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Développement des villes moyennes. Chartres, Dreux, Evreux

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Michel Michel

Première partie. La mobilisation

Chapitre 1. La concentration humaine

Texte intégral

1L'inclusion des villes moyennes dans le système urbano-industriel requiert un préalable : la disponibilité d'une abondante main-d’oeuvre.

2La concentration démographique constitue donc la première et la plus spectaculaire des manifestations concrètes de cette incorporation. Les formes nouvelles par lesquelles elle se réalise dans les agglomérations de Chartres, de Dreux et d'Evreux rompent avec les normes séculaires de l'évolution urbaine. L'accélération des taux d'accroissement se fait si brusquement qu'elle est ressentie comme le début d'une ère démographique nouvelle. La presse s'en fait l'écho. La population s'y montre sensibilisée. Les techniciens, eux-mêmes, s'enflamment et multiplient les appréciations prospectives audacieuses. L'origine externe de la majorité de l'apport démographique, surtout, pèse sur la psychologie urbaine.

3Que valent ces impressions premières, ces sentiments confus ou passionnés ? Des analyses comparatives successives peuvent dire ce que cette évolution a effectivement d'exceptionnel ou ce qui, au contraire, permet de la rapprocher et de la rattacher aux transformations d'autres agglomérations de même taille, de même famille, de même situation géographique... Par leur intermédiaire, il s'agit de déterminer dans quelle mesure Chartres, Dreux et Evreux s'inscrivent dans le mouvement général d'urbanisation de l'espace français et dans quelle mesure leur situation géographique particulière rejaillit sur les modalités d'application d'un processus généralisé.

4Car, si le changement de rythme ne peut être contesté, il n'exclut pas les irrégularités. Situer la date du "décollage" démographique, définir le style et les phases de la croissance, analyser la contribution de chacune des composantes de l'essor démographique : telles sont les tâches qui s'imposent au chercheur. Leurs résultats, pourtant, ne deviennent fructueux que s'ils prennent place dans une perspective comparative et évolutive. On pratiquera donc la comparaison interne (entre Chartres, Dreux et Evreux) et, aussi, la confrontation de différentes échelles (France, Bassin parisien, espace inter-séquano-ligérien).

L'ACCELERATION DES RYTHMES D'ACCROISSEMENT

5Il n'est guère possible de s'attarder sur les années de l'immédiat après-guerre qui voient, dans les villes, se dérouler des mouvements démographiques complexes mais difficilement isolables : processus de récupération et de reconstitution d'une population urbaine plus ou moins dispersée par la guerre, démarrage d'une nouvelle croissance. L'accélération des rythmes d'accroissement démographique sera donc perçue, essentiellement, au travers des résultats des recensements de 1954, 1962 et 1975.

DES ACCROISSEMENTS DEMOGRAPHIQUES EXCEPTIONNELS

6En 1975, l'agglomération de Chartres compte 32 089 personnes de plus qu'en 1954, soit 80 % de plus. Les deux autres agglomérations ont plus que doublé leur population : Evreux a gagné 27 834 habitants (+ 104 %), Dreux s'est grossie de 24 002 unités (+ 131 %).

7Ces gains exceptionnels créent, dans l'histoire démographique des villes, une rupture fondamentale, bien visible sur la courbe qui la représente (Fig. 038) et qui, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, se redresse soudain et se rapproche de la verticale. Ils marquent la fin d'une période caractérisée par la lenteur des évolutions, durant laquelle les augmentations moyennes annuelles de population se comptaient plus souvent en dizaines qu'en centaines de personnes. Désormais, les accroissements dépassent le millier de personnes par an. Entre 1954 et 1975, l'agglomération de Chartres se gonfle de 1528 individus par an, celle d'Evreux de 1325, celle de Dreux de 1143 (Fig. 039). Ainsi, l'agglomération de Dreux gagne en vingt-deux ans (1946-1968) trois fois plus d'habitants qu'elle n'en avait gagnés pendant les soixante-dix années précédentes (1876-1946). L'agglomération d'Evreux : quatre fois plus.

FIG 038 EVOLUTION DE LA POPULATION DES VILLES DE CHARTRES, DREUX ET EVREUX, ENTRE 1836 ET 1975.

FIG 038 EVOLUTION DE LA POPULATION DES VILLES DE CHARTRES, DREUX ET EVREUX, ENTRE 1836 ET 1975.

Source : I.N.S.E.E.

8Frappant des organismes urbains de taille modeste, jusqu'alors jamais soumis à pareils assauts, ces apports sont reçus comme de véritables agressions, signes de vitalité, certes, mais surtout sources de perturbations et de problèmes.

9Mais, dira-t-on, la concentration urbaine est la loi ordinaire de l'époque, et les agglomérations de Chartres, de Dreux et d'Evreux ne font que participer à un processus général. Sans doute. Néanmoins, par le rythme élevé de leur croissance, les trois agglomérations tranchent sur l'évolution de l'ensemble des agglomérations de l'hexagone. Une première preuve en est donnée par la remontée qu'elles effectuent dans le classement des agglomérations françaises selon l'ordre décroissant de leur nombre d'habitants. L'agglomération de Chartres y passe du 127e rang en 1936 au 77e rang en 1975 ; celle d'Evreux du 184e rang au 99e, celle de Dreux du 286e au 128e. Ces glissements, révélateurs illustrent le mouvement ascendant des agglomérations concernées au sein de la hiérarchie urbaine française.

FIG 039 ACCROISSEMENT MOYEN ANNUEL DE LA POPULATION DES VILLES ET DES AGGLOMERATIONS DE CHARTRES, DREUX ET EVREUX, AUX DIX-NEUVIEME ET VINGTIEME SIECLES.

FIG 039 ACCROISSEMENT MOYEN ANNUEL DE LA POPULATION DES VILLES ET DES AGGLOMERATIONS DE CHARTRES, DREUX ET EVREUX, AUX DIX-NEUVIEME ET VINGTIEME SIECLES.

Source : I.N.S.E.E.

10La comparaison des taux de variation moyens annuels de la population des agglomérations de Chartres, Dreux et Evreux avec ceux de l'ensemble des unités urbaines de la France conduit aux mêmes conclusions (Tab. 006). La supériorité des taux des trois agglomérations est éclatante quand on considère l'ensemble des unités urbaines françaises. Elle demeure très sensible lorsqu'on considère les unités urbaines appartenant aux mêmes catégories de taille que Chartres, Dreux et Evreux (unités urbaines de 20 000 à 49 999 habitants et unités urbaines de 50 000 à 99 999 habitants).

TAB 006 COMPARAISON DES TAUX DE VARIATION MOYENS ANNUELS DE LA POPULATION DES VILLES ET DES AGGLOMERATIONS DE CHARTRES, DREUX ET EVREUX ET DE LA POPULATION DES UNITES URBAINES FRANCAISES, CLASSEES PAR CATEGORIE DE-AILLE, ENTRE 1954 ET 1975 (EN % / AN)

TAB 006 COMPARAISON DES TAUX DE VARIATION MOYENS ANNUELS DE LA POPULATION DES VILLES ET DES AGGLOMERATIONS DE CHARTRES, DREUX ET EVREUX ET DE LA POPULATION DES UNITES URBAINES FRANCAISES, CLASSEES PAR CATEGORIE DE-AILLE, ENTRE 1954 ET 1975 (EN % / AN)

Source : I.N.S.E.E.

11L'appartenance de Chartres, Dreux et Evreux à une même catégorie de villes : les villes à effectif moyen de population, n'entre donc que pour une part très faible dans l'explication de l'intensité de leur accroissement démographique. En vérité, les rythmes de la croissance des villes moyennes françaises varient, dans des proportions considérables, selon la situation géographique des agglomérations. Deux ensembles principaux de villes moyennes à dynamisme démographique élevé se dessinent, sur une carte de France (Fig. 001). L'un suit les vallées du Rhône et de la Saône. L'autre couvre le centre du Bassin parisien et ses prolongements en direction du sud-ouest. Tous deux montrent - à des échelles différentes - que les villes moyennes à fort dynamisme démographique se disposent volontiers à la périphérie des grandes concentrations urbaines : marseillaise, genevoise, lyonnaise, parisienne essentiellement.

12Chartres, Dreux et Evreux appartiennent, en réalité, à deux groupements spatiaux de villes moyennes à fort dynamisme démographique : le centre du Bassin parisien d'une part, la France de l'Ouest, d'autre part. Il convient donc de replacer l'évolution démographique récente de ces agglomérations dans ces deux contextes régionaux et de voir si elles y conservent quelque singularité.

CHARTRES, DREUX, EVREUX ET LES AGGLOMERATIONS MOYENNES DU BASSIN PARISIEN

13La première analyse comparative porte sur quarante-deux agglomérations de plus de 30 000 habitants en 1975, situées dans le Bassin parisien. Elles appartiennent aux régions de programme Ile-de-France, Champagne-Ardennes, Picardie, Haute-Normandie, Centre, Basse-Normandie, Bourgogne (à l'exception de la Saône-et-Loire), auxquelles ont été ajoutés les départements de la Mayenne et de la Sarthe. Ces quarante-deux agglomérations (l'agglomération de Paris étant exclue) représentent, en 1975, une masse de 4 060 334 habitants. Entre 1954 et 1975, ces agglomérations ont accru leur population de 1 524 401 personnes, ce qui équivaut à une augmentation relative de 60 %

14Pour chacune de ces agglomérations, il a été nécessaire de calculer la population en 1954 en tenant compte des modifications de la composition des agglomérations. On a pu ainsi obtenir un bilan, absolu et relatif, de la variation démographique sur une période assez longue pour éliminer les accidents (Tab. 007).

15L'évolution démographique des agglomérations du Bassin parisien se présente sous une forme extrêmement contrastée. Vingt-cinq agglomérations sur quarante-deux enregistrent des taux inférieurs au taux moyen (+ 60 %). Aux premières places du tableau se trouvent des agglomérations particulières, que l'I.N.S.E.E. n'a pas incluses dans l'agglomération de Paris, mais qui vivent en étroite association avec la capitale, et qui font d'ailleurs partie de la Z.P.I.U. de Paris : Trappes, Mantes. Leur croissance résulte de décisions volontaristes prises dans le cadre de l'aménagement de la région parisienne.

TAB 007 VARIATION ABSOLUE ET RELATIVE, ENTRE 1954 ET 1975, DE LA POPULATION DES AGGLOMERATIONS DU BASSIN PARISIEN DE PLUS DE 30 000 HABITANTS EN 1975 (Classement en fonction des taux relatifs décroissants).

Agglomérations de :TRAPPES

Variation absolue+ 92 941

Variation relative+ 479 %

MANTES

+ 95 564

+ 161 %

Melun

+ 44 952

+ 139 %

Dreux

+ 24 002

+ 131 %

Meaux

+ 27 512

+ 121 %

Evreux

+ 27 834

+ 104 %

CAEN

+ 90 273

+ 99 %

Beauvais

+ 28 211

+ 97 %

Creil

+ 37 434

+ 94 %

Blois

+ 26 683

+ 82 %

Chartres

+ 32 089

+ 80 %

Lagny

+ 14 608

+ 79 %

ORLEANS

+ 90 925

+ 77 %

TOURS

+ 98 831

+ 67 %

DIJON

+ 80 846

+ 63 %

Alençon

+ 16 123

+ 62 %

Laval

+ 21 099

+ 60 %

Châlons-sur-Marne

+ 23 509

+ 59 %

REIMS

+ 69 049

+ 54 %

LE MANS -

+ 66 954

+ 54 %

Sens

+ 11 508

+ 53 %

Soissons-

+ 16 090

+ 53 %

Compiègne

+ 19 831

+ 53 %

Saint Dizier

+ 13 298

+ 52 %

Châteauroux

+ 22 955

+ 52 %

Auxerre

+ 14 058

+ 52 %

Bourges

+ 28 977

+ 51 %

Montargis

+ 16 774

+ 50 %

AMIENS

+ 47 085

+ 44 %

TROYES

+ 38 748

+ 44 %

ROUEN

+ 107 022

+ 38 %

Nevers

+ 15 051

+ 34 %

LE HAVRE

+ 66 086

+ 33 %

Charleville-Mézières

+ 16 992

+ 33 %

Sedan

+ 7 257

+ 31 %

Elbeuf

+ 11 281

+ 30 %

Fontainebleau

+ 8 076

+ 29 %

Saint-Quentin

+ 16 594

+ 28 %

Vierzon

+ 7 474

+ 25 %

Epernay

+ 7 037

+ 24 %

Cherbourg

+ 14 822

+ 22 %

Dieppe

+ 7 946

+ 21 %

Chartres : Agglomération de 30 à 99 999 hts en 1975.
CAEN : Agglomération de 100 à 199 999 hts en 1975.
ROUEN : Agglomération de plus de 200 000 hts en 1975.
Source : I.N.S.E.E.

FIG 040 VARIATION ABSOLUE ET VARIATION RELATIVE DE LA POPULATION DES AGGLOMERATIONS MOYENNES ET GRANDES DU BASSIN PARISIEN ENTRE 1954 ET 1975.

FIG 040 VARIATION ABSOLUE ET VARIATION RELATIVE DE LA POPULATION DES AGGLOMERATIONS MOYENNES ET GRANDES DU BASSIN PARISIEN ENTRE 1954 ET 1975.

16Par leur taux de croissance, les trois agglomérations de Chartres, Dreux et Evreux se situent dans le groupe des agglomérations dynamiques du Bassin parisien, respective ment au 11e, 4e et 6e rangs. Evreux et Dreux appartiennent au groupe des agglomérations qui ont presque doublé ou plus que doublé leur population depuis 1954. Elles y accompagnent Meaux, Caen, Beauvais et Creil. En dehors de Caen, de population plus importante et plus éloignée de Paris, il s'agit ici d'un groupement homogène constitué d'agglomérations de taille moyenne (42 264 habitants pour la plus petite : Dreux, 77 225 habitants pour la plus grande : Creil) et proches de la capitale. La croissance de Chartres, un peu plus faible, se rapproche davantage de celle d'une autre agglomération de même famille mais plus lointaine : Blois, ou de celles de cités plus importantes, comme Orléans ou Tours.

17Les gains absolus peuvent paraître modestes. Pourtant, l'agglomération de Chartres a gagné à peine moins d'habitants que celle de Troyes. Et, si l'on veut bien nous permettre de cumuler les accroissements de Chartres, de Dreux et d'Evreux, on constatera que les gains de trois agglomérations moyennes soutiennent la comparaison avec ceux réalisés par chacune des grandes villes. Leur montant global (83 925 personnes) occupe une position intermédiaire entre ceux de chacune des agglomérations de Le Havre, Le Mans, Reims et Dijon, qui lui sont inférieurs, et ceux de chacune des agglomérations de Caen, Orléans, Tours, et Rouen (auxquelles on pourrait ajouter Trappes et Mantes), qui lui sont supérieurs.

18Deux facteurs géographiques essentiels peuvent être invoqués pour expliquer la croissance démographique rapide de Chartres, de Dreux et d'Evreux. Leur proximité par rapport à Paris constitue un premier atout : une couronne de villes moyennes proches et à fort dynamisme ceinture l'agglomération parisienne (Fig. 040). Constituée par Beauvais, Creil, Meaux et Melun au nord et à l'est, elle concerne aussi, à l'ouest, les trois agglomérations de Chartres, Dreux et Evreux, bien que celles-ci soient les plus éloignées du centre de la capitale.

