta nullement Bryennios et les siens, indice que l’organisation du marché du blé à Raides (...)
48Victorieux, Botaneiatès entreprit de réconcilier les différents clans ; il abandonna la prudente politique d’économies de Nicéphoritzès92, se montrant libéral envers les siens, Phrygiens et Turcs, envers les Constantinopolitains qui l’avaient bien reçu, mais aussi à l’égard de ses anciens adversaires.
- 93 B. Leib a étudié toutes ces intrigues dans plusieurs articles consacrés à la période 1078-1081 : Je (...)
49À Constantinople les intrigues de cour se nouèrent autour de quatre groupes93. Le clan phrygien songeait à Nicéphore ( ?) Synadènos pour succéder au vieil empereur, son oncle ; Marie d’Alanie souhaitait sauvegarder les droits de son fils, le porphyrogénète Constantin ; le César Jean Doukas n’était pas hostile à ce projet, mais se ralliait à toute solution permettant à un Doukas d’occuper le trône ; enfin Anne Dalassènè et ses fils cherchaient l’occasion favorable pour reprendre le trône jadis occupé par un des leurs, Isaac. La poursuite de ces stratégies constitua la trame de l’histoire constantinopolitaine durant trois ans, alors que le sort de l’Empire se jouait en bonne partie en Orient, à propos duquel les chroniqueurs byzantins restent complètement muets.
- 94 Pour les Comnènes, cf. supra, tableau p. 277. Nicéphore Synadènos était promis à Zôè Doukaina, la p (...)
- 95 Zônaras, p. 722 ; Skylitzès Continué, p. 181-182.
- 96 Botaneiatès obtint tout de même le ralliement de Philarète Brachamios, l’ancien compagnon d’armes d (...)
- 97 Attaleiatès, p. 304 ; Skylitzès Continué, p. 184.
50Botaneiatès et ses parents multiplièrent les alliances avec les autres factions afin de se les concilier, avec les Comnènes et avec les Doukai94. L’empereur imagina un temps d’épouser Eudocie Makrembolitissa, veuve de Constantin X et de Romain IV, mais cette dernière finit par renoncer à ses projets, par crainte de violer à nouveau son serment de ne pas se remarier95. Un telle union aurait rallié à Botaneiatès toute la Cappadoce96. Eudocie et ses fils furent tout de même traités avec la plus grande faveur, car elle obtint pour les enfants issus de son second mariage les plus hautes dignités, des dôréai continuelles et enfin les revenus très larges de trois bureaux97.
- 98 Le mariage aurait eu lieu vers 1072-1073, date significative en ce qu’elle prouve que Michel VII vo (...)
- 99 Bryennios, p. 259 (printemps 1078) ; Alexiade I, p. 65 (1080).
51Marie d’Alanie défendait les droits de son fils unique, le porphyrogénète Constantin, avec peu d’atouts, étant d’origine étrangère. Elle pouvait cependant compter sur plusieurs soutiens ; celui, naturel, des Doukai, et celui des Comnènes puisqu’une de ses cousines avait épousé Isaac Comnène98, et qu’une autre s’était unie à Constantin, neveu de Cérulaire, reconstituant à son profit l’alliance traditionnelle Doukas, Comnène, “clan Cérulaire”. Elle renforça même ses liens avec les Comnènes en adoptant Alexis, faisant ainsi de lui le frère du jeune Constantin99.
52Les Comnènes, déjà unis indirectement aux Doukai, renforcèrent leurs liens avec le mariage d’Alexis et d’Irène, petite-fille du César, sans négliger un rapprochement avec les Botaneiatai comme nous venons de le voir. Alexis disposait de plusieurs arguments pour prétendre éventuellement au trône, il était neveu d’un empereur, et fils adoptif d’une impératrice, détentrice, à ce moment, de la légitimité, contrebalançant l’avantage que Botaneiatès avait acquis en l’épousant.
- 100 Bryennios, p. 255, a laissé un compte-rendu très vivant du mariage. Le prêtre refusant de bénir une (...)
