Pouvoir et contestations à Byzance (963-1210)
|Les solidarités dans l’aristocratie byzantine
Chapitre VI. Clans et parentèles
Texte intégral
- 1 Heers, Le clan familial, aborde les mêmes aspects politiques et sociaux des grands clans familiaux (...)
1La puissance de l’aristocratie dans l’État ne se fonde pas seulement sur le quasi-monopole des fonctions d’autorité, mais sur les réseaux qu’elle tissait horizontalement par les liens de parenté et verticalement par les solidarités créées par sa position d’intermédiaire obligé entre l’empereur, ou les fonctionnaires de l’État, et le reste de la population, ou encore à l’inverse par le soutien qu’elle attendait de ses serviteurs. C’étaient les liens de la syggéneia, de Γ oikeiôsis et du thérapeutikon1.
Les solidarités par le sang
- 2 Infra, p. 305.
2L’importance sociale dépendait donc de l’éclat et du nombre de la parenté (συγγενικόν ou συγγένεια) qui participait à tous les moments essentiels de la vie, en particulier lors des campagnes militaires, puisqu’un chef combattait escorté par sa parenté2.
- 3 Peira XXX, p. 127.
- 4 Sur le vocabulaire de la parenté, voir les articles récents d’Évelyne Patlagean, Les débuts d’une (...)
- 5 Conseils et Récits, p. 196.
- 6 Psellos, Chronographie I, p. 111 ; Attaleiatès, p. 12.
- 7 Psellos, Chronographie II, p. 24-25.
3Quelles obligations créaient les liens de parenté ? Tout d’abord, l’interdiction de se nuire. La Peira3 expose la difficulté de témoigner contre des parents, conformément au texte des Basiliques : dans un procès criminel, on ne peut être contraint de témoigner contre “son propre beau-père, son parent par alliance (gendre, beau-frère, qui traduisent le grec gambros), descendant direct, neveu, nièce ou enfant issu de ces derniers”4. Certains poussaient assez loin ce désir d’épargner les désagréments à leurs parents, puisque, selon Kékauménos, des percepteurs allégeaient ou omettaient les impositions des leurs5. Maltraiter ses proches constituait la pire des injustices. Michel V, en dépit du comportement criticable des siens, fut vivement blâmé de les avoir chassés du palais et d’avoir rendu eunuques un certain nombre d’entre eux6. Épargner le sang familial était un devoir, et Tornikios révolté, vainqueur des troupes de Constantin Monomaque devant Constantinople, fit arrêter le massacre afin que lui-même et ses troupes ne risquent plus de verser le sang de leurs parents, mesure si louable que Monomaque craignit qu’elle n’attirât sur Tornikios la faveur divine7.
- 8 Attaleiatès, p. 12.
- 9 Psellos, MB V, p. 278.
- 10 Idem, MB IV, p. 351 (Éloge de Cérulaire).
- 11 Laurent, Église, n° 1524.
- 12 Théophylacte De Bulgarie, Lettres p. 245.
- 13 Laurent, Église, n° 101, commentaire du sceau ; Idem, Etienne Chrysobergès, archevêque de Corinthe (...)
- 14 Benesevic, Catalogus I, p. 289, Sinaiticus 482 (1117) ; pour la date, Grumel, Regestes, n° 1125.
- 15 Son oncle, Théodore Galènos, l’avait d’ailleurs précédé à ce siège de Sardes, Browning, Patriarcha (...)
- 16 MM IV, p. 185.
- 17 Ibid., p. 109.
4De manière plus positive, les parents devaient s’entraider et pratiquer la συγγενική βοήθεια8. Un membre de la famille en position prééminente se préoccupait d’en faire bénéficier la parentèle. À ce titre Psellos s’entremit en de nombreuses occasions, au point de qualifier, dans une lettre, d’impérieuse nécessité, de “tyrannie”, le devoir d’aider ses propres parents9. Mais ce que nous qualifierions de népotisme éhonté semblait tout à fait naturel aux Byzantins et passait même pour vertu. Son ampleur transparaît parfois, et notablement, dans les bureaux constantinopolitains et les milieux ecclésiastiques. En effet, lorsqu’un patronyme apparaît à un poste éminent dans un bureau, il est souvent porté, dans les années suivantes, par des fonctionnaires de rang plus modeste. Psellos rappelle, dans son éloge de Cérulaire, combien ce dernier chérissait sa famille - ses neveux en particulier - et s’efforçait de leur obtenir le maximum d’avantages ; et qu’une fois patriarche de Constantinople, il ne changea point de comportement10. Cérulaire n’était pas seul à agir ainsi. Les Chrysobergai exercèrent avec une étonnante continuité des fonctions ecclésiastiques. Nicolas fut patriarche de Constantinople entre 979 et 991 ; Théodose devint patriarche d’Antioche au milieu du xie siècle11 ; un Chrysobergès est attesté comme métropolite de Naupacte à l’époque d’Alexis Comnène12. Avec la nomination de Luc Chrysobergès au siège de Constantinople de 1157 à 1170, le favoritisme familial est encore plus flagrant. Etienne fut chartophylax, grand sacellaire en 1166, référendaire avant de devenir métropolite de Corinthe13. Nicéphore fut diacre et notaire patriarcal en 119314. Le même, ou plus probablement un neveu homonyme était encore attesté vers 1213 comme métropolite de Sardes15. Des Chrysobergai occupèrent aussi des postes dans l’Église de Smyrne, tels Basile, clerc en cette ville en 119416, ou Georges qui y fit toute sa carrière à la fin du xiiie siècle17. Le népotisme ecclésiastique était à ce point enraciné que l’habitude avait été prise de dénommer les neveux par rapport à leur oncle protecteur et haut placé dans la hiérarchie, de la manière suivante : Μιχαήλ ό του Θεσσαλονίκης, Michel, neveu du métropolite de Thessalonique.
5Enfin, nous ne pouvons saisir pleinement toutes ces pratiques puisque nous ne les percevons qu’au travers des patronymes ; ainsi nous échappent tous les parents par alliance du côté maternel, dans la mesure où leur patronyme était différent et où les mariages de ce groupe nous restent largement inconnus.
- 18 Conseils et Récits, p. 208.
- 19 Alexiade I, p. 107.
6La solidarité familiale, pratique obligatoire et réciproque, se révélait profitable, comme Kékauménos l’explique clairement dans ses Conseils : “souviens-toi du vieil ami de ton père, de ton parent, lorsque tu es dans la prospérité et sois leur bienfaiteur. Pense à eux et Dieu pensera à toi : peut-être t’a-t-il accordé la prospérité pour que tu sois leur bienfaiteur ; souviens-toi que rien n’est stable... en sorte que tu peux avoir besoin des petits-enfants de ceux dont tu as été le bienfaiteur ; selon que tu as bien ou mal agi, cela ne sera pas oublié, mais cela aura son prix aux yeux de Dieu”18. Tout Byzantin donc, parvenu à une position éminente, devait pourvoir les parents qui l’avaient soutenu dans son ascension sociale. Ainsi s’explique le curieux conseil que donna le César Jean Doukas à Nicéphore Botaneiatès, de retour dans la capitale, vainqueur de Michel VII : “épouse Marie d’Alanie (la femme de Michel VII), tu ne seras pas importuné par la foule de ses parents puisqu’elle est étrangère”19.
- 20 Ainsi en 972, le magistre Jean Kourkouas, simplement appelé “parent de l’empereur Jean Tzimiskès” (...)
- 21 Cependant, en 987, lorsque Bardas Phocas négocia une alliance avec Bardas Skléros contre Basile II (...)
- 22 Cf. f. d. n° 80.
- 23 À Byzance, la pratique de la vendetta semble ignorée, à la différence de l’Occident (Heers, Clan f (...)
7Cette solidarité familiale s’arrêtait aux proches, selon la liste restrictive des parents contre lesquels le juge ne pouvait exiger de témoignage à charge. La perception de l’appartenance à une famille se perdait largement au-delà des cousins germains, même si au regard du droit canon, elle s’étendait jusqu’au septième ou huitième degré de parenté. De fait, lorsque des liens de sang nous sont rapportés, ils ne sont pas plus éloignés que les exadelphoi. Ce dernier terme est du reste ambigu, car il se confond souvent avec celui de prôtoexadelphoi, les cousins germains20. D’autre part, les unions matrimoniales n’impliquaient pas nécessairement une coopération entre deux familles ; ainsi les mariages croisés entre les Phocas et les Sklèroi dans la seconde moitié du xe siècle ne mirent nullement fin à leur farouche rivalité21. Aarôn reçut de Michel VI, en 1057, le commandement d’une armée envoyée contre Isaac Comnène révolté, son propre beau-frère22. Les apparentements n’avaient pas pour objectif premier l’extinction des haines familiales, mais leur atténuation23. Ainsi voit-on le basileus, traitant avec un révolté, choisir pour médiateur un parent de ce dernier, gage de sa sécurité.
- 24 Entre autres exemples, f. d. n° 15, 104, 105, 113.
- 25 En fait, l’étude des alliances de la famille macédonienne reste à faire et il est certain que Himé (...)
- 26 Alypios, père d’Hélène, passait pour un homme très puissant à la fin du xe siècle : Zônaras, p. 57 (...)
- 27 Ibid., p. 267 ; Léon Diacre, p. 66.
- 28 Skylitzès, p. 284.
