Frontières de sable, frontières de papier
|Première partie. Des voyages qui révèlent des territoires et des frontières
Chapitre II. Les pratiques de L’espace : mobilité, contrôle, négociations
Texte intégral
- 1 Inspirée par Claudia Moatti (dir.), La mobilité des personnes en Méditerranée de l’Antiquité à l’é (...)
1Si le Soudan central connaît une unité certaine au xixe siècle, c’est en grande partie aux mouvements des hommes qu’il le doit. Ces mouvements, qu’ils soient commerciaux ou religieux, culturels ou intellectuels, pacifiques ou guerriers, négociés ou contraints, collectifs ou individuels, ne se sont jamais interrompus et structurent alors la région. L’analyse des circulations, des échanges et de la mobilité permet de proposer une histoire sociale et normative des territoires et des pratiques qui le construisent1. En effet, pour comprendre les formes d’appropriation de l’espace et les dispositifs de frontières, il importe de déplacer le questionnement et, avant de s’interroger sur le sens des termes de frontière ou de territoire dans cette région à cette époque, d’observer les pratiques, les contraintes et le contrôle qui régissent les formes de mobilité. Ce renversement de perspective permet, en partant de l’analyse concrète des pratiques, de reconstituer les logiques et les enjeux qui organisent le rapport à l’espace et la territorialité de ces sociétés.
2Les explorateurs qui voyagent au Soudan central au xixe siècle se trouvent, en dehors du cas spécifique des expéditions, dans une situation de dépendance à l’égard des sociétés locales en raison de leurs moyens limités, de leur méconnaissance du terrain et de la situation troublée de la région. Pour pouvoir aborder et pénétrer ces espaces inconnus, ils doivent se soumettre aux habitudes de voyage et aux systèmes de normes et de règles qui régissent les déplacements dans les espaces qu’ils visitent. Ils empruntent des réseaux routiers définis et connus de tous, s’insèrent dans des formations de voyage qui existent en dehors d’eux, se soumettent aux douanes et aux péages qu’ils rencontrent et voyagent selon un calendrier qui ne dépend pas de leur volonté. Leurs récits sont consacrés pour une part importante à la description de leurs conditions de voyage, aux déconvenues qu’ils subissent, à l’observation des modes de déplacement auxquels ils participent et aux contraintes politiques qui encadrent mobilité et accès aux territoires.
- 2 Sur l’édition d’une de ces sources, voir Sidney Kanya-Forstner, Paul Lovejoy, « Editing Nineteenth (...)
3Ces récits offrent donc, sur près d’un siècle, un observatoire privilégié pour considérer les manières de se déplacer et de régir l’espace dans toute la région. Ils permettent de reconstituer les routes, le calendrier des déplacements, de retrouver les règles, les interdits liés à l’espace, d’observer les modes de contrôle, de taxation et de questionner les catégories d’autochtone et d’allogène. D’autres sources permettent de nourrir nos regards : les sources manuscrites en arabe, notamment les correspondances commerciales ou diplomatiques, mais aussi les sources orales publiées, comme les récits de fondation de communautés villageoises, qui offrent un contrepoint sur les questions d’implantation et de stratégie de peuplement, et enfin les récits de vie recueillis au xixe, qui permettent d’appréhender des trajectoires personnelles de grands voyageurs marchands, pèlerins ou esclaves2.
RAISONS ET FONCTIONNEMENT DES CIRCULATIONS
- 3 Paul Lovejoy, Stephen Baier, « The Desert-Side Economy of the Central Sudan », The International J (...)
- 4 Comme l’a montré Gerd Spittler pour les Touaregs Kel Ewey dont l’adaptation aux contraintes du mil (...)
4Les échanges économiques et les circulations commerciales du Soudan central au xixe siècle sont bien connus. Une série de travaux centrés sur les productions et les circulations marchandes ont montré, en rejetant l’idée d’un fonctionnement ethnique des échanges, que les différentes populations de la région participaient à une économie intégrée fondée sur la complémentarité entre les différentes zones écologiques3. Les modes de production, adaptés aux différents types de milieux physiques du Sahel et du Sahara, étaient incorporés dans un système d’échanges fondé sur des relations d’interdépendance autour de plusieurs produits, dont le sel, les animaux et les dattes venus du Nord et le mil, les tissus, les produits manufacturés et les esclaves venus du Sud. La complémentarité des zones nord-sud et est-ouest est, alors, structurée par des mouvements réguliers, et le transport est au cœur de l’économie régionale, faisant sa richesse – le déplacement des produits d’un lieu vers un autre permettant de réaliser une plus-value – et sa limite – les moyens de transport étant limités par l’importance du cheptel. Dans ce contexte, les relations à l’environnement sont l’objet de dynamiques liées à la mobilité des écosystèmes en fonction desquels les populations ont établi des stratégies d’adaptation au milieu4.
Un espace mobile
- 5 Selon l’expression de Benedetta Rossi, Benedetta Rossi, Ader : Governing the Desert Edge, op. cit. (...)
- 6 Anne Luxereau, « Transformation du rapport au végétal et à la terre dans la région de Maradi (Nige (...)
- 7 Annexe II - Calendrier des déplacements et des activités au xixe siècle, p. 437-439.
5Le Soudan central est une terre de contraste5, contraste des saisons, entre la terrible arridité de la saison sèche et l’abondance de la saison des pluies, et contraste des climats, entre les champs de mil du Sahel et la rigueur du Sahara. Les activités pastorales et agricoles et la mobilité sont rythmées au xixe siècle par le balancement des saisons et les modifications souvent imprévues de la nature, notamment en fonction de la pluviométrie et de ses irrégularités. La région du Soudan central est composée d’une mosaïque d’écosystèmes partout anthropisés, souvent caractérisés par des sols fragiles, soumis à des conditions de pluviosité réduite6. L’environnement dans lequel évoluent les populations, malgré une très grande diversité, comporte certaines constantes, un climat aride, des difficultés d’accès à l’eau, des sols facilement dégradés et un milieu mobile et fluctuant. Selon l’ampleur des pluies, leur régularité et l’évolution des réserves d’eaux souterraines, le milieu change. Plusieurs années de sécheresse peuvent modifier le paysage, faire disparaître certains éléments de la végétation, ou tarir certains puits. Inversement, une pluie très abondante et régulière fait émerger des cours d’eau habituellement souterrains, fait naître des mares et permet de cultiver dans des endroits où on ne le fait pas normalement. Les lexiques de langues locales révèlent cet aspect changeant du milieu et comprennent une grande diversité de termes concernant l’aspect temporaire de l’hydrographie ou des végétations. Les populations considèrent les écosystèmes dans une perspective qui privilégie les modifications des conditions du milieu au cours de l’année et accorde une grande place à l’identification des saisons, dont la succession rythme les transformations des paysages7.
6Pour les voyageurs, ces évolutions sont parfois déroutantes. Ainsi, aux abords du lac Tchad, les marchands du Kanem qui accompagnent Nachtigal en mars 1871 ne parviennent plus à se repérer, bien qu’ils parcourent régulièrement ce chemin :
- 8 Gustav Nachtigal, Sahara et Soudan, op. cit., tome 1, p. 372-375.
« Le 28, après une marche de quelques heures, durant laquelle je ne cessai de souffrir de la fièvre, notre caravane dut s’arrêter court, ne sachant plus de quel côté se diriger. Cette incertitude tenait à ce que les contours du lac, principalement sur le côté nord, subissent d’un bout de l’année à l’autre des métamorphoses sensibles, que les Arabes du Kânem eux-mêmes, à qui ce trajet est pourtant familier, ne savent plus parfois comment s’orienter. À tout instant, il s’y forme des gauchissements de la rive, des arrière-cours d’eau, qui allongent chaque année d’autant le circuit à décrire par les voyageurs sur ce front du bassin8. »
- 9 Arrivée à Nguigmi : The village and its immediate surroundings were quite unrecognizable in compar (...)
- 10 Ces fluctuations semblent avoir néanmoins parfois surpris les populations riveraines. Christian Se (...)
7Ici la familiarité n’a pas suffi à permettre de lire le paysage transformé des rives du lac qui est selon Nachtigal méconnaissable9. Les marchands et le voyageur doivent alors faire appel aux autochtones accoutumés à ces fluctuations10.
- 11 Heinrich Barth, Travels and Discoveries, op. cit., tome 2, p. 261.
- 12 Gerhard Rohlfs, Voyages et exploration…, op. cit., tome 2, p. 264-265.
- 13 Jean Boutrais, « Les populations du bassin tchadien des sociétés non hydrauliques », dans Hermann (...)
8Dans cette même région, les voyageurs européens sont étonnés de voir que les villages peuvent changer de lieu. Barth constate ainsi que le village N’guigmi s’est déplacé entre son premier passage en 1851 et son second en 1855 à cause d’une crue inhabituelle du lac11. Rohlfs, lui, le trouve en juillet 1863 de nouveau déplacé depuis le passage de Barth. Il indique qu’après une inondation le village s’est éloigné des rives du lac et n’est maintenant « entouré par le lac que pendant la saison des pluies ; sinon, il est éloigné du rivage d’une bonne portée de fusil12 ». La mobilité est ici double : face à une circonstance exceptionnelle, une inondation, le village s’est déplacé sans changer de nom, tandis qu’au cours de l’année l’environnement du village change plusieurs fois, selon la saison et la configuration de l’étendue d’eau. Le cas du lac Tchad est évidemment spécifique, les rives sont changeantes, floues et formées d’un mélange d’eau et de végétation aquatique, la nappe d’eau se fractionne en une multitude d’îles sableuses, se rétracte puis recouvre brutalement les zones basses13.
- 14 Anne Haour, « Power and Permanence in Pre-Colonial Africa : A Case Study from the Central Sahel »,(...)
- 15 Guy Nicolas, « Fondements magico-religieux du pouvoir politique au sein de la principauté Hausa du (...)
9Mais, ailleurs dans la région, les villes, les implantations villageoises, les puits se déplacent. Les traces archéologiques témoignent de cette mobilité des lieux. Le souverain actuel de Wacha vient d’une ancienne famille régnante dont le pouvoir a été localisé dans cinq sites différents sur près de mille deux cent cinquante ans. La ville aurait d’abord occupé un premier site pendant plusieurs siècles puis aurait déménagé suite aux razzias touarègues et se serait ensuite installée dans trois endroits successifs avant de se fixer dans sa localisation actuelle14. Kano aurait ainsi connu plusieurs sites avant de s’installer à son emplacement actuel. Dans les traditions orales, il est souvent fait référence à des sites d’installation antérieurs. Ainsi, le centre du Gobir se serait déplacé sur plusieurs siècles, depuis l’Aïr vers la région de Tibiri, puis aux environs de Sokoto à Alkalawa15. Le déplacement des lieux et des centres des pouvoirs politiques pose la question des raisons et du sens de ces mouvements. Pour le Gobir, c’est un ensemble d’éléments qui semblent déterminants : la descente des populations touarègues vers le sud, l’évolution des conditions climatiques, la volonté de contrôler les routes commerciales et les stratégies géopolitiques. Ces mouvements seraient donc, ici aussi, liés à une conjonction de phénomènes écologiques, économiques et politiques. La conservation des toponymes lors des déplacements des villes témoigne d’une relation à l’espace spécifique, comme si le nom n’était pas attaché à un lieu particulier mais à la relation d’un groupe avec un territoire qui perdure au-delà de la mobilité des implantations.
- 16 André Bourgeot, Les sociétés touarègues. Nomadismes, identité, résistances, Paris, Karthala, 1995, (...)
- 17 Notamment par William Miles, Hausaland Divided, op. cit., p. 63-64.
10L’évolution et les dynamiques du milieu naturel sont une constante dans la région. Le milieu instable et le caractère aléatoire des ressources naturelles font que l’écosystème pâturé est plus ou moins stable dans le temps et que les agriculteurs doivent faire face à l’appauvrissement des sols16. L’aspect fluide et évolutif des relations à l’espace dans la région a souvent été décrit17, mais il ne saurait être question cependant de prendre ce phénomène à la lettre et d’envisager une transformation des espaces et des formations politiques constante, dépourvue de logique et de but. La région, au xixe siècle est un espace mobile qui ne cesse de se transformer, mais cette fluidité n’est ni exclusivement naturelle ni spontanée. Un ensemble de facteurs complexes la déterminent, ainsi l’environnement et les enjeux politiques et sociaux font constamment évoluer les configurations spatiales, ainsi que les routes et les réseaux de circulation.
Pourquoi se déplace-t-on ?
11Les grands mouvements caravaniers ne sont pas les seules mobilités qui structurent la région, d’autres mobilités et d’autres réseaux sont à l’œuvre dont les causes, les objectifs et les méthodes de voyage doivent être démêlés. Les déplacements peuvent être grossièrement classés en quatre catégories : commerciaux, liés au mode de vie, politiques et religieux, et peuvent prendre trois formes, collective, de groupe ou individuelle.
- 18 Never was there a more picturesque caravan. Ladies on bullocks, children and women on donkeys, war (...)
- 19 « La mise en marche d’une tribu nomade avec ses femmes, ses enfants, et tout ce qu’elle possède, d (...)
12Un premier type de mobilité collective, d’ordre commercial, est constitué par les caravanes qui rythment régulièrement la vie des habitants de la région. Ces échanges sont transsahariens du nord au sud et d’est en ouest, et transrégionaux de Kano au Nupé ou vers l’Ashanti. Un deuxième type de mobilité collective liée au mode de vie regroupe les migrations temporaires de groupes de population. C’est le cas de la transhumance saisonnière (novembre-juin) des Kel Ewey dans les régions plus au sud pour faire paître les chameaux, à laquelle ont participé Barth et Richardson18, ou de la migration des Ouled Sliman vers l’est pour prendre part à la récolte des dattes dans le Borkou, qu’a suivie Nachtigal19. Ces mouvements sont réguliers et obéissent à un calendrier strict lié à la complémentarité des zones géographiques et des activités économiques.
- 20 « Enfin, dans les premiers jours de janvier, on reçut la nouvelle qu’Ali Rizâ Pacha se proposait d (...)
- 21 Djibo Hamani, L’Adar précolonial, Niamey (Études nigériennes, 38), 1975, p. 59.
- 22 Titre du chef des Kel Ewey.
- 23 « Tôt le matin, avant le jour, Hamma et ses compagnons quittèrent la maison, et montèrent sur leur (...)
- 24 El Hadj Ahmed ben Mohammed el-Fellati est un pèlerin dont le témoignage a été recueilli par des ag (...)
- 25 El-Fellati, dans Sydney Kanya-Forstner, Paul Lovejoy (éd.), Pilgrims…, op. cit., p. 37.
13Les ambassades forment un autre type de mobilité de groupe mais cette fois à caractère politique. Deux explorateurs ont participé à ce type de voyage : Lyon et Nachtigal. Le premier a accompagné Mohammed el Mukni, alors bey du Fezzan, dans sa tournée régionale. Nachtigal a, lui, effectué le voyage de Mourzouk à Kouka avec une ambassade officielle envoyée par Ali-Riza, pacha de Tripoli, auprès du sultan du Bornou20. Ces ambassades sont rares. Autant destinées à faire ses hommages à un pouvoir qu’à montrer à celui-ci l’ampleur de sa propre puissance, ce sont des troupes fastueuses, offrant de nombreux cadeaux. Elles sont souvent peu appréciées des souverains qui voient dans ces visites des manifestations de force sur leur propre territoire, mais aussi des autorités et populations locales qui sont obligées de fêter et d’honorer ces hôtes à la hauteur de leur importance. Le coût financier pour chaque partie et les risques de mécontentement réduisent ces mouvements. De petites ambassades sont aussi dépêchées pour porter aux puissants des gaizuwa (salutations en haoussa) qui sont souvent de véritables tributs, pour participer à l’élection d’un souverain, reconnaître celui-ci une fois élu, ou valider l’intronisation d’un chef21. Barth évoque ainsi le voyage de l’anastafidet22 à Agadez pour rendre visite au nouveau sultan23. El Hadj Ahmed ben Mohammed el-Fellati24, la visite annuelle des autorités de Kano, accompagnées des pèlerins de retour de La Mecque, à l’émir de Sokoto25. Dans tous les cas, il s’agit autant de montrer sa puissance que de reconnaître celle de celui que l’on visite, et les délégations sont toujours nombreuses et fastueuses.
14Les mobilités collectives d’ordre politique peuvent être aussi liées aux mouvements guerriers. Denham et Clapperton ont participé à plusieurs campagnes militaires. Des centaines de cavaliers, des milliers d’archers, suivis de femmes et d’esclaves, vivent et se nourrissent sur le pays. Au retour, les troupes sont renforcées par les vaincus réduits en esclavage et les animaux razziés.
- 26 John A. Jr Works, Pilgrims in a Strange Land. Hausa Communities in Chad, New York, Columbia Univer (...)
- 27 Umar Al-Naqar, The Pilgrimage Tradition in West Africa. An Historical Study with Special Reference (...)
- 28 À l’arrivée à Mourzouk : « Par respect pour les pèlerins qui retournent de La Mecque le sultan env (...)
- 29 « Notre caravane s’augmenta de la compagnie d’Abd El Kader, indigène de Taouat, qui était venu ave (...)
15Dernier type de mobilité de grande ampleur, le pèlerinage à La Mecque qui se réalise par les deux routes principales correspondant aux voies des caravanes commerciales : celle de l’Aïr et celle du Bornou. Avant le départ, les pèlerins sollicitent des lettres de recommandation auprès des souverains locaux26, se réunissent dans des villes importantes et attendent d’être suffisamment nombreux pour entamer leur voyage. Lorsque l’une de ces caravanes se prépare, la nouvelle se diffuse rapidement et les candidats affluent pour la rejoindre. Des traditions orales font état de groupes de 300 pèlerins au départ de Kano27. Ces caravanes sont souvent rejointes par des commerçants pour la traversée du désert, qui bénéficient ainsi de la protection qu’offre leur objectif religieux et du fait qu’elles sont particulièrement bien traitées par les autorités politiques28 et ne sont pas soumises aux taxes et aux impôts. Pour les voyageurs isolés, elles sont un refuge idéal. Hornemann intègre l’une d’elles, entre le Caire et le Fezzan, et Barth évoque de simples voyageurs participant à des caravanes de pèlerins29.
- 30 « La tribu des Ihadanaren est en ce moment dans l’Aïr ; elle a émigré en masse par crainte des Hog (...)
- 31 8 août 1826 à Kano : Kano is more filled with houses in the walls than when I was here formerly pa (...)
- 32 Jean-Pierre Olivier de Sardan, Les sociétés songhay-zarma (Niger-Mali). Chefs, guerriers, esclaves (...)
- 33 Dorugu : Some times after the death of my sister, I heard news of war approaching our town. We lef (...)
- 34 Erwin de Bary, Le dernier rapport…, op. cit., p. 162-164.
- 35 Tradition orale sur la fondation du village de Maani : « Il dressa ses huttes dans des buissons et (...)
