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L'industrialisation contemporaine des Pays-Bas

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André Fischer

Chapitre cinquième. Industrialisation et milieux géographiques

Texte intégral

1Tout au long des chapitres qui précèdent, nous nous sommes attaché à l'action des pouvoirs publics et au rôle de la stratégie des grandes entreprises dans la croissance industrielle des Pays-Bas. Les analyses globales, tant sectorielles que spatiales, ont permis de mettre en évidence quelques uns des mécanismes de ce phénomène dynamique qu'est l'industrialisation. Les bilans statistiques successifs, de leur côté, ont fait apparaître l'existence de comportements régionaux différents en matière d'évolution et de croissance.

2Jusqu'à présent, néanmoins, l'analyse a été conduite à un niveau de globalité tel qu'une donnée fondamentale, pour la bonne compréhension des processus de croissance industrielle, n'a pu être vraiment prise en considération : l'influence du milieu géographique sur les divers comportements régionaux.

3Il ne fait aucun doute que l'industrialisation régionale ne procède pas uniquement des actions gouvernementales ou des stratégies spatiales des firmes. Au-delà de ses aspects numériques, elle est aussi plus ou moins profondément marquée par les caractères du milieu géographique dans lequel elle s'inscrit. Par l'intermédiaire des relations écologiques qui se développent entre l'établissement industriel et son environnement, le milieu, en tant que tel, agit directement sur l'activité industrielle, c'est pourquoi la combinaison des mêmes mécanismes généraux ne donne pas partout et toujours des résultats identiques. La prise en considération de la spécificité du milieu doit permettre d'approfondir la connaissance des mécanismes de la croissance industrielle tout en apportant un contenu plus concret à la notion de "types de comportements régionaux". Mais une telle démarche, comparée à celle très globale suivie jusqu'alors, implique un changement d'échelle : la réflexion doit désormais se développer sur un autre plan, celui des études locales.

4Au niveau d'un pays tout entier, aussi petit soit-il, on ne peut prétendre faire une analyse régionale exhaustive. Une pareille démarche, nécessairement statique, serait d'ailleurs en contradiction avec les objectifs mêmes de cette recherche qui vise à une meilleure compréhension des mécanismes, dans une perspective dynamique. La référence aux données du milieu géographique implique donc des choix.

5La sélection des exemples de relations entre industrialisation et milieu ainsi que la manière de les étudier répondent à un impératif bien précis : il s'agit d'illustrer une problématique particulière et de mettre en rapport un type de comportement industriel avec un type de milieu géographique. Nous n'aborderons donc pas toutes les régions industrielles (certaines ont d'ailleurs fait l'objet d'analyses particulières dans les chapitres précédents) et encore moins tous les centres industriels néerlandais. Nous limiterons nos études de cas à un choix d'exemples qui nous semblent être représentatifs des diverses problématiques que les études globales ont permis de dégager. L'aspect typologique constitue donc le fondement de ces études régionales.

A) - Emmen : un pôle industriel nouveau pour le Nord

6En dépit du grand dynamisme de l'économie néerlandaise, la période 1945-1970 n'a pas vu se créer de "régions industrielles" véritablement nouvelles aux Pays-Bas. Certes, l'essor des activités industrielles s'accompagne d'une meilleure répartition géographique des emplois aux profits des provinces périphériques, mais le principal résultat reste la modification du contenu et des structures des régions industrielles préexistantes telles que le Limburg méridional, la Twente ou les grands ensembles industrialo-portuaires de l'Ouest.

7La situation est assez différente au niveau local. Plusieurs centres industriels nouveaux font leur apparition après 1945, soit dans le cadre de régions déjà plus ou moins industrialisées (Born, Etten-Leur, Bladel ou Bilthoven par exemple), soit, et surtout, dans le cadre de régions à dominante rurale et agricole (tel est le cas des centres de Goes, Venray, Hoorn ou Drachten). Dans la majorité des cas, ils correspondent aux noyaux officiels d'industrialisation et se localisent, par conséquent, dans les régions de stimulation périphériques.

8On peut aujourd'hui constater que les centres qui ont connu la croissance industrielle la plus rapide sont, en général, ceux qui ont pu combiner les privilèges liés à leur situation de noyau officiel d'industrialisation avec les avantages offerts par l'implantation d'un grand établissement dépendant d'une firme puissante. Tel est, entre autres, le cas de Delzijl, Drachten, Hoogeveen, Weert ou Terneuzen et surtout de Emmen, devenue en quelques années le véritable pôle de croissance de tout le Sud-Est de la Drenthe. Par la rapidité de sa croissance comme par les processus de son industrialisation, le cas de Emmen est à bien des égards exemplaire, d'autant plus qu'il s'agit aussi d'une ville dont le développement est très rapide après 1945 et toujours étroitement lié à celui de ses entreprises. Le schéma d'évolution étant ici bien différent des schémas classiques du XIXème siècle, l'étude de Emmen sera aussi l'occasion d'analyser les relations entre l'industrie et la ville, entre la croissance industrielle et la croissance urbaine.

91) - En 1829 la commune de Emmen, l'une des trois communes les plus étendues du pays avec 28 540 hectares, compte 2 120 habitants et six petits villages. Emmen, Weerdinge, Westenes, Noord-Barge et Zuid-Barge, esdorpen de type classique, se localisent au Nord-Ouest du territoire communal, sur la zone des sables correspondant à l'extrémité méridionale de l'échine du Honsrug. Un seul village au Nord-Est de la commune : Roswinkel, streekdorp fondé au Moyen-Age par des colons venus de Frise. Le Sud et l'Est du territoire communal sont entièrement occupés par les tourbières, domaine des prairies humides, des marécages, des champs de sarrasin et des terres incultes. Principal centre paroissial et lieu d'échanges entre les produits de la zone des sables et ceux du domaine des tourbières, Emmen est déjà le village le plus important de la commune qui, en 1849, compte quelques 2 680 habitants (carte no 3411-1) -A partir de 1850, la région de Emmen, jusqu'alors relativement isolée, connaît une véritable révolution avec les débuts de la mise en exploitation des tourbières, la tourbe devant servir de combustible dans les grandes villes néerlandaises. Cette mise en exploitation provoque une croissance démographique rapide et la création de plusieurs nouveaux villages sur le territoire de la commune.

  • 1 Dans le Sud-Est de la province de Groningue, de nombreuses tourbières des régions de Veendam, Stad (...)

10L'occupation des tourbières ainsi que leur mise en valeur ne sont pas le fait de la population et des initiatives locales, elles procèdent de l'intervention de sociétés extérieures à la région : la DRENTHE-VEEN en MIDDENKANAAL Maatschappij dont le siège est à Dordrecht dans l'Ouest du pays, la DRENTSE LANDONTGINNINGS Maatschappij d'Amsterdam, la société dirigée par l'industriel groninguois W.A. SCHOLTEN et aussi la ville de Groningue fort intéressée par des ressources toutes proches de celles qu'elle exploite déjà un peu plus au Nord1.

11La conquête des tourbières commence par la création d'un vaste réseau de canaux destinés à assurer le drainage des zones exploitées et à faciliter le transport des blocs de tourbes. Grâce à ces canaux, le Sud-Est de la Drenthe se trouve peu à peu désenclavé. Entre 1858 et 1910 sont ainsi creusés : 1’ORANJEKANAAL, le VERLENGDE HOOGEVEENSCHE VAART, qui atteindra la frontière allemande en 1893, le BLAADERSWIJKKANAAL, le ECHTENSKANAAL, 1'OOSTERDIEP, qui permet de réaliser la jonction avec le réseau de la province de Groningue, et le SCHOLTENSKANAAL, qui assure la liaison avec les réseaux Nord et Sud de navigation intérieure.

  • 2 “Emmen”. Brochure publiée par la municipalité en 1969.

12Simultanément, les grandes compagnies réalisent une véritable colonisation régionale en achetant de vastes domaines aux communautés locales pour y exploiter la tourbe et y créer de nouveaux centres de peuplement directement liés à l'activité d'exploitation : les colonies de tourbières. En 1851, la DRENTHE LANDONTGINNINGS Mij. achète 1 260 hectares aux communautés de Noord-Barge et Zuid-Barge ; en 1853, la DRENTHE-VEEN en MIDDENKANAAL Mij. acquiert 1 500 hectares dans la même zone. Dés 1851 est fondée la colonie de NieuweAmsterdam, création de la compagnie de la grande métropole de l'Ouest. Viendront ensuite les colonies de Oranjedorp (1858), Erica (1866), Emmer-Compascuum (1903), NieuweWeerdinge, Klazienaveen, Zwaartemeer et enfin BargerCompascuum (1910)2. Cette période voit également se fonder trois autres villages, non pas comme centres liés à la production de la tourbe mais comme noyaux de colonisation agricole des zones sableuses : le premier hameau de Erica (1851), Barger (1860) et Nieuwe-Dordrecht (1865), principale fondation locale de la DRENTHE-VEEN en MIDDENKANAAL Mij. (carte no 35). L'essor démographique de la commune est rapide, suivant régulièrement les progrès de la colonisation des tourbières. Comptant 3 817 âmes en 1850, la population communale atteint 10 000 habitants en 1880. Le cap des 20 000 habitants est franchi vers 1900 et en 1920, la commune compte environ 40 000 habitants.

LA COMMUNE DE EMMEN VERS 1845

LA COMMUNE DE EMMEN VERS 1845

13Bien entendu, la croissance de la population résulte d'un important mouvement d'immigration. Les premiers colons et ouvriers des tourbières viennent des zones d'exploitation plus anciennes de la tourbe des provinces de Frise, d'Overijssel et de Drenthe occidentale. La seconde vague de peuplement est issue des colonies de tourbières de la province de Groningue ainsi que des régions toute proches de la zone des tourbières d'Allemagne septentrionale (régions de Münsterde Hanovre et du pays de Lippe). Cette population nouvelle s'implante essentiellement dans les colonies de tourbières, alors que les autochtones occupent plutôt les zones sableuses du Hondsrug où ils pratiquent une agriculture de type mixte dans les clairières de défrichement des landes et des bois. La structure démographique locale est donc fort hétérogène, les deux populations restant étrangères l'une à l'autre et simplement juxtaposées dans le cadre de la commune.

LA COMMUNE DE EMMEN VERS 1910

LA COMMUNE DE EMMEN VERS 1910

14Cette hétérogénéité se retrouve dans la nouvelle organisation villageoise. Aux vieux centres ruraux de la zone des sables s'oppose un ensemble mal articulé et mal hiérarchisé de petits hameaux de colonisation agricole et de colonies de tourbières dont la population est en majorité constituée d'ouvriers qui, de même que les grandes compagnies, restent souvent plus orientés vers leur région d'origine que vers le principal centre local.

15Est-ce à dire que Emmen n'a pas tiré profits de ce remarquable développement pour renforcer son influence régionale dans le cadre du Sud-Est de la Drenthe ? Bien que les colonies de tourbières se caractérisent par la relative importance de leur appareil commercial et malgré l'intervention des sociétés fondatrices qui, jusque vers 1890, se réservent plus ou moins la fourniture des objets courants à leur colons, l'importance locale et régionale de Emmen s'accroît après 1850. A côté des fonctions administratives qui s'y concentrent et s'y développent au rythme de la croissance démographique de la commune, on voit bientôt apparaître des fonctions économiques nouvelles liées à l'extension du réseau des voies de communication, à l'essor de la production de tourbe et à la diversification des productions agricoles. En 1855 se créé le marché de Emmen, marché qui devient important au niveau régional à partir de 1875, en particulier pour le commerce des porcs. Emmen constitue aussi le principal centre d'approvisionnement et le seul village où se regroupent les ateliers et les quelques boutiques permettant des achats autres que quotidiens. Avec environ 10 000 habitants en 1920, Emmen est de loin le centre le plus peuplé de la commune et son influence, comme centre de services élémentaires, déborde déjà largement le milieu local.

  • 3 J. VISSCHER. Drenthe. in Handboek der Geografie van Nederland. Vol. 5. pp. 270-272.

161-2) - De la volonté de transformer la tourbe et les produits agricoles locaux sont nées les premières usines Dés la fin du XIXème siècle, deux fabriques traitant les produits laitiers s'installent à Emmen même. En 1906, l'entreprise SCHOLTEN de Groningen crée une usine à Klazienaveen pour la transformation des pailles et des joncs des tourbières. En 1909, une usine semblable est installée au Sud-Est de la commune par la GRIENDTSVEEN Mij. de Rotterdam tandis qu'une fabrique de farine de pommes de terre apparaît à Nieuwe-Amsterdam au cours de la même année. En 1922, W.A. SCHOLTEN fonde à Klazienaveen l'usine PURIT, la plus importante de l'époque, qui produit un excellent combustible à partir de la tourbe locale3.

17Cette première génération industrielle soulève quelques remarques. Jusqu'aux environs de 1930, le nombre d'établissements industriels induits par la transformation des produits agricoles et de la tourbe reste limité, surtout si on le compare à celui d'autres régions des provinces du Nord telles que la région de Hoogeveen (pour les industries de transformation des produits agricoles) ou bien les colonies de tourbières du Groningue (pour les industries liées à la transformation de la tourbe). Ce faible développement relatif s'explique par la mauvaise situation géographique de la région de Emmen et surtout par l'insuffisance des infrastructures et des moyens de transport, insuffisance qui rend la production locale de tourbe assez peu compétitive sur les grands marchés urbains. Entre 1890 et 1920, plusieurs petites usines de la région devront d'ailleurs fermer leurs portes, ne pouvant résister à la concurrence.

18Dans la majorité des cas, la création des usines est également le fait des grandes sociétés exploitatrices de la tourbe, telle que l'usine PURIT par exemple, ce qui revient à dire que ces sociétés extérieures dominent la quasi totalité de l'activité économique régionale. Dés cette époque donc, le Sud-Est de la Drenthe est en situation de forte dépendance économique. Il faut également remarquer que les usines de la première génération sont assez largement dispersées sur le territoire communal ; il n'y a encore aucune forme de concentration spatiale de l'activité industrielle aux profits du chef-lieu.

191-3) - A partir des années 1919-1920, la région connaît une crise profonde liée au rapide déclin de l'exploitation de la tourbe dont le rôle comme combustible décroît brusquement aux profits d'autres sources d'énergie. La crise est ici soudaine et brutale. Dés 1922, la commune compte plus de 5 000 chômeurs ! La situation locale est si critique qu'en 1923, et sans doute pour la première fois dans l'histoire des Pays-Bas, la municipalité met en place un système de secours et d'aide sociale aux chômeurs, avec l'appui du gouvernement central qui accorde à cette municipalité des subventions particulières. C'est alors que sont développés les travaux d'intérêt collectif, qui permettent de procurer un travail et un salaire aux hommes touchés par le chômage, ce qui est le cas de la majorité des travailleurs des tourbières. Ces travaux, qui correspondent à la création de plus de 1 000 hectares de plantations forestières autour du chef-lieu et à la construction de 26 kilomètres de voies routières locales, auront par la suite une grande influence sur le schéma de développement urbain de Emmen en permettant la réalisation d'une urbanisation diffuse au milieu des espaces verts.

  • 4 A. FISCHER. Philips et Eindhoven : un exemple de relation entre croissance industrielle et croissa (...)

20La conséquence majeure de la crise est que la région du Sud-Est de la Drenthe devient une zone d'émigration. Les départs se multiplient entre 1920 et 1930. Pour l'essentiel, il s'agit d'ouvriers des tourbières qui quittent la région pour les usines textiles de la Twente (c'est ainsi que s'est constitué le peuplement du quartier de PATMOS à Enschede) ou pour les établissements industriels de la firme PHILIPS à Eindhoven qui réclament toujours plus de main-d'oeuvre (le DRENTSE-DORP créé au Nord-Est de Eindhoven correspond précisément à l'installation de ces travailleurs et de leur famille)4.

21Nouveaux changements à partir des années Trente : à la crise de l'exploitation des tourbières locales s'ajoutent les effets de la crise économique mondiale. Cette dernière touche aussi les autres régions industrielles du pays, ce qui se traduit par un arrêt général de l'embauche, tant en Limburg que dans la Twente ou même à Eindhoven. Dans les grands centres industriels, la situation est particulièrement difficile, ce qui explique peut-être qu'à partir de 1933, on voit revenir à Emmen des ouvriers partis quelques années plus tôt vers les usines du Sud et de l'Est. Ces retours vont bien entendu soulever bien des problèmes parce que dans le Sud-Est de la Drenthe, la crise de l'emploi n'est pas du tout résolue. Ces actifs reviennent, comme futurs demandeurs d'emplois, dans une région où ni l'émigration ni la politique sociale de la municipalité ne sont parvenues à résoudre les problèmes liés à l'énorme chômage qui sévit alors. Les usines locales sont bien trop petites et trop peu nombreuses pour pouvoir absorber le surcroît de main-d'oeuvre disponible.

22De plus, la pression sur le marché local du travail est considérablement accrue par le fait que l'exploitation de la tourbe est peu à peu remplacée, dans les zones de tourbières par la constitution de grandes exploitations agricoles, sur les sols fertiles des dalgronden, exploitations qui emploient d'autant moins de main-d'oeuvre qu'elles sont dès l'origine très mécanisées. Autrement dit, les deux principaux secteurs d'emploi de la région libèrent simultanément l'essentiel de leurs effectifs, alors que la région est déjà densément peuplée et que la croissance démographique y est rapide. La crise régionale ne peut donc que s'accentuer.

  • 5 J. VISSCHER. op.cit. p. 274.

23La municipalité s'efforce pourtant d'attirer de nouvelles usines, seule solution possible aux problèmes nés du fort chômage structurel local. Malgré le soutien des pouvoirs publics et les divers avantages qui sont consentis aux entreprises, cet effort ne rencontre pas le succès. Tout juste voit-on arriver à Emmen une usine de tricotage de bas ainsi qu'un établissement de confection, filiale de la firme BENDIEN de Almelo dans la Twente proche5. Sans nul doute, ces deux entreprises ont été intéressées par la présence d'une main d'oeuvre féminine bon marché. Cependant, le vrai problème est alors celui du chômage des hommes.

24En dépit de ces maigres résultats, il ne faut pas minimiser l'importance de la décennie 1920-1930 dans l'histoire de l'industrialisation de cette région. Toute la croissance industrielle ultérieure sera fondée sur des facteurs de localisation dont plusieurs sont justement apparus à cette époque, en particulier l'abondance en main-d'oeuvre disponible, l'aide des pouvoirs publics à l'industrialisation et le large soutien de la municipalité pour qui la croissance des emplois industriels est devenue l'objectif prioritaire.

25Sur le plan urbain aussi la période a son importance. L'émigration des années Vingt ne s'est pas traduite par un déclin démographique dans la commune où la population n'a cessé de croître en raison d'un excédent naturel particulièrement élevé. En 1940, on y dénombre 48 583 habitants, soit une augmentation de 92,9 % par rapport à 1920. Et cette émigration ne dure pas bien longtemps puisque dès 1933 elle diminue dans de très fortes proportions.

26La crise et le chômage touchent d'ailleurs surtout les colonies de tourbières, où résident les ouvriers de la tourbe et provoquent un appauvrissement assez rapide de la population locale. Emmen semble être moins directement affectée. Au contraire, son influence et son rôle dans la région augmentent au cours de ces années, d'autant plus que les petits villages extérieurs et les hameaux en attendent des secours immédiats ainsi qu'un vigoureux effort pour attirer des activités industrielles nouvelles susceptibles de procurer des emplois aux jeunes, fort nombreux dans les colonies, et aux chômeurs, qui se comptent alors par milliers.

27A la veille de 1940, la commune compte 26 établissements industriels employant plus de 10 salariés ; ils emploient environ 760 personnes, soit moins de 17 “s de la population active locale. 6 de ces 26 établissements relèvent de la métallurgie, 5 du textile et 14 de branches d'activité diverses (matériaux de construction, transformation de la tourbe, industries alimentaires). Au chef-lieu même se localisent 3 usines de petite métallurgie, 2 usines textile et 9 établissements d'activités diverses. Emmen n'est encore guère plus qu'un gros bourg où se concentrent les fonctions administratives, les écoles, le principal marché et l'équipement commercial élémentaire. Ce bourg n'en est pas moins le premier centre de services, non seulement pour les 50 000 habitants de la commune, mais aussi pour ceux de tout le Sud-Est de la province. Le passage au véritable niveau urbain, surtout du point de vue de la diversité des équipements, des fonctions économiques et des fonctions régionales, va se réaliser un peu plus tard, avec l'implantation de nouvelles industries dans la ville même.

282) - Au sortir de la guerre, il faut faire redémarrer l'économie nationale aussi vite que possible, en particulier en utilisant toutes les ressources disponibles en main-d'oeuvre pour développer les activités industrielles. Justement, la région de Emmen offre une abondante main-d'oeuvre, dont de nombreux jeunes car la vitalité démographique ne s'y est guère ralentie. A partir de 1945 donc, la nécessité de créer des emplois nouveaux dans la région coïncide avec l'intérêt de nombreux industriels en quête de main-d'oeuvre bon marché et abondante. L'industrialisation de la région de Emmen commence.

292-1) - Au cours des années 1945-1950, 14 établissements s'implantent dans la commune où les emplois industriels passent de 760 à 2 454. Cependant, la part de l'industrie reste encore assez modeste dans l'ensemble de l'activité économique puisqu'elle concerne moins du cinquième des actifs en 1947. Le mouvement n'en est pas moins lancé.

30Ce qui caractérise avant tout cette courte période, c'est que les établissements nouveaux s'implantent directement aux lieux de résidence de la main-d'oeuvre et non pas au cheflieu de la commune. Ce sont les petits centres de EmmerCompascuum, Nieuwe-Weerdinge, Zwaartemeer et Klazienaveen qui se transforment avec l'apparition de l'industrie, passant de l'état de colonies de tourbières à celui de foyers industriels ruraux. Pour sa part, Emmen voit s'implanter 4 établissements, dont un seul de réelle importance pour l'emploi : l'usine de EMMER METAALINDUSTRIE, dont l'effectif atteint 66 salariés à la fin de l'année 1950.

31On retrouve donc le phénomène de l'industrialisation diffuse, dans le cadre de la commune, mais les fondements de cette industrialisation ont bien changé par rapport aux périodes antérieures. C'est, dorénavant, la disponibilité en maind'oeuvre bon marché qui constitue le principal facteur de localisation. Or, cette disponibilité est d'autant plus grande que le travail de la tourbe étant le fait du ménage, la disparition de l'exploitation des tourbières a laissé dans la région un très fort potentiel de main-d'oeuvre féminine n'ayant aucune qualification. Il n'est donc pas surprenant de constater que l'industrialisation d'alors se réalise par l'implantation d'activités de main-d'oeuvre employant des effectifs non qualifiés : textile à Nieuwe-Weerdinge, Emmen et Emmer-Compascuum, petite mécanique et électrotechnique à Zwaartemeer, Klazienaveen, Emmer-Compascuum et NieuweWeerdinge.

32Le passage de l'ère de la tourbe à l'âge de l'industrie n'a pas fait disparaître la forte dépendance extérieure de la région car, pour l'essentiel, les nouveaux établissements sont des créations de grandes entreprises d'autres régions du pays : AKU de Arnhem (usine de production de fils de nylon à Emmer-Compascuum), HEEMAF de Hengelo en Twente (usine de bobinage de Zwaartemeer), SPAANJAARD de Borne (usine textile de Nieuwe-Weerdinge), HAZEMEYER de Hengelo (fabrication d'appareils électriques à Emmer-Compascuum), GERO de Zeist dans la province de Utrecht (fabrique de couverts à NieuweWeerdinge) et RADEMAEKERS de Rotterdam (petite métallurgie à Klazienaveen). Le nombre des établissements créés par des entreprises de l'Ouest est faible, alors que l'emprise des grandes villes de Randstad-Holland sur la mise en exploitation des tourbières avait été dominante. Les grandes compagnies ne se sont intéressées aux tourbières que dans la mesure où celles-ci permettaient de réaliser une importante spéculation. Elles ne se sont pas du tout intéressées à la région elle-même et n'y ont pratiquement investi aucun de leurs bénéfices. Sans doute peut-on voir là l'une des causes des retards et des difficultés économiques du Sud-Est de la Drenthe.

332-2) - L'adaptation de la population locale au travail industriel n'est pas toujours facile. Dans les premières années, nombreux sont encore les ouvriers qui quittent l'usine pour "aller faire la saison" sur les tourbières ou dans les exploitations agricoles tandis qu'un certain nombre d'agriculteurs viennent travailler à temps partiel dans l'industrie pour y trouver un salaire d'appoint (c'est surtout le cas des agriculteurs de la zone des sables, où les exploitations sont si petites et si surchargées que l'apport de ressources complémentaires est souvent indispensable).

34Mais on commence aussi à se préoccuper de certains problèmes d'ordre structurel. Les industries nouvelles ont tendance à employer surtout les femmes alors que le problème fondamental de la région est celui du chômage des hommes pour lesquels on craint l'absence de nouvelles possibilités d'emploi. L'autre grand problème est, déjà, celui de l'insuffisante diversité des activités industrielles locales. Le textile et la métallurgie dominent largement-, exception faite de Klazienaveen, les foyers industriels de la commune apparaissent dés ce moment comme trop spécialisés. En décembre 1950, Emmer-Compascuum compte 514 salariés dans le textile pour un emploi industriel total de 529 personnes.

35Au 31.12.1950, la commune compte 27 établissements employant au total 2 429 salariés, dont 1 331 hommes et 1 098 femmes.

36A lui seul, le textile occupe 58,7 % des effectifs contre 12,6 % pour la métallurgie différenciée. 12 établissements se localisent à Emmen même ; ils emploient 1 078 salariés, soit 44,8 % de l’emploi industriel communal. Ici, le poids relatif du textile est encore plus grand puisqu'il occupe à lui seul 75,9 % des effectifs. Un seul établissement emploie plus de 500 personnes (l'usine de confection BENDIEN), deux en emploient entre 50 et 200, 9 ont entre 10 et 50 salariés.

37A la fin de cette période, la croissance et l'évolution industrielle de Emmen ne se distinguent pas encore nettement de celles de nombreux autres petits centres locaux du Nord des Pays-Bas. Partout l'agriculture se modernise et le déclin des tourbières libère de la main-d'oeuvre ; les centres ruraux qui appellent l'industrie sont donc fort nombreux (carte no 36).

38Sur les plans démographique et urbain, l'évolution au cours de ces années apporte également peu de changements et se caractérise plutôt par le fait que Emmen reste, aussi de ce point de vue, quelque peu en retrait par rapport aux villages de la commune. La population communale passe de 53 267 habitants en 1947 à un peu plus de 57 000 en 1950, date à laquelle le chef-lieu compte environ 13 000 habitants. Le chômage reste malgré tous les efforts la préoccupation dominante de la municipalité qui accentue son action en faveur du développement des infrastructures locales, afin de rendre la ville plus attractive vis-à-vis des entreprises industrielles. Déjà, la plus grande attention est accordée au problème du logement, la relation entre la création d'emplois et la disponibilité en logements étant perçue comme une relation fondamentale. Un Office Municipal du Logement est alors créé et la première tranche de construction d'un nouveau quartier est mise en chantier dés 1946 : le futur quartier de Emmermeer, au Nord de la ville, entre le vieux centre et la forêt de Valther-Bos.