8En dépit de ces quelques réserves, l’esprit de solidarité l’emportait, et c’est pourquoi aussi bien les prétendants à l’Empire que les empereurs en place l’ont utilisé à leur profit. Les fiches documentaires des révoltes montrent combien les parents du principal protagoniste d’une révolte étaient fréquemment présents à ses côtés24. Les empereurs, surtout lorsque leur pouvoir était récent, donc fragile, n’ignoraient pas le profit à tirer de leurs liens avec les grandes familles. En revanche, après le règne de Basile I, une fois leur légitimité établie, les Macédoniens n’installèrent pas leurs proches à tous les postes essentiels de l’Empire25. Léon VI ou Constantin VII se sont appuyés sur les Phocas auxquels ils avaient sans crainte confié l’armée. Il n’apparaît pas qu’ils aient éprouvé le besoin de renforcer cette confiance par des liens matrimoniaux. La famille Alypios dont était issue Hélène, épouse de Constantin VIII, seule impératrice durant les règnes conjoints de Basile II et de Constantin VIII, ne servit point d’appui aux empereurs26. La politique des Macédoniens contraste avec celle des Comnènes qui ne placèrent aux postes clés que des membres du clan, ou s’allièrent par des mariages à toutes les familles notables. En fait, cet usage de la solidarité familiale comme arme politique précédait largement leur dynastie. Dès le règne de Nicéphore Phocas, les principaux chefs militaires furent choisis parmi les membres de sa lignée ; son neveu Tzimiskès obtint le poste de domestique des Scholes, son frère Léon fut honoré de la dignité de curopalate, tout en remplissant la charge de logothète du drome qu’il sut rendre lucrative, et il assura la sécurité de l’empereur ; Manuel, un cousin germain, qui n’avait pourtant pas les qualités militaires requises, fut chargé de l’expédition de Sicile27 ; enfin Bardas, un autre neveu, était duc de Chaldée et de Colonée à la mort de son oncle28.
- 29 Pour toutes les références et la parenté des autres empereurs, voir tableaux, infra p. 310-311.
- 30 Zônaras, p. 600 ; Psellos, Chronographie I, p. 78.
- 31 Attaleiatès, p. 12.
9Ces attaches qu’un empereur aussi puissant et respecté que Nicéphore Phocas avait jugé bon d’utiliser, comment des souverains beaucoup moins assurés de leur pouvoir les auraient-ils négligées ? Qu’il s’agisse de Romain III Argyros, de Michel IV, de Constantin Monomaque, d’Isaac Comnène ou des empereurs Doukai, tous ont établi des parents aux postes sensibles29. Romain Argyros plaça son beau-frère Constantin Karantènos à la tête du duché d’Antioche ; Pothos Argyros, dont le lien avec Romain III n’est pas connu avec précision, fut catépan d’Italie. Michel IV, dépourvu d’un génos brillant, donc d’illustres alliances, fut encore plus prudent, puisqu’il fit de son frère, Jean l’Orphanotrophe, son principal ministre, et donna à ses autres frères les postes les plus importants de l’armée, en Orient comme en Occident. Pour la première fois sous son règne, nous voyons la parenté (τό σύγγενες) de l’empereur agir au même titre que les chefs du Sénat en tant que groupe de pression : ils voulaient en vain détourner Michel IV de partir en expédition contre les Bulgares révoltés30. Michel V, son neveu et successeur, moins prudent, n’hésita pas à se débarrasser de tous ses parents, ce que les contemporains jugèrent, outre le crime moral, une grave faute politique31. Il faut voir là une des raisons qui rendent compte de sa chute en quelques heures, car au moment critique, il ne fut soutenu que par l’oncle dont il avait cultivé l’amitié, le nobélissime Constantin.
- 32 Oikonomidès, Organisation administrative, p. 128 ; infra p. 373.
- 33 PG 140, col. 252-253.
- 34 Papadopoulos-Kérameus, Analekta II, p. 362-363.
10L’influence des parents de l’empereur, sauf peut-être sous Michel IV, n’excéda pas toutefois ce qui avait été observé aux siècles précédents. Avec l’avènement des Doukai, un nouveau degré fut franchi, et ce groupe familial prit un poids croissant, en particulier par le rôle que tinrent le frère de Constantin X, Jean Doukas, et ses fils, Andronic et Constantin. Mais c’est avec les Comnènes que le groupe familial obtint un rôle quasi institutionnel, dans la mesure où les parents de l’empereur prirent le pas sur tous les autres sujets, quelle que fût la fonction exercée. Cet honneur d’appartenir à la famille impériale se traduisit par l’obtention de la dignité de sébaste et de ses dérivés, protosébaste, panhypersébaste. De ce point de vue, le règne d’Alexis Comnène marqua une étape transitoire vers l’exclusivité du titre réservé à la famille de l’empereur32. Sous Manuel Comnène, l’évolution est terminée, comme nous pouvons le vérifier par les listes fournies des participants civils aux synodes de 1166. Le 6 mars 1166, assistaient au synode vingt-huit sébastes, tous parents de l’empereur, placés avant de hauts fonctionnaires comme le logothète du drome ou Y épi tou kanikleiou, même si les sébastes n’occupaient aucune fonction33. En outre, la parenté exacte avec l’empereur est précisée pour les dix- huit premiers noms de la liste. Ce même ordre hiérarchique fut encore respecté après la chute des Comnènes et l’avènement de la dynastie des Anges, mais une proportion peut-être moins importante de membres de la famille occupaient les premiers rangs. Cependant, ils avaient encore la préséance sur tous les autres dignitaires, comme en témoigne la liste des personnalités présentes au synode de 1191 : cinq membres seulement sur treize ont leurs liens de familles clairement explicités34. Une certaine régression de l’emprise des parents de l’empereur est donc possible en cette fin du xiie siècle, mais il ne faut pas l’exagérer, car deux autres participants à ce synode portaient le nom de Comnène, ce qui trahit des liens de parenté, certes plus éloignés, avec la dynastie régnante d’alors et suffit à justifier leur présence.
- 35 Albert D’aix, RHC occ., p. 310.
- 36 Alexiade III, p. 208.
- 37 Zônaras, p. 762. L’auteur a bien marqué la préséance du groupe familial.
- 38 Nicêtas Chôniatès, Histoire, p. 41. Les dignitaires ne sont cités qu’en troisième position, après (...)
11Le groupe familial, omniprésent à partir du règne d’Alexis I, participa avant tous les autres aux décisions fondamentales concernant le sort de l’Empire, en particulier au règlement des successions. Ses parents entouraient Alexis I lorsqu’il négociait avec les Croisés35 ou avec les Turcs36. À la mort de l’empereur, son fils Jean prit le pouvoir, accompagné de sa parenté, des chefs de l’armée et du Sénat37. Mortellement blessé lors de son ultime campagne de Cilicie, Jean transmit le pouvoir à son fils cadet Manuel en le désignant clairement comme son héritier devant sa parenté, ses amis et les dignitaires38.
- 39 Conseils et récits, p. 286. Pour illustrer son conseil, Kékauménos rappelle combien Michel IV fut (...)
- 40 Zônaras, p. 767.
- 41 Psellos, Chronographie II, p. 128.
12Il était naturel et admis par les contemporains, que les empereurs s’appuient sur leurs parents pour assurer leur pouvoir, mais à la condition de ne pas leur accorder d’avantages indus, et de pas les laisser commettre d’exactions : “que tes parents te craignent, conseille Kékauménos à l’empereur, et ne leur fournis pas l’occasion de pratiquer l’injustice ! ”39. Zônaras critique Alexis Comnène pour avoir oublié le sens de l’État au profit des siens, auxquels il avait distribué d’immenses richesses40. Son oncle Isaac avait su, au contraire, garder la mesure et n’avait pas favorisé sa parenté après sa victoire41.
- 42 Vie de Michel Maléïnos, p. 558.
13La portée du choix des alliances justifie que les familles en vue aient mené une véritable politique matrimoniale. L’enjeu, en dehors même des aspects politiques des mariages, était considérable, puisqu’il s’agissait de l’avenir des patrimoines. Sur cette évolution, nous sommes peu renseignés ; en principe, les garçons et peut- être les filles devaient se partager à parts égales l’héritage, mais en réalité nous constatons que la fortune se conservait plutôt dans une branche de la famille, sans que nous sachions par quel moyen. La mortalité diminuait-elle le nombre des héritiers au point d’éviter la division ? Les filles, une fois dotées, étaient-elles exclues de la succession ? Certains fils de famille se dirigeaient-ils, comme en Occident, vers les carrières ecclésiastiques ? Il semble bien qu’il en ait été ainsi : Manuel-Michel Maléïnos, frère de Constantin, se fit moine, mais obtint tout de même sa part d’héritage puisqu’il la vendit au profit de son couvent42. Nous ne saurions donc apporter de réponse précise à cette question de l’évolution des biens patrimoniaux. Ou bien nous tenons un indice montrant qu’une fortune aristocratique ne se constituait pas par héritage, mais par l’obtention de hautes fonctions lucratives, auquel cas le nombre des héritiers importait moins, puisque la division du patrimoine à chaque génération était compensée par les revenus et les profits des fonctions exercées.