- 36 Heinrich Barth, Travels and Discoveries…, op. cit., tome 3, p. 554.
16Ce sont parfois des questions de sécurité qui obligent les populations à se déplacer en troupes importantes. Plusieurs explorateurs évoquent ainsi des migrations collectives conjoncturelles liées à des guerres ou à des conflits. Erwin de Bary rapporte que la tribu Ihadanaren s’est réfugiée dans l’Aïr par crainte des Kel Ahaggar30, Clapperton, combien la ville de Kano est plus peuplée lors de sa deuxième visite, à cause de tous ceux qui s’y réfugient en fuyant leur pays31. Dans les régions ouest, ce sont des villages entiers de dépendants qui migrent à la recherche d’une situation plus clémente32. La peur des razzias, l’approche d’une armée ennemie ou tout simplement d’une troupe d’hommes armés non identifiée peuvent être des causes de fuite collective pour les villageois. Dans son autobiographie recueillie lors de son voyage en Europe, Dorugu, le compagnon de Barth, raconte ces fuites collectives auxquelles il a participé enfant33. Erwin de Bary, alors qu’il est dans l’Aïr, fuit avec l’ensemble de la communauté villageoise et ses troupeaux dans les montagnes à l’annonce de l’approche d’un rezzou des Kel Fadei et des Kel Gress34. Il est peu courant que les voyageurs participent à ce type de fuite, mais souvent les villageois leur montrent les zones dans lesquelles ils se rendent en cas d’attaque. Les villages s’installent d’ailleurs la plupart du temps en bordure des forêts ou près de rochers qui leur fournissent des refuges35. La situation oblige parfois les villageois à se regrouper, y compris pour des activités quotidiennes et banales. Barth, alors dans la région d’Argoungou, observe comment, face à l’augmentation des dangers, les femmes et les vieux du village se réunissent deux fois par semaine pour aller chercher le bois ensemble36.
- 37 Zakari Maikorema, Contribution…, op. cit., p. 5.
- 38 André Bourgeot, Les sociétés touarègues…, op. cit., p. 145.
- 39 Diouldé Laya, « Migration et intégration », art. cité, p. 85.
17Ainsi, les mouvements de population sont dus autant à des phénomènes climatiques que politiques. Le souci d’assurer une base vivrière est la plupart du temps accompagné de la quête d’une sécurité plus grande. Cette combinaison des phénomènes écologiques et politiques se retrouve aussi bien dans l’Est37 que dans le Nord38 ou dans l’Ouest du Soudan central où les communautés villageoises folmongaani se déplacent autant en raison de l’appauvrissement des sols que de la volonté de quitter un territoire qui se situe dans une zone de razzia39.
- 40 Heinrich Barth, Travels and Discoveries…, op. cit., tome 1, p. 396.
- 41 Ibid., p. 580.
- 42 Stephen Baier, An Economic History of Central Niger, op. cit., p. 14-26.
18Les voyageurs se déplacent souvent dans le cadre de groupes plus restreints, en général sur des distances plus courtes. Pour se déplacer d’une ville à l’autre, les voyageurs se réunissent afin de partager les frais de voyage et les risques. Les explorateurs européens se joignent souvent à ces groupes, préférant l’organisation plus rapide et la gestion plus simple de ces petites troupes aux caravanes à l’infrastructure et à la logistique lourdes. Les échanges commerciaux de longue distance sont parfois effectués par ces petites troupes. Barth mentionne quelques marchands toubous qui, après avoir participé à une caravane de sel, se rendent avec seulement trois chameaux à Kano40. On ne se déplace pas en groupe seulement pour vendre quelque chose ou voyager, certaines mobilités de ce type sont liées aux activités agricoles ou pastorales. Barth croise par exemple quelques bergers peuls promenant leurs troupeaux41. De même, chaque année les cultivateurs se déplacent vers les villages de culture pendant la saison des pluies42.
- 43 Singulier mallam, mot haoussa d’origine arabe signifiant enseignant, lettré.
- 44 Dorugu, dans Anthony Kirk-Greene, Paul Newman, West African…, op. cit., p. 34.
- 45 Heinrich Barth, Travels and Discoveries…, op. cit., tome 1, p. 551.
19Les mobilités individuelles sur de grandes distances sont rares et dangereuses dans certaines zones, en revanche, elles sont banales et quotidiennes dans celles où la sécurité est assurée et sur de petites distances, notamment d’un village à l’autre. À l’intérieur du sultanat de Sokoto, dans les régions contrôlées, les sujets ordinaires se déplacent d’un émirat à l’autre, les étudiants et les mallamai43 aussi, les premiers pour recevoir un enseignement, les seconds pour enseigner. Mais la situation troublée durant la plus grande partie du xixe siècle réduit et restreint les déplacements de voyageurs isolés dans de nombreuses régions et sur de longues distances. Il faut s’imaginer ce que représente pour un individu le fait de se déplacer hors de sa région, et même hors de son village, notamment le risque d’être capturé sur la route, ou de voir sa famille ou ses biens razziés pendant son absence. C’est ce qui est arrivé à la mère de Dorugu qui a été enlevée et réduite en esclavage pendant que son mari était parti travailler dans un village de culture44. Barth, dans la zone frontière entre les territoires de Sokoto et de Bornou, ne réussit pas à trouver un guide car les habitants de la région ont peur d’être capturés sur le chemin du retour45.
- 47 Clapperton, dans Jamie Bruce Lockhart (éd.), Clapperton in Borno. Journal of the Travels in Borno (...)
20Un autre exemple permet d’illustrer le danger que représente le voyage pour des individus isolés. Lors de son voyage à Sokoto, Clapperton participe à une caravane de marchands arabes et bornouans. Ils traversent une région à la limite des territoires de Sokoto et du Bornou, troublée par les attaques d’une population rebelle, les Bedee. Soudain, Clapperton puis les membres de la caravane aperçoivent deux hommes seuls. Ceux-ci sont attrapés par les caravaniers, battus et sommés de prouver qu’ils ne sont pas des espions venus en repérage dans le but de razzier la caravane. Ce n’est que sur les instances de Clapperton qu’ils ne sont pas tués sur-le-champ mais amenés jusqu’à la ville suivante afin d’être identifiés, on y apprend alors qu’ils ne sont que de simples voyageurs isolés47. Cet exemple montre à la fois le danger de voyager seul, la difficulté de prouver son identité en dehors des limites de sa région et le fait qu’un voyageur isolé dans une région instable est forcément suspect.
21Le cas des pèlerins est particulier. Le pèlerinage est la plupart du temps une entreprise individuelle mais, pour mener à bien leur voyage, les pèlerins solitaires rejoignent souvent des caravanes, ou des troupes de voyageurs afin d’assurer leur sécurité. La description du premier pèlerinage de Mohammed el-Fellati, tel qu’il en a fait le récit au commandant Rebillet à Tunis en 1892, montre comment les pèlerins voyagent de caravane en groupe de voyageurs afin de ne jamais être seuls. En 1881, à 23 ans, quittant Kano :
- 48 El-Fellati, dans Sydney Kanya-Forstner, Paul Lovejoy (éd.), Pilgrims…, op. cit., p. 37.
« Il se mit en route avec une caravane de Touaregs Kel Ouï qui était venue à Kano au marché, et qui retournait dans son pays. Il passa par le Damerghou, Aghadès, l’Aïr, Rhat, où il s’arrêta seize jours. Il s’achemina de là sur Rhadamès avec une caravane de gens de cette localité48. »
22La richesse et la diversité de la mobilité dans cette région ne peuvent évidemment être rendues par ce court panorama, notamment la complexité des différentes formes de mobilité pastorale, agricole et commerciale. Néanmoins, ces récits font apparaître une région marquée par une mobilité humaine à différentes échelles, dans le temps et dans l’espace. Les voyageurs, les marchands, les pèlerins, les pasteurs, les paysans, les enseignants et les étudiants parcourent régulièrement de petites distances ou des milliers de kilomètres, quittent leurs lieux de résidence, parfois pendant plusieurs mois voire des années, dans d’immenses caravanes ou dans de petites troupes, plus rarement seuls. Ces circulations sont parfois souhaitées, parfois contraintes, mais, surtout, elles ne sont pas anodines. Elles obéissent à un ensemble de règles et de conventions sociales.
Les règles du savoir-voyager
23Voyager dans cette région n’est réalisable que si l’on se soumet à un certain nombre de devoirs et d’obligations dont le respect permet de garantir sa sécurité, ou tout du moins de limiter les dangers. Ces règles diffèrent selon l’importance de la formation de voyage et de la position sociale du voyageur. L’ampleur d’une caravane, la richesse des marchandises transportées, le faste du déplacement déterminent les demandes auxquelles celle-ci est soumise. Les troupes plus restreintes, les simples voyageurs sans bagages sont moins sollicités. Ces règles s’appliquent à tous en fonction de la position sociale et du degré d’altérité, contrairement à ce qu’ont parfois cru comprendre les Européens, qui voyaient dans ces demandes la marque d’une forme de xénophobie à leur encontre.
- 49 Annexe II - Calendrier des déplacements et des activités au xixe siècle, p. 437-439.
24La première de ces contraintes est le respect du temps. Les déplacements au Soudan central se font selon un agenda précis49. La fréquentation des lieux est étroitement liée aux saisons qui voient se succéder différentes configurations des écosystèmes. L’année est organisée en fonction de la complémentarité des calendriers agricoles et pastoraux, décalés dans le temps et dans l’espace. Les activités agricoles se déroulent sur trois mois, le reste de l’année étant consacré aux échanges, comme le décrit Mohammed el-Fellati :
- 50 El-Fellati, dans Sydney Kanya-Forstner, Paul Lovejoy (éd.), Pilgrims…, op. cit., p. 43.
« Aux premiers jours de décembre, les récoltes sont faites et rentrées, les travaux des champs sont finis jusqu’à l’année suivante, le sol est suffisamment ressuyé et couvert de pâturages. C’est le temps des voyages pour le commerce. Les caravanes se mettent aussitôt en route dans toutes les directions. Plusieurs se hâtent, car il leur faut être de retour avant la saison des pluies, tant pour échapper aux intempéries que pour vaquer aux prochains travaux des champs50. »
- 51 I had hoped to get off on the 6th ; but nothing was heard from the governor, and it would have bee (...)
- 52 Erwin de Bary, Le dernier rapport…, op. cit., p. 20.
- 53 Dans l’Enneri Kogou, chez Dirkoui, le plus âgé des Maïna : « Quelques instants après, survinrent e (...)
- 54 Sur Ikhenoukhen et Duveyrier : Dominique Casajus, Henri Duveyrier…, op. cit., p. 75-89.
25Les déplacements ne s’improvisent pas, avant le départ, un certain nombre de conditions doivent être remplies. Préparer un voyage, c’est d’abord se renseigner sur la situation des pays que l’on souhaite visiter et obtenir de l’autorité politique le droit de s’y rendre. Si l’on est étranger, le souverain ou l’autorité de la ville de départ doivent donner leur autorisation au voyageur de continuer son trajet51. Si l’on est autochtone, c’est auprès de l’autorité politique que l’on reconnaît, qu’il faut obtenir cette autorisation. Certaines régions sont interdites ou vivement déconseillées, parce qu’elles sont des zones de conflits, dépendent de puissances ennemies ou ont été le théâtre d’attaques. Bello refuse ainsi à Clapperton l’accès à la région du Nyffé (Nupé) puis, lors de son second voyage, à celle du Bornou. De son côté, Erwin de Bary ne peut se rendre dans l’Ahaggar, but premier de son voyage52, et Nachtigal est, lui, empêché de continuer vers l’est53. Pratiquement tous ont dû modifier leurs objectifs en fonction de contraintes géopolitiques. Les explorateurs voient la plupart du temps dans le refus qui leur est opposé l’effet d’une méfiance ou d’une attitude particulière liée à leur qualité d’Européen, mais en réalité ces restrictions s’appliquent à tous, lorsqu’il s’agit de se rendre dans des zones dangereuses. Ainsi, Duveyrier, alors à Ghadamès, observe un groupe qui attend l’autorisation du chef de l’aménokal des Kel Ajjer (ou Azdjer, ou Azgar) Ikhenoukhen54 :
- 55 Henri Duveyrier, Journal de route, op. cit., p. 185.
« Il y a ici des Sakomaren, imrad des Hoggar et des Oulad Ba Hammou, ainsi que des gens d’In Salah, mais en petit nombre. Tous ces gens craignent de se mettre en route avant d’avoir été autorisés par Ikhanoukhen, sans cela ils pourraient bien être attrapés en route et dévalisés55. »
- 56 Major Denham, capitaine Clapperton, feu le docteur Oudney, Voyages et découvertes…, op. cit., tome (...)
26En donnant son aval à un déplacement, l’autorité politique s’engage à garantir la sécurité du voyageur et, si elle n’est pas sûre de pouvoir le faire, elle préférera restreindre la possibilité de se rendre en un lieu, en fermant une route ou en refusant son autorisation. C’est l’argument qu’utilise el Kanemi pour défendre à Denham de continuer vers l’est : « Je dois refuser ce que tu me demandes, car je ne sais pas comment pourvoir efficacement à ta sûreté56. » L’autorisation peut être verbale ou écrite et peut prendre plusieurs formes, par exemple une lettre de recommandation.
- 57 Comme on le voit chez von Beurmann : « J’ai pris des renseignements sur l’état des autres routes. (...)
- 58 Jeanne Françoise Vincent, « Sur les traces du major Denham : le Nord-Cameroun il y a cent cinquant (...)
27Préparer son voyage, c’est aussi choisir une route, en tenant compte des conditions climatiques et des contraintes géopolitiques57. La situation sécuritaire oblige parfois les voyageurs à réaliser d’importants détours. Alors qu’elle étudie le voyage de Denham dans le Mandara, l’anthropologue Jeanne Françoise Vincent s’étonne de l’aspect sinueux de la route qu’il a suivie. Elle pose alors la question à des notables qui lui répondent sans hésitation : « On ne passait pas par le pays Mouyan dans le temps ! Les Kirdis – Mada, Zulgwo, etc. – étaient proches. Or, dès qu’ils voyaient des musulmans, sans attendre ils les attaquaient ! Aussi les Mandara ne passaient pas par là. Ils redoutaient cet itinéraire trop dangereux58 ! » Les explorateurs sont souvent déstabilisés par les itinéraires empruntés, les jugeant absurdes, ils en critiquent les détours et les longueurs, sans réaliser que le choix de la route obéit à d’autres impératifs que de se rendre le plus rapidement possible d’un lieu à un autre. De même, les explorateurs ont souvent du mal à comprendre pourquoi leurs guides se lancent dans de longues conversations entre eux ou avec les autochtones avant de décider de la route à emprunter. Durant son voyage de retour, Denham s’agace à Bir Kashiferi de ces longs colloques sur la route à suivre :
- 59 Major Denham, capitaine Clapperton, feu le docteur Oudney, Voyages et découvertes…, op. cit., tome (...)
« Après minuit, on continua la traversée du désert. Les avis étaient partagés sur la route qu’il fallait tenir ; nous l’aurions certainement mieux trouvée que tous ces Africains, en nous dirigeant d’après les relèvements que nous avions pris ; mais nous n’étions pas encore aussi hardis dans le désert qu’au milieu du pays habité59. »
28Trois ans de séjour africain n’auront pas suffi à lui faire comprendre que la route n’est pas uniquement affaire de direction. Bien d’autres enjeux peuvent déterminer la voie à suivre : la saison durant laquelle se déroule le voyage, la quantité des précipitations qui détermine l’état des puits, la situation politique, les marchandises transportées, l’identité des voyageurs. Les lieux, les routes évoluent, en fonction d’enjeux politiques, économiques et environnementaux, constituant un espace mobile qui ne peut être appréhendé de façon définitive ou décrit de façon figée.
29De la même manière, le choix de la taille de la formation de voyage n’est pas uniquement fonction des préférences du voyageur et dépend aussi des conditions politiques, sécuritaires et climatiques. Ainsi, la traversée du désert ne se fait qu’en caravane et les trajets sur de longues distances à travers différents espaces politiques le plus souvent en troupes nombreuses. Alors qu’il cherche à se rendre au Tibesti, de retour de son excursion à Tragen, Rohlfs évoque ces contraintes :
- 60 Gerhard Rohlfs, Voyages et exploration…, op. cit., tome 2, p. 164.
« J’avais encore l’espoir de pourvoir aller au Tibesti, bien que la perspective de pénétrer au Ouadaï par le Borkou s’amenuisât de jour en jour. Un prince tebou, du nom de Maïna Adem, le frère du souverain actuel du Kaouar, se trouvait précisément à Mourzouk et me demanda de joindre sa caravane à la mienne jusqu’au Kaouar. Sa personne me fit bonne impression et comme, à cette époque, on ne pouvait aller à Bilma qu’avec une caravane assez importante, sa proposition fut pour moi la bienvenue60. »
- 61 Comme le signal Clapperton dans son journal le 26 mai 1822, alors que l’expédition est bloquée à M (...)
30Si Rohlfs s’y plie dans ce cas, les Européens ont souvent cherché à éviter ces contraintes. Notamment parce que voyager dans une caravane, c’est perdre la maîtrise du temps. L’organisation en est longue et il arrive qu’une fois celle-ci prête, les conditions de déplacement ne soient plus remplies. La formation doit alors attendre, parfois pendant des mois, qu’il soit de nouveau possible de commencer son trajet61. Chaque membre de la caravane accepte, en effet, en y participant, d’en respecter l’agenda, de se soumettre à son calendrier et à ses lenteurs.
- 62 « La caravane partie peu de jours avant nous avec le Ghadamsi est encore ici ; elle attend son gui (...)
- 63 Mot haoussa signifiant leader d’une caravane, chef de caravane.
- 64 Djibo Hamani, L’Adar précolonial, op. cit., p. 219 ; Camille Lefebvre, « Ce que l’itinéraire… », a (...)
31Enfin on ne peut se déplacer que si l’on a pu recruter un guide. Voyager implique la maîtrise de la géopolitique pour éviter les zones dangereuses, mais aussi la maîtrise des routes et des ressources en eau et en nourriture. Les compétences que représentent l’ensemble de ces connaissances correspondent à un savoir-faire spécifique, qui rend indispensable l’emploi d’un guide. Tant que celui-ci n’est pas disponible, les voyageurs ne peuvent partir62. Dans le monde professionnalisé du commerce de longue distance, plus qu’un simple guide, c’est un madugu63 que l’on recrute. Cet homme qui dirige la caravane est une personnalité importante, un homme riche qui a des relations auprès des pouvoirs politiques locaux, qui maîtrise la route et auquel on attribue souvent des pouvoirs magiques. C’est lui qui a la charge de s’entremettre avec les autorités locales et de négocier le passage. De son habileté à négocier dépend le succès du voyage. L’ensemble de la caravane s’engage à lui obéir, à le suivre, et lui, de son côté, à amener la caravane à bon port et à garantir sa sécurité. Il reçoit pour cela une part des marchandises transportées64.