19Mais, leur situation, à l'ouest de Paris, apparaît également comme une condition avantageuse. Dans cette partie de la périphérie parisienne, en effet, la croissance démographique fait figure de phénomène généralisé et conquérant : elle s'applique aussi bien aux communes des départements des Yvelines et de l'Essonne, qui font partie de l'agglomération parisienne, qu'aux unités urbaines petites (Aubergenville, Noisy-Le-Roi, Bonnières-sur-Seine, Dourdan), moyennes (Rambouillet) ou grandes (Trappes, Mantes) qui sont situées en lisière de cette agglomération, et qu'aux villes moyennes plus lointaines que sont Chartres, Dreux et Evreux. Il semble bien que la présence d'agglomérations nombreuses et dynamiques n'ait pas nui à la croissance démographique de Chartres, de Dreux et d'Evreux, mais qu'elle l'ait, au contraire, favorisée. En ce sens, la croissance démographique rapide de Chartres, de Dreux et d'Evreux peut s'interpréter comme l'illustration d'une orientation préférentielle, vers l'ouest, de la progression de l'aire de croissance parisienne. Cette analyse est confirmée par la présence, à l'ouest - et uniquement à l'ouest - d'axes de villes moyennes et grandes prolongeant l'aire centrale (axe ligerien, surtout, avec Orléans, Blois et Tours, axe normand, aussi, en direction de Caen).

CHARTRES, DREUX, EVREUX ET LES AGGLOMERATIONS D'ENTRE SEINE ET LOIRE

20Il convient donc d'en venir à une analyse spatialement plus homogène, limitée à ce secteur occidental du Bassin parisien. Les pays d'entre Seine et Loire disposent d'un riche semis urbain dont le dessin est principalement déterminé par la disposition relative des vallées et des axes de circulation. Dans les limites d'un polygone dont les sommets sont constitués par Paris, Rouen, Le Havre, Caen, Le Mans, Tours et Orléans, quarante-huit agglomérations atteignent ou dépassent l'effectif de cinq mille habitants, en 1975, en dehors de l'agglomération parisienne. Seules, Trappes et Mantes-la-Jolie dépassent cent mille habitants. Certaines des agglomérations incluses dans la région Ile-de-France (agglomérations des départements : Yvelines et Essonne) apparaissent souvent fort artificielles ou fondamentalement liées à l'agglomération parisienne. Elles ont cependant été maintenues en l'état car, sur le plan démographique, leur croissance leur confère une grande originalité qu’il aurait été préjudiciable de ne pas faire apparaître. Les autres agglomérations retenues appartiennent aux départements de la Seine-Maritime, de l’Eure, de l'Eure-et-Loir, du Loiret, du Loir-et-Cher, de l'Indre-et-Loir, de la Sarthe, de l'Orne et du Calvados (Fig. 041).

FIG 041 POPULATION, EN 1954, DES AGGLOMERATIONS DE PLUS DE 5000 HABITANTS, DANS L'ESPACE INTER-SEQUANO-LIGERIEN.

FIG 041 POPULATION, EN 1954, DES AGGLOMERATIONS DE PLUS DE 5000 HABITANTS, DANS L'ESPACE INTER-SEQUANO-LIGERIEN.

Même légende que la figure 41.
Source : I.N.S.E.E.

FIG 042 POPULATION, EN 1975, DES AGGLOMERATIONS DE PLUS DE 5000 HABITANTS, DANS L'ESPACE INTER-SEQUANO-LIGERIEN.

FIG 042 POPULATION, EN 1975, DES AGGLOMERATIONS DE PLUS DE 5000 HABITANTS, DANS L'ESPACE INTER-SEQUANO-LIGERIEN.

Même légende que la figure 41.
Source : I.N.S.E.E.

21Globalement, ces quarante-huit agglomérations, petites et moyennes, représentent une population de 548 000 habitants en 1954 et de 1 036 000 habitants en 1975. Leur population s'est donc accrue de 488 000 personnes entre 1954 et 1975, ce qui équivaut à une augmentation relative de + 89 %.

22Toutefois, ce taux global cache une différenciation essentielle entre les agglomérations qui appartiennent à la région Ile-de France et celles qui appartiennent à des départements de l'ouest. Les douze agglomérations qui se situent en région Ile-de-France ont, en effet, globalement accru leur population de 247 000 habitants, ce qui correspond à un taux de croissance de + 197 % ! Les agglomérations provinciales, malgré leur effectif triple (trente-six agglomérations) ont gagné un nombre à peu près identique d'habitants (241 000), ce qui établit leur taux de croissance à + 57 %. Ce taux est tout à fait comparable à celui des grandes agglomérations régionales (+ 54 %). Dans l'ensemble, on peut donc dire que les agglomérations petites et moyennes des pays d’entre Seine et Loire ont montré un dynamisme égal à celui des grandes villes, marginales par rapport à cet espace (Rouen, Le Havre, Caen, Le Mans, Tours, Orléans). Mais, bien évidemment, il ne s'agit là que d'un taux moyen, qui dissimule de grandes inégalités.

23Par leurs gains absolus, les trois agglomérations de Chartres, Dreux et Evreux figurent aux premiers rangs du classement des agglomérations, immédiatement derrière les deux organismes urbains de Mantes-la-Jolie et de Trappes (Tab. 008). Seule l'agglomération de Blois peut leur être comparée de ce point de vue. Par leur taux de croissance, les trois agglomérations de Chartres, Dreux et Evreux se tiennent également aux premières places du tableau. Mais, elles sont largement distancées par de nombreuses agglomérations de la région parisienne, très variables par la taille mais dont les taux de croissance s'élèvent à des sommets : Trappes, Noisy-le-Roi, Guyancourt, Aubergenville. Les taux des agglomérations de Chartres, Dreux et Evreux se comparent plus volontiers à ceux de Mantesla Jolie, Rambouillet, Epone, Maule et Dourdan, groupe hétérogène, mais qui comprend d'authentiques petites villes (Rambouillet, Dourdan). Cependant la plus importante de ces petites villes ne connaît qu'une croissance moyenne (Etampes : + 65 %).

TAB 008 VARIATION ABSOLUE ET VARIATION RELATIVE DE LA POPULATION DES AGGLOMERATIONS DE PLUS DE 5 000 HABITANTS (EN 1975), DANS LES PAYS D ENTRE SEINE ET LOIRE, ENTRE 1954 ET 1975. (Classement en fonction des taux relatifs décroissants).

Agglomération de

Variation absolue

Variation relative

1. Trappes

+ 92 941

+ 479 %

2. Noisy-le-Roi

+ 7 987

+ 322 %

3. Guyancourt

+ 4 238

+ 316 %

4. Aubergenville

+ 9 127

+ 313 %

5. Mantes la Jolie

+ 95 564

+ 161 %

6. Epône

+ 4 003

+ 135 %

7. Dreux

+ 24 002

+ 131 %

8. Maule

+ 3 097

+ 118 %

9. Etrechy

+ 3 193

+ 117 %

10. Rambouillet

+ 10 018

+ 112 %

11. Evreux

+ 27 834

+ 104 %

12. Dourdan

+ 3 769

+ 103 %

13. Argentan

+ 8 435

+ 101 %

14. Epernon

+ 2 820

+ 96 %

15. Bonnières-sur-Seine

+ 4 529

+ 86 %

16. Blois

+ 26 683

+ 82 %

17. Chartres

+ 32 089

+ 80 %

18. Le Bosc Roger en R.

+ 2 413

+ 75 %

19. Louviers

+ 8 031

+ 71 %

20. Mer

+ 2 103

+ 69 %

21. Vernon

+ 10 904

+ 68 %

22. Etampes

+ 8 837

+ 65 %

23. Gaillon

+ 2 632

+ 64 %

24. Alençon

+ 16 123

+ 62 %

25. Vendôme

+ 8 141

+ 62 %

26. Beaugency

+ 2 482

+ 61 %

27. Amboise

+ 5 611

+ 61 %

28. Châteaudun

+ 6 682

+ 61 %

29. La Ferté Bernard

+ 3 591

+ 59 %

30. Nogent le Rotrou

+ 4 327

+ 47 %

31. Pacy-sur-Eure

+ 1 621

+ 46 %

32. Falaise

+ 2 653

+ 46 %

33. Château-Renault

+ 2 006

+ 42 %

34. Nonancourt

+ 2 291

+ 41 %

35. L'Aigle

+ 3 344

+ 38 %

36. Ouistreham

+ 2 663

+ 36 %

37. Mortagne

+ 1 538

+ 36 %

38. Lisieux

+ 7 561

+ 35 %

39. Meung-sur-Loire

+ 1 319

+ 30 %

40. Elbeuf

+ 11 281

+ 30 %

41. Pont-Audemer

+ 2 797

+ 28 %

42. Mamers

+ 1 388

+ 26 %

43. Château du Loir

+ 1 282

+ 25 %

44. Bernay

+ 2 012

+ 21 %

45. Verneuil-sur Avre

+ 1 142

+ 21 %

46. Honfleur

+ 487

+ 5 %

47. Trouville-sur Mer

+ 678

+ 4 %

48. Dives sur Mer

+ 112

+ 1 %

Source : I.N.S.E.E.

FIG 043 VARIATION ABSOLUE ET RELATIVE, ENTRE 1954 ET 1975 DE LA POPULATION DES AGGLOMERATIONS DE PLUS DE 5000 HABITANTS EN 1975, DANS LES PAYS D'ENTRE SEINE ET LOIRE.

FIG 043 VARIATION ABSOLUE ET RELATIVE, ENTRE 1954 ET 1975 DE LA POPULATION DES AGGLOMERATIONS DE PLUS DE 5000 HABITANTS EN 1975, DANS LES PAYS D'ENTRE SEINE ET LOIRE.

24Si l'on trouve aisément des agglomérations aussi dynamiques que celles de Chartres, Dreux et Evreux, du côté de l'est, il n'en va pas de même du côté de l'ouest. Seule, la petite unité urbaine d'Argentan (16 774 habitants en 1975) réussit un doublement de sa population entre 1954 et 1975. L'agglomération de Blois, de taille similaire à celle d'Evreux (59 248 habitants en 1975), atteint un taux identique à celui de l'agglomération de Chartres (+ 82 %). Alençon (42 017 habitants en 1975) n'enregistre qu'un taux de croissance moyen. Quant aux petites agglomérations, hormis Vendôme, Châteaudun, Amboise et La Ferté-Bernard, elles ne connaissent que des rythmes d'évolution médiocre.

25L'évolution démographique des agglomérations d'entre Seine et Loire apparaît ainsi plus conditionnée par leur situation géographique que par leur appartenance à une catégorie de taille. Certes, d'une façon générale, les villes moyennes prennent l'avantage sur les petites. Mais, ce qui frappe surtout, c'est l'existence d'ensembles spatiaux regroupant des agglomérations de taille variée mais d'évolution démographique identique. La coupure majeure, presque caricaturale tant elle est tranchée, sépare le secteur nord-est, assimilable aux parties distantes de moins de cent kilomètres de Paris, des secteurs ouest et sud-ouest, assimilables aux parties comprises entre cent et deux cents kilomètres de Paris. L'ensemble des agglomérations situées à l'est d'une ligne allant de Rouen à Etampes, et passant à l'ouest d'Evreux, de Dreux et de Chartres a les taux les plus élevés : deux agglomérations seulement (sur vingt-deux) n'atteignent pas le taux de + 64 % (Elbeuf et Pacy-sur-Eure). Au contraire, à l'ouest de cette ligne, les taux de variation restent inférieurs à + 64 %, sauf pour trois agglomérations (sur vingt-six) : Argentan, Blois et Mer. On peut difficilement concevoir différenciation spatiale plus accusée (Fig. 043)

26Plus précisément, la composition des deux ensembles spatiaux peut être brièvement analysée de la façon suivante.

27groupe oriental à fort dynamisme :

28C'est le groupe péri-parisien.

29Il comprend :

  • les six agglomérations du groupe Mantes-la-Jolie - Trappes. Elles se situent aux marges occidentales de l'agglomération parisienne et font toutes partie de la Z.P.I.U. de Paris. Elles ont connu une croissance démographique fantastique, tant en valeur absolue qu'en valeur relative (globalement : + 213 860 personnes, + 242 %)
  • les trois agglomérations moyennes de Chartres, Dreux et Evreux. Alignées le long de l'axe Orléans - Rouen, elles ont pratiquement doublé leur population entre 1954 et 1975 (+ 83 915 habitants, + 98 %).
  • les agglomérations périphériques des Yvelines et de l'Essonne. Situées dans une position intermédiaire par rapport aux deux groupes précédents, et de taille plus modeste, elles recueillent des accroissements absolus moins volumineux (+ 31 734 personnes), mais leur taux de variation s'approche de celui des trois agglomérations moyennes chartraine, drouaise et ébroïcienne (+ 92 %).
  • les six agglomérations de la partie amont de la Basse-Seine, enfin, entre Mantes et Rouen, font preuve de plus de mesure (+ 39 790 personnes, + 50 %). Mais, le faible dynamisme de l'agglomération d'Elbeuf porte une large part de responsabilité dans l'explication de ce médiocre résultat. On peut leur rattacher, bien qu'elle soit située en dehors de la vallée de la Seine, l'agglomération de Pacy-sur-Eure.

30Ces agglomérations annoncent le groupe suivant.

31groupe occidental à dynamisme moyen ou faible :

32Il se divise en deux sous-ensembles, normand et ligérien, inégalement dynamiques et inégalement homogènes :

  • le sous-ensemble méridional, formé par les onze agglomérations urbaines des vallées de la Loire, du Loir et de l'Huisne. Les agglomérations de ce groupe connaissent des rythmes d'évolution assez semblables, le plus souvent légèrement supérieurs au taux moyen (+ 64 227 habitants, +63 %). Toutefois, Nogent-le-Rotrou, Château-Renault et Château-du-Loir ont des taux de variation plus faibles.
  • le sous-ensemble central et septentrional présente plus d'hétérogénéité et moins de dynamisme. L'accroissement global de 53 224 individus, réparti sur quinze agglomérations, n'y correspond, en effet, qu'à un taux de + 34 %. De ce fait, les deux agglomérations ornaises d'Argentan et d'Alençon y acquièrent une originalité très forte. Dans cette partie nord-occidentale de l'espace inter séquano-ligérien, la croissance démographique se concentre sur un petit nombre d'agglomérations : une grande (Caen), une moyenne (Alençon), une petite (Argentan), dont on ne peut manquer de noter la disposition le long de l'axe Caen - Le Mans. Par contre, entre cet axe et celui qui va de Rouen à Orléans, s'interpose un groupement intermédiaire qui ne comporte que des agglomérations peu nerveuses (cas des agglomérations petites et moyennes de la partie centrale : Perche, Lieuvin), ou même franchement somnolentes (cas des petites agglomérations littorales).

33De l'analyse du rythme de l'évolution démographique des agglomérations urbaines d'entre Seine et Loire, entre 1954 et 1975, émergent deux conclusions principales, riches de signification. D'abord, les trois agglomérations de Chartres, de Dreux et d'Evreux affirament, par leur taux de variation vigoureusement positif, leur appartenance à l'espace de croissance parisien. Elles s'y incorporent même avec plus d'intimité et plus de force que les agglomérations situées sur l'une ou l'autre des deux grandes voies de circulation radiales qui bordent l'espace inter-séquano-ligénen : Etampes, sur l'axe Paris - Orléans ; Vernon, Louviers et bien entendu Elbeuf, sur l'axe Paris - Basse-Seine. Chartres, Dreux et Evreux paraissent ne pas avoir pâti, contrairement à elles, de la double concurrence du dynamisme des banlieues (villes nouvelles ou autres zones d'urbanisation priviligiées des marges occidentales et méridionales de l'agglomération parisienne) et du dynamisme des grandes villes (Orléans et Rouen).

34Mais - c'est la seconde conclusion - l'espace à démographie urbaine galopante ne dépasse pas les portes de Chartres, de Dreux et d'Evreux. Au-delà, vers l'ouest, le dynamisme urbain marque une très nette baisse d'intensité. Nouvelle illustration de cette situation de contact, notée déjà à de multiples reprises : le front de l'urbanisation périparisienne s'arrête, dans l'espace inter-séquano-ligérien, sur la ligne des trois agglomérations.