14Lors des engagements matrimoniaux, les intéressés étaient rarement consultés, puisque les fiançailles, en dépit de l’interdiction de l’Église, étaient réglées par les parents, alors que les fiancés étaient de tout jeunes enfants. Or ce lien engageait autant que le mariage et ne pouvait de ce fait être rompu ; néanmoins les puissants - et la famille impériale en particulier - trouvaient quelques accomodements avec les gens d’Église ; la liberté matrimoniale était donc particulièrement restreinte, sauf, semble-t-il, pour les veuves.
- 43 Heers, Clan familial, p. 219 sq.
15A la différence de l’Occident, nous ne connaissons donc pas d’action collective familiale43. La cellule fondamentale de la famille byzantine demeure le couple, comme le manifestent clairement les testaments où n’interviennent jamais les autres membres de la famille dans la dévolution des biens, sauf à en être d’éventuels bénéficiaires.
- 44 Les empereurs firent du mariage des princesses un instrument de négociation dans les relations int (...)
- 45 Skylitzès, p. 316.
- 46 Bryennios, p. 223-225.
- 47 Ibid., p. 221.
- 48 Alexiade I, p. 87.
16Les lignages les plus fameux menaient, comme les empereurs44, leur stratégie matrimoniale. Bardas Sklèros s’était acquis le soutien de chefs arabes en s’alliant à eux par mariage45. Lorsque Nicéphore Bryennios se révolta contre Michel VII, le gouverneur( ?) d’Andrinople, Katakalôn Tarchaneiôtès, avertit l’empereur et lui demanda des renforts. La mère de Nicéphore et Jean Bryennioi proposa alors a ses fils d’associer Tarchaneiôtès aux intérêts de leur famille, en donnant en mariage sa soeur Hélène au fils de Nicéphore. Katakalôn accepta et rejoignit ainsi les frères Bryennioi dans leur combat contre Michel VII46. L’exemple le plus achevé d’un dessein matrimonial est évidemment l’alliance entre les Comnènes et les Doukai, par l’union d’Alexis Comnène et d’Irène Doukaina, petite-fille du César Jean Doukas. Son importance politique était telle qu’Anne Dalassènè, la mère d’Alexis, dut surmonter son aversion pour le César Jean Doukas et sa famille47. Ce mariage fut bien le facteur décisif de l’arrivée au pouvoir d’Alexis I, car au moment de la proclamation d’un nouveau basileus à la place de Nicéphore Botaneiatès, Isaac Comnène, frère aîné d’Alexis, émit quelque prétention, mais les Doukai soutinrent Alexis, parce que, au dire d’Anne Comnène, “leur parente Irène, ma mère, avait été légalement mariée à mon père. En même temps qu’eux, tous ceux qui étaient naturellement unis par le sang, firent de même avec enthousiasme”48.
17La description des grands groupes familiaux formés entre le xe siècle et le début du xiiie siècle nous offre un des principaux ressorts de la vie politique. Dans le cadre de notre étude, nous limiterons notre recherche à ceux qui fournirent des prétendants à l’Empire ou des hommes que l’opinion publique estimait en mesure de parvenir au pouvoir. Au xe siècle se distinguèrent le clan des Phocas, ceux de leurs adversaires, les Lékapènoi et les Sklèroi, et au xie siècle, le clan constantinopolitain constitué par les Monomaques-Makrembolitissai, Cérulaires et Doukai, celui des “Macédoniens” et celui des Comnènes avant leur accession au pouvoir. Au xiie siècle, un seul clan dominait. Deux questions alors retiennent l’attention : comment y être accepté et dans quelle mesure les anciens clans y conservaient-ils leur originalité ?
Formation et évolution des familles dirigeantes
18Nous établissons les tableaux généalogiques des clans les plus notables entre le xe et le xiie siècle. Nous commençons par les groupes installés en Asie Mineure, puisqu’au xe siècle, ils ont acquis une incontestable prééminence, particulièrement les Phocas et leurs alliés.
19Nous ne cherchons pas à placer sur nos tableaux tous les membres attestés de ces familles ; nous retenons en revanche toutes les alliances dont nous avons connaissance. À la suite de chaque tableau, nous dressons la liste des familles apparentées, pour comparer les différents groupes et évaluer leur importance. Dans le cas d’homonymes, nous les distinguons en indiquant leur fonction. Nous nous efforçons de respecter l’ordre chronologique des naissances lorsqu’il est connu ; sinon, nous mettons en premier les garçons, et ensuite les filles, en tenant compte des prénoms de leurs grands-parents ; nous admettons en effet, quand aucune information ne le contredit, que le fils aîné portait le nom du grand-père paternel, le second celui du grand-père maternel, que la fille aînée héritait du prénom de sa grand-mère paternelle, la cadette de celui de sa grand-mère maternelle. Nous savons que des exceptions se produisaient, en particulier si la famille maternelle l’emportait en prestige sur la famille du père, mais nous considérons que ces exceptions restaient suffisamment peu nombreuses pour ne pas invalider les commentaires proposés.
- 49 Djurić, F oka, p. 189-292 ; Traité sur la guérilla, appendice par J. C. Cheynet, p. 289-315.
Les Phocas - Maléïnoi49

- 50 Les Botaneiatai n’apparaissent pas sur le tableau précédent, mais leur apparentement est certain, (...)
20Familles alliées : Maléïnoi, Adralestoi, Pleustai, Sklèroi, Tzimiskai-Kourkouas, Parsakountènoi, Balantai, ainsi que les Botaneiatai50.
- 51 Nous reprenons le tableau de Seibt, Skleroi, en substituant Panthèrios à Munir.
Les Sklèroi51

- 52 Grégoria, selon Skoutariôtès, MB VII, p. 158, descendait d’un frère (Bardas ?) de Basile I.
Note5152
- 53 L’empereur Romain Lékapènos nomma un de ses parents, Panthèrios, domestique des Scholes en 943-944 (...)
21Familles apparentées : Tzimiskai, Phocas, Argyroi, Monomaques, Lékapènoi53.
- 55 Les Radènoi étaient également au premier rang de l’aristocratie, comme en témoignent leurs allianc (...)
- 56 Skylitzès, p. 375.
22Familles alliées : Lékapènoi, Sklèroi, Karantènoi, Comnènes ainsi que les Radènoi55, apparentés à Romain III, selon Skylitzès56. Nous remarquons l’absence d’alliances connues entre les Argyroi et les Phocas.
- 57 Il n’existe pas d’étude d’ensemble de cette famille.
Les Kourkouas - Tzimiskai57

23Familles apparentées : les Sklèroi, les Phocas.
- 59 Il n’existe pas d’étude d’ensemble sur les Lékapènoi.
Les Lékapènoi59

- 62 Une alliance lointaine unissait les Maléïnoi et les Lékapènoi: la grand-mère de Michel Maléïnos ét (...)
24Familles apparentées : dynastie des Macédoniens, Argyroi, Gabalas, Tarôni- tai, Radènoi, Sarônitai, Môsélai, et en outre trois autres familles dont les patronymes ne sont pas conservés, mais dont les titres dénotent le plus haut rang62.
- 63 Supra, chapitre sur l’origine géographique des familles.
25Ces cinq généalogies imposent deux remarques : il ne s’y mêle aucune famille aux assises foncières établies en Occident63 et le milieu social, l’élite militaire de l’Asie Mineure, est remarquablement homogène ; les hommes cités ont presque tous dirigé des tagmata ou des thèmes.
- 64 Le magistre Paul Monomaque, contemporain de Constantin VII, n’exerça, semble-t-il, que des activit (...)
- 65 Les informations de Michel Attaleiatès (p. 217-218), selon lesquelles les Phocas descendraient de (...)
- 66 Nous ignorons tout des alliances de Nicéphore l’Ancien, pourtant responsable de la fortune de ses (...)
26Les Monomaques, les seuls pour lesquels nous ne puissions attester de commandement militaire64, restent presque totalement absents de nos tableaux. Les Phocas manifestent de façon évidente leur primauté, bien qu’ils ne l’aient pas emporté par l’ancienneté de leurs origines65, puisque le premier Phocas notable vivait au milieu du ixe siècle, alors que des lignées remontent au viiie siècle, comme les Xylinitai, les Tessarakontapycheis ou les Mélissènoi. En revanche la qualité des choix matrimoniaux des Phocas est inégalée, à partir de la génération de Bardas le Vieux66, comme en témoigne la liste des familles alliées.
- 67 La famille n’était pas éteinte puisque Constantin Lékapénos est attesté à la fin du xie siècle, La (...)