393) - Les années 1950-1951 marquent l'étape décisive. En un temps assez court, la situation locale va être complètement transformée par les effets combinés d'une série d'évènements qui vont conduire à une vigoureuse croissance industrielle et urbaine. En quelques années, Emmen va devenir le troisième centre industriel du Nord des Pays-Bas derrière Groningen et Leeuwarden. A partir de 1951, l'industrie devient ici le véritable moteur de la croissance urbaine. Quels sont donc ces évènements ?.

403-1) - C'est, en premier lieu, l'intervention directe des pouvoirs publics centraux dans les affaires locales. A compter de 1950, les problèmes du Sud-Est de la Drenthe ne constituent plus une problèmatique isolée, leur solution s'inscrit dans le cadre élargi d'une problèmatique devenue nationale : celle de la politique d'industrialisation des régions situées hors de Randstad-Holland et de l'Ouest. Nous avons vu, dans un précédent chapitre, que le premier plan de développement régional concerne justement le Sud-Est de la Drenthe, parce que les taux de chômage structurel y sont plus élevés que partout ailleurs tandis que le niveau moyen des revenus y est particulièrement faible. En 1950, le taux de chômage masculin est ici de 15 % ; en 1952, il est encore de 13,7 % alors que ce taux est de 8 % pour la province de Drenthe et de 4,2 % environ pour l'ensemble des Pays-Bas.

41Il n'y a pas lieu de revenir en détails sur le contenu du plan de 1951, ni sur la question de l'efficacité des plans de développement régionaux. Rappelons seulement que, en raison des mesures qu'il comporte, le Plan du Sud-Est de la Drenthe permet à Emmen de disposer des moyens nécessaires à l'amélioration de ses équipements et à la création d'infrastructures nouvelles.

42Par ailleurs, la possibilité de créer un milieu local plus attractif vis-à-vis des entreprises se trouve considérablement renforcée, dés l'origine, par la désignation de Emmen comme noyau officiel d'industrialisation, situation qui comporte divers avantages financiers et fiscaux, avantages accordés non seulement à la municipalité mais aussi aux entreprises qui acceptent de venir s'implanter à Emmen. En 1959, lors de la premières grande révision de la politique régionale, Emmen sera retenue parmi les noyaux primaires, c'est-à-dire parmi ceux aux profits desquels doivent se concentrer les aides et les interventions de l'Etat. La position relative de Emmen par rapport au reste de la commune est donc sensiblement renforcée, ce qui se traduit par le fait qu'à la concentration des aides répond une semblable concentration des offres d'emplois et des créations d'établissements. Ainsi, entre janvier 1965 et décembre 1970, 17 établissements industriels sont créés dans la commune, dont 11 à Emmen même, 3 à Klazienaveen qui compte parmi les noyaux d'industrialisation secondaire, 1 à Nieuwe-Weerdinge, 1 à Erica et 1 à Zwaartemeer.

43Le second des grands évènements est l'implantation à Emmen de l'usine ENKALON, dépendante de l'entreprise AKU de Arnhem (on sait que AKU fusionnera avec le groupe chimique KZO pour donner naissance à la firme AKZO). Cette implantation marque les véritables débuts de l'essor industriel de la ville. La fabrication des fils de nylon démarre en 1951 avec environ 600 ouvriers. L'usine emploiera bientôt plus de 2 000 personnes.

44Ce qui fait la réelle importance de cette implantation dans l'histoire économique de Emmen, ce n'est pas tant le nombre élevé des nouveaux emplois offerts ni non plus l'apparition, conséquente, de la première grande zone industrielle bien équipée, celle du Bargermeer située au Sud du vieux centre urbain. Son importance procède du fait que l'entreprise AKU n'a accepté d'installer ici son usine qu'à la condition que la municipalité prenne en charge la création d'un milieu et d'un environnement aptes à répondre, tout à la fois, aux besoins courants de l'entreprise et de sa main-d'oeuvre et aux perspectives de croissance de l'activité industrielle implantée. En 1951, l'essentiel reste encore à faire en matière de milieu et d'environnement, mais c'est bien à partir de cette date que l'on voit s'étoffer peu à peu le potentiel de Emmen pour les équipements techniques, commerciaux, scolaires, culturels et sociaux. La municipalité semble avoir eu conscience d'une certaine convergence entre les exigences de la grande entreprise et ses propres aspirations à la croissance, cette dernière ne pouvant être fondée que sur le dynamisme de l'industrialisation. Améliorer le nombre, le niveau et la qualité des services offerts, n'estce pas renforcer le pouvoir d'attraction de la ville, lui donner des bases économiques saines et lui permettre d'accroître son influence régionale ?.

  • 6 A. FISCHER, art.cit. et ci-dessous, étude du cas de Drachten.

45ENKALON, qui n'est que la deuxième expérience de AKU dans la commune puisque la firme de Arnhem avait déjà implanté une petite usine à Emmer-Compascuum, n'a pas eu que des exigences vis-à-vis de la municipalité. Son attitude et sa politique à l'égard du milieu local ont eu aussi des effets très positifs et ont dans une assez large mesure facilité l'action de la municipalité. On note en particulier que ENKALON s'est refusée à multiplier les "organisations maison" pour son personnel et a plutôt incité sa main-d'oeuvre à participer à la vie des organisations publiques locales. De même, la firme a préféré dégager des crédits de financement mis à la disposition de la commune plutôt que de pratiquer une politique de construction de logements réservés et regroupés en un ghetto privé. Sans doute, les dirigeants de l'entreprise ont-ils vu là le moyen d'assurer une bonne insertion de leur établissement dans le milieu local tout en évitant de sérieux problèmes d'adaptation à leur main d'oeuvre (c'est aussi, bien entendu, une politique qui permet de se décharger de nombreux soucis d'ordre économique et social). Sans spéculer sur son évidente volonté de dominer le milieu et le marché, on peut dire que sur ce point, la politique de ENKALON à Emmen se démarque très nettement de celle pratiquée par l'entreprise PHILIPS à Eindhoven ou à Drachten6.

46L'action municipale menée à partir des années 1950-1951 est responsable, aussi, des transformations de Emmen et de son vigoureux développement. Le Plan de 1951 et sa situation de noyau d’industrialisation donnent à la municipalité les moyens d'agir, tandis que l'appui de ENKALON et des petites entreprises locales est à peu prés chose acquise. Sur ces bases s'affirme alors une véritable politique municipale qui sans négliger totalement les villages extérieurs où le chômage sévit toujours durement, va s'efforcer d'accélérer l'industrialisation et l'urbanisation du chef-lieu de façon à en faire un véritable pôle régional de croissance. Cette politique municipale, sans doute l'une des plus dynamiques aux Pays-Bas au cours des années Cinquante et Soixante, présente de multiples facettes et concerne tout à la fois l'amélioration des infrastructures et du réseau de transport, la création de nouveaux équipements, le remodelage urbain du vieux centre et l'extension spatiale de la ville.

47A partir de 1951, les efforts de la municipalité s'orientent surtout vers l'aide financière aux entreprises et l'amélioration des conditions techniques de leur implantation. Dés 1953, elle entreprend la construction de bâtiments industriels standard que des entreprises désireuses de s'installer à Emmen pourraient utiliser très rapidement. Deux halles de 325 m2 et deux de 500 m2 sont ainsi construites avant même que d'éventuels occupants ne se manifestent. Ces constructions auront peu de succès, sans doute en raison de leur superficie trop restreinte. Par la suite, la municipalité ne construit de tels bâtiments qu'en fonction des besoins des futurs utilisateurs à qui ils sont loués pour une période de 10 ans avec possibilité de reconduction automatique du bail ; plusieurs industriels achèteront d'ailleurs ces locaux.

  • 7 N.E.I. Industriële zones in Nederland. Rotterdam. 1963. Ronéo.

48Les centres secondaires de la commune ne sont pas totalement négligés. La municipalité est à l'origine de la création d'une zone industrielle de 16 hectares à Klazienaveen ainsi que de la création de "terrains industriels" à Nieuwe-Amsterdam, en collaboration avec la commune voisine de Sleen dans le cadre d'une association intercommunale7. Au total, l'exemple de Emmen illustre assez bien le principe selon lequel l'efficacité de la politique des pouvoirs publics dépend en grande partie du dynamisme des municipalités dans lesquelles elle s'applique, ce sur quoi La Haye ne cesse, bien entendu, d'insister.

493-2) - La combinaison des trois phénomènes précédents, politique des pouvoirs publics action de la municipalité-implantation de l'usine ENKALON, explique sans doute pour une large part la rapidité et la simultanéité de la croissance démographique et du développement des emplois industriels.

Tableau no 1 – Evolution démographique et croissance des emplois industriels à Emmen et dans la commune

Années (2)

Population Emmen

% de commune

Emplois Emmen (1)

% de commune

1950

13 000

22,5

1 078

43,9

1955

18 800

30,0

2 937

61,4

1960

22 600

33,8

4 872

66,2

1965

29 627

39,8

7 595

74,0

19 70

36 691

45,4

9 659

79,4

(1) Entreprises AIS. Bâtiment exclu.
(2) Situation au 31 décembre.
Source : Municipalité de Emmen

50En vingt années, la commune gagne 23 113 habitants et la seule ville de Emmen voit sa population augmenter de 22 691 âmes, soit l'équivalent de 98,1 % de la croissance démographique communale totale. C'est donc essentiellement aux profits du chef-lieu que se réalise l'essor démographique à partir de 1950, alors que tout au long des périodes antérieures l'afflux de population concernait les colonies de tourbières et les petits centres agricoles dispersés sur le territoire communal. Ce renversement des tendances se traduit par l'augmentation régulière du poids relatif du chef-lieu au sein de la commune. Cette croissance démographique n'est pas seulement continue, elle est aussi assez rapide si on la compare à celle d'autres ensembles. Pour un indice 100 en 1950, la ville de Emmen est à l'indice 238 en 1968 alors que la commune est à l'indice 135, la province de Drenthe à l'indice 126 et les Pays-Bas à l'indice 126 également.

51Le développement des emplois industriels n'est pas moins rapide que celui de la population. Les gains sont de 9 704 emplois pour l'ensemble de la commune entre 1950 et 1970 et de 8 581 emplois pour Emmen seule, soit 88,4 % de l'augmentation totale. Ici aussi, c'est désormais le chef-lieu qui concentre l'essentiel de la croissance, ce qui constitue un changement encore plus grand par rapport à l'évolution antérieure. Le poids relatif de Emmen est encore bien plus grand pour les emplois industriels et il s'accentue très rapidement. Tandis que les villages extérieurs gagent 1 085 emplois, Emmen en gagne 8 581, soit un rapport de 1 à 8. Ce phénomène exprime sans doute des mutations intervenues dans la nature et les structures de l'industrialisation locale, nous y reviendrons.

52Au-delà de l'évident parallélisme entre croissance des emplois et croissance de la population, il est intéressant de noter que le rapport du nombre des emplois à la population totale s'accroît aussi très rapidement à Emmen, ce qui traduit le mouvement d'industrialisation relative : 0,07 en 1950, 0,14 en 1955, 0,18 en 1960, 0,24 en 1965 et 0,26 en 1970. Au niveau de la commune entière, le poids relatif de l'industrie est moins élevé et le rapport emplois-population toujours de valeur inférieure à celui du chef-lieu : de 0,04 en 1950, il passe à 0,15 en 1970. Reste à savoir dans quelle mesure la croissance de la population est directement liée à celle du nombre des emplois industriels, question qui sera abordée un peu plus tard.

533-3) - 12 établissements industriels de plus de 10 salariés sont recensés à Emmen en 1950, et 27 dans l'ensemble de la commune. En 1970, on en compte, respectivement, 42 et 72. Le fait majeur de l'évolution industrielle au cours de cette période est la concentration des activités sur le chef-lieu qui, au 31 décembre 1970, représente 79,4 % des salariés de l'industrie et 61,1 % du nombre des établissements localisés dans la commune.

54En décembre 1950, l'industrie locale est largement dominée par le textile et la métallurgie, comme le montre le tableau suivant :

Tableau no 2 - Situation des industries au 31.12.1950

Tableau no 2 - Situation des industries au 31.12.1950

(1) Entreprises AIS. Bât. exclu.
Source : Municipalité de Emmen

  • 8 N.E.I. Sociaal-economische onderzoekingen ten behoeve van het structuurplan Emmen. Rotterdam. 1966 (...)

55Au contraire de ce qui s'est passé dans les périodes antérieures, la croissance de l'industrie après 1950 est d'abord caractérisée par une forte augmentation de l'emploi masculin. Ce dernier ne représente encore que 24,7 % du total des emplois en 1950, mais vingt ans plus tard, il en représente environ 78 % (ici aussi le rôle de l'emploi industriel féminin est bien moins grand que ce qui a été affirmé par de nombreux auteurs qui ont cru un peu trop vite au rôle fondamental de la main-d'oeuvre féminine comme facteur de localisation et d'industrialisation). Il semble donc que l'industrialisation locale se soit faite selon l'orientation voulue par la municipalité pour qui le problème majeur à résoudre est celui du chômage des jeunes et des anciens ouvriers des tourbières. En réalité, c'est surtout l'usine ENKALON8 qui est responsable de ce rapide essor des emplois masculins dont la croissance reste assez limitée dans les autres établissements industriels.

Tableau no 3 - Répartition par sexe des emplois industriels de Emmen

Années (1)

hommes

femmes

total

% hommes

1950

267

811

1 078

24,7

1955

2 158

779

1 937

73,4

1960

3 839

1 033

4 872

78,7

1965

6 199

1 396

7 595

81,6

1970

7 537

2 122

9 659

78,0

(1) Situation au 31 décembre.
Source : Municipalité de Emmen.

56Si l'emploi dans les petites usines tend à perdre régulièrement de son importance, on ne peut pour autant parler d'une réelle tendance à la concentration dans les très grandes unités. Tout au long de la période, les établissements comptant plus de 1 000 salariés emploient entre 55 et 57 % de la main-d'oeuvre industrielle.

Tableau no 4 - Ventilation des emplois par catégories de taille des établissements %

Tableau no 4 - Ventilation des emplois par catégories de taille des établissements %

(1) Situation au 31 décembre.
Source : Municipalité de Emmen

57Les établissements employant moins de 50 salariés ne représentent plus que 5,7 % des emplois en 1970, alors qu'ils concernaient plus du cinquième des effectifs vingt ans auparavant et que leur nombre a augmenté entre 1950 et 1970, passant de 9 à 11. Pendant le même laps de temps, les établissements employant de 50 à 99 salariés passent de 1 à 6, mais leur part dans l'emploi total diminue également. Après 1951, la catégorie des établissements de plus de 1000 salariés regroupe toujours plus de la moitié des effectifs indus triels bien qu'elle ne compte qu'un seul établissement jusqu'en 1967 (ENKALON), puis deux à partir de 1968 (ENKALON et l'usine de DANLON). Que signifient tous ces chiffres ?.

58En premier lieu, ils traduisent le fait que la croissance des emplois résulte surtout d'une augmentation des effectifs employés par les établissements existants et non pas des apports des usines nouvelles qui créent relativement peu d'emplois. De décembre 1955 à décembre 1960, huit usines nouvelles s'implantent à Emmen ; elles y créent 373 emplois, soit à peine 19,3 % de la croissance totale des effectifs industriels au cours de cette période. La situation ne se modifie guère au cours des cinq années suivantes bien que la part des nouvelles unités soit un peu plus grande : 9 nouvelles usines contribuant pour 26,4 % à la croissance du nombre des emplois. Entre 1965 et 1970, enfin, les 9 nouvelles unités n'apportent que 382 emplois nouveaux, soit à peine 18 % de la croissance globale des effectifs industriels. A elle seule, l'usine ENKALON est responsable de l'essentiel de cette croissance : 55,4 % entre 1955 et 1960, 62,9 % au cours des cinq années suivantes.

59En second lieu, il apparaît que l'industrialisation locale résulte principalement de l'implantation de petites et de moyennes unités. En vingt ans, Emmen a vu s'implanter 19 établissements employant moins de 100 salariés alors que l'usine ENKALON reste jusqu'en 1968 le seul grand établissement industriel de la ville. En décembre 1970, Emmen compte deux établissements de plus de 1 000 salariés (ENKALON % dont l'effectif est alors de 3 969 salariés et l'usine de DANLON, dont la création remonte à 1953, qui emploie 1 549 ouvriers), deux établissements ayant de 500 à 1 000 salariés (l'usine de HONEYWELL où travaillent 804 personnes et l'usine ENKALON II qui compte 579 ouvriers), 11 établissements employant entre 100 et 500 salariés et 27 usines dont les effectifs sont inférieurs à 100 personnes.

60La taille limitée des nouveaux établissements, leur nombre relativement faible et leur apport assez modeste à la croissance des emplois industriels locaux correspondent-ils à une insuffisance du milieu urbain en matière d'équipements techniques et sociaux, à une trop grande timidité de la décentralisation industrielle ou bien à l'existence d'un double phénomène de "blocage" et de "repoussoir" dû à la présence même de l'usine ENKALON ?. Voici bien une question fondamentale sur le plan des processus de l'industrialisation ; elle sera examinée dans un prochain paragraphe.

61Troisième des grandes caractéristiques du développement industriel de Emmen : la permanence du rôle prédominant du textile, malgré une croissance assez rapide des activités dans le secteur de la métallurgie. En 1950, le groupe textile-confection représente 75,9 % des emplois industriels locaux, et encore 67 % en 1970, année où le secteur métallurgie employait 28,7 % des effectifs contre 6,2 % en 1950. Du point de vue de la répartition sectorielle des emplois, Emmen apparaît donc comme un centre industriel relativement spécialisé. Une image quelque peu différente est obtenue si on se réfère à l'activité des établissements. En 1950, on compte deux usines textiles sur 12 établissements et 5 sur 42 en 1970, date à laquelle le secteur métallurgie compte 21 unités de production. A une très forte concentration des emplois de l'industrie textile s'oppose une large dispersion structurelle des emplois de la métallurgie dont les progrès se manifestent surtout après 1965. Sur les neuf implantations réalisées entre 1965 et 1970, 6 relèvent de la métallurgie et une seule de la confection ; les premières procurent à Emmen 307 nouveaux emplois, la seconde ne concerne que 27 salariés. Si on compare l'évolution de Emmen à celle de la commune entière au cours de ces années, on constate que les tendances sont à peu prés identiques quant à la répartition des emplois par branches : puissance et stabilité du textile, essor régulier de la métallurgie et déclin des activités diverses. Au total, Emmen reste un centre industriel relativement spécialisé et son industrialisation ne s'accompagne pas d'une diversification bien grande de ses activités.

Tableau no 5 - Situation des industries au 31.12.1970

Tableau no 5 - Situation des industries au 31.12.1970

Source : Municipalité Emmen.

623-4) - La croissance de la ville s'effectue également sur un rythme assez rapide. Cette croissance est d'abord une conséquence directe de la concentration des interventions de la puissance publique à son seul profit. Alors que les mesures proposées par le Plan de 1951 concernaient la totalité de la commune, et même l'ensemble du Sud-Est de la Drenthe, les multiples aides de l'Etat se concentrent sur la ville de Emmen à partir de 1959 du fait même que celle-ci est classée parmi les noyaux officiels d'industrialisation (ces aides concernent aussi, mais dans une moindre mesure, le noyau secondaire de Klazienaveen). Bien entendu, la concentration des aides sur Emmen se double bien vite de celle des infrastructures et des équipements de tous ordres. Mieux située que les autres centres de la commune par rapport au réseau général des voies de communication, disposant d'une grande zone industrielle bien aménagée et bien reliée au réseau ferroviaire et à celui des canaux, Emmen, qui présente en outre l'avantage considérable d'être localisée sur la zone des sables, là où il est moins difficile et moins coûteux de construire, apparaît tout naturellement comme le lieu d'implantation le plus favorable dans l'ensemble de cette partie de la province de Drenthe. La possibilité pour les entreprises d'y obtenir des avantages financiers et fiscaux renforce encore, et dans une large mesure, ses facultés d'attraction.

63Mais la concentration géographique de l'offre d'emplois n'induit pas nécessairement une pareille concentration de la population régionale. La très rapide croissance de Emmen et la stagnation des autres centres de la commune ont donc une autre explication que la localisation préférentielle des nouveaux équipements et des nouveaux emplois dans le chef-lieu. Une analyse des mouvements migratoires montre que Emmen, à la différence des périodes passées, est aussi devenue le seul pôle d'attraction de population, aussi bien pour ce qui concerne les mouvements intérieurs à la commune que pour les échanges avec les autres régions. Entre janvier 1956 et décembre 1970, le bilan migratoire par rapport au reste de la commune se solde par un gain de 5 043 habitants. Tandis que le reste de la commune perd 3 917 habitants aux profits d'autres régions des Pays-Bas, Emmen présente un bilan migratoire largement excédentaire vis-à-vis de l'extérieur : + 5 940 habitants. Au cours de ces quatorze années, le bilan des migrations extérieures est constamment positif pour le chef-lieu et toujours négatif pour les villages et les hameaux de la commune dont la population n'augmente qu'en raison d'un taux d'accroissement naturel particulièrement élevé.

64Le marasme économique et le manque d'emplois qui sévissent dans les anciennes colonies de tourbières sont insuffisants pour expliquer cet afflux de population vers Emmen. Quant au dynamisme économique local, il apparaît comme étant un peu limité pour justifier totalement l'immigration continue qui caractérise cette période. C'est au dynamisme de la politique municipale et aux rapides progrès de Emmen en matière de qualité des services offerts qu'il faut sans doute attribuer cette force d'attraction assez exceptionnelle dans les provinces du Nord.

  • 9 J. BUURSINK. Karte van de empirische verzorgingsrayons en de hiérarchie van régionale centra in R. (...)

65Les équipements sociaux et culturels se développent vite, tout comme le commerce de détail. Hors des services administratifs locaux, le commerce de gros et les emplois de bureaux apparaissent véritablement avec la création d'un grand centre commercial régional au coeur de la ville en 1968. Bien avant cette date, Emmen est le seul centre de la région capable d'offrir tout à la fois un certain choix aux acheteurs et un certain éventail de services autres que strictement commerciaux : hôtels, cliniques, théâtre et centre culturel, installations sportives diverses... etc. En fait, Emmen dessert non seulement la commune mais aussi une population régionale de l'ordre de 200 000 habitants. Dans la hiérarchie régionale des centres de services, Emmen se classe, vers la fin des années Soixante, parmi les "centres régionaux de deuxième niveau", juste après des villes comme Zwolle ou Leeuwarden, sur le même plan que des centres tels que Assen et Sneek qui lui étaient très largement supérieurs quelques années auparavant9.

  • 10 A. FISCHER, art. cit. et P. J. BOUMAN. Anton Philips : de mensde ondernemer. Eindhoven 1966.

66Deux secteurs ont tout particulièrement bénéficié des efforts de la municipalité : la construction de logements et l'équipement scolaire, précisément les deux secteurs les plus étroitement liés à l'industrialisation. Entre 1950 et 1960, le parc local de logements s'accroît de 2 000 unités tandis que de nombreux taudis sont démolis dans le vieux Emmen et remplacés par des constructions neuves. Au cours des dix années suivantes, le parc des logements est presque doublé, passant de 5 423 à 10 130 logements. Grâce aux efforts de la municipalité et aux contingents annuels supplémentaires attribués par les pouvoirs publics, Emmen a échappé aux inconvénients du manque de logements, handicap sérieux ressenti dans de nombreuses villes des régions périphériques. La part de la municipalité dans la construction immobilière est d'ailleurs importante : sur les 5 131 logements construits entre janvier 1961 et décembre 1970, prés de 60 % le sont par l'intermédiaire de l'Office Municipal. De ce point de vue, Emmen se différencie donc profondément d'une ville telle que Eindhoven où l'entreprise PHILIPS a eu un rôle déterminant comme constructeur de logements pendant la période de croissance urbaine majeure10 Un aspect particulier de cette construction immobilière est la très large prépondérance des logements sociaux, ce qui ne saurait étonner dans une ville où la population est, pour l'essentiel, constituée d'ouvriers dont le niveau moyen des revenus est d'autant plus faible que la plupart d'entre eux occupe un emploi non qualifié donc à faible taux de rémunération. Et c'est justement là que se situe l'un des problèmes de Emmen : bien qu'il s'agisse de logements "sociaux", les loyers sont bien souvent trop élevés par rapport aux revenus dont dispose la population locale qui, en outre s'était habitué aux logements bon marché des colonies de tourbières et des centres de mise en valeur agricole.

67Les progrès en matière d'équipements scolaires sont tout à fait remarquables, surtout pour ce qui concerne la création des écoles techniques et professionnelles dont le nombre passe de 3 à 14 au cours des dix premières années. En 1970, Emmen compte 55 établissements scolaires de tous types et sa zone d'influence directe dépasse largement les limites communales. En 1972, des pourparlers sont en cours pour la création d'une Ecole Technique Supérieure qui permettrait d'assurer un meilleur relais vers l'université de Groningen et vers l'Institut Technique de la Twente. Cet effort d'équipement scolaire trouve ses résonances dans l'évolution du niveau de formation de la population locale. En 1946-1948, 60,8 % des jeunes garçons et 68 % des filles ne suivent encore aucun enseignement au-delà de l'école primaire ; autant dire que la population active locale est sans formation.

  • 11 A. GLEBBEEK-H.V. LUYK. Emmen en het beleid. Zone. 1976. no 3. pp. 83-109.

68Pour 1960 encore, le recensement montre que 86,5 % des actifs hommes (en majorité d'anciens ouvriers des tourbières) n'ont suivi que l'enseignement primaire, chiffre nettement supérieur à ceux de la Drenthe, 62,3 %, et des Pays-Bas, 56,7 %. En 1971, les progrès en la matière sont évidents : seulement 44,5 % des actifs hommes n'ont suivi que l'enseignement primaire. Mais si les progrès sont réels, le niveau de formation moyen de la population active de Emmen reste encore bien inférieur à la moyenne nationale, pour l'enseignement général comme pour la formation technique et professionnelle, la permanence du retard étant surtout nette pour la population active féminine. Alors que 5,5 4 des actifs masculins et 3,5 % des actifs féminins de Emmen ont un diplôme de niveau secondaire, les données correspondantes sont de 6 % et 4 4 pour la province de Drenthe et 9,5 4 et 8 4 pour l'ensemble des Pays-Bas11.