53Le César, écarté des affaires par Nicéphoritzès, discrédité par ses aventures auprès de Roussel de Bailleul, avait réussi à marier une de ses petites-filles à Alexis Comnène, qui avait eu à choisir entre les deux branches des Doukai, celle de Constantin X - on lui proposait d’épouser sa plus jeune fille Zôè -, et celle du César. Ce dernier sut également orienter Botaneiatès, le nouvel empereur, devenu récemment veuf et qui était à la recherche de la meilleure alliance possible pour renforcer sa légitimité, vers Marie d’Alanie plutôt que vers Eudocie Makremboli- tissa qui aurait pu lui reprocher de l’avoir contrainte à l’exil100. Par cet acte, Botaneiatès devenait le tuteur naturel du fils de l’impératrice Marie d’Alanie.
- 101 Le mariage de Nicéphore Mélissènos avec Eudocie Comnène avait eu lieu avant la mort du curopalate J (...)
54En 1081, le ralliement progressif de l’Asie Mineure occidentale à Nicéphore Mélissènos et l’arrivée de ce dernier au printemps en face de la capitale compliquèrent quelque peu le déroulement des événements. Mélissènos, beau-frère d’Alexis et Isaac Comnène101, avait refusé de reconnaître le pouvoir de Botaneiatès, et appuyé sur de nombreux Turcs, s’était emparé de l’Asie Mineure occidentale et de Nicée où il afficha ses prétentions à l’Empire. Que signifiait ce nouveau mouvement issu de l’Asie Mineure ?
- 102 La seule certitude est qu’il fut magistre et stratège de Triaditsa à une date incertaine, sous Cons (...)
- 103 Alexiade I, p. 49. Ce qu’Alexis donnait à Mélissènos n’est pas clair, mais il est probable qu’il s’ (...)
- 104 Supra, p. 238.
55La carrière, mal connue, de Nicéphore Mélissènos ne donne guère la clé des motivations de sa rébellion102. Il représentait incontestablement les intérêts de l’aristocratie micrasiatique, au même titre que Botaneiatès, mais nous demeurons sceptique à propos de son ambition personnelle. En effet, au cours des négociations entreprises avec Alexis Comnène, devenu empereur entre temps, il se contenta du titre de César et abandonna ses chaussures pourpres, fait inouï dans l’histoire de ce siècle, alors que ni Isaac Comnène, ni Bryennios, ni Basilakios n’acceptèrent un tel compromis. Il semble bien que Mélissènos et ses parents Bourtzai aient limité leur ambition au sauvetage de leur fortune foncière menacée par les Turcs. Alexis leur promit en effet - et il tint sa promesse - la ville de Thessalonique103 et de grands biens dans la région104, avec un pouvoir d’administration sur celle-ci, créant ainsi le premier “apanage” de la période Comnène.
- 105 Sur la carrière de Pakourianos, Lemerle, Cinq études, p. 164-170. Pakourianos avait obtenu ses prem (...)
- 106 Nous ignorons tout de ses activités sous Nicéphore III. Peut-être remplaça-t-il Roussel à la tête d (...)
56Lorsque Botaneiatès choisit son successeur, un Synadènos, les Doukai et les Comnènes passèrent à une opposition plus active ; le César Doukas ne pouvait pas soutenir un candidat purement Doukas, car le jeune frère de Michel VII, Kônstantios, compromis dans une rébellion, vivait en exil ; il reporta donc ses espoirs sur Alexis Comnène. Alexis jugea le moment opportun pour prendre le pouvoir puisque l’empereur ne pouvait recevoir aucun renfort d’Orient - à la différence de Constantin Monomaque lorsqu’il fut attaqué par Tornikios - et que lui, Alexis, espérait rallier l’armée constituée en Occident pour combattre Mélissènos. Il obtint l’accord de Pakourianos qui avait une grande expérience de la guerre et avait fidèlement servi les Doukai105, et aussi celui de Constantin Humbertopoulos, sans doute chef des mercenaires francs106. Cependant l’homme qui dirigea effectivement les opérations fut le César Doukas : il se préoccupa du financement, recruta des mercenaires turcs, pesa de manière décisive lors de la réunion de l’armée à Schiza, obligea finalement Alexis à refuser l’ultime proposition de Botaneiatès de le nommer son successeur, et le contraignit à entrer au plus vite dans le Grand Palais. Le patriarche Kosmas, nommé par Michel VII, était à la dévotion du César. L’assemblée de Schiza fut le moment capital de la sédition, car Alexis, candidat des Doukai, fut préféré à son frère aîné Isaac, qui conservait de nombreux partisans dans l’armée, car il avait commandé à Antioche, non sans succès ; ceux-ci furent finalement ralliés par l’appât de donations accrues.