35Avec une nuance, pourtant, entre Evreux et Dreux d'une part, que jouxtent, à l'ouest, des pays normands affaiblis, aux villes isolées et sans énergie, "ventre mou de la Normandie" (Frémont - 1977), et Chartres d'autre part, qui, franchi le vide urbain beauceron, débouche sur le monde ligérien, à plus grande vitalité urbaine.

LES PHASES DE LA CROISSANCE

36L'analyse des taux de variation, sur l'ensemble de la période 1954-1975, permet une appréciation globale de la croissance démographique. Elle doit être complétée par celle des taux successifs, correspondant aux différentes périodes intercensitaires, qui permet de juger de la continuité ou de la discontinuité, de la régularité ou de l'irrégularité de la croissance urbaine.

INCONSTANCE EBROICIENNE ET DROUAISE, REGULARITE CHARTRAINE

37Dans la ville d'Evreux, la nouvelle croissance démarre très précocement. Dès la première phase intercensitaire, une rupture se manifeste, d'autant plus sensible et d'autant plus brutale qu'elle succède à une époque de croissance étriquée. En effet, l'entre-deux-guerres n'avait apporté à Evreux que de très modestes effectifs supplémentaires (cf. supra). La Seconde Guerre mondiale secoue la ville jusqu'à la vider de ses habitants. Mais, en 1946, Evreux retrouve sa population de 1936. Entre 1946 et 1954, le gain moyen annuel s'élève à 401 habitants, soit à peu près trois fois celui de l'entre-deux-guerres. Puis, il bondit à 2 009 personnes par an entre 1954 et 1962 (2 128 pour l'agglomération). Ce rythme "sauvage" ne sera cependant pas conservé au-delà de 1962. Des trois agglomérations, Evreux est celle dans laquelle la croissance démographique s'est effectuée de la façon la plus concentrée dans le temps et la plus irrégulière. Dès la phase intercensitaire suivante, le gain annuel tombe au-dessous de 1 000, puis remonte un peu entre 1968 et 1975.

38Le taux exceptionnel de la croissance démographique d'Evreux entre 1954 et 1962 est partiellement imputable au développement de la base aérienne de Fauville. Décidée en décembre 1951 par le conseil de l'O.T.A.N. la création de cette base américaine provoque les premières arrivées de militaires américains en novembre 1954 et va peu à peu en amener dans l'agglomération un nombre considérable. Il s'agit d'abord d'aviateurs célibataires venant pour un stage de trois mois ; puis, de militaires, beaucoup plus nombreux, venant avec femmes et enfants et s'installant plus durablement dans des cités spécialement construites pour eux. Le recensement de 1962 annonce 4843 Américains à Evreux, soit 12 % de la population totale. Mais ils constitueront jusqu'à 7 500 personnes.

39Inversement, le net infléchissement du taux de croissance, entre 1962 et 1968, doit être rapproché de la fermeture de la base, qui a entraîné, non seulement le départ des militaires américains (il n'y a plus que 902 étrangers dans l'agglomération en 1968), mais aussi la dispersion d'une partie du personnel civil français. Des calculs ont été effectués par les chargés d'études du S.D.A.U. d'Evreux pour tenter d'apprécier ce qu'aurait été la croissance démographique de l'agglomération, sans les perturbations liées à l’ouverture et à la fermeture de la base de l'O.T.A.N. Ils estiment que les taux de variation démographique auraient été de + 5,2 % par an entre 1954 et 1962 (au lieu de + 6,9 %), et de + 3,7 % par an de 1962 à 1968 (au lieu de + 2,5 %). Bien que plus homogène, la croissance d'Evreux resterait donc marquée par une pointe vive et précoce, suivie d'un ralentissement progressif mais soutenu.

40L'irrégularité caractérise aussi la croissance démographique drouaise, mais les phases s'y succèdent différemment. D'abord, entre 1946 et 1954, les gains démographiques restent assez modérés, quoique supérieurs de moitié environ à ceux de la période d'avant-guerre. En réalité, à partir de 1946, on a l'impression d'assister, dans l'agglomération drouaise, à une montée continue du rythme de croissance, qui culmine, dans la phase intercensitaire 1962-1968, avec des augmentations moyennes de 1602 personnes par an. La dernière période intercensitaire casse ce mouvement. Elle prend même, dans la ville, des allures d'effondrement, tandis que l'agglomération poursuit sa progression, mais à un rythme nettement plus lent (+ 1 130 habitants par an).

41Comparée à ces évolutions saccadées, celle de l'agglomération chartraine paraît sage. Moins fougueuse, elle se distingue par sa progressivité et sa pérennité. Entre 1946 et 1954, l'agglomération gagne, en moyenne, 546 habitants par an. Ce n'est point négligeable, mais, répartis déjà sur plusieurs communes, ces gains ne rompent pas fondamentalement avec ceux de l'entre-deux-guerres (cf supra).

42Des trois agglomérations étudiées, Chartres est incontestablement celle dans laquelle le renforcement de la croissance démographique s'est effectué de la façon la plus progressive, et, par conséquent, celle dans laquelle il est le plus difficile de fixer le point de départ du "décollage" démographique. Pourtant, comme dans les autres agglomérations, une rupture se produit à partir de 1954, mais, ni dans les effectifs absolus, ni dans les variations relatives, on ne retrouve des bonds aussi spectaculaires qu'à Evreux ou à Dreux. Et, surtout, passée la première flambée démographique, l'agglomération chartraine maintient son rythme de croissance (+ 1 788 habitants par an de 1962 à 1968, + 3,2 %). Même dans la dernière phase intercensitaire, marquée dans la plupart des agglomérations françaises par une diminution sensible des taux d'accroissement, l'agglomération chartraine résiste bien (+ 1 760 habitants par an, + 2,7 %).

STYLE REGIONAL ET VARIATIONS LOCALES

43Les variations dans le temps des rythmes d'accroissement démographique urbains se rattachent à des processus d'échelle spatiale différente : nationale, régionale, locale. A l'échelle de la totalité de la population urbaine française, le fait le plus significatif de l'évolution récente concerne la diminution du rythme d'accroissement, constatée au cours de la dernière période intercensitaire. On pouvait s'attendre à le retrouver dans la chronologie de l'évolution urbaine locale et il apparaît en effet, mais plus ou moins nettement (Tab. 006).

44La comparaison devient plus intéressante et plus utile lorsqu'elle se situe dans des cadres spatiaux dont on a déjà eu l'occasion de démontrer et l'intérêt et l'originalité : le Bassin parisien dans son ensemble d'une part, l'espace inter-séquano-ligérien d'autre part.

45Dans le cadre du Bassin parisien d'abord, l'analyse peut-être successivement menée selon deux méthodes. Une première formule consiste à mettre en évidence un ou des profils de croissance, déterminés par le classement des phases chronologiques selon l'ordre décroissant des taux de variation démographique qui leur correspondent. La seconde manière consiste à examiner, pour chacune des périodes intercensitaires successives, la position de chacune des trois agglomérations de Chartres, Dreux et Evreux, par rapport à l'ensemble des agglomérations du Bassin parisien.

L'originalité des profils de croissance

46La comparaison avec les autres agglomérations urbaines de plus de 30 000 habitants du Bassin parisien permet de constater que les agglomérations de Chartres, Dreux et Evreux se rattachent, par la succession de leurs phases de croissance, aux deux principaux types de successions que l'on trouve dans le Bassin parisien. Mais, elles conservent, par rapport à ces agglomérations, une forte originalité qui tient, soit à l'amplitude des variations de taux d'une période intercensitaire à l'autre (cas d'Evreux et de Dreux), soit, au contraire, à l'extrême régularité de ces taux (cas de Chartres).

47Appelons :

  • A : La période intercensitaire 1954 - 1962,
  • B : La période intercensitaire 1962 - 1968,
  • C : La période intercensitaire 1968 - 1975.

48Puis, classons ces trois périodes dans l'ordre décroissant de leur taux de variation démographique moyen annuel. Les quarante-deux agglomérations du Bassin parisien qui ont plus de 30 000 habitants en 1975 se distribuent inégalement entre cinq types (le type C-A-B n'existe pas) : (Tab. 009).

49Comme prévu, les deux types dans lesquels la troisième période intercensitaire occupe le troisième rang regroupent le plus grand nombre d'agglomérations. Plus de sept agglomérations du Bassin parisien sur dix appartiennent aux types A-B-C et B-A-C.

50Au type B-A-C se rattache le plus grand nombre d'agglomérations (17 agglomérations), dont celles de Chartres et de Dreux (Fig. 044). La plupart d'entre elles ont une taille moyenne (seules exceptions : Troyes et Amiens). Et, elles se répartissent à peu près équitablement en fonction de leur distance par rapport à la capitale. Sept font partie de la première couronne (Chartres, Dreux, Elbeuf, Beauvais, Creil, Lagny et Montargis). Les autres occupent une position plus éloignée par rapport à Paris : beaucoup d'agglomérations situées dans la moitié méridionale du Bassin parisien se trouvent dans ce lot. Le type B-A-C se définit essentiellement par la supériorité du taux de la période B (1962-1968).

51Dans les cas de Lagny, Creil, Beauvais, Blois, Montargis et Alençon, la supériorité des taux de la période B est nettement marquée par rapport à ceux des périodes A et C. Par contre, dans les cas de Dreux, la différence de taux est surtout notable entre, d'une part B et A, et d'autre part C. Ce style se retrouve, avec de moindres contrastes, à Bourges, à Auxerre...Mais, à Dreux seulement, la différence des taux entre A et C dépasse deux points alors qu'elle n'atteint un point que dans trois autres agglomérations (Creil, Beauvais, et Auxerre) et reste, partout ailleurs, limitée à quelques dixièmes de point. Dans le cas de Chartres, enfin, la supériorité de B est extrêmement modérée. Ici domine une stabilité qu'on ne retrouve que dans des agglomérations dont les taux de variation sont nettement plus modestes.

TAB 009 STYLE DE CROISSANCE, ENTRE 1954 ET 1975, DES AGGLOMERATIONS DU BASSIN PARISIEN DE PLUS DE 30 000 HABITANTS (en 1975).

TAB 009 STYLE DE CROISSANCE, ENTRE 1954 ET 1975, DES AGGLOMERATIONS DU BASSIN PARISIEN DE PLUS DE 30 000 HABITANTS (en 1975).

Source : I.N.S.E.E.

52Le type A-B-C, celui d'Evreux, se compose de treize agglomérations. Il traduit la précocité du démarrage de la croissance et sa détérioration ultérieure, continue mais plus ou moins prononcée. Les agglomérations de ce type, tout autant moyennes que grandes, sont généralement situées à une assez grande distance de Paris ; Evreux fait, avec Fontainebleau, exception. On pourrait presque, à propos de ce type, parler de style régional. En effet, dix des treize agglomérations qui le composent appartiennent à deux sous-espaces régionaux : le nord-est du Bassin parisien d’une part (avec Soissons, Saint-Quentin, Charleville-Mézières et Sedan), la Normandie d'autre part (avec Evreux, Rouen, Le Havre et Dieppe) Dans la majorité des cas, la diminution du taux se fait surtout sentir au cours de la période C. Dans huit agglomérations sur treize, la diminution des taux de A à C excède un point, mais elle peut être de beaucoup supérieure. L'ampleur de la dégradation dépend surtout de l'ardeur de l'impulsion première. Lorsque, comme à Evreux et à Saint-Dizier, la phase A correspond à une véritable envolée démographique, l'amplitude de la chute dépasse quatre points.

FIG 044 STYLES DE CROISSANCE, ENTRE 1954 ET 1975, DE LA POPULATION DES AGGLOMERATIONS DU BASSIN PARISIEN AYANT PLUS DE 30000 HABITANTS EN 1975.

FIG 044 STYLES DE CROISSANCE, ENTRE 1954 ET 1975, DE LA POPULATION DES AGGLOMERATIONS DU BASSIN PARISIEN AYANT PLUS DE 30000 HABITANTS EN 1975.

SOURCE : I.N.S.E.E.

53Les types B-C-A, A-C-B et C-B-A comprennent respectivement cinq, quatre et trois agglomérations. Ce dernier type est particulièrement remarquable puisqu'il signifie une consolidation et un affermissement constants de la croissance. Or, deux des trois agglomérations qui constituent ce groupe rare se situent à proximité des agglomérations moyennes qui nous occupent. Ce sont Orléans et Trappes. Leur dynamisme, éclatant et confirmé, est susceptible d'avoir des répercussions sur l'évolution démographique des agglomérations de Chartres, Dreux et Evreux (et notamment sur les deux premières, les plus concernées, du fait de leur situation). Quels effets peuvent avoir la croissance explosive d'une ville nouvelle d'une part, et le gonflement continu d'une grande ville d'autre part ? C'est une question sur laquelle il faudra revenir, dans la suite de l'exposé.

54On l'a vu, la supériorité ou l'infériorité de telle ou telle phase intercensitaire peut être plus ou moins marquée. Lorsque les différences de taux de variation demeurent faibles, d'une période à l'autre, une agglomération rattachée à un type peut fort bien être plus proche d'une agglomération d'un autre type que d'une autre agglomération du même type. C'est justement ce qui se passe pour l'agglomération chartraine. Elle appartient au type B-A-C, mais du fait de la régularité de ses taux, cette appartenance n'a guère de signification (surtout pour les deux premières périodes intercensitaires). Si l'on tient compte à la fois du niveau des taux, de la succession des phases de croissance et de l'intensité des variations entre phases, l'agglomération du Bassin parisien qui peut le plus judicieusement lui être comparée est celle de Châlons-sur-Marne : type B-A-C, taux tournant autour de 3 %, irrégularités point trop prononcées, quoique plus vives qu'à Chartres. Mais, plusieurs agglomérations du type A-B-C peuvent être également rapprochées de Chartres, par le niveau de leurs taux et par l'absence de sautes trop amples : ce sont Dijon, Le Mans, Soissons, qui ont des taux plus faibles, ou Caen, qui a des taux plus élevés. Les agglomérations dont l'évolution se fait de la manière la plus similaire à celle de Dreux s'appellent Creil et Beauvais, d'une part, Blois et Tours, d'autre part. L'agglomération d'Evreux apparaît beaucoup plus exceptionnelle. Il n'est vraiment possible de lui rapprocher qu'une seule autre agglomération de plus de 30 000 habitants : celle de Saint-Dizier, quoique son rythme d'évolution reste assez nettement inférieur.

Des originalités de plus en plus atténuées

55Si l'on s'intéresse maintenant à la position relative de Chartres, de Dreux et d'Evreux par rapport à l'ensemble des agglomérations moyennes et grandes du Bassin parisien, au cours de chacune des périodes intercensitaires successives, on constate que l'originalité de telle ou telle des trois agglomérations tend progressivement à s'atténuer.

56Dans la première période intercensitaire, Evreux occupe une situation tout à fait exceptionnelle au sein des agglomérations du Bassin parisien, très nettement au-dessus du lot. Seule l'agglomération de Trappes pourrait lui être comparée, mais c'est à cette date une agglomération très artificielle, plus encore qu'aujourd'hui, et qui n'existe d'ailleurs pas encore en tant qu'agglomération constituée. L'agglomération de Dreux appartient à un second groupe, dans lequel elle accompagne Mantes-la-Jolie, Melun et Saint-Dizier, et dont les taux d'accroissement moyens annuels tournent autour de 5%.

57Quant à l'agglomération de Chartres, elle se place dans les premiers rangs d'un groupe beaucoup plus fourni, parmi lequel on peut citer les agglomérations de Beauvais, Meaux, Creil, Orléans, Blois, Caen, Châteauroux, agglomérations de taille très variable, et de situation très diversifiée par rapport à Paris.