69La croissance démographique et le développement industriel se reflètent dans l'extension spatiale de la ville. Cette extension, caractéristique des années Soixante, se réalise par des créations nouvelles, souvent fort originales sur le plan urbanistique et du point de vue de la qualité architecturale. Né en 1946, le nouveau quartier de EMMERMEER se développe surtout après 1950. Par rapport au reste de la ville, son originalité vient de ce qu'il ne comporte aucun centre commercial notable. A la même date s'aménage la grande zone industrielle du BARGERMEER qui couvre environ 600 hectares. La création de ce quartier de Emmermeer semble bien correspondre à la nécessité de procurer dans les plus brefs délais des logements pour les ouvriers qui commencent à affluer vers l'usine ENKALON. Les années 1960-1961 marquent la seconde étape de l'extension urbaine avec la création de l'ensemble de ANGELSLO sur 195 hectares entre le vieux centre et la forêt de Emmer-Dennen. Angels est une véritable ville nouvelle composée de six groupes totalisant environ 3 500 logements. Elle comporte un très grand centre commercial, deux centres commerciaux secondaires et un centre culturel. Les types de construction y sont très variés, évident reflet du souci de pouvoir offrir de bonnes conditions de logement à une population plus aisée dont on espère la venue. Ici, le modèle d'urbanisation se veut attractif pour les cadres moyens et supérieurs que l'industrialisation devrait attirer vers Emmen. La troisième étape débute vers 1966 avec la mise en chantier de EMMERHOUT, nouveau quartier situé sur les lisières de la forêt. Cette nouvelle extension se réalise sur 157 hectares et comporte environ 3 700 logements organisés autour d'un important centre administratif et commercial. Enfin, en 1970-1971, commencent les travaux d'aménagement du futur ensemble de BARGERES, qui doit comporter 5 000 logements, tandis que le vieux centre de Emmen est entièrement remodelé autour du nouvel hôtel de Ville et du centre commercial régional.

70Ville basse, le nouveau Emmen est avant tout une ville verte et très aérée, l'urbanisation moderne ayant largement tiré parti de la disponibilité en espace et de la présence des forêts plantées lors de la grande crise des années Trente par les chômeurs engagés dans les travaux d'intérêt collectif. Depuis 1950, le développement urbain s'appuie ici sur de multiples expériences, dont certaines assez originales dans le cadre des Pays-Bas : différenciation des types de logements dans un même quartier pour obtenir des structures sociales composites et éviter le "monolithisme de classes", séparation des circulations piétonnière et automobile dans toutes les nouvelles unités et hiérarchisation des voies de circulation, système des ilôts et des unités de voisinage à Angelslo, courrées modernes à Emmerhout, grands équipements de sport et de loisirs dans les forêts environnantes., etc. (carte no 37).

714) - En 1951, l'usine ENKALON entre en production. Dés l'origine elle est, et restera, le plus grand établissement industriel local et la croissance de ses effectifs représente une part considérable de l'augmentation totale des emplois du secteur secondaire. A la fin de l'année 1970, les deux établissements ENKALON de Emmen emploient 4 548 salariés, soit 47 % des emplois industriels de la ville et 37,4 % de ceux de l'ensemble de la commune.

72A la fin de l'année 1975, encore, ENKALON (ou plus exactement ENKA GLAZNSTOFF du groupe AKZO) emploie 4 715 personnes dans la commune, ce qui représente prés de la moitié des emplois industriels communaux et ce qui place ce producteur de fibres synthétiques très loin devant les trois autres grandes entreprises locales que sont DANLON (710 emplois), HONEYWELL (256 emplois) et DRAKA qui appartient â la firme PHILIPS (379 emplois). Que signifie au juste la présence de ENKALON sur le plan des structures industrielles locales et dans le processus d'industrialisation de Emmen ?.

734-1) - C'est en 1947 que l'entreprise AKU implante un premier établissement dans la région : l'usine dite CONERIJ à Emmer-Compascuum. La création de cette unité correspond à la courte période de remise en route de l'économie nationale, une période au cours de laquelle l'industrie s'implante aisément là où il y a de la main-d'oeuvre immédiatement disponible et dans un contexte économique tel que la présence d'un environnement industriel ou d'un milieu urbanisé n'est pas encore considérée comme indispensable. Cette usine est d'ailleurs la première que la firme de Arnhem implante dans les provinces du Nord du pays, celle de Emmen datant de 1950-1951 et les établissements de Hoogezand et de Delfzijl n'apparaissant qu'en 1961.

74Bien que les effectifs employés y soient peu importants, la CONERIJ est la plus grande usine hors de Emmen même. L'établissement de Emmer-Compascuum est resté pendant plusieurs années techniquement et géographiquement isolé. Son impact sur le développement industriel local est demeuré fort limité et n'a guère dépassé le stade de la simple fourniture d'emplois de niveau banal à quelques jeunes et surtout à d'anciens travailleurs des tourbières. Sa présence n'a provoqué l'apparition d'aucune autre activité, conséquence probable du fait que cette usine s'est spécialisée dans l'achèvement des fils de nylon qui sont immédiatement exportés vers d'autres régions, du moins jusqu'à l'apparition de la première unité AKU de Emmen. La création de la CONERIJ n'est cependant pas sans importance dans la mesure où elle a permis à la firme AKU de faire une première expérience, de tester le Sud-Est de la Drenthe et d'acquérir une certaine connaissance du milieu local avant de créer sa grande unité de Emmen.

75L'implantation de ENKALON à Emmen correspond aux débuts de la politique d'industrialisation régionale des pouvoirs publics. Compte tenu des tensions qui se manifestent alors à Arnhem et dans sa région sur le plan de l'offre de travail, il y a tout lieu de penser que l'abondance en main-d'oeuvre, et bien sûr la présence d'une autre usine de la firme, est bien le facteur de localisation déterminant du choix de Emmen par les dirigeants de cette grande entreprise, d'autant plus que la demande concerne, en l'occurence, une maind'oeuvre non qualifiée. D'autres considérations ont pu aussi jouer un rôle, par exemple le fait que cette main-d'oeuvre est nouvelle venue à l'activité industrielle en usine donc sans doute docile et d'autant plus calme qu'aucune alternative ne lui est alors offerte sur le plan de l'emploi dans la région. De même, on peut penser que la perspective de dominer largement le marché local de l'emploi a eu son importance pour AKU, car à la même époque, la Twente et le Gelderse Achterhoek plus proches offrent aussi de larges disponibilités en main-d'oeuvre mais la tradition industrielle y est ancienne, la vie ouvrière et syndicale dynamique et la concurrence assez vive. De toute évidence, ce n'est pas la qualité de l'environnement technique et urbain offert par Emmen en 1950 qui peut constituer une explication satisfaisante du choix de cette implantation. On ne peut guère aller au-delà de ces remarques, sinon en tombant dans les conjectures et les spéculations. Ce qui est sûr, c'est qu'en 1951, tous les cadres de la nouvelle usine sont venus de l'extérieur, de Arnhem, Ede, Doetinchem ou Breda où se localisent les autres unités de la firme, alors que toute la main-d'oeuvre d'exécution est constituée par la population locale pour qui l'emploi chez ENKALON représente souvent, comme nous l'avons déjà noté, le premier travail en usine.

76Convergence momentanée des intérêts de la firme et des objectifs des pouvoirs publics centraux et locaux ?. Choix délibéré de la part de l'entreprise attirée par les avantages qu'offre un noyau officiel d'industrialisation qui, de plus, dispose d'un riche réservoir de main-d'oeuvre bon marché ?. Il est difficile, à posteriori, de se prononcer avec certitude sur les motivations véritables de l'entreprise. Toujours est-il que la création de l'usine ENKALON correspond tout à fait aux objectifs de la politique nouvelle d'industrialisation des régions en crise.

774-2) - Comme on l'a vu, l'influence locale de ENKALON se traduit d'abord par une diversification et une amélioration sensibles des services offerts par la ville.

78Bien qu'il s'agisse surtout de services à la population, et non pas de services aux entreprises, le pouvoir d'attraction de Emmen croît rapidement. On peut, par ailleurs, affirmer que c'est la présence de ENKALON qui est à l'origine de la création d'un certain nombre d'équipements plus techniques, donc à vocation plus économique, et en particulier de l'aménagement de la grande zone industrielle du Bargermeer. Du point de vue de l'environnement technique, Emmen offre désormais une localisation relativement compétitive dans le cadre des provinces du Nord, AKU ayant obtenu de la municipalité la mise en place d'une antenne ferroviaire pour desservir la zone industrielle et l'entreprise ayant elle-même réalisé le canal de jonction entre la zone industrielle et le grand canal du VERLENGDE HOOGEVEENSCHE VAART, ce qui met Emmen en liaison directe avec tout le réseau de navigation intérieure. Emmen n'est donc plus un centre enclavé, comme c'était le cas jusque vers 1950.

79Du point de vue de l'emploi, l'influence et le poids de ENKALON sont plus évidents et plus immédiats. Il est le plus grand établissement industriel de la région mais aussi la première usine de la province de Drenthe pour ce qui concerne les effectifs employés. Son implantation à Emmen provoque, en particulier, le transfert vers le chef-lieu de l'offre maximale d'emplois industriels, alors qu'avant 1950, cette offre était répartie entre les multiples villages de la commune. Ce qui est ici important, c'est qu'il semble bien qu'une partie de la population ait suivi ce transfert puisque les effectifs employés chez ENKALON sont essentiellement recrutés à Emmen et dans les environs immédiats alors qu'une grande partie de ces ouvriers habitait auparavant dans les colonies de tourbières. Nous retrouvons donc ici la question déjà abordée des flux migratoires intra-communaux ainsi qu'une justification de l'action municipale en matière de construction immobilière. Dans un certain sens, on peut donc dire aussi que ENKALON est directement responsable de la croissance démographique de la ville. Une comparaison de l'évolution des effectifs dans le cadre de la commune montre que la croissance globale des emplois industriels correspond pour une bonne part à l'augmentation des effectifs employés par ENKALON.

Tableau no 6 - Evolution comparée des emplois industriels

Années (1)

ENKALON I+II

Autres Etabl. Emmen

TotalCommune

1955

1 632

1 305

4 699

1960

2 704

2 168

7 364

1965

4 383

3 212

10 254

19 70

4 548

5 111

12 158

(1) Situation au 31 décembre
Source : Municipalité de Emmen

80Jusqu'en 1965, date de la création de la seconde unité ENKALON de Emmen, le poids relatif du premier établissement est considérable : plus de la moitié des emplois industriels et plus de 43 % de la croissance globale des effectifs entre 1955 et 1970. Ce n'est qu'à partir de 1967-1968 que la situation commence à changer. Alors que l'emploi chez ENKALON se stabilise, les effectifs travaillant dans les autres établissements continuent de croître, passant de 3 211 en 1965 à 5 111 en 1970, ce qui explique que la part de ENKALONI ne soit plus que de 41 % en fin de période, et 47 % si on ajoute les effectifs employés à ENKALON II.

81L'implantation des autres établissements industriels est-elle liée à la présence de ENKALON ?. Les enquêtes menées sur place auprès des industriels et de la municipalité permettent de répondre par la négative. Depuis 1954, les usines venues à Emmen sont pour la plupart des établissements de petite métallurgie différenciée, de mécanique et d'électrotechnique, qui n'ont pas de relations techniques ou économiques avec ENKALON dont les productions (fils ENKALON, fils techniques et fibres de nylon, granulés AKULON, fils ENKANYLON pour pneumatiques, fils et fibres de polyester TERLENKA) ne constituent pour elles ni une matière première ni un débouché. Aucun système de dispersion d'intrants et d'extrants ne s'est développé autour de ENKALON qui, en fait, reste étrangère au marché et aux autres activités industrielles de Emmen. A notre connaissance, il n'existe pas non plus de relations financières entre la firme AKZO et les autres entreprises locales. Donc, exception faite des liens qui unissent l'usine ENKALON I à l'établissement de Emmer-Compascuum puis à la seconde unité créée en 1965, ce grand établissement n'a eu que très peu d'effets moteurs ou inducteurs directs sur le plan industriel. ENKALON n'a finalement provoqué que de la croissance ENKALON, ce qui a été décisif sur le plan des emplois mais à peu prés sans effet pour la constitution d'un système de relations techniques, économiques, structurelles entre les diverses entreprises locales, ce que renforce encore l'absence totale de toute sous-traitance. Aucun "complexe industriel" ne s'est développé à partir de ce producteur de fibres synthétiques. Si on reconsidère les processus de l'industrialisation de Emmen, il faut bien insister sur le fait que ce n'est pas la présence de ENKALON qui a attiré les autres établissements mais bien plutôt celle de la main-d'oeuvre ainsi que les avantages financiers et fiscaux divers offerts par ce centre en tant que noyau officiel d'industrialisation. Du point de vue structurel, Emmen ne correspond en définitive qu'à une simple juxtaposition d'activités industrielles diverses, juxtaposition dont tout élément d'intégration semble être absent.

  • 12 Le phénomène de domination a maintes fois été relevé par les géographes, par exemple dans les cas (...)
  • 13 Le rapport du N.E.I. de 1966 (op. cit. pages 24 et suivantes) fait état d'un projet d'implantation (...)
  • 14 Compte tenu de la politique habituellement pratiquée en la matière par PHILIPS, nous pensons plutô (...)

82Le poids très lourd de ENKALON sur le milieu local ne se limite pas à l'industrie. Jusqu'en 1970, ses effectifs représentent plus du 1/10ème de la population totale de Emmen, ce qui signifie que plus du tiers des habitants de la ville vivent directement avec les salaires distribués par cet établissement. N'est-on pas alors largement au-delà du seuil de domination12 ?. On connaît déjà l'influence de l'entreprise sur le plan urbain. Les autres aspects de sa domination sont plus difficiles à préciser, en particulier pour ce qui concerne son attitude vis à vis de l'implantation des autres établissements. Il est plus que probable que ENKALON ne s'est guère préoccupée des autres établissements tant que ceux-ci étaient de taille modeste et tant qu'ils ne pouvaient constituer des concurrents sérieux pour le recrutement de la main-d'oeuvre locale. Il semble bien qu'il n'en ait pas été de même lorsqu'il s'est agi de la possible installation d'une usine de PHILIPS13 : à l'occasion de cette affaire, la municipalité s'est vue reprocher son opposition à la firme de Eindhoven et sa trop grande soumission à ENKALON14.

834-3) - Si Emmen est devenue l'un des principaux foyers industriels du Nord des Pays-Bas, il apparaît que les problèmes traditionnels de la région n'en ont pas été entièrement résolus pour autant.

84Les rythmes d'implantation de nouveaux établissements et de création de nouveaux emplois industriels sont toujours trop lents pour permettre de résorber le chômage régional qui reste toujours élevé en raison d'une croissance démographique rapide, de la diminution de l'émigration vers les provinces de l'Ouest et de la présence de nombreux jeunes. Le décalage entre l'offre et la demande d'emplois devient très sensible après 1965, lorsque la croissance de la population locale est très rapide. Les 9 établissements implantés entre janvier 1965 et décembre 1970 ne procurent que 382 emplois nouveaux, soit en moyenne 76 par an, ce qui est très faible, alors que la population de la ville augmente pendant le même temps de 7 057 habitants. Au cours de ces six années, la croissance des emplois industriels est de 4 % et celle de la population locale de 24,8 %. Sur la période 1956-1975, le chômage à Emmen, comparé à celui qui sévit au niveau de la province de Drenthe et dans l'ensemble des Pays-Bas, présente une double particularité : il est constamment plus élevé qu'ailleurs et il est relativement amplifié par chaque crise conjoncturelle (figure no 47).

  • 15 En septembre 1973, les services techniques de la municipalité estiment qu'environ 70 % de la popul (...)

85Tout aussi préoccupants sont les problèmes liés à la nature des emplois créés à Emmen depuis 1950. Dans leur grande majorité, ces emplois correspondent à des postes de travail de niveau très banal et ne concernent qu'une main-d'oeuvre d'éxécution non qualifiée, ce qui fait que la population active de Emmen se caractérise par un éventail socio-professionnel toujours très étroit (comme au temps des colonies de tourbières) et par un niveau de revenus relativement faible15. Bien plus, avec le développement des équipements scolaires et les progrès de la scolarisation, la discordance s'accentue entre la qualité des emplois offerts par les usines locales et le degré de formation et de qualification des jeunes arrivant sur le marché du travail. La métallurgie locale emploie un petit nombre d'ouvriers qualifiés, quant au textile chimique, il n'emploie pratiquement que des O.S. et des manoeuvres. La conséquence est évidente : les jeunes ayant acquis une formation dans les écoles techniques et professionnelles doivent soit émigrer soit accepter d'occuper dans les usines locales des postes ne correspondant pas à leur qualification réelle. C'est d'ailleurs bien ce qui se passe. Pendant plusieurs années, des jeunes sortis diplômés des écoles techniques de Emmen ont occupé des postes d'ouvriers spécialisés chez ENKALON. En somme, au chômage structurel direct et apparant s'ajoute un chômage technique et social déguisé.

86Le double caractère de centre industriel trop spécialisé et de centre dominé représente, naturellement, un handicap majeur pour Emmen. Le textile et les industries associées concentrent une trop grande partie des emplois industriels mais aussi une part trop importante de la croissance de ces emplois au cours des années, or il s'agit là de branches d'activité qui n'offrent pas de biens grandes perspectives. Certes, le textile chimique ne connaît pas les problèmes du textile traditionnel mais il ne procure pratiquement rien en dehors des emplois, ce qui limite singulièrement les effets économiques et sociaux de sa présence. A la trop grande dépendance par rapport au seul établissement ENKALON il faut ajouter le fait que l'essentiel de l'activité industrielle locale est, en définitive, commandé par quatre entreprises qui sont des multinationales ayant leur siège principal hors de Emmen : la firme AKZO, l'entreprise d'origine danoise DANLON implantée à Emmen dés 1953 avec une usine de fabrication de bas nylon, le géant américain HONEYWELL dont l'usine locale date de 1964, l'entreprise DRAKAKABEL dernière venue puisque implantée en 1970 seulement. L'économie industrielle de Emmen risque donc d'être une économie fragile et excessivement dépendante de l'extérieur.

Fig no 47 - EVOLUTION DU CHOMAGE MASCULIN A EMMEN

Fig no 47 - EVOLUTION DU CHOMAGE MASCULIN A EMMEN

Source DBA Assen

87A partir de 1968-1969, les problèmes de croissance économique ont d'ailleurs peu à peu changé à Emmen. Malgré la permanence d'un taux de chômage qui reste élevé, Emmen ne peut plus compter sur les industries de main-d'oeuvre pour assurer la continuité de son industrialisation, d'une part, parce que ce type d'industrie est en nette régression dans le pays tout entier, d'autre part, parce que la période des gros écarts dans les niveaux des salaires payés par l'industrie est close.

88Dés avant 1966, la municipalité a commencé à orienter son action vers les activités tertiaires tout en s'efforçant d'obtenir l'implantation d'industries de pointe, pour renforcer sa structure industrielle et diversifier la structure socio-professionnelle de la population active. Malheureusement pour Emmen, les industries capitalistiques et à haut niveau technique sont justement celles dont les exigences sont les plus grandes en matière d'environnement économique et urbain, et il est clair que sur ce plan, les atouts de Emmen sont encore insuffisants. La disponibilité en maind'oeuvre bon marché a constitué un avantage réel et efficace tant que l'accent a été mis sur les aspects quantitatifs de l'industrialisation des régions en Crise. A partir du moment où les considérations qualitatives prennent le pas, Emmen perd de son intérêt et de sa compétitivité pour la localisation des activités industrielles.

89Ces changements marquent aussi la fin de la période de concordance entre la croissance industrielle et la croissance urbaine. Le développement de la cité, pour laquelle on prévoit une population de l'ordre de 200 000 habitants à la fin du siècle, ne doit plus se faire sur la base d'un essor industriel mais, selon les responsables locaux, sur un vigoureux essor des activités tertiaires. C'est bien également l'opinion des pouvoirs publics puisque le Plan de 1972 concernant la dispersion régionale des services administratifs centraux prévoit le transfert vers Emmen de 800 emplois tertiaires (carte no 38).

90Mais là encore les difficultés ne sont pas absentes car si la croissance des administrations locales et des services à la population ne pose pas de réels problèmes, il en va tout autrement pour la croissance des services à l'économie pour le développement des activités tertiaires motrices. La concurrence est d'ailleurs bien plus forte dans ce dernier cas comme on a pu le constater en 1973, date à laquelle Emmen se trouve en compétition avec les villes de Groningen, Zwolle et Enschede pour l'implantation d'un grand centre régional de calcul et d'informatique devant assurer la desserte du Nord et de l'Est des Pays-Bas.

91Pour Emmen, la fin des années Soixante marque donc le passage de "l'âge industriel" à "l'âge tertiaire". Ce n'est pas là un cas unique aux Pays-Bas, tant s'en faut, mais ce qui distingue le chef-lieu de la Drenthe de la plupart des autres centres industriels et urbains, c'est que cette évolution se réalise en un laps de temps très court puisque l'industrialisation comme l'urbanisation sont ici des phénomènes récents. L'évolution qui s'est faite à Emmen en l'espace de vingt années a mis plus d'un demi siècle à se réaliser dans des centres tels que Tilburg ou Enschede !.

EMMEN -SCHEMA POUR L’AN 2000-

EMMEN -SCHEMA POUR L’AN 2000-

Source : Municipalité de Emmen

92L'ensemble des considérations qui précèdent conduit à se poser une importante question : peut-on dire, à partir de l'exemple de Emmen, qu'il existe des rapports immédiats entre la hiérarchie des activités industrielles et la hiérarchie urbaine ?. Il est bien délicat de répondre à cette question, car si la notion de hiérarchie urbaine est devenue familière, celle de "hiérarchie des activités industrielles" ne l'est pas du tout. Comment peut-on concevoir ou définir une telle hiérarchie ?. De nombreux critères peuvent ici intervenir, par exemple : le nombre des emplois, la qualité de la main-d'oeuvre requise, le maillon auquel se situe l'activité dans la chaîne technique de la branche, l'image sociale ou la réputation de l'industrie concernée, la valeur ajoutée technologique apportée, le niveau de technicité, le degré de motricité de l'activité en question... etc. Il est bien évident aussi que coexistent, au sein de l'industrie, deux hiérarchies bien distinctes : la hiérarchie technique, liée aux filières et aux chaînes techniques, et la hiérarchie décisionnelle, liée à la structure et à l'organisation de l'entreprise. On peut donc opposer, dans une optique hiérarchique, les niveaux d'exécution et fabrication aux niveaux de conception et de décisions. Le problème qui se pose est donc celui de savoir s'il y a, de façon occasionnelle ou permanente, un phénomène d'ajustement de l'industrie à la ville, étant bien entendu qu'un tel ajustement dépend en grande partie de la stratégie de localisation et de la politique locale de l'entreprise.

93L'histoire des relations entre ENKALON et Emmen, d'une part, les difficultés rencontrées par cette dernière pour attirer des industries plus évoluées et plus nobles, d'autre part, laissent penser que, au moins dans le cas présent, il y a bien eu ajustement entre les besoins des activités industrielles implantées à Emmen depuis 1950 (industries de main-d'oeuvre--emplois non qualifiés--niveau fabrication) et les services que pouvait offrir la ville (services à la population--équipements techniques élémentaires--liaisons de transport primaires). Cet exemple montre également que, jusqu'à un certain point, l'industrie est elle-même capable de susciter la création des équipements généraux et des services urbains qui lui sont indispensables, lorsque ceux-ci font défaut. L'activité industrielle peut donc aussi modifier la hiérarchie urbaine régionale. C'est bien l'industrie qui a fait de Emmen un vrai pôle urbain régional et la seconde ville de la Drenthe. Mais, à la différence de ce qui s'est passé au XIXème siècle, cette action de l'industrie est aujourd'hui limitée parce que au-delà d'un certain seuil, de caractère surtout qualitatif, ce sont les externalités de services, donc les activités tertiaires, qui justifient l'agglomération et qui deviennent donc les véritables moteurs de la croissance urbaine.

944-4) - Aux Pays-Bas, Emmen a été considérée comme le principal exemple d'une double réussite : celle de l'industrialisation d'une région en crise et celle de la politique régionale des pouvoirs publics. Il faut évidemment nuancer ce jugement, d'autant plus que l'évolution récente est telle que le Sud-Est de la Drenthe apparaît plus que jamais comme une "région-problème".

95Fondé sur des caractéristiques liées à une situation d'infériorité économique et structurelle, l'essor industriel de Emmen ne peut être que fragile, discontinu et trop soumis aux aléas conjoncturels extérieurs. En dépit d'une croissance démographique qui se poursuit régulièrement (la commune compte 80 682 habitants en 1970 et 86 700 en 1975--- la ville de Emmen passe de 36 691 habitants en 1970 à 45 264 habitants en 1975), la situation de crise réapparaît dés les débuts de la décennie Soixante-dix, et tout spécialement dans le domaine des activités industrielles. A partir de 1971, les taux de chômage montent en flèche et surtout le chômage masculin qui retrouve des valeurs comparables à celles de la crise de 1957, soit des taux supérieurs à 16-18 % (la poussée du chômage féminin est moindre en raison du développement des activités commerciales et de l'apparition des premiers emplois administratifs transférés depuis le Randstad-Holland).

96La croissance de l'industrie semble être terminée. Tout au contraire, les emplois industriels commencent à diminuer à partir de 1970, années du maximum aussi bien pour Emmen (9 659 emplois) que pour la commune (12 118 emplois), et c'est précisément dans le secteur du textile que le déclin se manifeste, c'est-à-dire dans l'activité ayant été le véritable pilier de l'essor industriel local, sans que Emmen voit venir des activités de remplacement. En 1969, le textile de la commune emploie 7 514 salariés, en 1975 il n'en compte plus que 6 092. Ce déclin de la branche textile correspond à une stagnation des emplois chez ENKALON, à une chute rapide des effectifs de DANLON qui, après avoir employé jusqu'à 1 600 personnes en 1969, ne compte plus que 710 salariés à la fin de 1975, la fermeture définitive étant prévue pour 1976, enfin, à la disparition de quelques petites affaires locales. Autrement dit, la crise qui frappe les deux plus grandes entreprises locales entraîne la récession de toute la région ; bel exemple de dépendance régionale excessive. Au niveau de la commune la situation de la branche est encore aggravée par le rapide déclin de l'usine ENKA-GLANZSTOFF de Emmer-Compascuum, usine dont la disparition est également prévue pour 1976, ce qui représente la perte d'environ 300 emplois (et plus de 80 % des emplois industriel locaux).

97Les industries plus capitatlistiques, à haute technicité et à forte valeur ajoutée ne sont pas venues relayer les vieilles industries de main-d'oeuvre responsables de la croissance de Emmen ; or, ces vieilles industries sont partout en crise (le secteur textile de la firme AKZO connaît alors des difficultés sérieuses sur le plan international, aussi bien en Allemagne qu'aux Etats-Unis), c'est pourquoi Emmen est directement touchée par la récession (cartes no 39 - 40).

COMMUNE DE EMMEN -Evolution de l’Industrialisation-

COMMUNE DE EMMEN -Evolution de l’Industrialisation-

COMMUNE DE EMMEN -Bilan de l’industrialisation-

COMMUNE DE EMMEN -Bilan de l’industrialisation-

98Par ailleurs, les emplois tertiaires, contrairement aux espérances, ne sont pas non plus venus relayer les emplois industriels (en 1976, un seul service administratif central a été effectivement transféré depuis La Haye, la sécurité sociale des postiers, ce qui s'est traduit par la création de 42 emplois tertiaires dans un bâtiment désaffecté de la firme DANLON), ce qui fait que Emmen présente une structure de répartition sectorielle des actifs plutôt défavorable, donc un nouvel handicap par rapport aux possibilités de développement. La comparaison avec les structures de la province de Drenthe et des Pays-Bas montre que la commune de Emmen présente encore un retard structurel caractérisé et une base économique de région attardée, et ce, malgré plus de vingt années de politique régionale et d'interventions régulières de la part des pouvoirs publics.