- 65 Mot arabe désignant la première sourate du Coran. Le premier verset de cette sourate est utilisé e (...)
32Une fois toutes ces conditions remplies, le voyage peut commencer. Le départ est un moment solennel : le souverain, les autorités politiques, les familles et amis des voyageurs, ainsi que les populations alentour accompagnent la troupe à la sortie de la ville, où une fatiha65 est récitée. Plus la caravane ou le voyageur sont importants, plus la cérémonie et le cortège sont de taille.
- 66 El-Fellati, dans Sidney Kanya-Forstner, Paul Lovejoy (éd.), Pilgrims…, op. cit., p. 91.
33Le déroulement du voyage s’organise en journées de marche. Partant à l’aube, la caravane parvient à son point d’arrivée aux heures chaudes de la journée, après en moyenne une quarantaine de kilomètres. Les déplacements se font principalement à pied et à chameau en zone saharienne, sur des chevaux, et avec des ânes ou des bœufs porteurs en zone sahélienne66.
- 67 Comme le décrit Clapperton, Edward Bovill (éd.), Mission to the Niger, IV, op. cit., p. 638.
- 68 El Hadj Mohammed Boubekeur est un des pèlerins interrogés par les agents français en Tunisie. Il l (...)
- 69 Boubekeur, dans Sidney Kanya-Forstner, Paul Lovejoy (éd.), Pilgrims…, op. cit., p. 162.
- 70 Even after we had crossed we were not allowed to continue our journey to the capital before the me (...)
34Avant d’entrer dans un nouveau territoire, ou dans un autre espace politique, la caravane envoie un messager pour prévenir de son arrivée67. El Hadj Mohammed Boubekeur68, dans le récit qu’il fait de son pèlerinage, insiste sur le fait qu’il « avait pour règle de conduite, en arrivant à chaque gîte d’étape, d’envoyer une sorte de fourrier au suivant pour annoncer sa venue69 ». La caravane s’arrête alors dans une ville à la sortie du territoire précédent et attend l’autorisation d’entrer70. Un messager est envoyé avec une lettre et souvent les lettres de recommandation déjà obtenues afin de montrer que le déplacement a été autorisé jusqu’ici, comme le raconte Hornemann, aux frontières du Fezzan :
- 71 Friedrich Hornemann, Voyage…, op. cit., p. 140.
« Nous nous reposâmes le reste du jour dans cet endroit, à quatre heure de distance de notre dernier camp, et notre chef dépêcha un messager à Mourzouk, pour donner avis de l’arrivée de la caravane sur les frontières du royaume, et pour porter une lettre de respect au sultan, de la part de chaque marchand individuellement. Le seizième jour (à dater de notre départ d’Augila) nous retrouvâmes la société des hommes ; une marche de neuf heures nous amena à Temissa, ville située sur le territoire du Fezzan71. »
- 72 Le 25 avril : « Nous aperçûmes à 5 h, depuis une hauteur, l’oasis du Kaouar qui s’étendait devant (...)
- 73 « Bilma où nous sommes arrêtés aujourd’hui est la capitale des Tibbous et la résidence de leur sul (...)
- 74 Guy Nicolas, Don rituel et échange marchand dans une société sahélienne, Paris, Institut d’ethnolo (...)
35Une fois l’autorisation d’entrer acquise, la caravane ou la troupe de voyageurs poursuit sa route. Aux abords de la ville où résident les détenteurs d’un pouvoir, les voyageurs s’arrêtent de nouveau, un peu en amont, et n’entrent dans la ville qu’au matin. L’ensemble de la troupe revêt ses plus beaux vêtements72 et, au lever du jour, se dirige vers la ville de manière cérémonieuse, tandis que les habitants et les autorités sortent pour l’accueillir73. À l’arrivée dans la ville, un logement est attribué aux voyageurs. Les caravanes, elles, s’installent à l’extérieur, dans un lieu qui leur a été assigné. Les étrangers sont ensuite invités à rendre visite aux autorités politiques et à offrir leurs cadeaux74 ; le soir, des mets de bienvenue leur sont envoyés.
- 75 Henri Duveyrier, Journal de route, op. cit., p. 149.
36Les déplacements en caravane donnent lieu à un ensemble de formes de sociabilité qui peuvent être définies comme une politesse du voyage. Cheikh Othman a résumé ainsi à Duveyrier les quatre règles du savoir-voyager : « La première, avoir beaucoup de patience ; la seconde, être libéral en présents ; la troisième, ne pas intervenir au désert dans les conseils des guides ; la quatrième, emporter beaucoup d’eau75. » Ces conseils résument les situations observées. Être patient, c’est attendre le bon moment, celui où la situation géopolitique permet le déplacement, où les autorités acceptent de le garantir, et c’est respecter le temps nécessaire à l’organisation d’un voyage. Être libéral en présents, c’est avant tout reconnaître dans son pouvoir chaque autorité politique et acheter ainsi sa sécurité. Ne pas intervenir dans les conseils des guides, c’est reconnaître leur savoir-faire et leur expérience. Emporter beaucoup d’eau, c’est tenir compte des conditions climatiques et environnementales.
37Cette description du déroulement type d’un voyage est évidemment indicative, chaque déplacement, chaque séjour est singulier. Néanmoins les étapes décrites sont récurrentes dans les sources, donnant à voir un espace organisé à l’intérieur duquel on ne se déplace qu’en se soumettant à des obligations d’ordre politique et économique. Le Soudan central n’est pas un espace uniforme pour ceux qui y circulent. C’est un espace structuré par un réseau de villes, d’autorités politiques, de routes, de frontières, qu’il faut connaître et reconnaître pour poursuivre son chemin, de lieux où l’on est obligé d’aller et de lieux que l’on se doit d’éviter.
CONTRÔLE ET CONTRAINTES DE LA MOBILITÉ ET DE L’ESPACE
38Rechercher les formes de normes et de contrôle qui organisent l’espace et la mobilité, ce n’est pas investir les mondes africains d’une vision policière ou autoritaire, ou projeter sur eux des organisations spatiales contemporaines et européennes, c’est penser les contraintes qui régissent les relations des hommes à l’espace dans un environnement où les ressources sont limitées et inégalement réparties spatialement, et où les contraintes naturelles sont fortes. Une des fonctions des autorités politiques est d’encadrer le rapport au territoire. Ce contrôle peut prendre différentes formes, se limiter à certains moments, à certains lieux ou à certaines personnes ou certains groupes sociaux, se caractériser par de la coercition ou du laisser-faire, se réaliser dans un cadre fixe ou flexible, il n’est ni permanent ni effectif en tout lieu et n’est pas exclusivement le fait de pouvoirs politiques, une part importante étant laissée au contrôle social et faisant parfois l’objet de transgressions et de stratégies d’évitement.
Un pouvoir qui se déploie dans l’espace
- 76 Bien qu’il n’y ait pas d’appropriation privative du sol et que la notion de possession individuell (...)
39La liberté de circuler ne s’impose pas de manière naturelle, elle obéit à des conditions, est régie par des principes et dépend de la position sociale et de l’identité de chaque individu. Les sociétés du Soudan central sont fondées sur des hiérarchies sociales fortes. La mobilité individuelle, la possibilité de se déplacer, l’appropriation d’un espace sont déterminées par le statut de chacun au sein de ces hiérarchies. Les élites dynastiques, guerrières ou religieuses exercent un contrôle sur les hommes qui se matérialise par un contrôle de la mobilité, de l’accès aux ressources (terre, eaux, bétails) et des attributions de terre ou d’exploitation de pâturages76. Il s’agit, ici, de retrouver les différentes procédures utilisées par les autorités politiques, de la communauté villageoise au sultanat, pour encadrer les déplacements, l’entrée dans les villes, l’acceptation d’étrangers sur leur sol. La mobilité et l’accessibilité de l’espace sont, en effet, soumises à des procédures de contrôle qu’il convient de définir en interrogeant les logiques qui les structurent, les agents qui les mettent en œuvre, leurs instruments, l’identité de ceux qui contrôlent et de ceux qui sont contrôlés.
- 77 Benedetta Rossi, Ader : Governing the Desert Edge, op. cit., introduction.
40Les pouvoirs politiques ont pour double objectif de garantir la liberté de circuler et d’en tirer un profit économique. Dans la région, ce qui compte, ce n’est pas la possession d’une vaste étendue de territoire. Le pouvoir se mesure à la capacité de contrôler l’accès et la disponibilité des ressources pour ses alliés et ses dépendants, de mobiliser ses partisans pour des objectifs économiques ou militaires, et enfin d’entraver la mobilité de ses ennemis77. Les autorités politiques sont ainsi partie prenante des circulations sur leur territoire, elles autorisent les mouvements ou les interdisent et perçoivent pour cela des dons afin d’octroyer leur protection.
- 78 Abdullahi Mahadi, « The Military and Economic Nerve of the Sokoto Caliphate : An Examination of th (...)
- 79 I was rather astonished to hear that the Asbenawa do not pay passage money to the governor accordi (...)
41La correspondance diplomatique montre combien la sécurité des routes est une préoccupation constante pour les pouvoirs politiques de la région. Au xixe siècle, celle de Sokoto est traversée par les questions du contrôle, de la sécurité et de l’ouverture des routes commerciales, ainsi Mohammed Bello engage régulièrement ses agents à faciliter le commerce78. Si les pouvoirs politiques souhaitent garantir les circulations, c’est aussi parce que celles-ci sont une source de revenus directs, à travers les droits de passage, les taxes et les douanes. On peut différencier les impôts de protection, par lesquels un pouvoir, en recevant le don d’un étranger ou d’un marchand, lui offre la sécurité, et les taxes qui portent dans la plupart des cas sur les marchandises, les charges de chameaux, les animaux et plus rarement sur le passage des hommes79.
- 80 J. Björkman, « Maks », Encyclopédie de l’Islam, Paris, Maisonneuve et Larose, 1960, p. 178.
- 81 One of the way of their government is to impose tax on merchants, and other travelers, dans Mervyn(...)
- 82 C’est le cas de Barth qui observe à Kano qu’une taxe de 500 cauris est prélevée sur les chevaux, l (...)
42La juridiction islamique considère comme licite la perception de droits sur les échanges commerciaux dans le cas où le pouvoir assure la sécurité des routes et ne s’y oppose qu’en cas d’abus80. Néanmoins, ces taxes ne sont pas toujours consensuelles. Pour les jihadistes, la critique des abus des pouvoirs politiques de la région sur la question des taxes est un des arguments de mobilisation du jihad. Ousman dan Folio, dans son Kitab al-farq dans lequel il compare les méthodes des bons gouvernements et des mauvais souverains, dénonce ceux qui taxent les marchands et les voyageurs81. Mais ces taxes ne disparaissent pas avec le jihad et la mise en place du sultanat de Sokoto, comme le prouvent les nombreuses taxes mentionnées par les explorateurs et leurs compagnons, y compris dans les territoires dépendant directement de Sokoto et de Gando (Gwandu)82.
- 83 21 juillet 1854 : We proceeded on our march, not now digressing to the right and left, but followi (...)
- 84 « Chose curieuse, un Ghadamésien qui va au Soudan, par Ghât, n’a point de taxe à payer ; mais il d (...)
- 85 3 février 1853 : The petty chief of Gazawa and his people had been much afraid, after they had rec (...)
43Ces taxes se négocient soit à l’entrée, soit au cours du séjour. Barth, lors de la première étape de son voyage retour de entre Gao et Wurno, est ainsi arrêté par une troupe d’hommes armés, qui lui demandent des comptes, le prenant pour un marchand de Ghadamès qui tenterait de traverser le territoire sans offrir de cadeaux. Ce n’est qu’en apprenant sa véritable identité, il est un simple voyageur, ni marchand ni originaire de Ghât, qu’on le laisse repartir83. Cet exemple montre que tous n’y sont pas soumis de la même manière. Les taxes concernent majoritairement les étrangers et particulièrement les marchands. Parmi ceux-ci, il existe aussi des distinctions, des accords de gré à gré concernent certains groupes sociaux, certaines familles ou certains groupes84. Pour les pouvoirs politiques, le fait qu’un voyageur cherche à se soustraire au paiement de ces droits s’apparente à un affront. Le chef de la ville de Gazawa raconte ainsi à Barth avoir craint qu’il ne cherche à éviter sa ville afin de se dérober au paiement et avoir déjà envoyé plusieurs cavaliers à sa poursuite85.
- 86 Le 3 décembre 1852 : The following day we crossed the river ourselves. I had some difficulty in co (...)
- 87 We have had sad work about water Mina Taher wanting his fees– or as much as he can get from the Ar (...)
44La traversée d’un fleuve ou d’un cours d’eau peut aussi donner lieu à la perception d’un droit86. Dans les régions désertiques, c’est souvent l’accès et l’usage des puits qui sont taxés, comme l’ont observé Clapperton au puits de Bir Kashiferi87 et Rohlfs aux abords de Yat :
- 88 Maïna Adem est le frère du souverain du Kaouar de l’époque.
- 89 Gerhard Rohlfs, Voyages et exploration…, op. cit., tome 2, p. 208.
« L’eau, particulièrement bonne, est à la faible profondeur de 1,20 à 1,50 m. Le puits appartient aux Tebous-Rchade, qui en font payer l’accès aux petites caravanes peu armées à raison de 2 réals fezzanais = 1 thaler par chameau. Ils ne pouvaient évidemment pas exiger le péage de Maïna Adem88 et, comme je voyageais avec lui, ils durent se résoudre à autoriser ma caravane à l’utiliser gratuitement89. »
45Plus qu’un simple droit d’usage, ces taxes et droits de passage dépendent avant tout du rapport de force entre ceux qui cherchent à l’imposer et ceux qui y sont soumis. Une troupe nombreuse fortement armée pourra chercher à éviter de payer, mais elle y perdra ses droits de protection.
- 90 Lorsque Erwin de Bary essaye de convaincre son interlocuteur de le mener à Agadez, celui-ci lui ré (...)
- 91 Anne Haour, « Power and Permanence… », art. cité, p. 555.
46Le contrôle et la taxation sont facilités par le fait que les routes et les étapes sont balisées. Les étrangers, s’ils veulent voyager sans risque, sont obligés de prévenir de leur arrivée, de se faire connaître et d’utiliser des routes connues afin que leur séjour soit considéré comme régulier. Ils sont donc identifiés dès avant leur arrivée et, s’ils ne le font pas, risquent de se voir refuser l’accès à la ville90. Chaque ville importante est entourée d’une enceinte possédant un système de portes, souvent gardée par un représentant du pouvoir. Pour le voyageur, l’entrée dans une ville, le franchissement de la porte obéissent à un rite par lequel s’opère l’identification. Pour les pouvoirs politiques, les enceintes sont des moyens de surveiller qui entre et sort de l’espace urbain, quelles marchandises circulent91. Pendant leur séjour, des espaces particuliers sont réservés aux gens de passage, que ce soit des terrains aux abords des villes ou des logements spécifiques à l’intérieur de celles-ci. Cette hospitalité est une forme de contrôle, loger les étrangers en des lieux spécifiques, c’est pouvoir les surveiller ; les nourrir, c’est les obliger à la reconnaissance.
- 92 Déformation du mot felatah signifiant peul en kanouri.
47L’accueil des étrangers est fonction de leur identité et des relations que leur pays d’origine entretient avec le pays d’accueil. Mohammed el-Fellati, qui est peul comme son nom l’indique92, décrit comment il a cherché à se soustraire à l’accueil réservé aux Peuls par les habitants d’Abuja :
- 93 Déformation du mot fulani signifiant peul en haoussa.
- 94 El-Fellati, dans Sidney Kanya-Forstner, Paul Lovejoy (éd.), Pilgrims…, op. cit., p. 39.
« Ils [les habitants de la région d’Abuja] vivent là dans un état qui n’est ni la paix ni la guerre avec leurs voisins foullanes93 qu’ils détestent. Néanmoins je ne fus pas mal reçu en raison de ma couleur très foncée et des marques que je porte sur mon visage, et grâce auxquelles il m’est facile de me faire passer pour simple Bornouan non foullane94. »
48L’enjeu est ici politique : c’est parce que Abuja résiste à la domination peule qu’el-Fellati doit cacher son identité. On remarque le rôle joué par l’autodéclaration dans les processus d’identification, mais aussi par d’autres éléments : la couleur de peau, les scarifications, les vêtements ou la langue. Des catégories qui peuvent être instrumentalisées et détournées. La falsification nous renseigne, ici, sur ce que les autorités cherchent à identifier : l’appartenance religieuse et politique. L’objectif du contrôle est financier et politique : identifier son interlocuteur, c’est savoir s’il est soumis ou non à une taxe, mais aussi savoir s’il est le ressortissant d’un État concurrent ou ennemi. Peut-être espion, il sera alors soumis à une hospitalité plus cérémonieuse et à un contrôle plus strict.
- 95 Major Denham, capitaine Clapperton, feu le docteur Oudney, Voyages et découvertes…, op. cit., tome (...)
- 96 Denham, dans Edward Bovill (éd.), Mission to the Niger, II, The Bornu Mission, 1822-1825, Part 1, (...)
- 97 El-Fellati, dans Sidney Kanya-Forstner, Paul Lovejoy (éd.), Pilgrims…, op. cit., p. 59.
49Le contrôle de l’espace repose essentiellement sur des enjeux de pouvoir. Retreindre l’accès à un lieu ou faire attendre quelqu’un avant d’autoriser son passage sont des manières d’affirmer son autorité. Les cérémonies qui entourent l’accès au territoire et au souverain pour les voyageurs européens, considérés comme des représentants d’un pouvoir politique lointain, sont de ce point de vue éclairantes. Denham, Clapperton et Oudney arrivent au Bornou en 1823. Ils sont accompagnés par une escorte de 200 hommes armés envoyés par le sultan de Tripoli. Juste après avoir traversé la frontière, ils sont accueillis, dans une clairière, par une troupe de près d’un millier de cavaliers en tenue de grand apparat rangés en ligne à perte de vue. Une fois l’escorte arabe des voyageurs arrivée, tous les cavaliers se mettent à pousser des cris perçants et la musique commence. Une partie de la troupe se détache, les entoure, les forçant à s’arrêter et à se tenir immobiles pendant que les cavaliers tournoient autour d’eux en leur criant bienvenue95. Cette mise en scène vise à affirmer la force et le pouvoir du Bornou et montre le rôle symbolique de la frontière et son importance pour les autorités politiques de la région. Une fois arrivée à Kouka, au moment de franchir les portes de la ville, une nouvelle mise en scène est à l’œuvre. Le pouvoir bornouan ne laisse entrer la troupe qu’au compte-gouttes, seulement une quinzaine de cavaliers sont admis dans la ville, puis on les fait attendre à plusieurs reprises en plein soleil, avant de les faire descendre de cheval et entrer à pied un par un dans le palais96. L’entrée dans la ville peut être tout simplement refusée. Ainsi, au moment d’une succession difficile à Adeija, Boukhari, un des prétendants, « vint à Katagoum avec une suite nombreuse et trouva les portes de la ville fermées. L’ouaziri lui fit dire de venir seul le trouver97 ». Dans un contexte de compétition pour le pouvoir, cette démonstration de force aux portes de la ville est apparue comme une provocation.