57Alexis marcha sur la capitale avec une armée assez nombreuse, composite, comportant autant d’étrangers que de nationaux, auxquels s’ajoutaient des mercenaires turcs. Les nationaux étaient probablement des rescapés des armées d’Occident puisque Botaneiatès avait conservé dans sa capitale les troupes d’Orient venues avec lui, Immortels et Chômatènes, que nous trouvons aux côtés de Boril, mais les habitants d’Andrinople ne pardonnaient pas à Alexis la défaite et l’aveuglement de leur favori, Nicéphore Bryennios.
- 107 Il traita avec Gilpract, puis par un discours audacieux, interdit à la flotte de Botaneiatès de ral (...)
- 108 Ibid., p. 86, Isaac rappelle à Alexis que c’est par lui que Dieu a voulu replacer leur famille au p (...)
- 109 Ibid., p. 95 ; Zônaras, p. 729 précise qu’on tua ou blessa, viola et pilla même les églises, Thrace (...)
58La trahison de Gilpract, chef des Némitzoi, l’audace de Georges Paléologue107, et le découragement de Botaneiatès qui, voulant éviter une guerre civile, refusa que ses serviteurs Boril et Germain et son ami Nicéphore Paléologue repoussent les Comnènes mal protégés, permirent à Alexis et à sa mère de réaliser leur vieux rêve de rétablir sur le trône un empereur Comnène108 - mais à quel prix, le premier pillage que la ville impériale ait subi depuis sa fondation, non seulement des mains de barbares, mais aussi de troupes byzantines109. Sur ces fondements s’établit la nouvelle dynastie Comnène.
Notes
1 Cf. f. d. n° 56.
2 Cf. f. d. n° 63.
3 Les Diogénai étaient apparentés aux Phocas, Léon Diacre, p. 120.
4 L’état d’esprit de Tornikios et de ses hommes nous est connu, non seulement par les chroniqueurs, mais par le discours écrit par Mauropous pour célébrer la victoire sur l’usurpateur (le texte est édité par P. de Lagarde (Mauropous, Discours n° 186), analysé et commenté par J. Lefort, Rhétorique et politique, p. 265-303).
5 Cf. supra, p. 275.
6 Il est vrai que nous ne connaissons pas les officiers supérieurs qui secondèrent Maniakès, mais s’ils avaient porté des noms illustres, les chroniqueurs n’auraient pas manqué de les rapporter.
7 Cette démobilisation n’était pas nécessairement un licenciement définitif, car les soldats rentraient traditionnellement dans leurs foyers, une fois achevée la campagne en cours. Or l’armée de Tornikios peut être considérée comme homogène, même si d’autres corps de troupes participèrent à la rébellion, tels ces Agarènes qui repoussèrent les habitants de Constantinople tentant une sortie (cf. f. d. n° 65). Tornikios fit appel à des alliés étrangers (Russes ? Bulgares ? Petchénègues ? peu importe), seulement lorsque sa situation devint critique.
8 Nous ignorons les raisons de ce prestige de Léon Tornikios. Était-il dû à une prééminence de la lignée depuis le xe siècle, ou bien à sa proche parenté impériale ? C’était bien l’absence d’un chef de sa trempe qui avait empêché l’essor de l’agitation au printemps 1047 ; Jean Batatzès, l’âme du complot, n’en avait jamais cherché la direction.
9 G. Dagron a souligné, dans son commentaire du Traité sur la guérilla (p. 255) que le phénomène est perceptible dès le xe siècle.
10 Une lettre de Mauropous (Lagarde, n° 125) témoigne des discussions à propos des châtiments à infliger aux responsables (commentaire de Lefort, Rhétorique et Politique, p. 282).
11 Polys et Strabomytès, anciens compagnons de Tornikios, trouvèrent la mort en combattant les Petchénègues (Skylitzès, p. 467).