58Au cours de la seconde période, l'agglomération de Dreux maintient seule son avantage. On la retrouve toujours dans le haut du tableau, en compagnie de Creil, de Beauvais et de quelques autres agglomérations de la région parisienne : Lagny, Meaux, Melun, Mantes-la-Jolie. Elle ne peut pourtant rivaliser avec l'agglomération de Trappes qui, pendant cette période, voit démarrer la construction de la ville nouvelle de Saint-Quentinen-Yvelines. Les agglomérations de Chartres et d'Evreux, par contre, se perdent au sein d'un groupe nombreux d'agglomérations dont les taux de variation sont compris entre + 2,5 et + 3,5 % par an. On y trouve à la fois des agglomérations moyennes, modérément dynamiques, comme Soissons, Montargis ou Auxerre et des agglomérations plus importantes comme Orléans ou Reims. Chartres et Evreux sont surclassées par toutes les agglomérations proches de Paris, sauf Compiègne et Fontainebleau, et également par quelques agglomérations plus éloignées, comme Blois, Alençon, Châlons-sur-Marne et même Caen et Tours.

59Enfin, entre 1968 et 1975, Evreux, Chartres, et Dreux confirment leur retour dans le rang. Sans même parler de Trappes qui continue de caracoler dans les hauteurs du graphique, il faut noter que Meaux, Melun et Mantes, en réussissant à maintenir des taux équivalents à ceux de la période intercensitaire précédente, affirment désormais un net avantage sur Dreux qui - en compagnie de Beauvais, de Creil et de Lagny - regagne la masse des agglomérations à taux de variation plus mesuré. Dreux et Chartres restent pourtant aux premiers rangs de ce groupement et leurs taux sont supérieurs à ceux des agglomérations moyennes et grandes plus éloignées.

60Ainsi, la différence est grande entre Chartres qui se contente de tenir - avec une remarquable persévérance depuis 1954 - la tête du groupe le plus fourni d'agglomérations du Bassin parisien, et Evreux et Dreux qui se distinguent - au contraire - par des fluctuations très considérables. Il y a là une différence dans le style de la croissance démographique qui est fort intéressante car elle s'accompagne d'une différenciation dans l'espace. Les irrégularités ébroïcienne et drouaise s'apparentent à un style de croissance que l'on rencontre essentiellement dans les villes moyennes de la périphérie de la région parisienne (Creil, Beauvais, par exemple). La régularité chartraine se rattache, au contraire, à un style de croissance, plus souvent provincial, fréquent à plus grande distance de Paris et dans les agglomérations de taille supérieure.

61Les rapports entre les taux de variation démographique et la distance à Paris des agglomérations de plus de 30 000 habitants du Bassin parisien peuvent être appréciés, pour chaque période intercensitaire, en considérant la configuration du nuage des points qui représentent ces agglomérations en fonction de leurs coordonnées respectives (Fig. 045). Les distances ont été calculées à partir des liaisons routières. Pour faciliter la comparaison entre périodes intercensitaires, on a reporté sur une même figure (fig. 046) l'axe du nuage des points de chacune des périodes intercensitaires.

62La période intercensitaire initiale (1954-1962) se caractérise par l'existence de trois groupements nettement distincts d'agglomérations à comportements démographiques homogènes. Le groupe des agglomérations les plus proches de Paris, distantes de moins de 105 kilomètres de la capitale, connaît les taux de croissance les plus élevés. Ils varient de + 2 % à + 7 % par an, et un noyau compact d'agglomérations enregistre des taux de plus de + 3 % à + 5,5 %. La famille des agglomérations les plus éloignées (au-delà de 200 kilomètres de Paris) bénéficie également des taux d'accroissement importants, compris entre 1,5 et 5,5/ par an. Par contre, dans la large bande intermédiaire, à peu près entre 100 et 200 kilomètres de Paris, les agglomérations n'atteignent que de faibles taux de variation, compris entre + 0,5 et + 2 % par an (sauf Châlons-sur-Marne, dont le taux approche + 3 %). Ainsi, se dessinent, autour de l'agglomération parisienne, des auréoles radioconcentriques à taux de croissance alternativement fort et faible.

FIG 045 TAUX DE VARIATION MOYENS ANNUELS DE LA POPULATION DES AGGLOMERATIONS DE PLUS DE 30000 HABITANTS DU BASSIN PARISIEN, SELON LEUR DISTANCE A PARIS, ENTRE 1954 ET 1975, PAR PERIODE INTERCENSITAIRE.

FIG 045 TAUX DE VARIATION MOYENS ANNUELS DE LA POPULATION DES AGGLOMERATIONS DE PLUS DE 30000 HABITANTS DU BASSIN PARISIEN, SELON LEUR DISTANCE A PARIS, ENTRE 1954 ET 1975, PAR PERIODE INTERCENSITAIRE.

Source : I.N.S.E.E

63L'impact de la distance à Paris sur les taux de variation de la population des unités urbaines évolue vers des formes tout à fait différentes au cours des deux périodes intercensitaires suivantes. L'influence de la distance se fait sentir d'une manière plus continue, plus graduelle, plus progressive. Dans la période 1962-1968, on est encore loin d'une régularité parfaite. De brusques fléchissements de taux restent sensibles, notamment au niveau de 85 - 90 kilomètres de Paris. Et, inversement, on discerne encore une remontée des taux au-delà de 150 kilomètres de Paris. Par contre, entre 1968 et 1975, les irrégularités disparaissent ou ne subsistent plus que sous la forme de modestes boursouflures (au niveau de 50, 120 et 230 kilomètres de Paris). On a l'impression, au cours de cette dernière période intercensitaire, d'apercevoir une relation, susceptible de s'exprimer sous la forme d'une fonction décroissante, entre la distance à Paris et le rythme de l'augmentation démographique. Désormais, les taux de variation diminuent de manière assez régulière au fur et à mesure qu'augmente l'éloignement de Paris. La distance à Paris semble donc devenir un facteur plus important de détermination et de diversification de la croissance urbaine, tandis que le rôle des facteurs taille et situation régionale de l'organisme urbain s'estompe.

64Cet ajustement progressif de la courbe vraie à la courbe théorique est rendu possible par des évolutions contrastées, voire de sens inverse, des divers groupements contigus d'agglomérations. Tout se passe comme si les unités urbaines les plus fantasques rentraient peu à peu dans le rang. Des fluctuations des courbes (Fig. 046), il ressort que les agglomérations du secteur compris entre 80 et 102 kilomètres de Paris - parmi lesquelles se trouvent Chartres, Dreux et Evreux - ont connu l'évolution la plus défavorable. C'est dans cette auréole du Bassin parisien que la dégradation des taux a été la plus continue et la plus ample. Il est vrai que cela tient, pour une grande part, au haut niveau de la situation de départ. Une détérioration aussi continue - mais beaucoup moins ample - ne se retrouve que dans les parties les plus éloignées, au-delà de 160 kilomètres de Paris.

65Par contre, dans les secteurs proches (moins de 60 kilomètres de Paris), les agglomérations améliorent leurs taux de variation.

66Le résultat le plus clair de cette analyse est que l'influence positive de la proximité parisienne a joué de plus en plus nettement sur les rythmes de la croissance urbaine. Les villes nouvelles (Trappes, Melun) et les grands secteurs d'urbanisation récente (Mantes-la-Jolie) proches de Paris ont pu maintenir ou améliorer leur taux de croissance démographique, d'une période intercensitaire à l'autre. Les villes moyennes plus éloignées n'y ont pas réussi.

67On peut résumer le sens de l'évolution en deux phrases. Entre 1954 et 1962, les taux de croissance des agglomérations moyennes situées à une centaine de kilomètres de Paris sont comparables à ceux - élevés - des agglomérations plus proches de Paris. Entre 1968 et 1975, ils sont tombés au niveau de ceux des agglomérations les plus éloignées - eux-mêmes fortement diminués.

68Un processus de rétraction spatiale de l'aire d'urbanisation rapide a fonctionné dans le Bassin parisien entre 1954 et 1975. Les déformations spatio-temporelles de la courbe (Fig. 046) le rendent bien visible : la crête de la courbe, peu marquée à l'instant t1, se redresse et se rapproche du centre aux instants t2 et t3. La proximité parisienne semble donc avoir été le soutien majeur de la croissance péri-parisienne.

69On peut le vérifier à l'échelle de l'espace inter-séquano-ligérien.

CHARTRES, DREUX ET EVREUX DANS L'ESPACE INTER-SEQUANO-LIGERIEN

70La succession ordonnée des phases de la croissance démographique présente plus de diversité lorsqu'on en étend l'analyse à des agglomérations de plus petite taille, dans le cadre géographique pourtant plus restreint des pays d'entre Seine et Loire.

FIG 046 VARIATION DU TAUX MOYEN ANNUEL D'ACCROISSEMENT DEMOGRAPHIQUE DES AGGLOMERATIONS DE PLUS DE 30000 HABITANTS DU BASSIN PARISIEN, SELON LEUR DISTANCE A PARIS ET SELON LA PERIODE INTERCENSITAIRE (1954-1962 ; 1962-1968 ; 1968-1975).

FIG 046 VARIATION DU TAUX MOYEN ANNUEL D'ACCROISSEMENT DEMOGRAPHIQUE DES AGGLOMERATIONS DE PLUS DE 30000 HABITANTS DU BASSIN PARISIEN, SELON LEUR DISTANCE A PARIS ET SELON LA PERIODE INTERCENSITAIRE (1954-1962 ; 1962-1968 ; 1968-1975).

TAB 010 VENTILATION DES AGGLOMERATIONS DE +5 000 HABITANTS DE L'ESPACE INTER-SEQUANO-LIGERIEN, SELON LE STYLE DE CROISSANCE DEMOGRAPHIQUE, ENTRE 1954 ET 1975.

Type

Toutes agglomérations

Grandes agglomérations exclues

dont provinciales

dont parisiennes

A-B-C

10

6

'5

1

A-C-B

5

5

2

3

B-A-C

12

12

12

0

B-C-A

10

9

8

1

C-A-B

4

4

3

1

C-B-A

13

12

6

6

Total

54

48

36

12

Source : I.N.S.E.E.

71La répartition des agglomérations de plus de 5 000 habitants dans les six types présente de notables différences, par rapport à celle de l'analyse précédente (ci.supra). D'abord, les six types sont pourvus, y compris le type C-A-B (à Louviers, Gaillon, Bonnières et Blois). D'autre part, les agglomérations ayant connu un affaiblissement de leur taux de variation en C sont, relativement, beaucoup moins nombreuses que dans l'analyse précédente (moins de 40 % au lieu de plus de plus de 70 %). Inversement, un grand nombre d'agglomérations ont un taux élevé en C. Le type C-B-A regroupe treize agglomérations : c'est le type le mieux pourvu. Le groupe B-C-A est également bien représenté (dix agglomérations).

72Les agglomérations inter-séquano-ligériennes ont donc connu, d'une période intercensitaire à l'autre, une évolution globalement plus favorable que les agglomérations du Bassin parisien.

73D'autre part, des groupements spatiaux d'agglomérations appartenant à un même type ou à des types voisins se remarquent immédiatement (Fig. 047). Dans la vallée de la Seine, entre Paris et Rouen, on trouve principalement deux types de successions ayant en commun un creux en B : type A-C-B pour Vernon, Mantes-la-Jolie et Epône, type C-A-B pour Louviers, Gaillon et Bonnières-sur-Seine. Les agglomérations appartenant au type A-B-C dominent dans la partie septentrionale de la Normandie : elles comprennent un ensemble de villes moyennes alignées d’Argentan à Pacy-sur-Eure en passant par Bernay et Evreux, auquel on pourrait adjoindre Rambouillet, et la totalité des centres régionaux normands (Caen, Le Havre, Rouen).

74Les agglomérations appartenant au type B-A-C se groupent principalement dans les parties centrales du domaine inter-séquano-ligérien (Alençon, L'Aigle, Verneuil-sur-Avre, Dreux, Chartres, Nogent-le-Rotrou, Châteaudun). Les agglomérations appartenant au type B-C-A occupent, par contre, la partie méridionale de cet espace : Haut-Maine, vallées du Loir et de la Loire, Ce sont : Mamers, La Ferté-Bernard, Château-du-Loir, Château-Renault (et Tours) d'une part, Mer, Beaugency et Meung-sur-Loire d'autre part. Enfin, la moitié des agglomérations appartenant au type C-B-A se concentre à l'est du secteur étudié (de Noisy-le-Roi à Etampes), l'autre moitié se dispersant d'Orléans à Trouville-Deauville en passant par. Nonancourt, Mortagne, Falaise et comprenant deux agglomérations péri-urbaines (Ouistreham près de Caen, Le Bosc-Roger-en-Roumois près de Rouen).

75Il existe donc des groupements spatiaux d'agglomérations, à l'intérieur desquels les mouvements de la croissance démographique urbaine se sont accomplis dans le même sens et de façon synchrone. La mise à jour de ces groupements tend à prouver que la chronologie de l'évolution démographique urbaine ne constitue pas une donnée attachée à une "individualité-ville" mais concerne un groupement spatial de villes. Il est alors possible de parler de "style régional de croissance urbaine".

FIG 047 STYLES DE CROISSANCE, ENTRE 1954 ET 1975, DE LA POPULATION DES AGGLOMERATIONS DE PLUS DE 5000 HABITANTS EN 1975, DANS LES PAYS D'ENTRE SEINE ET LOIRE.

FIG 047 STYLES DE CROISSANCE, ENTRE 1954 ET 1975, DE LA POPULATION DES AGGLOMERATIONS DE PLUS DE 5000 HABITANTS EN 1975, DANS LES PAYS D'ENTRE SEINE ET LOIRE.

Source : I.N.S.E.E.

FIG 048 STYLES REGIONAUX DE CROISSANCE DEMOGRAPHIQUE ET SPECIFICITES URBAINES, ENTRE 1954 ET 1975.

FIG 048 STYLES REGIONAUX DE CROISSANCE DEMOGRAPHIQUE ET SPECIFICITES URBAINES, ENTRE 1954 ET 1975.

Source : I.N.S.E.E.

76Dans les cas de Chartres, de Dreux et d'Evreux, cela signifie que, si par leur taux de croissance global, les trois agglomérations ressemblent et peuvent être rattachées aux agglomérations les plus proches de Paris, par la chronologie de leur croissance, elles continuent au contraire de s'en détacher fondamentalement. Chaque agglomération reste fidèle à un "style régional de croissance". Les oscillations qui marquent la croissance démographique d'Evreux se retrouvent dans la majorité des agglomérations de la Normandie centrale. Les mouvements qui s'accomplissent à Dreux et à Chartres sont conformes à ceux qui caractérisent les villes du cœur de l'espace inter-séquano-ligérien.

77Chacune des agglomérations conserve cependant une originalité à l'intérieur du type auquel elle appartient, en raison de l'ampleur des fluctuations qui la concerne. A l'intérieur du type normand, Evreux se singularise - en compagnie d'Argentan - par des oscillations étendues et, notamment, par la chute vertigineuse du taux d'accroissement démographique de la première à la seconde phase intercensitaire. A l'intérieur du type inter-séquano-ligérien central, Dreux tranche par l'importante variation des taux des périodes B à C, Chartres, au contraire, par la régularité de ses taux (Fig. 048).

78A l'échelle de l'espace inter-séquano-ligérien, on relève donc une double opposition, révélatrice d'un double processus de diffusion de la croissance urbaine accélérée.

79L'opposition est-ouest, assimilable à une opposition entre agglomérations parisiennes et agglomérations provinciales repose sur le fait que la pointe de la phase B (type B-A-C et B-C-A) est une caractéristique presqu'exclusivement provinciale, alors que la pointe de la phase C, signe d'un renforcement récent des taux, est majoritairement parisienne. Dans un premier temps (A ou B ou A+B), la croissance urbaine généralisée à l'ensemble de l'espace inter-séquano-ligérien est obtenue par la combinaison d'une diffusion de contact (sur les agglomérations proches de Paris) et d'une diffusion par saut (sur les agglomérations éloignées). Dans un deuxième temps, seule subsiste - en tant que phénomène de masse - la diffusion de contact. On peut alors émettre une hypothèse, que l'analyse économique devra confirmer : la diffusion par saut de l'accélération de la croissance urbaine suppose un accompagnement et un transfert économiques, qui ont toutes chances d'être limités dans le temps ; la diffusion par contact peut s'en passer, reposer surtout sur une extension et un étalement de l'habitat autour de la métropole économique et donc se poursuivre plus avant dans le temps.

