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Développement des villes moyennes. Chartres, Dreux, Evreux

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Michel Michel

Troisième partie. L’encadrement des hommes et l'organisation de l'espace urbain

Chapitre 1. Travail et logement

Texte intégral

1Travailler et habiter restent les deux occupations principales de l'homme. Elles sont aujourd'hui, presque toujours, spatialement dissociées. Mais, c'est toujours en agissant sur ce binôme essentiel que l'on peut remodeler les structures et le système urbain.

2L'adaptation de l'espace urbain à la croissance commence par le choix des espaces d'urbanisation. Trouver les emplacements nouveaux au sein desquels puissent s'effectuer l'essentiel des activités économiques et sociales des nouvelles populations, choisir ces espaces de façon à ce qu'ils permettent le fonctionnement le plus efficace et le plus rationnel de l'organisme urbain, tels sont les premiers problèmes que doit maîtriser la croissance. Vallée ou plateau, centre ou périphérie, ville-centre ou communes suburbaines, urbanisation concentrée ou disséminée ? Ces diverses possibilités existent et les choix à faire sont nombreux. Or, ce sont les mêmes solutions qui ont été retenues dans les trois agglomérations, ce qui démontre, s'il en est encore besoin, que les transformations survenues dans les villes s'intègrent dans un mouvement plus général, dont il faudra essayer de démêler les justifications.

3Si les groupements récents d'habitation constituent l'aspect le plus voyant et le plus commenté, car le plus ressenti, de l'urbanisation contemporaine, leur localisation ne peut être séparée de celle - à bien des égards décisive - des espaces réservés aux activités nouvelles. Le fonctionnement du nouvel organisme urbain procède des interférences des uns et des autres.

LA NOUVELLE ORGANISATION SPATIALE DU TRAVAIL

4Bien qu'elle ne soit que l'une des structures d'accueil susceptibles d'induire le développement (infrastructures, équipements, services...), la zone d'activités constitue l'élément le plus important et le plus neuf de la nouvelle organisation du travail.

5Sa création s'inscrit dans un processus de zonage, processus d'affectation et de réservation à des usages et à des fonctions spécifiques de parties de l'espace distinctes les unes des autres et qui, à l'origine, s'applique essentiellement aux activités industrielles. L'interprétation de ses objectifs, de sa localisation et de ses effets exige qu'on adopte successivement une perspective économique et une perspective spatiale et qu'on place successivement l'analyse au moins à deux échelles (locale et générale).

6Concrètement, on peut définir la zone industrielle comme "un ensemble de terrains qui, délimités de façon éventuellement extensive, dans le cadre d'une politique d'aménagement volontariste (zone programmée), sont regroupés par le maître d'ouvrage et, de préférence, préalablement équipés pour faciliter l'installation, le fonctionnement et le développement d'établissements à caractère essentiellement industriel" (Moatti-1968 - p. 1297).

7En tant que structure d'accueil, la zone industrielle jette les bases d'un processus d'industrialisation et se fait l'instrument de la croissance économique - plus spécialement industrielle - à la fois sur un plan national et sur un plan local. Conçue comme un potentiel dans lequel un éventuel investisseur peut puiser et trouver, sur le champ, une possibilité concrète d'installation rapide, la zone industrielle simplifie les recherches et favorise les implantations des entrepreneurs. Dans les agglomérations de Chartres, Dreux et Evreux, elle n'est pas - ou n'est que très accessoirement - destinée aux industriels déjà présents dans l'agglomération. Elle contribue, d'abord, à renforcer l'attractivité des agglomérations à l'égard des investisseurs extérieurs.

8Il faut pourtant aller plus loin. L'existence d'une telle zone dans une agglomération rattache celle-ci au groupe des agglomérations françaises qui disposent de cet atout et qui affirment ainsi et leur choix d'un certain type de développement industriel (la zone industrielle étant restrictive quant aux formes possibles de ce développement, notamment quant à la taille des établissements et à la nature des activités) et leur volonté de participation au système industriel français. Dans ces conditions, la localisation de la zone industrielle doit permettre des meilleures relations possibles avec les autres éléments du système industriel et, notamment, avec l'élément central : ici, l'agglomération parisienne.

9En tant que facteur de rationalisation, la zone industrielle intervient, également, au plan économique et au plan spatial. La concentration du développement industriel sur un espace limité répond d'abord à une préoccupation économique puisqu'elle trouve, en principe, son origine dans un souci d'optimalisation des investissements collectifs. Mais, elle fait, surtout, de la zone industrielle un agent de structuration spatiale. D'abord, parce que la naissance de la zone correspond à une mise en ordre de l'espace urbain, mais aussi parce que, pôle de l'activité urbaine, la zone industrielle devient l'un des nœuds du fonctionnement de l'agglomération. Dans ces conditions, la situation de la zone industrielle se définit, aussi, à l'échelle de l'agglomération, dans ses relations avec les autres éléments du système urbain.

LA SITUATION DES ZONES INDUSTRIELLES

10La situation des zones industrielles résulte d'un compromis entre des préoccupations de voisinage et des préoccupations d'accessibilité. Elle doit être envisagée d'un double point de vue et à une double échelle : par rapport à l'agglomération d'où vient l'essentiel de leur main-d’œuvre, d'une part, par rapport à l'extérieur avec lequel elles entretiennent l'essentiel de leurs relations techniques et financières (réception - expédition de produits et d'ordres notamment), d'autre part. Chacun de ces facteurs comporte des implications spatiales, inégalement contraignantes.

11Pour ce qui concerne la situation des zones d'activités dans les agglomérations, Chartres, Dreux et Evreux ont suivi - à quelques nuances ou à quelques adaptations près - des solutions globalement adoptées dans l'ensemble des agglomérations françaises et qui sont d'ailleurs valables aussi bien pour les zones d'activités que pour les zones d'habitation (la justification de la situation des unes ne peut être séparée, de ce fait, de la justification de la situation des autres ; elle sera donc reprise plus loin dans l'exposé).

FIG 089. ESPACES DE TRAVAIL, DANS L'AGGLOMERATION CHARTRAINE.

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FIG 090. ESPACES DE TRAVAIL, DANS L'AGGLOMERATION DROUAISE.

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Même légende que Fig. 089

FIG 091. ESPACES DE TRAVAIL, DANS L'AGGLOMERATION EBROICIENNE.

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Même légende que Fig. 089

12La situation périphérique des zones industrielles - générale - ne s'agrémente que de quelques nuances quant à la répartition entre ville-centre et communes suburbaines. A Evreux, la suprématie de la ville-centre se marque avec le maximum de force : plus de huit établissements sur dix se situent dans la ville-centre. A Chartres, au contraire, les communes suburbaines - du moins certaines d'entre elles - ont créé des zones d'activités importantes (Lucé surtout, mais aussi Mainvilliers et Luisant).

13Les agglomérations respectent également, le plus souvent, la règle de la localisation des zones industrielles sur le plateau, mais lui font cependant quelques entorses. Ainsi, dans l'agglomération d'Evreux, l'une des trois principales localisations industrielles occupe la partie avale de la vallée de l'Iton, sur le territoire de la commune de Gravigny. Elle prolonge, en suivant la direction de Rouen, les anciennes implantations du Faubourg Saint-Léger. De même, dans l'agglomération de Dreux, plusieurs établissements isolés ont choisi, entre les deux guerres ou immédiatement après la Seconde Guerre mondiale, la partie avale de la vallée de la Biaise pour s'installer. On peut voir une confirmation de cette tendance dans le choix du site de l'établissement initial de La Radiotechnique et dans la fixation ultérieure de la zone industrielle des Châtelets. Par contre, les zones no 1 et no 2 d'Evreux, les zones de Vernouillet et de Dreux-nord et toutes les zones industrielles de l'agglomération de Chartres respectent le principe de la localisation de plateau.

14Si l'on cherche à comprendre la localisation des zones d'activités dans les agglomérations, il convient de distinguer ce qui est : situation de ces zones par rapport à l'espace urbain pré-existant, de ce qui est : situation des zones industrielles nouvelles par rapport aux zones d'habitat nouvelles. Les positions relatives de la zone d'activités et du centre-ville présentent un certain intérêt dans la mesure où le centre-ville joue, à la fois, le rôle d'un pôle de concentration d'équipements et de services dont les établissements peuvent avoir besoin et de noeud de circulation à partir duquel il est possible d'atteindre toutes les parties de l'agglomération et toutes les destinations extérieures. La situation de la zone le long d'une radiale importante divergeant du centre peut donc être jugée avantageuse. Toutefois, ces considérations pèsent peu en comparaison de la volonté d'association de la zone industrielle et de la zone d'habitat qui constitue-elle - une véritable servitude (cf. infra).

15Pour ce qui concerne la situation des zones d'activités par rapport à l'environnement extérieur, la prépondérance - sinon l'exclusivité - de l'initiative parisienne conduit à accorder l'attention principale aux relations avec Paris. Les développements industriels récents naissant de flux parisiens et, ces flux se concrétisant essentiellement par l'intermédiaire de la circulation routière, les zones industrielles apparaissent comme des bourgeonnements provoqués par la frappe des flux parisiens sur l'organisme urbain traditionnel (Fig. 092). La localisation périphérique trouve ainsi une nouvelle justification, avec un avantage pour les périphéries orientales, directement soumises au bombardement parisien.

16La façon dont la circulation routière s'organise, par rapport à l'organisme urbain, détermine la localisation des zones d'activités. Dans un premier temps, lorsque la route de Paris pénètre dans la ville, les implantations industrielles ont tendance à se faire dans les faubourgs orientaux (cas de La Radiotechnique à Evreux, d'A.C.T.I.M.E. à Dreux...). Mais, les zones industrielles véritables ne naissent qu'avec la construction des rocades ou autres boulevards périphériques, dont on remarquera qu'ils sont toujours construits à partir de l'entrée dans l'agglomération de la route de Paris. Dès lors, la localisation des zones d'activités se calque sur la façon dont la voie de dérivation des circulations évite la ville. La circulation routière générale contourne les agglomérations de Chartres et d'Evreux par le sud : les principales zones d'activités se trouvent au sud des agglomérations. La circulation routière générale contourne l'agglomération de Dreux par le nord : les développements industriels ultérieurs se font au nord de l'agglomération.

17Ces principes généraux étant posés, on peut, plus concrètement et plus précisément, déterminer comment ils se combinent et dans quelle mesure ils interviennent dans chacune des agglomérations.

18La localisation des zones d'activités dans l'agglomération d'Evreux procède des deux tendances ci-dessus mentionnées. Mais, elle manifeste, avec constance et depuis l'origine, un tropisme qui matérialise la quasi-exclusivité de l'excitation parisienne. L'emplacement de la zone no 1 - la plus ancienne et la plus importante - bénéficie à la fois d'une situation en bordure de la R.N. no 13t d'une desserte par un embranchement sur la voie ferrée Paris-Cherbourg, de la proximité du croisement de deux axes de circulation orthogonaux majeurs traversant l'agglomération : l'axe Paris-Basse-Normandie et l'axe Rouen-Orléans, et d'une très bonne liaison avec le centre-ville. La zone no  2 n'a pas autant d'atouts : elle jouxte une radiale (route d'Orléans) moins structurante et moins porteuse d'innovations. La mise en route - plus tardive - a donc été subordonnée à la construction de la partie actuellement existante du futur boulevard périphérique qui, en la reliant aux routes de Rouen et surtout de Paris, l'a également placée à proximité d'un point d'éclatement des circulations (Fig. 093). Enfin, la troisième aire industrielle, plus diffuse et qui ne mérite pas l'appellation de zone industrielle, se conforme essentiellement au principe de la localisation radiale : elle se compose d'établissements - dont certains hérités d'une logique industrielle antérieure - échelonnés le long de la route de Rouen.

FIG 092. MECANISMES DE LOCALISATION ET DE DEVELOPPEMENT DES ZONES D'ACTIVITES DES AGGLOMERATIONS DE CHARTRES, DREUX ET EVREUX, AUX POINTS D'IMPACT DES FLUX PARISIENS.

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19Les greffes industrielles se sont donc fixées, dans l'agglomération d'Evreux, sur trois des radiales qui divergent du centre-ville : seule, la radiale occidentale (vers Caen) est restée improductive. L'inégale importance de ces greffes et la préférence accordée par les entreprises récemment déconcentrées aux zones du plateau oriental et méridional traduisent les effets spatiaux de la fécondation parisienne. Le schéma actuel acquerra plus d'unité et renforcera les effets de la suprématie parisienne si se réalisent les projections du plan d'urbanisme directeur qui, en proposant que les localisations industrielles futures progressent, vers le nord et vers le sud, à partir de l'actuelle zone no 1, prévoit l'enrobage progressif de la moitié orientale du noyau urbain (Fig. 092). L'agglomération d'Evreux donne ainsi un exemple du passage, en liaison avec la réorganisation des circulations, d'un schéma de type radial à un schéma de type tangentiel.

20Le schéma chartrain s'enrichit de la présence de l'autoroute et se complique des effets des initiatives d'une commune suburbaine : Lucé.

21On est tenté d'accorder à l'autoroute Paris-Tours une valeur explicative essentielle. Il est vrai que la zone d'activités de Chartres se situe à proximité d'un échangeur, mais cela vaut bien davantage pour la zone dite "régionale" que pour la zone industrielle (Fig. 093). Il est vrai que l'autoroute multiplie les capacités de relation entre Paris et Tours, mais, qualitativement, elle ne modifie pas fondamentalement le schéma des relations de Chartres avec l'extérieur. L'autoroute traverse en étrangère la zone industrielle. Elle a pour principal effet d'en faire une zone-vitrine.

22L'important, ici, c'est la rocade. Elle se branche, au nord, sur la R.N. no 10, longe l'autoroute et contourne l'agglomération par le sud. Dès l'origine, la zone d'activités de Chartres s'est déployée le long de cette rocade et a adopté une disposition tangentielle par rapport à l'agglomération. Mais, si, dans une première phase, la zone se maintient du côté interne de la rocade, et si l'on peut feindre de considérer le doublet rocade-autoroute comme la borne fixée à l'étalement urbain, bientôt, la zone déborde du côté externe (avec la création de la zone complémentaire de Gellainville) et le plan d'urbanisme directeur, en réservant à son extension les vastes terrains compris entre la R.N. no 839 et la R.N. no 154, fait de la rocade non plus la limite mais l'axe de la future zone d'activités.