12 Skylitzès p. 487. Kékauménos, d’une naissance plus modeste que Comnène, estima probablement que ses chances de succès seraient moindres, faute de disposer pour gouverner d’un clan familial puissant. Pour Stanescu (Les réformes d’Isaac Comnène, RESEE IV, 1966, p. 40), il y aurait eu divergence de vues entre Kékauménos et Comnène, et le premier “aurait mieux réalisé le programme général de l’insurrection”. À l’appui de cette hypothèse, l’historien rappelle la crainte éprouvée par Comnène au début des opérations militaires, que Kékauménos ne l’abandonnât et peut-être ne l’arrêtât ; ce dernier avait du reste refusé les propositions de Michel VI, qu’Isaac Comnène semblait prêt à accepter. Pouvons-nous déduire de ces différences de sensibilité - Kékauménos était le plus intransigeant dans la négociation, comme il avait été le plus tenace sur le champ de bataille de Nicée - qu’elles reflétaient des points de vue politiques eux aussi divergents ? Rien dans les sources ne permet d’étayer une telle hypothèse et toutes les hésitations de Kékauménos marquent seulement les difficultés qu’il y avait à concevoir et mener à bien une rébellion, sans compter que le précédent échec de Bryennios incitait à la prudence.
13 Psellos, Chronographie II, p. 136. Par ailleurs (ibid., p. 85), Psellos affirme qu’Isaac fit l’unanimité sur son nom.
14 Toutes les données sont fournies par Skylitzès, p. 492-493 ; cf. f. d. n° 80.
15 Barzos, Généalogie I, n° 4 et n° 6 ; ces notices sont inexactes (aucune source ne nous informe qu’Isaac ait été domestique des Scholes d’Orient entre 1042 et 1054) et incomplètes.
16 Bryennios, p. 75-77.
17 Ibid., p. 77.
18 Il put être catépan soit avant Michel Iasitès et Katakalôn Kékauménos (avant 1038), soit après eux et avant Aarôn (après 1048). Sur les gouverneurs d’Ibérie, šandrovskaja, Neizvestnyj pravitel’ vizantijskoy ferny Iberija, Vestnik obšč. nauk A. N. Arm. SSR, 1976, p. 79- 86, et Cheynet, Duc et catépan, p. 185.
19 Psellos, Chronographie II, p. 84 ; Michel VI accusa Isaac d’avoir failli perdre la ville d’Antioche. Isaac eut donc la responsabilité de la défense de cette cité, mais peut-être fut-ce en raison d’un commandement s’exerçant sur tout l’Orient.
20 Son sceau de stratopédarque nous est parvenu, Zacos-Veglery, sceau n° 2680.
21 Ils avaient gardé quelque lien avec la ville de Kastamôn où leur père Manuel possédait une résidence, et c’est probablement en cette ville que se réfugia Isaac pour préparer sa sédition ; sans doute n’y résidait-il pas de façon permanente, car lorsque son neveu Alexis Comnène revint en 1073-1074 du thème des Arméniaques, il considéra ce bâtiment, qu’il découvrit vide de tout habitant, comme la demeure de son grand-père (c’est-à-dire Manuel), et non comme celle de son oncle ou de son père (Bryennios, p. 197). Nous ne tirerons pas argument de la ruine de cette maison pour établir que les Turcs avaient, à cette date, ravagé le thème au point de le vider de sa population, puisque l’abandon de la maison des Comnènes-Erôtikoi ne paraît avoir aucun lien avec les incursions turques.
22 Les rebelles, lors des négociations avec l’empereur, furent intraitables sur leur exigence du renvoi de Paraspondylès (Psellos, Chronographie II, p. 102).
23 IDEM, MB IV, p. 361, a rappelé dans son éloge de Cérulaire, que “les militaires souffraient de voir les tagmata confiés à d’autres (qu’eux)”.
24 Parmi les stratèges partisans de Comnène, Léon Antiochos, tué à la bataille de Nicée, était peut-être identique à Antiochos, connu comme stratège de Calabre dans un document mal daté, édité par Trinchera (acte n° 44). L’indiction 13 tombait en 1059, date jugée peu vraisemblable par Vera Von Falkenhausen pour la tournée d’inspection du stratège dans son thème, presque entièrement occupé par les Normands. Nous préférons 1044, lorsqu’une remise en ordre eut suivi la révolte de Maniakès partie des thèmes italiens. Antiochos serait donc lui aussi un général en faveur sous Monomaque et licencié par Paraspondylès. Sur ce personnage, Falkenhausen, Dominazione, p. 107.