- 98 Atego the brother of Mohammed Bello– both by father and mother– attempted to usurp the government (...)
- 99 There is a large castle in the town in which lives the deposed Sultan– who is not allowed to come (...)
- 100 El-Fellati à propos de Boukhari qui s’est réfugié en territoire bornouan : « L’émir de Sokoto écri (...)
- 101 The (Sultan) ordered the governors of his towns to take captive all who travelled to the Shaikh, I (...)
- 102 Djebari, dans Sidney Kanya-Forstner, Paul Lovejoy (éd.), Pilgrims…, op. cit., p. 119.
- 103 Erwin de Bary, Le dernier rapport…, op. cit., p. 138.
- 104 Dans le récit de Denham, Edward Bovill (éd.), Mission to the Niger, III, The Bornu Mission 1822-18 (...)
- 105 « Les rapports de l’Aïr avec les Hoggar sont en ce moment très tendus, car lors du pillage de la c (...)
50En effet, si les pouvoirs politiques ont pour objectif de garantir la liberté de circuler, ils peuvent aussi interdire ou restreindre les circulations en cas de conflit ou de compétition avec un autre pouvoir. Certains souverains assignent à résidence leur concurrent98, d’autre bannissent les partisans d’un adversaire99 ou demandent l’extradition d’un opposant100. Face à la montée au début du xixe siècle de l’influence d’Ousman dan Fodio, dont les prêches attirent de plus en plus de partisans dans la région de Degel, le sultan du Gobir demande à ses gouverneurs de capturer tous ceux qui souhaiteraient le rejoindre101. La compétition entre Zinder et Kano à la fin du siècle pousse cette dernière à interdire toute communication avec Zinder102. De la même façon, alors qu’il est à Iférouane, Erwin de Bary entend dire que « si les Turcs exigent d’eux une redevance quelconque, les Touaregs répondront en coupant toutes les routes des caravanes103 ». Dans le désert, on peut effectivement facilement fermer une route ou l’accès à une région en comblant les puits. Lors de leur traversée du Sahara en 1822 entre Mourzouk et Kouka, les troupes de Bou Khaloum qui accompagnaient Denham, Clapperton et Oudney attaquent les Toubous près d’un puits que leur chef Mina Thar avait montré à Bou Khaloum en confidence lors de son précédent voyage. Furieux de cet affront, les Toubous décident alors de combler tous les puits et de bloquer la route jusqu’à ce qu’ils soient vengés104. Ils montrent ainsi que les circulations dans cette zone ne sont possibles que parce qu’ils les permettent. Erwin de Bary fait également le récit de menaces semblables des Kel Ewey dans des circonstances similaires105. L’interdiction de circuler peut ainsi être utilisée comme arme politique.
- 106 Heinrich Barth, Travels and Discoveries…, op. cit., tome 1, p. 580.
- 107 « En conséquence il fut ordonné par une proclamation et sous peine de mort à tous les Touaricks de (...)
- 108 André Salifou, Le Damagaram ou sultanat de Zinder au xixe siècle, Niamey (Études nigériennes, 27), (...)
- 109 L’institution de représentants de différents groupes d’étrangers à la cour se retrouve dans plusie (...)
- 110 Mohammed el-Fellati : « Le Bey de Zinder, dont on évite ainsi le pays et qu’on prive par conséquen (...)
51L’installation des étrangers est aussi soumise à des procédures d’autorisation. Un groupe social doit négocier l’autorisation de s’installer auprès du pouvoir politique106. Inversement, un souverain peut obliger une population entière à quitter son territoire, à l’exemple de Bello qui expulse les Kel Gress après la razzia de la ville d’Adia107. L’émigration et l’immigration font parfois l’objet de stratégies politiques, comme on peut l’observer à Zinder dans la seconde moitié du xixe siècle. Après avoir subi les razzias touarègues pendant plusieurs années, Tanimun, sultan du Damagaram de 1841 à 1843 et de 1851 à 1884, décide d’accorder l’hospitalité à tous les commerçants étrangers, y compris les Touaregs108. En encourageant leur installation sur son sol et en institutionnalisant leur présence par la mise en place d’un représentant touareg à sa cour109, il lie leurs intérêts, ce qui lui permet de garantir la sécurité des routes et d’encourager les circulations économiques. Cette politique réussit si bien que le sultan du Damagaram peut dans les années 1880 obliger les marchands Kel Ewey à ne passer que par son territoire110. La politique d’installation et la construction d’une communauté d’intérêts arrivent ici à leur aboutissement, les Kel Ewey ne peuvent éviter Zinder sans risquer de desservir leurs propres intérêts.
52Contrôler les circulations dans un espace, permettre ou interdire les déplacements dans un ensemble de lieux sont une des raisons d’être des pouvoirs politiques de cette région, ce qui a souvent pour corollaire le refus comme forme d’action politique.
Contrôles et transgressions
53Ces formes de contrôle donnent lieu à des transgressions, à des accommodements et à des actes de désobéissance. Des stratégies et des manœuvres sont mises en place par les populations, les individus ou les groupes sociaux, pour échapper aux contraintes qu’ils subissent. Parfois simplement parce que la pression est trop forte, mais aussi, dans certains cas, pour entrer en dissidence ou remettre en cause une domination politique.
- 111 « Quand il me fut permis de le quitter, et de rejoindre mes anciens camarades, je les trouvai dans (...)
- 112 Le lendemain à Agar : « Là, j’eus beaucoup de peine à trouver les provisions nécessaires aux gens (...)
- 113 Moïse Landeroin, « Notice historique du Tchad au Niger dont les renseignements ont été recueillis (...)
54Les marchands cherchent parfois à éviter les douanes et les taxes, en escamotant une partie de leurs marchandises à l’approche des frontières afin de diminuer ce qu’ils devront payer. Hornemann rapporte ainsi la déception des marchands qu’il accompagne, lorsqu’ils sont interceptés par les représentants du sultan du Fezzan en amont de la frontière avant d’avoir pu dissimuler leurs marchandises, mais certains d’entre eux avaient déjà pensé à en cacher une partie dans les bagages des pèlerins non soumis aux taxes111. Les populations se déplacent parfois temporairement pour échapper à l’impôt, ainsi à Agar, von Beurmann a des difficultés à se ravitailler car tous les habitants ont fui la région pour éviter de payer l’impôt qui vient d’augmenter112. Les Jaaktoos, population de pasteurs nomades originaires du Kanem, avaient, eux, mis en place une stratégie afin d’échapper au paiement des impôts demandé par le sultan du Damagaram. Sous le règne de Tanimun, ils s’étaient installés au nord du Manga, à la frontière du Damagaram et du Bornou. Ils pouvaient ainsi, quand les collecteurs d’impôts du sultan arrivaient aux abords de leurs campements, fuir au Bornou avec leurs troupeaux et ne rentrer qu’après le départ de ceux-ci113. Le sultan Saleeman entreprit une expédition pour mettre fin à cet état de fait et les obligea à se sédentariser. On voit bien qu’il ne s’agit pas ici uniquement d’échapper à l’impôt, mais aussi de s’affranchir d’un pouvoir politique dominant et de gagner son indépendance.
- 114 On retrouve ici le modèle décrit par Igor Kopytoff (dir.), The African Frontier. The Reproduction (...)
- 115 The Shaikh [Ousman dan Fodio] sent word to him (saying) “I will not forsake my community, but I wi (...)
- 116 À titre d’exemple : « Mais Funtuwa ne devint village peuplé qu’au moment où un chasseur dénommé An (...)
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55Entrer en dissidence commence souvent par un déplacement aux marges de l’espace contrôlé par un pouvoir114. On peut ainsi gagner son autonomie politique en s’installant dans des régions où le contrôle politique est plus faible, voire inexistant. Le jihad d’Ousman dan Fodio, ainsi que le raconte son frère Abdoulaye, a pour point de départ un mouvement de groupe aux frontières du Gobir, symboliquement appelé hijra en référence au Prophète115. Là, dans des régions périphériques, souvent peu peuplées et pas encore défrichées et exploitées, il est possible de créer son village, sa communauté. Les récits de fondation retenus par la tradition orale font souvent état de petits groupes qui, ayant quitté une communauté pour différentes raisons, cherchent un espace vide pour créer une nouvelle implantation116. Les cas sont nombreux d’installations aux marges afin de créer son propre espace politique, dans les montagnes Ningi117 par exemple ou dans la région de Kountagoura118.
- 119 Runaway slaves, from all parts of Haussa, fly to Zirmee as an asylum, where there are always welco (...)
- 120 Paul Lovejoy, « Resistance to Slavery and Problems of Slave Control », dans Id., Slavery, Commerce (...)
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- 123 El-Fellati, dans Sidney Kanya-Forstner, Paul Lovejoy (éd.), Pilgrims…, op. cit., p. 57.
56Quitter un espace peut aussi être pour un individu un moyen de se libérer de son statut social, en sortant de l’espace politique dans lequel il est identifié socialement. Lors de son passage à Zirmie, capitale du Zamfara en rébellion contre Sokoto, Clapperton observe de nombreux esclaves en fuite venus s’y réfugier119. En effet, si, dans un premier temps, un grand nombre d’esclaves avaient rejoint la cause du jihad, séduits par le discours des jihadistes et espérant une amélioration de leurs conditions de vie, une fois le sultanat installé et leurs espoirs déçus, beaucoup d’entre eux ont fui vers les régions contrôlées par les ennemis du jihad120. La traversée de la zone frontière qui sépare l’espace du sultanat des régions rebelles est une opportunité : les communications étant réduites par l’insécurité, les maîtres peuvent plus difficilement envoyer quelqu’un les chercher, ou demander qu’on les renvoie, et ils peuvent ainsi gagner leur liberté. De même, pour les sujets ordinaires, la fuite peut être un moyen d’échapper aux persécutions121, de se soustraire à un pouvoir que l’on juge coercitif ou simplement trop exigeant, comme c’est le cas entre les émirats dépendants de Sokoto et Gando122. On peut aussi fuir pour échapper à la justice, à l’image de ceux qui fuient la justice de Kano pour se réfugier dans les montagnes Ningi123. La fuite hors des espaces contrôlés ou vers des régions ennemies du pouvoir dont on dépend apparaît comme un phénomène courant, qui permet de gagner liberté et indépendance. Ces migrations stratégiques ne sont pas sans risque. Les régions frontières entre deux États ennemis sont des zones dangereuses où un individu isolé risque la capture.
- 124 Major Denham, capitaine Clapperton, feu le docteur Oudney, Voyages et découvertes…, op. cit., tome (...)
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57Ces mouvements de dissidence peuvent être instrumentalisés dans le cadre de la compétition entre pouvoirs. Denham décrit ainsi la stratégie d’El Kanemi : « Dès le commencement de ses conquêtes, le Cheikh avait vu quel avantage il était pour lui d’encourager les mécontents des autres pays à s’établir dans ses villes nouvelles124. » De même, les sultanats du Bornou et du Damagaram accueillent sur leur territoire les représentants des dynasties haoussas déchues par le jihad125. Mohammed Bello autorisa Guéladio à s’installer à Say sur son territoire, après que celui-ci avait été défait par Cheikou Amadou126. Accueillir les mécontents de ses ennemis sur son territoire comporte un intérêt stratégique évident, puisqu’on gagne ainsi des partisans dont les connaissances peuvent être utiles au combat.
58La liberté de circulation est fondée sur une économie politique construite sur un équilibre précaire des rapports de force et de pouvoir. La protection des voyageurs, des marchands et des étrangers circulant dans un espace constitue un droit régalien qui se réalise dans un ensemble d’échanges, de dons et de contredons qui créent un lien personnel et temporaire entre le voyageur et le souverain. La capacité d’une autorité à assurer la sécurité promise révèle son pouvoir, son influence ou sa faiblesse. Les pouvoirs politiques ont donc pour objectif et pour rôle de garantir la sécurité des circulations dans leur territoire. Pour ce faire, des systèmes de taxation, de droits d’usage sont mis en place et des fonctionnaires sont chargés de les percevoir et de surveiller les entrées et les sorties. Le contrôle des déplacements a pour objectif de garantir cet équilibre, mais aussi d’affirmer son pouvoir.
LES FRONTIÈRES EN PRATIQUE
59Dans cet espace organisé, les dispositifs frontaliers occupent une place particulière. Entrer sur un territoire fait le plus souvent l’objet de procédures d’autorisation, de contrôle et de taxation, sous forme d’impôt ou de don, mais ces frontières ne sont ni des lignes fixes ni des confins indéterminés. Connus des voyageurs, contrôlés et négociés par les autorités politiques, ces espaces sont néanmoins souvent des zones dangereuses jamais entièrement maîtrisées. Ce sont des désordres organisés, où se rejouent les souverainetés et où chacun sait qu’il faut rester sur ses gardes. Mais ces frontières ne sont pas des zones de non-droit ou des espace hors du politique, elles sont l’objet de négociations mises en œuvre par des correspondances diplomatiques, des formes de traités ou d’accords verbaux.
Une frontière en plein désert
60Bien que plusieurs d’entre eux l’aient traversée, pour les explorateurs européens l’existence d’une frontière au cœur du désert du Sahara, marquant l’entrée sur le territoire du sultanat de l’Aïr, est une source d’étonnement, voire d’incompréhension. Frontière commerciale et politique, elle est à la fois une dangereuse zone de confins et un lieu de contrôle et de taxation organisé par des passages obligés et régi par des règles strictes mises en œuvre par des représentants de l’autorités locale.
61La tradition considère aujourd’hui que le sultanat de l’Aïr aurait dès ses débuts mis en place un système de taxation et de douane sur les circulations marchandes. Le livre de l’origine du sultanat de l’Aïr, contenu dans Les chroniques d’Agadez, fait le récit de la démarche d’un des premiers sultans de l’Aïr auprès des autorités religieuses islamiques sur la question du caractère licite de la taxation des circulations marchandes :
- 127 Yves Urvoy (éd.), « Chronique d’Agadez », Journal de la Société des africanistes, IV, 1934, p. 145 (...)
« En effet, au moment où ils amenèrent Ilisaouane et le firent entrer dans leur tente, Ilisaouane envoya la grande tribu des Amnachchaouanes au pays de l’islam et il fit dire aux savants de l’islam : “L’assemblée des Touaregs qui ont pris la terre de l’Aïr par la force et la conquête m’ont transporté, m’ont placé à leur tête, ils m’ont conduit dans un château fort et m’ont placé comme sultan sur leurs personnes. Leur coutume est de percevoir une taxe sur les chevaux des marchands qui passent dans leur voisinage entre leurs montagnes et leurs déserts. Je demande à Dieu et à vous : la taxe est-elle interdite ou licite ?” Et ils répondirent : “Les hommes qui gardent les routes commerciales à travers leurs montagnes les protègent contre les pillards, les bandes et tous les bandits de grand chemin. Tu dois prélever les chevaux et les pagnes sur les caravanes des marchands, et tu [dois] les donner aux hommes qui gardent la route. […] Ils portent les terreurs des gens, ils sont ta force, et grâce à eux tu tiens le pays”127. »
- 128 Djibo Hamani, Au carrefour du Soudan et de la Berbérie. Le sultanat touareg de l’Ayar, Niamey, Ins (...)
62Cette ambassade a peut-être réellement existé ou n’est peut-être qu’une autojustification par le sultanat de ses activités de taxation a posteriori, il est à ce jour difficile de l’établir. En effet, la version du manuscrit des Chroniques d’Agadez les pratiques de l’espace : mobilité, contrôle, négociations qui nous est parvenue est très tardive et a été rédigée à la demande des autorités coloniales, ce qui empêche de postuler l’ancienneté de cette taxe à partir de ce manuscrit128.
- 129 C’est en ces termes que la fonction du puits d’In Azaoua au xixe siècle est encore expliquée aujou (...)
- 130 Un des itinéraires recueillis par Richardson indique par exemple : « Tidik, premier pays du distri (...)
- 131 Erwin de Bary, Le dernier rapport…, op. cit., 1898, p. 113.
63Au xixe siècle, en revanche, plusieurs sources décrivent le fonctionnement de cette frontière et la perception par le sultanat d’une taxe sur les caravanes arrivant du nord. Après avoir traversé la porte d’entrée de l’Aïr au puits d’In Azaoua129, les caravanes arrivent dans les premiers villages habités130, puis à Iférouane où elles rencontrent un représentant du sultan chargé de prélever les droits dus. Erwin de Bary arrive à Iférouane le 8 février 1877 avec une caravane de marchands Kel Ewey. Le lendemain de son arrivée : « L’oukil du sultan d’Agadès, que l’on appelle ici Tounaoua, perçoit la redevance due par tous les marchands131. » Mohammed el-Fellati qui traverse cette frontière lors du retour de son premier pèlerinage, en 1882, en décrit, lui, ainsi le fonctionnement :
- 132 El-Fellati, dans Sidney Kanya-Forstner, Paul Lovejoy (éd.), Pilgrims…, op. cit., p. 2 et 73.
« Le sultan d’Aghadès a un oukil, dans le pays d’Agazer, pour la perception des droits sur la frontière. Il se nomme actuellement El Hadj Mohammed ; il habite généralement Tchintagoda, mais il vient à l’époque des caravanes au printemps, occuper une petite maison qu’il possède à Ifrouen sur la frontière même de l’Aïr. À cette même époque, vient d’Aghadès le serki n’Touraoua, ou chef des Blancs, fonctionnaire chargé du contrôle du commerce. Chaque charge de chameaux paie une pièce d’étoffe ou de turban. Chaque caravane, à Ifrouen, déballe ses marchandises devant le serki ; ce dernier informe les marchands du prix courant de chaque objet tant à Aghadès qu’à Kano […]. Quand l’époque des caravanes est terminée, le serki n’Touraoua rentre à Aghadès rapportant le produit de la douane132. »
- 133 Les déboires d’Erwin de Bary à Iférouane montrent la difficulté pour un voyageur seul, venant de l (...)
- 134 Serkin turawa, titre haoussa désignant une des principales personnalités de l’administration du su (...)
- 135 Entretien réalisé par l’auteur à Agadez, à la cour du sultan Ibrahim Oumarou le 28 avril 2002. Pou (...)
- 136 André Salifou, Le Damagaram, op. cit., p. 140.