Tableau no 7 - Répartition sectorielle de la population active en 1974 - %

Agriculture

Industrie

Services

Commune EMMEN

10

47

43

Province DRENTHE

15

36

49

PAYS-BAS

7

37

56

Source : CBS et Municipalité de Emmen.

99Bien entendu, ceci remet en cause l'efficacité des mesures prises par les pouvoirs publics pour venir en aide aux régions attardées et pour y promouvoir l'industrialisation.

100En règle générale, ces mesures sont sans doute trop conjoncturelles et pas assez structurelles, en particulier les primes d'implantation dont il est, par ailleurs, très difficile de déterminer la portée exacte. Pour ce qui concerne Emmen, il semble que la mise en place trop tardive de certains équipements et la persistante insuffisance des grandes liaisons soient deux des causes majeures de la non réalisation finale de la mutation économique escomptée.

B) - Eléments de comparaison

101Du point de vue des caractères du contexte géographique local, des mécanismes de la croissance industrielle contemporaine et des aspects structurels de l'industrialisation, Emmen ne se différencie pas fondamentalement de la plupart des autres noyaux officiels des provinces du Nord. Abstraction faite des villes de Groningen, Leeuwarden et Assen, où le phénomène urbain est bien antérieur, le schéma de Emmen se reproduit, avec quelques variantes, dans de nombreux cas, entre autres à Drachten, Heerenveen, Hoogeveen, Veendam, Stadskanaal ou Ter Apel. Là se retrouvent aussi le chômage structurel, l'abondance en main-d'oeuvre, la prédominance des industries traditionnelles ou de main-d'oeuvre, le rôle de quelques grandes entreprises, l'intervention des pouvoirs publics, la permanence d'une structure économique peu favorable... etc. Par rapport au chef-lieu du Sud-Est de la Drenthe, les différences se marquent surtout dans le nombre des emplois industriels créés depuis 1950 et dans l'ampleur de la croissance urbaine liée à l'industrialisation. Avec 9 345 emplois à la fin de 1971, Emmen se classe au second rang parmi les 27 noyaux officiels des trois provinces du Nord, juste derrière Groningen, qui en compte 11 611 mais dont le dynamisme a été bien moindre, et devant des centres tels que Leeuwarden (7 696 emplois), Hoogezand-Sappemeer (5 906), Hoogeveen (5 455) ou Drachten en Frise orientale (4 275). L'étude de ce dernier centre, qui présente de nombreux points d'analogie avec Emmen, permet de confirmer certaines hypothèses formulées au cours de l'analyse précédente.

1021) - Par sa population, qui est de 33 026 habitants à la fin de l'année 1971, Drachten est une ville de taille tout à fait comparable à Emmen. Par le nombre de ses emplois, 4 275 en décembre 1971, elle constitue un centre industriel de bien moindre importance. De même qu'à Emmen, l'abondance en main-d'oeuvre disponible, l'implantation d'un grand établissement au moment de la mise en route de la politique régionale et la situation de noyau officiel d'industrialisation, constituent les fondements déterminants de la mutation locale contemporaine.

  • 16 Vers 1880, le transfert de la fabrication des produits laitiers de la ferme à l'usine (souvent coo (...)

103L'exploitation de la tourbe ainsi que la colonisation agricole des zones sableuses des WOUDEN, par une multitude de petits exploitants, sont ici aussi responsables de la fixation d'une population relativement dense. La tourbe, les produits de l'élevage laitier et les cultures fournissent, au XIXème siècle et dans les premières années du XXème siècle, les bases d'une petite industrie rurale assez diversifiée. A Drachten comme partout ailleurs dans les provinces du Nord, le déclin de l'exploitation des tourbières (également réalisée par des grandes compagnies) et la modernisation agricole vont se traduire par l'apparition d'un chômage structurel considérable16. Dans la région des WOUDEN, les taux de chômage sont bien plus élevés que dans le reste de la Frise parce que la population y est plus dense et surtout parce que l'émigration y est en moyenne bien plus faible que dans les autres parties de la province. Dés 1950, à l'image du Sud-Est de la Drenthe, la Frise orientale est classée parmi les Régions de Développement et en 1952, un plan de développement régional est mis au point par les pouvoirs publics. Comme à Emmen, on compte sur l'industrialisation pour résorber le chômage et provoquer la croissance économique.

104L'année 1950 est marquée, sur le plan local, par la création d'un "groupement industriel régional" (INDUSTRIESCHAP 00STELIJKE FRIESLAND) et surtout par l'arrivée de l'entreprise PHILIPS. La firme de Eindhoven implante à Drachten un grand établissement qui devient le chef de file de la division des appareils ménagers et rasoirs électriques, division dont les unités de production sont toutes localisées dans le Nord des Pays-Bas. Cette implantation, qui donne donc une certaine "importance régionale" à Drachten, marque à la fois les débuts du développement industriel local et le point de départ du processus d'industrialisation contemporaine de la Frise.

  • 17 En 1960, le revenu moyen par habitant est de 2 410 florins aux Pays-Bas, 2 023 pour la province de (...)

105Le parallélisme avec Emmen ne se limite pas à cette concordance de dates ni à cette ressemblance dans les évènements majeurs ; les similitudes sont plus profondes. Désignée comme noyau officiel dés 1952, Drachten compte, à partir de 1959, parmi les noyaux primaires de la Frise, au même titre que Leeuwarden, Sneek, Heerenveen et, jusqu'en 1964, Harlingen. Ici plus encore qu'à Emmen, la faiblesse du niveau moyen des revenus des ménages constitue l'une des motivations essentielles de la politique d'intervention, avec la lutte contre le chômage et l'émigration des jeunes. Dans la région des WOUDEN, les revenus sont, en effet, particulièrement faibles, inférieurs même à la moyenne frisonne alors que la province de Frise est déjà très défavorisée de ce point de vue par rapport au pays tout entier17.

106De 1950 à 1959, l'essentiel de l'augmentation du nombre des emplois dans l'industrie résulte de la croissance des effectifs employés chez PHILIPS. De 685 en 1950, les emplois passent à 2 943 en 1959, 3 754 en 1964 et 4 275 en 1971.

Tableau no 8 - L'industrie à Drachten en 1971

Activités

Nbre Etab. (1)

Nbre Emplois (1)

Mat. construction

1

200

Ind. graphiques

4

150

Bois, carton, papier

3

1 75

Confection

5

300

Caoutchouc-plastique

1

275

Métallurgie-électrotechnique

12

3 000

Ind. alimentaires et annexes

3

175

Total

29

4 275

(1) Toutes entreprises
Source : Municipalité de Drachten

107Comme on peut le constater, le textile ne joue ici aucun rôle. C'est le secteur mêtallurgie-électrotechnique qui est largement dominant, avec la confection comme branche d'activité secondaire. Mais la métallurgie-êlectrotechnique ici, c'est essentiellement l'entreprise PHILIPS, qui pèse d'un poids considérable. Ses 2 478 salariés représentent 57,9 % des emplois industriels locaux et 63 % des seuls effectifs masculins de l'industrie. Cette position de PHILIPS est d'autant plus dominante qu'aucun autre établissement ne compte plus de 275 salariés, 18 usines locales ayant moins de 50 salariés au travail en fin d'année. Le contraste entre un très gros établissement et une majorité de petites unités de production n'est donc pas moins grand à Drachten qu'à Emmen.

Tableau no 9 - Etablissements et Emplois à Drachten en 1971

Tableau no 9 - Etablissements et Emplois à Drachten en 1971

(1) Toutes entreprises
Source : Municipalité de Drachten.

108La présence de PHILIPS à Drachten, comme celle de ENKALON à Emmen, a-t-elle provoqué un effet de blocage en détournant de Drachten un certain nombre d'entreprises susceptibles de s'y implanter ?. Il semble bien que ce soit effectivement le cas, en particulier entre 1950 et 1964, c'est-à-dire pendant la période au cours de laquelle la disponibilité en main-d'oeuvre constitue le principal facteur d'attraction des entreprises vers le Nord. "Les établissements désiraient s'implanter là où il n'y avait que peu ou pas encore d'industrie. Ainsi, il est apparu que Drachten pouvait difficilement attirer les entreprises car, pour nombre d'entre elles, PHILIPS était déjà là". (J.H. ZOON. no 553 p. 129). L'effet de blocage, et la constituion d'un "marché de maind'oeuvre réservé", sont d'autant plus certains que le niveau de l'emploi chez PHILIPS est relativement stable depuis plusieurs années. Sur les 29 établissements industriels présents en 1971, 14 sont antérieurs à 1945, 4 se sont implantés entre 1945 et 1952, 7 sont venus entre 1952 et 1964 et 4 seulement ont été créés après 1965. Parmi les établissements dont l'implantation est postérieure à 1950, et exception faite de PHILIPS, 4 seulement ont un effectif supérieur à 100 salariés en novembre 1971. Le rythme des créations industrielles est donc très lent et, comme à Emmen, l'industrialisation est surtout le fait d'une seule entreprise qui a finalement été plus un frein qu'un élément moteur vis à vis de la poursuite de la croissance industrielle. Ceci explique, peut-être, que depuis 1959, la part relative de Drachten dans l'emploi industriel des 11 noyaux de la Frise diminue régulièrement, passant de 19,8 % en 1959 à 17,5 % en 1971. D'ailleurs, aucun autre des noyaux d'industrialisation de la Frise ne présente des structures comparables à celles de Drachten. Pour tous les autres noyaux, la dispersion des emplois est plus grande, à la fois entre les diverses branches d'activité et entre les diverses catégories d'établissements. De même que Emmen, Drachten n'offre finalement qu'une juxtaposition d'établissements employant une maind'oeuvre fort peu qualifiée.

109Du point de vue structurel, la similitude avec ENKALON est malheureusement grande : aucun système de relations technicoéconomiques ne s'est développé autour ou à partir de l'usine PHILIPS. Ici aussi, l'industrialisation a accru dans de fortes proportions le degré de dépendance extérieure : 7 des 29 établissements locaux appartiennent à des entreprises étrangères à la région, ils représentent à eux seuls, 72,3 % des emplois industriels de Drachten (les sièges sociaux de ces entreprises se localisent à Sneek, Groningen, Eindhoven, Utrecht, Amsterdam 2 et Suède).

110Trois problèmes majeurs se retrouvent également à Drachten : celui des jeunes, celui de l'emploi féminin et le problème de l'insuffisant essor des emplois tertiaires. L'inadéquation entre la qualification que les jeunes peuvent acquérir dans les écoles locales et la qualité des emplois que les usines sont susceptibles de proposer est à peine moins grande qu'à Emmen. L'industrie locale est encore largement dominée par les industries de main-d'oeuvre de la première génération alors que l'enseignement technique et professionnel a été ici, comme dans tous les noyaux primaires, intensément développé, ce qui signifie que les jeunes doivent soit émigrer, soit accepter des tâches sous-qualifiées soit, enfin, faire chaque jour le déplacement de Leeuwarden qui n'est distante que de 30 km (environ 500 personnes effectuent cette migration quotidienne).

111Les activités industrielles offrant des emplois de plus haute qualification ne sont pas plus venues à Drachten qu'à Emmen, malgré la disponibilité en main-d'oeuvre ayant acquis une formation technique, les handicaps du centre frison vis à vis de "l'industrialisation qualitative" étant encore plus grands que ceux du chef-lieu du Sud-Est de la Drenthe.

112Une conséquence assez inattendue du développement des activités industrielles a été la baisse marquée du travail féminin dans la région de Drachten. Autrefois, les femmes participaient activement aux travaux sur les tourbières. Nombreuses sont celles qui ont abandonné tout travail extérieur depuis que l'industrie a permis de procurer un revenu mensuel régulier au ménage. Mais aujourd'hui, l'insuffisance des emplois pour les femmes dans les établissements locaux constitue un délicat problème. A Drachten non plus, la main-d'oeuvre féminine n'a pas été un facteur de localisation des entreprises, et cette situation est d'autant plus durement ressentie que le rythme de croissance des emplois tertiaires n'est pas bien élevé. En 1971, les femmes n'occupent que 16,3 % des emplois industriels, soit 676 femmes actives dans l'industrie, alors que la population féminine de la commune de Smallingerland, dans laquelle se localise la ville de Drachten, est de 20 266 personnes. Dans la commune, à l'intérieur de laquelle s'inscrivent presque tous les mouvements pendulaires vers Drachten (soit environ 500 personnes qui continuent à habiter dans les petits villages environnants, dans un rayon de 15 km, parce que les loyers urbains sont devenus trop chers), le nombre des emplois industriels pour 1 000 habitants est de 176 pour les hommes et de 33 seulement pour les femmes, ce qui est quand même supérieur à la moyenne nationale qui est alors de 133 et 26.

113Depuis longtemps déjà, Drachten est le principal centre tertiaire de la région des WOUDEN, son influence, surtout commerciale et scolaire, étant dominante dans un rayon d'une vingtaine de kilomètres ce qui représente la desserte d'environ 150 000 habitants. Son activité tertiaire reste cependant très banale et ne concerne guère que les besoins les plus courants de la population. Située à un niveau nettement inférieur à celui de Emmen dans la hiérarchie des centres de services, Drachten a bien plus de difficultés encore à attirer du tertiaire moteur parce qu'elle subit bien plus directement la concurrence des trois capitales régionales toutes proches de Leewarden, Groningen et Assen (respectivement situées à 30,37 et 43 km par la route). Les insuffisances de Drachten en matière de services aux entreprises expliquent sans doute le transfert vers Groningen de tous les services commerciaux de la division des appareils ménagers de PHILIPS, Drachten ne conservant que les activités de fabrication et de montage.

114On retrouve donc ici des problèmes d'ajustement entre les niveaux de la hiérarchie industrielle et ceux de la hiérarchie urbaine. La confrontation entre les deux cas de Emmen et Drachten laisse, cependant, entrevoir que l'ajustement se réalise de manière différente selon qu'il s'agit de l'aspect quantitatif ou de l'aspect qualitatif de l'activité industrielle. Du seul point de vue quantitatif, l'ajustement se fait entre les effectifs nécessaires à l'établissement et le potentiel de main-d'oeuvre disponible sur le plan local ; il se réalise donc entre l'établissement et un "bassin de main-d'oeuvre" aux limites changeantes et dont l'étendue peut largement déborder le cadre de la ville. Cette dernière peut même n'avoir qu'un rôle très secondaire, si la plus grande partie de la main-d'oeuvre employée est recrutée en milieu rural. Il en va tout autrement de l'ajustement considéré du point de vue qualitatif. L'industrie étant elle-même consommatrice de services et ceux-ci étant essentiellement urbains par leur localisation et leur fonctionnement, l'ajustement se fait entre la nature de l'activité de l'établissement et les services spécifiques dont celui-ci a besoin, c'est-à-dire qu'il se réalise à un niveau bien précis de la hiérarchie urbaine, toutes les villes n'offrant pas les services requis (il va de soi que la pratique de l'intégration des activités tertiaires par l'industrie est susceptible de modifier dans des proportions assez considérable ces relations entre les niveaux hiérarchiques de l'industrie et de la ville).

1152) - Emmen et Drachten offrent l'exemple de centres industriels dont les problèmes sont surtout d'ordre structurel, liés à la nature des activités implantées et à la prépondérance d'une grande entreprise. Une tout autre problématique apparaît avec les quatre noyaux officiels du Nord de la Hollande septentrionale, celle qui procède d'un trop grand décalage existant entre la croissance de la population et le rythme de création des emplois.

116Région d'argiles marines où domine l'économie herbagère (le grand polder du WIERINGERMEER, voué aux labours, fait ici exception), la partie Nord de la province est essentiellement rurale et agricole et, contrairement à bien d'autrez zones rurales des Pays-Bas, elle ne connaît aucune tradition industrielle spécifique ou liée à l'agriculture locale. L'arsenal de la marine nationale à Den Helder constitue la principale activité industrielle régionale. Ici comme dans bien d'autres campagnes néerlandaises, la rapide mécanisation de l'agriculture et le remembrement provoquent un déclin régulier des actifs agricoles. Comme le dynamisme démographique est assez grand, la région est caractérisée par des taux de chômage élevés et une émigration croissante des jeunes, en particulier vers les centres d'emplois de la zone du Canal de la Mer du Nord.

117Dés 1952, la petite région de Frise Occidentale est classée comme Zone de Développement, les centres de Hoorn, Medemblik et Enkhuizen devenant des noyaux officiels d'industrialisation. A partir de 1964-1965, c'est tout le Nord de la province de Noord-Holland qui est classé en Zone de Stimulation, avec Hoorn et Den Helder comme noyaux primaires et Medemblik et Enkhuizen comme noyaux secondaires.

118Dans les années Cinquante, à l'échelle des Pays-Bas tout entiers, la "tête de la Hollande septentrionale" apparaît comme une région faible et en crise, du fait même du chômage et de l'émigration. Dans le cadre plus restreint de la province, sa personnalité rurale s'oppose à la puissance industrielle et au dynamisme urbain de la zone du Canal de la Mer du Nord, constituant l'aile Nord de Randstad-Holland, ainsi qu'à la forte croissance démographique et économique des régions Sud de la province (Haarlemermeer, Vechtstreek, Gooi).

119Cette double situation, de région critique à l'échelle du pays et de zone attardée par rapport au reste de la province, conduit à l'élaboration et à la mise en application simultanée de deux politiques de croissance régionale, politiques qui, normalement, auraient dû provoquer un redressement assez rapide de la région. Pour les pouvoirs publics, il s'agit de lutter contre le chômage et de freiner le mouvement d'émigration qui conduit à une véritable perte de substance pour cette région. L'intervention se fait sur la base d'une aide à la croissance des activités industrielles, d'où l'application des mesures liées à la politique de stimulation et la désignation des quatre noyaux officiels. Pour les autorités de la province de Hollande, la zone Nord, en dépit de Son "éloignement" et de l'insuffisance des infrastructures de transport, doit permettre de résoudre les problèmes de congestion qui s'accroissent rapidement dans la zone du Canal de la Mer du Nord. Ici, tout développement économique nouveau se réalise dans des conditions difficiles et onéreuses en raison du manque d'espaces, de l'insuffisance en logements et de l'impossibilité, au moins théorique, de développer l’expansion vers le Sud. Il faut donc promouvoir une politique de transfert de la population et des activités du Sud de la province vers le Nord de celle-ci, vers les zones encore rurales et les petits centres urbains locaux disposant d'espaces libres et surtout de larges possibilités de création de logements (en particulier sous forme de maisons individuelles). Déjà, le Nord de la province est perçu comme une zone surtout propice à la fonction résidentielle.

  • 18 Cf. : Tweede Nota Ruimetelijke Ordening. La Haye. 1966 ainsi que les premières publications de Der (...)

120Le contenu de cette politique régionale des responsables provinciaux n'est, au fond, pas autre chose que ce qui sera proposé quelques années plus tard dans le cadre de la politique d'aménagement du territoire pour l'aile Nord de Randstad-Holland : expansion vers l'extérieur de Randstad et "overspill" de la population d'Amsterdam vers le Nord de la province, avec concentration relative de ce déversement aux profits d'un nombre limité de centres (les UITSTRALINGSKERNEN) parmi lesquels se trouve la ville de Hoorn (les autres centres en question étant Alkmaar, Purmerend, Lelystad et Almere sur les grands polders de l'Ijsselmeer)18 (carte no 41).

121Pour l'ensemble de la zone concernée et plus encore pour les quatre noyaux d'industrialisation, les résultats acquis grâce à cette double politique régionale sont très inférieurs aux progrès escomptés. Les mesures de stimulation n'ont eu ici que très peu d'effets et les transferts d'activités à partir du Sud se soldent pratiquement par un échec. Par contre, divers problèmes sont nés de la projection de population et de la discordance entre zones d'habitat et d'emploi.

HOLLANDE SEPTENTRIONALE - population municipale au 1/1/1974

HOLLANDE SEPTENTRIONALE - population municipale au 1/1/1974

122Entre 1950 et 1974, la croissance démographique des quatre noyaux se fait sur un rythme assez soutenu. Dans les années Cinquante, cette croissance est plutôt faible, sauf pour Den Helder, et résulte principalement d'un large excédent des naissances. L'augmentation de la population s'accélère au cours des années Soixante, en partie du fait des transferts opérés depuis la zone métropolitaine d'Amsterdam.

Tableau no 10 - Evolution de la population communale des quatre noyaux de la Hollande septentrionale

Noyaux

1950 (1)

1964 (1)

1974 (1)

1974/1950

Den Helder

34 004

52 939

61 191

+ 79,91

Hoorn

14 829

16 908

22 326

+ 50,51 %

Medemblik

4 859

4 803

6 167

+ 26,91

Enkhuizen

10 669

10 772

13 322

+ 24,81

(1) Au 1er janvier
Source : ETI Noord-Holland.

123Dans cette partie de la province, une telle croissance n'est nullement exceptionnelle. Du point de vue de la croissance démographique, en effet, les noyaux d'industrialisation ont à faire face à une double concurrence : celle de centres mieux placés par rapport à la zone métropolitaine et celle de quelques communes particulièrement dynamiques. Plus proches de l'aile Nord de Randstad, certaines petites villes telles que Castricum, Purmerend ou Edam bénéficient plus directement des transferts de population et ont donc des taux de croissance très élevés. Ainsi, la population de Purmerend passe de 7 067 en 1950 à 29 954 en 1974, soit une croissance de + 323,8 %. Grâce à une politique financière et immobilière très dynamique ainsi qu'à de multiples actions en faveur de l'environnement, certaines communes rurales parviennent à attirer non seulement des habitants de la zone métropolitaine mais aussi un certain nombre d'établissements industriels.

124Tel est le cas de Schagen et de Heerhugowaard, situées toutes deux au Nord de Alkmaar, de part et d'autre de la limite Sud de la zone de stimulation. La population de Schagen s'accroît de 126,4 % au cours de la période considérée tandis que celle de Heerhugowaard passe de 6 351 à 23 172, ce qui correspond à une croissance de + 264,8 %.

  • 19 J. MALEZIEUX. Une "nouvelle ville" aux Pays-Bas : Heerhugowaard. in A.G. no 454. Nov-Déc. 1973. p. (...)

125La réussite de Schagen et de Heerhugowaard, tant du point de vue de l'essor démographique que de celui de la croissance des activités économiques, conduit à s'interroger sur le cas des noyaux d'industrialisation dont les résultats sont nettement moins favorables, alors que les atouts dont ils disposent sont théoriquement plus grands. Le moindre dynamisme de leur municipalité ne serait-il pas lié à l'idée que "c'est l'Etat qui s'en chargera" ?. Certes, Heerhugowaard est un cas un peu exceptionnel aux Pays-Bas19 mais son exemple montre que le dynamisme local peut être aussi efficace que les mesures d'aide gouvernementale.

126Bien que comptant parmi les centres devant accueillir les projections démographiques de Randstad-Holland, Alkmaar, premier centre de services de la région, ne présente pas un bien grand dynamisme. Entre 1950 et 1974, sa population passe de 42 745 à 61 415 habitants, soit un gain de 18 670 habitants en grande partie lié aux 700 logements que la société sidérurgique des HOOGOVENS de Ijmuiden a fait construire ici (au 1er avril 1966, selon les services statistiques de la société, 831 salariés des HOOGOVENS habitent à Alkmaar et travaillent à Ijmuiden). Se situant au niveau supérieur de la hiérarchie des centres régionaux de services, Alkmaar n'est pas un véritable pôle régional pour toute la partie Nord de la province où la zone de stimulation reste dans un relatif isolement. La carte précédente, combinant la population communale en 1974 et la croissance démographique pour la période 1950-1974, montre que les croissances très élevées sont assez exceptionnelles hors de Randstad-Holland et que l'essentiel des projections de population s'est réalisé sur la frange Nord immédiate et surtout vers le Sud de la ville d'Amsterdam, vers l'ensemble Amstelveen-Haarlemermeer. La croissance démographique de Den Helder et de Hoorn s'inscrit dans une bonne moyenne (la population néerlandaise totale s'accroît de 33,3 % pendant la même période), mais la partie Nord de la Hollande septentrionale apparaît toujours comme une région faiblement urbanisée.

127Au regard des objectifs poursuivis, le bilan de l'évolution industrielle est plutôt décevant : 2 811 nouveaux emplois industriels créés en vingt ans pour l'ensemble des quatre noyaux, un bien maigre résultat pour des centres d'intervention officiels devant, en plus, accueillir les activités décentralisées depuis la partie Nord de Randstad-Holland.

128En 1971 comme en 1952, Den Helder est un centre étroitement spécialisé et dominé par l'arsenal où sont employés environ 2 000 personnes. Au cours des deux décennies, la région ne voit s'implanter qu'un seul "grand" établissement : l'usine PHILIPS créée à Hoorn en 1961 par la division des télécommunications de Hilversum ; en 1971, elle emploie 518 salariés. En dépit de la relative proximité de Randstad-Holland, ce qui aurait dû avoir une influence très favorable, les résultats acquis dans les quatre noyaux de la Hollande septentrionale comptent parmi les plus faibles de ceux enregistrés dans l'ensemble des noyaux officiels d'industrialisation.

  • 1 Entreprises AIS.Bât. et Util. Publ. exclus.

Tableau no 11 - Evolution de l'industrie dans les quatre noyaux de la Hollande septentrionale1

Tableau no 11 - Evolution de l'industrie dans les quatre noyaux de la Hollande septentrionale1

(2) Etablissements implantés entre 1952 et 1971 et toujours en activité en 1971.
Source : ETI Noord-Holland.

12936 établissements se sont implantés après 1952 dans l'un des quatre noyaux et sont encore en activité au début de l'année 1971. Ce qui caractérise ce mouvement, c'est qu'il est surtout le fait de petits établissements. Si on fait abstraction de l'arsenal de Den Helder, l'emploi moyen par unité est de 52 en 1952 et 68 en 1971. Parmi ces unités, 25 correspondent soit à des créations locales d'entreprises extérieures (exemple : l'usine PHILIPS de Hoorn ou les trois petites unités de production de chimie et métallurgie implantée à Enkhuizen par la DRAKAKABEL Fabriek d'Amsterdam), soit à des transferts d'établissement depuis une localisation antérieure. A trois exceptions prés, ces mouvements s'inscrivent à l'intérieur de la seule province de NoordHolland. A la différence de ce qui s'est passé dans des noyaux officiels tels que Emmen, Drachten, Delfzijl, Hoogeveen, Oss ou Etten-Leur, l'industrialisation ne s'est pas faite ici sur la base d'importants mouvements inter-régionaux ; elle a presque totalement dépendu du dynamisme local et des projections issues de la zone du Canal de la Mer du Nord (carte no 42).

  • 20 Cf. : Ministère des Affaires Economiques. Projet de Loi de Budget 1972. Mémoire explicatif. Docume (...)