25 Mansi, PG 120, col. 741 (1054).
26 Sceau IFEB n° 840.
27 Nicolas, sous Romain III, laissa perdre la forteresse de Berkri (Skylitzès, p. 388) ; Théodore, correspondant de Théophylacte de Bulgarie, à la fin du siècle, établissait l’impôt dans la région du Vardar, mais· Théophylacte vante aussi ses vertus militaires : simple rhétorique ou allusion à des activités réelles (Théophylacte De Bulgarie, Lettres, p. 573) ?
28 Aucun autre Lykanthès n’est actuellement connu, ni dans les sources byzantines, ni par la sigillographie.
29 Attaleiatès (p. 54) a noté que de nombreux soldats, originaires de ces provinces, vinrent au secours de Michel VI.
30 Le proèdre Théodore, domestique des Scholes de Michel VI, cumulait cette charge avec celle de stratège des Thracésiens, selon un sceau inédit de la collection Shaw (n° 725 du catalogue de V. Laurent). Il est probable que les troupes stationnées à cette date dans ce thème devaient être plutôt modestes.
31 Skylitzès, p. 491. Les Arméniens de Téphrikè, Mélitène, Sébastè furent parmi les premiers ralliés.
32 Il ne s’agissait point d’une faveur personnelle puisque Monomaque n’avait jamais rencontré Cérulaire avant de fixer sur lui son choix (Psellos, MB IV, p. 324).
33 Il faut donc replacer l’affaire des moines de Chio dans ce contexte plus large. Rappelons les faits : Nicétas et Jean, moines originaires de l’île, amis du patriarche, avaient exercé une grande influence dans la capitale au temps de Monomaque. Sous Théodôra, ils furent accusés de pratiques magiques et superstitieuses, entraînant dans la même suspicion le patriarche leur protecteur. Seul l’avènement d’Isaac mit fin à cette affaire, rétablissant le crédit des dits moines. Psellos, Scripta minora I, p. 235, 247, 250-257, 272.
34 idem, Chronographie II, p. 88 : “l’empereur n’était pas en harmonie de pensée avec le patriarche et ce dernier était plein de colère contre lui”.
35 Attaleiatès, p. 60.
36 Le récit de cette ambassade n’est rien d’autre que celui d’une trahison à peine voilée. Michel VI ne se résigna à faire appel à Psellos qu’après la défaite complète de son armée, sachant qu’il était nécessaire, dans une situation si critique, d’envoyer des émissaires, sinon bien vus, du moins acceptables pour la partie adverse.
37 Psellos, Chronographie II, p. 142.
38 Idem, MB V, p. 204-206.
39 Idem, Chronographie II, p. 79 (traduction Renauld) : “Ce personnage ne jouissait pas des honneurs auxquels il était accoutumé sous les empereurs précédents”, c’est-à-dire sous Michel IV et Michel V.
40 Les Bringas venaient également de cette province, supra, p. 222.
41 Ils employèrent des Maniakai, Tarchaneiôtai, Xylinitai...
42 Est-ce cette réalité que Psellos a voulu décrire lorsqu’il rappelle que Michel VI pouvait compter sur le soutien des soldats “nationaux”, τό ήμεδαπόν πλήθος (ibid., p. 90) ?
43 Dernière édition, Gautier, Basilikoi logoi, p. 763. Cette solution rencontra toutefois une vive opposition, puisque l’empereur fut très vite menacé par un complot redoutable (cf. f. d. n° 83). Faute d’en connaître les participants - le préposé aux requêtes, Nicolas Cheilas, est inconnu par ailleurs - nous sommes réduit à des hypothèses ; mais si la date de 1060 devait être retenue, nous pourrions nous demander si les conjurés ne songeaient pas à rétablir Isaac Comnène encore en vie, qui avait à contrecoeur abandonné le pouvoir. Une telle hypothèse permettrait aussi de mieux comprendre la surprenante modération dont fit preuve Constantin Doukas en n’aveuglant aucun conjuré, après une si grave menace pour sa vie.