27La place des Lékapènoi est fort différente. Leur notoriété était à peine plus récente que celle des Phocas et Romain détint le pouvoir impérial plus de deux décennies : or il est remarquable qu’aucun Lékapènos n’ait épousé de fille issue des Phocas, famille rivale sur le plan politique, sans que nous puissions déterminer si ce refus d’alliance était le fait des Phocas, dédaigneux des Lékapènoi, même établis sur le trône, ou bien de ces derniers, désireux de refouler toute aspiration au pouvoir de leurs concurrents. Plus remarquable encore, les familles apparentées aux Phocas ne sont pas non plus représentées, l’empereur Romain Lékapènos ayant dû renoncer, devant les protestations de sa propre famille, au mariage projeté entre son petit-fils Romain et Euphrosynè, fille du domestique des Scholes Jean Kourkouas. À l’inverse, les Gabalas et les Argyroi, entrés dans la famille Lékapènos, n’ont pas de liens attestés avec les Phocas - Maleïnoi. Même en tenant compte des nombreux mariages qui restent inconnus, nous comprenons que ces unions entre les magnats d’Asie Mineure étaient mûrement réfléchies et subdivisaient cette aristocratie en clans différenciés qui se mélangeaient assez difficilement. Le clan Phocas se brisa à son tour lorsque Jean Tzimiskès eut assassiné son oncle et lui eut succédé, dans la mesure où les Maléïnoi restèrent fidèles au vaincu tandis que les Balantai, Kourkouas et Tzimiskai se séparèrent du groupe en se rapprochant des Sklèroi auxquels ils étaient précisément apparentés. Le comportement des Balantai est exemplaire. Intégrés au groupe des Phocas par l’intermédiaire des Kourkouas, ils durent, lorsque ces derniers devinrent hostiles aux premiers, choisir entre deux solidarités, et préférèrent soutenir la famille avec laquelle ils avaient noué les liens les plus resserrés. Le rapport entre les alliances matrimoniales et la puissance politique du génos est souligné par le fait qu’en tant que grande famille, les Lékapènoi ne survécurent pas à la chute de l’empereur Romain67, pas plus que les Phocas - Maléïnoi à l’échec final des révoltes de Bardas Phocas en 989 et de Nicéphore Phocas en 1022.
- 68 Constantin Porphyrogénète, dans son D. A. I., condamnait les alliances de princesses porphyrogénèt (...)
28Au xie siècle, les familles dont nous pouvons suivre quelque peu l’histoire matrimoniale sont différentes de celles du siècle précédent. Nous ne saurions cependant les qualifier de “nouvelles familles”, puisque certaines sont attestées dès le viiie ou lé ixe siècle, comme les Bryennioi ou les Doukai. Nous avons choisi d’évoquer les familles impériales Doukai, Argyroi, Diogènai et Comnènes, en essayant de délimiter les liens entre les empereurs successifs, de la mort de Constantin VIII à l’avènement de Nicéphore III Botaneiatès. Nous y ajouterons les Macédoniens d’Andrinople qui formèrent le premier “clan occidental”, et les familles princières de Bulgarie et de Géorgie, en raison de leur rôle éminent lors des luttes pour le pouvoir au xie siècle. Nous ne prenons pas systématiquement en compte, dans ces tableaux, les princesses impériales données en mariage à des princes étrangers pour des raisons diplomatiques - encore que cet usage du sang impérial pour sceller des alliances étrangères ait constitué un phénomène nouveau en ce siècle, du moins par son ampleur68. Nous arrêtons notre tableau pour les Comnènes en 1081, parce qu’à cette date, la montée sur le trône d’Alexis I modifia profondément la nature des liens matrimoniaux contractés par la lignée qui ne se trouvait plus en position de solliciteuse.
- 69 R. Janin, Un ministre byzantin, Jean’ l’Orphanotrophe, EO 30, 1931, p. 431sq.
29Après la mort de Constantin VIII, la succession impériale sembla réglée par le caprice de ses filles, Zôè en particulier. C’est incontestablement vrai pour l’avènement de Michel le Paphlagonien, encore que Jean l’Orphanotrophe jouât un rôle non négligeable dans la promotion de son frère : Jean avait obtenu une situation élevée dans l’administration sous Romain III, qu’il servait avant son accession à l’Empire69. Cependant, la liste des empereurs et celle des prétendants au trône révèlent la proximité des liens de parenté qui les unissaient. Ils se regroupaient en deux grands ensembles.
- 70 Ce choix déconcerte dans la mesure où Romain Argyros était déjà marié et où la rupture d’un tel li (...)
- 71 Telle est l’opinion de Yahya III, p. 250. Elle paraît plus fondée que celle des chroniqueurs byzan (...)
30Rappelons que Romain Argyros était l’un des proches parents de Constantin VIII et que ce lien ne fut peut-être pas étranger au choix70 de l’empereur à la veille de sa mort71. Romain Lékapènos était en effet leur arrière-grand- père commun. Aux Argyroi étaient ainsi rattachés les Diogènai, les Sklèroi et les Monomaques :
- 72 La forme la plus correcte serait en fait Doukitzès. Des documents d’Italie du Sud furent datés du (...)
31À côté de ce premier groupe, en apparaît un second, centré autour des Doukai72.
32Le second mariage de Constantin Doukas le fit entrer dans la parenté du patriarche Cérulaire.
- 74 D’autres liens unissaient déjà ces deux lignées, puisqu’Isaac Comnène était parent de Constantin D (...)
- 75 Constantin Kappadokès, proche parent de Michel VII Doukas, était l’habile stratège qui organisa le (...)
33Les familles alliées aux Doukai avant 1078 comptaient donc les Dalassènoi, et par là même très indirectement les Comnènes74, les Pégonitai, les Makrembolitai, auxquels il faut ajouter les Kappadokai75.
- 76 Cf. f. d. n° 50.
34Ces groupes, centrés autour des Argyroi et des Doukai, avaient une composition identique : un ensemble de lignées dont la plupart des membres exercèrent des charges militaires, et dont l’origine, lorsque nous pouvons l’établir, était orientale. Il s’y ajoutait au moins une famille, dans un cas les Monomaques, dans l’autre, les Makrembolitai76, dont les représentants les plus marquants exerçaient à cette date des fonctions civiles et semblaient établis à Constantinople.
35Le caractère militaire de ces groupes n’en reste pas moins manifeste et confirme le rejet de la thèse d’une prétendue domination de “l’aristocratie civile” au xie siècle avant l’avènement des Comnènes, d’autant que deux empereurs, Isaac Comnène et Nicéphore Botaneiatès, non placés dans les tableaux généalogiques ci-dessus, étaient incontestablement des militaires.
36Le tableau suivant éclaire l’enracinement des Diogénai dans la haute aristocratie micrasiatique, plus d’un siècle avant l’arrivée au pouvoir de Romain IV.
- 80 Pour des raisons pratiques, Isaac Comnène ne figure pas, mais il était l’oncle de Théodora et d’Al (...)
37À part Botaneiatès, tous les empereurs issus de l’aristocratie du xie siècle80 sont inclus dans ce tableau, pourtant incomplet comme les précédents, mais offrant un nombre considérable de familles apparentées, soit de façon proche, pour les Phocas, Adralestoi, Argyroi, Alousianoi, Comnènes, soit plus indirectement pour les Sklèroi, Monomaques, Doukai.
- 81 Barzos, Généalogie I, p. 37-120.
38Les Comnènes81 jusqu’en 1081, favorisés par la prolificité de leur famille, ont mené la plus habile des stratégies matrimoniales :
- 82 Alexis et Isaac Comnène avaient une nièce, mariée avant 1081 à Michel fils de Constantin, neveu du (...)
39Familles apparentées : Dalassènoi, Dokeianoi et Kontostéphanoi, Argyroi, Doukai, Tarônitai, Mélissènoi, Diogénai, Botaneiatai et Cérulaires82.
40Anne Dalassènè réussit à unir ses descendants aux trois familles qui occupèrent le trône entre 1059 et 1081, Doukas, Diogénès, Botaneiatès, exploit remarquable si nous songeons quels changements politiques impliquait cette succession de trois empereurs. Les autres alliances furent toutes conclues avec des magnats d’origine micrasiatique, à l’exception du mariage bulgare d’Isaac, qui procédait de la volonté de Basile II de mêler l’aristocratie bulgare à celle d’Orient.
41En dépit des alliances restées inconnues de nous, nous constatons que tous les empereurs du xie siècle (à l’exception des Paphlagoniens) étaient apparentés entre eux, souvent de manière proche, issus d’un génos élevé et d’origine micrasiatique, vérifiant même au xie siècle le principe que nous avons établi, qu’à l’intérieur de l’aristocratie, seule la couche supérieure, celle des μέγα δυνάμενοι, était susceptible de prétendre à l’Empire.
- 83 Cf. supra, p. 232-233, sur les familles établies à Andrinople et en Thrace.
- 84 Psellos représente l’opinion des Constantinopolitains, Chronographie II, p. 16, et surtout p. 22 p (...)
42Les Macédoniens, qui participèrent plus tardivement à cette compétition, rassemblaient pour la première fois des familles installées en Occident, remarquablement absentes dans les tableaux précédents. Au xie siècle, leurs contemporains voient en eux une population spécifique comme les Cappadociens en Asie Mineure. On se réfère à l’origine macédonienne de tel ou tel, Nicéphore Bryennios, Pierre Tornikios, Basile Kourtikios83. Leurs chefs, réputés pour leur audace à la guerre, passaient pour être animés d’une ambition démesurée, qu’ils savaient très bien cacher84.
- 85 Skylitzès, p. 441.
- 86 Konstantopoulos, Molybdoboulla, n° 614 ; Gray Birch, British Museum, n° 17848.
- 87 Mouchmov, Un nouveau boullotirion byzantin, Byz. 4, 1927-1928, p.190. Le niveau respectif des dign (...)
- 88 Si Katakalôn est bien un prénom. Dans le cas contraire, il resterait vrai que tous seraient liés p (...)
- 89 Alexiade I, p. 20 ; II, p. 194 ; Bryennios, p. 201, passim, Schlumberger, Sigillographie, p. 705 n (...)
- 90 Sceau inédit Fogg n° 3150.
- 91 Laurent, Orghidan, n° 137.
- 92 Bryennios, p. 107, passim.