23Les autres zones de l'agglomération se distribuent conformément au principe de la localisation radiale. Les zones de Lucé et de Luisant s'allongent le long de la R.N. no 821 (de Chartres à Brou). La zone de Mainvilliers est proche de la D. 24 (de Chartres à Senonches). Dans cette organisation, les axes secondaires sont priviligiés aux dépens des grandes routes nationales : ni la R.N. 10, ni la R.N. 23 n'ont fixé d'implantations industrielles.

24Comme elles ont été créées à l'initiative de communes qui toutes sont situées dans le prolongement occidental de la ville de Chartres, ces zones industrielles - et notamment celle de Lucé - ont des localisations extrême-occidentales. Incontestablement pénalisées dans leurs relations avec le système industriel parisien, elles ont cherché à remédier à cet inconvénient soit en accueillant des établissements autres qu'industriels (silos agricoles à Lucé, par exemple), soit en recevant des établissements "desserrés" de la ville-centre (Etablissements Faucheux à Lucé), soit en pressant la réalisation de la rocade de contournement qui les rattache plus aisément au système parisien.

25N'y a-t-il pas quelque présomption à vouloir expliquer rationnellement la situation des zones industrielles ? Et les justifications qu'on en donne n'ont-elles pas de valeur qu'a posteriori ? Dans le cas de Chartres, notamment, les zones industrielles ont été programmées bien avant que ne naisse l'idée d'une rocade et, a fortiori, bien avant qu'il ne soit question du tracé d'une autoroute : les zones industrielles de Chartres et de Lucé figurent, à leur emplacement actuel, sur la plan d'urbanisme de 1948. Le principe radial semble, dans ces conditions, avoir joué le rôle majeur, au moment de la décision. La R.N. 821 guide le tracé de la zone de Lucé, les R.N. 154 et 839 déterminent l'extension de celle de Chartres. Encore est-ce peut-être trop dire ? Des discussions auxquelles a donné lieu la mise au point du plan de 1948, il ressort que ces zones ont été décidées pour se conformer aux instructions administratives centrales et sans trop y croire. On n'a donc guère pratiqué la réflexion prospective avant de décider de leur localisation : Lucé amplifie une esquisse de vocation antérieure (d'ailleurs logique puisque les établissements existants utilisaient le chemin de fer), Chartres se détermine essentiellement en fonction de ses espaces libres périphériques.

FIG 093. LA LOCALISATION DES ZONES INDUSTRIELLES DANS LES AGGLOMERATIONS DE CHARTRES, DREUX ET EVREUX : ESSAIS DE SCHEMATISATION – INTERPRETATION.

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26La situation des premières zones industrielles de l'agglomération chartraine apparaît finalement tout aussi déterminée par des questions de procédure et par les intérêts électoraux des municipalités que par des raisons de logique économique. Le fait que la localisation de ces zones ait été envisagée dans le cadre de chaque territoire communal et non dans celui de l'ensemble d'une agglomération unitaire réduit et oriente les solutions possibles. On voit en effet, aussitôt, se dessiner trois types d'attitudes des municipalités à l'égard du projet. Lucé, seule, en accepte immédiatement le principe et se lance "tête baissée" dans l'aventure, la municipalité en escomptant sans doute le renforcement de sa position politique. Chartres, hostile au projet, doit cependant s'y soumettre en qualité de commune la plus importante de l'agglomération. Les autres communes suburbaines, voulant conserver leur caractère résidentiel, se dérobent.

27Par contre, ce qui reste vrai - et fondamental - c'est qu'à partir du moment où ces zones industrielles ont existé, la majorité des équipements qui ont été réalisés a visé à leur assurer une meilleure relation avec l'extérieur.

28Vingt ans après, dans les années 1980, les arguments qui sont développés dans l'"étude d'opportunité de création de la zone d'activités de Chartres-Gellainville" accordent toujours une importance déterminante aux faits de relation. Les possibilités de relation facile entre la future zone et les différents moyens de communication tangentiels par rapport à l'agglomération de Chartres (autoroute A. 11, en direction de Paris, ou de Le Mans et Rennes ; R.N. 154 qui donne accès à l'autoroute A.10 par l'échangeur d'Allaines) sont présentées comme des avantages décisifs, même si, au même moment, le développement résidentiel de l'agglomération se fait plutôt en direction de l'ouest.

29On retrouve dans le cas drouais, les deux principes de localisation des zones d'activités : disposition radiale pour la plus ancienne, celle de Vernouillet ; disposition tangentielle pour la traînée industrielle qui va de l'établissement initial de La Radiotechnique à la zone nord en passant par la zone des Châtelets. Dans ce second cas, la R.N. 12 apparaît à la fois comme une voie de desserte et comme une coupure entre la ville et l'industrie (Fig. 093).

30L'originalité drouaise tient à d'autres aspects : la non-association et la non-contiguïté entre zone industrielle et zone d'habitation, l'apparition très tardive de véritables zones d'activités. A Dreux, les grands ensembles d'habitation se situent dans la partie méridionale de l'agglomération mais les principales localisations industrielles se répartissent au nord de la R.N. 12. Cette dissociation traduit un manque de coordination qui s'explique lui-même par le fait que la ville de Dreux n'a pas réussi, avant la décennie 1970, à créer une véritable zone industrielle. C'est à partir des implantations ponctuelles et individuelles des entreprises que se sont progressivement dessinées les aires industrielles. Or, les entreprises ont, dans leur choix, nettement favorisé les relations avec l'extérieur, au détriment des relations avec les lieux de résidence de la main-d’œuvre. La possibilité de raccordement à la voie ferrée - souvent - et la proximité des grands axes routiers - toujours - ont été jugées par elles fondamentales.

31Dans la période récente, les exigences des entreprises l'ont encore emporté, alors même que la municipalité avait défini un projet d'association entre zone industrielle et zone d'habitation. L'origine de la zone des Châtelets, bien qu'elle ait déjà été décrite par P. Bachelard (1978), mérite, à ce sujet, d'être rappelée. La municipalité projetait la création d'une zone industrielle dans le quartier de résidence ouvrière des Chamards. Mais, une entreprise, se disant intéressée par une installation à Dreux et arguant de l'importance de ses exportations, a mis comme condition à sa venue la possibilité d'un raccordement ferroviaire. Les interventions ont conduit la municipalité à abandonner le site projeté aux Chamards, difficilement raccordable à la voie ferrée, et à choisir un autre site : celui des Châtelets, malgré ses qualités industrielles discutables (moindre stabilité du terrain), malgré ses servitudes (nécessité de drainage), malgré son coût, malgré ses inconvénients urbanistiques. Que l'entreprise ne se soit jamais installée ajoute quelque piment à une affaire significative et instructive à bien des égards. L'épisode montre le rôle, déterminant pour l'entreprise, des relations extra-urbaines dans le choix de localisation de l'établissement (la voie ferrée continue, dans certains cas, d'être un atout voire une nécessité). Mais, il prouve aussi que, dans sa quête d'emplois, une municipalité peut - sans la moindre assurance en contrepartie - être amenée à remettre en cause et à sacrifier des concepts fondamentaux de son plan d'urbanisme.

32Les analyses précédentes révèlent l'étonnante évolution des structures de relation construites autour des zones industrielles, évolution qui confirme la relativité de la notion de situation.

33Pensées à l'origine par un pouvoir local, dans un cadre local et par rapport au bâti existant, conçues en fonction d'un principe de proximité et incluses dans un schéma radial centré sur le coeur de la ville organisatrice, les zones industrielles se sont peu à peu, sous l'effet des nécessités de relation de leurs occupants, sinon totalement détachées de ce schéma, du moins rattachées prioritairement à une organisation extérieure à l'agglomération, d'échelle régionale - voire nationale - dans laquelle le principe d'accessibilité l'emporte sur celui de proximité. La "relation d'entreprise" (c'est-à-dire la relation, d'échelle régionale, avec le siège ou avec les autres établissements) l'a emporté sur la "relation d'établissement" (c'est-à-dire la relation d'échelle locale).

34La nature des établissements (non pas celle de leurs productions, mais la nature de leur fonction au sein de l'entreprise : établissements déconcentres d'exécution) - donc, le contenu qualitatif de l'espace - a ainsi déterminé la structure de relation, en faisant des rapports avec l'environnement extra-urbain et spécialement avec le système industriel parisien la base de son fonctionnement.

35Les faits de relation s'inscrivent ainsi comme les fondements de la structuration spatiale, beaucoup plus que les faits de situation.

LES FORMES DE L'OCCUPATION DES ZONES D'ACTIVITES

36On a dit plus haut à quelles dates et dans quelles conditions se sont créées les zones d'activités des agglomérations. On rappellera seulement que la réalisation et l'équipement des zones industrielles n'ont pas constitué un préalable absolument indispensable à la venue d'établissements industriels nouveaux. Ainsi, dans le cas d'Evreux, le premier établissement déconcentré : La Radiotechnique-Compelec, primitivement C.O.P.R.I.M., s'est installé, de manière isolée, au sein de l'agglomération, face au Collège Technique, sur un emplacement spécialement aménagé et viabilisé pour lui seul. Des exemples identiques d'établissements récents inclus dans le bâti résidentiel se retrouvent à Chartres et à Dreux. Un autre cas de figure correspond aux établissements isolés qui ont acquis des terrains situés à la limite externe du bâti de l'époque et qui sont devenus les noyaux de zones industrielles ultérieures. Ainsi, à Evreux, c'est autour des parcelles achetées par les Laboratoires Midy et la Compagnie Autocoussin Dura que la zone industrielle a été édifiée. De même à Dreux, l'équipement des zones n'a pas été assuré de façon préalable, mais, seulement, au coup par coup, selon les besoins des industriels.

Les conditions d'occupation

37Le rythme de réalisation des zones permet de distinguer trois formules, chacune d'entre elles correspondant à une agglomération. Dreux a choisi la construction échelonnée, ou au coup par coup, qui permet d'adapter l'effort d'équipement à la demande des industriels, d'étaler les investissements sur plusieurs années mais conduit souvent à des solutions de fortune (zone de Dreux-nord). Evreux a préféré l'équipement progressif de portions de zones : la réalisation de la zone no 1 s'est ainsi faite en deux temps, avec équipement d'une trentaine d'hectares à chaque fois. Enfin, Chartres a choisi, pour sa zone d'activités de Chartres-Beaulieu, la construction en une seule fois, qui, certes, exige de lourds investissements de départ mais permet de donner à la zone une plus grande cohérence et une plus grande unité.

38Dans ces conditions, l'analyse des rythmes de remplissage des zones industrielles ne présente qu'un intérêt relatif puisqu'il dépend d'une délimitation préalable, qui n'est pas toujours possible. On notera, pourtant, que quelques années ont été nécessaires avant le véritable démarrage du remplissage des zones. Dans la zone no 1 d'Evreux (disponible en juillet 1957), il faut attendre 1961 pour que les premiers établissements ouvrent leurs portes et plus d'une dizaine d'années supplémentaires pour que la zone soit entièrement occupée (1972). Le démarrage de la zone de Lucé a été également très difficile : au bout de quatre années, 20 % seulement de sa surface étaient acquis. A Chartres-ville, 25 % seulement des terrains sont revendus au bout de cinq ans.

39D'après les résultats d'une analyse comparative (S.E.R.E.T.E.S. - 1966), les difficultés du démarrage ont été, ici, plus tardivement surmontées que dans la plupart des agglomérations. Effet de la situation des agglomérations en zone blanche ? Répercussion des importantes implantations antérieures à l'ouverture des zones industrielles ? Quoi qu'il en soit, il faut attendre, à Chartres comme à Lucé, les cinquième et sixième années d'existence pour que soit portée à 60 % la part de la surface achetée.

40Dans leurs surfaces actuelles - pas toujours définitives - on peut distinguer deux groupes de zones industrielles. Les plus grandes frôlent ou dépassent la centaine d'hectares : Chartres, Lucé. Quoique de plus petite taille, une soixantaine d'hectares, les deux zones ébroïciennes appartiennent à ce premier groupe. Les zones industrielles de Dreux et celles des communes suburbaines autres que Lucé (Vernouillet, Mainvilliers, Luisant, Gravigny) se limitent à des surfaces plus faibles : généralement quelques dizaines d'hectares.

41Même pleines, les zones industrielles restent aérées. Ce trait tient à leur jeunesse. Les surfaces bâties ne représentent qu'une faible part des surfaces acquises, non seulement pour des raisons réglementaires, mais aussi parce que plusieurs entreprises se sont réservées de grands lots en vue d'extensions ultérieures.

42On a également prévu de vastes possibilités d'agrandissement de la zone d'activités, en la laissant ouverte sur l'un de ses côtés au moins. A Chartres, ces possibilités existent du côté du sud-est, en direction de Gellainville. Le plan d'urbanisme directeur y localise des superficies potentielles presqu'égales à celle de la zone primitive. Un début de réalisation a d'ailleurs été entrepris, sur dix-sept hectares, avec la zone complémentaire dite de Gellainville. A Dreux, les possibilités d'extension existent en direction du nord, sans même qu'on ait à déborder du cadre du territoire municipal. A Evreux, enfin, le plan d'urbanisme directeur envisage la progression des surfaces actuelles, à partir de la zone no 1, en direction du nord, vers Nétreville et Fauville, et en direction du sud-ouest, jusqu'à rejoindre la zone no 2, avec seulement une interruption au niveau de Melleville.