64Cette taxe ne concerne que les marchandises et les marchands, les simples voyageurs n’y sont pas soumis en théorie, pas plus que les pèlerins133. Il ne s’agit pas d’une taxe sur la circulation des personnes mais sur les échanges commerciaux. Elle est payée en nature selon ce que transporte celui qui la paye, parfois en bandes de cotonnade, parfois en pains de sucre. Les droits sont perçus au profit du sultan par un représentant de l’administration, le serkin turawa, et constituent alors le revenu le plus important du sultanat134. Cette taxe est aujourd’hui remémorée sous le terme haoussa de fito, qui signifie sortir135. Une fois son paiement acquitté, les caravanes peuvent continuer leur route et bénéficient de la protection du sultan jusqu’à ce qu’elles quittent son territoire. De plus, les marchands sont informés du cours des produits sur les marchés le long de la route qu’ils vont emprunter. Dans l’autre sens, la taxe est acquittée au départ de Kano. Le sultanat du Damagaram possède un dispositif similaire, tous les caravaniers venant du nord payent un droit d’entrée, laissé à leur diligence au moment où ils franchissent les limites du pays, en contrepartie, le sultan leur assure la liberté de circulation et la sécurité sur son territoire136.
65Ici, le contrôle ne s’exerce pas sur la frontière, mais dans un dispositif d’arrière-frontière. La limite étant dans un espace entièrement désertique au sens strict du terme, le dispositif de contrôle est installé dans les zones habitées. L’organisation de ce système de contrôle est liée à l’environnement et à la faible densité de population. Dans le Sahara, les caravaniers sont obligés de passer par certains puits et villages habités pour se ravitailler, il est donc facile de surveiller les allées et venues et de les taxer.
- 137 Hatita ag Khuden est un notable Imanghasaten (Touareg Ajjer). Il a connu Lyon en 1820, accompagné (...)
- 138 As for the other Tuariks, Hateetah expected, I make it a rule to refuse what they ask, otherwise I (...)
- 139 Henri Duveyrier, Les Touareg du Nord, op. cit., p. 355.
66Chercher à se soustraire, en s’imposant par la force, aux règles et aux taxes qui encadrent la traversée de cette frontière a des conséquences, comme le montrent les difficultés subies de l’African Mission alors dirigée par Richardson et dont Barth et Overweg sont membres. Durant la première partie de leur déplacement, ces voyageurs sont réunis dans une expédition nombreuse rassemblant une soixantaine d’hommes armés et des bagages volumineux, dont un bateau. Alors qu’ils sont à Mourzouk, Richardson décide de réunir ceux qu’il suppose être les principaux chefs touaregs pour mettre la mission sous leur protection et se choisir un protecteur. Il pense que la protection d’un seul lui permettra de traverser tout le Sahara et décide donc de payer un droit à Hatita137, pensant ainsi garantir sa sécurité dans tout le désert. S’il a compris la nécessité d’obtenir l’appui d’un pouvoir politique local, il surestime la capacité d’un seul de ces chefs à pouvoir exercer son pouvoir au long de l’ensemble de la traversée. À partir de ce moment, encouragé par Hatita, il se donne pour règle de refuser toute autre demande138. Hatita est, lui, dans une position politique complexe, son pouvoir est affaibli et les Imanans ont perdu une grande partie de leur influence139. Il sait qu’il n’a pas les moyens d’assurer la sécurité de la caravane jusqu’en Aïr, mais en unissant l’expédition à une caravane Kel Ewey, il espère que l’importance de la troupe permettra de prévenir les dangers, tout en lui permettant de rester le seul interlocuteur des Européens.
- 140 The 2nd and 3rd of July we stopped at Ailouah. Hateetah came to my tent the first day with a long (...)
- 141 « Il nous raconta ainsi que nous avions terriblement désappointé les Touaregs établis aux environs (...)
67Hatita déclare donc à Richardson qu’ils doivent se rendre à Ghât et attendre là-bas le départ d’une caravane. Richardson proteste, insiste pour continuer la route au plus vite140, puis accepte finalement de se rendre à Ghât. Après de longues négociations, la troupe repart le 27 juillet 1850 en compagnie d’une caravane Kel Ewey. Dès le commencement de la traversée, les Européens apprennent que des mouvements se préparent contre eux. Pour les éviter, ils décident de suivre une route plus orientale qui évite les zones habitées et où ils ne rencontreront personne. Le choix d’un itinéraire alternatif, au détriment d’une route balisée et fréquentée, est leur seconde erreur. Ils pensent de cette manière pouvoir se déplacer sans être sollicités, mais pour les populations, qui vivent le long de la route et pour lesquelles le passage des caravanes est une source de revenus importants, il s’agit d’un mépris de leurs droits141. De nouveaux bruits de mouvements hostiles leur parviennent. Ceux qui les accompagnent leur demandent d’augmenter la somme convenue. Mais Richardson n’en a cure, il résume ainsi ces péripéties :
- 142 Ibid., p. 204.
I may as well record here, in form, a list of our grievance against the Tuaricks, for the information and warning of future travelers :
1st - They, the Tuaricks, wished to obtain presents from the Germans, nearly in the same quantity as from myself ; or, at least, something considerable
2nd - They wanted us to remain six weeks in Ghât, to wait for an answer from Sultan En-Noor at Aheer
3rd - They refused to conduct us to the frontier of Aheer, according to their agreement at Mourzuk
4th - They demanded seventy reals for the passage of our free blacks
5th - They insisted on having the presents for Berka, Khanouhen, and Jabour, before the treaty was signed.
The first two demands I successfully resisted, as also the third at Ghât. The fourth was compromised ; we paid twenty-eight reals instead of seventy. The last I yielded, on the condition that I should only give three burnouses142.
- 143 Jean-Pierre Olivier de Sardan, Les sociétés songhay-zarma, op. cit., p. 103.
68Le refus systématique de Richardson d’accéder à toute demande, que ce soit pour acheter la protection d’un chef ou l’usage d’un puits, met l’expédition en grand danger. En effet, dans le cas où la situation sécuritaire change brusquement, les droits de protection peuvent augmenter et un complément être demandé au voyageur. Les explorateurs européens ont souvent été déstabilisés par ce type de demande, ne comprenant pourquoi, alors que des droits avaient été payés au départ, on leur demandait une contribution supplémentaire. Ils ne percevaient pas toujours le sens de ces taxes, qui ne sont pas simplement un droit d’entrée pour les hommes ou les marchandises, mais en quelque sorte une garantie de protection. Le prix dépend donc de la situation. Garantir la sécurité d’une caravane de marchands dans une région peu contrôlée représente pour le pouvoir politique un investissement important, pour éviter que la caravane ne soit pillée, il offre à chaque groupe sur la route des dons et achète ainsi sa sécurité. Le paiement du droit d’entrée ou de passage est ainsi fonction de ce coût. Si cette proposition de protection est déclinée, les protecteurs peuvent alors eux-mêmes se transformer en assaillants143.
- 144 « Mr Richardson supposait que, parce que nous avions passé la frontière imaginaire entre les terri (...)
69Arrivé à la frontière, Richardson s’imagine qu’une fois celle-ci franchie ils seront tirés d’affaire. Barth considère, lui, qu’il s’agit d’une frontière imaginaire qui n’empêchera aucunement les attaques144. Ils ne percoivent ni l’un ni l’autre le fonctionnement complexe de cette zone, ce n’est effectivement pas une barrière interdisant le passage mais ce n’est pas non plus une frontière imaginaire. C’est une limite de souveraineté, ou plutôt une zone de confins où se rejouent les souverainetés. Ils sont à la merci de ceux qui veulent les attaquer, puisqu’ils ne sont plus protégés, dans la mesure où ils ont refusé d’augmenter leur contribution à la sécurité de la caravane et sont dans une zone qui ne dépend pas strictement d’un groupe unique et qu’aucune autorité ne peut contrôler dans son intégralité. Ceux qui les accompagnent ne peuvent rien pour eux dans la mesure où ils n’ont pas respecté les règles, et n’ont aucun intérêt à les protéger. Défendre leur attitude reviendrait à remettre en cause le statu quo sur lequel fonctionnent l’économie politique et les accords tacites qui régissent les relations entre ceux qui maîtrisent la route, qui autorisent la liberté de circulation et ceux qui en usent. L’expédition est donc attaquée et contrainte de payer :
- 145 Ibid., p. 54-55.
« L’impôt noir avait été levé auprès de nous par les tribus de la frontière. […] Le montant du butin qui nous fut enlevé fut fixé d’après la somme que nous avions payée à notre escorte Kel Owi, car la bande en question présumait qu’elle avait les mêmes droits à faire valoir sur nous que nos compagnons145. »
70L’attaque de l’expédition est une démonstration de force et de pouvoir. D’autres groupes ont demandé à recevoir un paiement similaire à celui reçu par les Kel Ewey, se considérant aussi importants que ce groupe.
71Traverser le désert est une entreprise coûteuse et réglementée, cette route est un enjeu commercial important et son contrôle fait l’objet d’une concurrence entre différents pouvoirs qui se jouent dans cette zone frontière. L’attitude consistant à choisir et à payer un interlocuteur unique afin de garantir la sécurité de l’expédition, faisant fi de la géopolitique régionale, de la diversité des pouvoirs politiques et des antagonismes qui les animent, a des conséquences. En refusant de se soumettre aux règles, l’expédition a éveillé les compétitions et déclenché une réaction en chaîne.
Négocier la frontière
- 146 Robert Smith, « Peace and Palaver : International Relations in Pre-Colonial West Africa », The Jou (...)
72Mais les relations entre les différents pouvoirs à leurs frontières ne sont pas uniquement fondées sur la prédation ou la domination, elles sont aussi organisées par des formes d’échange, de réciprocité et de règlements négociés. Par négociations, entendons les accords de type diplomatique ou les contrats passés entre autorités politiques, ou entre une autorité et des particuliers. Les pratiques diplomatiques et l’institution de chancelleries employant des scribes spécialisés dans l’écriture diplomatique en arabe sont attestées dans la région depuis le Moyen Âge146. Nous sommes évidemment ici tributaires des sources. La part des négociations orales, des rencontres, des discussions est difficile à reconstituer, bien qu’elle joue certainement un rôle majeur. Dans cette intense activité diplomatique, accrue par l’émiettement politique qui a pour effet de multiplier les interlocuteurs, le territoire et les frontières jouent un rôle de premier plan.
- 147 Jean-Louis Triaud, « Idris Alaoma », dans Les Africains, Paris, Éditions Jeune Afrique, 1977, p. 4 (...)
- 148 Il n’existe pas d’analyse ou de traduction récente de ce manuscrit, contrairement à l’autre manusc (...)
73On trouve trace d’échanges diplomatiques et de négociations sur les questions de territoires et de frontières depuis le xvie siècle. Idris Alaoma, souverain du Bornou à partir de 1573, entreprend une politique d’unification et de centralisation afin d’affirmer la suprématie du Bornou sur les populations voisines et de rétablir la sécurité des routes147. Dans ce cadre, il dirige sept campagnes militaires contre les Bulalas du Kanem. À l’issue de la dernière campagne ont lieu des négociations afin de déterminer leur frontière commune, dont le chroniqueur de la cour Ibn Furtu fait le récit dans le Kitab Ghazawāt Kānim148 :
- 149 James W. Redhouse, « Translation », art. cité, p. 118.
Upon this our Sultan commanded his troops to be drawn up in complete array in the court-yard and then our Sultan, Idris the Pilgrim seated himself with the Sultan Muhammed, son of Abdu-’llah, in one apartment, where much conversation passed between them, and they fixed upon a frontier between the two countries of Kanim and Burnu. According to this, the whole Kefesta, with its regions, fell to the lot of Burnu ; also the whole of the countries of Siruh, with their regions, became the portion of our land of Burnu. This was proclaimed and published to the people, being heard by our chiefs, as by their chiefs, who were present in the courtyard, so that no doubt remained, no any ground for dispute149.
74La paix est garantie, à l’issue d’une négociation territoriale, par un accord organisant le partage des territoires entre les deux puissances ennemies. Les différentes régions sont attribuées à l’un ou l’autre des souverains et les pouvoirs politiques régionaux sont sollicités pour approuver le partage qui est ensuite proclamé devant les populations locales.
- 150 Traductions et analyses de ces correspondances : Bradford G. Martin, « Mai Idris of Bornu and the (...)
- 151 Furthermore, we have understood your request that the caravans and the wandering merchants who tra (...)
- 152 And your aforementioned messenger has informed us of your petition, addressed to our noble person (...)
75Cette négociation n’est pas le seul acte diplomatique d’Idris Alaoma concernant les questions territoriales. Il entreprend en 1577 une correspondance avec le sultan ottoman Murad III150, portant sur trois thèmes : la demande d’une aide militaire contre les infidèles, la garantie de la sécurité des routes commerciales et la redéfinition de leur frontière commune, à travers l’attribution des forteresses151. À partir des réponses adressées par la chancellerie de Murad III, on peut déterminer que Mai Idris souhaitait que l’Empire ottoman lui cède une des forteresses frontalières, ce qui lui est refusé. Le pouvoir bornouan est en revanche invité à garantir la sécurité de son territoire et de sa frontière152. Cet échange épistolaire n’aboutit pas à un déplacement de la frontière mais à une conservation du statu quo. Il apparaît ici que la frontière, plus qu’une séparation de deux territoires, est un dispositif permettant de garantir la sécurité des routes, signifiant l’extension de leurs capacités respectives à exercer la force et, par ce biais, à affirmer leur souveraineté, plutôt qu’une matérialisation de l’étendue de leur territoire.
76Au xixe siècle, les bouleversements majeurs, politiques, territoriaux et intellectuels engendrés par le jihad d’Ousman dan Fodio, entraînent une intense activité diplomatique. Les lettres de chancellerie en arabe et les échanges diplomatiques jouent, dès le départ, un rôle important dans le système de gouvernement d’Ousman dan Fodio. Le jihad est inauguré par l’envoi de lettres aux autorités politiques de la région et son histoire est rythmée par ces échanges. Les correspondances diplomatiques concernant les questions de territoires et de frontières montrent l’ambiguïté du gouvernement des jihadistes entre doctrine religieuse et construction d’un pouvoir politique. En effet, selon la législation islamique, le territoire ne peut être divisé qu’entre musulman et non musulman, et seul le jihad peut justifier une conquête territoriale, mais la réalité est plus complexe.
- 153 Louis Brenner, « The Jihad Debate between Sokoto and Borno : An Historical Analysis of Islamic Pol (...)
- 154 Louis Brenner, « The Jihad Debate… », art. cité, p. 25-26.
- 155 I wrote to those of your brothers who live near us asking them the reason and instigation of their (...)
- 156 Sidi Mohammed Mahibou, Jean-Louis Triaud, Voilà ce qui est arrivé. Bayan ma Waqaa d’al-Hagg Umar a (...)
77La controverse légale entre le fils d’Ousman dan Fodio, Mohammed Bello, et le lettré bornouan El Kanemi le montre. Dans une correspondance d’une vingtaine de lettres échangées en cinq ans (1808-1812), El Kanemi remet en cause la justification légale du jihad dans le Bornou153. Selon lui, le conflit entre le Bornou et Sokoto est fitna, c’est-à-dire un conflit à l’intérieur de la communauté musulmane, et si les habitants du Bornou ne sont pas toujours de bons musulmans, ils ne doivent pas être traités d’infidèles mais au contraire instruits154. El Kanemi accuse Ousman dan Fodio d’avoir mené un jihad, sans justification religieuse réelle, afin d’agrandir son territoire sous couvert d’arguments religieux155. Mohammed Bello répond, en s’appuyant sur des références à la pensée d’Al-Maghili, que la construction ou la reconstruction d’un État islamique nécessite une épuration préalable de tous les hypocrites et des mauvais musulmans156.
78Une fois le pouvoir bornouan remis du séisme engendré par le jihad grâce à l’arrivée au pouvoir d’El Kanemi, celui-ci entreprend de sécuriser le territoire bornouan et de définir une nouvelle limite avec les régions se réclamant du jihad. Il cherche en premier lieu une solution négociée et écrit de nouveau en 1820 à Mohammed Bello pour, selon la tradition orale, lui proposer en ces termes un arrangement frontalier :
- 157 Selon la tradition orale recueillie par l’officier interprète Landeroin pendant la conquête coloni (...)
« Adeptes de la même religion, il n’est pas convenable que nos peuples se fassent la guerre ; entre nos deux États se tiennent les Bédés, tribus païennes qu’il est permis de rançonner ; respectons cette limite : l’Ouest de leur pays sera pour vous et l’Est pour nous ; quant au Mounio, Damagarim et Daoura, ils continueront à être vassaux du sultan du Bornou, et celui-ci vous abandonne en revanche toutes ses prétentions sur le Gober et le Katséna157. »
- 158 Louis Brenner, The Shehus of Kukawa. A History of the Al-Kanemi Dinasty of Bornu, Oxford, Clarendo (...)
- 159 Mohammed Manga a hérité du leadership du jihad au Bornou, à la mort de son père Gwoni Muktar en 18 (...)
- 160 Comme Clapperton en fait le récit : It seems the sheik, before he entered the territory of Houssa, (...)
79Devant le refus de Bello, il choisit une stratégie offensive et décide en 1825 de mener une campagne pour sécuriser les frontières ouest du Bornou, zones de no man’s land depuis les débuts du jihad dans la région vingt ans plus tôt158. Avant d’entrer sur le territoire contrôlé par les tributaires de Sokoto, il écrit de nouveau à Bello pour lui signifier qu’il ne souhaite pas entrer en guerre avec lui mais seulement empêcher Mohammed Manga159 et Mohammed Nema, deux leaders du Jihad au Bornou, de commettre des déprédations sur son territoire160.
80Bien que les deux tenants de ces discours s’en défendent, il s’agit aussi d’un conflit territorial entre deux grandes puissances cherchant à définir leur frontière commune. Mais le système de référence dans lequel se construit leur argumentation ne permet pas à ces deux leaders de se référer à la défense d’un territoire ; argument injustifiable du point de vue de la législation islamique qui ne reconnaît en théorie qu’un territoire unique, l’Oumma musulmane, et une seule frontière, celle qui divise musulmans et non-musulmans. Argumenter sur une autre frontière reviendrait, d’un point de vue idéologique, à diviser la communauté musulmane.
- 161 Charles C. Stewart, « Frontier Disputes and Problems of Legitimation : Sokoto-Masina Relations 181 (...)
- 162 À propos de l’entrée en dissidence et du départ de Geladio d’Hamdallahi en 1818 : « Il traversa la (...)
- 163 Formule arabe signifiant prince des croyants. Mohammed Bello, à la suite de son père, a adopté le (...)
- 164 After this, and if this letter of ours reaches you, we have to inform you that our son, Abu Bakr, (...)