44 Le dernier titulaire de cet honneur avait été Bardas, père de Nicéphore Phocas, mais son âge lui interdisait toute activité réelle.
45 Psellos, Chronographie II, p. 139.
46 Le sort réservé à Katakalôn Kékauménos ne contredit pas nécessairement cette opinion ; l’omission du versement au vieux stratège de sa roga de curopalate peut s’interpréter aussi bien comme une mesure d’économie, un peu drastique pour l’intéressé, que comme une mise à l’écart délibérée.
47 Le texte, l’analyse et le commentaire ont été publiés par Oikonomidès, Serment, p. 101-128.
48 Attaleiates,p. 101.
49 Psellos, Chronographie II, p. 159, fait allusion aux conventions passées entre l’impératrice et Diogénès. Il existait donc peut-être un texte écrit où les conditions d’exercice du pouvoir par Diogénès avaient été par avance nettement délimitées.
50 Romain était issu d’une vieille famille cappadocienne dont le représentant le plus ancien était peut-être le tourmarque de Cappadoce, Diogénès, qui vivait au ixe siècle (Theophane, p. 463). Par ses ancêtres, Romain était apparenté aux Phocas, aux Argyres et par eux aux Lékapènoi. Son père, Constantin, un des meilleurs généraux de Basile II, avait à deux reprises comploté contre Romain III. Romain lui-même ne semble pas avoir participé à la révolte de 1056 - était-il trop jeune ou commandait-il une troupe cappadocienne restée fidèle à Michel VI ? Apparemment, sous Romain III et sous Michel VI, les Diogénai n’était pas dans le même camp que les Comnènes, Doukai, Argyres. Cependant, Romain avait servi Constantin X Doukas qui ne lui avait pas accordé de faveur particulière.
51 Attaleiates, p. 175, rappelant le prestige dont avait joui Diogénès, le qualifie d’ἰσóθεος.
52 Alexiade II, p. 196.
53 Attaleiatès, p. 173.
54 Ibid., p. 146.
55 Ibid., p. 126.
56 Constantin Doukas avait consenti un effort plus considérable pour la défense de ce territoire. Les raisons de cette préoccupation de Doukas restent obscures, mais l’Italie avait toujours été défendue par des troupes étrangères à son sol, surtout Varanges et Russes, type d’armée que Constantin avait favorisé.
57 N’oublions pas que le couronnement de Romain eut lieu le premier janvier, jour de la commémoration de saint Basile de Cappadoce (ibid., p. 101).
58 Attaleiatès (ibid. p. 136), conseilla à l’empereur de ne plus se préoccuper des thèmes ravagés et improductifs mais de protéger les thèmes encore intacts.
59 Skylitzès Continué, p. 141.
60 Attaleiatès, p. 160.
61 Diogénès était peut-être né à Césarée ; Psellos (MB V, p. 223), dans une lettre fort élogieuse à l’empereur Diogénès, fait allusion à sa patrie, la plus belle des villes, qui fournit des gens courageux contre les barbares.
62 Attaleiatès, p. 171 ; Zônaras, p. 705 ; Skylitzès Continué, p. 153.
63 Attaleiatès, p. 158.
64 Zônaras, p. 688.
65 Attaleiates, p. 172-3 ; au printemps 1072, Andronic Doukas versa aux soldats les sitérésia et se les concilia tous en peu de temps.
66 Psellos, Chronographie II, p. 168.
67 Cf. infra, p. 408.
68 Gautier, Tzétzès, p. 212-216.
69 Théognoste Bourtzès remporta une victoire sur les Serbes en 1073 (Skylitzès Continué, p. 164).
70 Damien Dalassènos fut duc de Skopje en 1073 (ibid., p. 163). Les Dalassènoi ne sont pas cités en 1056, mais ils étaient liés aux Doukai et aux Comnènes.