43Dans la mesure où il est un moyen d'agir sur la nature des occupants ultérieurs, le pré-découpage de la zone en lots n'est pas une décision mineure, que l'on doive négliger. Il peut être, au contraire, un instrument efficace de contrôle du processus d'industrialisation. Mais, il comporte aussi des risques. Un découpage pré-établi permet d'exclure, à peu près automatiquement, certains types d'établissements (usine trop grande, par exemple). Mais, il risque, aussi, d'être mal adapté aux besoins d'utilisateurs que l'on souhaiterait accueillir. Inversement, l'absence de découpage présente des inconvénients (accaparement de la zone par un grand établissement, par exemple). La zone de Chartres donne l'exemple d'une utilisation systématique du découpage en lots en vue d'obtenir une certaine répartition d'activités. On a choisi de diviser la zone en trois parties ayant chacune des caractéristiques particulières, adaptées à une certaine catégorie d'utilisateurs. Une première partie, de onze hectares de superficie, est occupée par le Centre de Formation Professionnelle pour adultes, par le Centre Départemental Incendie et par une centrale thermique E.D.F. La partie centrale, la plus importante, divisée en lots de cinq à six hectares reçoit les activités industrielles proprement dites. Enfin, au sud de la R.N. 154, sur une dizaine d'hectares, trente-cinq petits lots de deux mille à quatre mille mètres carrés accueillent des activités variées : dépôts commerciaux, magasins de meubles, etc... A cette solution volontariste et contraignante s'oppose le découpage au coup par coup, tel qu'il est pratiqué, par exemple, dans la zone de Dreux-nord. Sur les deux cent cinquante hectares, réservés mais non aménagés, de cette zone, on peut obtenir, grâce à l'existence de routes rurales traversant la zone, de grandes ou de petites parcelles, découpées sur mesure.

44La décision d'acquisition, par un industriel, d'un terrain situé dans une zone industrielle passe aussi par la considération des équipements et des conditions de vente.

45Il n'est pas utile de s'attarder sur les équipements banaux, pratiquement indispensables et qu'on retrouve dans l'ensemble des zones. L'alimentation électrique est généralement distribuée en 220 x 380 et en 15 000 volts, mais la fourniture du gaz n'est pas toujours assurée (par exemple, à Evreux). La desserte par raccordement ferroviaire introduit - en principe - une importante différenciation, mais elle est - en réalité - assez peu utilisée par la majorité des occupants. Sa présence a néanmoins permis, sur la zone no 1 d'Evreux ou sur la zone de Lucé, l'installation de quelques importants utilisateurs (La Guilde Internationale du Disque, Aluminium Alcan de France...). Quant à l'existence d'un aérodrome à proximité de la zone (cas de Chartres-Beaulieu et d'Evreux no 1), elle fait davantage partie des potentialités que des équipements effectivement utilisés.

46Si les équipements économiques sont de niveau moyen, les équipements sociaux sont, par contre, médiocres (pas de restaurant, pas de guichet bancaire, etc...).

47Les prix de vente des terrains s'avèrent raisonnables et peu différents les uns des autres. Ainsi, en 1976, le mètre carré vaut trente-cinq francs sur la zone industrielle de Chartres et trente-deux francs sur la zone industrielle de Lucé. Les prix n'ont donc eu qu'un faible impact sur le choix de telle ou telle zone industrielle. Par contre, les conditions de vente ont pu jouer un rôle plus important. Ainsi, certaines municipalités ont-elles consenti des conditions de lancement avantageuses. Sur la zone no 11 d'Evreux, les parcelles ont, à l'origine, été cédées à un prix de vente inférieur au prix de revient. Sur la zone no 2 de la même ville, un paiement échelonné sur six à huit mois permet à l'industriel de n'acquitter que le tiers du prix au moment de la prise de possession du terrain (cf. supra).

Les occupants des zones

48Compte tenu des conditions précédentes, et dans la mesure où chaque zone correspond assez bien à une phase du développement des agglomérations, certaines des zones d'activités présentent une assez forte cohérence et acquièrent même une certaine personnalité. Elles la doivent à une combinaison de caractères. L'esthétique architecturale, elle-même fonction de multiples variables parmi lesquelles la date de création de la zone et la plus ou moins grande rigueur du cahier des charges, y joue son rôle. Mais, l'originalité dépasse les simples apparences. Elle s'applique aussi à la nature et à la structure des établissements.

49Les établissements des zones d'activités naissent soit de la déconcentration d'entreprises parisiennes soit du desserrement d'entreprises du centre-ville. La part relative de chaque type varie d'une zone à l'autre. Si les déconcentrations ont produit la quasi-totalité des établissements de la zone no 1 d'Evreux, la zone no 2 comporte, en revanche, une part importante de transferts ou d'extensions d'entreprises ébroïciennes primitivement installées dans le noyau central. De là découle une nette différenciation des volumes d'emploi et des tailles d'établissements entre les deux zones : la zone no 1 offre plus de deux fois plus d'emplois que la zone no 2, elle comporte une majorité d'établissements de plus de cent salariés et plusieurs établissements de plus de cinq cents salariés (S.U.C.A.M., Klaxon, La Télémécanique Electrique, La Guilde Internationale du Disque) - ce qu'on ne retrouve pas dans la zone no 2.

50La distinction entre établissements déconcentrés et desserrés ne recouvre pas la distinction entre établissements industriels et tertiaires. L'industrie occupe, dans les zones, une place souvent dominante mais rarement exclusive. En considérant la nature des activités qui lui sont associées et l'importance des implantations auxquelles elles donnent lieu, on doit distinguer deux catégories très différentes.

51On recense d'abord, à côté des établissements industriels, un assez grand nombre de petits établissements n'utilisant que des effectifs très limités. Les uns correspondent aux services administratifs ou techniques annexes, nécessaires au fonctionnement de la zone. Les plus nombreux pratiquent l'entreposage, associé ou non à une activité marchande sur place ou dans le centre-ville ; souvent créés à l'initiative d'entrepreneurs locaux, ils peuvent aussi se rattacher à des sociétés d'envergure nationale (transporteurs routiers, chaînes d'entrepôts, magasins spécialisés). Les entrepôts agricoles de la zone de Lucé restent une exception. On peut greffer sur ce premier groupe les établissements du secteur du bâtiment et des travaux publics.

52L'activité tertiaire est aussi le fait d'établissements très différents, plus importants (ils utilisent souvent plusieurs centaines de salariés), travaillant dans des domaines très spécifiques (assurances, vente par correspondance, services commerciaux ou administratifs des télécommunications...) et dans lesquels le travail de bureau constitue la tâche du plus grand nombre.

53L'association de ces deux types d'établissements tertiaires aux établissements industriels se fait, dans les trois agglomérations, avec des intensités très inégales, variables dans le temps, et sous des formes spatiales différentes.

54Il faut d'abord mettre à part l'agglomération de Dreux dans laquelle la primauté industrielle très affirmée réduit et marginalise ce type d'association. On ne trouve, dans les zones d'activités de cette agglomération, que quelques établissements tertiaires du premier type.

55Au contraire, dans les agglomérations de Chartres et d'Evreux, les formes d'association de l'industrie avec les deux types d'établissements tertiaires sont fréquentes. Elles révèlent des pratiques spatiales différentes et une évolution dans le temps, toutes deux intéressantes à noter.

56A Chartres, la répartition des activités a été prévue et on a affecté aux établissements tertiaires des emplacements propres. Au sein même de la zone industrielle, on prévoit, dès le départ, un appendice occidental destiné aux fonctions annexes, et, plus tard, on crée un secteur particulier réservé à l'accueil des grossistes (zone complémentaire de Gellainville). Surtout, à la zone industrielle classique, Chartres ajoute une zone - dite régionale - de vingt-quatre hectares, exclusivement réservée aux activités tertiaires, séparée de la zone industrielle par la zone d'habitation de La Madeleine et située le long de la R.N. 10. Sur cette zone sont notamment installés les bâtiments du G.A.M.F. (Groupe des Assurances Mutuelles de France), un hôtel, les locaux de la Chambre d'Agriculture de l'Eure-et-Loir, la grande surface commerciale "Carrefour" et ses annexes (notamment un magasin d'ameublement : La Maison Verte) et plusieurs concessionnaires automobiles. La programmation de cette zone séparée et sa situation très favorable, en vitrine, sur la voie triomphale qui pique sur la cathédrale ont incontestablement favorisé l'implantation de services qui - pour certains - n'ont pas d'équivalent à Evreux ou à Dreux.

57Elle n'a cependant pas empêché l'un des grands établissements tertiaires : A.G.R.R. (Association Générale de Retraite par Répartition) de s'installer en zone industrielle proprement dite. Cette solution a aussi été retenue, à Evreux, par la Guilde Internationale du Disque. L'intérêt d'une desserte ferroviaire pour les expéditions a joué, dans ce second cas de façon impérative. Mais, la préoccupation publicitaire n'est pas absente : la Guilde Internationale du Disque a choisi un terrain situé en bordure de la R.N. 13. On a, avec l'A.G.R.R. et la Guilde, l'exemple d'entreprises tertiaires qui ont adopté - dès la première phase de la déconcentration - des comportements identiques à ceux des entreprises industrielles. Elles ne s'en distinguent d'ailleurs pas extérieurement.

58La diversité des occupants devient extrême dans le cas de la zone de Lucé. Des établissements proprement industriels voisinent avec des entrepôts, des commerces de gros, des entreprises du bâtiment, des garages de concessionnaires automobiles... Les silos céréaliers de la S.C.A.E.L. (Société Coopérative Agricole d'Eure-et-Loir) rappellent la tradition agricole de l'agglomération. Les dépôts pétroliers (Antar, S.F.B.P., Mobil Oil, Shell, Total) leur répondent. Une station agronomique de l'I.N.R.A. jouxte un établissement de fabrication d'accessoires automobiles. Les petites entreprises coexistent avec les plus grandes, les lots minuscules avec les plus étendus. Les émanations d'initiatives locales : dépôts ou transferts de commerçants chartrains, ou extensions d'entreprises industrielles chartraines (Etablissements Faucheux), côtoient les implantations d'entreprises de niveau international (Aluminium Alcan de France). Tout cela se mêle, sans souci d'ordre ni d'esthétique. Des bâtiments de médiocre facture, un entretien des lots et des voies d'accès qui laisse à désirer, tout prouve que la première vague d'implantations ignore les règles de l'architecture industrielle et n'a aucun souci de son "image de marque". Ici, l'industrie a commencé par occuper les lieux. Puis, la zone s'est, plus tard, remplie d'autres activités. Il s'agit d'une industrie peu attrayante (établissements travaillant les métaux) qui a joué un rôle de repoussoir à l'égard des établissements "propres" de la déconcentration et plus encore à l'égard des établissements tertiaires du type bureaux. Seuls des dépôts et des entrepôts ont pu permettre d'achever le remplissage de la zone.

59Une évolution sensible, intéressante à de multiples points de vue, transforme les zones industrielles en zones d'activités. On ne peut, nulle part mieux qu'à Evreux, mettre le fait en évidence. Passer de la zone no  à la zone no 3, pourtant contiguë, c'est passer d'une zone dans laquelle l'industrie a presque l'exclusivité à une zone dans laquelle l'industrie disparaît presque totalement, au bénéfice d'entrepôts de transporteurs routiers (Varillon, Calberson, Mory), de concessionnaires automobiles, de magasins de demi-gros, d'une fabrique de pain industriel, d'une agence commerciale des télécommunications et même d'un "centre de loisirs" comprenant tennis, bar et restaurant. Seule, l'usine de La Télémécanique maintient la présence industrielle

60Cette évolution peut paraître intéressante par ce qu'elle indique d'essoufflement industriel, et des activités susceptibles d'en prendre, dans les agglomérations, le relais. Mais, elle l'est aussi dans ce qu'elle révèle une permanence des localisations, indépendante de la nature des activités.

Conclusion

61La politique des zones industrielles a donné au pouvoir local des capacités d'intervention - modestes mais réelles - sur le contenu et la localisation des activités urbaines. Elles ont été, jusqu'ici, principalement utilisées pour édicter des réglementations restrictives concernant la nature des activités industrielles.

62Mais, la zone industrielle périphérique des origines, qu'on peut interpréter comme la projection locale du système industriel parisien est devenue un modèle de localisation pour toutes les activités, nouvelles ou non, industrielles ou non. Né d'une certaine forme de développement, celle de la déconcentration industrielle, ce modèle persiste, même si disparaît la prédominance industrielle et même si s'atténue l'impulsion externe. La zone industrielle est donc devenue une structure spatiale stable, susceptible de se perpétuer et de survivre, même à un changement des structures fonctionnelles qui lui ont donné naissance.

63Ainsi, se trouve adopté et établi, dans les agglomérations, un élément nouveau, rattaché par son origine à une logique externe mais de plus en plus intégré au système urbain local. Il convient maintenant d'examiner quelles répercussions son introduction provoque, à l'échelle locale, sur la structuration urbaine. Jusqu'à présent, ses effets se sont surtout marqués par son association avec les zones d'habitat.

LES ZONES D'HABITAT

64L’activité industrielle étant, en grande partie, une nouveauté dans les trois agglomérations, la détermination de nouveaux espaces pour l'exercer n'a pas lieu de surprendre. Par contre, le choix de nouveaux espaces d'habitat, nettement coupés des zones anciennement bâties, crée une rupture beaucoup plus nettement ressentie.

65Les caractéristiques les plus fortes des nouvelles implantations tiennent à leur localisation périphérique, à leur spécialisation résidentielle et à leur gigantisme. Elles contribuent à en faire des "îles" étrangères à la pâte urbaine.

LE CHOIX PERIPHERIQUE

66La localisation à l'extérieur de l'ancienne masse urbaine des habitations récentes ne doit pas être interprétée comme la conséquence normale, directe et obligatoire de l'occupation préalable des espaces centraux. Comme la localisation des zones d'activités, et en relation avec elle, elle résulte d'un choix dans lequel l'option spatiale est liée à la sélection d'un certain type de constructions et d'un certain type de logements.

Les possibilités de densification centrale dédaignées

67Au moment où démarre la croissance urbaine, les densités - qu'il s'agisse des densités de population ou des densités de l'espace bâti - restent faibles, même dans les quartiers centraux des villes.

68A l'échelle communale, les villes-centres ont, il est vrai, des densités nettement supérieures à celles de leurs voisines périphériques (Fig. 094). Pourtant, ces densités restent basses et très inégales : 1 706 hts/km2 à Chartres, 894 hts/km2 à Evreux, 692 hts/km2 à Dreux. Et, déjà, deux communes suburbaines de l'agglomération chartraine (Lucé et Luisant) ont des densités comparables à celles de Dreux-ville.