130Compte tenu de la proximité, des disponibilités en logements et en terrains industriels et de l'aide spécifique apportée aux noyaux, on peut s'interroger sur l'évidente sous-efficacité des mesures de stimulation. La question se justifie d'autant plus que, dans la zone du Canal de la Mer du Nord, les coûts d'agglomération croissent rapidement tandis que les diséconomies engendrées par la saturation de l'espace sont déjà très sensibles. Sauf exception, il n'est en général pas possible d'expliquer "pourquoi les entreprises ne sont pas venues" ; pour le faire, il faudrait connaître au préalable la liste de celles qui ont envisagé de venir, ce qui n'est guère possible ; la réponse ne peut donc être que partielle. Dans le cas présent, il semble que la faible croissance enregistrée soit le résultat d'une double concurrence : celle des autres régions critiques du pays et celle, plus immédiate, de Lelystad. Si la partie Nord de la Hollande septentrionale connaît le chômage et l'émigration des jeunes, la crise régionale n'y est cependant pas comparable à celle qui, dans les années Cinquante et Soixante, sévit en Frise orientale, dans le Sud-Est de la Drenthe, dans le Groningue oriental ou en Limburg méridional, régions prioritaires aux yeux des pouvoirs publics, aussi bien pour les créations d'emplois que pour les investissements d'infrastructures. Un effort bien moindre est consenti pour la partie Nord de la province de Hollande, d'autant plus que l'on compte sur des transferts spontanés depuis Randstad-Holland, ce qui se marque en particulier par la permanente insuffisance des réseaux locaux de communications. Or, de ce point de vue, la situation est assez mauvaise (une seule grande liaison routière sur Den Helder, voie routière trop étroite entre Amsterdam-Purmerend-Hoorn et la grande digue du Zuyderzee, difficultés de franchissement du Canal de la Mer du Nord...) alors que la demande s'accroît du fait de l'évolution démographique. Comme tous les autres noyaux officiels, Den Helder, Hoorn, Enkhuizen et Medemblik bénéficient des facilités financières et fiscales liées aux divers systèmes d'aide à l'industrialisation. Il ne fait cependant guère de doute que les avantages accordés ici ont pû apparaître comme étant moins intéressants, pour certaines entreprises se desserrant depuis Randstad-Holland, que ceux offerts à Lelystad où les primes sont liées aux emplois créés et transférés. Si on ajoute les meilleures liaisons et l'attrait d'un milieu urbain nouveau, on comprend que Lelystad ait pû attirer des entreprises, peut-être au détriment de l'un des noyaux d'industrialisation du Nord de la province. Au 1er août 1972, les entreprises implantées à Lelystad sont au nombre de 12 ; elles y ont créé 433 emplois20.

LES IMPLANTATIONS DANS LES NOOYAUX DE HOLLANDE SEPTENTRIONALE 1952-1971

LES IMPLANTATIONS DANS LES NOOYAUX DE HOLLANDE SEPTENTRIONALE 1952-1971

Source ETI Noord Holland

  • 21 R.J. BRANDSMA. De amsterdamse confectie industrie. Institut de Géographie d'Amsterdam. Mémoire ron (...)

131En raison de l'extrême modestie du mouvement de transfert d'activité entre la frange Nord de Randstad-Holland et les noyaux d'industrialisation, il faut conclure à un échec de la décentralisation qui, pourtant, constituait la pièce maîtresse de la politique régionale des autorités provinciales et centrales. A cet égard, l'échec le plus évident est celui des industries de la confection d'Amsterdam, dont on sait pourtant qu'elles ont cherché à se décentraliser. Type même de l'industrie à fort investissement-travail et activité recherchant en particulier de la main-d'oeuvre féminine, la confection pouvait trouver dans les noyaux officiels du Nord des conditions d'implantation tout à fait convenables. Or, on constate que sur les 17 transferts intégraux d'entreprises de confection effectués à partir de Amsterdam vers le reste de la province de Noord-Holland au cours des années 1964-1968, pas un seul ne concerne l'un des noyaux officiels21. Sur les 36 établissements implantés dans l'un de ces quatre centres après 1952, 7 sont des ateliers de confection dont 4 sont implantés à Den Helder, 2 à Hoorn et 1 à Medemblik. 3 des 4 ateliers de Den Helder ferment leur porte dés 1971 "faute de main-d'oeuvre disponible" tandis que sur les 2 ateliers de Hoorn, l'un part pour la Belgique "où il y a des femmes disponibles" et l'autre "connaît de grandes difficultés parce que les femmes n'acceptent plus d'y travailler".

132Malheureusement, l'industrie de la confection n'est pas seule en cause. Les quatre noyaux ne sont pas parvenus à attirer des industries mécaniques, électriques, électroniques ou chimiques, au moins au rythme que pouvait laisser espérer la mobilité spatiale relativement grande de l'industrie d'Amsterdam. En fait, les noyaux officiels du Nord de la province se sont trouvés en compétition avec des centres bien plus attractifs parce que situés non pas à l'extérieur mais encore à l'intérieur de la frange Nord de Randstad-Holland, là où les entreprises pouvaient bénéficier de toutes les économies externes engendrées par la zone métropolitaine.

  • 22 R. ENGELSDORP GASTELAARS-C. CORTIE. Migration from Amsterdam. TESG. 1973. no 4. L'agglomération d' (...)

133On sait déjà que de nombreuses entreprises industrielles d'Amsterdam ont quitté le centre de la ville pour s'implanter sur les marges immédiates de l'agglomération et il ne fait pas de doute que cette suburbanisation s'est faite au détriment des noyaux d'industrialisation. Outre ce mouvement vers la périphérie directe, et en contradiction totale avec les objectifs de l'aménagement régional, nombreuses sont les entreprises d'Amsterdam qui se sont implantées encore plus vers le Sud, vers Diemen et le Gooi ou vers les centres du Haa rlemermeer, à proximité de l'aéroport international de Schiphol (Hoofdorp, Uithoorn, Aalsmeer). Entre 1966 et 1971, 155 entreprises industrielles de plus de dix salariés ont quitté le centre d'Amsterdam, dont 83 pour l'une des communes de la périphérie de l'agglomération22 et 11 seulement pour une commune située au Nord du Canal de la Mer du Nord et au-delà de l'agglomération. La grande majorité des transferts s'est effectuée vers le Sud d'Amsterdam, aussi bien pour les entreprises industrielles que pour les sociétés de services. Le Nord de Noord-Holland n'a finalement accueilli que 11 % des entreprises industrielles (toutes tailles) et 5 % des entreprises tertiaires ayant quitté le centre d'Amsterdam au cours de cette période (commerce de détail exclu).

134La contradiction est donc totale entre les objectifs visés par la politique régionale et le comportement réel des entreprises qui ne franchissent pas la limite Nord de Randstad Holland. Pourtant, la majorité des industries d'Amsterdam n'est pas liée de façon spécifique aux activités portuaires, ce qui eut, bien sûr, constitué un élément d'explication.

135La carte de la répartition des emplois industriels en NoordKolland au 30 septembre 1975 illsutre bien ce phénomène de "barrière" : 90 % des emplois se localisent encore au Sud de la limite septentrionale de Randstad-Holland (qui a pourtant connu une diminution des emplois industriels aux débuts des années Soixante-Dix) et 5 t seulement des emplois se localisent dans la zone de stimulation du Nord de la province (carte no 43).

136Ainsi donc, la partie Nord de la Hollande septentrionale tend de plus en plus à devenir une zone de simple résidence. La population s'y implante sans que les créations d'emplois s'y développent à un rythme correspondant. L'accentuation de la fonction résidentielle dans un contexte régional carac térisé par une croissance globale très limitée du nombre des emplois conduit à un renforcement considérable des migrations quotidiennes vers le zone du Canal de la Mer du Nord, mouvement renforcé encore par l'expulsion des actifs hors de l'agriculture régionale. En 1969, par exemple, plus de 1 000 personnes viennent chaque jour de la partie Nord de la province vers le Zaanstreek. Quant aux migrants journaliers vers Amsterdam, ils sont d'autant plus nombreux qu'il s'agit bien souvent d'anciens habitants de la métropole, qui n'y résident plus mais dont l'emploi s'y est maintenu : "Il y avait déjà effectivement une insuffisance d'emplois dans les zones réceptrices (de population) et très peu d'emplois les (les migrants) ont accompagné vers le Nord. Au contraire, leur emploi est resté à Amsterdam ou a migré vers le Sud. En conséquence, les mouvements pendulaires se sont beaucoup développés dans ces régions au cours des années récentes". (ENGELSDORP-GASTELAARS et CORTIE. 1973 no 217 p. 214). En l'occurence, il s'agit de migrations quotidiennes à longues distances, avec des trajets souvent supérieurs à deux heures. La pression sur la demande en autoroutes et en équipements ferroviaires est donc très forte et la question de l'amélioration des transports est doublement fondamentale pour les noyaux d'industrialisation du Nord : elle conditionne l'implantation, hypothétique, d'industries nouvelles mais elle conditionne aussi l'implantation des nouveaux habitants issus de Randstad-Holland où la plupart de ces derniers retournent chaque jour travailler.

HOLLANDE SEPTENTRIONALE - les emplois industriels au 30/9/1975 (par circonscriptions d’emploi)

HOLLANDE SEPTENTRIONALE - les emplois industriels au 30/9/1975 (par circonscriptions d’emploi)

137Pour Den Helder, Hoorn, Enkhuizen et Medemblik, les problèmes liés au développement des migrations pendulaires ont peu à peu supplanté la problématique initiale, celle du chômage et de l'émigration des jeunes, sur laquelle s'était déterminée la politique des pouvoirs publics. Ce transfert de problématique ne signifie nullement que le problème fondamental de ces petits centres ait été résolu. Aujourd'hui comme au cours des années Cinquante, les emplois offerts sont en nombre insuffisant, et il ne semble pas que les activités tertiaires veuillent prendre le relais des activités industrielles défaillantes.

C) - Le Zaanstreek

138Au niveau régional comme au niveau local, les espaces étudiés jusqu'alors ont en commun une évolution industrielle fortement marquée par les effets directs des politiques officielles de stimulation ou de restructuration. Qu'en est-il de l'évolution régionale dans le cas de régions laissées hors du champ d'application des mesures spécifiques de la politique industrielle ?. Le Zaanstreek peut ici nous offrir un cas tout à fait exemplaire de ce type de situation.

139"A tous les points de vue, le Zaanstreek peut être défini comme une unité, par exemple comme un espace régional particulier ayant son propre schéma culturel zaanlandais, comme une unité économique et géographique et comme une structure géographique". (HOEKVELD-SCHAT. 1972. no 273 p. 190). Situé au coeur de la zone métropolitaine constituant la grange Nord de Randstad-Holland, le Zaanstreek correspond à l'une des plus anciennes régions industrielles des Pays-Bas et même d'Europe occidentale, une région fortement individualisée du fait même de la constante prépondérance des activités industrielles dans la vie économique locale (carte no 44).

140Mais le Zaanstreek, coincé entre les zones de développement du Nord de la province et la zone d'expansion métropolitaine au Sud du Canal de la Mer du Nord, connaît une évolution bien plus défavorable que les autres vieilles régions industrielles du pays. Ici, on ne retrouve ni la restructuration et la diversification qui caractérisent la Twente, ni non plus la forte concentration structurelle et le renouvellement progressif qui se sont manifesté dans la région de Tilburg. Pour l'essentiel, le Zaanstreek reste une région traditionnelle, une région industrielle vieillie où les principaux changements concernent plus l'urbanisation et la fonction résidentielle que le renouvellement des activités industrielles.

LE ZAANSTREEK -SITUATION GENERALE-

LE ZAANSTREEK -SITUATION GENERALE-

1411) - L'originalité du Zaanstreek est d'avoir constitué la première véritable "région industrielle" dans le pays, avec une industrie relativement diffuse et non directement liée à un organisme urbain important.

1421-1) - Avant le dernier quart du XVIème siècle, la région de la Zaan, qui bénéficie de divers privilèges dans le cadre du Comté de Hollande et qui ignore les contraintes imposées par les guildes dans les grandes villes, vit surtout de la pêche intérieure et maritime ainsi que d'un commerce des grains déjà très actif. D'autres activités sont cependant aussi présentes comme les huileries, la petite construction navale et fluviale, le tissage du lin pour la fabrication des voiles à Kromenie et la production alimentaire destinée aux équipages des navires. L'apparition de la véritable industrie peut être datée de 1592, lorsque se fonde la première "scierie industrielle" à Oostzaan, dans un grand moulin actionné par la force des vents.

  • 23 Le premier grand moulin à scier est dû à un habitant de Uitgeest ; le premier moulin-huilerie est (...)

143A partir de 1600 et tout au long du XVIIème siècle, l'essor industriel est rapide et assez considérable, essor essentiellement fondé sur l'utilisation des moulins à vent qui se multiplient et se dispersent à travers toutes les terres agricoles. Bien entendu, le développement local s'appuie aussi sur la navigation intérieure qui assure d'excellentes relations avec Amsterdam, Haarlem et le Zuyderzee par où passe la grande navigation maritime. L'essor industriel local doit alors beaucoup à l'implantation d'étrangers venus de Gueldre, de Brabant, de Flandres et même d'Allemagne ; ce sont eux qui assurent un élargissement de la palette des activités industrielles de la région23. Aux activités les plus anciennes s'ajoutent alors l'industrie du bois, la meunerie et la fabrication d'amidon, la grande construction navale et toutes ses activités annexes, la fabrication du papier, la tannerie-mégisserie, ainsi qu'une industrie alimentaire dont la diversité est déjà sans égale.

144C'est surtout le développement de la scierie et des industries du bois qui est responsable de la croissance industrielle locale. Dés avant la fin du XVIIème siècle, on compte das le Zaanstreek plus de 300 moulins-scieries spécialisés. Les habitants de la région renforce encore cette activité par la pratique du commerce des bois sciés et bruts, commerce qu'ils dominent et organisent eux-mêmes. Le succès est d'ailleurs tel que le droit d'étape pour le trafic des bois sur le Rhin est transféré de Dordrecht à Zaandam. L'essor de la grande construction navale à Zaandam à partir de 1628 apporte un vigoureux soutien à cette indus trie du bois. Les chantiers se multiplient le long de la Zaan et construisent des navires non seulement pour les grandes villes de Hollande mais aussi pour la France, la Suède, Hambourg. A la fin du siècle, la Zaan compte quelque 50 grands chantiers capables de construire 300 navires de toutes tailles. Zaandam est alors le "grand chantier" de la République des Provinces Unies.

  • 24 En 1648, selon SCHUILING, le seul centre de Wormer compte prés de 100 biscuiteries. Cf. : Nederlan (...)

145Autour de la construction navale se développe bien entendu un large éventail d'industries annexes : textile pour la fabrication des voiles, fabrication des instruments de contrôle et de mesure, production des peintures et des vernis, des teintures, des chaînes et des ancres, fabrication des armes de bord et fourniture des produits d'avitaillement pour les équipages. Le village de Wormer est alors le premier centre pour la production des biscuits de mer et du pain dur24.

146Une autre industrie se développe alors aussi rapidement : celle des produits alimentaires. Elle est encore aujourd'hu l'une des grandes spécialités du Zaanstreek. Son essor est lié à la fourniture aux équipages, à la transformation du poisson (les bateaux de pêche du Zaanland forme une bonne partie de la Flotte du Nord) et surtout au trafic des Indes La région de la Zaan profite en effet directement des importations de produits d'outre-mer effectuées par Amsterdam, et elle en profite d'autant plus que ces produits passent par la région et que les guildes marchandes d'Amsterdam freinent la libre circulation des marchandises et leur traitement dans la grande ville même. Ainsi, les bords de la Zaan voient se multiplier les ateliers traitant le café, le thé, le cacao, les huiles et, plus tard, le riz.

147Simultanément se développe l'industrie du papier. Le premier moulin à papier date de 1616 et la production est d'abord celle du papier brut, du papier bleu. La création de stations pour l'épuration des eaux ainsi que la venue de spécialistes de Gueldre permettent le passage à la production du papier blanc, un papier de très haute qualité qui dominera le marché néerlandais jusqu'au XIXème siècle, jusqu'à l'apparition du papier vélin.

  • 25 Cf. : G.A. HOEKVELD-P.A. SCHAT. Geografische verkenning no 4. Egypte-DDR-Nederland.

148Le XVIIIème siècle est pour le Zaanstreek une période de mutations géographiques profondes. Les moulins, jusqu'alors largement dispersés sur les terres agricoles, commencent à se regrouper sur les bords de la Zaan, mouvement qui s'achèvera un siècle plus tard par une concentration totale de l'industrie sur les bords de l'eau profonde permettant l'importation et l'exportation des marchandises. C'est d'ailleurs ce mouvement qui explique la structure urbaine très particulière du Zaanstreek : deux minces bandes urbanisées parallèles qui, de part et d'autre de la Zaan, s'allongent de Zaandam à Wormerveer et constituent une ville-ruban où les industries sont en grande majorité sur les bords de la rivière. Alors, les centres éloignés de la Zaan, tels Jisp et Oostzaan, déclinent rapidement. L'industrie a aussi de plus en plus tendance à se concentrer dans la partie méridionale de la région car les rivières de la zone Nord s'ensablent, la navigation y est donc de plus en plus difficile. D'ailleurs, la biscuiterie de Wormer ne résiste pas à cette évolution25.

149Avec la fin du XVIIIème siècle et les guerres anglaises commence pour le Zaanstreek une longue période de stagnation et de déclin, une période de crise régionale qui ne s'échève que vers 1870. Les difficultés procèdent de la multiplication rapide des concurrents européens pour les diverses branches d'activité et surtout du fait que les navires chargés ne peuvent plus désormais atteindre Zaandam, le Voorzaan et l'Ij n'offrant plus de profondeurs suffisantes. De plus, l'occupation française est pour l'industrie locale une période d'arrêt quasi total des investissements, de la modernisation des équipements et même de la production dans certaines branches. Le malaise régional ne disparaît pas avec le retrait des français. Bien au contraire, en particulier du fait du manque de charbon, l'industrie du Zaanstreek fait figure d'industrie vieillie et techniquement dépassée, alors que de nombreux concurrents ont adopté et multiplié les machines à vapeur, ce qui leur a permis de passer à la grande production de masse.

150Avec le dernier tiers du XIXème siècle commence une nouvelle période d'essor. La création, en 1828, du Canal de la Hollande Septentrionale, faisant la jonction entre Amsterdam et Den Helder, n'avait rien apporté à la région, ce canal évitant le Zaanstreek. Par contre, le rattachement au réseau ferroviaire en 1868 et 1878 et plus encore le percement du Canal de la Mer du Nord débloquent la région de la Zaan et lui assurent de nouvelles possibilités d'expansion. Plus encore, l'adoption de la machine à vapeur conduit à une modification rapide des structures de production : les moulins disparaissent aux profits des fabriques et des usines et la multitude des petites affaires familiales connaît un premier mouvement de concentration qui voit se fonder les premières grandes entreprises régionales. Mais dans un pays qui manque de charbon, le passage à l'énergie-vapeur pose bien des problèmes. Les machines du Zaanstreek sont d'ailleurs fortement tributaires des charbons extérieurs et de la tourbe produite dans l'Est du pays. L'industrie de la région change donc de contenu. La grande construction navale disparaît tandis que l'industrie du bois connaît un nouvel essor marqué par une grande diversification de ses productions. La scierie se maintient mais on cherche surtout à valoriser sur place la matière première qu'est le bois, d'où le développement de productions multiples exigeant l'emploi d'une nombreuse main-d'oeuvre : profils, meubles, huisseries, jouets, objets divers... etc. Cette diversification se trouvera encore renforcée avec l'arrivée, en 1920, de la firme BRUYNZEEL, première entreprise industrielle locale par l'importance des effectifs employés. L'industrie alimentaire se transforme également. Elle se concentre sur la biscuiterie et le travail des produits coloniaux et se double d'une industrie dynamique du fer blanc destinée à la fabrication des boites de conserves et des emballages métalliques.

1511-2) - L'une des principales caractéristiques du Zaanstreek, outre l'ancienneté de ses activités industrielles, est la constante prépondérance de l'industrie dans la vie économique locale.

Tableau no 12 - Zaanstreek : importance relative de l'industrie (en % des actifs ayant un emploi)

Agricul. pêche

Industrie (1)

Bâtiment

Services

Zaanstreek

1947

4,4

51,6

6,1

37,9

1960

2,4

56,2

7,8

33,6

1970

1,0

54,4

9,0

35,6

N-Holland

1950

7,7

31,4

7,9

53,0

1960

6,0

30,4

8,6

55,0

1970

1,5

29,3

12,6

56,6

Pays-Bas

1947

18,8

27,7

7,6

45,9

1960

10,7

32,5

9,7

47,1

1970

7,0

31,0

10,0

52,0

(1) Toutes entreprises. Utilités publiques incluses
Source : Stat. CBS.

152Jusqu'en 1970, plus de la moitié des actifs travaillent dans le secteur secondaire soit, en 1970, plus de 60 % des hommes et prés de 36 % des femmes ayant un emploi. Relativement à la province et au pays, le Zaanstreek apparaît comme une région très retardataire en matière d'activité tertiaire En 1960, par exemple, le Zaanstreek ne compte que 139 actifs tertiaires pour 1 000 habitants, alors qu'on en compte 147 à Enschede en Twente, 158 à Tilburg, 193 à Nijmegen, 203 à Groningen qui, il est vrai, est une véritable capitale régionale à fonction métropolitaine.

153Cependant, suivant en cela l'évolution général qui caractérise les Pays-Bas, la structure de répartition sectorielle des emplois se modifie assez rapidement à partir de 1970. Les emplois industriels diminuent rapidement au cours des cinq années qui suivent, passant de 24 070 en 1970 à 20 502 en 1975, tandis que les emplois dans les services progressent lentement mais suffisamment pour être aussi nombreux en 1975 que les emplois industriels : 20 806. La structure des activités économiques est donc bien mieux équilibrée en 1975 avec un tertiaire qui, pour la première fois, représente le premier secteur d'emplois : 45,17 % contre 44,51 % à l'industrie, 8,91 % au bâtiment et 1,41 % à l'agriculture. Mais, en dépit de ce nouvel équilibre, le Zaanstreek fait toujours figure de région à caractère industriel dominant car à la même date, l'industrie n'occupe que 30,8 % des actifs au niveau national (bâtiment exclu) alors que 58 % des actifs néerlandais travaillent dans le secteur tertiaire. Le Zaanstreek n'a donc toujours pas perdu son retard structurel, même si l'évolution régionale correspond désormais à celle de l'ensemble du pays.

  • 26 De toutes les grandes villes néerlandaises, Eindhoven est celle dont le secteur tertiaire est le m (...)

154On peut encore mieux mesurer le poids exceptionnel de l'industrie dans la région de la Zaan en comparant la répartition sectorielle des emplois du Zaanstreek avec celle d'autres grands centres industriels des Pays-Bas. Il apparaît alors que, exception faite du cas très particulier du Limburg minier, seules la région de Eindhoven, en raison de la présence des usines PHILIPS et DAF26, et la zone de l'Ijmond, fief de la sidérurgie néerlandaise, ont un secteur secondaire relativement plus important que celui du Zaanstreek.

Tableau no 13 - Répartition sectorielle des emplois dans quelques grands centres industriels (en %)

Régions

Agricult.

Industrie (1)

Bâtiment

Services

Zaanstreek 1970

1,0

54,4

9,0

35,6

Tilburg 1969

---

43,5

9,9

46,6

Enschede 1969

4,2

47,7

8,5

39,6

Eindhoven 1968

---

57,6

7,2

35,2

Ijmond 1971 (2)

0,5

56,8

14,1

28,6

Amsterdam 1968

---

24,7

7,7

67,6

Rotterdam 1969

0,4

32,5

7,6

59,5

(1) Toutes entreprises. Utilités publiques incluses
(2) Répartition sur les seuls salariés
Sources : CBS/SBZ/RPD

155Dans le cadre géographique qui est le sien, celui de la zone du Canal de la Mer du Nord, le Zaanstreek apparaît également comme une région essentiellement industrielle.

156En 1960, par exemple, le secteur secondaire y représente 58,2 % des emplois, contre 40,3 % seulement pour l'ensemble de la zone du Canal, 54,6 % dans la région de l'Ijmond, 39,1 % à Haarlem, 37,3 % dans la zone d'Amsterdam et 35 % dans le Haarlemmermeer. En 1971, et pour la seule population salariée, la répartition est la suivante : (tableau no 14 ci-aprés).

Tableau no 14 - Répartition sectorielle des salariés dans la Zone du Canal de la Mer du Nord situation au 31 mars 1971 - en %

Agricult. pêche

Secteur secondaire (1)

Services

Zone du Canal

0,6

35,4

64,0

dont Zaanstreek

0,5

61,7

37,8

Ijmond

0,5

70,9

28,6

Grand Amsterdam (2)

0,8

34,7

64,5

AgglHaarlem

0,7

40,6

58,7

(1) Toutes entreprises. Bâtiment et Util. Publi. inclus
(2) Comprend le Haarlemmermeer et le Waterland
Source : Stat. CBS.

157Compte tenu de la concentration progressive des activités industrielles vers les rives de la Zaan depuis le XIXème siècle, les diverses parties du Zaanstreek ne présentent pas des structures de répartition identiques. C'est dans la partie Nord de la région (Kromenie-Wormerveer-Wormer) que le poids relatif de l'industrie est le plus élevé avec 57,9 % des emplois en 1970. Dans la partie Sud beaucoup plus urbanisée (Zaandam-Koog-Zaandijk), l'industrie occupe 54,3 % des actifs. Enfin, dans la zone périphérique restée bien plus rurale (Westzaan-Assendelft-Jisp), la part de l'industrie est nettement moins grande quoique toujours prépondérante : 44,8 % des actifs.

158A partir de 1970, la diminution progressive générale du nombre des emplois industriels touche toutes les parties du Zaanstreek et aboutit à une certaine égalisation des taux d'emploi : en 1975, l'industrie occupe 44,8 % des actifs dans la zone Nord, 44,5 % dans la partie Sud et 44,2 % dans la zone périphérique (carte no 45).

1591-3) - Au nombre d'environ 18 000 en 1950, les emplois industriels du Zaanstreek (dans les seules entreprises AIS et à l'exclusion du bâtiment et des Utilités Publiques) passent à 22 930 en 1960, atteignent leur maximum en 1964 avec un total de 24 543, puis diminuent régulièrement pour n'être plus que de 21 075 en 1970 et 18 300 en 1975. En matière d'emplois industriels, le Zaanstreek a connu une évolution tout à fait comparable à celle du pays tout entier. Par contre, son évolution se distingue assez nettement de celle des grandes zones d'intervention des pouvoirs publics comme, par exemple, les trois provinces du Nord du pays où la croissance se poursuit jusqu'en 1970 et où le déclin postérieur est nettement moins accusé (figure no 48).

160Cependant, si la tendance générale en Zaanstreek est identique à celle qui se manifeste au niveau national, l'évolution locale s'en démarque nettement dans le détail par une amplification relative très caractéristique des mouvements intermédiaires : une hausse du nombre des emplois plus forte au cours de la période de croissance puis une diminution bien plus accusée au cours des années de déclin. Le résultat final est une diminution régulière de la part du Zaanstreek dans l'emploi industriel national : 2,13 % en 1960, 1,95 % en 1970 et 1,87 % en 1975.