80L'opposition nord-sud tient au fait que la partie nord a fréquemment ses taux les plus élevés dans la première période (elle comprend huit sur dix des agglomérations du type A-B-C et cinq sur cinq des agglomérations du type A-C-B) tandis que la partie sud a ses taux les plus forts entre 1962 et 1968 (elle comprend neuf agglomérations sur dix du type B-C-A et huit agglomérations sur douze du type B-A-C). Elle correspond à un processus - secondaire par rapport au précédent - de balayage de l'espace inter-séquano-ligérien par un faisceau se déplaçant du nord au sud. Partant de la vallée de la Seine, il a successivement atteint la Normandie septentrionale puis les confins de la Normandie, de la Beauce et du Maine et, enfin, les régions ligériennes.

81La combinaison de ces deux processus rend assez bien compte de la différenciation des styles régionaux de croissance (Fig-047).

SOLDE MIGRATOIRE ET EXCEDENT NATUREL

82L'évolution démographique des agglomérations procède d'un double bilan.

83La variation naturelle (différence naissances - décès) résulte, essentiellement, de conditions, de comportements et de caractéristiques démographiques internes, qui peuvent être considérés comme spécifiques de la population de l'unité urbaine, même s'ils sont liés, comme c'est évident, à des conditions économiques, sociales, culturelles, plus générales. La structure par âges de la population urbaine intervient comme élément majeur d'explication des différenciations de l'évolution démographique naturelle des agglomérations.

84Le solde migratoire (différence immigration - émigration) découle, au contraire, d'échanges qui mettent en cause et l'agglomération et l'extérieur. A ce titre, il est d'abord révélateur de l'attractivité ou de la répulsivité urbaine. Mais, sur un plan strictement démographique, sa connaissance, et celle de ses composantes, sont particulièrement précieuces pour la compréhension des mécanismes de l'accroissement démographique urbain. En effet, par leur importance quantitative, les migrations définitives sont susceptibles de renouveler profondément la population urbaine. Et, par leurs caractéristiques qualitatives, elles sont capables de modifier la structure, notamment la composition par âges, et par conséquent de créer les conditions nouvelles de la future variation naturelle.

85L'analyse suivante cherchera à déterminer quelle contribution le bilan des échanges migratoires apporte à la croissance démographique, d'abord par une étude comparative des valeurs brutes et relatives des soldes naturel et migratoire, ensuite par un examen séparé des composantes des soldes, enfin par une recherche des répercussions des phénomènes migratoires sur l'évolution naturelle.

LE MOTEUR MIGRATOIRE ET SES COMPOSANTES

86Dans la phase contemporaine de croissance des agglomérations, les mouvements migratoires ont connu des variations d'intensité que reflètent, encore qu'imparfaitement, les fluctuations de la valeur absolue des soldes (Tab. 011). On essaiera plus loin d'en préciser l'ampleur - fort variable selon les agglomérations - et d'en retracer les grandes phases. Mais, il a paru nécessaire, d'abord, de faire le bilan de la part du solde migratoire dans la croissance démographique, pour l'ensemble de la période 1954-1975.

87Pour ce faire, on s'est contenté de cumuler les valeurs brutes des soldes migratoires de chaque période intercensitaire, en tenant compte des variations des limites des agglomérations et en adoptant la définition des agglomérations de 1975. Rapportées à la variation démographique globale, ces valeurs permettent de calculer la part prise par le solde migratoire dans l'accroissement démographique.

88On sait les sources d'inexactitude que comporte la méthode de calcul des soldes migratoires, telle qu'elle est pratiquée par l'I.N.S.E.E.. La variation de la composition des agglomérations selon la période intercensitaire crée de nouvelles sources d'erreurs. On voudra donc bien considérer les valeurs obtenues plus comme des ordres de grandeur que comme des données précises.

L'essentielle contribution du solde migratoire

89Sur l'ensemble de la période 1954-1975 l'accroissement démographique des trois agglomérations de Chartres, Dreux et Evreux est principalement imputable au solde, positif et numériquement important, des migrations "définitives" de population.

TAB 011 SOLDE MIGRATOIRE ET EXCEDENT NATUREL, DANS LES TROIS AGGLOMERATIONS DE CHARTRES, DREUX ET D'EVREUX, DE 1954 A 1975, PAR PERIODE INTERCENSITAIRE. VALEURS ABSOLUES ET RELATIVES. (Calculs effectués à partir de la population municipale, dans la définition des agglomérations de 1975).

TAB 011 SOLDE MIGRATOIRE ET EXCEDENT NATUREL, DANS LES TROIS AGGLOMERATIONS DE CHARTRES, DREUX ET D'EVREUX, DE 1954 A 1975, PAR PERIODE INTERCENSITAIRE. VALEURS ABSOLUES ET RELATIVES. (Calculs effectués à partir de la population municipale, dans la définition des agglomérations de 1975).

Source : I.N.S.E.E.

90A l'occasion de ces échanges, Dreux et Evreux ont gagné quelque 16 000 habitants chacune, Chartres : quelque 22 000. Il s'agit, pour des unités urbaines de cette taille d'effectifs considérables. Selon les agglomérations, le solde migratoire est responsable de 54 % (agglomération d'Evreux), 61 % (agglomération de Dreux), ou 65 % (agglomération de Chartres) de l'accroissement démographique total (Tab. 011).

91Bien qu'elle ne soit pas exceptionnelle, cette importante contribution migratoire range les trois agglomérations parmi les plus attractives, aussi bien dans le cadre du Bassin parisien que dans celui des pays d'entre Seine et Loire. Et elle doit s'apprécier en gardant présent à l'esprit le fait que, comparativement aux agglomérations appartenant aux mêmes catégories de taille, tant dans l'ensemble de la France que dans chacune des régions de la périphérie occidentale de Paris, les taux moyens annuels de solde migratoire atteignent, dans les trois agglomérations des valeurs considérables (Tab. 012).

92Dans le lot des agglomérations de plus de 30 000 habitants du Bassin parisien, les gains migratoires absolus de Chartres, Dreux et Evreux, peuvent se comparer à ceux d'autres agglomérations moyennes comme Beauvais, Blois, Bourges, Meaux ou Creil, mais aussi à ceux d'unités urbaines plus importantes, comme Le Havre, Troyes ou Amiens. Par contre, ils sont dépassés par ceux de l'agglomération moyenne de Melun, par ceux des grandes unités urbaines autres que celles précédemment citées et par ceux des agglomérations de Trappes et de Mantes. Si Le Mans ne gagne guère plus que Chartres, Rouen et Reims gagnent chacune autant que Dreux et Evreux réunies. Dijon bénéficie d'un solde double de celui de Chartres, Caen d'un solde triple de celui d'Evreux. Orléans recueille plus que la somme des gains de Chartres, Dreux et Evreux. Le solde de Tours fait plus que quadrupler celui de Dreux ; le solde de Mantes fait plus que quadrupler celui d'Evreux ; le solde de Trappes parvient presque à quadrupler celui de Chartres.

Les variations spatiales de la contribution migratoire

93Considérant la part prise par le solde migratoire à la croissance démographique, les trois agglomérations se classent dans un groupe intermédiaire, dans lequel cette part oscille entre 30 et 65 % et qui comprend des unités urbaines aussi bien moyennes que grandes, aussi bien proches qu'éloignées de Paris (Fig. 049). De ce point de vue, Chartres se rapproche beaucoup de Montargis, de Blois, de Vierzon, de Tours et de Châteauroux. Dreux, elle-même comparable à Chartres, s'associe à Orléans, Auxerre et Bourges. Evreux, enfin, se marie à Creil, à Compiègne, à Beauvais, à Caen, à Dijon, à Nevers. De cette énumération, il ressort que Chartres et Dreux s'apparentent au groupe des villes du sud et du sud-ouest de la région parisienne, tandis qu'Evreux s'associe à un type plus hétérogène, mais dans lequel les affinités avec Beauvais, Creil et Compiègne sont particulièrement remarquables. Surtout, les unes comme l'autre se séparent nettement du groupe des agglomérations dans lesquelles le solde migratoire représente une faible part de la croissance totale (10 à 40 %) ou est négatif. Il comprend notamment les agglomérations haut-normandes, grandes (Rouen et Le Havre) mais aussi moyennes (Elbeuf, Dieppe), et les agglomérations de l'ouest du Bassin parisien. (Le Mans - Alençon). Elles se séparent aussi du groupe dans lequel la contribution du solde migratoire atteint des niveaux exceptionnels (plus des deux tiers de la croissance). Celui-ci comprend principalement des agglomérations péri-parisiennes : Melun, Meaux, Mantes, Lagny, Trappes (auxquelles on peut rattacher Sens).

TAB 012 TAUX MOYENS ANNUELS (EN %) DE SOLDE MIGRATOIRE, ENTRE 1954 ET 1975, PAR PERIODE INTERCENSITAIRE. COMPARAISON ENTRE CHARTRES, DREUX, EVREUX ET L'ENSEMBLE DES AGGLOMERATIONS REGIONALES ET FRANÇAISES APPARTENANT AUX MEMES CATEGORIES DE TAILLE.

TAB 012 TAUX MOYENS ANNUELS (EN %) DE SOLDE MIGRATOIRE, ENTRE 1954 ET 1975, PAR PERIODE INTERCENSITAIRE. COMPARAISON ENTRE CHARTRES, DREUX, EVREUX ET L'ENSEMBLE DES AGGLOMERATIONS REGIONALES ET FRANÇAISES APPARTENANT AUX MEMES CATEGORIES DE TAILLE.

Source : I.N.S.E.E.
(x) ; La Haute-Normandie ne possède qu'une seule unité urbaine de cette catégorie de taille : c'est Evreux.

94Si l'on considère que la contribution du solde migratoire à la croissance démographique a tendance à décroître au fur et à mesure que l'on s'éloigne de Paris (Fig. 049), on peut être tenté de faire de la distance au centre un facteur d'explication. Mais, la corrélation est trop grossière et les exceptions trop nombreuses pour que ce facteur soit jugé essentiel. Ainsi, à distance égale, Chartres et Dreux prennent l'avantage sur Compiègne, Evreux sur Soissons. Inversement, à taux égal, Chartres et Dreux ne tirent pas avantage de leur proximité, en regard de Sens, Montargis, Orléans, ni même de Blois, Auxerre et Vierzon, ni, surtout, des "très lointaines" agglomérations de Bourges, Tours et Châteauroux.

FIG 049 PART DU SOLDE MIGRATOIRE DANS LA CROISSANCE DEMOGRAPHIQUE DES AGGLOMERATIONS MOYENNES ET GRANDES DU BASSIN PARISIEN, ENTRE 1954 ET 1975, SELON LA DISTANCE A PARIS.

FIG 049 PART DU SOLDE MIGRATOIRE DANS LA CROISSANCE DEMOGRAPHIQUE DES AGGLOMERATIONS MOYENNES ET GRANDES DU BASSIN PARISIEN, ENTRE 1954 ET 1975, SELON LA DISTANCE A PARIS.

Source : I.N.S.E.E.

95Il existe un rapport plus étroit entre le dynamisme démographique des agglomérations, exprimé par le taux de variation de leur population entre 1954 et 1975, et la participation du solde migratoire à l'accroissement pendant la même période (Fig. 050). En tenant compte de ces deux critères, on constate que la croissance chartraine a beaucoup d'affinité avec celles des agglomérations ligériennes, moyennes ou grandes : Blois, Orléans et Tours. La croissance ébroïcienne ressemble davantage à celle de Caen ou à celles de Creil et de Beauvais. Enfin, la croissance drouaise s'identifie le mieux avec celles de Meaux et Melun.

FIG 050 TAUX DE VARIATION DE LA POPULATION ET PART DU SOLDE MIGRATOIRE DANS L'ACCROISSEMENT DEMOGRAPHIQUE DES AGGLOMERATIONS DE PLUS DE 30000 HABITANTS DU BASSIN PARISIEN, ENTRE 1954 ET 1975.

FIG 050 TAUX DE VARIATION DE LA POPULATION ET PART DU SOLDE MIGRATOIRE DANS L'ACCROISSEMENT DEMOGRAPHIQUE DES AGGLOMERATIONS DE PLUS DE 30000 HABITANTS DU BASSIN PARISIEN, ENTRE 1954 ET 1975.

Source : I.N.S.E.E.

96Au sein des pays d'entre Seine et Loire, et pour l'ensemble des agglomérations de plus de 5 000 habitants, la contribution du solde migratoire à la croissance démographique varie dans des proportions très importantes : elle dépasse 85 % dans plusieurs agglomérations mais le solde migratoire est négatif dans quelques autres et tous les stades intermédiaires sont représentés.

97Cette fois encore, le groupement géographique des agglomérations à caractéristiques identiques apparaît comme le fait déterminant. En suivant l'ordre de la contribution décroissante du solde migratoire à la variation démographique, on distingue aisément (Fig. 051 et 052) les groupements suivants :

  • le groupement péri-parisien se compose d'agglomérations de tailles très diverses (de 5 000 à 150 000 habitants), mais dans lesquelles la participation du solde migratoire à l'accroissement démographique excède toujours les deux tiers et se hisse jusqu'à 90 % !
  • groupement inter-séquano-ligérien comprend l'ensemble des agglomérations échelonnées de la vallée de la Seine, entre Mantes et Rouen, à la vallée de la Loire, entre Orléans et Tours, en passant par les villes des vallées de l'Eure et de ses affluents, des vallées de l'Huisne et du Loir. Il est essentiellement composé d'agglomérations petites et moyennes, mais les deux grandes unités urbaines d'Orléans et de Tours s'y insèrent sans difficulté. En effet, alors que la contribution du solde migratoire représente généralement, entre la moitié et les trois quarts de l'accroissement global pour les communes petites et moyennes, il forme 62 % de l'accroissement Orléanais et 63 % de l’accroissement tourangeau. De même, les agglomérations de Chartres, de Dreux et d'Evreux tranchent plus, au sein de ce groupement, par la valeur absolue de leur gain migratoire que par la part que le solde migratoire prend à leur croissance.
  • le groupement des agglomérations occidentales et septentrionales, enfin, ne laisse au solde migratoire qu'un rôle plus faible, et le plus souvent mineur. Si sa participation frôle ou dépasse 50 % dans les agglomérations du centre-ouest, elle diminue considérablement quand on se dirige vers le nord et devient négative dans les petites villes littorales. L'agglomération caennaise occupe, dans ce lot, une place en tous points exceptionnelle.

FIG 051 VARIATION ABSOLUE DE LA POPULATION DES AGGLOMERATIONS D'ENTRE SEINE ET LOIRE ET PART DU SOLDE MIGRATOIRE DANS LA CROISSANCE, ENTRE 1954 ET 1975.

FIG 051 VARIATION ABSOLUE DE LA POPULATION DES AGGLOMERATIONS D'ENTRE SEINE ET LOIRE ET PART DU SOLDE MIGRATOIRE DANS LA CROISSANCE, ENTRE 1954 ET 1975.

Source : I.N.S.E.E

FIG 052 TAUX DE VARIATION DE LA POPULATION DES AGGLOMERATIONS D'ENTRE SEINE ET LOIRE ET PART DU SOLDE MIGRATOIRE DANS LA CROISSANCE, ENTRE 1954 ET 1975.