81Ici, les échanges diplomatiques n’ont pas permis de négocier la frontière sans conflit, ailleurs la négociation a parfois évité ou aidé à résoudre les différends territoriaux, par exemple, afin d’organiser pacifiquement les relations entre deux puissances en expansion, que leurs ambitions respectives risquaient d’opposer. Les correspondances entre Sokoto, Gando, les Kountas et Hamdallahi portent ainsi, pour une part importante, sur la question de la frontière entre Sokoto et le Macina161. Cette frontière n’est ni un front ni une jonction entre deux territoires, mais la limite d’extension des zones d’influence de chacun d’eux. Il s’agit plus d’une limite idéale que de la rencontre de deux administrations. Néanmoins, cette frontière est alors inscrite dans le paysage, et la tradition orale, telle qu’elle a été recueillie et racontée par Amadou Hampâthé Bâ, le remémore162. Les échanges diplomatiques ont, ici, permis de construire un consensus, entre les deux Amir al-mu’minim163 sur leurs zones d’influence respectives, jusqu’à ce que Cheikh Ahmad brise cette stabilité à la mort d’Ousman dan Fodio. Des échanges diplomatiques viennent parfois sanctifier par l’écrit un accord accepté par les deux parties, comme c’est le cas de la lettre du cheikh du Bornou Umar, fils d’El Kanemi, au sultan de Sokoto Mu’azzu. Un différend territorial était intervenu entre une région relevant du Bornou et Katagoum qui dépend de Sokoto. Une fois un accord frontalier trouvé entre les deux parties, le cheikh écrit au sultan pour l’entériner, indiquant que, de son côté, l’accord est accepté et que les relations de ces deux régions doivent être désormais fondées sur celui-ci164.
- 165 « Ainsi le territoire est partagé : depuis les Gueroud appelées Ourqa, depuis les collines pierreu (...)
- 166 Ibid., p. 151, note 11.
82Ce type d’accord encadre et réglemente souvent les relations entre des puissances politiques, comme le montre la convention passée entre deux confédérations toubous Arna et Tomagra en 1889. Le manuscrit en arabe de cette convention a été recueilli durant la période coloniale en 1956 par J. d’Arbaumont. Elle définit dans sa troisième partie la limite territoriale entre les Arna et les Tomagra et les Arna et les Kokarda, à partir d’éléments du terrain servant de repères visuels, comme les collines pierreuses d’Aremkar, les puits, les ouadis, les constructions, les cultures et les palmeraies165. Les traditions orales recueillies par d’Arbaumont indiquent l’existence d’une limite matérialisée par des pierres, une sorte de mur qui séparerait le territoire des Tomagra et celui des Arna166.
- 167 Some time within that year, we heard that men of Bornu had entered Kanche. I think that the chief (...)
- 168 André Salifou, Le Damagaram, op. cit., p. 81.
83Les négociations de frontières se réalisent par des échanges épistolaires, des pourparlers en face-à-face ou des représentants interposés et se conclut parfois par des traités frontaliers ou des échanges de territoires. C’est ce qui arrive aux environs de 1851 à Dambanas, le village de Dorugu, le jeune compagnon de Barth. Dambanas est tributaire de Kantché, une petite région indépendante aux frontières du Bornou et du Damagaram et soumise à la double pression de ces deux puissances. Attaquée une nouvelle fois par le Bornou, Kantché cède le des voyages qui révèlent des territoires et des frontières village de Dambanas au pouvoir bornouan, afin de garder son indépendance167. Peu après, Kantché, ne pouvant rester indépendante face aux pressions de ses puissants voisins, se mettra sous la protection du Damagaram de Tanimun168.
CONCLUSION
84Le Soudan central au xixe siècle apparaît comme une région structurée par un ensemble de déplacements complexes, organisés selon un calendrier précis adapté aux spécificités de l’environnement. La diversité de ces mouvements est liée à la richesse des activités, culturelles, politiques et économiques, ainsi qu’à des données conjoncturelles et géopolitiques. L’ensemble de ces circulations obéissent à des règles, et le savoir-voyager est construit autour d’une politesse du voyage et d’usages qui permettent de se déplacer de manière régulière, et autour d’une économie politique qui régit les relations entre ceux qui voyagent et ceux qui accueillent. Les pouvoirs politiques et les populations autochtones sont ainsi reconnus dans leurs droits politiques et économiques par les voyageurs, et réciproquement ceux-ci gagnent leur droit d’accès et leur sécurité. Ces règles encadrent aussi les exigences auxquelles les voyageurs peuvent être soumis, limitant théoriquement les abus. En retour, la transgression de ces codes laisse le voyageur sans protection, à la merci de ceux qui exigeront quelque chose de lui. Cette économie politique fonctionne sur un consensus temporaire qui peut être rompu en cas de compétition politique ou de conflit. L’ensemble de ces règles permettent aux différentes formes d’autorités politiques de contrôler ceux qui pénètrent leur territoire, de repérer les étrangers, d’encadrer leur séjour et d’établir des politiques d’accès à leur territoire. La dissidence, la protestation ou l’insoumission se traduisent par des transgressions qui défient ces politiques de contrôle du territoire et des déplacements. On remarque que ces formes de contrôle et de validation de règles ne reposent pas nécessairement sur une maîtrise totale d’un espace social ou d’un territoire. Tous ces phénomènes, mobilité, règles, contrôle, supposent une connaissance des routes, des villes, des lieux d’étape, des itinéraires, des systèmes de taxes, ils nécessitent et engendrent donc des savoirs, des discours et des représentations de l’espace et de ses limites qu’il convient maintenant d’analyser.
Notes
1 Inspirée par Claudia Moatti (dir.), La mobilité des personnes en Méditerranée de l’Antiquité à l’époque moderne. Procédure de contrôle et documents d’identification, Rome, École française de Rome (Collection de l’École française de Rome, 341), 2004 ; Claudia Moatti, Wolfgang Kaiser (dir.), Gens de passage en Méditerranée de l’Antiquité à l’époque moderne. Procédure de contrôle et d’identification, Paris, Maisonneuve & Larose, 2007.
2 Sur l’édition d’une de ces sources, voir Sidney Kanya-Forstner, Paul Lovejoy, « Editing Nineteenth-Century Intelligence Reports on the Sokoto Caliphate and Borno, or the Delights of a Collaborative Approach », History in Africa, 24, 1997, p. 195-204.
3 Paul Lovejoy, Stephen Baier, « The Desert-Side Economy of the Central Sudan », The International Journal of African Historical Studies, 8/4, 1975, p. 551-581 ; Stephen Baier, « Trans-Saharan Trade and the Sahel Damergu, 1870-1930 », The Journal of African History, 18/1, 1977, p. 37-60 ; Paul Lovejoy, The Hausa Kola Trade (1700-1900) : A Commercial System in the Continental Exchange of West Africa, Wisconsin, Ann Arbor, 1978 ; Stephen Baier, An Economic History of Central Niger, Oxford, Clarendon Press, 1980 ; Paul Lovejoy, Salt of the Desert Sun. A History of Salt Production and Trade in the Central Sudan, Cambridge, Cambridge University Press, 1986 ; Gerd Spittler, Les Touaregs face aux sécheresses et aux famines. Les Kel Ewey de l’Aïr (Niger) 1900-1985, Paris, Karthala, 1993.
4 Comme l’a montré Gerd Spittler pour les Touaregs Kel Ewey dont l’adaptation aux contraintes du milieu se réalise dans une aptitude à déjouer les risques en pratiquant une économie diversifiée, Gerd Spittler, Les Touaregs…, op. cit., p. 37-63.
5 Selon l’expression de Benedetta Rossi, Benedetta Rossi, Ader : Governing the Desert Edge, op. cit., introduction.
6 Anne Luxereau, « Transformation du rapport au végétal et à la terre dans la région de Maradi (Niger) », dans Daniel Barreteau, René Dognin, Charlotte von Graffenried (dir.), L’homme et le milieu végétal dans le bassin du lac Tchad, Paris, Éditions de l’Orstom, 1997, p. 54.
7 Annexe II - Calendrier des déplacements et des activités au xixe siècle, p. 437-439.
8 Gustav Nachtigal, Sahara et Soudan, op. cit., tome 1, p. 372-375.
9 Arrivée à Nguigmi : The village and its immediate surroundings were quite unrecognizable in comparison with what we had seen earlier. The masses of reeds which then marked the edge of the lake were now seen at a considerable distance in the middle of the water, and the village had been pushed back by the water as far as the row of sandhills, Nachtigal, dans Allan G. B. Fisher, Humphrey J. Fisher (éd.), Sahara and Sudan, op. cit., tome 2, p. 324.
10 Ces fluctuations semblent avoir néanmoins parfois surpris les populations riveraines. Christian Seignobos a ainsi montré comment une crue brusque du lac après une très longue période de sécheresse aurait submergé, probablement dans la seconde moitié du xve siècle, un groupe d’éleveurs peuls. Christian Seignobos, « Des traditions fellata et de l’assèchement du lac Tchad », dans Daniel Barreteau, Charlotte von Graffenried (dir.), Datation et chronologie dans le bassin du lac Tchad, Paris, Éditions de l’Orstom, 1989, p. 165-182.
11 Heinrich Barth, Travels and Discoveries, op. cit., tome 2, p. 261.
12 Gerhard Rohlfs, Voyages et exploration…, op. cit., tome 2, p. 264-265.
13 Jean Boutrais, « Les populations du bassin tchadien des sociétés non hydrauliques », dans Hermann Jungraithmayr, Daniel Barreteau, Uwe Seibert (dir.), L’homme et l’eau dans le bassin du lac Tchad, Paris, Éditions de l’Orstom, 1997, p. 475.
14 Anne Haour, « Power and Permanence in Pre-Colonial Africa : A Case Study from the Central Sahel », World Archaeology, 37/4, 2005, p. 556.
15 Guy Nicolas, « Fondements magico-religieux du pouvoir politique au sein de la principauté Hausa du Gobir », Journal de la Société des africanistes, XXXIX/2, 1969, p. 201.
16 André Bourgeot, Les sociétés touarègues. Nomadismes, identité, résistances, Paris, Karthala, 1995, p. 147 ; Diouldé Laya, « Migration et intégration politique dans le Gurma oriental au xixe siècle. Exemple des Folmongaani », Journal des africanistes, 61/2, 1991, p. 85.
17 Notamment par William Miles, Hausaland Divided, op. cit., p. 63-64.
18 Never was there a more picturesque caravan. Ladies on bullocks, children and women on donkeys, warriors on maharees, merchants on camels, the Sultan’s horse harnessed going alone, and following steadily ; goats and their kids, sheep, foal of camels, etc. running or straggling along ! […] Our caravan is like the migration of the whole of the town going in quest of a new country, James Richardson, Narrative…, op. cit., tome 2, p. 76 et 82-83.
19 « La mise en marche d’une tribu nomade avec ses femmes, ses enfants, et tout ce qu’elle possède, donne toujours lieu à quelques embarras. Si simple que soit l’attirail ménager, il ne se compose pas moins d’une multitude d’objets, matériaux de huttes et de tentes, ustensiles de cuisine, pierres meulières, outres, cordes, munition de guerre et de bouche, qu’il s’agit d’arrimer bien en équilibre sur des bêtes de somme », Gustav Nachtigal, Sahara et Soudan, op. cit., tome 1, p. 382.
20 « Enfin, dans les premiers jours de janvier, on reçut la nouvelle qu’Ali Rizâ Pacha se proposait d’envoyer au roi du Bornou une ambassade chargée de lui remettre des présents, et de se procurer, par l’intermédiaire de ce prince nègre, une collection de bêtes fauves pour le sultan de Constantinople Abdul Azis, grand amateur de lions, de tigres et de carnivores du même genre ; par la même occasion, on devait ramener quelques eunuques, autre espèce toujours très demandée dans les palais de Stamboul la grande », Gustav Nachtigal, Sahara et Soudan, op. cit., tome 1, p. 266.
21 Djibo Hamani, L’Adar précolonial, Niamey (Études nigériennes, 38), 1975, p. 59.
22 Titre du chef des Kel Ewey.
23 « Tôt le matin, avant le jour, Hamma et ses compagnons quittèrent la maison, et montèrent sur leurs chameaux pour aller saluer l’astafidet [sic] et se joindre à lui et à son cortège. Et vers le lever du soleil, le jeune chef entra et vint droit au fada, à la tête de deux ou trois cents méharis, ayant laissé le plus gros de ses troupes, estimées à environ 2 000 hommes, en dehors de la ville », Heinrich Barth, Suzanne Bernus (éd.), Henri Barth…, op. cit., p. 114.
24 El Hadj Ahmed ben Mohammed el-Fellati est un pèlerin dont le témoignage a été recueilli par des agents français en Tunisie, lors de son deuxième voyage vers La Mecque en 1892. Selon ces agents, il aurait alors 35 ans. Il leur déclare être un homme d’influence du sultanat de Sokoto et un médecin réputé. L’enquête menée par Paul Lovejoy pour préciser son identité a montré qu’il était bien un personnage important. Gendre de l’émir Muhammad Bello de Kano, il était son conseiller et fut aussi celui de son fils Muhammad Tukur. Il était un membre influent de la Tidjania, Sydney Kanya-Forstner, Paul Lovejoy (éd.), Pilgrims,Interpreters and Agents : French Reconnaissance Reports on the Sokoto Caliphate and Borno, 1891-1895, Madison, African Studies Program University of Wisconsin-Madison, 1997, p. 2-5 ; Id., « Editing… », art. cité, p. 199.
25 El-Fellati, dans Sydney Kanya-Forstner, Paul Lovejoy (éd.), Pilgrims…, op. cit., p. 37.
26 John A. Jr Works, Pilgrims in a Strange Land. Hausa Communities in Chad, New York, Columbia University Press, 1976, p. 22.
27 Umar Al-Naqar, The Pilgrimage Tradition in West Africa. An Historical Study with Special Reference to the Nineteenth Century, Khartoum, Khartoum University Press, 1972, p. 105.
28 À l’arrivée à Mourzouk : « Par respect pour les pèlerins qui retournent de La Mecque le sultan envoya quelques chameaux chargés de viandes et de pains, qui furent ici distribués », Friedrich Hornemann, Voyage…, op. cit., p. 162.
29 « Notre caravane s’augmenta de la compagnie d’Abd El Kader, indigène de Taouat, qui était venu avec une Kafila de pèlerins revenant de La Mecque jusqu’à Rhat, ou il s’était arrangé avec les Kel Oui pour se rendre à Agadez », Heinrich Barth, Voyages et découvertes dans l’Afrique septentrionale et centrale pendant les années 1849 à 1855, traduction de l’allemand par Paul Ithier, Paris, A. Bohné, 1860-1861, tome 1, p. 143.
30 « La tribu des Ihadanaren est en ce moment dans l’Aïr ; elle a émigré en masse par crainte des Hoggar, qui lui ont enlevé ses troupeaux ; elle se trouve en ce moment dans le nord-ouest d’Adjiro, à Telak, dans l’ouadi Aouderas », Erwin de Bary, Le dernier rapport…, op. cit., p. 129. Les ethnonymes Kel Ahaggar et Kel Hoggar sont synonymes, le premier étant le nom tamacheq, le second le nom français.
31 8 août 1826 à Kano : Kano is more filled with houses in the walls than when I was here formerly particularly towards the south and East– the increase is from refugees from Nyffe– fled to avoid the civil war which is desolating their country– and from peoples who had fled from the Eastern frontier to avoid the war there, Jamie Bruce Lockhart, Paul Lovejoy (éd.), Hugh Clapperton into the Interior of Africa. Record of the Second Expedition 1825-1827, Leyde/Boston, Brill, 2005, p. 271.
32 Jean-Pierre Olivier de Sardan, Les sociétés songhay-zarma (Niger-Mali). Chefs, guerriers, esclaves, paysans…, Paris, Karthala, 1984, p. 104.
33 Dorugu : Some times after the death of my sister, I heard news of war approaching our town. We left in the night and fled a distance of two or three days’journey. But the rumor turned to be untrue. […] About a year later, we heard a rumor that another town was preparing to make war to our town. We fled to the bush again, but not very far from town, and there we slept, Anthony Kirk-Greene, Paul Newman (éd.), West African Travels and Adventures : Two Autobiographical Narratives from Northern Nigeria, the Life and Travels of Dorugu, the Story of Maimana of Jega, Chief of Askira, as Told by Himself, New Haven/Londres, Yale University Press, 1971, p. 31-32.
34 Erwin de Bary, Le dernier rapport…, op. cit., p. 162-164.
35 Tradition orale sur la fondation du village de Maani : « Il dressa ses huttes dans des buissons et s’y installa avec sa famille pour se tenir à l’écart de la guerre. Quand la guerre se fut calmée, il sortit du buisson et reconstruisit ses huttes non loin d’un marigot qu’il nomma Kanku et qui, à présent, est appelé Tabkin-Kanku », Issaka Dankoussou (éd.), Katsina : traditions historiques des Katsinaawaa après la Jihad, Niamey, Centre régional de documentation pour la tradition orale/CNRSH, 1970, p. 104.
36 Heinrich Barth, Travels and Discoveries…, op. cit., tome 3, p. 554.
37 Zakari Maikorema, Contribution…, op. cit., p. 5.
38 André Bourgeot, Les sociétés touarègues…, op. cit., p. 145.
39 Diouldé Laya, « Migration et intégration », art. cité, p. 85.
40 Heinrich Barth, Travels and Discoveries…, op. cit., tome 1, p. 396.
41 Ibid., p. 580.
42 Stephen Baier, An Economic History of Central Niger, op. cit., p. 14-26.
43 Singulier mallam, mot haoussa d’origine arabe signifiant enseignant, lettré.
44 Dorugu, dans Anthony Kirk-Greene, Paul Newman, West African…, op. cit., p. 34.
45 Heinrich Barth, Travels and Discoveries…, op. cit., tome 1, p. 551.
46 Détail de la carte en fin de volume, dans Edward Bovill (éd.), Mission to the Niger, IV, The Bornu Mission, 1822-1825, Part 3, Cambridge, Cambridge University Press, 1966.
47 Clapperton, dans Jamie Bruce Lockhart (éd.), Clapperton in Borno. Journal of the Travels in Borno of Lieutenant Hugh Clapperton, RN, from January 1823 to September 1824, Cologne, Rüdiger Köppe Verlag, 1996, p. 183-184.
48 El-Fellati, dans Sydney Kanya-Forstner, Paul Lovejoy (éd.), Pilgrims…, op. cit., p. 37.
49 Annexe II - Calendrier des déplacements et des activités au xixe siècle, p. 437-439.
50 El-Fellati, dans Sydney Kanya-Forstner, Paul Lovejoy (éd.), Pilgrims…, op. cit., p. 43.
51 I had hoped to get off on the 6th ; but nothing was heard from the governor, and it would have been imprudent to start without permission, Heinrich Barth, Travels and Discoveries…, op. cit., tome 1, p. 503.