  • 2 Emplois AIS. Bât. et Util. Publ. exclus

Tableau no 15 - Evolution comparée des emplois industriels2 1950-1975 en %

1950-1960

1960-1964

1964-1970

1970-1975

Zaanstreek

+ 27,4

+ 7,0

- 14,1

- 13,2

N-Hollande

+ 10,0

+ 4,3

- 7,8

- 9,0

Pays-Bas

+ 20,4

+ 5,7

- 4,9

- 9,4

Source : stat. CBS/AIS

Fig no  48 - EMPLOIS INDUSTRIELS : Evolutions comparées

Fig no  48 - EMPLOIS INDUSTRIELS : Evolutions comparées

Source : Stat. CBS/AIS

  • 27 Dans le tableau qui suit, il s'agit du grand Amsterdam. Toute la partie Sud de l'agglomaration con (...)

161Dans le cadre plus restreint de la zone du Canal de la Mer du Nord, le Zaanstreek ne se distingue guère par son évolution des régions voisines, exception faite de l'Ijmond qui est la seule région où le nombre des emplois industriels ne cesse de croître en raison de l'essor de la sidérurgie de Ijmuiden et de ses industries annexes. On peut néanmoins remarquer que la baisse des emplois à partir de 1970 est plus accusée en Zaanstreek que dans les autres parties de la zone métropolitaine27.

  • 3 Emplois AIS. Bât. et Util. Publ. exclus

Tableau no 16 - Evolution comparée des emplois industriels3 dans la zone du Canal de la Mer du Nord 1964-1975 en %

1964-1970

1970-1975

Zaanstreek

- 14,1

- 13,2

Ijmond

+ 19,7

+ 11,4

Aggl. Haarlem

- 11,6

- 8,0

Grand Amsterdam (2)

- 15,0

- 11,9

Zone Canal

- 8,3

- 7,0

(2) Comprend le Haarlemmermeer et le Waterland
Source : stat. CBS/AIS.

162Au niveau des diverses branches d'activité, la comparaison des évolutions en Zaanstreek et aux Pays-Bas fait mieux ressortir l'originalité de la région de la Zaan. L'industrie chimique par exemple, industrie de croissance par excellence, voit ses effectifs croître de 41,8 % au niveau des Pays-Bas entre 1960 et 1975, alors que ces mêmes effectifs diminuent de 23,5 % en Zaanstreek à la suite du départ de plusieurs entreprises chimiques locales. Au cours de la même période, les effectifs nationaux employés dans les industries alimentaires et annexes diminuent de 2,13 % alors que la diminution enregistrée en Zaanstreek, l'un des fiefs de cette branche, est de 15,9 %. Dans l'industrie du papier, les emplois restent à peu prés stationnaires en Zaanstreek comme au niveau national. Dans l'industrie du bois, le Zaanstreek perd 17 % de ses effectifs alors que la diminution nationale de la branche n'est que de 9,4 %. Dans le secteur de la métallurgie, enfin, l'évolution locale s'oppose doublement à l'évolution nationale. De 1960 à 1975, les effectifs nationaux augmentent de 13 % tandis que les emplois en Zaanstreek diminuent de 6,3 %. Mais, en fait, ce sont surtout les évolutions intermédiaires qui sont fortement contrastées Les emplois dans la métallurgie néerlandaise augmentent de 15,7 % entre 1960 et 1970 tandis qu'ils diminuent de 22,3 % dans le Zaanstreek, baisse sans doute liée au rapide déclin de la construction navale de la Zaan au cours des années Soixante. L'évolution est au contraire inversée au cours de la période suivante 1970-1975 : les effectifs employés augmentent de 20,6 % en Zaanstreek alors qu'ils connaissent une diminution de 2,3 % au niveau des Pays-Bas.

163Outre les amplifications de mouvements qui peuvent être cons tâtées, les inversions de tendances peuvent en partie s'expliquer par la modernisation et l'automatisation qui se développent dans les industries du Zaanstreek et qui se traduisent toujours par une baisse du nombre des effectifs employés.

164La ventilation des emplois selon la taille des établissements fait apparaître une concentration très voisine de la concentration nationale, les écarts catégoriels étant plus accusés avec la structure provinciale.

  • 4 Emplois AIS. Bât. et Util. Publ. exclus

Tableau no 17 - Répartition des emplois4 et taille des établissements 1970 en %

10-19

20-99

100-499

500 +

Zaanstreek

2,72

24,06

36,99

36,20

N-Holland

5,06

24,06

28,69

42,16

Pays-Bas

4,20

24,58

33,25

37,97

Source : Stat. CBS/AIS

  • 28 Sociografisch Bureau Zaanstreek. Bedrijvigheid en Werkgelegenheid in de Zaanstreek - Zaandeam. 197 (...)

165Ce tableau ne tient compte que des unités employant plus de 10 salariés. Or, le Zaanstreek se caractérise, entre autre, par l'importance des entreprises artisanales employant moins de 10 personnes. En 1963, les entreprises artisanales sont au nombre de 650 pour l'ensemble du secteur secondaire et représentent 68 % du nombre des établissements et 8,1 % de l'emploi ; en 1970, on en compte 370 qui ne représentent plus que 55 % du nombre des établissements et 4,5 % des emplois28.

166La structure de répartition des emplois industriels se modifie de façon assez sensible dans les dernières années de la décennie Soixante. Le fait majeur est ici la diminution de la concentration des emplois dans les grands établissements, ceux qui emploient plus de 500 personnes. En 1964, ils regroupent 43,38 % de la main-d'oeuvre industrielle locale mais 36,20 % seulement en 1970. Au contraire, la part relative des établissements de taille moyenne croît avec les années, passant de 30,37 % en 1964 à 36,99 % en 1970.

167L'emploi industriel en Zaanstreek est-il plus ou moins concentré que celui des autres régions industrielles du pays ?. Le tableau ci-aprés permet d'établir quelques comparaisons pour l'année 1970.

  • 5 Emplois AIS. Bât. et Util. Publ. exclus

Tableau no 18 - Répartition des emplois5 et taille des établissements dans quelques grandes régions industrielles 1970 en %

10-19

20-99

100-499

500 +

Zaanstreek

2,72

24,06

36,99

36,20

Tilburg

4,04

2 7,90

41,49

26,55

Veenkolonien

3,38

22,48

48,25

25,87

Enschede

4,00

20,21

36,64

39,13

Reste Twente

3,14

19,82

25,47

51,55

Alblasserwaard

3,10

19,42

20,20

57,25

Eindhoven

0,67

4,25

8,92

86,14

Rotterdam

3,68

16,67

32,67

46,96

SchiedamVlaardingen

4,33

22,72

25,40

47,57

Amsterdam

6,42

24,48

32,13

36,95

Ijmond

1,32

8,48

90,19

90,19

Source : stat. CBS/AIS

168Exception faite de la région de Tilburg, où domine l'industrie textile, et les Veenkolonien du Groningue, où la dispersion est encore forte dans les industries liées à l'agriculture, les autres régions industrielles du pays présentent une concentration plus forte des emplois dans les grands établissements que le Zaanstreek. Par contre, la catégorie des établissements de taille moyenne apparaît ici comme étant relativement importante.

1692) - Le Zaanstreek n'est pas seulement une vieille région industrielle. Il se caractérise peut-être plus encore comme étant une région industrielle vieillie, tant dans les structures spatiales que dans les structures d'activité. Son image de marque n'est donc guère favorable à l'attraction d'entreprises nouvelles. "L'image actuelle de la région comme lieu d'implantation n'est pas si bonne. La région est connue comme une vieille (en opposition à moderne) région industrielle, à quoi s'ajoute souvent l'idée d'une insuffisance des équipements d'infrastructure. L'orientation politique des zaanlandais est également considérée comme un facteur négatif (le Zaanstreek est une région votant traditionnellement à gauche)... Un troisième désavantage auquel le Zaanstreek doit faire face est sa situation en Hollande Septentrionale, au Nord du Canal de la Mer du Nord. Beaucoup de gens hors de la province pensent encore que cette région est complètement séparée de l'agglomération d'Amsterdam, à la fois sur le plan des transports et sur le plan économique, et que par conséquent elle ne peut guère profiter des infrastructures de cette dernière". (S.B.Z. 1969. no 462 p. 23).

1702-1) - L'état de vieillissement relatif du Zaanstreek en tant que région industrielle s'exprime avant tout par la permanence et la prédominance des branches d'activité les plus traditionnelles. Compte tenu de la répartition des emplois, ce sont les secteurs les plus anciens et les moins dynamiques qui sont ici sur-représentés, alors que les industries modernes et dynamiques sont fortement sous-représentées.

  • 29 Il s'agit, ici, surtout de la fabrication du linoléum et des revêtements de sol à Kromenie.

171Une comparaison des structures de répartition des emplois par branches entre le Zaanstreek et les Pays-Bas fait bien ressortir la spécificité industrielle de la région de la Zaan. En 1960, les industries alimentaires y emploient 8 300 personnes, ce qui représente 36,37 % de l'emploi industriel local alors que l'emploi national de la branche ne représente que 14,10 % de l'emploi industriel global. Les industries du bois en Zaanstreek occupent 14,38 % des actifs industriels, mais 3,90 % seulement dans l'ensemble du pays. Même décalage pour les industries du papier avec respectivement 6,40 % et 2,74 % des emplois. Au contraire, le secteur de la métallurgie ne regoupe que 21,59 % des emplois en Zaanstreek, où l'électronique est pratiquement absente, contre 35,31 % au niveau des Pays-Bas. Avec plus de la moitié de ses emplois dans les seules industries alimentaires et du bois, le Zaanstreek apparaît comme une région très orientée sinon très spécialisée. Quinze années plus tard, les choses n'ont pas fondamentalement changé. Avec respectivement 33,81 % et 11,42 % des emplois, les industries alimentaires et celles du bois restent encore en 1975 les branches d'activité principales alors que dans l'ensemble du pays, elles ne regroupent plus que 15,67 % et 3,84 % des emplois industriels. La part de la chimie a même diminué depuis 1960 en Zaanstreek, passant de 9,68 % à 8,11 %, alors que la chimie est l'un des secteurs de très forte croissance des emplois au niveau national. Au contraire, le secteur textile, qui connaît un déclin continu des emplois dans le pays, se développe en Zaanstreek jusqu'à y représenter plus de 8 % des emplois, alors que ce pourcentage n'était que de 1,91 % en 196029. L'électronique, dont l'essor est remarquable aux Pays-Bas au cours de ces années, compte à peine 0,24 % des emplois en Zaanstreek en 1975, pour 12,16 % dans le pays.

  • 30 Pour 1960 : 11 branches de la classification AIS. Pour 1975 : 12 branches de la classification SBI (...)

172Il ressort clairement de ces données comparatives que l'industrie du Zaanstreek n'a pas su se renouveller au cours des années 1960-1975 ; elle n'a pas su non plus se diversifier. Calculé par la méthode des pourcentages cumulés, l'indice de spécialisation pour le Zaanstreek est de 890 en 1960 contre 799 pour les Pays-Bas (diversification totale 590--indice--1100 spécialisation totale). En 1975, l'indice de spécialisation pour le Zaanstreek est de 873 contre un indice de 772 pour les Pays-Bas (diversification totale 641--indice--1200 spécialisation totale). Les écarts n'ont donc guère varié30.

  • 6 Pour les entreprises AIS. Bât. Util. Publ. et Ind. extractives exclus.

Tableau no 19 - Zanstreek et Pays-Bas : ventilation des emplois industriels par branches d'activité en 19756 en %

Branches (2)

Zaanstreek

Pays-Bas

Industries alimentaires

33,81

15,67

Textile-confection

8,28

8,13

Bois-meubles

11,42

3,84

Papier

7,78

3,06

Industries graphiques

5,21

6,22

Chimie

8,11

9,39

Métallurgie de base

0,08

4,01

Produits métallurgiques

7,10

9,35

Constr. machines

8,78

9,27

Electrotechnique

0,24

12,16

Matériels de transport

4,09

8,56

Industries diverses

2,97

10,26

(2) Selon la classification SBI Source : Stat. CBS.

173Une comparaison graphique des structures de répartition de l'emploi peut être faite par la méthode des indices de branches. Elle montre bien la sur-représentation de la trilogie bois-alimentaire-papier en Zaanstreek par rapport aux Pays-Bas (figures no 49-50).

  • 31 HOEKVELD-SCHAT. op. cit. p. 197.

174Peut-on, à propos du Zaanstreek, parler d'un complexe indus triel fondé sur les activités traditionnelles ?. La nature même des industries dominantes ainsi que leur forte orientation vers les matières premières brutes importées en grande quantités se traduisent par une remarquable faiblesse des relations inter-industrielles à l'intérieur du cadre régional ainsi que par une faible circulation des produits intermédiaires. Le Zaanstreek fournit à peine 5 % des matières premières traitées par les industries locales et il n'absorbe que 22 % des produits fabriqués par ces mêmes industries31.

Fig no 49 - ZAANSTREEK ET PAYS-BAS 1960

Fig no 49 - ZAANSTREEK ET PAYS-BAS 1960

Source : Stat CBS/AIS

Fig no 50 - ZAANSTREEK ET PAYS-BAS 1975

Fig no 50 - ZAANSTREEK ET PAYS-BAS 1975

Source : Stat CBS/SAI

175Les grandes entreprises locales travaillent surtout pour le marché national et pour l'exportation, l'essentiel de leurs relations se développe à l'échelle inter-régionale, voire internationale. Les liaisons locales inter-firmes et interbranches sont peu développées. Cette orientation extérieure est sûrement dominante dans des entreprises telles que DE ZAAN, VAN NELLE, VERKADE, ALBERT HEIJN, MESSANEN, DUYVIS et HONIG pour les industries alimentaires, VAN GELDER premier producteur néerlandais de papier de haute qualité, NORIT et SIGMA COATINGS pour les produits chimiques, la NLF de Kroménie premier producteur de linoléum, EUROMETAL produc teur d'armes et de munitions et, bien sûr, BRUYNZEEL premier spécialiste du bois et dont l'usine de Zaandam, la plus grande de la région, emploie 3 400 salariés en 1970. La production du fer blanc et l'essor des emballages métalliques constituent sans doute le principal élément d'induction industrielle que l'on puisse noter dans le Zaanstreek.

  • 32 ETI Noord-Holland. Industrie adressboek van Noord-Holland. Haarlem. 1974.

176Région industrielle ancienne, le Zaanstreek a-t-il essaimé à l'extérieur, ce qui lui donnerait un important pouvoir de commandement, ou bien se caractérise-t-il par une forte dépendance vis à vis d'autres centres de décisions ?. Le Zaans treek est resté, comme c'est souvent le cas pour ce type de région, plutôt replié sur lui-même. Ses relations fonctionnelles extérieures sont peu nombreuses. Il a relativement peu essaimé vers d'autres régions mais n'a pas non plus attiré les investissements extérieurs. Sur les 186 établissements industriels recensés en Zaanstreek en 197332, 10 seulement dépendent d'entreprises ayant leur siège social hors de la région alors qu'à la même date, on compte dans le reste des Pays-Bas 19 établissements dépendant d'une entreprise du Zaanstreek. Le commandement extérieur comme la dépendance extérieure sont donc plutôt limités. Parmi les entreprises ayant leur siège social hors de la région on compte deux des plus anciennes industries du Zaanstreek : le fabricant de papier VAN GELDER, qui a transféré son centre directionnel à Amsterdam, et la firme VAN NELLE, l'un des grands de l'industrie alimentaire, dont le siège social est implanté à Rotterdam (carte no 46).

1772-2) - L'image traditionnelle du Zaanstreek, celle d'une région vieillie, repose en grande partie aussi sur les caractéristiques de sa population et de ses structures sociales. Le Zaanstreek, c'est par excellence la région ouvrière, au sens le plus strict du terme, et une région où prédomine largement une main-d'oeuvre sans qualification. L'emploi offert par les industries locales ne propose qu'un éventail qualitatif fort étroit et les structures sociales traduisent directement ce phénomène. La population locale est avant tout ouvrière, elle présente un faible degré de diversification. Les classes moyennes sont relativement peu nombreuses, en particulier en raison du faible développement des activités tertiaires, et les catégories sociales les plus privilégiées sont pratiquement absentes. L'orientation dominante des industries locales vers le traitement de produits bruts est en grande partie responsable de cette faible différenciation de la main-d'oeuvre régionale.

  • 33 Y compris l'artisanat. Source : SBZ 1971.

178Le pourcentage d'ouvriers qualifiés (des ouvriers ayant acquis un diplôme de l'enseignement technique ou professionnel) est ici inférieur à la moyenne nationale. Il en est de même pour ce qui concerne le nombre d'employés pour 1 000 ouvriers au sein de l'industrie. En 1960, par exemple, la répartition de la population active industrielle en fonction des niveaux d'instruction générale est la suivante : enseignement primaire court 62,76 %, enseignement primaire long 31,17 %, enseignement secondaire 4,34 % et enseignement supérieur 1,72 %33.

179Par ailleurs, les besoins locaux en main-d'oeuvre non qualifiée expliquent en partie la grande importance relative des travailleurs immigrés présents dans la région. Ceux-ci occupent environ 37 % des emplois industriels locaux et représentent 5 % du total des emplois de la région.

LE ZAANSTREEK – COMMANDEMENT ET DEPENDANCE – situation 1973 –

LE ZAANSTREEK – COMMANDEMENT ET DEPENDANCE – situation 1973 –

180Enfin, et c'est là un trait bien spécifique, la population ouvrière du Zaanstreek se distingue par un vieillissement prononcé, une situation qui a tendance à se perpétuer sous l'influence des trois phénomènes suivant : le départ des jeunes travailleurs vers d'autres zones d'emploi dés qu'une qualification est acquise, la réduction des demandes locales en travailleurs qualifiés du fait de l'automatisation croissante des industries, l'implantation hors du Zaanstreek même de quelques départements et filiales employant précisément une main-d'oeuvre de niveau technique plus élevé.

181Le paysage urbain du Zaanstreek évoque également de façon irrésistible la vieille région industrielle traditionnelle. Trois traits majeurs dominent ici la structure géographique du milieu : l'organisation longitudinale de l'ensemble urbain le long des rives de la Zaan, la forte prépondérance de l'habitat ouvrier dont les modèles sont souvent proches de ceux des cités du XIXème siècle, l'interpénétration étroite des logements et des usines. Pour l'essentiel, il s'agit d'une structure et d'un paysage hérités du passé et l'habitat local a beaucoup vieilli.

182A peu prés continue sur les deux rives de la Zaan jusqu'à la hauteur de Koog, l'urbanisation ne se réduit plus, au Nord, qu'à une mince frange sur la rive Ouest de la rivière et à deux gros noyaux isolés, ceux de Kromenie et de Wormer. Dans les communes périphériques de Jisp, Westzaan et surtout Assendelft, l'urbanisation est encore embryonnaire, l'habitat y étant encore très dispersé.

183Cette structure urbaine est ressentie comme inadaptée aux besoins actuels, tant par les habitants que par les industriels, les deux étant grandement génés par l'étroitesse des voies de circulation et l'absence d'espaces aérés dans la ville dont toute la morphologie, au moins dans les parties les plus anciennes, s'organise en bandes parallèles et perpendiculaires à l'axe du fleuve.

184L'agglomération urbaine du Zaanstreek est également connue pour l'insuffisance de ses équipements généraux, pour la médiocrité de ses services et pour la faiblesse de ses activités tertiaires (en 1970 encore, le Zaanstreek ne compte que 130 actifs dans le secteur tertiaire pour 1 000 habitants, contre 283 à Amsterdam). La structure longitudinale de l'agglomération mais aussi le déséquilibre interne qui existe entre Zaandam et les autres communes n'ont pas conduit au développement d'un véritable "centre ville" bien équipé et attractif susceptible de desservir l'ensemble de la zone urbanisée. Le seul centre commercial de quelque envergure s'est développé à Zaandam prés de l'écluse WILHELMINA, mais il est fort mal situé et de taille encore bien modeste. De ce point de vue aussi, le Zaanstreek fait figure de milieu désadapté, mais ici, l'influence directe d'Amsterdam a sûrement été déterminante : c'est à Amsterdam que se font tous les achats sortant de l'ordinaire et que se pratiquent les activités non quotidiennes.

1853) - Jusqu'à présent, la réflexion a été conduite comme si le Zaanstreek constituait une entité régionale "autonome" et totalement individualisée. En réalité, il faut replacer le Zaanstreek dans son cadre géographique réel, celui de la zone métropolitaine du Canal de la Mer du Nord. Le Zaanstreek s'inscrit tout entier à l'intérieur de la frange Nord de Randstad-Holland et constitue, à échelle plus réduite, l'une des banlieues du grand Amsterdam. Cette localisation a des effets considérables, tant du point de vue démographique que sur le plan du marché local du travail (carte no 47).

1863-1) - Le Zaanstreek constitue une petite partie d'un marché du travail beaucoup plus vaste, où se joue le jeu de l'offre et de la demande d'emplois : celui de l'ensemble de la zone métropolitaine Nord. Considéré à cette échelle, il présente trois caractéristiques dominantes : une insuffisance chronique en main-d'oeuvre disponible (et spécialement en main-d'oeuvre féminine), un chômage dont les taux sont presque toujours inférieurs à la moyenne nationale (ceci distingue fortement le Zaanstreek des autres vieilles régions industrielles du pays ainsi que des régions de stimulation) l'existence d'un important mouvement quotidien de migrations pendulaires.

LE ZAANSTREEK DANS LA ZONE METROPOLITAINE NORD

LE ZAANSTREEK DANS LA ZONE METROPOLITAINE NORD

187Pour l'année 1975, on dénombre en moyenne, pour l'ensemble des secteurs d'activité 15 345 personnes quittant chaque jour le Zaanstreek pour travailler à l'extérieur et 9 560 personnes venant de l'extérieur pour travailler dans le Zaanstreek dont la balance migratoire quotidienne est donc nettement déficitaire (-5 785 emplois). Les migrants-sortants représentent 29,6 % du nombre total des emplois occupés dans la région et les migrants-entrants 18,44 %. Au fil des années, l'importance relative du Zaanstreek comme marché de l'emploi diminue, ce qu'illustre fort bien l'évolution contradictoire des mouvements d'entrée et de sortie quotidiens. Entre 1960 et 1969, le nombre moyen des migrantssortants s'accroît de 66,59 % alors que l'augmentation du nombre moyen des migrants-entrants n'est que de 8,14 %.

188Pour la période 1971-1975, les données correspondantes sont de 19 % et de 0,9 %.

189Naturellement on peut considérer que cette évolution est en grande partie le reflet de la diminution du nombre des emplois industriels qui se manifeste en Zaanstreek à partir de 1964. En fait, la région de la Zaan connaît un véritable mouvement d'inversion en ce qui concerne les mouvements migratoires quotidiens à la fin de la décennie Soixante. En 1960, le solde des échanges journaliers est nettement positif, + 3 796, et le Zaanstreek apparaît comme une zone d'emploi très attractive. En 1969, le bilan est encore positif, + 2 084, mais l'attraction nettement moins forte. En 1971, le bilan des échanges se solde par un déficit de 2 618 emplois, déficit qui s'accentue rapidement pour atteindre 5 785 emplois en 1975.

  • 34 Les données correspondantes ne peuvent être établies pour les migrants-sortants. On ignore combien (...)

190La majorité des migrants qui viennent chaque jour pour travailler dans le Zaanstreek occupe un emplois dans l'industrie mais il faut noter que la part relative de ce secteur diminue avec les années : 85,5 % des entrants travaillent dans l'industrie en 1960, 72,9 % en 1969 et 56,6 % en 1975. Cette diminution est sans nul doute liée à l'évolution démographique locale qui se traduit par une certaine croissance des activités tertiaires banales. Quel est le poids des migrants par rapport aux actifs industriels du Zaanstreek ?. Compte tenu du Bâtiment de des Utilités Publiques, on dénombre 19 974 actifs dans l'industrie locale en 1975. Parmi ces derniers, 14 628 résident dans le Zaanstreek et 5 346 viennent de l'extérieur. Les migrants-entrants de l'industrie occupent donc plus du quart (26,76 %) des emplois industriels de la région34.

191L'augmentation globale du nombre des migrants journaliers et surtout la rapide croissance du nombre des sortants sont dûs, pour l'essentiel, à la prépondérance des relations d'échanges avec Amsterdam qui est à la fois le plus gros fournisseur de main-d'oeuvre et le premier fournisseur d'emplois pour le Zaanstreek. En 1960, l'agglomération d'Amsterdam accueille 79,4 % des migrants zaanlandais et fournit 40 % des travailleurs entrant en Zaanstreek. En 1969, les données correspondantes sont de 74 % et 37,4 %. Pour l'année 1975, les valeurs sont de 67,4 % et 25,4 %. Le fait le plus remarquable dans ce courant d'échanges avec Amsterdam est l'opposition des évolutions respectives des mouvements d'entrée et de sortie. Alors que le nombre des actifs venant d'Amsterdam diminue de 16,48 % entre 1960 et 1975, le nombre des zaanlandais travaillant dans la métropole (en majorité dans les activités tertiaires) croît très rapidement puisqu'il passe de 2 746 en 1960 à 10 350 en 1975, soit une progression de 376,9 %. Il ne fait guère de doute que la rapidité de cette croissance est en grande partie liée au fait qu'un certain nombre d'habitants d'Amsterdam se sont installés dans le Zaanstreek au cours de ces dernières années tout en conservant leur emploi dans la métropole (carte no 48).

  • 35 CBS. 14ème Recensement Général de la Population. Annexe Habitat. 28.02.1971. Série S. Sondage au 1 (...)

192Quels sont les rapports entre la mobilité interne et la mobilité externe des actifs du Zaanstreek ?. Pour l'année 197135, la mobilité quotidienne externe, soit la somme des entrées et des sorties vers et à partir du Zaanstreek, concerne 15 994 personnes, ce qui correspond à 42 % de la population active de la région. La mobilité quotidienne interne, soit l'ensemble des mouvements pendulaires développés entre les communes du Zaanstreek, concerne 8 019 personnes, elle représente donc environ la moitié de la mobilité externe totale. Les migrants journaliers internes sont plus nombreux que les migrants-entrants (6 688) mais moins nombreux que les migrants-sortants, ce qui donne encore plus de poids aux emplois localisés à l'extérieur de la région. Pour les mouvements internes, c'est la commune de Zaandam qui fournit le plus fort contingent de migrants, c'est aussi la commune de loin la plus peuplée. Par contre, c'est la commune de Kromenie, située au Nord de la région, qui est le principal foyer d'attraction local pour les mouvements internes puisqu'elle accueille chaque jour 1 452 actifs. A la différence des mouvements de sortie qui sont en majorité liés à des emplois du secteur tertiaire, les migrations journalières internes au Zaanstreek sont encore surtout liées à des emplois localisés dans l'industrie.

ZAANSTREEK - principaux echanges migratoires exterieurs quotidiens - 1971

ZAANSTREEK - principaux echanges migratoires exterieurs quotidiens - 1971

Source ; CBS. 14 ° Vokstelling. Annex Wonintellig – sondage au 1/10 ° - 1971 -

  • 36 L'agglomération d'Amsterdam envisagée ici comprend les communes d'Amsterdam-Amstel-veen-Ouder Amst (...)