69Entre 1954 et 1975, les densités des villes-centres ont évolué à des rythmes modérés (la densité chartraine n'augmente que de 35 % en vingt-et-un ans), généralement inférieurs à ceux des communes suburbaines (les densités drouaise et ébroïcienne doublent, mais celles de St-Sébastien-de-Morsent et de Lucé quadruplent et celle de Vernouillet septuple !), les densités de certaines communes périphériques se sont ainsi rapprochées de celles des villes-centres : celle de Lucé égale pratiquement celle de Chartres en 1975. La croissance urbaine a donc plutôt provoqué un alignement des densités périphériques sur les densités centrales qu'une affirmation des concentrations centrales pré-existantes.

70Cette première impression est-elle confirmée lorsqu'on porte l'analyse à l'échelle, plus fine, des quartiers ?

71La répartition de la population urbaine par quartiers n'est connue qu'à partir de 1962. On a donc calculé les densités à cette date.

FIG 094. EVOLUTION DES DENSITES DEMOGRAPHIQUES DES COMMUNES DES AGGLOMERATIONS DE CHARTRES, DREUX ET EVREUX, ENTRE 1954 ET 1975.

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72Dans la ville la plus densément peuplée - celle de Chartres - elles dépassent 15 000 habitants au km2 dans le quartier commercial et 11 000 habitants au km2 dans la Basse-Ville. Les constructions y sont peu élevées, certes, mais jointives, compactes, serrées. Dans le quartier de la Cathédrale, aéré par la présence de quelques espaces ouverts (Cloître Notre-Dame, Jardins de l'Evêché, jardins des couvents, Butte des Charbonniers), les densités n'atteignent plus que 7 000 habitants au km2. Et, sitôt franchie la ligne des boulevards, elles tombent à quelques milliers : 3 000 à 5 000 habitants au km2 dans les quartiers du sud-ouest et de l'ouest (Chanzy, L'Hôpital, Saint-Brice, Bas-Bourg et Saint-Jean), autour de 2 000 habitants au km2 dans les quartiers du sud-est (Place Morard, Faubourg La Grappe et Beaulieu). Il s'agit là de quartiers déjà en grande partie bâtis, mais sous la forme très lâche de maisons entourées de jardins ou de parcs, et dans lesquels subsistent, le plus souvent, des vides importants : emprises S.N.C.F., Clos Saint-Jean, dépendances du couvent des Carmélites dans le quartier Saint-Jean ; stade des Bas-Bourgs, hippodrome, bords de l'Eure dans le quartier de Saint-Brice - Bas-Bourg ; cimetière Saint-Chéron, bords de l'Eure dans le quartier de la Place Morard et du Faubourg La Grappe). Les densités s'abaissent encore dans les quartiers du nord (Rechèvres - Bourg-Neuf et Filles-Dieu - Aboville) et s'effondrent dans les quartiers Saint-Chéron (moins de 400 habitants au km2) et la Croix-Bonnard - Le Gord (160 habitants au km2), quartiers disposant de vastes espaces disponibles car restés en grande partie ruraux, aux confins des communes suburbaines.

73A Dreux, quatre quartiers ont des densités de population assez voisines, qui tournent autour de 3 000 à 4 000 habitants au km2 : les quartiers du Centre (01), du Lièvre d'Or (08), des Rochelles (02) et Foch (05). Ainsi, le centre-ville se distingue à peine - par ses densités de population - des quartiers pavillonnaires des plateaux sud et nord. C'est qu'en réalité, au sein du quartier central, s'opposent deux parties tout à fait différentes. La partie densément bâtie n'occupe que les deux tiers nord et est du quartier : elle se serre autour du beffroi et de l'église Saint-Pierre et se prolonge, avec des densités déjà moindres, en direction de la gare. Mais, au-delà de la place Mézirard, le paysage s'ouvre soudain sur les verts et humides dégagements, vides d'habitants, de la Biaise et de ses différents bras.

FIG 095. QUARTIERS DES AGGLOMERATIONS DE CHARTRES ET DE DREUX DONT LA POPULATION A DIMINUE, ENTRE 1962 ET 1975.

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74Ces quatre quartiers sont les seuls à être bâtis sur la plus grande partie de leur surface. Les autres comportent de vastes espaces inoccupés. Cela explique que les densités soient à peine supérieures à 1 000 habitants au km2 dans les quartiers des Fenots (04) et des Blérées (06) et qu'elles ne dépassent qu'à peine 400 habitants au km2 dans le quartier Saint-Thibault, pourtant si proche du centre-ville. Enfin, dans le quartier des Chamards (07), isole à l'est par la voie ferrée, et dans le vaste secteur rural du nord (09), l'occupation humaine, marginale dans le premier cas, sporadique dans le second, n'aboutit à créer que des densités de 50 à 100 habitants au km2.

75Au moment où s'amorce la seconde moitié du vingtième siècle, on peut considérer qu'existent, dans ces petites ou moyennes villes, des possibilités de densification, soit dans les quartiers centraux, soit dans les quartiers très proches du centre. Il semble même que le plan d'aménagement de 1948 ait, à Chartres, envisagé de les utiliser. Mais, elles exigeaient des expropriations pour voiries qui ont été tournées. On a très vite considéré le système de voirie existant comme intouchable. Ce faisant, on s'orientait à la fois vers une stagnation ou une diminution démographique des quartiers centraux et vers une urbanisation en tâche d'huile signifiant, à terme, l'occupation totale de l'espace communal.

76En effet, la population de plusieurs quartiers centraux a diminué entre 1962 et 1975 (Fig. 095). C'est le cas à Chartres pour les quartiers de la vieille ville d'une part et pour les faubourgs de l'ouest et du nord d'autre part. Seuls, les faubourgs de l'est et du sud échappent à cette évolution. A Dreux, c'est le cas pour le quartier Saint-Thibault. A Evreux, entre 1968 et 1975, la diminution de population est nettement sensible dans les deux quartiers du centre, et touche, de façon beaucoup plus légère, les deux vieux quartiers de Saint-Léger et de Navarre-Cambolle.

Emergence de pôles ou encerclement périphériques

77La croissance urbaine s'est faite, dans les trois agglomérations en privilégiant un petit nombre de localisations périphériques qui ont connu à la fois un fort gain absolu et une forte variation relative. A Evreux, le seul quartier de La Madeleine concentre plus du tiers des logements construits entre 1949 et 1975. A Chartres, le quartier de Saint-Chéron (dans la ville-centre) et le quartier Leclerc à Lucé rassemblent presque le même pourcentage. A Dreux, les logements nouveaux se répartissent plus également entre un plus grand nombre de quartiers : le mieux pourvu ne concentre que 18 % de l'ensemble des logements nouveaux de l'agglomération (Tab. 089 et Fig. 096, 097, 098).

78On aurait tort de croire qu'il s'agit là d'une politique entièrement nouvelle. Diverses interventions antérieures ont préparé les choix périphériques de la période actuelle.

79A Evreux, par exemple, la reconstruction de la ville, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, a été l'occasion d'amorcer l'ouverture de la ville en direction du sud et de l'est. Du côté du sud, le remblai de l'ancien tracé de la voie ferrée Paris-Cherbourg - vieux de près d'un siècle - constituait un écran entre le centre ville et les quartiers du sud. On décide son arasement, ainsi que l'amélioration des accès de la ville par le sud, par la suppression de deux passages à niveau et par l'élargissement du passage, au-dessus de la voie ferrée. Ces aménagements s'ajoutent à la mise à disposition d'établissements d'enseignement (Lycée et Collège Technique) de vastes terrains, au sud de la voie ferrée, revalorisent le quartier et ouvrent les possibilités d'un développement ultérieur. Du côté de l'est, l'ouverture s'accomplit sous la forme du choix du quartier de Nétreville pour y fixer - à l'origine, provisoirement - les sinistrés les plus déshérités, choix qui est lui-même la conséquence de la présence de baraquements construits par les Allemands à proximité de l'aérodrome. Par la suite, on construira des logements LO.PO.FA pour remplacer les baraquements et on prendra l'habitude de diriger vers Nétreville les vagues d'immigrés ruraux, prolétaires ou rapatriés...

TAB 089. REPARTITION, PAR QUARTIER, DES LOGEMENTS (RESIDENCES PRINCIPALES) CONSTRUITS ENTRE 1949 ET 1975, DANS LES AGGLOMERATIONS DE CHARTRES, DREUX ET EVREUX.

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Source : I. N. S. E. E

TAB 090. LOGEMENTS CONSTRUITS A DREUX, PAR L'OFFICE MUNICIPAL D'H.L.M., AVANT LA SECONDE GUERRE MONDIALE.

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Source : O.P.H.L.M. de Dreux

TAB 091. REPARTITION DES LOGEMENTS CONSTRUITS APRES 1948, DANS LES AGGLOMERATIONS DE CHARTRES, DREUX ET EVREUX, PAR QUARTIERS, SELON LA PERIODE DE CONSTRUCTION.

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Source : I. N. S. E. E.

80A Dreux, les extensions périphériques ont été préparées par les actions d'un précoce Office municipal d'H.L.M., qui, à partir des années 1920, dispose aux marges de la ville, sur les plateaux nord ou sud, plusieurs cités de plusieurs dizaines de logements (Tab. 090). Comme à Nétreville, mais avec une guerre d'avance, les choix de localisation ne sont pas indépendants des faits militaires puisque l'Office reçoit, dans les années 1920, la gestion de trois "camps", libérés par l'armée et situés dans les quartiers Saint-Martin, des Fenots et de la route de Fermaincourt.

81Si la localisation périphérique de l'habitat constitue un principe commun aux trois agglomérations, son application revêt des formes sensiblement différentes dans l'espace et dans le temps. Elles peuvent s'apprécier, à partir d'un examen chronologique de la répartition par quartiers des logements nouvellement construits, dans chacune des agglomérations. L'analyse cherchera à déterminer le degré de concentration géographique des nouveaux logements et à dégager les grandes lignes de l'évolution spatiale de la construction.

82Un regard, même rapide, sur les Fig. 096, 097 et 098, permet de distinguer des situations et des évolutions assez dissemblables pour Chartres et Evreux d'un côté, pour Dreux de l'autre.

83Dans le cas de Chartres, la localisation des logements récents présente deux aspects principaux. D'une part, la ventilation des logements nouveaux favorise deux ensembles de quartiers, disposés selon un axe ouest-est et symétriquement par rapport à l'espace bâti du milieu du vingtième siècle. D'autre part, tandis que le premier ensemble - l'occidental - se compose d'une constellation de quartiers (de Rechèvres à Luisant, par Mainvilliers et Lucé), le second accuse une structure de plus en plus monolithique : les logements nouveaux d'abord répartis sur trois quartiers principaux (Beaulieu, Les Filles-Dieu, et Saint-Chéron) se concentrent de plus en plus sur le quartier de Beaulieu d'abord (plus de 1 000 logements construits entre 1962 et 1967) puis sur le quartier de Saint-Chéron (un tiers des logements construits entre 1968 et 1975 s'y localise).

FIG 096. REPARTITION, PAR QUARTIER OU COMMUNE, DES LOGEMENTS CONSTRUITS DANS L'AGGLOMERATION DE CHARTRES, PENDANT LES PERIODES 1949-61, 1962-67, 1968-75.

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84Ces implantations et cette évolution concrétisent les formes principales et successives de la politique de construction chartraine. La première opération importante menée par cette ville prend la forme d'un chantier expérimental encore relativement modeste (200 logements) et qui conserve bien des traits traditionnels (logements individuels F3 et F4). C'est la cité du plateau de Rechèvres qui prolonge vers le nord-ouest les extensions urbaines de la seconde moitié du dix-neuvième et de la première moitié du vingtième siècles. L'accroissement du nombre des demandes d'un côté, le coût des terrains et de la voirie d'autre part, conduisent les responsables locaux à s'orienter vers la construction d'immeubles collectifs. Mais, ils le font d'abord sous forme d'opérations de faible ampleur (20, 80, 100 logements). La première rupture vient, une fois encore, d'une initiative lucéenne portant sur la construction d'un ensemble de 240 logements collectifs. Mais, c'est dans la ville-centre que le processus s'achève, avec la construction du "grand ensemble" de Beaulieu puis de la "Z.U.P." de La Madeleine ; la configuration territoriale de Chartres étant d'ailleurs la seule à permettre, en direction de l'est et dans un cadre uni-communal, le déploiement d'une opération d'une telle envergure.

85A Evreux comme à Chartres, les logements nouveaux commencent par être répartis assez également dans les différents quartiers périphériques. Entre 1949 et 1961, l'essentiel des constructions se distribue entre huit quartiers de la ville recevant chacun de 350 à 900 logements (soit de 6,8 % à 16,4 % des logements de l'agglomération : quartiers périphériques de La Madeleine, St-Michel, Nétreville, Clos-au-Duc, Navarre-Cambolle, La Poterie, auxquels s'ajoutent les deux quartiers centraux. Mais, dès le début de la décennie 1960, la concentration sur un seul quartier se marque, à Evreux, avec une force exceptionnelle : entre 1962 et 1967, plus de la moitié (56 %) des logements nouveaux sont construits dans l'unique quartier de La Madeleine, qui cristallise la construction non seulement à l'échelle de la ville mais à l'échelle de l'agglomération toute entière. La passivité des communes suburbaines a seule permis que la primauté du quartier de La Madeleine s'affirme avec autant d'ampleur. Le démarrage des opérations pavillonnaires dans la commune de Saint-Sébastien-de-Morsent, avec la construction de quelque 600 résidences, atténue - dans la dernière période - le déséquilibre, tout en conservant à La Madeleine une part très forte (37 %) des nouveaux logements.

86A Dreux, la distribution spatiale des logements récents paraît obéir à des règles sensiblement différentes. Ici, la concentration se révèle plus précoce, mais jamais exclusive. Ainsi, le quartier du Lièvre d'Or reçoit 30 % des logements construits, dans l'agglomération drouaise, entre 1949 et 1961, mais cinq autres quartiers reçoivent, en même temps, quelque 300 logements chacun (Les Chamards, Les Rochelles, Les Fenots, Les Blérées et Foch). Et, ultérieurement, aucun quartier n'atteindra un taux de 25 % : entre 1962 et 1967, deux quartiers recueillent plus de 600 logements (Les Chamards et Le Lièvre d'Or) et il s'en construit plus de 400 dans le quartier des Rochelles ; entre 1968 et 1975, quatre quartiers dépassent les 500 nouvelles résidences (Foch, Les Chamards, Nuisement et Les Corvées).