- 93 Mouchmov, Sceaux de plomb byzantins conservés dans la collection du Musée National de Sofia, BIBA (...)
- 94 Laurent, Bulles Métriques, n° 352.
- 95 Un Basile Kourtikios fut manifestement compagnon du jeune fils de Nicéphore Bryennios, alors qu’à (...)
43Ne résidant pas dans la capitale, ils n’ont pas attiré l’attention des chroniqueurs avant qu’ils ne fussent liés aux Comnènes. Aussi ne pouvons-nous établir de tableaux généalogiques ; quelques notations, cependant, permettent d’affirmer que le regroupement géographique de ces familles était conforté par des mariages. En 1047, nous apprenons que Léon Tornikios, outre son cousinage avec les Monomaques, était lié par le sang à Jean Batatzès, aux Glabas et à Marianos Branas85. En 1077, les Batatzai à leur tour étaient apparentés aux Bryennioi puisqu’une Batatzaina aidait son parent Nicéphore Bryennios révolté à contrôler Raidestos. En outre, la sigillographie confirme cette alliance : des plombs d’un Bryennios-Batatzès nous ont été conservés86, et surtout un boullôtèrion lui permettant de sceller sa correspondance alors qu’il était patrice, hypatos et stratélate d’Occident87. Durant la même année 1077, les unions entre les familles macédoniennes furent complétées par le mariage d’Hélène Tarchaneiôtissa avec le fils de Jean Bryennios, frère de Nicéphore le révolté. En 1078, toutes les familles de l’aristocratie installées à Andrinople étaient donc liées par le sang. Nous trouvons confirmation de ces alliances en considérant la présence de deux prénoms relativement rares, ceux de Katakalôn88 et de Joseph, parmi les différentes familles : Katakalôn Tarchaneiôtès89, Katakalôn Glabas90, Katakalôn Bryennios91, et pour Joseph, Joseph Tarchaneiôtès92, Joseph Batatzès93, Joseph Bryennios94, un peu plus tard il est vrai, au xiie siècle. Jusqu’en 1078, l’endogamie andrinopolitaine fut aussi vigoureuse que celle, des grandes familles micrasiatiques du xe siècle. Nous ne saurions attribuer au seul hasard de ne pouvoir attester aucune attache du groupe d’Andrinople avec des familles extérieures à la région, à l’exception peut-être des Kourtikioi95.
- 96 Bryennios, p. 77. L’expression utilisée par Bryennios implique bien que ce fut l’empereur (Basile (...)
- 97 Skylitzès, p. 372. Nous ne pouvons déduire si Kourkouas avait épousé une soeur de Prousianos, ou s (...)
- 98 Son père était descendant d’un tsar bulgare. Lui-même avait épousé une femme issue des familles Ba (...)
- 99 Skylitzès Continué, p. 134 ; Attaleiatès, p. 123.
- 100 Skylitzès, p. 413.
44Deux lignées d’origine étrangère jouèrent aussi un rôle appréciable au xie siècle, celle des anciens maîtres de la Bulgarie et celle des princes d’Alanie. Les descendants de Jean Vladislav furent mariés par la volonté des empereurs aux grands magnats d’Asie Mineure. Catherine, la fille aînée, fut donnée au futur empereur Isaac Comnène96 et Prousianos devint le beau-frère de Romain Kourkouas97. Marie de Bulgarie98 épousa Andronic Doukas, fils du César Jean Doukas et Romain Diogénès, en premières noces, une soeur d’Alousianos99 qui, pour sa part, fut uni à une femme propriétaire de biens importants dans le thème du Charsianon100.
45Les alliances des princes bulgares, qui excluaient les familles européennes, notamment macédoniennes, renforçaient les liens déjà complexes du réseau que ces familles orientales avaient tissé et autorisent à considérer les anciens souverains bulgares (à la différence du reste de l’aristocratie de ce pays) comme des membres de l’aristocratie orientale, dès la seconde génération.
- 101 Toutes références dans Gautier, Tzetzès, p. 212-216.
- 102 Alexiade II, p. 152.
46Les parents de Bagrat d’Alanie servirent également de trait d’union à un groupe cohérent de l’aristocratie byzantine. Marie d’Alanie prit successivement pour époux Michel VII, puis Nicéphore III, sa cousine Irène, Isaac Comnène, frère aîné d’Alexis. Une autre parente de Marie devint la seconde femme de Constantin, neveu du patriarche Cérulaire, titré sébaste101. Théodore Gabras enfin s’unit à une cousine germaine d’Irène, l’épouse d’Isaac Comnène102. Ces parentés complexes renforçaient par les femmes des liens déjà tissés entre les Comnènes, les Doukai et la famille du patriarche Cérulaire, à l’exclusion, semble-t-il, du reste de l’aristocratie.
- 103 Alors qu’Alexis recherchait vainement une alliance avec Théodore Gabras (Alexiade II, p. 152), Man (...)
- 104 Les tableaux ne comportent pas nécessairement tous les enfants attestés, si nous ignorons leurs ma (...)
47Les invasions turques et petchénègues, tout autant et même plus que la formation d’une nouvelle dynastie stable, modifièrent profondément l’aristocratie byzantine et provoquèrent un reclassement des grandes familles. En effet les Comnènes, jusqu’en 1081 demandeurs d’alliances illustres, devinrent objet de convoitises et à leur tour choisirent les familles autorisées à entrer dans leur lignage et à conserver par là même leur prééminence sociale. Il faut distinguer entre le règne d’Alexis, pendant lequel la nouvelle dynastie était fragile et l’époque de ses successeurs, où elle devint incontestée103 ; nous établissons donc les alliances successives104 par génération, tout d’abord celle d’Alexis I, puis celle de Jean II et celle de Manuel.
Les enfants et petits-enfants de Jean II
48Les fils et leur descendance :
49Les filles et leur descendance :
- 106 Cette alliance fut renouvelée lorsque Nicéphore Bryennios obtint la main d’Irène Kontostéphanaina, (...)
- 107 Barzos, Généalogie II, p. 395.
50Pour la première fois les Macédoniens se mêlèrent aux Comnènes et par eux aux Doukai et aux anciennes familles micrasiatiques : successivement les Bryennioi, les Kourtikioi, les Tarchaneiôtai, les Batatzai, les Branas, les Tornikioi, ces derniers pas avant la fin du xiie siècle106. Les Macédoniens gardèrent toujours leurs anciens liens préférentiels : Alexis Branas prit pour épouse Anne Batatzaina, fille d’Eudocie Comnène et Théodore Batatzès107.
- 108 En plein xiie siècle, le sang des Doukai restait aussi apprécié que celui des Comnènes : ainsi le (...)
51La politique des Comnènes envers les dynasties précédentes apparaît clairement : elle est tolérante et tente de récupérer les anciens clans formés par les familles qui parvinrent jadis à l’Empire. Les Doukai bénéficiaient d’un traitement de faveur, puisqu’ils étaient officiellement considérés comme les égaux des Comnènes108. De fait, les discours officiels destinés aux empereurs vantent les deux “races d’or”, celle des Doukai et celle des Comnènes. Les unions entre Comnènes et Doukai se multiplièrent tout au long de ce siècle, pour lequel une dizaine nous sont connues dont trois, au plus haut niveau, dès les premières années d’Alexis Comnène. Toutes les branches de la famille Doukas, à certains égards rivales, se trouvèrent associées à la nouvelle dynastie, ce qui diminuait d’autant leur intérêt à un changement de régime.
- 109 Polemis, Doukai, p. 79 n° 33.
- 110 Barzos, Généalogie I, p. 172-174.
- 111 Markianos 524, n° 223, qui donne le schéma suivant :
- 112 Eustathe De Thessalonique, Espugnazione, p. 28.
- 113 Discours de Manuel Straborômanos à Alexis Comnène le priant de le traiter avec autant de générosit (...)
- 114 E. Miller, Poésies inédites de Théodore Prodrome, Annuaire de l’association pour l’encouragement d (...)
- 115 Manuel Botaneiatès et Irène Synadènè, Markianos 524, n° 75.
52Alexis Comnène se concilia également le groupe des Botaneiatai, Synadènoi, Straborômanoi. Une première union entre une petite fille d’Anne Dalassènè et un petit-fils de l’empereur Botaneiatès, conclue avant 1081, ne fut pas ensuite rompue, mais renforcée par le mariage de Georges Botaneiatès avec Zôè Doukaina109 et celui de Nicéphore Botaneiatès avec Eudocie, fille du sébastocrator Isaac110. Les Synadènoi, auxquels Nicéphore III avait pensé laisser le pouvoir, obtinrent une égale faveur. Andronic Synadènos épousa une petite-fille de l’empereur Alexis111 et Irène Synadènè, le petit-fils d’Adrien, frère du même empereur. Enfin, le sébastocrator Isaac, fils de Jean II, s’unit à Irène Diplosynadènè. Ultérieurement, nous apprenons que Théodore Synadènos était gendre du futur empereur Andronic Comnène112. Les Straborômanoi, d’abord dédaignés113, rétablirent en partie leur crédit par l’intermédiaire des Synadènoi qui continuèrent à les rechercher. Un Synadènos épousa la soeur de Jean Straborômanos, fils du Manuel qui n’avait pas su, semble-t-il, attendrir la pitié et ouvrir la bourse d’Alexis Comnène114. De nouveau se prolongeait la tendance à l’endogamie du groupe primitif, même uni aux Comnènes. La preuve en est l’existence de Diplosynadènoi et les mariages des Synadènoi avec des Botaneiatai115 ou des Straborômanoi. Une observation comparable a été notée à propos du groupe des Macédoniens.