71 Cf. f. d. n° 95.
72 Le déroulement de sa carrière est exemplaire pour suivre l’alternance du personnel des bureaux depuis le règne de Constantin IX. Sous cet empereur, il entra au service impérial (zônaras, p. 707) ; sans doute subit-il une éclipse sous Théodôra et Michel VI, mais il commença son ascension sous Constantin X, à peine arrêtée par une intrigue sordide à la fin du règne (Attaleiatès, p. 181). Puis, sous Diogénès, il réussit à conserver une position, mais sa nomination comme préteur de l’Hellade et du Péloponnèse correspond presque à un exil ; enfin, il revint en faveur sous Michel VII, évinçant tous les autres conseillers dont le César Doukas qui, après avoir favorisé sa carrière, devint un ennemi.
73 Lemerle, Cinq études, p. 300-302.
74 Infra, p. 405 sq.
75 Nicéphore Paléologue, duc de ce thème, revint à Constantinople à la fin de 1077 ou au début de 1078 : Bryennios, p. 239.
76 Ibid., p. 217. Nicéphoritzès avait obtenu l’administration du sékréton de l’Hebdomon (Attaleiatès, p. 201).
77 Bryennios, p. 243. Précisément, Anne Comnène chiffre à ce nombre les Chômatènoi trouvés à Constantinople par Alexis en avril 1081, Alexiade I, p. 130.
78 Il s’agit sans doute de Jean Goudélès nobélissime, dont le sceau a été édité par Schlumberger, Sigillographie, p. 549 n° 2. Cette famille participait pour la troisième fois en ce siècle à une rébellion ; la première fois sous Constantin VIII (Skylitzès, p. 372), la seconde sous Michel IV (ibid., p. 396). Un Goudélès épousa la petite-fille de Botaneiatès, comme en témoigne un poème consacré à son descendant, Basile Tzintziloukès (Markianos 524, p. 152, n° 103). Sur la famille, voir Sp. Lampros, Ό βυζαντιακός οίκος Γουδέλη, NE 13, 1916, p. 214-215. Voir aussi f. d. n° 105
79 Attaleiatès, p. 263.
80 Les Paléologues étaient issus de Phrygie, et Mélissènos avait ses propriétés à Dorylée, infra, p. 217, 223.
81 Il fut successivement duc d’Édesse, de Bulgarie, de Thessalonique, du Paristrion, d’Antioche, d’Hellade-Péloponnèse, enfin des Anatoliques ; sa carrière a commençé à connaître quelqu’éclat dès l’époque de Constantin IX (Cheynet, Dévaluation, p. 461-462).
82 Sur ce point, Gautier, Introduction à l’Histoire de Bryennios, p. 16 et note 4.
83 Bryennios, p. 223-225.
84 L’épouse d’un Batatzès contrôla Raidestos pour le compte de Bryennios, Attaleiatès, p. 245.
85 Ibid., p. 247.
86 Skylitzès Continué, p. 173 ; Cheynet, Dévaluation, p. 462.
87 Supra, p. 236.
88 Lorsqu’il chercha un successeur dans sa famille, il se tourna vers un Synadènos, Alexiade I, p. 66. Il n’était cependant pas dépourvu de descendance directe, car son petit- fils avait épousé la fille aînée du curopalate Manuel Comnène, ibid., p. 75.
89 Bryennios, p. 269, fournit toutes les données chiffrées concernant les troupes de son grand-père ; la description de l’armée· impériale est beaucoup plus succincte.
90 Attaleiatès, p. 306, souligne qu’ils formaient un corps nombreux.
91 Ibid., p. 288, leur présence, inattendue si loin de leur île, n’est pas confirmée par les autres sources, mais il est vrai qu’à cette date la Crète était exempte de tout danger.
92 Cela n’arrêta nullement Bryennios et les siens, indice que l’organisation du marché du blé à Raidestos avait moins d’importance pour cette aristocratie pourvue d’autres ressources, et qu’elle ne constituait pas le ressort de la révolte, alors que les fonctionnaires aux revenus plus modestes, comme Attaleiatès, semblent beaucoup plus touchés par les mesures du logothète Nicéphoritzès.
93 B. Leib a étudié toutes ces intrigues dans plusieurs articles consacrés à la période 1078-1081 : Jean Doukas, César et moine, son jeu politique à Byzance de 1067 à 1081, Mélanges Paul Peelers II, 1950, p. 163-180 ; Nicéphore III Botaneiatès (1078-1081) et Marie d’Alanie, Actes du VIe Congrès des Études Byzantines I, Paris 1948, p. 121-140 ; Aperçus sur l’époque des premiers Comnènes, Orientalia Christiana Analecta 204, 1977, p. 1-64. L’auteur, en dépit de sa réserve justifiée devant le manque d’objectivité d’Anne Comnène, conserve, nous semble-t-il, un point de vue trop favorable à Anne Dalassènè, surestimant son rôle et ses capacités.