52 Erwin de Bary, Le dernier rapport…, op. cit., p. 20.
53 Dans l’Enneri Kogou, chez Dirkoui, le plus âgé des Maïna : « Quelques instants après, survinrent et le dissert [sic] Derdêkorê et le taciturne Keidomi. Le premier, entrant brusquement en matière, se mit à m’expliquer verbeusement comme quoi d’un jour à l’autre ils s’attendaient à un coup de main des Boulguedâs ; comme quoi, conséquemment, ils n’étaient pas en état de répondre de ma sûreté, comme quoi aussi ce serait une honte pour eux s’il m’arrivait quelque chose de fâcheux sur leur territoire. Il ajouta que, même à l’égard des gens du pays, on ne pouvait me donner aucune garantie, tant que je n’aurais pour voyager un permis officiel du Dardaï et du conseil des Maïnas. Il termina en me disant que je ne devais pas songer à une excursion dans l’enneri Marmar et ailleurs, et, comme je lui demandais si j’étais du moins libre de remonter le Zouar jusqu’à son extrémité, je me heurtais aux mêmes raisons, que l’événement devait d’ailleurs confirmer », Gustav Nachtigal, Sahara et Soudan, op. cit., tome 1, p. 168.
54 Sur Ikhenoukhen et Duveyrier : Dominique Casajus, Henri Duveyrier…, op. cit., p. 75-89.
55 Henri Duveyrier, Journal de route, op. cit., p. 185.
56 Major Denham, capitaine Clapperton, feu le docteur Oudney, Voyages et découvertes…, op. cit., tome 2, p. 281.
57 Comme on le voit chez von Beurmann : « J’ai pris des renseignements sur l’état des autres routes. L’une conduit à Bari et à Fottri en passant par Afasé, Makari (un grand marché Yadina) et Schauy, l’autre à Masena en passant par Logon. Inondées les deux prochains mois, ces deux routes sont inaccessibles aux chameaux : je serai obligé de patienter », Karl Moritz von Beurmann, Voyages et explorations…, op. cit., p. 136.
58 Jeanne Françoise Vincent, « Sur les traces du major Denham : le Nord-Cameroun il y a cent cinquante ans. Mandara, Kirdi et Peul », Cahiers d’études africaines, 72/XVIII-4, 1978, p. 597.
59 Major Denham, capitaine Clapperton, feu le docteur Oudney, Voyages et découvertes…, op. cit., tome 2, p. 246-247.
60 Gerhard Rohlfs, Voyages et exploration…, op. cit., tome 2, p. 164.
61 Comme le signal Clapperton dans son journal le 26 mai 1822, alors que l’expédition est bloquée à Mourzouk : A report was brought to us that 4 Arabs had returned after attempting for 2 months to get to Soudan– being prevented by the war between the black and white Tuaricks– this is another manoeuvre, Hugh Clapperton, Difficult and Dangerous Roads, op. cit., p. 73 ; ou encore le major Laing dans une lettre au capitaine E. Sabine rédigée à In Salah le 1er janvier 1826 : The communication between this place and Timbuctoo has for upwards of a year been suspended by the unsafe state of the road, and there are many merchants from different parts who have been waiting for six, seven, eight and ten months, in the expectation of a favourable moment to commence their journey, Edward Bovill (éd.), Mission to the Niger, I, op. cit., p. 292.
62 « La caravane partie peu de jours avant nous avec le Ghadamsi est encore ici ; elle attend son guide qui est dans les dunes à la chasse du beguer, antilope oryx ou leucoryx », Henri Duveyrier, Journal de route, op. cit., p. 148.
63 Mot haoussa signifiant leader d’une caravane, chef de caravane.
64 Djibo Hamani, L’Adar précolonial, op. cit., p. 219 ; Camille Lefebvre, « Ce que l’itinéraire… », art. cité, p. 14-15.
65 Mot arabe désignant la première sourate du Coran. Le premier verset de cette sourate est utilisé en de multiples occasions de la vie courante, en particulier avant d’entreprendre une action ou d’entamer un voyage.
66 El-Fellati, dans Sidney Kanya-Forstner, Paul Lovejoy (éd.), Pilgrims…, op. cit., p. 91.
67 Comme le décrit Clapperton, Edward Bovill (éd.), Mission to the Niger, IV, op. cit., p. 638.
68 El Hadj Mohammed Boubekeur est un des pèlerins interrogés par les agents français en Tunisie. Il leur a déclaré être un descendant d’Ousman dan Fodio et un cousin du leader Mahdiste Hayatu ibn Sa’id. L’enquête menée par Paul Lovejoy n’a pas pu déterminer s’il disait vrai. Pour sa biographie et l’analyse critique de son témoignage, Sidney Kanya-Forstner, Paul Lovejoy (éd.), Pilgrims…, op. cit., p. 14-16.
69 Boubekeur, dans Sidney Kanya-Forstner, Paul Lovejoy (éd.), Pilgrims…, op. cit., p. 162.
70 Even after we had crossed we were not allowed to continue our journey to the capital before the messenger, who had been sent there to announce our arrival, had returned with the express permission that we might go on, Heinrich Barth, Travels and Discoveries…, op. cit., tome 2, p. 315-316.
71 Friedrich Hornemann, Voyage…, op. cit., p. 140.
72 Le 25 avril : « Nous aperçûmes à 5 h, depuis une hauteur, l’oasis du Kaouar qui s’étendait devant nous. On tira des coups de fusil en signe de joie ; Maïna Adem jeta sur ses habits de voyage un splendide vêtement tout à fait digne d’un prince. Il avait mis la veille au cheval qu’il montait un riche harnais brodé d’or et une selle avec des étriers dorés. Arrivé au village d’Anay, il sauta à terre pour recevoir l’hommage des habitants », Gerhard Rohlfs, Voyages et exploration…, op. cit., tome 2, p. 210-211.
73 « Bilma où nous sommes arrêtés aujourd’hui est la capitale des Tibbous et la résidence de leur sultan. Nous le trouvâmes qui était venu à notre rencontre, accompagné d’une cinquantaine d’hommes armés et d’une centaine de femmes, la plupart des hommes avaient des arcs et des flèches, tous portaient des lances : ils s’approchèrent de Bou-khaloum en les brandissant en l’air au-dessus de sa tête. Après ce salut, nous nous acheminâmes tous vers la ville : les femmes dansaient et se trémoussaient en criant et chantant d’une manière qui nous paraissait bien singulière », récit de Denham, major Denham, capitaine Clapperton, feu le docteur Oudney, Voyages et découvertes…, op. cit., tome 1, p. 148.
74 Guy Nicolas, Don rituel et échange marchand dans une société sahélienne, Paris, Institut d’ethnologie, 1986.
75 Henri Duveyrier, Journal de route, op. cit., p. 149.
76 Bien qu’il n’y ait pas d’appropriation privative du sol et que la notion de possession individuelle et définitive du sol n’existe pas, les déplacements, tout comme l’exploitation et l’occupation du sol sont ségrégatifs et discriminatoires, Guy Nicolas, Notes ethnographiques sur le terroir, l’agriculture et l’élevage dans la vallée de Maradi, Niamey (Études nigériennes, 8), 1963, p. 5 ; Jean-Pierre Olivier de Sardan, Les sociétés songhay-zarma, op. cit., p. 101 ; André Bourgeot, Les sociétés touarègues, op. cit., p. 149.
77 Benedetta Rossi, Ader : Governing the Desert Edge, op. cit., introduction.
78 Abdullahi Mahadi, « The Military and Economic Nerve of the Sokoto Caliphate : An Examination of the Position of Kano within the Caliphate », dans Bawuro Barkindo (dir.), Kano and Some of her Neighbours, Kano, Ahmadu Bello University Press, 1989, p. 191-192.
79 I was rather astonished to hear that the Asbenawa do not pay passage money to the governor according to the number of their camels, but that every freeman among them makes him a present of one kantu of salt. For every beast of burden, be it pack-ox or donkey, five hundred kurdi are generally paid, Heinrich Barth, Travels and Discoveries…, op. cit., tome 1, p. 456.
80 J. Björkman, « Maks », Encyclopédie de l’Islam, Paris, Maisonneuve et Larose, 1960, p. 178.
81 One of the way of their government is to impose tax on merchants, and other travelers, dans Mervyn Hiskett, « Kitāb al-farq : A Work on the Habe Kingdoms Attributed to ‘Uṯẖmān dan fodio », Bulletin of the School of Oriental and African Studies, 23/3, 1960, p. 568.
82 C’est le cas de Barth qui observe à Kano qu’une taxe de 500 cauris est prélevée sur les chevaux, les bœufs et les charges de natron qui passent par la ville, Heinrich Barth, Travels and Discoveries…, op. cit., tome 1, p. 515.
83 21 juillet 1854 : We proceeded on our march, not now digressing to the right and left, but following a broad, well-trodden path, which led us through carefully cultivated corn-fields, been overtaken, near the village of Gandutan, by a band of some three or four Songhay people, who had rather a warlike and enterprising appearance, and were very well mounted. […] They had taken me for a Ghadamsi merchant, who wanted to pass through their territory without making them a suitable present, ibid., tome 3, p. 519-520.
84 « Chose curieuse, un Ghadamésien qui va au Soudan, par Ghât, n’a point de taxe à payer ; mais il donne 40 rial au retour. Les Tebous de Djiouaï et d’Aguelal paient à Ikhenoukhen seul une somme de 2 rial par tête d’esclave ou par charge de chameau. Les Kel Ouis sont exempts de toute taxe », Erwin de Bary, Le dernier rapport…, op. cit., 1898, p. 18.
85 3 février 1853 : The petty chief of Gazawa and his people had been much afraid, after they had received the news of my approach, that I might take another road, in order to avoid making them a present, which has the same value as the toll in a European country. He told me that they had already sent off several horsemen in order to see what direction I had pursued, and he expressed his satisfaction that I had come to him of my own free will, Heinrich Barth, Travels and Discoveries…, op. cit., tome 3, p. 81.
86 Le 3 décembre 1852 : The following day we crossed the river ourselves. I had some difficulty in concluding the bargain, the inhabitants, who belong to the Tedbu-Zenghi, making at first rather exorbitant demands, till I satisfied them with a dollar, Heinrich Barth, Travels and Discoveries…, op. cit., tome 3, p. 35.
87 We have had sad work about water Mina Taher wanting his fees– or as much as he can get from the Arabs before he will let them have water or even us through Major D has given him a good Tobe, a Turkadee and a red cap yet he wants me to give him another, Hugh Clapperton, Difficult and Dangerous Roads, op. cit., p. 258.
88 Maïna Adem est le frère du souverain du Kaouar de l’époque.
89 Gerhard Rohlfs, Voyages et exploration…, op. cit., tome 2, p. 208.
90 Lorsque Erwin de Bary essaye de convaincre son interlocuteur de le mener à Agadez, celui-ci lui répond que s’il le désire « expressément il [le] mènerait à Agadès, mais qu’il ferait d’abord pressentir le Sultan pour savoir s’il voulait [le] prendre sous sa protection, qu’il valait mieux le savoir d’avance plutôt que de se faire refuser l’accès à la ville », Erwin de Bary, Le dernier rapport…, op. cit., p. 138.
91 Anne Haour, « Power and Permanence… », art. cité, p. 555.
92 Déformation du mot felatah signifiant peul en kanouri.
93 Déformation du mot fulani signifiant peul en haoussa.
94 El-Fellati, dans Sidney Kanya-Forstner, Paul Lovejoy (éd.), Pilgrims…, op. cit., p. 39.
95 Major Denham, capitaine Clapperton, feu le docteur Oudney, Voyages et découvertes…, op. cit., tome 1, p. 216-221.
96 Denham, dans Edward Bovill (éd.), Mission to the Niger, II, The Bornu Mission, 1822-1825, Part 1, Cambridge, Cambridge University Press, 1966, p. 245-246.
97 El-Fellati, dans Sidney Kanya-Forstner, Paul Lovejoy (éd.), Pilgrims…, op. cit., p. 59.
98 Atego the brother of Mohammed Bello– both by father and mother– attempted to usurp the government at the death of Sheikh Othman but his brother put him down and confined him to his house for a twelve month, Clapperton, dans Jamie Bruce Lockhart, Paul Lovejoy (éd.), Hugh…, op. cit., p. 303.
99 There is a large castle in the town in which lives the deposed Sultan– who is not allowed to come outside its walls by an order of the Sheikh El Kanami who deposed him about […] years ago for being inclined to join the sultan of Bagermie– and his principal men he sent into banishment to Soudan, Jamie Bruce Lockhart (éd.), Clapperton in Borno, op. cit., p. 114-115.
100 El-Fellati à propos de Boukhari qui s’est réfugié en territoire bornouan : « L’émir de Sokoto écrivit à Kouka pour obtenir qu’on l’expulsât mais Cheikh Omar s’y refusa », dans Sidney Kanya-Forstner, Paul Lovejoy (éd.), Pilgrims…, op. cit., p. 60. Pour la biographie et la critique du témoignage de Messaoud Djebari, ibid., p. 5-14.
101 The (Sultan) ordered the governors of his towns to take captive all who travelled to the Shaikh, Ibn Muhammad Abdullah, Tazyin al-Waraqat, op. cit., p. 108.
102 Djebari, dans Sidney Kanya-Forstner, Paul Lovejoy (éd.), Pilgrims…, op. cit., p. 119.
103 Erwin de Bary, Le dernier rapport…, op. cit., p. 138.
104 Dans le récit de Denham, Edward Bovill (éd.), Mission to the Niger, III, The Bornu Mission 1822-1825, Part 2, Cambridge, Cambridge University Press, 1966, p. 410.
105 « Les rapports de l’Aïr avec les Hoggar sont en ce moment très tendus, car lors du pillage de la caravane des Ihadanaren au puits de Tadent, les Hoggar ont pris des marchandises qui appartenaient aux Kel-Ouï et environ mille thalers d’argent monnayé. Toufik est allé en ambassadeur dans l’Ahaggar, et Hadj Bilkhou me déclare que, si ces objets ne sont pas rendus, aucun des Hoggar ne pourra plus mettre le pied sur son territoire : et alors ils n’auront plus de pays où ils puissent acheter leur grain et les autres choses dont ils ont besoin », Erwin de Bary, Le dernier rapport…, op. cit., 1898, p. 130.
106 Heinrich Barth, Travels and Discoveries…, op. cit., tome 1, p. 580.
107 « En conséquence il fut ordonné par une proclamation et sous peine de mort à tous les Touaricks de cette tribu de quitter dans les trois jours les États de Bello », major Denham, capitaine Clapperton, feu le docteur Oudney, Voyages et découvertes…, op. cit., tome 3, p. 118.
108 André Salifou, Le Damagaram ou sultanat de Zinder au xixe siècle, Niamey (Études nigériennes, 27), 1971, p. 60.
109 L’institution de représentants de différents groupes d’étrangers à la cour se retrouve dans plusieurs systèmes politiques de la région, à travers le titre de serkin turawa ou shaikh al’Arab, titre en haoussa et en arabe. Ce personnage était dans la plupart des sultanats de la région une des personnalités les plus importantes, il était parfois d’origine étrangère, parfois autochtone, parfois d’origine servile. Ses fonctions étaient elles aussi variables mais étaient liées aux relations avec l’extérieur ou avec d’autres communautés.
110 Mohammed el-Fellati : « Le Bey de Zinder, dont on évite ainsi le pays et qu’on prive par conséquent du droit de passage auquel il croit avoir droit, n’aime pas voir les caravanes prendre le chemin de Tessaoua, et, comme il a une action sérieuse sur les Touaregs Kel-Ouï, qui sont tous propriétaires dans son pays et ont leur centre commercial à Zoungo, il est en mesure d’imposer ses préférences à cet égard », dans Sidney Kanya-Forstner, Paul Lovejoy (éd.), Pilgrims…, op. cit., p. 94.
111 « Quand il me fut permis de le quitter, et de rejoindre mes anciens camarades, je les trouvai dans la joie et en grande gaieté d’être si près du lieu où ils avaient des maisons et des familles. Leur gaîté reçut cependant un échec, car les officiers du sultan vinrent au-devant de nous pour prendre note des balles et des marchandises, ce qui ne se faisait ordinairement qu’aux portes de Mourzouk ; et avant d’y arriver, les marchands disposaient au moins d’un tiers de leurs marchandises, afin d’éviter les droits. Quelques-uns néanmoins avaient trouvé moyen de mêler leur bagage avec celui des pèlerins qui ne payent pas de droits. De mauvaise humeur de ce qui venait de se passer, nos marchands de la caravane consentirent à une proposition du Sheikh, de faire une marche forcée pour aller à Tragen, où nous arrivâmes au coucher du soleil », Friedrich Hornemann, Voyage…, op. cit., p. 162.
112 Le lendemain à Agar : « Là, j’eus beaucoup de peine à trouver les provisions nécessaires aux gens et aux animaux car une grande partie des habitants avaient quitté leur village natal en raison d’une augmentation des miri [taxes]. Ce moyen est très pratiqué par les Arabes qui ne possèdent pas de propriétés terriennes pour ne pas s’acquitter de leurs droits », Karl Moritz von Beurmann, Voyages et explorations, op. cit., p. 126.
113 Moïse Landeroin, « Notice historique du Tchad au Niger dont les renseignements ont été recueillis par l’officier interprète Landeroin », dans Capitaine Tilho, Documents scientifiques de la Mission Tilho (1906-1909), Paris, Imprimerie nationale, 1909, tome 2, p. 448 ; André Salifou, Le Damagaram, op. cit., p. 88. André Salifou reprend intégralement le passage de Landeroin, sans indiquer si cette information lui a été confirmée lors de ses enquêtes sur le terrain.
114 On retrouve ici le modèle décrit par Igor Kopytoff (dir.), The African Frontier. The Reproduction of Traditional African Society, Bloomington, Indiana University Press, 1987.
115 The Shaikh [Ousman dan Fodio] sent word to him (saying) “I will not forsake my community, but I will leave your country, for God’s earth is wide” ! Then we made ready to emigrate, and he sent word to the shaikh [Sheikh du Gobir] that he should not leave his place. The shaikh [Ousman dan Fodio] refused, and we emigrated to a place on the far borders of his lands, in the deserts places, called Qudu, Ibn Muhammad Abdullah, Tazyin al-Waraqat, op. cit., p. 108.
116 À titre d’exemple : « Mais Funtuwa ne devint village peuplé qu’au moment où un chasseur dénommé Angoo vint s’installer dans cette brousse en compagnie de ses gens ; ensemble, ils prirent place tout près du rocher », Issaka Dankoussou, Katsina, op. cit., p. 172-174.
117 Adell Jr Patton, « An Islamic Frontier Polity : the Ningi Mountains of Northern Nigeria, 1846-1902 », dans Igor Kopytoff (dir.), The African Frontier, op. cit., p. 195-213.
118 « Ce prince, mécontent d’observations qu’il s’était attiré de la part du Conseil de l’empire pour des actes injustes, réunit quelques partisans et alla avec eux se créer un domaine au détriment des populations païennes encore insoumises qui subsistent au centre de la grande province de Zezzaou », Mohammed el-Fellati, dans Sidney Kanya-Forstner, Paul Lovejoy (éd.), Pilgrims…, op. cit., p. 62.