- 116 Théodôra, soeur d’Alexis, avait épousé Constantin, demi-frère de Léon et Nicéphore Diogénai.
53Les Diogénai et les Doukai étaient apparentés puisque les fils porphyrogénètes de Romain IV étaient les demi-frères des enfants de Constantin X par leur mère Eudocie Makrembolitissa et Alexis se trouvait donc leur beau-frère par alliance116, mais ce premier lien ne fut pas confirmé, après l’avènement d’Alexis. Y eut-il de la part du nouvel empereur un choix délibéré ? C’est peu probable, dans la mesure où Alexis avait trop besoin de l’influence encore très importante des Diogénai dans l’armée. Tout dans le comportement d’Alexis indique de sa part le désir de se les attacher, surtout Nicéphore envers lequel il manifesta une longue patience. Léon et Nicéphore, dont nous ignorons s’ils furent mariés - ce qui paraît douteux pour Léon disparu très jeune - ne laissèrent pas de descendance, pas plus que leur demi- frère Constantin qui périt devant Antioche.
- 117 Sceau de Constantin Dalassènos-Doukas, Konstantopoulos, Molybdoboulla, n° 618β.
- 118 Nicéphore Mélissènos était devenu le beau-frère d’Alexis Comnène bien avant 1081, du vivant même d (...)
54En revanche, les anciennes familles impériales, celles des Monomaques, des Argyroi, voire des Bringai (famille de Michel VI) ou celles de prétendants sérieux au trône, tels les Sklèroi, les Dalassènoi et autres Prôteuôn, avaient trop perdu de leur importance politique au cours de la seconde moitié du xie siècle, pour qu’Alexis ait tenu pour une priorité de se les attacher par les liens du sang, à la seule exception des Dalassènoi dont il était issu du côté maternel. De fait entre toutes ces familles, ces derniers furent les seuls à renouveler des liens avec les Doukai117 et avec les Comnènes, lorsque Jean Rogerios-Dalassènos (par sa mère) obtint la main de Marie, soeur de Manuel Comnène. Les autres familles n’étaient pas éteintes, puisque nous connaissons des Argyroi et des Sklèroi - de rang plutôt modeste au xiie siècle. Les Monomaques et les Mélissènoi118, qui n’avaient pas non plus confirmé leur apparentement aux Comnènes, sont également attestés au xiie siècle, mais à la différence des précédents, ils retrouvèrent un niveau matrimonial élevé à la fin du siècle ou au début du suivant.
- 119 Michel Tatikios est dit Tatikios par son père, Comnène par sa mère, Markianos 524, n° 99, p. 56-57 (...)
- 120 Alexis, fils de Jean Axouch, grand domestique sous Jean II, épousa la fille d’Alexis Comnène, fils (...)
- 121 Constantin Kamytzès obtint la main de Marie Comnène, petite-fille d’Alexis Comnène, Prodrome, Poés (...)
- 122 En 1193, un Comnène-Aspiétès, Constantin, était pansébaste sébaste et duc de Skopje, Chômatianos, (...)
- 123 Guillaume De Tyr, p. 874, considère Constantin Kalamanos comme un consanguineus de Manuel I. En fa (...)
- 124 En dernier lieu, Cheynet, Trois familles, p. 112-113.
- 125 Un sceau de Constantin Raoul-Doukas a été conservé, Laurent, Bulles Métriques, n° 483 (seconde moi (...)
- 126 Vers 1200, Nicéphore Comnène-Pétraliphas sébastocrator, descendait de Jean II par sa mère Anne, Xè (...)
55Enfin les Comnènes surent, à chaque génération, intégrer au plus haut niveau de l’aristocratie les meilleurs stratèges d’origine étrangère, quel que fût leur niveau social primitif ou leur ethnie. Cette entrée se faisait le plus souvent à la seconde génération installée dans l’Empire. Furent reçus de cette manière dans la maison impériale, de façon définitive, puisque leurs descendants connus portaient le titre de sébaste, des Turcs tels Tatikios119 ou Axouch120, tous deux anciens prisonniers de guerre, Kamytzès, chef turc passé au service de Byzance121, l’Arménien Aspiétès122, le Hongrois Kalamanos123, des Occidentaux, les Rogérioi124, les Raoul125, les Pétraliphai126.
- 127 Ils sont attestés dès le ixe siècle ; Pétrônas Kamatèros fut le premier stratège de Cherson sous T (...)
- 128 Nicol, Kantakouzenos.
56A ces trois groupes bien distincts, s’ajoutent des noms bien connus comme les Antiochoi, les Dokeianoi (déjà liés aux Comnènes), les Kamatèroi127, et seulement deux noms réellement nouveaux, les Anges, et les Kantakouzènoi128. Le groupe dirigeant se confondait avec la famille Comnèno-Doukas et ses alliées, et ne s’élargissait point, sauf par l’apport d’étrangers.
57Le règne d’Andronic Comnène n’introduisit pas vraiment de rupture, en dépit de l’élimination de la majorité des descendants directs d’Alexis I Comnène, possibles compétiteurs pour l’Empire, et bien que l’échec final d’Andronic ait conduit à la naissance d’une dynastie pas vraiment nouvelle puisque les Anges étaient une branche des Comnènes, issue en ligne directe d’Alexis I.
- 129 Sur les Anges, en dehors de Barzos, Généalogie, voir aussi Polemis, Doukai, p. 85-100 ; L. Stierno (...)
Tableau généalogique des Anges129

- 130 Michel Lascaris est présenté, dans un texte daté de 1180, comme l’un des notables de Thessalonique (...)
- 131 Ansbert, p. 65.
- 132 Nicétas Chôniates, Histoire, p. 382, 395. Conrad quitta Byzance pour la Palestine sans emmener son (...)
58La lecture de ces tableaux révèle une part d’innovation matrimoniale limitée, puisque seul un nom vraiment nouveau apparaît, celui de Lascaris. L’origine de cette famille promise à une rapide fortune nous reste obscure130, et par là même les raisons qui ont poussé Alexis Ange à choisir Théodore Lascaris pour gendre. Quelques anciennes familles revenaient au premier plan après une longue éclipse, comme les Monomaques, dont l’un, Manuel Monomaque, figurait au nombre des parents laissés en otage par Isaac II à Frédéric Barberousse131. Les empereurs Anges cessèrent de mener la politique d’accueil des généraux d’origine étrangère à la seule exception, malheureuse, du mariage de Conrad de Montferrat avec la soeur de l’empereur Isaac132. Saisirions-nous un reflet de la montée des sentiments xénophobes dans l’Empire à la fin du xiie siècle ? L’avènement des Anges ne marqua donc pas un changement fondamental, même si par rapport à la période précédente, nous avons le sentiment d’un léger élargissement dans le choix des lignages unis à celui de l’empereur. La différence la plus notable fut l’arrivée au premier plan des familles les plus proches des Anges, Kastamonitai, Kamytzai, Kamatéroi, à la place des Batatzai, Kontostéphanoi, Doukai et “purs” Comnènes eux-mêmes.
59Le seul mariage vraiment inattendu prit place après la catastrophe de 1204, lorsque Sgouros épousa Eudocie, fille de l’empereur Alexis III, avec le consentement de ce dernier. Pour la première fois, un membre de l’aristocratie provinciale était uni à la famille impériale, inaugurant une nouvelle politique matrimoniale parmi les épigones de l’Empire qui, ayant perdu Constantinople, durent s’enraciner dans les provinces périphériques, y compris en contractant mariage avec les notables locaux. La catastrophe de 1204 bouleversa donc les habitudes de l’aristocratie de sang impérial, provoquant par l’émigration forcée un brassage des familles, même si les plus importantes d’entre elles dès le xiie siècle, Paléologues, Kantakouzènoi, Anges, finirent par l’emporter sur l’ensemble du groupe dirigeant au cours du xiiie siècle.
Notes
1 Heers, Le clan familial, aborde les mêmes aspects politiques et sociaux des grands clans familiaux en Occident.
2 Infra, p. 305.
3 Peira XXX, p. 127.
4 Sur le vocabulaire de la parenté, voir les articles récents d’Évelyne Patlagean, Les débuts d’une aristocratie byzantine et le témoignage de l’historiographie : système des noms et liens de parentés aux ixe-xe siècles, Byzantine Aristocracy, p. 23-42 ; D. Nicol, The prosopography of the Byzantine aristocracy, ibid., p. 79-91.
5 Conseils et Récits, p. 196.
6 Psellos, Chronographie I, p. 111 ; Attaleiatès, p. 12.
7 Psellos, Chronographie II, p. 24-25.
8 Attaleiatès, p. 12.
9 Psellos, MB V, p. 278.
10 Idem, MB IV, p. 351 (Éloge de Cérulaire).
11 Laurent, Église, n° 1524.
12 Théophylacte De Bulgarie, Lettres p. 245.
13 Laurent, Église, n° 101, commentaire du sceau ; Idem, Etienne Chrysobergès, archevêque de Corinthe, REB 20, 1962, p. 214-218.