FIG 052 TAUX DE VARIATION DE LA POPULATION DES AGGLOMERATIONS D'ENTRE SEINE ET LOIRE ET PART DU SOLDE MIGRATOIRE DANS LA CROISSANCE, ENTRE 1954 ET 1975.

Seules sont prises en coopte les agglomérations de plus de 5.000 habitants en 1975.
Source : I.N.S.E.E

98Dans le cadre départemental, enfin, le contraste est grand entre les agglomérations moyennes et petites d'une part, qui forment un groupe homogène, et les très petites agglomérations qui présentent au contraire des situations très contrastées.

99A l'exception des deux petites villes de la moitié occidentale de l'Eure : Bernay et Pont-Audemer, qui ne tirent respectivement du solde migratoire que 26 % et 4 % de leur croissance démographique, les unités urbaines de plus de dix mille habitants appartenant à l'espace inter-séquano-ligérien et à l'un des deux départements de l'Eure et de l'Eure-et-Loir doivent au solde migratoire de 54 % (Nogent-le-Rotrou) à 61 % (Louviers) de leur accroissement démographique, entre 1954 et 1975. Elles s'incorporent ainsi aisément au groupe des trois agglomérations moyennes et en réduisent d'autant la singularité. Et, si dans l'Eure-et-Loir, Chartres et Dreux doivent davantage au solde migratoire que Châteaudun et Nogent-le-Rotrou, dans l'Eure, au contraire, Evreux lui est moins redevable que Vernon ou Louviers. Ces deux agglomérations ont, de plus, des taux de solde migratoire supérieurs à ceux d'Evreux pendant les deux dernières périodes intercensitaires.

100Les petites villes offrent, par contre, des exemples de situations très diversifiées. Quelques-unes s'effondrent ou s'enlisent dans un solde migratoire nettement négatif (Beaumont-le-Roger et Rugles). D'autres, au contraire, doivent tout ou presque tout au solde migratoire. Ainsi grossissent quelques petites localités de la vallée de l'Eure comme Ezy-sur-Eure, ou, dans une moindre mesure, Ivry-la-Bataille, Jouy et Nogent-le-Roi. Ainsi s'enflent des communes proches de la Seine-Maritime, fécondées sous la poussée de l'agglomération de Rouen-Elbeuf (Le Bosc-Roger-en-Roumois et La Saussaye). Entre ces deux positions extrêmes, la distance reste grande entre des petites villes ou des bourgs fort redevables au solde migratoire, comme Les Andelys, Nonancourt, Pacy-sur-Eure, Conches, le Neubourg ou Epernon, Maintenon, La Loupe, Auneau, et d'autres dont l'essor repose principalement sur l'excédent naturel comme Verneuil-sur-Avre, Brionne, Saint-André-de-l'Eure ou Illiers-Combray, Châteauneuf-en-Thimerais, Cloyes, Voves, Toury.

Conclusions

101En définitive, deux conclusions principales doivent être retenues.

102L'évolution démographique des agglomérations de Chartres, Dreux et Evreux s'explique principalement par l'existence d'un solde migratoire positif qui a, incontestablement, constitué le moteur de la croissance démographique urbaine récente. Mais, ni dans le cadre du Bassin parisien, ni dans celui de l'espace inter-séquano-ligérien, les agglomérations n'affirment ainsi une quelconque spécificité, dans la mesure où la majorité des agglomérations urbaines de ces deux ensembles spatiaux se trouve dans la même situation. Il y a lieu, pourtant, de distinguer entre Chartres et Dreux, d'une part, et Evreux, d'autre part. La part prise par le solde migratoire dans l'explication de la croissance démographique est, en effet, plus élevée dans le premier cas (60-65 %) que dans le second (55 %).

103Mais, le plus significatif et le plus important, est que cette différenciation urbaine se double d'une différenciation régionale. Dans la partie méridionale de l'espace inter-séquano-ligérien, la contribution migratoire est élevée et à peu près uniforme dans toutes les agglomérations dépendant de la région Centre. Dans la partie septentrionale, la part du solde migratoire est plus faible et la situation ébroïcienne annonce celle qui prévaut dans l'ensemble des agglomérations situées entre l'Orne et la Basse-Seine.

104Ainsi, les comportements démographiques chartrain, drouais et ébroïcien peuvent-ils s'expliquer par la combinaison de deux gradients balayant l'espace inter-séquano-ligérien. D’une part, la contribution du solde migratoire à la croissance démographique urbaine diminue lorsqu'on va de la région parisienne vers l'ouest et le sud-ouest. D'autre part, en allant de la Loire à la Manche, on passe progressivement d'un espace dans lequel le solde migratoire constitue l'élément majeur de la croissance urbaine à un espace, aux confins de la Basse et de la Haute-Normandie, dans lequel la croissance urbaine est fondamentalement imputable à la variation naturelle.

105Ces conclusions, valables pour l'ensemble de la période 1954-1975, doivent cependant être nuancées quand on se place dans une perspective évolutive.

UNE CROISSANCE DEMOGRAPHIQUE DE PLUS EN PLUS AUTO-ENTRETENUE

106Dans les trois agglomérations de Chartres, Dreux et Evreux, et d'une phase intercensitaire à l'autre, la contribution du solde migratoire à l'accroissement démographique ne cesse de diminuer. La composante naturelle prend le relais de la composante migratoire. Dans la dernière période, elle explique 76 % de l'accroissement démographique ébroïcien, 62 % de l'accroissement drouais, 48 % de l'accroissement chartrain.

Les formes du passage de la suprématie migratoire à la suprématie naturelle

107Le rythme de la transformation varie avec les agglomérations. C’est à Evreux que l'évolution se produit de la façon la plus précoce et la plus rapide. L'essentiel des gains migratoires de cette agglomération s'effectue, en effet, pendant la première période intercensitaire, celle du fulgurant bond démographique. Durant ces huit premières années, Evreux engrange un gain migratoire de 11 493 personnes, qui forme, à lui tout seul, les sept dixièmes du bilan migratoire des vingt-et-une années qui séparent le recensement de 1954 de celui de 1975. Dès la seconde période intercensitaire, l'excédent naturel retrouve le rôle majeur dans l'explication de la croissance. Et, entre 1968 et 1975, il se renforce encore, à tel point que l'importance relative des deux composantes, dans cette dernière période, s'inverse par rapport à leur répartition dans la phase primitive (Tab. 011).

108La transformation s'accomplit de façon extrêmement nette, moins progressive et plus tardive, à Dreux, dans les années 1970. Entre 1954-1962 et 1962-1968, l'agglomération de Dreux améliore la valeur absolue et le taux de son solde migratoire et stabilise la contribution migratoire au niveau de 70 %. Par contre, entre 1968 et 1975, le gain absolu diminue de moitié, le taux tombe à + 1,2 % par an, la contribution migratoire s'abaisse à 38 %.

109Enfin, à Chartres, le rapport entre les deux composantes se modifie de façon plus douce et plus mesurée. La participation migratoire passe, dans cette agglomération, de 77 % dans la première période intercensitaire, à 68 % dans la seconde et à 52 % dans la troisième. Autrement dit, Chartres réussit à éviter à la fois la rupture et le retournement qu'ont connus les deux autres agglomérations. Elle parvient à maintenir à un niveau élevé et sur une longue période la contribution des migrations à son essor démographique.

110Ces évolutions sont-elles originales, ou sont-elles assimilables à des évolutions plus générales ? C'est en les comparant à celles des villes d'ensembles géographiques plus vastes qu'on peut répondre à cette question.

111L'évolution constatée dans les agglomérations de Chartres, Dreux et Evreux s'inscrit facilement dans un mouvement généralisé de diminution de la part de l'apport migratoire dans la croissance démographique urbaine. Ce mouvement peut être vérifié dans le cas des agglomérations de plus de 30 000 habitants du Bassin parisien. La diminution relative de l'apport migratoire y est le plus souvent sensible dès la seconde période intercensitaire, plus rarement à partir de 1968 seulement. Les quelques exceptions, peu nombreuses, à ce processus, sont soit trop peu prononcées pour être révélatrices (cas de Compiègne et de Fontainebleau), soit liées à des perturbations locales très particulières (cas de Châteauroux), Par contre, l'ampleur de cette diminution est extrêmement variable. Hormis le cas Orléanais, tout à fait exceptionnel puisque la participation migratoire s'y maintient, durant les trois phases intercensitaires à un niveau constant et assez élevé, trois types d'évolution peuvent être distingués :

112Les agglomérations péri-parisiennes (Trappes, Lagny, Meaux, Melun, Mantes) auxquelles on pourrait joindre quelques agglomérations plus éloignées (Compiègne, Sens) ou très éloignées (Vierzon) maintiennent la part du solde migratoire à un niveau élevé et qui ne décroît que faiblement.

113Un groupe tout à fait différent est constitué par des agglomération dans lesquelles la part du solde migratoire s'effondre, en passant, le plus souvent, de valeurs proches de la moyenne dans la première phase à des valeurs négatives dans la dernière phase (cas de Rouen, Saint-Quentin, Charleville, Saint-Dizier, Sedan).

114Les agglomérations de Chartres, Dreux et Evreux appartiennent à un type intermédiaire, le plus fourni, dans lequel la part du solde migratoire, très élevée au début, décroît assez fortement par la suite. Elles s'y trouvent en compagnie de Creil, Beauvais, Montargis, Auxerre, Blois, Alençon, Le Mans, Caen, Bourges...

115A l'intérieur du domaine inter-séquano-ligérien, la majorité des unités urbaines petites et moyennes connaît la même diminution de la contribution migratoire à la croissance démographique.

116A cette échelle, le fait le plus intéressant apparaît dans l'analyse - comparative et diachronique - de l'extension spatiale des zones d'égale contribution migratoire, au cours des trois périodes intercensitaires successives (Fig. 053).

117Entre 1954 et 1962, on rattache sans hésitation Chartres, Dreux et Evreux à un groupe d'agglomérations péri-parisiennes et ligériennes, dans lequel le solde migratoire est responsable des trois quarts au moins de la croissance démographique. Chartres, Dreux et Evreux forment, à cette date, la lisière occidentale de cette zone de très forte attractivité. La part du solde migratoire décline en direction du nord-ouest et laisse la suprématie au solde naturel dès que sont franchies La Ferté-Bernard, Nogent-le-Rotrou, Verneuil-sur-Avre et Bernay.

118La phase 1962-1968 fait figure de phase de transition. La zone de forte contribution migratoire se maintient sur les périphéries parisiennes et dans les pays ligériens, progresse vers l'aval en vallée de Seine, renforce ses positions sur les pays ornais (en franchissant la barre des 50 % à Mortagne et à L'Aigle), mais amorce déjà un repli dans l'Eure (en abandonnant Bernay et Evreux).

119Ce repli se généralise entre 1968 et 1975. La zone de forte attractivité, considérablement réduite, se compose désormais d'un ensemble principal péri-parisien, se prolongeant le long de la vallée de la Seine jusqu'aux abords de Rouen, et de secteurs plus restreints bâtis autour d'Orléans (Meung-sur-Loire et Beaugency), de Tours (Amboise, Château-Renault, Château-du-Loir), et de Caen (Ouistreham). Chartres continue d'appartenir à l'ensemble à forte attractivité, mais la part du solde migratoire y est - rappelons-le - tombée à 52 %. Dreux et Evreux, par contre, ont, par les composantes de leur évolution démographique, plus d'affinités avec les agglomérations du centre-ouest.

FIG 053 REGRESSION VERS L'EST, ENTRE 1954 ET 1975, DES ENSEMBLES SPATIAUX DE VILLES DANS LESQUELLES LA CROISSANCE DEMOGRAPHIQUE URBAINE EST MAJORITAIREMENT IMPUTABLE AU SOLDE MIGRATOIRE.

FIG 053 REGRESSION VERS L'EST, ENTRE 1954 ET 1975, DES ENSEMBLES SPATIAUX DE VILLES DANS LESQUELLES LA CROISSANCE DEMOGRAPHIQUE URBAINE EST MAJORITAIREMENT IMPUTABLE AU SOLDE MIGRATOIRE.

N.B. : Les ensembles spatiaux sont définis en prenant en compte les agglomérations de plus de 5000 habitants.

120Singulier retournement de situation qui, dans la mesure où il déborde le cadre étroit des trois agglomérations et prend une dimension régionale, fait inévitablement penser à un phénomène de rétraction. Tout se passe comme si, dans la décennie 1950, la suprématie du solde migratoire dans la croissance urbaine avait submergé tout l'espace inter-séquano-ligérien, La ligne Rouen-Le Mans (Fig. 053) représente le front le plus occidental atteint par la diffusion de l'attractivité migratoire urbaine. Avec la décennie 1960 s'amorce un mouvement de rétraction, qui s'amplifie à partir de 1968 et ramène le front vers l'est. La rapidité avec laquelle le reflux succède au flux illustre la brièveté de l'impulsion migratoire.

121Dans l'espace inter-séquano-ligérien, les exemples ébroïcien et argentanais représentent des situations extrêmes, dans lesquelles la phase de très forte attractivité est à la fois très nettement marquée et très éphémère. En général, et c'est le cas à Chartres et Dreux, le solde migratoire a conservé une part majeure durant la seconde période intercensitaire.

122Il faut toutefois distinguer de ce cas général deux situations. Dans les agglomérations de la région Ile-de-France, les fluctuations d'une période intercensitaire à l'autre n'ont qu'une très faible amplitude. Elles sont par conséquent de peu d'intérêt en regard du phénomène majeur : le maintien d'une forte contribution du solde migratoire à la croissance démographique urbaine tout au long de la période 1954-1975. L'exemple de Rambouillet peut être retenu pour illustrer l'extrême régularité de l'apport migratoire (successivement 76 %, 77 %, 76 %).

123Une évolution de sens contraire à l'évolution générale se rencontre dans plusieurs petites agglomérations. Il s'agit soit de petites agglomérations péri-parisiennes (Noisy-le-Roi, Guyancourt, Etrechy), soit d'agglomérations satellites d'une grande ville (Ouistreham ou Le Bosc-Roger-en-Roumois), soit de petites villes ou bourgs comme Falaise, Nonancourt, Gaillon, Mortagne-au-Perche, Meung-sur-Loire, Pacy-sur-Eure... Faut-il voir dans cette dernière évolution l'amorce d'un report des mouvements migratoires des moyennes vers les petites villes ? On peut tenter de répondre à cette question en restreignant le champ géographique aux seuls départements de l'Eure et de l'Eure-et-Loir mais en élargissant le nombre des communes urbaines considérées à l'ensemble des unités urbaines de ces deux départements (Tab. 013).

124Il faut d'abord rappeler que, si la même tendance à la diminution de la part du solde migratoire dans l'accroissement démographique se constate dans toutes les unités urbaines de plus de 10 000 habitants des départements de l'Eure et de l'Eure-et-Loir, les variations de la contribution migratoire, d'une agglomération à l'autre, et d'une période intercensitaire à l'autre permettent de distinguer plusieurs types.

125Le premier type, dans lequel la part du solde migratoire varie peu et reste prépondérante tout au long de la période 1954-1975, concerne les deux agglomérations les plus directement associées à l'espace séquanien : Vernon et Louviers. Le second type accuse au contraire une diminution persistante de la part du solde migratoire, d'ampleur catastrophique à Bernay, considérable à Evreux, forte à Chartres. Enfin le troisième type fait se succéder une phase de stabilité et une phase de recul très vigoureux : il concerne Dreux, Châteaudun et Nogent-le-Rotrou, c'est-à-dire les trois centres secondaires du département d'Eure-et-Loir.

126Dans le département d'Eure-et-Loir, l'intensité et, surtout, la persistance de l'impulsion migratoire semblent liées au niveau hiérarchique des villes : la ville principale subit la poussée la plus forte et la plus constante. Dans le département de l'Eure, au contraire, les différenciations ont des bases plus géographiques : elles opposent villes de la Basse-Seine, à attractivité forte et soutenue, et villes de l'intérieur, à attractivité précoce mais fugitive.