94 Pour les Comnènes, cf. supra, tableau p. 277. Nicéphore Synadènos était promis à Zôè Doukaina, la plus jeune fille de Constantin X (Alexiade I, p. 161).
95 Zônaras, p. 722 ; Skylitzès Continué, p. 181-182.
96 Botaneiatès obtint tout de même le ralliement de Philarète Brachamios, l’ancien compagnon d’armes de Romain Diogénès.
97 Attaleiatès, p. 304 ; Skylitzès Continué, p. 184.
98 Le mariage aurait eu lieu vers 1072-1073, date significative en ce qu’elle prouve que Michel VII voulait faire revenir Isaac Comnène exilé avec sa mère pour s’être maintenu trop longtemps dans le parti de Diogénès, Barzos, Généalogie I, p. 67.
99 Bryennios, p. 259 (printemps 1078) ; Alexiade I, p. 65 (1080).
100 Bryennios, p. 255, a laissé un compte-rendu très vivant du mariage. Le prêtre refusant de bénir une union qui était un véritable adultère, le César fit signe à son petit-fils Michel, qui aussitôt substitua au prêtre récalcitrant un autre plus laxiste.
101 Le mariage de Nicéphore Mélissènos avec Eudocie Comnène avait eu lieu avant la mort du curopalate Jean Comnène, c’est-à-dire avant juillet 1067 (Bryennios, p. 85).
102 La seule certitude est qu’il fut magistre et stratège de Triaditsa à une date incertaine, sous Constantin X ou Romain IV. Sous cet empereur, il servit comme lieutenant de son beau- frère, le prôtostratôr Manuel Comnène.
103 Alexiade I, p. 49. Ce qu’Alexis donnait à Mélissènos n’est pas clair, mais il est probable qu’il s’agissait des impôts perçus à Thessalonique et non pas évidemment de la ville elle-même, de même qu’il donna ensuite les revenus de la presqu’île de Kassandra à son jeune frère Adrien (Lavra, acte n° 46, août 1084).
104 Supra, p. 238.
105 Sur la carrière de Pakourianos, Lemerle, Cinq études, p. 164-170. Pakourianos avait obtenu ses premiers postes élevés sous Constantin X, étant le second de Pankratios à Ani en 1066, devenant peut-être ensuite le premier duc de Kars. Sous Romain IV, nous ignorons ses activités ; sans doute fut-il écarté des plus hauts postes, en tout cas il ne put être le successeur de Basilakios à Théodosioupolis car, lorsque Romain IV revint dans cette ville après sa libération par les Turcs, le catépan en place était Paul, ancien catépan d’Édesse (Attaleiatès, p. 168). Pakourianos fut donc duc de Théodosioupolis au début du règne de Michel VII, puis stratège ( ?) des Smolènes, et sous Nicéphore III, rien n’indique qu’il ait obtenu un nouveau poste. Cet homme avait ainsi son destin lié aux Doukai.
106 Nous ignorons tout de ses activités sous Nicéphore III. Peut-être remplaça-t-il Roussel à la tête des tagmata francs.
107 Il traita avec Gilpract, puis par un discours audacieux, interdit à la flotte de Botaneiatès de rallier Mélissènos, Alexiade I, p. 95-96.
108 Ibid., p. 86, Isaac rappelle à Alexis que c’est par lui que Dieu a voulu replacer leur famille au pouvoir.
109 Ibid., p. 95 ; Zônaras, p. 729 précise qu’on tua ou blessa, viola et pilla même les églises, Thraces et Macédoniens y prenant part autant que les barbares. Guillaume De Pouille (IV, v. 151-152) accuse surtout les mercenaires turcs d’Alexis.
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Titre | Armée rebelle |
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Titre | Armée de Nicéphore III, formée en deux groupes |
Légende | Note90Note91En arrière, renforts turcs de plusieurs milliers d’hommes. |
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© Éditions de la Sorbonne, 1996