1933-2) - La stagnation des industries locales et la diminution du nombre des emplois industriels ne s'accompagnent nullement d'un déclin démographique corrélatif. Bien au contraire, comme on peut le voir sur la carte no 41 cidessus, le Zaanstreek constitue l'une des principale zones de croissance démographique de l'ensemble métropolitain Nord de Randstad-Holland. Au cours de la période 1950-1974, la population résidentielle du Zaanstreek s'accroît de 53 % tandis que celle de la commune d'Amsterdam diminue de 8,2 % et que la population de l'agglomération d'Amsterdam36 subit une perte globale de 0,2 %. En réalité, l'écart des comportements est encore bien plus grand si on tient compte de l'évolution à partir des maxima de population puisque les pertes enregistrées par la commune d'Amsterdam atteignent 12,2 % et celles de l'agglomération 7,9 % (la commune atteint son maximumen 1959 avec 878 164 habitants et l'agglomération en 1964 avec 949 919 habitants).

194La croissance démographique concerne l'ensemble du Zaanstreek, à l'exception de la commune de Koog-aan-den-Zaan qui perd 24,4 % de sa population au cours de la période. Il s'agit de la commune relativement la plus industrialisée et celle dont la structure urbaine interne est la plus désadaptée. La plus forte croissance concerne la partie NOrd du Zaanstreek : les communes de Kromenie (+ 122,6 %) et de Wormer (% 107,1 %) où le développement immobilier est très rapide et où l'urbanisation moderne transforme profondément les vieux centres industriels d'autrefois. La ville de Zaandam, pour sa part, voit sa population croître de 58,4 % ce qui est tout à fait remarquable compte tenu de la vétusté du milieu urbain traditionnel.

Tableau no 20 - Croissance démographique dans le Zaanstreek 1950-1974

Communes

Au 31.12.1950

Au 31.12.1974

Jisp

766 habit.

1 016 habit.

Wormer

5 613 "

11 625

Assendelft

5 690 "

8 560

Koog a.d.Zaan

7 382 "

5 577

Kromenie

7 584 "

1 6 876

Westzaan

3 437 "

4 756

Wormerveer

11 122 "

13 970

Zaandam

43 218 "

68 469

Zaandijk

4 666 "

6 708

ZAANSTREEK

89 478 "

137 553

Source : E.T.I. Noord-Holland.

195Jusque vers 1955, cette croissance démographique est pour l'essentiel due à l'accroissement naturel. Depuis lors, et surtout depuis 1966-1967, c'est l'apport migratoire extérieur qui provoque l'essor continu de la population du Zaanstreek. Or, c'est précisément à partir de 1967 que s'accuse le déclin de la population de l'agglomération d'Amsterdam. De fait, l'essentiel de l'apport migratoire provient de la métropole et tout se passe, depuis la décennie Soixante, comme si le Zaanstreek constituait l'une des zones d'expansion de la population d'Amsterdam. Depuis plusieurs années déjà, le Zaanstreek accueille les projections démographiques d'Amsterdam mais n'a pratiquement bénéficié d'aucune de ses projections industrielles qui, on le sait, se sont orientées vers les zones situées au Sud du Canal de la Mer du Nord (vers Diemen, le Haarlemermeer et la frange Sud de l'agglomération). En d'autres termes, le Zaanstreek change fondamen talement de nature puisqu'il tend à devenir une zone résidentielle proche d'Amsterdam. Sur le terrain, cette tendance se traduit par la multiplication des grands lotissements de Wormer, Kromenie et Westzaan, les communes riches en espaces disponibles pour les constructions immobilières. Cette évolution de fait est contraire aux objectifs et aux prévisions de la politique d'aménagement qui visait à localiser les projections démographiques hors des limites du Randstad-Holland vers Purmerend, Hoorn, Alkmaar et les nouveaux polders du Zuyderzee.

196La mutation fonctionnelle progressive qui touche le Zaanstreek trouve d'ailleurs son expression concrète dans la modification récente des structures urbaines régionales. Une nouvelle unité urbaine est née, Zaanstad, qui regroupe 7 des 9 communes du Zaanstreek (les communes de Jisp et Wormer en sont exclues). On s'efforce d'y créer un véritable noyau urbain central localisé dans la partie Nord, là où s'implante la population, autour du nouvel hôtel de ville qui constitue le coeur de la nouvelle unité urbaine. Avec 124 549 habitants au 1er janvier 1975, Zaanstad est la 13ème commune urbaine des Pays-Bas. Les travaux de remodelage actuels visent à y créer un urbanisme de type très aéré. La partie Sud de l'agglomération n'est pas oubliée. On prévoit d'y aménager quatre grandes zones industrielles liées au Canal de la Mer du Nord, zones destinées à recevoir les grandes industries tributaires des transports maritimes. Pour l'heure, elles n'ont encore accueilli aucune implantation notable et les perspectives ne sont pas bonnes, en partie du fait de la présence toute proche des grands terrains encore disponibles au Sud du Canal, dans la zone industrialo-portuaire d'Amsterdam. L’attraction industrielle du Zaanstreek n'est pas du tout à la mesure de son succès comme zone à fonction résidentielle.

197En définitive, la problématique régionale du Zaanstreek est assez caractéristique des vieilles régions industrielles jouxtant une grande aire métropolitiane. : un renouvellement industriel qui ne se réalise pas faute de dynamisme interne et du manque d'attractivité vis à vis des activités extérieures et une mutation progressive vers la fonction résidentielle qui bouleverse les structures urbaines régionales.

D - Delfzij1

198Dans la diversité des contextes géographiques locaux, il est un type de situation susceptible d'offrir d'autres processus d'industrialisation et d'autres structures de développement que ceux rencontrés jusqu'à présent : le milieu portuaire.

199Seul port de quelque importance localisé hors de l'espace scaldéo-rhénan, principal débouché maritime des provinces du Nord et noyau officiel d'industrialisation, Delfzijl mérite de retenir notre attention. La situation locale sur le plan du chômage, de l'émigration et du contexte rural ne se distingue pas de celle du reste des régions septentrionales ; l'étude de Delfzijl sera donc surtout l'occasion de vérifier la spécificité de la croissance industrielle en milieu portuaire.

2001) - En 1955, Delfzijl ne compte que 549 emplois industriels, ce qui le situe au 7ème rang parmi les foyers industriels de la province, loin derrière Groningen où on dénombre alors 11 788 emplois. Les foyers industriels de la zone des tourbières sont alors nettement plus importants puisque Hoogezand-Sappemeer compte 4 904 emplois, Veendam 2 920, Winschoten 1 849 et Stadskanaal 1 067. Même le village de Ter Apel compte alors plus de salariés dans l'industrie : 724.

201En 1971, Delfzijl est devenu le 4ème foyer industriel de la province avec 3 209 emplois, alors que Groningen en compte 11 611, Hoogezand-Sappemeer 5 906, Stadskanaal 3 279. Sur la période 1955-1971, Delfzijl apparaît donc comme un centre à croissance dynamique. Le gain net réalisé y est de 2 660 emplois, soit au même niveau que Stadskanaal où, grâce à l'usine de PHILIPS, le gain net est de 2 668 emplois, et loin devant les autres centres de la province où Hoogezand-Sappemeer gagne 1 739 emplois au cours de la même période, Leek 759, Ter Apel 665, Veendam 547, Winschoten 122 et la ville de Groningen 141 seulement.

202A l'échelle de la région du Nord toute entière, Delfzijl fait également figure de centre relativement dynamique. Sur les 9 principaux foyers industriels du Nord, seuls Stadskanaal et Emmen ont une croissance du nombre des emplois plus rapide entre 1959 et 1971, + 144 % dans les deux cas contre + 106 % à Delfzijl, + 92 % à Assen, + 84 % à Hoogeveen,+ 35 % à Drachten, + 34 % à Hoogezand-Sappemeer, + 22 % à Leeuwarden et + 5 % seulement à Groningen (carte no 49).

2031-1) - En mars 1971, 22 établissements employant plus de 10 salariés sont implantés à Delfzijl. Parmi ceux-ci, 13 ont été créés après 1955. Exception faite de l'usine de la NEDERLANDSE KABEL-FABRIEK (fabrication de câbles électriques. Le siège principal de la firme se trouve à Delft) implantée à Delfzijl en 1954, ce sont les établissements créés après 1955 qui sont responsables de l'essentiel de la croissance des emplois. Il s'agit d'unités relativement grandes. En mars 1971, l'emploi moyen dans ces 13 établissements est de 170 alors qu'il est de 110 pour les unités antérieures à 1955. De ce point de vue, Delfzijl se distingue nettement des autres centres industriels de la province puisque, pour les établissements implantés après 1955, l'emploi moyen n'est que de 82 à Hoogezand-Sappemeer, 67 à Winschoten, 66 à Veendam et 25 à Stadskanaal.

REGION DU NORD – PRINCIPAUX CENTRES D’EMPLOIS INDUSTRIELS – 1971 –

REGION DU NORD – PRINCIPAUX CENTRES D’EMPLOIS INDUSTRIELS – 1971 –

204Au cours de cette période, quelques grandes unités industrielles se sont en effet implantées à Delfzijl, telles l'usine de soude de la NED.SODA-FABRIEK en 1957, le centre pétrochimique de AKU-AMOCO en 1964 et l'usine d'aluminium de l'ALDEL en 1964-1966. Avec 700 salariés en 1971, l'usine de l'ALDEL est le plus grand établissement local pour le nombre des emplois, mais c'est le groupe AKZO qui est le plus important employeur local avec environ 1 200 salariés répartis dans divers établissements.

2051-2) - Cependant, on ne doit attribuer à la croissance du nombre des emplois qu'une signification toute relative, ce critère étant ici inapte à traduire la réalité de l'évolution industrielle locale.

  • 37 CBS. Régionale Economische Indicatoren 1970.

206Comme les ports de Zélande et comme la majorité des espaces industrialo-portuaires, Delfzijl a surtout accueilli des activités à forte immobilisation capitalistique, des unités métallurgiques et surtout chimiques employant peu de main-d'oeuvre à l'unité produite, offrant donc une faible densité d'emplois mais correspondant à de très grosses opérations financières exigeant d'importants investissements par emploi créé. Ainsi, en 1970, l'investissement brut en capital fixe par emploi industriel est de 28 100 florins à Delfzijl, contre 8 800 dans le Sud-Est de la Drenthe (région de Emmen), 4 200 en Groningue oriental, 4 100 dans le Sud-Est de la Frise et 5 400 dans l'ensemble des Pays-Bas37. Ces chiffres traduisent déjà la spécificité de l'industrie en milieu portuaire.

207Il est clair que ce n'est pas la croissance du nombre des emplois mais bien la structure de l'industrie et l'évolution de cette structure qui vont permettre de bien dégager l'originalité de Delfzijl par rapport aux autres centres d'industrialisation. Mais les données sur la valeur de la production et sur la valeur ajoutée par branche d'activité faisant défaut, seule la répartition sectorielle des emplois permettra d'analyser les phénomènes structurels.

208Delfzijl apparaît avant tout comme un centre industriel très peu diversifié, dominé par la métallurgie et surtout par la chimie dont la croissance est ici spectaculaire. Métallurgie et chimie représentent environ 90 % de l'activité industrielle locale. Sur les 3 209 emplois recensés en mars 1971, 1 637 ressortissent de la métallurgie et 1 265 de la chimie, la confection employant 133 salariés et les industries alimentaires à peine 99 personnes. Outre la production d'aluminium, la métallurgie est représentée par la production des câbles électriques et par quelques petits chantiers de construction navale.

209Le caractère très spécialisé de l'industrie à Delfzijl ressort bien d'une comparaison avec la structure de répartition des emplois au niveau de la province et à l'échelle du pays. Alors l'importance relative exceptionnelle de la chimie apparaît pleinement.

Tableau no 21 - Delfzijl - Groningue - Pays-Bas : répartition des emplois en 1971 %

Activités

Delfzijl (1)

Province Groningue (2)

Pays-Bas (3)

01

1,37

3,93

4,27

03

0,96

4,71

4,79

05

39,42

10,96

9,65

06

--

5,23

3,97

07 a+b

4,14

8,58

6,06

09

--

3,31

2,75

10

--

3,31

1,64

11

51,01

34,40

41,96

14

--

9,60

2,89

15

--

3,38

7,20

17

3,08

15,85

14,76

(1) Au 31.12.1971. Bât. et TP exclus, sur 3 209 emplois
(2) Au 30.09.1971. sur 39 839 emplois
(3) Au 30.09.1971. sur 1 064 420 emplois
Source : CBS/AIS

210Cette opposition entre la forte spécialisation de Delfzijl et la plus grande diversité au niveau de la province et du pays est une autre manifestation du caractère particulier des structures industrielles des milieux portuaires. Compte tenu des avantages techniques offerts par le transport maritime, le port attire tout spécialement les industries pour lesquelles le poids des matières premières brutes utilisées est très élevé relativement au poids de leur produit final, l'attraction étant d'autant plus vive que les produits bruts sont importés par mer et que les produits finis sont exportés par la voie maritime. L'ALDEL, par exemple, correspond tout à fait à ce schéma.

211La spécificité des structures industrielles tout comme la tendance à la spécialisation, en milieu portuaire, se trouvent confirmées lorsqu'on établit un parallèle avec des centres industrialo-portuaires comparables. L'industrie de Vlissingen, en Zélande, est également dominée par la métallurgie (constructions navales et mécaniques avec la grande firme DE SCHELDE. Usine d'aluminium de PECHINEY)et par les activités chimiques (raffinerie TOTAL, usine de production de DMT de la firme HERCULES, complexe pétrochimique de HOECHST). Il n'en vas pas autrement dans la région de Terneuzen où, du fait de la présence du vapo-craqueur et du complexe pétrochimique de DOW CHEMICAL, la chimie emploie plus de la moitié des salariés de l'industrie, le secteur métallurgie employant pour sa part plus de 30 % de la main-d'oeuvre, avec l'usine de PHILIPS comme chef de file. Même dans un foyer aussi important que celui de Rotterdam on retrouve, à un degré moindre il est vrai, cette tendance à la spécialisation dans les deux mêmes secteurs : en 1970, la métallurgie emploie 43 % de la main-d'oeuvre industrielle et la chimie à peine moins du quart des effectifs (Schiedam et Vlaardingen étant exclus).

Tableau no 22 - Répartition des emplois industriels en milieu portuaire - %

Activités

Delfziil (1)

Terneuzen (2)

Rotterdam (3)

01

1,37

0,84

03

0,96

--

4,95

05

39,42

50,44

25,52

06

--

2,21

1,64

07 a+b

4,14

--

3,54

09

--

--

0,23

10

--

--

--

11

51,01

32,55

43,30

14

--

--

2,94

15

17

3,08

14,77

17,71

(1) Au 31.12.1971. Bât. et Util. Publ. exclus sur 3 209 emplois
(2) Région géo-économique no 99 Terneuzen-Sas van Gent. au 30.6.1970 sur S 679 emplois
(3) Région géo-économique no 84 Rotterdam au 30.6.1970 sur 60 457 emplois
Source : Stat. CBS/AIS.

212Les autres foyers industriels de la région du Nord ont une structure plus diversifiée et dans ceux qui sont relativement spécialisés, comme Drachten ou bien Stadskannal, c'est la métallurgie qui est l'activité dominante, en raison surtout de la présence d'un établissement de PHILIPS. La forte spécialisation dans les activités chimiques fait que Delfzijl se distingue de tous les autres centres industriels régionaux (on sait que la chimie est également importante à Emmen, mais ici il s'agit de la production des textiles synthétiques et non pas des activités chimiques de base).

2131-3) - L'industrie locale n'est pas originale seulement par sa structure, elle l'est tout autant dans son évolution relative par rapport à celle de l'ensemble de l'industrie néerlandaise. Sur la période 1955-1970, trois traits majeurs caractérisent l'évolution de l'industrie à Delfzijl : une croissance très nettement supérieure à la moyenne nationale dans la chimie et la métallurgie--une accentuation progressive de la spécialisation dans ces deux secteurs — une croissance des emplois dans le secteur stagnant des industries alimentaires et dans le secteur déclinant de la confection (mais cela ne concerne que moins de 7 % de la main-d'oeuvre locale). Les particularités de l'évolution de l'industrie de Delfzijl apparaissent sur le tableau suivant qui précise les rythmes d'évolution sectoriels sur le plan local et au niveau des Pays-Bas :

Tableau no 23 - Delfzijl et Pays-Bas : évolution sectorielle des emplois 1955-1970 - %

Activités

Delfzijl

Pays-Bas

01

- 39

- 2,5

03

- 40

+ 64,9

05

+ 9 900

+ 73,7

06

--

+ 4,7

07 a+b

+ 561

- 10,5

09

--

- 22,1

10

--

-65,9

11

+ 306

+ 32,4

14

--

+ 8,0

15

--

- 35,0

17

+ 277

+ 13,4

Source : statistiques CBS/AIS

2142) - L'industrialisation contemporaine de Delfzijl repose essentiellement sur trois facteurs : la présence du port maritime, la transformation du sel exploité dans le gisement tout proche de Winschoten, l'utilisation du gaz naturel du gisement de Slochteren.

2152-1) - Accessible aux navires de 10 000 Tdw, Delfzijl constitue le principal port maritime du Nord des Pays-Bas mais seulement le 7ème port néerlandais pour le trafic qui, en 1971, atteint 1 819 904 tonnes, dont 737 974 T aux entrées et 1 081 870 T aux sorties. Les matières premières industrielles, 254 347 T, et le bois de Scandinavie, 187 808 T, représentent les deux postes majeurs aux importations. Avec 824 732 T, le sel représente à lui seul 76 % des exportations maritimes, suivi par les produits industriels avec 196 884 T.

216C'est à partir de 1953, en prévision de l'implantation prochaine de l'usine de soude de la NED.SODA-FABRIEK, que sont mis au point les premiers plans pour l'amélioration du port de Delfzijl. Il s'agit alors d'agrandir le bassin maritime extérieur parallèle à la côte, d'aménager le bassin industriel intérieur et de modifier le gabarit technique du canal de l'Eems pour permettre la jonction à 2 000 T avec la ville de Groningen. En 1958, le port dispose de 480 ha de terrains industriels dont 80 sont déjà occupés.

217L'implantation de l'usine pétrochimique de AKU-AMOCO en 1964, le début des travaux de construction de l'usine de l'ALDEL et la décision des pouvoirs publics de porter spécialement sur Delfzijl leur effort d'amélioration des infrastructures, dans le cadre de la politique régionale définie en 1964, marquent la seconde phase d'expansion. Le bassin maritime est prolongé sur deux kilomètres, la superficie administrée par l'organisme portuaire passe à 1 420 ha et la superficie des terrains industriels disponibles passe à 885 ha. En 1969, la décision est prise d'allonger encore le bassin maritime vers l'Est et d'aménager un nouvel accès maritime au niveau de Oterdum, ceci afin d'améliorer les conditions nautiques et d'accroître la superficie des terrains industriels immédiatement accessibles à la navigation. Ces travaux seront effectivement terminés en 1973 (carte no 50).

DELFZIJL ET SA ZONE INDUSTRIALO-PORTUAIRE

DELFZIJL ET SA ZONE INDUSTRIALO-PORTUAIRE

218En 1971, Delfzijl dispose donc de 885 ha de terrains industriels. Or, les 27 autres noyaux officiels d'industrialisation de la région du Nord ne disposent alors ensemble que de 2 350 ha de terrains industriels aménagés. Ce rapport situe bien l'importance relative de Delfzijl sur le plan régional comme centre privilégié d'industrialisation. Cette importance est d'autant plus grande que sur les 885 ha disponibles, 545 ha, soit 61,5 %, peuvent être directement desservis par le transport maritime, ce qui constitue un puissant facteur d'attraction vis à vis des industries liées à l'eau profonde et au transport par mer, mais aussi bien sûr un facteur de sélection quant à la nature des industries susceptibles de s'implanter dans la zone industrialo-portuaire. En d'autres termes, Delfzijl apparaît comme étant l'un des rares centres du Nord capable d'accueillir autre chose que des activités de main-d'oeuvre en situation de crise latente, activités qui ont tendance à être rejetées hors de la zone métropolitaine de l'Ouest des Pays-Bas.

219Sur les 885 ha disponibles, 260 ha sont effectivement occupés en 1971 et 245 ha font l'objet d'une option ou constituent des espaces de réserve pour l'extension des établissements présents. L'analyse des implantations fait apparaître à Delfzijl, comme dans la majorité des ensembles industrialo-portuaires modernes, une double ségrégation spatiale. D'une part, le port et les terrains industriels se développent de plus en plus à l'écart de la ville, ce qui correspond, entre autre, à la rapide croissance de la consommation unitaire en espace par les usines actuelles. D'autre part, les terrains directement accessibles au trafic maritime sont réservés aux grandes industries de base, chimie et aluminium, tandis que les activités plus traditionnelles et plus diversifiées, dont les liaisons fonctionnelles extérieures n'impliquent pas le recours direct au bateau, sont maintenues à l'écart du port moderne, dans la zone de l'Eemskanaal ou bien au Sud du canal industriel. A l'image de bien d'autres organismes portuaires, Delfzijl offre donc une juxtaposition de deux milieux industriels distincts : l'un encore très lié à la ville, plus diversifié dans ses structures et ses activités, l'autre en relation étroite avec le port et dominé par les grands établissements et les seules industries de base (carte no 51).

2202-2) - La présence du port maritime et la disponibilité en vastes superficies industrielles ont constitué les bases infrastructurelles essentielles du développement industriel local. La proximité géographique d'importants gisements de sel est à l'origine de l'essor de Delfzijl comme centre d'industrie chimique spécialisé.

221A l'occasion de forages effectués dans le Nord pour la recherche d'hydrocarbures, un important gisement de sel est découvert en 1951 dans la région de Winschoten, en Oldambt, à une trentaine de kilomètres à peine au Sud-Est de Delfzijl. En 1954, la KONINKLIJKE NEDERLANDSCHE ZOUTINDUSTRIE (KNZ) fonde, avec d'autres entreprises chimiques, la NEDERLANDSCHE SODA-INDUSTRIE, et se met en quête d'un site pour implanter une usine de production de soude. Depuis longtemps déjà la KNZ exploite les gisements de sel de Boerkelo et Hengelo en Twente, dans l'Est de la province d'Overijssel, mais il n'est pas possible d’implanter là une usine de soude en raison, d'une part, des conditions locales de l'environnement, d'autre part, du fait que les déchets, très polluants, ne peuvent être rejetés dans le réseau hydrographique local. Delfzijl offre, par contre, un double avantage : le coke et le calcaire nécessaires à la fabrication de la soude peuvent être aisément importés tandis que le rejet des eaux industrielles polluées peut se faire loin au large dans l'embouchure de l'Eems.

222En 1957, la SODA-FABRIEK entre en production. Elle est directement reliée au gisement salifère de Winschoten par une canalisation de 28 km de long qui permet le transport de la saumure, les eaux polluées étant rejetées dans l'Eems par l'intermédiaire d'une conduite sous-marine. Cette usine a permis à Delfzijl de devenir en quelques années le premier centre néerlandais de production de sel, la production annuelle passant de 350 000 T en 1959 à 2 100 000 T en 1972. Mais surtout, la SODA-FABRIEK a constitué le point de démarrage du développement d'une industrie chimique dans laquelle dominent la soude et ses dérivés, l'amoniaque, le chlore et les produits chlorés.

DELFZIJL – IMPLATATIONS INDUSTRIELLES –sitaution 1973–

DELFZIJL – IMPLATATIONS INDUSTRIELLES –sitaution 1973–

2232-3) - Dans un précédent chapitre, nous avons déjà relevé la faiblesse des effets industriels engendrés dans la région même par la présence et l'exploitation du gisement de gaz naturel de Slochteren. Cette faible induction locale est confirmée par le fait qu'en 1970, par exemple, les trois provinces du Nord réunies n'interviennent que pour 15 % seulement dans la consommation industrielle totale du gaz naturel aux Pays-Bas, ceci en dépit du fait que les industries implantées dans le Nord bénéficient d'une réduction sensible sur le prix de ce gaz. Cependant, Delfzijl constitue à cet égard une exception, le gaz naturel ayant été le troisième pilier de l'industrialisation contemporaine.

224Dans la croissance industrielle de Delfzijl, le gaz naturel est intervenu à un double titre : d'abord comme source d'énergie pour alimenter quelques gros consommateurs, plus récemment comme matière première de l'industrie chimique.

225En tant que source d'énergie, l'influence du gaz a surtout été déterminante pour l'implantation de l'usine d'aluminium qui est un très gros consommateur d'électricité (l'usine a produit 93 000 T de métal en 1971). En 1968, la fonction énergétique du gaz s'est considérablement accrue du fait que la centrale électrique intégrée aux installations de AKZO et fournissant l'énergie aux unités de sel, de soude, de DMT et aux installations d'électrolyse, est passée du fonctionnement au fuel à la production d'énergie électrique à partir du gaz naturel (cette centrale a une puissance installée de 100 MW).

226L'intervention du gaz naturel comme matière première de l'industrie chimique est beaucoup plus tardive et ne concerne, en fait, que l'usine de production de méthanol qui démarre en 1973 avec une capacité annuelle de 330 000 T. Cette usine, créée en association par AKZO et les DSM, représente la plus importante utilisation industrielle du gaz comme matière première dans toute la région du Nord. Il ne fait guère de doute que le caractère encore très limité de la fonction matière première du gaz, tant à Delfzijl que dans le Nord, est lié à l'absence de zones de tarification pour le transport de ce gaz à partir de Slochteren, ce qui a bénéficié en priorité aux grands complexes chimiques du Rijnmond, de l'Escaut et du bassin minier du Limburg.

2273) - L'une des principales caractéristiques de l'industrialisation contemporaine des provinces du Nord est la grande faiblesse des relations inter-industrielles, tant à l'échelle de la région, entre les divers foyers d'activité, que sur le plan local, à l'intérieur même de chacun des centres de production. C'est précisément sur ce plan que Delfzijl peut apparaître comme un centre original par rapport au reste de la région car si les entreprises qui s'y sont implantées sont encore peu nombreuses, la firme AKZO y a développé un véritable complexe d'activités chimiques comportant plus de 15 unités de production entre lesquelles les échanges de produits sont multiples.

228La constitution de ce complexe chimique résulte de la mise en oeuvre d'un triple processus : une intégration structurelle au sein du groupe AKZO, un développement technique aval des filières de production, un élargissement de l'éventail des productions par incorporation de nouvelles matières premières. L'analyse chronologique permet d'en mieux comprendre le développement.

229En 1957, la fabrique de soude de la KNZ entre en production. La même année voit s'implanter une installation électrolytique de chlore-alcali, sur le même terrain. En 1959 apparaît la première usine de sel qui donne naissance, en 1961, à l'unité de production de sulfate de soude. En 1964 est créée l'usine de l'AKU-AMOCO pour la fabrication de dimethyl-térephtalate (DMT), usine implantée à l'écart des installations précédentes et sans rapports techniques immédiats avec elles. La seconde unité de production de sel apparaît en 1967 et l'unité de production de méthylamine, liée à la fabrication locale de la soude, en 1968.

230L'étape décisive est franchie en 1969. C'est en effet cette année là qu'intervient la fusion entre les firmes KNZ et AKU et la constitution du nouveau groupe chimique AKZO qui possède désormais deux complexes chimiques fondés sur le sel : ceux de la Twente et de Delfzijl (l'AKZO possède également un important complexe pétrochimique à Rotterdam-Botlek).