127Quant aux petites villes, elles se partagent en deux groupes dont les évolutions correspondent à des tendances exactement opposées. Certaines connaissent, en effet, une diminution de la part du solde migratoire, analogue à celle que l'on a relevée dans les agglomérations de plus de 10 000 habitants. Ainsi font Maintenon, Bonneval et La Loupe dans l'Eure-et-Loir, et Les Andelys, Verneuil-sur-Avre et Conches-en-Ouche dans l'Eure. Les plus nombreuses connaissent toutefois l'évolution inverse et voient la part du solde migratoire augmenter, avec plus ou moins de régularité, d'une période intercensitaire à l'autre. Il s'agit, le plus souvent, de celles de ces petites villes qui sont proches d'une agglomération urbaine plus importante : Le Bosc-Roger-en-Roumois, proche de Rouen et d'Elbeuf, Pacy-sur-Eure, Le Neubourg et Saint-André-de-l'Eure, satellites d'Evreux ; Nonancourt, entre Dreux et Evreux ; Brou, Illiers-Combray, Gallardon, Cloyes-sur-le-Loir et Auneau, disposées autour de Chartres ou de Châteaudun.

TAB 013 PART DU SOLDE MIGRATOIRE DANS L'ACCROISSEMENT DE LA POPULATION DES UNITES URBAINES DES DEPARTEMENTS DE L'EURE ET DE L'EURE-ET-LOIR, SITUEES ENTRE SEINE ET LOIRE, (VALEURS ARRONDIES, EN % ENTRE 1954 ET 1975.

TAB 013 PART DU SOLDE MIGRATOIRE DANS L'ACCROISSEMENT DE LA POPULATION DES UNITES URBAINES DES DEPARTEMENTS DE L'EURE ET DE L'EURE-ET-LOIR, SITUEES ENTRE SEINE ET LOIRE, (VALEURS ARRONDIES, EN % ENTRE 1954 ET 1975.

Source : I.N.S.E.E

128Constater que, dans le moment même où la part du solde migratoire diminue dans les agglomérations moyennes, elle se renforce dans les petites villes ou bourgs disposés à leur périphérie, c'est poser le problème de la relation susceptible d'exister entre ces deux phénomènes. Cette question concerne les rapports régionaux. Elle sera reprise plus tard. Mais, déjà, on soupçonne que le cadre urbain est trop restrictif. C'est par rapport à tout l'environnement des villes moyennes, urbain ou rural, qu'il faudra reprendre cette question.

129Auparavant, il convient de s'intéresser aux composantes de la variation naturelle.

La fécondité urbaine

130En un quart de siècle, la géographie de la variation démographique naturelle s'est complètement transformée. Les mutations spatiales considérables qui se sont produites durant cette période peuvent le mieux être mises en évidence lorsqu'on considère l'évolution de la part que prend chaque catégorie d'unité territoriale dans la formation de l'excédent naturel départemental.

131Les agglomérations de Chartres, Dreux et Evreux sont devenues, au cours de la période 1954-1975, les lieux priviligiés et les points de concentration de l'accroissement naturel régional.

132Mais, cette évolution s'est produite dans des contextes rendus assez différents par le comportement démographique naturel des communes rurales de chacun des départements et par son évolution. Un point commun d'abord : la part prise par les communes rurales à la formation d'un excédent naturel départemental n'a cessé de diminuer entre 1954 et 1975 (Tab. 014). Mais, si dans l'Eure, elle fut majoritaire en début de période et reste substantielle en fin de période, dans l'Eure-et-Loir, au contraire, elle est déjà minoritaire entre 1954 et 1962 et devient déficitaire entre 1968 et 1975. Dans les deux cas, l'affirmation du rôle des villes moyennes dans la formation des excédents naturels se fait donc principalement aux dépens des communes rurales. Mais, la chronologie et l'intensité du processus sont nettement décalées. L'excédent naturel ébroïcien équivaut à moins du quart de l'excédent naturel de l'ensemble des communes rurales de l'Eure entre 1954 et 1962 ; il n'en représente encore que la moitié entre 1962 et 1968 ; il ne l'égale - et même le dépasse de quelques unités - qu'entre 1968 et 1975. Au contraire, dès la première période intercensitaire les excédents naturels chartrain et drouais forment respectivement 36 et 33 % de l'excédent naturel des communes rurales d'Eure-et-Loir. Cette proportion passe à 141 et 128 % dès la seconde période intercensitaire !

TAB 014 REPARTITION DE LA VARIATION NATURELLE DANS LES DEPARTEMENTS DE L'EURE ET DE L'EURE-ET-LOIR, SELON LE TYPE DE COMMUNES, ENTRE 1954 ET 1975.

TAB 014 REPARTITION DE LA VARIATION NATURELLE DANS LES DEPARTEMENTS DE L'EURE ET DE L'EURE-ET-LOIR, SELON LE TYPE DE COMMUNES, ENTRE 1954 ET 1975.

PLANCHE 20. Chartres. L'une des écoles maternelles de la Z.U.P. de la Madeleine. Crèches, écoles maternelles : de nouveaux équipements rendus urgents par la fécondité urbaine.

PLANCHE 20. Chartres. L'une des écoles maternelles de la Z.U.P. de la Madeleine. Crèches, écoles maternelles : de nouveaux équipements rendus urgents par la fécondité urbaine.

Cliché M. FIEVET

133Bien qu'il se fasse plus volontiers sur Evreux, le transfert de l'accroissement naturel concerne la plupart des agglomérations urbaines moyennes et petites de l'Eure (à l'exception de Pont-Audemer et de Gaillon) et quelques bourgs (Conches notamment) : les petits centres qui lui échappent se situent soit dans le nord du département (bourgs de la vallée de l'Andelle notamment) soit dans l'ouest (Brionne, Le Neubourg, Beaumont-le-Roger, Breteuil, Rugles). Dans l'Eure-et-Loir, le transfert de l'accroissement naturel se concentre sur les deux agglomérations de Chartres et de Dreux. Châteaudun, troisième agglomération urbaine départementale n'est absolument pas concernée par ce processus (au contraire, sa contribution à la formation des excédents naturels urbains passe de 11,6 % entre 1954 et 1962 à 6,8 % entre 1968 et 1975). Nogent-le-Rotrou l'est à peine ; Epernon un peu plus. Toutes les autres petites villes et bourgs du département voient baisser, dans des proportions le plus souvent très sensibles, leur contribution à la formation de l'excédent naturel global.

134C'est plus précisément par rapport au phénomène de la natalité que les agglomérations de Chartres, Dreux et Evreux acquièrent un rôle tout à fait nouveau. Ici encore, on retrouve les mêmes tendances dans les deux départements de l'Eure et de l'Eure-et-Loir, mais avec des distorsions d'intensité et de chronologie.

135Le phénomène général, c'est le transfert de la majorité des naissances des communes rurales, où s'enregistre encore le plus grand nombre des naissances départementales, entre 1954 et 1962, vers les communes urbaines. Dans l'Eure, il y a tout simplement interversion des pourcentages entre les deux périodes extrêmes considérées. Mais, l'Eure-et-Loir connaît une évolution beaucoup plus profonde : dans la dernière période, près des trois quarts des naissances départementales se font en milieu urbain.

136Plus précisément, les agglomérations de Chartres, Dreux et Evreux concentrent une part constamment accrue des naissances domiciliées dans leur département et des naissances enregistrées en milieu urbain (Tab. 015 et 016). Le phénomène est particulièrement avancé dans l’Eure-et-Loir. La moitié des naissances départementales s’y fait dans les trois principales agglomérations (alors que dans l'Eure il faut cumuler les naissances de dix-sept agglomérations pour parvenir au même résultat). Plus de six sur dix naissances urbaines se produisent à Chartres et à Dreux. Et, dans cette dernière agglomération, le nombre moyen des naissances est multiplié par deux entre la fin de la décennie 1950 et le début de la décennie 1970.

137Ces mouvements tiennent-ils à une modification des structures ou à une modification des comportements ? Une étude comparative de la fécondité et de son évolution, menée à l'échelle des cantons de la région Centre (indicateurs de l'Economie du Centre - 1980) répond à la question. Elle souligne d'abord le niveau moyen élevé du taux de la fécondité du département de l'Eure-et-Loir, par rapport à celui de la région, et en attribue la responsabilité aux cantons urbains (cantons de Chartres et de Dreux essentiellement), qui concentrent plus de la moitié des femmes de 15 à 49 ans du département.

138La situation favorable de Chartres et de Dreux doit être comparée à celle des zones rurales du même département d'une part, à celle des grandes villes régionales d'autre part.

139L'image traditionnelle de l'opposition entre des campagnes fécondes et des villes à faible fertilité doit être complètement bannie pour ce qui concerne l'Eure-et-Loir, en 1975. Or, cette situation est relativement nouvelle. En 1968, les cantons drouais avaient déjà des taux de fécondité supérieurs aux taux moyens régionaux, mais les autres cantons à forte fécondité étaient ruraux (cantons de la lisière occidentale de l'Eure-et-Loir). Entre 1968 et 1975, la fécondité des campagnes de l'Eure-et-Loir a donc diminué plus vite que la moyenne régionale et les villes ont pris le relais des campagnes.

140Par leurs comportements féconds, Chartres et Dreux s'opposent également aux grandes agglomérations régionales. Tours et Orléans ont en effet des fécondités inférieures à la moyenne régionale.

141Ni la proportion des femmes étrangères qui varie du simple au double à Chartres et à Dreux, ni le taux d'activité féminine ne permettent d’expliquer l'originalité des deux agglomérations. Par contre, il semble exister une relation entre la sur-fécondité relative et l'âge d'entrée dans la vie active. Dans les cantons les plus féconds, l'âge d'entrée dans la vie professionnelle se fait très tôt et le taux d'activité des femmes atteint son maximum entre 20 et 24 ans. Un mariage plus jeune et l'appartenance à des professions dont l'accès nécessite peu de formation, voilà sans doute les vraies explications de la sur-fécondité relative. Les agglomérations moyennes se différencient ainsi des plus grandes villes (Tours et Orléans, par exemple), villes dans lesquelles on entre plus tardivement dans la vie de famille et dans la vie professionnelle, préparée par de longues études.

TAB 015 EVOLUTION, ENTRE 1954 ET 1975, DE LA PART DES NAISSANCES ET DECES DEPARTEMENTAUX ENREGISTRES DANS LES AGGLOMERATIONS DE CHARTRES, DREUX ET EVREUX.

TAB 015 EVOLUTION, ENTRE 1954 ET 1975, DE LA PART DES NAISSANCES ET DECES DEPARTEMENTAUX ENREGISTRES DANS LES AGGLOMERATIONS DE CHARTRES, DREUX ET EVREUX.

TAB 016 EVOLUTION, ENTRE 1954 ET 1975, DE LA PART DES NAISSANCES ET DES DECES URBAINS DES DEPARTEMENTS DE L'EURE ET DE L'EURE-ET-LOIR, ENREGISTRES DANS LES AGGLOMERATIONS PRINCIPALES

TAB 016 EVOLUTION, ENTRE 1954 ET 1975, DE LA PART DES NAISSANCES ET DES DECES URBAINS DES DEPARTEMENTS DE L'EURE ET DE L'EURE-ET-LOIR, ENREGISTRES DANS LES AGGLOMERATIONS PRINCIPALES

Source : I.N.S.E.E.

TAB 017 TAUX MOYENS ANNUELS (EN %) DE VARIATION NATURELLE, ENTRE 1954 ET 1975, PAR PERIODE INTERCENSITAIRE. COMPARAISON ENTRE CHARTRES, DREUX, EVREUX, ET L'ENSEMBLE DES AGGLOMERATIONS REGIONALES ET FRANÇAISES APPARTENANT AUX MEMES CATEGORIES DE TAILLE.

TAB 017 TAUX MOYENS ANNUELS (EN %) DE VARIATION NATURELLE, ENTRE 1954 ET 1975, PAR PERIODE INTERCENSITAIRE. COMPARAISON ENTRE CHARTRES, DREUX, EVREUX, ET L'ENSEMBLE DES AGGLOMERATIONS REGIONALES ET FRANÇAISES APPARTENANT AUX MEMES CATEGORIES DE TAILLE.

(*) : La Haute-Normandie ne possède qu'une seule unité urbaine de cette
catégorie de taille : c'est Evreux.
Source : I.N.S.E.E.

FIG 054 EVOLUTION COMPAREE, PAR PERIODE INTERCENSITAIRE, ENTRE 1954 ET 1975, DES TAUX DE NATALITE, MORTALITE, VARIATION NATURELLE, DANS LES AGGLOMERATIONS DE CHARTRES, DREUX ET EVREUX ET DANS LES AGGLOMERATIONS AYANT PLUS DE 10000 HABITANTS DES DEPARTEMENTS DE L'EURE ET DE L'EURE-ET-LOIR.

FIG 054 EVOLUTION COMPAREE, PAR PERIODE INTERCENSITAIRE, ENTRE 1954 ET 1975, DES TAUX DE NATALITE, MORTALITE, VARIATION NATURELLE, DANS LES AGGLOMERATIONS DE CHARTRES, DREUX ET EVREUX ET DANS LES AGGLOMERATIONS AYANT PLUS DE 10000 HABITANTS DES DEPARTEMENTS DE L'EURE ET DE L'EURE-ET-LOIR.

Source : I.N.S.E.E.

142Les agglomérations de Chartres, Dreux et Evreux deviennent ainsi, au cours du troisième quart du vingtième siècle, non seulement les lieux d une concentration de main-d'oeuvre, mais aussi les lieux priviligiés de sa reproduction. La forte fécondité urbaine ne s'explique pas totalement par la jeunesse des populations nouvelles. Elle est aussi déterminée par les modalités du développement économique et par les caractères des emplois qui lui sont associés (cf. infra.).

143Une évolution de même sens affecte la répartition géographique des décès. Mais son intensité reste beaucoup plus faible. Dans l'Eure, par exemple, la majorité des décès demeure, en 1975, de localisation rurale.

144Les transformations résultantes de la variation naturelle se produisent, dans les trois agglomérations, de manière différente. Elles ne parviennent cependant pas à annihiler l'opposition, dès le départ fortement marquée, entre Dreux et Evreux d'un côté, Chartres de l'autre.

145Dès la première phase intercensitaire (Fig. 054), Dreux et Evreux connaissent des taux de variation naturelle plus que doubles de ceux de Chartres. Le taux chartrain reste très proche de celui des agglomérations moyennes françaises et de celui des agglomérations moyennes de la région Centre. Les taux drouais et ébroïcien, au contraire, s’élèvent nettement au-dessus des taux de l'ensemble des agglomérations moyennes régionales, françaises et, même, parisiennes (Tab. 017).

146L'évolution des taux de la variation naturelle, entre 1954-62 et 1968-75 prend, à Chartres, sa forme la plus régulière et la plus favorable (Fig. 054). La combinaison d'une augmentation sensible des taux de natalité et d'une diminution - également sensible - des taux de mortalité ne lui permet pas de rattraper les taux de variation naturelle de Dreux et d'Evreux, mais, elle l'en rapproche. En effet, une nette tendance au renforcement des taux de la variation naturelle, ne se marque à Dreux, qu'entre 1954-62 et 1962-68. Au-delà de 1968, les taux de natalité s'abaissent. Un recul bien plus tranché se produit, à Evreux, entre 1954-62 et 1962-68. Il détermine, dans cette agglomération, une évolution discontinue et, globalement, faiblement régressive, des taux de la variation naturelle. Une telle baisse se retrouve dans les autres agglomérations moyennes du département de l'Eure, à l'exception de Louviers.

147Au total, ces évolutions quelque peu divergentes (sauf pour la mortalité) aboutissent à un rapprochement des comportements démographiques naturels. Mais, elles n'effacent pas l'originalité des deux agglomérations les plus septentrionales : les plus jeunes et les plus fécondes.