FIG 097. REPARTITION, PAR QUARTIER OU COMMUNE, DES LOGEMENTS CONSTRUITS DANS L'AGGLOMERATION DE DREUX, PENDANT LES PERIODES 1949-61, 1962-67, 1968-75.

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N.B. : seuls sont représentés les effectifs supérieurs à 2 % des logements construits pendant la période considérée.
[valable pour les FIG 096, FIG 097, FIG 098].

FIG 098. REPARTITION, PAR QUARTIER OU COMMUNE, DES LOGEMENTS CONSTRUITS DANS L'AGGLOMERATION D'EVREUX, PENDANT LES PERIODES 1949-61, 1962-67, 1968-75.

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87D'autre part, la localisation des logements paraît effectuer un mouvement tournant, partant des quartiers de l'est(Le Lièvre d'Or et Les Chamards), contournant le centre-ville par le sud (Vernouillet - Nuisement et Les Corvées - Bois-le-Roi) et atteignant, au cours de la décennie 1970, le plateau occidental des Bâtes (quartiers Foch et Les Fenots). On peut voir là la triple conséquence du choix de l'urbanisation de plateau, de la politique de lotissement menée par la municipalité de Vernouillet et de l'effet de barrière de la R.N. 12 au nord de la ville.

L'uniformisation des densités

88Ces évolutions aboutissent à une situation curieuse dans laquelle le schéma classique de diminution des densités urbaines du centre vers la périphérie ne s'applique plus.

89Les plus gros effectifs de population se trouvent désormais à la périphérie. A Evreux, le seul quartier de La Madeleine rassemble plus de 15 000 habitants et un tiers de la population totale de la ville (près de 29 % de la population de l'agglomération). A Chartres, les deux quartiers contigus de Saint-Chéron et de Beaulieu dépassent 16 000 habitants : 42 % de la population de la ville ! A Dreux, les quartiers des Chamards et du Lièvre d'Or représentent plus de 12 000 habitants : 37 % de la population de la ville (Tab. 092).

90Les quartiers périphériques ont désormais des densités voisines de celles des quartiers centraux, et dans certains cas, supérieures. Ainsi, le quartier Leclerc à Lucé a des densités de population qui restent inférieures à celles du centre commercial chartrain mais qui dépassent celles de la Basse-ville et du quartier de la Cathédrale. Le quartier des Ecoles à Lucé et le quartier de l'Hôtel-de-Ville à Mainvilliers ont des densités supérieures à 5 000 hts/km2. A Dreux, les quartiers du Lièvre d'Or, des Chamards, Foch et des Rochelles ont des densités supérieures à celles du centre-ville, mais aucune commune suburbaine n'atteint 1 000 hts/km2 (Tab.093).

TAB 092. REPARTITION, PAR QUARTIER, DE LA POPULATION DES AGGLOMERATIONS DE CHARTRES, DREUX ET EVREUX, EN 1975.

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Source : I. N. S. E. E.

91Ainsi, on assiste à une uniformisation des densités au sein de la ville. La transformation est la plus avancée dans le cas de Chartres (où elle déborde d'ailleurs les limites de la seule ville-centre). Le rapport entre la densité de quartier la plus faible et la densité la plus élevée y passe de 1 à 96,5 en 1962, à 1 à 12,7 en 1975. On obtient des valeurs tout à fait comparables à Dreux si l'on exclut des calculs le quartier dit rural, très peu transformé (Fig. 100).

FIG 099. REPARTITION, PAR QUARTIER, EN 1975, DE LA POPULATION DES AGGLOMERATIONS DE CHARTRES, DREUX ET EVREUX.

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TAB 093. DENSITE DE POPULATION PAR QUARTIER OU COMMUNE DES AGGLOMERATIONS DE CHARTRES, DREUX ET EVREUX, EN 1975 (Hbts/km2).

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Source : I. N. S. E. E.

FIG 100. LES DENSITES DE POPULATION, PAR QUARTIER, EN 1975, ET LEUR UNIFORMISATION, ENTRE 1962 ET 1975, DANS LES AGGLOMERATIONS DE CHARTRES ET DE DREUX.

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Source : I. N. S. E. E.

92Dans le cas de Chartres, on pourrait presque parler d'un dédoublement du centre. A s'en tenir aux densités, deux groupes de quartiers à densités élevées apparaissent en effet l'un correspondant à la ville historique, l'autre aux parties orientales des communes de Mainvilliers et de Lucé (où se trouvent les anciens noyaux villageois). Ils sont séparés provisoirement ? - par les quartiers à moindre concentration de Saint-Jean et de l'Hôpital. On peut se poser la question de savoir s'il s'agit d'un dédoublement ou d'une extension du centre.

GIGANTISME ET NORMALISATION

93L'accroissement de la capacité résidentielle des agglomérations a été principalement satisfait par la construction de masse. Celle-ci associe, inséparablement, le gigantisme et la normalisation qui sont deux conditions de la rentabilisation du capital investi, mais qui aboutissent à la spécialisation résidentielle.

Des opérations immobilières d’un seul tenant

94Le gigantisme naît de la concentration des constructions à vocation résidentielle sur des opérations d'un seul tenant. Dans un premier temps, il a été associé à la construction en hauteur, mais une évolution s'est produite, en ce domaine, au cours de la période. Qu'il s'agisse de batteries d'immeubles surgissant tout à coup en lisière de l'espace urbanisé ou qu'il s'agisse de nappes pavillonnaires dévorant les espaces suburbains, les constructions immobilières récentes les plus spectaculaires, les plus représentatives et les plus lourdes de conséquences ont été constituées par des groupes d'habitations de grande taille.

95La normalisation des architectures et des matériaux correspond à la technique du logement industrialisé. Elle est une condition du gigantisme et présente l'intérêt d'être applicable en tous lieux : "Quelle que soit 1'agglomération que le visiteur aborde aujourd'hui, il rencontre des quartiers neufs, structurés, propres... mais massifs et uniformes, où se concentre la croissance ou l'explosion urbaine... L'urbanisme des dernières années a cherché d'abord à libérer les aménageurs et les constructeurs de toute contrainte et toute spécificité locales, pour qu'ils puissent faire des opérations fonctionnelles et économiques" (Gevram - 1975 - p. 57 - 64)

96Ces nouveaux quartiers appartiennent donc à un modèle récent ordinaire, universellement répandu et facilement identifiable aux échelles nationales ou internationales. Mais, à l'échelle de la ville, ils conservent une personnalité singulière, insolite, contraire à l'usage.

PLANCHE 25. Dreux - La Résidence des Chamards.

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Formes de l'urbanisation récente sur le plateau sud et est de DREUX.
Cliché M. MICHEL.

97On peut distinguer, dans les agglomérations de Chartres, Dreux et Evreux, plusieurs types d'opérations immobilières nouvelles correspondant à des tailles, à des procédures et à des époques différentes.

98La première formule prend son essor dès le début des années cinquante dans les plus dynamiques des communes (villes-centres et communes suburbaines actives : Lucé, Vernouillet). Mais, elle se prolongera plus tardivement dans les autres communes. Elle consiste à construire des groupements d'habitations comportant quelques dizaines et parfois quelques centaines de logements. Parmi les opérations les plus importantes et les plus anciennes, on peut citer celles, entreprises entre 1949 et 1952, par l'O.P.H.L.M. de Chartres : 250 logements dans le quartier de Rechèvres, au nord-ouest de Chartres ; quelques années plus tard, 156 logements sont mis en chantier, à l'est, dans la Cité Saint-Chéron et 144 logements dans la Cité Jean-Roux. Dans la commune voisine de Lucé, la construction des premiers logements collectifs intervient en 1952 (une cinquantaine de logements dans le quartier du Petit-Lucé). Elle se prolonge en 1958 avec le remplacement de baraquements militaires, à l'est de la commune, par 180 logements collectifs et avec la construction des 240 logements collectifs de la Cité Jean-Maunoury.

99Vers le milieu ou la fin des années cinquante, la formule évolue, dans ces communes, vers le grand ensemble. La notion de "grand ensemble" suppose la juxtaposition et l'assemblage de plusieurs unités immobilières, un habitat exclusivement vertical et collectif, une taille élevée de l'ensemble obtenu (plusieurs centaines de logements) et une certaine synchronie de réalisation (qui peut pourtant s'échelonner sur plusieurs années). Mais, cette notion est relative : elle varie principalement avec la taille de l'organisme urbain. Dans des agglomérations de taille moyenne comme Chartres, Dreux et Evreux, on peut considérer comme "grand ensemble" des groupements d'habitations modestes, pourvu que leur nouveauté et leur originalité soient nettement marquées au sein de l'organisme urbain traditionnel.

100La cité de Beaulieu, à Chartres, constitue l'exemple de "grand ensemble" le meilleur et le plus facile à identifier. Il forme en effet un bloc résidentiel cohérent, important et nettement individualisé. Il a été construit sur une période courte (deux ans) en trois phases de 500 logements environ chacune (1ère tranche : 1962, 500 logements ; 2e tranche : 1963, 510 logements ; 3e tranche : 1963-64, 508 logements).

101Le groupement d'habitations de Nétreville à Evreux, peut-il être qualifié de "grand ensemble" ? On est tenté de répondre affirmativement dans la mesure où il représente le premier exemple d'habitat social collectif de masse dans l'agglomération d'Evreux. Mais, les 1600 logements qu'il compte ont été construits sur une période plus longue (entre 1955 et 1969). Et, il ne présente ni l'homogénéité ni l'organisation du quartier Beaulieu de Chartres. Il s'est bâti par addition de programmes successifs, sans plan d'ensemble et souvent dans une certaine anarchie (sans, par exemple, que les rues soient tracées préalablement à la construction). On y a successivement construit des logements de type LO.PO.FA. (Logements pour une population familiale ou Logements Populaires Familiaux), de type P.S.O. (à programme social ordinaire), P.S.D. (à programme social différé), P.S.R. (à programme social réduit). Le plus souvent, les opérations portent sur 100 à 150 logements. Exceptionnellement, le programme "Coignet", mis en service en 1957-1958, comporte 290 logements. Enfin, si le logement collectif domine, on y trouve aussi deux groupes de pavillons en bande.

102On pourrait poser les mêmes questions à propos des 860 logements collectifs et locatifs du quartier du Vieux-Puits, au sud de la commune de Lucé, ou à propos des 450 logements de la Cité de Tallemont, à Mainvilliers, qui comporte quatre tours, trois autres immeubles collectifs, mais aussi 140 pavillons individuels. Dans ce dernier cas, la construction s'échelonne entre 1959 et 1968. A terme, elle est capable d'accueillir une population de 2400 personnes environ, soit, à peu près l'équivalent de la population de Mainvilliers en 1954.

103On pourrait enfin poser la même question à Dreux. Qui parcourt la zone d'urbanisation méridionale de la ville identifie aisément des grappes d'immeubles semblables : ceux des Chamards, disposés autour de leurs six tours de quinze étages, les nombreux mais petits immeubles de briques de La Croix-Tiénac, les hauts bâtiments gris de la Cité Haricot, ceux des Bessières, ceux du Lièvre d’Or, etc... Chacun de ces ensembles correspond à plusieurs centaines de logements : dont la construction, menée par des organismes divers (publics, privés, départementaux, municipaux...) s'est échelonnée sur plusieurs années. Ils sont séparés les uns des autres soit par d'autres séries d'immeubles moins importants, soit par des pavillons isolés ou en lotissements, anciens ou récents. L'impression générale est celle d'une juxtaposition, sans ordre ni structure, de groupements d'habitations dont aucun n'a suffisamment d'envergure pour mériter l'appellation de "grand ensemble". Quant à la totalité, elle comporte trop d'hétérogénéité et trop de confusion pour qu'on puisse l'assimiler à un "grand ensemble". Une juxtaposition de cités, c'est la description la plus exacte de ces nouveaux paysages urbains drouais, étant bien entendu que ces cités sont à majorité d'habitat vertical.

104Avec les Z.U.P., qui constituent le second type d'opération immobilière d'un seul tenant, les agglomérations franchissent un degré supplémentaire dans la concentration et le zonage résidentiels. Obligées de s'écarter davantage de la masse bâtie ancienne, afin de trouver des surfaces suffisamment vastes pour la construction d'une quantité accrue de logements, les Z.U.P. accentuent et rendent définitive la rupture avec la ville traditionnelle.

105Le décret instituant les Z.U.P. date de décembre 1958. Par conséquent, les Z.U.P. succèdent chronologiquement aux grands ensembles.

106"La Z.U.P. est un emplacement sur lequel les opérations d'urbanisme doivent être réalisées dans un court délai. Elle va permettre la création d'ensembles importants d'habitations, de quartiers nouveaux, ou même de villes nouvelles disposant de tous les équipements nécessaires, par une exécution coordonnée et synchronisée de ces derniers avec la construction des immeubles, ce qui présente l'avantage pour les communes d'éviter la dispersion des efforts de l'équipement des terrains" (Jacquignon L. - 1978). La législation fixe la procédure en sept phases : "choix de l'implantation de la zone et intervention de l'arrêté ministériel délimitant la zone ; établissement du programme d'urbanisme, déclaration d'utilité publique et convention de concession ; acquisition des terrains par l'aménageur (soit à l'amiable, soit par exercice du droit de préemption, soit par expropriation) ; établissement des projets d'exécution, aménagement des terrains, cession des terrains au promoteur, construction (aménagements collectifs et logements privés)" (Jacquignon L. - 1978).

107Dans les agglomérations de Chartres et d'Evreux, la construction des Z.U.P. occupe principalement la décennie 1960. Celle d'Evreux est plus précoce (la décision est prise en 1958), mais le projet initial, conçu par la ville ne portait que sur 23 hectares et 1163 logements. Celle de Chartres commence juste au moment où s'achève le grand ensemble de Beaulieu (la décision est prise en 1964).