231La fusion accélère le développement des activités chimiques locales. Dés 1969 apparaît la seconde unité d'électrolyse ainsi que la deuxième unité de production de soude. La filière est complétée en 1970 par la création de l'unité de production des carbures et des produits chlorés divers et en 1972 par la création de la troisième unité de fabrication du sel (il s'agit surtout à Delfzijl de la production de sel industriel et de sel destiné aux travaux publics, alors que dans la Twente on produit aussi du sel de table). En 1972, la production de sel est de 2 100 000 T, celle de chlore de 180 000 T et celle de sulfate de soude de 24 000 T. Le sel, la soude et la soude caustique, l'amoniaque et l'acide chlorhydrique, le chlore et les produits chlorés (chlorure de mono et polyvinyle, tétrachlorure de carbone, perchlorure d'éthylène...) constituent les principaux produits issus de la filière chimique du sel.

232La mise en route, en 1973, de l'usine de production de méthanol ne représente pas seulement un enrichissement de la palette des productions chimiques locales, elle permet aussi de diversifier les produits issus de la filière technique du sel. Ainsi, outre la liaison avec la fabrication du DMT, la production de méthanol permet l'essor de produits tels que les chlorures de méthyle et de méthylène ou bien les mono-di et triméthylamines (figure no 51).

Fig no 51 – LE COMPLEXE CHIMIQUE AKZO-DELFZIJL

Fig no 51 – LE COMPLEXE CHIMIQUE AKZO-DELFZIJL

Sources : AKZO et D Mittman 1974

  • 38 Handelsblatt du 9.4.1973.

233Il est possible que le complexe AKZO se renforce encore. En effet, pour pouvoir satisfaire la croissance rapide de la demande en chlorure de vinyle de son centre de Rotterdam-Botlek, le groupe envisage d'implanter à Delfzijl une unité de production de chlorure de vinyle d'une capacité annuelle de 300 000 T, ce qui implique la création d'une installation d'électrolyse nouvelle qui permettrait de fournir 200 000 T supplémentaires de chlore par an38.

234La présence de ce complexe chimique et la dépendance vis à vis d'une seule grande firme constituent bien les faits dominants de la vie industrielle locale. En 1973, toutes les unités de production implantées sur la zone industrialo-portuaire relèvent du groupe AKZO, à l'exception de l'usine d'aluminium de l'ALDEL et d'une unité pétrochimique créée par la firme américaine UPJOHN-POLYMER, en 1973, pour la production d'isocyanate (avec une capacité de production annuelle de 44 500 T).

2354) - En dépit de son importance relative sur le plan régional, l'industrie de Delfzijl n'est pas encore à la mesure de ce qui était escompté par les pouvoirs publics régionaux et nationaux. L'absence de développement industriel notable en dehors du groupe AKZO est un fait très remarquable. Tout se passe en fait comme si Delfzijl était un centre industriel "bloqué" vivant de la seule expansion interne.

236Pourtant, les projets d'implantation n'ont pas manqué au cours des dernières années. Des entreprises comme PECHINEY, KORFF, DOW CHEMICAL, MONSANTO et même SHELL ont envisagé de créer des unités de production sur la zone industrialo-portuaire. Mais, finalement, PECHINEY a créé son usine d'aluminium à Vlissingen, la SHELL a construit son vapo-craqueur au Moerdijk au Sud de Dordrecht, DOW CHEMICAL a préféré s'installer à Stade en aval de Hamburg et MONSANTO a choisi le petit centre de Lingen en Basse-Saxe pour son usine d'acrilan. Comment expliquer un tel manque d'attractivité ?.

  • 39 On annonce cependant en 1973 que, précisément sur la base du bas prix de l'énergie, la firme allem (...)

2374-1) - En premier lieu, il faut sans doute invoquer l'éloignement relatif de Delfzijl, la faible capacité portuaire, l'absence de bonnes infrastructures de transport pour les liaisons intérieures (exception faite du canal de l'Eems) et la faiblesse de la production industrielle régionale. Il est clair que ces inconvénients multiples ne sont pas compensés, dans l'optique des entreprises, par les aides publiques et par les rares avantages concédés aux industries locales sur le plan énergétique39.

238Du point de vue technique, il existe par ailleurs un argument plus sérieux. Le Nord-Ouest européen, du delta scaldéo-rhénan à la Ruhr et à la vallée du Rhin en passant par le Limburg, est irrigué par un triple réseau d'oléoducs de pétrole brut, d'oléoducs de produits pétroliers et de conduites acheminant l'éthylène. Or, aucune canalisation ne relie Delfzijl à ces réseaux, ce qui signifie que le port du Groningue se trouve "techniquement à l'écart" et que ses possibilités de voir croître la pétrochimie dans de notables proportions sont nécessairement limitées. Pourtant, la demande locale en éthylène est déjà de l'ordre de 150 000-200 000 T/an et devrait croître assez vite ce qui justifierait la mise en place d'une conduite desservant la zone de Delfzijl (ou bien une amélioration des capacités du port afin de rendre plus efficace une importation par la voie maritime).

2394-2) - Le simple fait de poser la question de l'attractivité de Delfzijl conduit à en estimer la situation relative par rapport aux autres centres industrialo-portuaires du pays. Il apparaît alors clairement que Delfzijl est en situation d'infériorité permanente vis à vis de l'espace scaldéo-rhénan où s'est développé le plus grand complexe pétrochimique et chimique d'Europe occidentale, un complexe portuaire et industriel qui rend toute localisation extérieure fort peu compétitive si n'intervient pas une vigoureuse politique de soutien de la part des pouvoirs publics.

  • 40 On ne tient compte ici que des raffineries liées aux activités pétrochimiques.

240Dans l'espace régional jalonné par le Rijnmond-MoerdijkAnvers-Terneuzen et Vlissingen s'est développé un supercomplexe industriel appuyé sur 6 raffineries de pétrole40 (SHELL, ESSO et GULF OIL à Rotterdam--ESSO et SIBP à AnversTOTAL à Vlissingen), 5 vapo-craqueurs (SHELL et GULF OIL à Rotterdam--SHELL Moerdijk--PETROCHIM à Anvers--DOW CHEMICAI à Terneuzen) et 9 complexes pétrochimiques diversifiés (SHELL, AKZO et ICI à Rotterdam--SHELL Moerdijk--PETROCHIM, BASF et BAYER à Anvers--DOW CHEMICAL à Terneuzen--HOECHST à Vlissingen). En plus de ces unités majeures, et directement liés à elles par des flux de produits, on ne trouve pas moins de 50 établissements pétrochimiques divers, dont 27 à Rotterdam, 17 à Anvers, 3 à Terneuzen et 3 à Vlissingen.

  • 41 E.WEWER. Seaports and physical planing in the Nederlands. TESG. 1974. no 1. pp. 4.12.

241Ces activités multiples ne sont pas simplement juxtaposées sur un espace régional restreint, elles sont aussi, et surtout, connectées entre elles par des canalisations de pétrole brut, de chlore, d'oxygène, de nitrogène et d'éthylène, à quoi s'ajoutent de très nombreux échanges de produit à l'échelle régionale. Pour ne prendre qu'un exemple : DOW CHEMICAL à Terneuzen reçoit des produits de TOTAL-Vlissingen et de SOLVAY-Anvers tout en fournissant des produits chimiques divers à HERCULES et HOECHST-Vlissingen, à DOW CHEMICAL ICI-SHELL-Rotterdam, à SHELL-Moerdijk ainsi qu'à PETROCHIMAnvers41.

  • 42 P· BRABER. De chemische industrie in verband met maatschappelijke aspekten Chemisch Weekblad. 1968 (...)

242Bien entendu, une telle densité d'activités, à la fois dans chaqun des cinq centres et à l'échelle de l'espace régional tout entier, se traduit par une puissance d'attraction majeure vis à vis de toutes les industries pétrochimiques et plus encore par un avantage considérable sur le plan des économies d'agglomération, économies que Delfzijl n'est évidemment pas encore en mesure d'offrir aux entreprises à un niveau comparable. Selon BRABER42, la réalisation à Delfzijl d'un grand complexe chimique correspondant à un investissement de 1 milliard de florins sur 10 ans coûterait 100 à 200 millions de florins de plus par rapport à la zone du delta sur une période de 25 ans.

243La diffusion spatiale des activités industrielles de base dans l'espace scaldéo-rhénan ainsi que la présence de puissants équipements portuaires en Rijnmond et sur l'Escaut font que, pour de nombreux établissements, les localisations sont interchangeables à l'intérieur de la région. L'espace Rijnmond-Escaut constitue, en particulier pour les industries pétrochimiques, une véritable aire d'indifférence des localisations.

  • 43 Rapport van de Commissie Zeehavenoverleg. 1er complément mai 1974. annexe 4.

2444-3) - Pour bien comprendre la situation relative de Delfzijl, il faut, enfin, faire intervenir un autre élément, de portée considérable : la région du delta possède encore des terrains industrialo-portuaires disponibles pour l'accueil de nouvelles industries. Au 31 décembre 1972, 45 ha sont immédiatement disponibles à Rotterdam, 75 ha à Dordrecht, 710 ha au Moerdijk, 182 ha à Bergen op Zoom, 495 ha à Vlissingen, 230 ha à Terneuzen43. A cela, il faut bien entendu ajouter non seulement les terrains encore disponibles dans la zone portuaire d'Anvers, à l'Est du grand canal et sur la rive gauche de l'Escaut, mais aussi les 1 330 ha qui sont encore libres de toute option dans la zone du Canal de la Mer du Nord (dont 1 268 ha dans la seule zone portuaire d'Amsterdam).

245Par ailleurs, les programmes en cours de réalisation et les projets à l'étude aboutissent à une large extension des terrains industrialo-portuaires de la région pour les années futures : plus de 2 000 ha supplémentaires dans le Rijnmond (dont 970 à la Maasvlakte et le reste au Hoekse-Waard), environ 90 ha au Moerdijk, de 3 460 à 3 860 ha dans l'Escaut oriental (3 200-3 600 ha pour le projet du Reimerswaal et 260 ha à Bergen op Zoom), environ 1 700 ha sur la rive Nord de l'Escaut occidental (extension de Vlissingen-Est et plan de Borsele-Est), 2 300 ha sur la rive Sud de l'Escaut occidental (extensions de Terneuzen et de la zone du canal et plan de Ossenisse), 1 350 ha (1ère phase) puis 3 500 ha (2ème phase) à Anvers avec le projet d'aménagement de la rive gauche de l'Escaut (projet lié à la réalisation du canal de Baalhoek).

246La conséquence de ces disponibilités est évidente : Delfzijl ne constitue en aucune manière, comme le prévoyaient plus ou moins les pouvoirs publics, une "alternative obligée" pour la localisation des industries liées au transport maritime et à l'activité portuaire et fortes consommatrices d'espace.

2474-4) - Delfzijl a donc encore des terrains à offrir et les travaux sont en cours pour l'amélioration des accès nautiques afin de permettre la réception de navires de 25 000 Tdw. Compte tenu de ce qui précède, il est clair que les perspectives ne sont guère brillantes, d'autant plus que, à l'image de plusieurs grands groupes chimiques, la firme AKZO connaît pas mal de difficultés depuis quelques années. Cependant, les perspectives ne dépendent plus seulement des conditions locales, elles sont également liées au développement du nouvel ensemble portuaire de Eemshaven.

248C'est en 1964 que le service de planification provinciale du Groningue publie un premier projet de création d'un nouvel ensemble industrialo-portuaire à l'embouchure de l'Eems, à une quinzaine de kilomètres au Nord de Delfzijl, à proximité des villages de Bierum et Uithuizen. Le site choisi correspond à la présence, prés des côtes basses, de chenaux profonds permettant le passage permanent de navires ayant un tirant d'eau de 11 mètres, soit un port en lourd de 40 000 T. Le plan prévoit la création d'un espace portuaire et industriel de 500 ha dans une première phase et de 1 500 ha dans une phase ultérieure.

249En 1966, dans le cadre de la 2ème Note sur l'aménagement du territoire aux Pays-Bas, puis en 1968, dans le Plan de développement pour la région du Nord, le projet Eemshaven est repris et promu au rang de principal aménagement d'infrastructure devant être réalisé dans les provinces septentrionales. L'objectif visé est double : assurer une bonne desser te maritime des provinces du Nord (où l'industrialisation escomptée devrait faire naître des trafics) et créer un espace spécialisé pour l'implantation des grandes industries de base métallurgiques ou chimiques. L'ensemble doit couvrir une superficie de 800 ha dans une première phase et le port doit accueillir des navires de 40 000 Tdw. A terme, la superficie globale brute doit être portée à 2 400 ha et le port aménagé pour la réception de navires de 80 000Tdw, soit la capacité de ports tels que Emden ou Bremerhaven (carte no 52).

250La première phase des travaux a commencé en 1970 et s'est achevée en 1973, date à laquelle Eemshaven couvre 800 ha et offre environ 668 ha de terrains industriels directement liés au port. La création d'un tel équipement a suscité bien des espérances dans le Nord. On envisageait rien moins que l'apparition d'un nouveau grand pôle d'industries de base capable d'offrir à terme de 4 à 5 000 emplois !. La réalité est évidemment toute autre. La sidérurgie, le raffinage du pétrole et les chantiers de construction navale dont l'implantation était envisagée ne sont pas venus, pas plus que les activités pétrochimiques dont la création semblait probable en raison même de la proximité des installations du groupe AKZO. En fait de réalisations concrètes, on ne compte encore qu'une centrale électrique d'une puissance de 600 MW fonctionnant au gaz naturel (l'Eemscentrale, création commune des compagnies d'électricité de Drenthe et de Groningue) et un terminal portuaire de roll-on/roll-off destiné à l'amélioration des trafics avec les pays Scandinaves. Il n'est plus guère question de la création d'un complexe chimique par les DSM (Société des Mines d'Etat) et la mise en place d'une installation de liquéfaction du gaz est toujours à l'état de projet.

251Ce maigre bilan s'explique aisément. Eemshaven a été conçu dans la première partie des années Soixante, c'est-à-dire en pleine période de forte croissance économique, à une époque où tout laissait penser que le dynamisme de la croissance se traduirait par une forte augmentation des besoins en espaces industrialo-portuaires aux Pays-Bas et par une rapide saturation des sites disponibles dans l'Ouest et le Sud-Ouest du pays. La crise économique de la fin des années Soixante, le ralentissement général de la croissance et le freinage de l'industrialisation ont totalement modifié les données du problème et fortement réduit l'intérêt de ce nouvel équipement. Par ailleurs, toutes les faiblesses de la position relative de Delfzijl s'appliquent avec plus de force encore à Eemshaven dont les liaisons continentales sont tout à fait insuffisantes : une seule voie ferrée, des routes secondaires bien trop étroites, pas de canal de jonction avec l'Eemskanaal et aucune connection avec le réseau européen des canalisations industrielles. De plus, il est probable que l'existence de terrains encore disponibles à Delfzijl a réduit d'autant l'attractivité de Eemshaven dont les meilleures possibilités nautiques n'ont pas constitué un facteur suffisant pour provoquer des transferts d'activités.

EEMSHAVEN –situation 1971–

EEMSHAVEN –situation 1971–

252Eemshaven est sans nul doute venu trop tôt et ne peut, sauf peut-être pour l'implantation de quelques industries très polluantes, concourir avec l'Ijmond, le Rijnmond ou l'Escaut Quant à l'économie régionale des provinces du Nord, elle ne peut en assurer seule le développement et la rentabilisation Il est évident qu'en ce qui concerne Delfzijl et Eemshaven, un véritable pari a été fait sur le développement de la maritimisation des industries de base. Il est non moins évident que la création d'équipements en milieu géographique isolé ne suffit pas pour attirer ce type d'activités pour lesquelles les relations inter-industrielles et les économies d'agglomération constituent un facteur de localisation fondamental.

Notes

1 Dans le Sud-Est de la province de Groningue, de nombreuses tourbières des régions de Veendam, Stadskanaal puis 1er Apel ont été mises en exploitation par les soins de la ville de Groningen au cours du XIXème siècle. Cf. : Handboek der Geografie van Nederland. Vol. 5 - Zwolle 1955.

2 “Emmen”. Brochure publiée par la municipalité en 1969.

3 J. VISSCHER. Drenthe. in Handboek der Geografie van Nederland. Vol. 5. pp. 270-272.

4 A. FISCHER. Philips et Eindhoven : un exemple de relation entre croissance industrielle et croissance urbaine. Analyse de l'Espace. No 2. 1975. pp. 1-20.

5 J. VISSCHER. op.cit. p. 274.

6 A. FISCHER, art.cit. et ci-dessous, étude du cas de Drachten.

7 N.E.I. Industriële zones in Nederland. Rotterdam. 1963. Ronéo.

8 N.E.I. Sociaal-economische onderzoekingen ten behoeve van het structuurplan Emmen. Rotterdam. 1966. Ronéo, pp. 28 et suivantes

9 J. BUURSINK. Karte van de empirische verzorgingsrayons en de hiérarchie van régionale centra in R.P.D. Jaaverslag 1971. p. 76.

10 A. FISCHER, art. cit. et P. J. BOUMAN. Anton Philips : de mensde ondernemer. Eindhoven 1966.

11 A. GLEBBEEK-H.V. LUYK. Emmen en het beleid. Zone. 1976. no 3. pp. 83-109.

12 Le phénomène de domination a maintes fois été relevé par les géographes, par exemple dans les cas de Sochaux (Peugeot), Turin (Fiat), Ludwigshafen (BASF) ou Clermont-Ferrand (Michelin). Cependant, il ne semble pas avoir donné lieu à des essais de mesure précise. A partir de quel moment peut-on dire qu'une ville est "dominée" par un établissement ou une entreprise ?. Ce n'est certes pas seulement une question d'effectifs employés. La stratégie de la firme, son influence sur la ville même et sur les autres entreprises doivent constituer des éléments décisifs. La notion de "seuil de domination" reste encore à préciser.

13 Le rapport du N.E.I. de 1966 (op. cit. pages 24 et suivantes) fait état d'un projet d'implantation de PHILIPS à Emmen ou dans la commune, projet souvent évoqué par la population locale ayant répondu aux enquêtes des chercheurs de Rotterdam. A Eindhoven même, nous n'avons retrouvé aucune trace d'un tel projet ?.

14 Compte tenu de la politique habituellement pratiquée en la matière par PHILIPS, nous pensons plutôt que la seule présence de ENKALON à Emmen était en soi suffisante pour en détourner l'entreprise de Eindhoven. Ou bien il s'agissait d'une unité de fabrication employant de gros effectifs de mainci'oeuvre et ENKALON représentait alors un dangereux concurrent sur le marché local ; ou bien il était question d'une unité comportant des services administratifs et commerciaux étoffés, auquel cas Emmen n'était pas apte à fournir le personnel nécessaire et les services annexes. Drachten, Hoogeveen et Stadskanaal ont fourni la réponse au premier cas ; Groningen a permis de trouver la solution au second.

15 En septembre 1973, les services techniques de la municipalité estiment qu'environ 70 % de la population locale vivent avec un revenu égal au niveau moyen des salaires industriels locaux.

16 Vers 1880, le transfert de la fabrication des produits laitiers de la ferme à l'usine (souvent coopérative) avait déjà provoqué une surcharge relative de main-d'oeuvre dans les campagnes de la région des WOUDEN.

17 En 1960, le revenu moyen par habitant est de 2 410 florins aux Pays-Bas, 2 023 pour la province de Frise et 1 837 dans la région des WOUDEN. En 1965, les valeurs respectives sont de 3 869, 3 229 et 3 072. Les écarts au détriment de la région de Drachten se sont donc maintenus. Cf. : CBS. Inkommensverdeling 1960-1965. La Haye. 1967.

18 Cf. : Tweede Nota Ruimetelijke Ordening. La Haye. 1966 ainsi que les premières publications de Derde Nota Ruimtelijke Ordening. La Haye. 1973-1976.

19 J. MALEZIEUX. Une "nouvelle ville" aux Pays-Bas : Heerhugowaard. in A.G. no 454. Nov-Déc. 1973. p. 720-731.

20 Cf. : Ministère des Affaires Economiques. Projet de Loi de Budget 1972. Mémoire explicatif. Document no 12 000. annexe VIII-4.

21 R.J. BRANDSMA. De amsterdamse confectie industrie. Institut de Géographie d'Amsterdam. Mémoire ronéotypé. 1970. carte page 50.

22 R. ENGELSDORP GASTELAARS-C. CORTIE. Migration from Amsterdam. TESG. 1973. no 4. L'agglomération d'Amsterdam envisagée ici comprend le Zaanstreek, le Haarlemermeer et les cinq communes limitrophes au Sud de la ville.

23 Le premier grand moulin à scier est dû à un habitant de Uitgeest ; le premier moulin-huilerie est construit par un flamand et c'est un allemand qui est à l'origine de la tannerie locale.

24 En 1648, selon SCHUILING, le seul centre de Wormer compte prés de 100 biscuiteries. Cf. : Nederland Handboek der Aardrijkskunde 1934-1936.

25 Cf. : G.A. HOEKVELD-P.A. SCHAT. Geografische verkenning no 4. Egypte-DDR-Nederland.

26 De toutes les grandes villes néerlandaises, Eindhoven est celle dont le secteur tertiaire est le moins développé jusque vers la fin des années Soixante. Fin 1970, le tertiaire de Eindhoven n'emploie encore que 38,3 % des actifs locaux, le taux le plus faible de toutes les villes de plus de 150 000 habitants, contre une moyenne nationale de 52 %.

27 Dans le tableau qui suit, il s'agit du grand Amsterdam. Toute la partie Sud de l'agglomaration connaît une croissance continue du nombre des emplois industriels, en particulier dans les zones proches de l'aérodrome international de Schiphol.

28 Sociografisch Bureau Zaanstreek. Bedrijvigheid en Werkgelegenheid in de Zaanstreek - Zaandeam. 1971.

29 Il s'agit, ici, surtout de la fabrication du linoléum et des revêtements de sol à Kromenie.

30 Pour 1960 : 11 branches de la classification AIS. Pour 1975 : 12 branches de la classification SBI. Pour la méthode de calcul des pourcentages cumulés cf. : E.C. CONKLING. South Wales : a case study of industrial diversification. Economie Geography. 1963. no 39. pp. 258-272.

31 HOEKVELD-SCHAT. op. cit. p. 197.

32 ETI Noord-Holland. Industrie adressboek van Noord-Holland. Haarlem. 1974.

33 Y compris l'artisanat. Source : SBZ 1971.

34 Les données correspondantes ne peuvent être établies pour les migrants-sortants. On ignore combien d'entre eux travaillent dans l'industrie hors du Zaanstreek.

35 CBS. 14ème Recensement Général de la Population. Annexe Habitat. 28.02.1971. Série S. Sondage au 1/10ème. La Haye. 1975.

36 L'agglomération d'Amsterdam envisagée ici comprend les communes d'Amsterdam-Amstel-veen-Ouder Amstel-Diemen et Landsmeer.

37 CBS. Régionale Economische Indicatoren 1970.

38 Handelsblatt du 9.4.1973.

39 On annonce cependant en 1973 que, précisément sur la base du bas prix de l'énergie, la firme allemande ELEKTROSCHMELZWERK KEMPTEN Gmbh a l'intention de créer à Delfzijl une usine pour la production de carbure de silicium. Cf. : Handelsblatt du 26.3.1973.

40 On ne tient compte ici que des raffineries liées aux activités pétrochimiques.

41 E.WEWER. Seaports and physical planing in the Nederlands. TESG. 1974. no 1. pp. 4.12.

42 P· BRABER. De chemische industrie in verband met maatschappelijke aspekten Chemisch Weekblad. 1968. no 39. pp. 35-48.

43 Rapport van de Commissie Zeehavenoverleg. 1er complément mai 1974. annexe 4.

Notes de fin

1 Entreprises AIS.Bât. et Util. Publ. exclus.

2 Emplois AIS. Bât. et Util. Publ. exclus

3 Emplois AIS. Bât. et Util. Publ. exclus

4 Emplois AIS. Bât. et Util. Publ. exclus

5 Emplois AIS. Bât. et Util. Publ. exclus

6 Pour les entreprises AIS. Bât. Util. Publ. et Ind. extractives exclus.

Table des illustrations

Titre LA COMMUNE DE EMMEN VERS 1845
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Titre LA COMMUNE DE EMMEN VERS 1910
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Titre EMMEN VERS 1945
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Titre Tableau no 2 - Situation des industries au 31.12.1950
Légende (1) Entreprises AIS. Bât. exclu.Source : Municipalité de Emmen
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Titre Tableau no 4 - Ventilation des emplois par catégories de taille des établissements %
Légende (1) Situation au 31 décembre.Source : Municipalité de Emmen
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Titre Tableau no 5 - Situation des industries au 31.12.1970
Légende Source : Municipalité Emmen.
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Titre EMMEN VERS 1969
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Titre Fig no 47 - EVOLUTION DU CHOMAGE MASCULIN A EMMEN
Légende Source DBA Assen
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Titre EMMEN -SCHEMA POUR L’AN 2000-
Légende Source : Municipalité de Emmen
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Titre COMMUNE DE EMMEN -Evolution de l’Industrialisation-
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Titre COMMUNE DE EMMEN -Bilan de l’industrialisation-
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Titre Tableau no 9 - Etablissements et Emplois à Drachten en 1971
Légende (1) Toutes entreprisesSource : Municipalité de Drachten.
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Titre HOLLANDE SEPTENTRIONALE - population municipale au 1/1/1974
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Titre Tableau no 11 - Evolution de l'industrie dans les quatre noyaux de la Hollande septentrionale1
Légende (2) Etablissements implantés entre 1952 et 1971 et toujours en activité en 1971.Source : ETI Noord-Holland.
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Titre LES IMPLANTATIONS DANS LES NOOYAUX DE HOLLANDE SEPTENTRIONALE 1952-1971
Légende Source ETI Noord Holland
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Titre HOLLANDE SEPTENTRIONALE - les emplois industriels au 30/9/1975 (par circonscriptions d’emploi)
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Titre LE ZAANSTREEK -SITUATION GENERALE-
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Titre LE ZAANSTREEK
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Titre Fig no  48 - EMPLOIS INDUSTRIELS : Evolutions comparées
Légende Source : Stat. CBS/AIS
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Titre Fig no 49 - ZAANSTREEK ET PAYS-BAS 1960
Légende Source : Stat CBS/AIS
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Titre Fig no 50 - ZAANSTREEK ET PAYS-BAS 1975
Légende Source : Stat CBS/SAI
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Titre LE ZAANSTREEK – COMMANDEMENT ET DEPENDANCE – situation 1973 –
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Titre LE ZAANSTREEK DANS LA ZONE METROPOLITAINE NORD
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Titre ZAANSTREEK - principaux echanges migratoires exterieurs quotidiens - 1971
Légende Source ; CBS. 14 ° Vokstelling. Annex Wonintellig – sondage au 1/10 ° - 1971 -
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Titre REGION DU NORD – PRINCIPAUX CENTRES D’EMPLOIS INDUSTRIELS – 1971 –
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Titre DELFZIJL ET SA ZONE INDUSTRIALO-PORTUAIRE
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Titre DELFZIJL – IMPLATATIONS INDUSTRIELLES –sitaution 1973–
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Titre Fig no 51 – LE COMPLEXE CHIMIQUE AKZO-DELFZIJL
Légende Sources : AKZO et D Mittman 1974
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Titre EEMSHAVEN –situation 1971–
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