14 Benesevic, Catalogus I, p. 289, Sinaiticus 482 (1117) ; pour la date, Grumel, Regestes, n° 1125.
15 Son oncle, Théodore Galènos, l’avait d’ailleurs précédé à ce siège de Sardes, Browning, Patriarchal school, p. 184.
16 MM IV, p. 185.
17 Ibid., p. 109.
18 Conseils et Récits, p. 208.
19 Alexiade I, p. 107.
20 Ainsi en 972, le magistre Jean Kourkouas, simplement appelé “parent de l’empereur Jean Tzimiskès” par Léon Diacre, p. 148, était précisément son cousin germain ; tableau généalogique des Kourkouas, infra, p. 270.
21 Cependant, en 987, lorsque Bardas Phocas négocia une alliance avec Bardas Skléros contre Basile II, il écrivit à Skléros pour que nul autre que le frère de ce dernier, Constantin Skléros, ne fût chargé de mettre au point cet accord, car il était l’époux de la soeur de Phocas22 (Yahya II, p. 421-422).
22 Cf. f. d. n° 80.
23 À Byzance, la pratique de la vendetta semble ignorée, à la différence de l’Occident (Heers, Clan familial, p. 116-120), signe d’un État mieux respecté.
24 Entre autres exemples, f. d. n° 15, 104, 105, 113.
25 En fait, l’étude des alliances de la famille macédonienne reste à faire et il est certain que Himérios, les Choirosphaktai, peut-être les Rabdouchoi, qui jouèrent un rôle de premier plan sous Léon VI, lui étaient apparentés. Mais à aucun moment un clan “macédonien” n’a contrôle l’État.
26 Alypios, père d’Hélène, passait pour un homme très puissant à la fin du xe siècle : Zônaras, p. 570 ; Psellos, Chronographie I, p. 27. Il était patrice, Skylitzès, p. 374, mais il nous est resté inconnu par ailleurs.
27 Ibid., p. 267 ; Léon Diacre, p. 66.
28 Skylitzès, p. 284.
29 Pour toutes les références et la parenté des autres empereurs, voir tableaux, infra p. 310-311.
30 Zônaras, p. 600 ; Psellos, Chronographie I, p. 78.
31 Attaleiatès, p. 12.
32 Oikonomidès, Organisation administrative, p. 128 ; infra p. 373.
33 PG 140, col. 252-253.
34 Papadopoulos-Kérameus, Analekta II, p. 362-363.
35 Albert D’aix, RHC occ., p. 310.
36 Alexiade III, p. 208.
37 Zônaras, p. 762. L’auteur a bien marqué la préséance du groupe familial.
38 Nicêtas Chôniatès, Histoire, p. 41. Les dignitaires ne sont cités qu’en troisième position, après les amis.
39 Conseils et récits, p. 286. Pour illustrer son conseil, Kékauménos rappelle combien Michel IV fut détesté, en dépit de ses incontestables vertus, car, à son insu, ses parents commirent les pires injustices.
40 Zônaras, p. 767.
41 Psellos, Chronographie II, p. 128.
42 Vie de Michel Maléïnos, p. 558.
43 Heers, Clan familial, p. 219 sq.
44 Les empereurs firent du mariage des princesses un instrument de négociation dans les relations internationales jusqu’à la fin du xie siècle, puis un moyen d’action politique à l’intérieur de l’Empire à partir de cette date. Ainsi Basile II maria sa soeur Anne, princesse porphyrogénète, au prince de Kiev Vladimir, afin d’obtenir les troupes russes nécessaires à une victoire décisive dans la guerre civile qui l’opposait à Phocas. Un siècle plus tard, Michel VII essaya de conjurer le danger normand en proposant d’unir son fils Constantin à une fille de Robert Guiscard ; l’échec de ce projet servit de prétexte au chef normand pour attaquer l’Empire.
45 Skylitzès, p. 316.
46 Bryennios, p. 223-225.
47 Ibid., p. 221.
48 Alexiade I, p. 87.
49 Djurić, F oka, p. 189-292 ; Traité sur la guérilla, appendice par J. C. Cheynet, p. 289-315.
50 Les Botaneiatai n’apparaissent pas sur le tableau précédent, mais leur apparentement est certain, car Attaleiatès, p. 217, rappelle qu’ils descendaient en droite ligne des Phocas, et selon lui, Botaneiatès avait pour ancêtre l’illustre empereur Nicéphore Phocas (p. 228), ce qui impliquerait que ce dernier ait eu une fille, en plus de son fils Bardas.
51 Nous reprenons le tableau de Seibt, Skleroi, en substituant Panthèrios à Munir.
52 Grégoria, selon Skoutariôtès, MB VII, p. 158, descendait d’un frère (Bardas ?) de Basile I.
53 L’empereur Romain Lékapènos nomma un de ses parents, Panthèrios, domestique des Scholes en 943-944 ; il faut, selon nous, l’identifier à Panthèrios Sklèros.
54 Vannier, Argyroi, p. 64.
55 Les Radènoi étaient également au premier rang de l’aristocratie, comme en témoignent leurs alliances avec les Monomaques, Lékapènoi et Parsakountènoi.
56 Skylitzès, p. 375.
57 Il n’existe pas d’étude d’ensemble de cette famille.
58 Il n’est pas explicitement écrit que Romain était le père de Jean et de Théophile, mais l’alternance dans la famille des prénoms Jean et Romain rend cette hypothèse très vraisemblable.
59 Il n’existe pas d’étude d’ensemble sur les Lékapènoi.
60 Grégoire, Inscriptions d’Asie Mineure, p. 104 n. 304, inscription située à Antalya. Cet Etienne pourrait être aussi bien le père que le frère de Théophylacte.
61 Le prénom assez rare d’Adrien était porté chez les Dalassènoi, qui le transmirent aux Comnènes : or au xie siècle précisément, les Dalassènoi étaient solidement installés dans le thème des Arméniaques. Ces seuls indices ne rendent pas certain, mais du moins vraisemblable, l’apparentement des Dalassènoi aux Lékapènoi.
62 Une alliance lointaine unissait les Maléïnoi et les Lékapènoi: la grand-mère de Michel Maléïnos était de sang impérial et parente de Romain (Lékapènos), Vie de Michel Maléïnos, p. 551.
63 Supra, chapitre sur l’origine géographique des familles.
64 Le magistre Paul Monomaque, contemporain de Constantin VII, n’exerça, semble-t-il, que des activités diplomatiques (Skylitzès, p. 241).
65 Les informations de Michel Attaleiatès (p. 217-218), selon lesquelles les Phocas descendraient de l’illustre famille romaine des Fabii, relèvent évidemment de la légende. En revanche, l’assertion qu’une partie de la famille était d’origine ibère est beaucoup plus crédible, comme le souligne Michel Attaleiatès lui-même. En effet le prénom oriental de Bardas, porté par plusieurs d’entre eux, et l’amitié solide qui unissait les Phocas aux princes ibères, laissent supposer des liens matrimoniaux antérieurs au xe siècle. P. Charanis (On the Ethnie Origins of the Emperor Nicephorus Phocas, Mélanges Amantos 1960, p. 42-45) attribue au père du premier Phocas une épouse arménienne.
66 Nous ignorons tout des alliances de Nicéphore l’Ancien, pourtant responsable de la fortune de ses descendants, sinon que, devenu veuf, il aurait dédaigné un mariage avec la fille du basiléopatôr Zaoutzès, Skylitzès, p. 177-178.
67 La famille n’était pas éteinte puisque Constantin Lékapénos est attesté à la fin du xie siècle, Laurent, Orghidan, n° 446 et Bulles Métriques, n° 715.
68 Constantin Porphyrogénète, dans son D. A. I., condamnait les alliances de princesses porphyrogénètes avec des étrangers.
69 R. Janin, Un ministre byzantin, Jean’ l’Orphanotrophe, EO 30, 1931, p. 431sq.
70 Ce choix déconcerte dans la mesure où Romain Argyros était déjà marié et où la rupture d’un tel lien formait un obstacle considérable.
71 Telle est l’opinion de Yahya III, p. 250. Elle paraît plus fondée que celle des chroniqueurs byzantins qui insistent sur la célébrité des Argyroi, avantage que les Dalassènoi, Sklèroi, Bourtzai et bien d’autres pouvaient aussi bien sinon davantage revendiquer.
72 La forme la plus correcte serait en fait Doukitzès. Des documents d’Italie du Sud furent datés du règne de Constantin Doukitzès (pour les références, Polemis, Doukai, p. 29 n. 5). Matthieu D’édesse (p. 106, trad. Dulaurier), source totalement indépendante de la précédente, mentionne un duc d’Édesse nommé Dougidz, dont il affirme, à tort, qu’il s’agissait de Constantin le futur empereur, alors qu’en réalité le duc était son frère Jean. Mais la forme du nom recouvre aussi un Doukitzès. Enfin l’auteur de la Vie de Georges l’Hagiorite appelle aussi Doukitzès Constantin X (AB 36-37, 1917-1919, p. 106 § 37 n. 8, traduction latine de P. Peeters). La sigillographie atteste un Jean Doukitzès manglabite (sceau DO 58 106 2530), patrice (T. Totev, Novootkriti vizantijski olovni pecati ot Preslav, Bulletin du Musée National de Varna 8, 1972, p. 287-291) ou encore sans titre (C. Maslev, Vizantijski olovni pecati ot Pliska-Preslav, BIBA 20, 1955, n° 11). Nous pensons qu’il convient d’identifier ce personnage au frère de Constantin X. Cette forme du nom est un diminutif désignant une branche cadette de l’illustre famille des Doukai. Zônaras (p.675-676) rappelle que tous les mâles avaient été exterminés en 913 à la suite de l’échec de la révolte de Constantin Doux et que les Doukai du xie siècle descendaient de ceux du xe siècle par les femmes. Des petits-fils ou arrière-petits-fils de Constantin Doux ont pu relever le patronyme maternel, le jugeant plus glorieux que celui de leur père.