108Les Z.U.P. de Chartres et d'Evreux présentent beaucoup de ressemblances et quelques originalités. D'abord, elles s'étendent sur le territoire communal de la ville-centre et dans une position tout à fait comparable par rapport au centre-ville. A Chartres comme à Evreux, on a choisi, pour elles, le plateau de rive droite au sud-est de la ville. S'agit-il seulement d'un hasard, qui aurait laissé, dans les parties orientales des territoires communaux, de vastes espaces disponibles ? Ou la situation des Z.U.P. à l'est des villes est-elle liée à la direction parisienne dont l'intérêt pour la localisation des zones d'activités rejaillit sur la localisation des zones d'habitat ?

109Dans les deux cas, les relations avec le centre-ville se font selon un modèle identique, par l'intermédiaire de radiales qui sont en même temps les limites de la Z.U.P. A Evreux, il s'agit des routes de Paris, Saint-André-de-l''Eure et Orléans qui convergent vers le pont du chemin de fer. A Chartres, il s'agit des routes de Paris et de Tours qui convergent vers la place Morard (Fig. 101).

110Du côté externe, un boulevard périphérique marque la limite - provisoire ? - de la Z.U.P. A Chartres, la coupure est d'autant plus nette que la rocade est doublée par l'autoroute A.11 : Paris-Tours.

111Ainsi délimitées, les Z.U.P. occupent de très grandes surfaces : 91 hectares pour la Z.U.P. d'Evreux, 180 hectares pour la Z.U.P. de Chartres, mais une partie seulement est affectée à l'habitat. Achevées, elles représentent un nombre considérable de logements : 4 600 à Evreux, 3 900 à Chartres. C'est dire qu'elles représentent, à terme, des populations de 15 000 à 20 000 habitants, parts très importantes de la population totale de la ville-centre et même de l'agglomération.

112Sur le plan urbanistique, elles appartiennent à un modèle général bien connu puisqu'on le retrouve aux portes de beaucoup de villes de France. Il se caractérise par la prédominance ou l'exclusivité de l'habitat collectif. Exclusivité à Evreux, mais prédominance à Chartres où la Z.U.P. est organisée autour d'un noyau dense et fortement structuré constitué par un groupe d'immeubles, tandis que les espaces périphériques sont dessinés de façon plus lâche et réservés à des pavillons individuels. Il se caractérise aussi par la disposition perpendiculaire ou parallèle des immeubles et par l'association d'immeubles de différentes formes (bandes et tours) et de différentes hauteurs. A Evreux, par exemple, les immeubles ont généralement cinq étages et se présentent, le plus souvent, sous la forme de longues barres parallélépipédiques, mais, quelques-uns ont des formes plus ramassées, et on a disposé, çà et là, quelques tours plus élevées. Il se caractérise enfin par la pratique d'une séparation entre les circulations routière et piétonnière. Ainsi, à Chartres, l'axe piétonnier du Mail double l'un des tracés routiers principaux : celui de l'avenue des Sablons.

113Une plus grande diversité caractérise la Z.U.P. de Chartres où l'on a tenté une association plus variée de formes d'habitat correspondant à une plus large palette sociale d'utilisateurs. En effet, la Z.U.P. comporte à la fois des immeubles locatifs, des immeubles en accession à la propriété et des pavillons individuels en accession à la propriété. En ce sens, elle annonce déjà la procédure suivante.

114La loi d'orientation foncière de 1967 a sonné le glas des Z.U.P. La procédure a été presque totalement abandonnée au profit de celle des Z.A.C. (Zone d'Aménagement Concerté), qui recherchent une plus grande diversification sociale et prévoient une association de logements individuels et collectifs.

115A Dreux, la Z.A.C. des Bâtes, située sur le plateau à l'ouest et au nord-ouest de la ville, s'étend sur près de 100 hectares et est prévue pour accueillir une population de 15 000 habitants (La première tranche ne concerne que 60 hectares). Elle prévoit douze groupes d'habitations collectives, comportant souvent plusieurs centaines de logements (quatre cents dans le groupe le plus important) et neuf groupes d'habitations individuelles de moindre ampleur.

116Les lotissements pavillonnaires ont été évoqués soit dans le cadre des Z.U.P., soit dans celui des Z.A.C. Il en existe également qui sont indépendants. Ils sont le plus souvent d'origine communale (par exemple La Croix-Bonnard à Chartres, ou "La Mare Gallot" à Rieuville-Dreux).

117Au total, ce tableau très rapide des formes d'habitat créées au cours de la période récente dans les trois agglomérations de Chartres, Dreux et Evreux montre qu'on y retrouve, mais d'une manière qui n'est pas systématique, les principales formes et les principales procédures qui ont concerné la construction immobilière en France. Il reste qu'à côté des grands ensembles, Z.U.P. et Z.A.C., beaucoup de constructions, notamment dans les communes suburbaines, mais aussi à Dreux, ont été faites "au coup par coup" et sans s'inscrire dans un schéma d'ensemble. La lisibilité des paysages est alors beaucoup moins évidente et l'impact sur les structures urbaines beaucoup plus discret.

La spécialisation résidentielle

118Ces zones d'habitat acquièrent toute leur originalité par leur spécialisation dans la fonction résidentielle. Cela signifie surtout que les emplois en sont pratiquement absents. Et cette rupture spatiale entre lieu du logement et lieu du travail constitue le fait géographique le plus lourd de conséquences.

119L'inexistence des emplois s'explique d'abord par le fait que les activités industrielles ont leur propre affectation zonale (cf. supra). Mais, elle s'explique aussi par la faiblesse des activités de commerces et de services, réduites à l'indispensable.

120Dans le quartier ébroïcien de Nétreville, on compte seulement une douzaine de magasins. On n'y trouve ni banque, ni bureau de sécurité sociale, ni centre administratif et le bureau de poste n'a été construit qu'après 1970. La Z.U.P. est à peine mieux lotie sur le plan commercial : deux petits centres comportant quelques commerces autour d'un petit supermarché ou d'une supérette. Mais, elle bénéficie de davantage d'équipements : outre un bureau de poste, l'équipement scolaire (dont deux C.E.S.), l'équipement sportif (dont une piscine), les équipements sociaux (un complexe médicosocial, un centre pour personnes âgées) et les équipements culturels (une maison des jeunes et de la culture).

121Le centre commercial constitue un point priviligié dans le grand ensemble ou dans la Z.U.P. Il est censé en former le noyau dense, animé, vivant. C'est autour de lui que s'organise spatialement l'opération immobilière, vers lui que convergent les voies de circulation pour piétons ou pour automobilistes. Parfois, la densité des constructions s'ordonne également en fonction de lui. Ce lieu de consommation est donc aussi un lieu de passage obligatoire et le lieu autour duquel se crée l'animation.

122Mais son activité demeure épisodique et déphasée par rapport à celle du centre-ville traditionnel. Les rythmes scolaires ponctuent sa fréquentation dans la journée. Mais, c'est le soir que le centre prend réellement vie lorsque ses habitants - et surtout ses habitantes - ont retrouvé leur logis.

123Dans le grand-ensemble, le centre commercial est unique et dispose donc d'une situation de monopole. Dans la Z.U.P., la situation est différente. La Z.U.P. de Chartres, par exemple, possède un centre commercial élémentaire, comprenant des commerces et services quotidiens (alimentation, coiffeur...) destinés à la satisfaction des besoins courants. Mais, il est concurrencé par la grande surface commerciale de la ville, située en lisière de la Z.U.P. Une disposition identique se retrouve à Evreux (avec toutefois un accès plus difficile à la grande surface).

LES FACTEURS EXPLICATIFS

124Les choix précédemment décrits n'étaient pas, rappelons-le, inévitables. Deux types d'arguments paraissent en mesure de les justifier : les premiers de nature technique et économique, les seconds de nature psycho-sociologique.

Efficacité et rentabilisation

125Comme en d'autres domaines, l'argumentation technique et économique a été largement mise en avant. Elle se développe autour des notions d'efficacité, de moindre coût et de restructuration du secteur économique du bâtiment.

126Le souci d'efficacité se justifie par l'urgence des besoins. S'agissant de faire face à de grosses demandes de logements, les promoteurs ont choisi les solutions supposées les plus rapides. Elles conduisent à la concentration des chantiers, à la simplification et à la rationalisation des productions (par exemple, par l'utilisation de matériaux normalisés, assemblés selon des plans-types), à la simplification et au regroupement des équipements. Le gigantisme, là comme ailleurs, a été présumé garant de haute productivité.

127Le souci du moindre coût est d'autant plus prononcé qu'il s'applique à la construction des logements sociaux. S'agissant de stocker et d'assurer la reproduction d'une main-d’œuvre banale, les promoteurs ont recherché - à l'intérieur des normes fixées pour ce genre d'habitations - les solutions les moins coûteuses. Elles conduisent à la localisation périphérique, qui atténue les charges foncières et permet d'échapper aux nombreuses contraintes de l'espace déjà bâti. Elles conduisent aussi à la standardisation et à l'industrialisation des productions (la production en grande série étant un facteur d'abaissement des coûts).

  • 1 Il entend par charges foncières : coût des terrains + démolitions + fondations spéciales + partici (...)

128La justesse de ces raisonnements peut à bon droit être mise en doute. On a remarqué que la construction de masse se perpétue alors même que l'urgence des demandes s'atténue. Et, E. Préteceille (1973) a montré que le montant des charges foncières1 (était plus élevé en Z.U.P. que hors Z.U.P., ce qui constitue un résultat exactement contraire à l'objectif annoncé !

129Le souci de restructuration se justifie par la volonté de faire apparaître dans le bâtiment - à l'image de l'industrie - des entreprises puissantes dotées de capitaux importants. On sait que le bâtiment est resté longtemps un secteur archaïque, très attardé, par rapport aux autres secteurs industriels, dans la course à l'accumulation du capital. En 1966, les trois quarts des entreprises de ce secteur emploient encore moins de trois salariés ! Le gigantisme des opérations immobilières fournit un moyen de hâter la nécessaire restructuration en sélectionnant les entreprises capables de faire face et en éliminant les autres.

130D'autres intérêts peuvent également s'exprimer, parmi les agents économiques : ceux des employeurs et notamment des nouveaux employeurs des agglomérations. Dans la mesure où un relèvement des loyers et des frais de transport risque de se traduire par des revendications salariales, les employeurs ont intérêt à voir construire au moindre coût et à concentrer la main-d’œuvre à proximité des lieux de production.

131Tous ces arguments ont pour point commun d'ignorer superbement les conditions locales. C'est dans l'abstrait et à l'échelle nationale qu'ont été trouvées les formules répondant le mieux aux objectifs à atteindre. Parées de l'estampille de "solutions économiques", elles ont été, en quelque sorte, institutionnalisées et sont devenues des modèles dont l'adoption par les responsables locaux a été rendue quasi-automatique. On les a appliquées à Chartres, S Dreux et à Evreux, comme ailleurs.

132Dans ces conditions, la tâche des décideurs locaux consiste seulement à déterminer la partie de l'agglomération dans laquelle se concrétiseront des principes et des procédures préalablement définis par une autorité supérieure. Il leur faut trouver la partie de l'espace urbain dans laquelle les conditions géographiques s'adaptent le mieux aux caractéristiques techniques recherchées.

133La vallée et les parties trop proches du centre sont immédiatement et automatiquement exclues. On se contente volontiers, et trop facilement, d'expliquer ce renoncement en évoquant les risques d'inondation et le manque de place. Pourtant, la valeur de ces arguments reste très relative. A Evreux, les bâtiments de l'usine Navarre, se sont installés, au dix-neuvième siècle, sur des terrains qui répondent à ces caractéristiques. Pourquoi seraient-ils au vingtième siècle impropres à la construction immobilière ? A Chartres, une "résidence" s'est bâtie aux bords de l'Eure. Pourquoi pas des H.L.M. ? A Dreux, plusieurs usines à l'aval, le lycée Rotrou à l'amont occupent la vallée de la Biaise. Pourquoi pas des immeubles d'habitation ? De même, l'argument du manque de place n'a quelque valeur que si l'on refuse le principe du développement linéaire (qui à Evreux, par exemple, n'aurait pas eu que des désavantages puisqu'il aurait permis de tourner davantage la ville vers la Basse-Seine).

134En réalité, l'urbanisation de vallée a été rejetée parce que les conditions qu’elle offre se définissent comme les négatifs des conditions recherchées par la construction de masse : le coût du sol y est élevé, le morcellement foncier complique les acquisitions, l'urbanisme antérieur impose diverses contraintes et il est difficile d'y déployer les techniques modernes.

135L’urbanisation des versants se heurte à peu près aux mêmes obstacles, auxquels s'ajoutent évidemment ceux qui proviennent de la déclivité du terrain. Ils paraissent, dans certains cas, difficilement surmontables. A Evreux, par exemple, le plateau du Neubourg tombe par une pente abrupte et continue sur la vallée et l'on ne peut imaginer une urbanisation de masse quand seules une route fortement déclive et quelques maisons individuelles ont réussi à s'y accrocher. Les versants sont raides, aussi, en direction de la foret d'Evreux et de Nétreville, bien qu'ils soient coupés par quelques vallons. Mais, dans d'autres cas, les possibilités d'urbanisation des versants existent. A Evreux, le plateau de Saint-André rejoint le niveau de la nappe alluviale de l'Iton par une pente assez douce ; ses possibilités n'ont été exploitées que sous la forme pavillonnaire. A Chartres, la pente du versant de rive droite de l'Eure est un peu plus raide. Là où elle reste, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, inoccupée, elle débouche sur des casernes et sur l'aérodrome, ce qui n'est guère favorable. Et, surtout, elle a pour vis-à-vis, de l'autre côté de la vallée d'Eure, la cathédrale. On devine quelles considérations d'esthétique urbaine - ô combien plus efficaces que les contraintes de pente - ont fait avorter tout projet en ce lieu. C'est finalement à Dreux que les potentialités d'urbanisation des versants sont les plus grandes - grâce à la douceur et à la longueur des pentes qui montent vers Rieuville - et c'est là qu'elles ont été le mieux utilisées : l'urbanisation de masse du sud de Dreux est plus une urbanisation de versant que de plateau.