119 Runaway slaves, from all parts of Haussa, fly to Zirmee as an asylum, where there are always welcome, Clapperton, dans Edward Bovill (éd.), Mission to the Niger, IV, op. cit., p. 705.
120 Paul Lovejoy, « Resistance to Slavery and Problems of Slave Control », dans Id., Slavery, Commerce and Production in the Sokoto Caliphate of West Africa, Trenton, Africa World Press, 2005, p. 228-229.
121 Abdoulaye raconte ainsi la fuite des partisans d’Ousman dan Fodio suite aux premières persécutions liées au jihad : Then they began to persecute the Muslims who were in their midst so that the Muslims fled to a far place, Ibn Muhammad Abdullah, Tazyin al-Waraqat, op. cit., p. 114.
122 Murray Last, « Le califat de Sokoto et le Borno », dans Ade Ajayi (dir.), L’Afrique au xixe siècle jusque vers les années 1880, Paris, Unesco, 1996, p. 622.
123 El-Fellati, dans Sidney Kanya-Forstner, Paul Lovejoy (éd.), Pilgrims…, op. cit., p. 57.
124 Major Denham, capitaine Clapperton, feu le docteur Oudney, Voyages et découvertes…, op. cit., tome 2, p. 101-102.
125 À propos de sarkin Katsina Magajin Haladu, 38e chef (1806-1807) : « Ce fut le dernier des chefs autochtones que les Peuls chassèrent pour prendre le pouvoir. Il s’était sauvé et réfugié à Damagaram ; de là il s’était dirigé par Taasaawaa et revint enfin à Maradi où il se fixa pour le restant de sa vie », Issaka Dankoussou, Katsina, op. cit., p. 56.
126 Amadou Hampâté Bâ, Jacques Daget (éd.), L’Empire peul du Macina (1818-1853), Bamako, IFAN (Études soudanaises, 3), 1955, p. 127.
127 Yves Urvoy (éd.), « Chronique d’Agadez », Journal de la Société des africanistes, IV, 1934, p. 145-177.
128 Djibo Hamani, Au carrefour du Soudan et de la Berbérie. Le sultanat touareg de l’Ayar, Niamey, Institut de recherches en sciences humaines, 1989, p. 18 et 150-152. Le statut de ce manuscrit et la date de sa rédaction sont problématiques, Benedetta Rossi a démontré que la copie que nous connaissons a été produite au moment de la conquête par la cour du sultan pour justifier de son pouvoir. Dans la mesure où aucune version antérieure n’a jusqu’ici été identifiée, il n’est pas possible d’établir une datation pertinente, Benedetta Rossi, manuscrit inédit communiqué par l’auteur en juillet 2012.
129 C’est en ces termes que la fonction du puits d’In Azaoua au xixe siècle est encore expliquée aujourd’hui à Agadez, note de terrain, avril 2002, entretien réalisé par l’auteur à Agadez, à la cour du sultan Ibrahim Oumarou le 28 avril 2002. Pour les détails concernant l’entretien, voir infra, p. 491-492.
130 Un des itinéraires recueillis par Richardson indique par exemple : « Tidik, premier pays du district d’Aheer », James Richardson, Routes du Sahara : itinéraire dans l’intérieur du grand désert d’Afrique, Paris, L. Martinet, 1850, p. 15.
131 Erwin de Bary, Le dernier rapport…, op. cit., 1898, p. 113.
132 El-Fellati, dans Sidney Kanya-Forstner, Paul Lovejoy (éd.), Pilgrims…, op. cit., p. 2 et 73.
133 Les déboires d’Erwin de Bary à Iférouane montrent la difficulté pour un voyageur seul, venant de loin, de faire valoir cette exemption, Erwin de Bary, Le dernier rapport…, op. cit., p. 113-122.
134 Serkin turawa, titre haoussa désignant une des principales personnalités de l’administration du sultanat d’Agadez. Souvent d’origine servile, il joue le rôle de vizir auprès du sultan. Son influence découle de son rôle : dans un contexte dominé par les relations commerciales, c’est lui qui rassemble l’essentiel des revenus du sultan par la perception du fito, Djibo Hamani, Au carrefour du Soudan et de la Berbérie, op. cit., p. 290-294.
135 Entretien réalisé par l’auteur à Agadez, à la cour du sultan Ibrahim Oumarou le 28 avril 2002. Pour les détails concernant l’entretien, voir infra, p. 491-492.
136 André Salifou, Le Damagaram, op. cit., p. 140.
137 Hatita ag Khuden est un notable Imanghasaten (Touareg Ajjer). Il a connu Lyon en 1820, accompagné Clapperton, Denham et Oudney à Ghât, et Laing de Ghadamès à In Salah. Théodore Monod, Le dernier voyage de Laing de Tripoli à Tombouctou 1825-1826, Paris, Société française d’histoire d’outre-mer, 1977, p. 7.
138 As for the other Tuariks, Hateetah expected, I make it a rule to refuse what they ask, otherwise I should be annoyed every day with their importunities, James Richardson, Narrative…, op. cit., tome 1, p. 144.
139 Henri Duveyrier, Les Touareg du Nord, op. cit., p. 355.
140 The 2nd and 3rd of July we stopped at Ailouah. Hateetah came to my tent the first day with a long face, and said, as I foresaw, that we must all go to Ghât, and abide the pleasure of the Tuaricks ; also that we must wait for the return of a caravan from Aheer. I protested against this latter pretence, and he got up and went off in a pet. Next morning I sent word to his tent that I could not stay at Ghât an indefinite period ; that my means would not allow me ; and, therefore, that we must still protest against this arrangement. He answered that he would assemble all the notables of Ghât and ask their counsel. To this I could have no objection, and we are friends again. But I keep as far from the Tuaricks as I can, and do not visit them. I find this to be the best policy, James Richardson, Narrative…, op. cit., tome 1, p. 133.
141 « Il nous raconta ainsi que nous avions terriblement désappointé les Touaregs établis aux environs en ne venant pas à Arikim », Heinrich Barth, dans Suzanne Bernus (éd.), Henri Barth…, op. cit., p. 30 ; Richardson fait un récit semblable : There were many people waiting to see you at Aroukeen. They were much disappointed at your not coming. They said, ‘ The Christian must pass this way’It appears that a whole tribe of Tuaricks were waiting for us, to beg, and to eat up, as the Arabs graphically express it. In this respect we have been fortunate in not finding the Tuaricks on our line of route, James Richardson, Narrative…, op. cit., tome 1, p. 193-194.
142 Ibid., p. 204.
143 Jean-Pierre Olivier de Sardan, Les sociétés songhay-zarma, op. cit., p. 103.
144 « Mr Richardson supposait que, parce que nous avions passé la frontière imaginaire entre les territoires Azkar et Kel Owi, nous étions hors d’atteinte de toute attaque venue du nord. Il s’entêtait à considérer comme absurde et impensable l’éventualité que cette frontière puisse aisément être traversée par des tribus nomades vagabondes, affirmant que ces limites étaient respectées plus scrupuleusement que la frontière autrichienne, malgré ses nombreux douaniers. Mais sa théorie de la diplomatie du désert devait bientôt être infirmée, à sa grande déception, et à nos dépens à tous », Heinrich Barth, dans Suzanne Bernus (éd.), Henri Barth…, op. cit., p. 38.
145 Ibid., p. 54-55.
146 Robert Smith, « Peace and Palaver : International Relations in Pre-Colonial West Africa », The Journal of African History, 14/4, 1973, p. 599-621 ; Thomas Hodgkin, « Diplomacy and its Diplomats in the Western Sudan », dans K. Ingham (dir.), Foreign Relations of African States, Londres, Butterworths, 1995, p. 3-24 ; Bernard Salvaing, « Écriture, pouvoir, religion dans les sociétés islamiques ouest-africaines », dans Alain Bresson, Anne-Marie Cocula, Christophe Pebarthe (dir.), L’écriture publique du pouvoir, Bordeaux, Ausonius, 2005, p. 75-88.
147 Jean-Louis Triaud, « Idris Alaoma », dans Les Africains, Paris, Éditions Jeune Afrique, 1977, p. 45-71.
148 Il n’existe pas d’analyse ou de traduction récente de ce manuscrit, contrairement à l’autre manuscrit d’Ibn Furtu, Kitab Ghazawat Barnu. Il existe trois traductions partielles ou anciennes, deux de l’arabe à l’anglais : James W. Redhouse, « Translation of the Original of An Account of Many Expedition Conducted by the Sultan of Bornou », Journal of the Royal Asiatic Society of Great Britain and Ireland, XIX, 1862, p. 199-259 ; sir Richmond Palmer, History of the First Twelve Years of the Reign of Mai Idris Alooma of Bornu (1571-1533) by his Imam : Ahmed Ibn Fartua ; Together with the “Diwan of the Sultans of Bornu” and “Girgam” of the Magumi, Lagos, Government Printer, 1926 ; une de l’arabe au haoussa, Hausawa da makwabtansu, Zaria, The Northern Nigerian Publishing Company, 1971, tome 2. J’ai privilégié la traduction de Redhouse considérée comme de meilleure qualité, Dierk Lange, A Sudanic Chronicle : the Borno of Idris Alauma (1564-1576), Stuttgart, Franz Steiner Verlag, 1987, p. 16-17.
149 James W. Redhouse, « Translation », art. cité, p. 118.
150 Traductions et analyses de ces correspondances : Bradford G. Martin, « Mai Idris of Bornu and the Ottoman Turks, 1576-78 », International Journal of Middle East Studies, 3/4, 1972, p. 470-490 ; Muhammad Al-Hajj, « Copy of a Letter from the Ottoman Sultan Murad III to Mai Idris Aloma, Dispatched 5 rabi Awwal 985 (23 May 1577) », dans Yusufu Bala Usman, Nur Alkali (dir.), Studies in the History of Pre-Colonial Borno, Zaria, Northern Nigeria Publishing Company, 1983, p. 167-170 ; Jean-Louis Triaud, « Idris Alaoma », art. cité, p. 61 ; Zakari Maikorema, Les raisons d’une ambassade bornouane au Maroc en 1583, une réinterprétation, Rabat, université Mohammed V, 1991, p. 17 ; Jean-Claude Zeltner, Tripoli carrefour de l’Europe et des pays du Tchad (1500-1795), Paris, L’Harmattan, 1992, p. 143-146 ; Abdoulhadi Hamit, La piste du commerce transsaharien Tripoli-lac Tchad, étude d’anthropologie historique, thèse de doctorat, dirigée par Pierre-Philippe Rey, Paris 8, 1998, p. 357-364.
151 Furthermore, we have understood your request that the caravans and the wandering merchants who traverse the waste-lands and the deserts, and the other travelers who ride the seas, be allowed to pass, as they wish, within our well defended and extensive domains, from one city to another, in safety and security, Muhammad Al-Hajj (trad.), « Copy », art. cité, p. 167-170.
152 And your aforementioned messenger has informed us of your petition, addressed to our noble person that the fortress known as Q. ran should be ceded to you. You are well aware that it is not one of the precepts of our mighty forefathers, nor the custom of our generous ancestors, to cede any part of the citadels which have come under their rule, and which they have administered. Had it not been for this point, the thing claimed would have been handed over legally, for we have discovered that our mighty followed this same scheme. On receiving our noble letter, you must continue to restrain the region under your rule, to protect the frontiers, and to guard the existing fortresses within the compass of your wilaya, Bradford G. Martin, « Mai Idris of Bornu and the Ottoman Turks », art. cité, p. 474-476.
153 Louis Brenner, « The Jihad Debate between Sokoto and Borno : An Historical Analysis of Islamic Politicla Discourses in Nigeria », dans John D. Y. Peel, Ade Ajayi (dir.), People and Empire in African History : Essays in Memory of Michael Crowder, Londres, Longman, 1992, p. 23. Cette correspondance nous est connue par le récit qu’en a fait Mohammed Bello dans l’Infaq al-maysur. Plusieurs traductions existent de cet échange épistolaire : Edward Arnett (éd.), The Rise of the Sokoto Fulani, op. cit., p. 99-109 ; Thomas Hodgkin, Nigerian Perspectives. An Historical Anthology, Londres, Oxford University Press, 1960, p. 198-205 ; Octave Houdas, « Protestation des habitants de Kano [sic] contre les attaques du sultan Mohammed Bello », dans Eduardo Saavedra, Homenaje à D. Francisco Codera, Saragosse, Mariano Escar, 1904, p. 121-131, la traduction française contient dans son titre et dans le texte une erreur d’identification, la protestation n’émane pas des représentants de Kano mais du Bornou.
154 Louis Brenner, « The Jihad Debate… », art. cité, p. 25-26.
155 I wrote to those of your brothers who live near us asking them the reason and instigation of their transgression and they returned me a weak answer, not such as come from an intelligent man, such less from a learned person, let alone a reformer. They listed the names of the books, and we examined some of them, but we do not understand from them the things which they apparently understood. Then, while we were still perplexed, some of them attacked our capital […]. So, when our land was thus confined and we found no place even to dwell in, we rose in defence of ourselves, Thomas Hodgkin, Nigerian…, op. cit., p. 199 ; Octave Houdas, « Protestation… », art. cité, p. 127-128 ; Edward Arnett (éd.), The Rise of the Sokoto Fulani, op. cit., p. 102.
156 Sidi Mohammed Mahibou, Jean-Louis Triaud, Voilà ce qui est arrivé. Bayan ma Waqaa d’al-Hagg Umar al-Futi. Plaidoyer pour une guerre sainte en Afrique de l’Ouest au xixe siècle, Paris, Éditions du CNRS, 1983, p. 38.
157 Selon la tradition orale recueillie par l’officier interprète Landeroin pendant la conquête coloniale lors de la mission Tilho entre 1906 et 1909, El Kanemi aurait envoyé un courrier à Mohammed Bello, Moïse Landeroin, « Notice historique », art. cité, p. 362-363. Palmer a lui aussi recueilli la trace de cet échange diplomatique, Herbert Palmer, The Bornu Sahara, Londres, John Murray, 1936, p. 269.
158 Louis Brenner, The Shehus of Kukawa. A History of the Al-Kanemi Dinasty of Bornu, Oxford, Clarendon Press, 1973, p. 55-56.
159 Mohammed Manga a hérité du leadership du jihad au Bornou, à la mort de son père Gwoni Muktar en 1809. Il était établi à Deya d’où El Kanemi le chassa dans la campagne à laquelle il est fait référence ici, Louis Brenner, The Shehus…, op. cit., p. 55-58.
160 Comme Clapperton en fait le récit : It seems the sheik, before he entered the territory of Houssa, had sent to the governors of Katagum, Hadiga, Lamema, and Kano, to say he was not at war with Bello or his people, but at peace ; that he had only come to take Mohammed Mungo and Mohammed Nema, two of the Fellata chiefs on the frontiers, who were constantly invading Bornou, and carrying off the inhabitants and cattle, Jamie Bruce Lockhart, Paul Lovejoy (éd.), Hugh…, op. cit., p. 332.
161 Charles C. Stewart, « Frontier Disputes and Problems of Legitimation : Sokoto-Masina Relations 1817-1837 », The Journal of African History, 17/4, 1976, p. 508-511.
162 À propos de l’entrée en dissidence et du départ de Geladio d’Hamdallahi en 1818 : « Il traversa la plaine de Bankassi, le pays Yatenga, le Dyilgodyi et pénétra dans le Liptako, territoire dépendant de Bello, le sultan de Sokoto, successeur d’Ousman dan Fodia. Hadji s’arrêta à Béléhédé, dans le Dyilodyi, dont le marigot était considéré comme la limite du Macina. Il revint bredouille », Amadou Hampâté Bâ, Jacques Daget (éd.), L’empire…, op. cit., p. 127.
163 Formule arabe signifiant prince des croyants. Mohammed Bello, à la suite de son père, a adopté le titre d’amir al-mu’minim, en haoussa sarkin musulmi. Mais il n’est pas le seul à utiliser ce titre. Cheikh Ahmad du Macina l’utilise aussi, ainsi que les sultans du Bornou ou de l’Aïr, Murray Last, The Sokoto Caliphate, op. cit., p. 46-47.
164 After this, and if this letter of ours reaches you, we have to inform you that our son, Abu Bakr, has notified us the outbreak of disturbances between him and your minister, the lord of Katagum, in the matter of the boundaries which exist between us and you ; and if you confirm what the two agreed upon, and if you are satisfied with it, then the matter is settled, and the torrent has receded to its source. Now if Allah the Exalted wills, there shall not be from our side anything but good, and reliance on the treaty and security upon the former basis, Adrian D. H. Bivar (éd.), « Arabic Documents of Northern Nigeria », Bulletin of the School of Oriental and African Studies, 22/1-3, 1959, p. 333.
165 « Ainsi le territoire est partagé : depuis les Gueroud appelées Ourqa, depuis les collines pierreuses d’Aremkar, c’est aux Arna et à gauche c’est aux Tomagra. Le puits qui s’appelle Billaharada est aux Arna. Depuis le puits de Fochi à droite et l’ouadi Fochi, cela est aux Arna, le puits à droite est aux Arna ; l’ouadi Saada est aux Arna, le Tarso Yedou est aux Arna. Sur le Tarso Yedou, vers le sommet, il y a des cases, deux murs, l’un qui est du côté de la droite est aux Arna, l’autre, celui de la gauche, est aux Tomagra. À l’est de l’ouadi du Tarso, les cultures sont aux Arna, à l’ouest aux Tomagra. De l’ouadi Sourou jusqu’à l’ouadi Dourou, c’est aux Arna, l’ouadi Mourou est aux Arna, l’ouadi Miski est aux Arna, le Koussi jusqu’à l’ouadi Denimi est aux Arna, à gauche c’est aux Tomagra ; la terre de Karou est aux Arna jusqu’au pays des palmeraies qui s’appellent Ani, jusqu’à l’ouadi Zohor c’est aux Arna ; Kosse-Allihi est aux Arna ; Tosour est aux Kokorda ; le sultan des Kokorda est le Kadel Ouallechi ; Kour à l’est du Siwak, à gauche, c’est au sultan Kadel Ouallichi ; il l’a donné au sultan Ardea Bazeunmi à titre gracieux. Cela indique la fin du territoire des Arna », Jean d’Arbaumont, « Organisation politique au Tibesti. Une convention entre Arna et Tomagra », Bulletin de l’IFAN, série B, XVIII/1-2, janvier-avril 1956, p. 151-152.
166 Ibid., p. 151, note 11.
167 Some time within that year, we heard that men of Bornu had entered Kanche. I think that the chief of Kanche ceded our town to them, but he warned them to be careful in trying to conquer us. Dorugu, dans Anthony Kirk-Greene, Paul Newman (éd.), West African…, op. cit., p. 35.
168 André Salifou, Le Damagaram, op. cit., p. 81.
Table des illustrations
Légende | Zone frontière entre le Bornou et Sokoto, d’après Clapperton en 182446 |
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