73 Bryennios, p. 219.
74 D’autres liens unissaient déjà ces deux lignées, puisqu’Isaac Comnène était parent de Constantin Doukas (peut-être par les Kontostéphanoi ?).
75 Constantin Kappadokès, proche parent de Michel VII Doukas, était l’habile stratège qui organisa le nouveau tagma des Immortels, Bryennios, p. 265.
76 Cf. f. d. n° 50.
77 Il était neveu de Bardas Phocas le Jeune, Léon Diacre, p.120.
78 Skylitzes, p. 376.
79 Skylitzès Continué, p. 134.
80 Pour des raisons pratiques, Isaac Comnène ne figure pas, mais il était l’oncle de Théodora et d’Alexis Comnène.
81 Barzos, Généalogie I, p. 37-120.
82 Alexis et Isaac Comnène avaient une nièce, mariée avant 1081 à Michel fils de Constantin, neveu du patriarche Cérulaire, Alexiade I, p. 103 ; Zépos, Jus I, p. 293. Son patronyme n’est pas assuré, Gautier, Tzetzès, p. 213, pense qu’il s’agissait d’un surnom, réservé exclusivement au patriarche. Selon nous, il s’agit bien d’un nom de famille, voir f. d. n° 50 n. 2.
83 Cf. supra, p. 232-233, sur les familles établies à Andrinople et en Thrace.
84 Psellos représente l’opinion des Constantinopolitains, Chronographie II, p. 16, et surtout p. 22 pour les défauts prêtés aux Macédoniens.
85 Skylitzès, p. 441.
86 Konstantopoulos, Molybdoboulla, n° 614 ; Gray Birch, British Museum, n° 17848.
87 Mouchmov, Un nouveau boullotirion byzantin, Byz. 4, 1927-1928, p.190. Le niveau respectif des dignités et des fonctions conduit à dater le plomb entre 1060 et 1080.
88 Si Katakalôn est bien un prénom. Dans le cas contraire, il resterait vrai que tous seraient liés par l’intermédiaire d’une famille portant ce patronyme.
89 Alexiade I, p. 20 ; II, p. 194 ; Bryennios, p. 201, passim, Schlumberger, Sigillographie, p. 705 n° 1.
90 Sceau inédit Fogg n° 3150.
91 Laurent, Orghidan, n° 137.
92 Bryennios, p. 107, passim.
93 Mouchmov, Sceaux de plomb byzantins conservés dans la collection du Musée National de Sofia, BIBA 8, 1934 (1935), sceau n° 44.
94 Laurent, Bulles Métriques, n° 352.
95 Un Basile Kourtikios fut manifestement compagnon du jeune fils de Nicéphore Bryennios, alors qu’à cette même date, Nicéphore Paléologue était l’époux d’une Kourtikina. Pour la première fois une famille implantée en Occident aurait contracté mariage avec des Orientaux : les Paléologues, rappelons-le, étaient originaires de Phrygie.
96 Bryennios, p. 77. L’expression utilisée par Bryennios implique bien que ce fut l’empereur (Basile II), chargé de l’éducation d’Isaac et de Jean à la mort de leur père Manuel, qui décida le mariage d’Isaac.
97 Skylitzès, p. 372. Nous ne pouvons déduire si Kourkouas avait épousé une soeur de Prousianos, ou si ce dernier était le mari d’une soeur de Kourkouas.
98 Son père était descendant d’un tsar bulgare. Lui-même avait épousé une femme issue des familles Balantès, Phocas et Kontostéphanos, dont les deux premières étaient à coup sûr orientales et la troisième très probablement, Bryennios, p. 219.
99 Skylitzès Continué, p. 134 ; Attaleiatès, p. 123.
100 Skylitzès, p. 413.
101 Toutes références dans Gautier, Tzetzès, p. 212-216.
102 Alexiade II, p. 152.
103 Alors qu’Alexis recherchait vainement une alliance avec Théodore Gabras (Alexiade II, p. 152), Manuel refusait à Théodore Mésaritès le droit d’épouser une descendante des Bryennioi-Comnènes (PG 138, col. 713).
104 Les tableaux ne comportent pas nécessairement tous les enfants attestés, si nous ignorons leurs mariages ou lorsque ceux-ci ont été unis à des étrangers.
105 Au tableau généalogique proposé par Barzos, Généalogie, tableau 1, nous préférons celui de Vannier, Paléologues, p. 151.
106 Cette alliance fut renouvelée lorsque Nicéphore Bryennios obtint la main d’Irène Kontostéphanaina, nièce de l’empereur Manuel Comnène (Kinnamos, p. 210).
107 Barzos, Généalogie II, p. 395.
108 En plein xiie siècle, le sang des Doukai restait aussi apprécié que celui des Comnènes : ainsi le rappelle Constantin Manassès dans sa monodie à Nicéphore Comnène, VV 17, 1910, p. 305. Parfois le nom de Doukas a été relevé, plutôt que celui de Comnène, ainsi Jean Doukas Ange.
109 Polemis, Doukai, p. 79 n° 33.
110 Barzos, Généalogie I, p. 172-174.
111 Markianos 524, n° 223, qui donne le schéma suivant :
112 Eustathe De Thessalonique, Espugnazione, p. 28.
113 Discours de Manuel Straborômanos à Alexis Comnène le priant de le traiter avec autant de générosité que .ses autres serviteurs : Gautier, Straborômanos, p. 187.
114 E. Miller, Poésies inédites de Théodore Prodrome, Annuaire de l’association pour l’encouragement des études grecques en France 17, 1883, p. 52.
115 Manuel Botaneiatès et Irène Synadènè, Markianos 524, n° 75.
116 Théodôra, soeur d’Alexis, avait épousé Constantin, demi-frère de Léon et Nicéphore Diogénai.
117 Sceau de Constantin Dalassènos-Doukas, Konstantopoulos, Molybdoboulla, n° 618β.
118 Nicéphore Mélissènos était devenu le beau-frère d’Alexis Comnène bien avant 1081, du vivant même du père de ce dernier, Jean Comnène, donc antérieurement à 1067, Bryennios, p. 85.
119 Michel Tatikios est dit Tatikios par son père, Comnène par sa mère, Markianos 524, n° 99, p. 56-57. Il s’agit sans doute du petit-fils plutôt que du fils de Tatikios, compagnon d’Alexis Comnène.
120 Alexis, fils de Jean Axouch, grand domestique sous Jean II, épousa la fille d’Alexis Comnène, fils aîné de Jean II, Nicétas Chôniatès, Histoire, p. 103.
121 Constantin Kamytzès obtint la main de Marie Comnène, petite-fille d’Alexis Comnène, Prodrome, Poésies, p. 498, n° LXIV.
122 En 1193, un Comnène-Aspiétès, Constantin, était pansébaste sébaste et duc de Skopje, Chômatianos, col. 263.
123 Guillaume De Tyr, p. 874, considère Constantin Kalamanos comme un consanguineus de Manuel I. En fait sa mère était une Doukaina, selon son sceau, Laurent, Bulles Métriques, n° 439.
124 En dernier lieu, Cheynet, Trois familles, p. 112-113.
125 Un sceau de Constantin Raoul-Doukas a été conservé, Laurent, Bulles Métriques, n° 483 (seconde moitié du xiie siècle).
126 Vers 1200, Nicéphore Comnène-Pétraliphas sébastocrator, descendait de Jean II par sa mère Anne, Xèropotamou, p. 70 ; il est vrai que la date de ce document n’est pas assurée.
127 Ils sont attestés dès le ixe siècle ; Pétrônas Kamatèros fut le premier stratège de Cherson sous Théophile, D. Α. I. p. 182-184 § 42.
128 Nicol, Kantakouzenos.
129 Sur les Anges, en dehors de Barzos, Généalogie, voir aussi Polemis, Doukai, p. 85-100 ; L. Stiernon, Les origines du despotat d’Épire, REΒ 17, 1959, p. 90 -126, et du même auteur, Notes de prosopographie et de titulature byzantines : Constantin Ange (pan)sébastohypertate, REB 19, 1961, p. 273-283 ; G. Ostrogorsky, Vozvysenie roda Angelov, Yubileinyi Sbornik Russkago Arkheologicheskago obshchestva, Belgrade 1936, p. 111-129.
130 Michel Lascaris est présenté, dans un texte daté de 1180, comme l’un des notables de Thessalonique ; il serait le premier Lascaris que nous connaissions, M. Goudas, Βυζαντινά έγγραφα της έν Ἄθῳ Ιεράς μονής του Βατοπεδίου, EEBS 3, 1926, ρ. 215. En réalité le document, nettement postérieur, fut émis sous les souverains d’Épire.
131 Ansbert, p. 65.
132 Nicétas Chôniates, Histoire, p. 382, 395. Conrad quitta Byzance pour la Palestine sans emmener son épouse (et il se remaria sur place).
Table des illustrations
© Éditions de la Sorbonne, 1996