136Il resterait aux municipalités de multiples possibilités de choix si n'intervenait une dernière contrainte, administrative celle-là. En effet, la recherche d'un espace de localisation d'un grand ensemble ou d'une Z.U.P. se fait dans le cadre communal et non dans le cadre de l'agglomération. Dans le cas de Chartres, cette procédure a pratiquement imposé, pour l'époque actuelle, le choix oriental. En effet, l'urbanisation du dix-neuvième et du début du vingtième siècles a très tôt atteint, du côté du nord-ouest et du sud-ouest, les limites communales de Lèves, Mainvilliers, Lucé et Luisant. La poursuite de l'urbanisation sur le territoire de la commune de Chartres n'a donc pu, au vingtième siècle, se faire qu'à l'est, direction dans laquelle demeurent de vastes espaces disponibles.

137Compte tenu des impératifs techniques et économiques, les possibilités de choix des décideurs locaux sont finalement assez réduites. Elles se résument au choix de la partie du plateau qui sera urbanisé. A Evreux et surtout à Dreux qui dispose d'un vaste territoire communal, plusieurs possibilités existent. Mais, à Chartres, dans la mesure où l'aérodrome occupe le plateau oriental et la zone industrielle les parties sud orientales de la ville, il ne reste pratiquement d'autre choix que l'emplacement intermédiaire.

138Donc, dans la mesure où les municipalités ont accepté les normes techniques et économiques définies au niveau national, leurs possibilités de choix des espaces d'urbanisation ont été extrêmement limitées.

La volonté ségrégationniste

139Les arguments économiques ont assurément joué un rôle essentiel. Ils ont cependant été confortés par des comportements locaux dans lesquels transperce une volonté délibérée d'isolement de certaines catégories de population. L'effet de ségrégation spatiale passe par une action consciente et organisée visant à séparer de la ville traditionnelle les concentrations indésirables.

140Le phénomène n'est pas nouveau. La division des villes en quartiers professionnellement et socialement homogènes apparaît très tôt (cf. supra). Au dix-neuvième siècle, le spectacle de la révolution industrielle a confirmé à la bourgeoisie qu'il était dangereux de laisser la classe ouvrière investir l'habitat ancien du centre des villes. Et, même dans des agglomérations comme celles-ci, dans lesquelles ses manifestations sont restées très modestes, elle s'est accompagnée de phénomènes ségrégatifs. La composition des bourgeoisies urbaines de Chartres, de Dreux et d'Evreux, et les attitudes de méfiance qu'elles ont entretenues à l'égard du développement industriel n'ont pu que renforcer les comportements ségrégatifs.

141Dans ses manifestations contemporaines, la volonté ségrégationniste s'est exprimée par des modalités nouvelles et, pour certaines fort curieuses et très révélatrices.

142D'abord, elle a dû, parfois, changer l'échelle de son expression spatiale et adopter le cadre de l'agglomération plutôt que celui de la ville : à Chartres, notamment. Surtout, elle a pris, pour parvenir aux résultats précédemment indiqués, un tour indirect qui vaut d'être analysé. En effet, certaines des formes ségrégatives actuelles trouvent leur origine dans des décisions, prises au lendemain même de la Seconde Guerre mondiale, avant que ne démarre le processus de déconcentration industrielle et ne se mette en place l'organisation nouvelle de l'espace urbain.

143A Evreux, par exemple, on constate que les plateaux les plus mal reliés à la ville ont été les premiers choisis comme lieux d'urbanisation nouvelle et les premiers occupés par des populations, certes très différentes, mais également marginales. En construisant les logements destinés aux familles du personnel américain de la base de l'O.T.A.N. au nord, sur le plateau Saint-Michel ou, au sud, dans une clairière du plateau forestier de La Poterie, c'est-à-dire dans les parties de la ville les moins aisément accessibles à l'époque, les Américains ont donné l'exemple d'une utilisation de la localisation périphérique comme moyen de séparation, et des contraintes géographiques comme moyen de cloisonnement de groupes humains trop différents pour cohabiter sans heurts. A l'est de la ville, le plateau de Nétreville, lui aussi coupé du reste de l'espace urbain, a été utilisé comme abcès de fixation pour concentrer et confiner dans un quartier-rebut toute la frange défavorisée de la société ébroïcienne : sinistrés les plus déshérités d'abord, puis ouvriers sans qualification surtout, mais aussi tout ce que la ville compte de pauvres, d'inadaptés (anciens ouvriers agricoles non reclassés dans la société industrielle, anciens ouvriers du bâtiment n'ayant pu s'adapter au travail en usine), d'asociaux, de marginaux, de chômeurs, d'étrangers, de rapatriés, de gens de passage... Tous ceux que la société locale considère comme indésirables et qu'elle n'intègre pas, ou tous ceux qu'elle n'a pas encore intégrés (immigrants récemment arrivés) se retrouvent à Nétreville.

144De la même façon, le fait que, dans l'agglomération chartraine, la commune de Lucé soit la première à se préoccuper de construction sociale et la première à prendre des initiatives s'explique par l'acuité du problème du logement, elle-même due à des comportements ségrégatifs qui ont conduit à implanter sur son territoire trois camps de baraquements abritant deux cents familles dont une cinquantaine de familles de réfugiés espagnols et une quarantaine de familles chartraines chassées des taudis devenus dangereux de la rue de la Corroierie, dans la ville basse.

145Les exemples de Nétreville et de Lucé montrent que la construction du logement social et sa concentration dans les périphéries urbaines sont, bien souvent, la continuation et la conséquence d'une volonté ségrégationniste antérieure appliquée d'abord à des populations marginales puis étendue à la majorité des nouveaux résidants.

146On voit par ces exemples que les conditions physiques peuvent être interprétées non seulement - ainsi qu'on le fait toujours - comme des conditions premières, contraignantes et déterminantes des choix d'urbanisation, mais aussi comme des auxiliaires permettant d'atteindre l'objectif de ségrégation spatiale. Leur soi-disant déterminisme permet de leur faire porter la responsabilité des choix. Et, d'un autre côté, leur caractère réellement contraignant permet de les utiliser comme moyen de renforcer la ségrégation spatiale.

147Dans ces conditions, le versant qui isole Nétreville du centre d'Evreux devient plus une assurance qu'un inconvénient, et plusieurs aménagements humains ont pour effet d'en renforcer l'efficacité. Dans ces conditions, la vallée de l'Eure devient, à Chartres, une discontinuité spatiale essentielle qu'on maintient en y localisant des activités non résidentielles, et qui protège la bourgeoisie des centres des risques d'une promiscuité avec la périphérie.

LE SYSTEME HABITAT-TRAVAIL

148Les nouvelles formes d'occupation de l'espace urbain se définissent par des zones homogènes, périphériques mais spatialement différenciées. Les unes correspondent aux lieux de l'exploitation de la force de travail ; les autres aux lieux de sa reproduction (habitat, formes élémentaires de la consommation et de l'éducation).

149Ces "îles fonctionnelles" sont-elles implantées ici ou là indépendamment l'une de l'autre ? Ou bien, le rapport qui les lie l'une à l'autre a-t-il été à l'origine de leur position ? Telle est la question à laquelle on voudrait essayer de répondre en analysant le système habitat-travail.

LE SYSTEME HABITAT-TRAVAIL DE PERIPHERIE

150Malgré leur spécialisation fonctionnelle et leur séparation spatiale, les zones d'activités et les zones d'habitat restent associées, mais de façon plus ou moins intime selon les agglomérations. Dans les agglomérations de Chartres et d'Evreux, dans lesquelles ont été équipées de vastes zones industrielles, le groupement de l'habitat s'est - pour une grande partie - réalisé parallèlement et à proximité de ces zones. Ainsi, à Chartres, on relève une contiguïté et une association spatiales entre les zones d'activités industrielles et tertiaires et les grandes opérations d'habitat de La Madeleine, de Beaulieu et de la Croix-Bonnard (Fig. 101). On trouve, dans la commune voisine de Lucé, la même volonté de mener conjointement la réalisation d'une zone industrielle et la construction de logements, en majorité sociaux. A Evreux, les mêmes préoccupations d'association entre zones d'activités et zones d'habitat aboutissent à placer le principal ensemble immobilier entre les zones industrielles no 1 et no 2 (Fig. 102).

151Par contre, à Dreux, le retard avec lequel se sont réalisées les zones industrielles est corrélé avec une relative distanciation entre habitat et travail et avec une relative dissémination de l'habitat entre plusieurs ensembles. En gros, les activités nouvelles s'installent sur le plateau nord tandis que les principales zones de construction immobilière occupent le versant et le plateau sud.

FIG 101. ELEMENTS DU SOUS-SYSTEME URBAIN PERIPHERIQUE, A CHARTRES.

Image

152Des sous-systèmes habitat-travail périphériques se sont donc beaucoup plus facilement constitués à Chartres et à Evreux qu'à Dreux. Ils aboutissent à la constitution d'ensembles urbains dont on peut se demander s'ils ne sont pas des "villes-bis" ? Il est difficile de mesurer leur degré d'autonomie mais, les éléments de cette autonomie existent, qui réduisent les occasions d'une fréquentation des espaces anciennement bâtis, et notamment du centre-ville, à des exceptions.

153L'aménagement d'un sous-système habitat-travail périphérique répond d'abord aux finalités productivistes précédemment indiquées. Des avantages techniques et financiers s'y ajoutent. En effet, l'équipement des zones industrielles coûte cher. Beaucoup de promoteurs ont pensé réduire le coût des dépenses d'équipement en jumelant les installations nécessaires à la zone industrielle et celles nécessaires à un grand ensemble. Les habitations deviennent ainsi les utilisatrices principales de ces équipements et justifient les plus gros investissements. Une municipalité astucieuse peut même affecter presque toutes les dépenses d'équipement au grand ensemble d'habitations et réduire ainsi le coût apparent de la zone. La vente à perte de terrains aux industriels s'en trouve dissimulée.

FIG 102. LE FONCTIONNEMENT DU SOUS-SYSTEME URBAIN PERIPHERIQUE, A EVREUX.

Image

154On peut aussi justifier la construction d'un sous-système habitat-travail périphérique par le souci de réduire les migrations alternantes de travailleurs.

155Incontestablement, cette organisation permet d'évacuer une grande partie de la relation habitat-travail, la plus régulière et la plus massive des formes de déplacements intra-urbains, du centre-ville. Cette solution n'est pas sans conséquence. Dans la mesure où la relation de travail pouvait être créatrice d'autres formes de relation, cette évacuation correspond assez souvent à une rupture des trames culturelles, commerciales... classiques et donc à de plus grandes difficultés de fréquentation du centre-ville. Avec son logement, son travail, sa supérette et l'école pour les enfants en périphérie, la famille "zupienne" peut fort bien se passer d'une fréquentation du centre-ville, d'autant plus qu'elle a, sur place, le loisir - télévision. Pendant très longtemps d'ailleurs, les liaisons par transports en commun avec le centre-ville ont été inexistantes.

156Reste à savoir si cette organisation a les mêmes effets sur les autres types de relations migratoires intra-urbaines.

LES MIGRATIONS ALTERNANTES INTRA-URBAINES

157La mobilité - en général - est aujourd'hui devenue une des caractéristiques du système urbain. On a parlé précédemment des mouvements entre établissements de travail. Mais, la mobilité prend, à l'intérieur de l'agglomération, des formes très variées, selon l'échelle et selon la cadence à laquelle elle s'exerce.

158Une première forme de mobilité est liée aux différenciations spatiales de la qualité des logements ou des quartiers et correspond à la transcription, dans le temps et dans l'espace, du processus de promotion sociale. A Evreux, par exemple, on identifie facilement, sur ce plan, un itinéraire classique : on habite d'abord Nétreville puis La Madeleine et on passe enfin - si l'on peut - dans des quartiers pavillonnaires de standing moyen, très exceptionnellement à Saint-Michel. Ce type de migration s'effectue à l'échelle d'une vie active. Des types de mobilité épisodiques mais de fréquence plus grande - et d'ailleurs variable - correspondent à l'utilisation de certains services de la ville-centre ou à la fréquentation du supermarché : on arrive ainsi à des mouvements de rythme hebdomadaire.

159Avec les migrations alternantes de travail, la cadence s'accélère et leur régularité devient parfaite.

160Ces mouvements résultent de la dissociation dans l'espace des lieux du travail et des lieux du logement. Les spécialisations zonales contemporaines et l'étalement de plus en plus considérable des agglomérations en modifient les modalités et les formes, mais ne les suppriment pas. Au contraire, ils entraînent un déchirement du temps quotidien en tranches : les travailleurs de la ville se trouvent tous en même temps aux mêmes endroits et passent tous en même temps d'une zone fonctionnelle à une autre. La migration alternante devient donc, elle aussi, un phénomène de masse. Elle devient un phénomène spectaculaire, un des événements urbains quotidiens et une des données de la structure urbaine.

161L'analyse de cette mobilité, de ce temps de friction au cours duquel chaque individu se met en situation de passer du statut de producteur au statut d'habitant (ou vice-versa) est difficile à mener car aucune des sources envisageables n'en offre un tableau satisfaisant. L'analyse des migrations intercommunales laisse de côté les migrations à l'intérieur d'une même commune. Or, elles peuvent être importantes, notamment à l'intérieur de la ville-centre. Quant à l'analyse des variations des flux de circulation - qui peut aussi être envisagée-elle souffre de la confusion entre les diverses formes de circulation et ne fournit, de toute façon, qu'une documentation très partielle.

162On limitera donc l'analyse aux seules migrations inter-communales.

163L'analyse des migrations intercommunales, dont on a dit qu'elle ne donnait qu'une image partielle des mouvements habitat-travail présente, par contre, l'avantage, grâce aux renseignements chiffrés qu'elle fournit, de permettre d'apprécier l'évolution de ces mouvements, sur une période de temps assez longue. On dispose - au moins pour Chartres et Dreux - de renseignements assez précis à partir de 1962. Pour Evreux, les données statistiques comparatives manquent, dans le détail.

164L'ensemble des personnes actives qui résident et travaillent au sein de l'agglomération, mais dans deux communes différentes, représente, en 1975 : 10 668 unités à Chartres, 3 306 unités à Dreux, 2 638 unités à Evreux.

165Le phénomène des migrations alternantes intercommunales est donc très irrégulièrement développé dans les trois agglomérations. Il n'atteint une grande ampleur que dans l'agglomération de Chartres du fait de la multiplicité des communes suburbaines et de l'existence de multiples pôles d'emploi et d'habitat situés dans des communes différentes. Il est beaucoup plus faible à Dreux et très faible à Evreux, agglomération de structure plus monocentrique (Tab. 094).