Conclusion

148La concentration de la main-d’œuvre dans les agglomérations de Chartres, Dreux et Evreux a été déclenchée par un brusque et précoce afflux migratoire. Chartres, Dreux et Evreux ont été, un instant, par le rythme et par les composantes de leur croissance, incorporées à un espace démographique péri-parisien.

149Ce paroxysme d'attractivité a permis aux agglomérations d'atteindre des taux de croissance exceptionnels, mais il a été de courte durée. A partir des années 70, les agglomérations se retrouvent dans une situation dans laquelle l'excédent naturel l'emporte sur le solde migratoire. Leur comportement démographique se rapproche de celui des autres agglomérations de leur région. Il s'éloigne, au contraire, de celui des agglomérations les plus proches de Paris.

150Il serait faux d'en conclure que Chartres, Dreux et Evreux ont restauré les modalités antérieures de leur évolution démographique. Tout au contraire, l'immigration urbaine a profondément perturbé les schémas démographiques naturels. Elle a notamment provoqué une redistribution géographique de la fécondité et de la natalité, qui inverse les fondements de la dichotomie ville-campagne, et fait de Chartres, Dreux et Evreux les points forts de l'accroissement naturel dans leur département.

CONCLUSION DU CHAPITRE 1

151L'analyse dynamique et comparative des données démographiques révèle l'importance qu'ont, en ce domaine, les processus spatiaux.

152Elle permet de retrouver les mécanismes simples ou, en tout cas, bien connus, qui font des agglomérations de Chartres, de Dreux et d'Evreux, comme de bien d'autres unités urbaines françaises, grâce, d'abord, à une polarisation sur elles des mouvements migratoires, les points de la concentration de la population régionale, puis, dans un second temps, les lieux priviligiés de l'accroissement naturel régional et de la reproduction de la main-d’oeuvre.

153Elle montre, aussi, que les mécanismes ne fonctionnent pas à l'échelle d'une seule ville, mais se déploient sur des ensembles spatiaux de villes. Or, selon la composante démographique considérée et selon le moment de l'observation, Chartres, Dreux et Evreux se trouvent incorporées à des ensembles spatiaux de villes différents.

154Cette conclusion, surtout, paraît intéressante. Elle conduit à identifier deux gradients, dont la superposition rend compte de l'essentiel des observations démographiques, faites dans ce chapitre.

155Le premier, le plus global et le plus efficace, fonctionne à l'échelle du Bassin parisien. Centré sur l'agglomération parisienne, il diffuse, selon un schéma concentrique, des pulsions - ou plutôt, des pulsations - démographiques, dont l'intensité varie avec la direction, la distance et le moment. Observée dans le cadre de l'espace inter-séquano-ligérien, cette diffusion fait alterner deux phases, qui correspondent à l'inégale combinaison de ses deux modalités.

156Une brève incorporation d'une grande partie de l'espace inter-séquano-ligérien à l'espace de croissance démographique péri-parisien accompagne la phase active de diffusion par projection. Mais, sa rétraction immédiate et sa restriction aux parties les plus proches de l'agglomération parisienne rendent au processus de diffusion de contiguïté la valeur explicative la plus grande. La distance par rapport à Paris redevient un facteur fondamental d'explication des différenciations des caractéristiques démographiques et ses effets les plus sélectifs se font sentir dans les parties les plus proches de la capitale (Fig. 046). Les premiers résultats du recensement de 1982 confirment ces tendances. Si taux d'accroissement démographique et gains migratoires restent conséquents dans les unités urbaines périphériques, internes à la région Ile-de-France, ils s'étiolent ou deviennent négatifs, dans les agglomérations externes. L'onde de croissance péri-parisienne, descendante et affaiblie, ne bat plus qu'aux portes de l'agglomération.

157Le second gradient, plus régional, balaie l'espace inter-séquano-ligérien du nord au sud. Il se traduit de différentes manières, mais ses caractéristiques tiennent à la combinaison d'une augmentation progressive et conjointe, en allant du nord au sud, des taux d'accroissement démographique et de la contribution migratoire relative (Fig. 052).

PLANCHE 21. Dreux. Vue aérienne des bâtiments de la première usine de la Radiotechnique. Noter la situation en bordure de la N12 et la desserte ferroviaire.

PLANCHE 21. Dreux. Vue aérienne des bâtiments de la première usine de la Radiotechnique. Noter la situation en bordure de la N12 et la desserte ferroviaire.

Photo A. PERCEVAL, publiée dans : "Bulletin officiel municipal" (1966).

Table des illustrations

Titre FIG 038 EVOLUTION DE LA POPULATION DES VILLES DE CHARTRES, DREUX ET EVREUX, ENTRE 1836 ET 1975.
Légende Source : I.N.S.E.E.
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/37348/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 151k
Titre FIG 039 ACCROISSEMENT MOYEN ANNUEL DE LA POPULATION DES VILLES ET DES AGGLOMERATIONS DE CHARTRES, DREUX ET EVREUX, AUX DIX-NEUVIEME ET VINGTIEME SIECLES.
Légende Source : I.N.S.E.E.
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/37348/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 274k
Titre TAB 006 COMPARAISON DES TAUX DE VARIATION MOYENS ANNUELS DE LA POPULATION DES VILLES ET DES AGGLOMERATIONS DE CHARTRES, DREUX ET EVREUX ET DE LA POPULATION DES UNITES URBAINES FRANCAISES, CLASSEES PAR CATEGORIE DE-AILLE, ENTRE 1954 ET 1975 (EN % / AN)
Légende Source : I.N.S.E.E.
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/37348/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 215k
Titre FIG 040 VARIATION ABSOLUE ET VARIATION RELATIVE DE LA POPULATION DES AGGLOMERATIONS MOYENNES ET GRANDES DU BASSIN PARISIEN ENTRE 1954 ET 1975.
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/37348/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 639k
Titre FIG 041 POPULATION, EN 1954, DES AGGLOMERATIONS DE PLUS DE 5000 HABITANTS, DANS L'ESPACE INTER-SEQUANO-LIGERIEN.
Légende Même légende que la figure 41.Source : I.N.S.E.E.
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/37348/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 321k
Titre FIG 042 POPULATION, EN 1975, DES AGGLOMERATIONS DE PLUS DE 5000 HABITANTS, DANS L'ESPACE INTER-SEQUANO-LIGERIEN.
Légende Même légende que la figure 41.Source : I.N.S.E.E.
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/37348/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 200k
Titre FIG 043 VARIATION ABSOLUE ET RELATIVE, ENTRE 1954 ET 1975 DE LA POPULATION DES AGGLOMERATIONS DE PLUS DE 5000 HABITANTS EN 1975, DANS LES PAYS D'ENTRE SEINE ET LOIRE.
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/37348/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 306k
Titre TAB 009 STYLE DE CROISSANCE, ENTRE 1954 ET 1975, DES AGGLOMERATIONS DU BASSIN PARISIEN DE PLUS DE 30 000 HABITANTS (en 1975).
Légende Source : I.N.S.E.E.
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/37348/img-8.jpg
Fichier image/jpeg, 283k
Titre FIG 044 STYLES DE CROISSANCE, ENTRE 1954 ET 1975, DE LA POPULATION DES AGGLOMERATIONS DU BASSIN PARISIEN AYANT PLUS DE 30000 HABITANTS EN 1975.
Légende SOURCE : I.N.S.E.E.
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/37348/img-9.jpg
Fichier image/jpeg, 235k
Titre FIG 045 TAUX DE VARIATION MOYENS ANNUELS DE LA POPULATION DES AGGLOMERATIONS DE PLUS DE 30000 HABITANTS DU BASSIN PARISIEN, SELON LEUR DISTANCE A PARIS, ENTRE 1954 ET 1975, PAR PERIODE INTERCENSITAIRE.
Légende Source : I.N.S.E.E
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/37348/img-10.jpg
Fichier image/jpeg, 339k
Titre FIG 046 VARIATION DU TAUX MOYEN ANNUEL D'ACCROISSEMENT DEMOGRAPHIQUE DES AGGLOMERATIONS DE PLUS DE 30000 HABITANTS DU BASSIN PARISIEN, SELON LEUR DISTANCE A PARIS ET SELON LA PERIODE INTERCENSITAIRE (1954-1962 ; 1962-1968 ; 1968-1975).
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/37348/img-11.jpg
Fichier image/jpeg, 105k
Titre FIG 047 STYLES DE CROISSANCE, ENTRE 1954 ET 1975, DE LA POPULATION DES AGGLOMERATIONS DE PLUS DE 5000 HABITANTS EN 1975, DANS LES PAYS D'ENTRE SEINE ET LOIRE.
Légende Source : I.N.S.E.E.
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/37348/img-12.jpg
Fichier image/jpeg, 263k
Titre FIG 048 STYLES REGIONAUX DE CROISSANCE DEMOGRAPHIQUE ET SPECIFICITES URBAINES, ENTRE 1954 ET 1975.
Légende Source : I.N.S.E.E.
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/37348/img-13.jpg
Fichier image/jpeg, 139k
Titre TAB 011 SOLDE MIGRATOIRE ET EXCEDENT NATUREL, DANS LES TROIS AGGLOMERATIONS DE CHARTRES, DREUX ET D'EVREUX, DE 1954 A 1975, PAR PERIODE INTERCENSITAIRE. VALEURS ABSOLUES ET RELATIVES. (Calculs effectués à partir de la population municipale, dans la définition des agglomérations de 1975).
Légende Source : I.N.S.E.E.
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/37348/img-14.jpg
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Titre TAB 012 TAUX MOYENS ANNUELS (EN %) DE SOLDE MIGRATOIRE, ENTRE 1954 ET 1975, PAR PERIODE INTERCENSITAIRE. COMPARAISON ENTRE CHARTRES, DREUX, EVREUX ET L'ENSEMBLE DES AGGLOMERATIONS REGIONALES ET FRANÇAISES APPARTENANT AUX MEMES CATEGORIES DE TAILLE.
Légende Source : I.N.S.E.E.(x) ; La Haute-Normandie ne possède qu'une seule unité urbaine de cette catégorie de taille : c'est Evreux.
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/37348/img-15.jpg
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Titre FIG 049 PART DU SOLDE MIGRATOIRE DANS LA CROISSANCE DEMOGRAPHIQUE DES AGGLOMERATIONS MOYENNES ET GRANDES DU BASSIN PARISIEN, ENTRE 1954 ET 1975, SELON LA DISTANCE A PARIS.
Légende Source : I.N.S.E.E.
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/37348/img-16.jpg
Fichier image/jpeg, 163k
Titre FIG 050 TAUX DE VARIATION DE LA POPULATION ET PART DU SOLDE MIGRATOIRE DANS L'ACCROISSEMENT DEMOGRAPHIQUE DES AGGLOMERATIONS DE PLUS DE 30000 HABITANTS DU BASSIN PARISIEN, ENTRE 1954 ET 1975.
Légende Source : I.N.S.E.E.
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/37348/img-17.jpg
Fichier image/jpeg, 191k
Titre FIG 051 VARIATION ABSOLUE DE LA POPULATION DES AGGLOMERATIONS D'ENTRE SEINE ET LOIRE ET PART DU SOLDE MIGRATOIRE DANS LA CROISSANCE, ENTRE 1954 ET 1975.
Légende Source : I.N.S.E.E
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/37348/img-18.jpg
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Titre FIG 052 TAUX DE VARIATION DE LA POPULATION DES AGGLOMERATIONS D'ENTRE SEINE ET LOIRE ET PART DU SOLDE MIGRATOIRE DANS LA CROISSANCE, ENTRE 1954 ET 1975.
Légende Seules sont prises en coopte les agglomérations de plus de 5.000 habitants en 1975.Source : I.N.S.E.E
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/37348/img-19.jpg
Fichier image/jpeg, 291k
Titre FIG 053 REGRESSION VERS L'EST, ENTRE 1954 ET 1975, DES ENSEMBLES SPATIAUX DE VILLES DANS LESQUELLES LA CROISSANCE DEMOGRAPHIQUE URBAINE EST MAJORITAIREMENT IMPUTABLE AU SOLDE MIGRATOIRE.
Légende N.B. : Les ensembles spatiaux sont définis en prenant en compte les agglomérations de plus de 5000 habitants.
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/37348/img-20.jpg
Fichier image/jpeg, 292k
Titre TAB 013 PART DU SOLDE MIGRATOIRE DANS L'ACCROISSEMENT DE LA POPULATION DES UNITES URBAINES DES DEPARTEMENTS DE L'EURE ET DE L'EURE-ET-LOIR, SITUEES ENTRE SEINE ET LOIRE, (VALEURS ARRONDIES, EN % ENTRE 1954 ET 1975.
Légende Source : I.N.S.E.E
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/37348/img-21.jpg
Fichier image/jpeg, 310k
Titre TAB 014 REPARTITION DE LA VARIATION NATURELLE DANS LES DEPARTEMENTS DE L'EURE ET DE L'EURE-ET-LOIR, SELON LE TYPE DE COMMUNES, ENTRE 1954 ET 1975.
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/37348/img-22.jpg
Fichier image/jpeg, 179k
Titre PLANCHE 20. Chartres. L'une des écoles maternelles de la Z.U.P. de la Madeleine. Crèches, écoles maternelles : de nouveaux équipements rendus urgents par la fécondité urbaine.
Légende Cliché M. FIEVET
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/37348/img-23.jpg
Fichier image/jpeg, 179k
Titre TAB 015 EVOLUTION, ENTRE 1954 ET 1975, DE LA PART DES NAISSANCES ET DECES DEPARTEMENTAUX ENREGISTRES DANS LES AGGLOMERATIONS DE CHARTRES, DREUX ET EVREUX.
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/37348/img-24.jpg
Fichier image/jpeg, 183k
Titre TAB 016 EVOLUTION, ENTRE 1954 ET 1975, DE LA PART DES NAISSANCES ET DES DECES URBAINS DES DEPARTEMENTS DE L'EURE ET DE L'EURE-ET-LOIR, ENREGISTRES DANS LES AGGLOMERATIONS PRINCIPALES
Légende Source : I.N.S.E.E.
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/37348/img-25.jpg
Fichier image/jpeg, 200k
Titre TAB 017 TAUX MOYENS ANNUELS (EN %) DE VARIATION NATURELLE, ENTRE 1954 ET 1975, PAR PERIODE INTERCENSITAIRE. COMPARAISON ENTRE CHARTRES, DREUX, EVREUX, ET L'ENSEMBLE DES AGGLOMERATIONS REGIONALES ET FRANÇAISES APPARTENANT AUX MEMES CATEGORIES DE TAILLE.
Légende (*) : La Haute-Normandie ne possède qu'une seule unité urbaine de cettecatégorie de taille : c'est Evreux.Source : I.N.S.E.E.
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/37348/img-26.jpg
Fichier image/jpeg, 281k
Titre FIG 054 EVOLUTION COMPAREE, PAR PERIODE INTERCENSITAIRE, ENTRE 1954 ET 1975, DES TAUX DE NATALITE, MORTALITE, VARIATION NATURELLE, DANS LES AGGLOMERATIONS DE CHARTRES, DREUX ET EVREUX ET DANS LES AGGLOMERATIONS AYANT PLUS DE 10000 HABITANTS DES DEPARTEMENTS DE L'EURE ET DE L'EURE-ET-LOIR.
Légende Source : I.N.S.E.E.
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/37348/img-27.jpg
Fichier image/jpeg, 238k
Titre PLANCHE 21. Dreux. Vue aérienne des bâtiments de la première usine de la Radiotechnique. Noter la situation en bordure de la N12 et la desserte ferroviaire.
Légende Photo A. PERCEVAL, publiée dans : "Bulletin officiel municipal" (1966).
URL http://books.openedition.org/psorbonne/docannexe/image/37348/img-28.jpg
Fichier image/jpeg, 685k

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