TAB 094. PART (EN %) DES MIGRANTS ALTERNANTS INTERCOMMUNAUX, DANS LA POPULATION ACTIVE DES AGGLOMERATIONS DE CHARTRES, DREUX ET EVREUX, EN 1975.

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Source : I. N. S. E. E.

166Le phénomène des migrations alternantes intercommunales a connu une augmentation considérable pendant la période de forte croissance postérieure à la Seconde Guerre mondiale. Il a été multiplié par 2,5 à Chartres, entre 1962 et 1975. Il a été multiplié par 4 à Dreux et Evreux pendant la même période. Ces rythmes sont nettement plus rapides que ceux de l'évolution de la population active ou des emplois (multiplication par 1,5 et 1,7).

167La différence des rythmes de progression des migrations alternantes d'une agglomération à l'autre semble s'expliquer par l'ancienneté du phénomène dans l'agglomération de Chartres. En effet, en 1962, la commune de Lucé forme déjà à la fois un pôle résidentiel laissant quelque 1 300 de ses résidants partir travailler dans une autre commune de l'agglomération et un pôle d'emploi recrutant près de 700 personnes dans les autres communes de l'agglomération. Mainvilliers, Luisant et Lèves sont également soumises à l'attraction des pôles d'emploi chartrain et lucéen et les deux premières communes ont un léger effet attractif. Une telle complexité ne se retrouve absolument pas ni à Dreux ni à Evreux.

168Les migrations alternantes intercommunales restent principalement alimentées par des échanges entre la ville-centre et les communes périphériques. Les relations entre communes suburbaines demeurent, par contre, embryonnaires (Tab. 095).

169La ville centre attire davantage des cadres moyens et des employés que des ouvriers. Par contre, les communes périphériques attractives reçoivent essentiellement des ouvriers : Lucé absorbe quatre fois plus d'ouvriers que de cadres moyens et employés.

170Pourtant, la complexité des échanges s'accroît quand on passe de l'agglomération de Dreux à celle d'Evreux puis à celle de Chartres.

  • 1 par "entrées", il faut entendre : entrées de résidants des autres communes de l'agglomération ayan (...)

TAB. 095. PART DES ENTREES1 DANS LA VILLE-CENTRE DANS LES MIGRATIONS ALTERNANTES INTERCOMMUNALES DES AGGLOMERATIONS DE CHARTRES, DREUX ET EVREUX, EN 1962, 1968 ET 1975.

Chartres

Dreux

Evreux

1962

73,2

72,4

86,7

1968

66,6

63,3

-

1975

66,0

58,9

73,2

Source : I. N. S. E. E.

171Dans le cas de l'agglomération de Dreux (Tab. 096), 90 % des échanges se font entre Dreux et Vernouillet. Mais, entre 1962 et 1975, le nombre des habitants de Vernouillet travaillant à Dreux a été multiplié par 3,8, celui des habitants de Dreux travaillant à Vernouillet par 5,9. La commune-centre reste le pôle d'emploi principal mais Vernouillet s'affirme comme un pôle secondaire important : les entrées à Vernouillet forment, en 1975, 40 % des échanges intercommunaux. A une échelle beaucoup plus modeste, Luray renforce également son attraction sur Dreux et Vernouillet, mais les effectifs concernés restent très faibles.

172Dans le cas de l'agglomération d'Evreux (Tab. 097), les échanges intercommunaux ne se sont jamais réduits aux relations de deux communes. Ils se sont récemment compliqués avec le développement du pôle résidentiel de Saint-Sébastien-de-Morsent.

173Dans le cas de l'agglomération de Chartres, enfin, la structure des migrations alternantes devient nettement plus complexe (Tab. 098). Elle reste caractérisée par l'existence d'un pôle d'attraction majeur, très nettement affirmé puisque les entrées dans la ville-centre constituent deux tiers des mouvements intercommunaux (Tab. 098). Mais, les pôles attractifs secondaires sont plus nombreux ; l'un important (Lucé), les autres plus modestes (Luisant et Mainvilliers). Et, des mouvements non négligeables entre communes suburbaines apparaissent : ils portent sur quelques centaines de personnes, à destination de Lucé surtout.

TAB. 096. EVOLUTION DES MIGRATIONS ALTERNANTES DE TRAVAILLEURS ENTRE COMMUNES DE L'AGGLOMERATION DE DREUX, ENTRE 1962 ET 1975.

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Source : I. N. S. E. E

TAB 097. EVOLUTION DES MIGRATIONS ALTERNANTES DE TRAVAILLEURS ENTRE COMMUNES DE L'AGGLOMERATION D'EVREUX, ENTRE 1962 ET 1975.

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Source : I. N. S. E. E.

174Cette agglomération présente également la caractéristique d'avoir conservé une structure d'échanges globalement stable entre 1962 et 1975. Entre ces deux dates, le nombre des résidants des communes suburbaines travaillant à Chartres est multiplié par 2,2 et celui des résidants chartrains travaillant dans les communes suburbaines par 2,3 !

TAB 098. EVOLUTION DES MIGRATIONS ALTERNANTES DE TRAVAILLEURS ENTRE COMMUNES DE L’AGGLOMERATION DE CHARTRES, ENTRE 1962 ET 1975.

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Source : I. N. S. E. E.

175Une différence essentielle entre Dreux d'une part, Chartres et Evreux d'autre part, est donnée par la part des sorties de la ville-centre dans les migrations intercommunales (Tab. 099). La ville de Dreux est, beaucoup plus que Chartres ou Evreux, et de plus en plus, sensible à l'attraction des emplois des communes suburbaines.

TAB 099. PART DES SORTIES (1) DE LA VILLE-CENTRE DANS LES MIGRATIONS ALTERNANTES INTERCOMMUNALES DES AGGLOMERATIONS DE CHARTRES, DREUX ET EVREUX, EN 1962, 1968 ET 1975.

Chartres

Dreux

Evreux

1962

19,6

27,3

12,0

1968

21,1

35,5

1975

18,0

39,1

23,9

(1) par "sorties", il faut entendre : sorties de résidants de la ville-centre ayant leur emploi dans une autre commune de l'agglomération
Source : I.N.S.E.E.

176Cette considération invite à examiner, pour chacune des communes des agglomérations, le rapport qui s'est établi entre les fonctions habitat et travail.

On peut le jauger par différents indicateurs (Tab. 100). Les uns Image mesurent l'attractivité des emplois d'une commune sur les résidants des autres communes de l'agglomération. Les autres Image mesurent la dépendance des résidants d'une commune par rapport aux emplois des autres communes de l'agglomération. La combinaison de ces deux indices permet de bien mettre en évidence l'originalité des villes centres d'agglomérations qui ont toujours des indices faibles ou assez faibles, et jouissent donc d'une assez large autonomie, et qui sont les seules communes dont les indices d'attractivité sont supérieurs aux indices de dépendance (Fig. 104). Toutefois, Dreux et Evreux ont des indices d'attractivité des emplois plus faibles que Chartres, ce qui s'explique principalement par le caractère moins évolué de leur agglomération. Et, d'autre part, Dreux et Chartres ont des indices de dépendance des résidants plus élevés qu'Evreux, ce qui s'explique par la faible puissance du pôle de Gravigny, comparée à celle de Lucé ou de Vernouillet. Seule, 3 % des résidants de la ville d'Evreux travaillent dans une autre commune de l'agglomération.

FIG 103. MIGRATIONS ALTERNANTES DE TRAVAIL ENTRE COMMUNES DE L'AGGLOMERATION DE CHARTRES, EN 1975.

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SOURCE : I. N. S. E. E.

FIG 104. IDENTIFICATION DES COMMUNES DES AGGLOMERATIONS DE CHARTRES, DREUX ET EVREUX PAR LA COMBINAISON DU RAPPORT D'ATTRACTIVITE DES EMPLOIS ET DU RAPPORT DE DEPENDANCE DES RESIDANTS, EN 1975.

Image

Rapport d’attractivité Image
Rapport de dépendance Image
a = effectif des travailleurs résidant sur place,
b = effectif des travailleurs provenantd’une autre commune de l’agglomération,
c = effectif des résidants travaillant dans une autre commune de l’agglomération.

177Pour ce qui concerne les communes suburbaines, on distingue aisément trois groupes (Fig. 104). Le plus fourni comprend celles des communes suburbaines qui ont les indices de dépendance les plus forts et les indices d'attractivité les plus faibles : Morancez représente, dans ce groupe, un cas extrême. Le Coudray et Luisant s'en distinguent par un indice d'attractivité élevé, ce qui signifie, à la fois, que les emplois communaux sont tenus par des non-résidants et que les résidants travaillent en dehors de leur commune. Cette situation traduit une inadéquation socio-économique des emplois communaux à la structure de la population active résidante. Enfin, Gravigny, Lucé et Vernouillet, trois communes pourvues d'une zone industrielle se rapprochent d'une situation équilibrée grâce à une atténuation de la dépendance de leurs résidants par rapport aux emplois extérieurs.

178Un autre aspect des rapports entre résidence et travail au sein de l'agglomération est fourni par l'indice de mobilité intercommunale défini, pour chacune des communes de l'agglomération, par la valeur centuplée du rapport entre le nombre des emplois communaux tenus par des résidants d'autres communes de l'agglomération et le nombre des résidants communaux exerçant leur activité de travail dans une autre commune de l'agglomération (Tab. 101).

179Les valeurs supérieures à 100, correspondant à des communes dans lesquelles la fonction de travail est priviligiée, se rencontrent seulement dans les villes centrales. Mais, on relève des écarts importants d'indices entre ces villes et de sensibles différenciations dans leur évolution. Chartres réussit, beaucoup mieux qu'Evreux et que Dreux, à maintenir, au cours de la période récente, son rôle de pôle de travail dominant dans l'agglomération. Mais, si l'évolution ébroïcienne, quoique rapide, laisse à Evreux une nette spécificité au sein de son agglomération, l'évolution drouaise, par contre, quoique plus lente, aboutit à ôter à la ville-centre une grande partie de son individualité car elle s'applique à une ville dans laquelle la fonction de travail n'a jamais été très prédominante. Ainsi, en 1975, il y a autant de différence entre les indices de mobilité intercommunale de Luray et de Vernouillet qu'entre ceux de Vernouillet et de Dreux ; ce qui n'est le cas dans aucune des deux autres agglomérations. Par son indice de mobilité intercommunale, Dreux-ville occupe une position intermédiaire entre celle de Chartres et d'Evreux et celles des communes suburbaines les plus industrialisées.

TAB 100. LE RAPPORT HABITAT-TRAVAIL DANS LES COMMUNES DES AGGLOMERATIONS DE CHARTRES, DREUX ET EVREUX, EN 1975, EXPRIME PAR QUELQUES INDICATEURS CONCERNANT LES MIGRATIONS ALTERNANTES INTERCOMMUNALES.

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a = travailleurs résidant sur place
b = travailleurs provenant d’une autre commune de l’agglomération
c = résidants allant travailler dans une autre commune de l’agglomération.
Source : I. N. S. E. E.

180Dans les communes suburbaines, les valeurs de l'indice sont toujours inférieures à 100. Mais, on peut aisément distinguer deux groupes. A Vernouillet, à Gravigny, à Lucé et à Luisant, la fonction résidentielle - dominante - est associée à la présence d'un pôle d'emploi. Ces communes, tout en laissant partir plus d'actifs qu'elles n'en accueillent, ont généralement amélioré leur attractivité entre 1962 et 1975. Elles disposent, toutes, sur leur territoire d'une zone d'activités. Les autres communes, dont les indices varient de 33 à 6 sont de pures annexes résidentielles.

TAB 101. MIGRATIONS ALTERNANTES DE TRAVAIL ENTRE COMMUNES DE L'AGGLOMERATION. L'INDICE DE MOBILITE INTERCOMMUNALE EN 1962, 1968 ET 1975.

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Source : I. N. S. E. E.

CONCLUSION DU CHAPITRE 1

181L'analyse géographique de la localisation et des formes des grandes aires d'activité et d'habitat nouvelles éclaire les processus de la restructuration spatiale des agglomérations à la suite de l'introduction de l'innovation.

182La localisation périphérique des formes récentes de l'urbanisation ne résulte pas, inéluctablement, d'une occupation antérieure des parties centrales des villes. Elle est, bien davantage, la traduction spatiale d'une logique du développement qui fait de la fécondation parisienne l'origine du processus. La localisation et, plus encore, le fonctionnement des zones industrielles, s'inscrivent ainsi dans la logique d'une forme d'industrialisation qui privilégie les relations avec l'environnement extra-urbain. Quant aux zones d'habitation, leur localisation se justifie, certes, par la recherche d'une proximité avec les précédentes mais, aussi, par la nature de l'activité et des emplois, créateurs d'un contenu humain, lui-même associé à un certain type de constructions et de logements, et explicatif d'une volonté ségrégationniste.

183Ces divers choix et les enchaînements qu'ils provoquent ont cependant joué, de façon variable, dans les trois agglomérations. Les principales différenciations constatées semblent issues d'une inégale maîtrise des processus par les autorités urbaines. Des volontés plus affirmées de sélection, d'organisation et de contrôle se marquent, à Chartres et à Evreux. Elles conduisent à des formes d'association entre zones contiguës d'activités et d'habitat, disposées tangentiellement par rapport au construit ancien. Elles donnent naissance à des sous-systèmes qui réunissent les conditions d'un fonctionnement semi-autonome.

184Néanmoins, la structure générale des agglomérations reste déterminée par le fait que ces sous-systèmes se construisent dans le cadre communal et par la place exceptionnelle que conservent la ville-centre et le centre-ville. Les migrations alternantes intercommunales ne rendent compte que d'une partie de la réalité de la mobilité de travail intra-urbain. L'analyse plus fine, à l'échelle des quartiers, d'autres données, peut apporter des informations supplémentaires.

Notes

1 Il entend par charges foncières : coût des terrains + démolitions + fondations spéciales + participations + réseaux et branchement eau-gaz-électricité-assainissement + voirie.

Notes de fin

1 par "entrées", il faut entendre : entrées de résidants des autres communes de l'agglomération ayant leur emploi dans la ville-centre.

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