Pour une histoire des élites urbaines : vocabulaire, réalités et représentations
p. 29-38
Texte intégral
1Les réalités de la vie sociale se traduisent dans l'historiographie par un vocabulaire, dont l'incertitude rappelle aux historiens eux-mêmes que leur discipline n'est pas une science exacte, et dont la richesse traduit à la fois la complexité des rapports entre les groupes à l'intérieur d'un même ensemble politique, et l'évolution des regards portés sur ces groupes. Ce vocabulaire évolue parce qu'il n'est pas neutre, alors même que la prétention à l'objectivité scientifique le colore des tonalités successives dont l'ont paré, depuis cent cinquante ans, le libéralisme politique, l'interprétation marxienne, puis marxiste de l'organisation sociale, puis les contrefeux et les reconstructions d'une sociologie, voire d'une anthropologie structurale.
2C'est sous le signe d'un comparatif que ce congrès a été placé, un terme modeste et commode, l'« élite », désignant dans chaque domaine considéré les meilleurs ou prétendus tels, ceux qui se trouvent au premier rang. On ne peut, à vrai dire, échapper au jugement de valeur porté d'emblée par le vocabulaire sur une fraction de la population qui se distinguait du commun et se désignait d'elle-même à l'attention des observateurs : historiens, moralistes, anthropologues n'ont pas trop de mal à repérer les « grands » ou, comme on disait à Florence, les hommes « rouges », ceux que la couleur éclatante de leurs vêtements sortait du lot de la grisaille. A ce titre, le comte de Toulouse de l'an mil atteste, au milieu de la poussière des anonymes, l'impressionnante présence par-delà la mort de la distinction sociale par l'écarlate de ses chausses1.
3Le terme d'« élite » évoque la capacité à prendre des décisions (« tireur d'élite », « élites politiques ») ; il s'est chargé d'une faculté d'agilité intellectuelle, dont la reconnaissance n'aurait sans doute pas déplu aux milieux dirigeants des sociétés urbaines médiévales : on n'a pas toujours relevé que la gestion du bien commun suppose, à toute époque, la pratique comptable, le calcul prévisionnel, la connaissance du droit, le sens du symbolique et, par conséquent, la prise en compte de l'histoire.
4Sous la plume de Guizot ou de Taine, le terme d'« élite » permettait de décrire une société idéale où les professeurs auraient été dotés de plus de pouvoir qu'ils n'en ont jamais eu ; issus de la société bourgeoise, les intellectuels n'affichaient pas l'arrogance des positions acquises par les entrepreneurs et les rentiers, héritiers louis-philippards des burgenses, ces révolutionnaires du XIIe siècle. Après la seconde guerre mondiale, lorsque l'histoire sociale des élites prit le tour soupçonneux d'une enquête sur les responsabilités d'une faillite – on pense, en France, aux « dynasties bourgeoises » de Beau de Loménie –, un terme nouveau connut la faveur des historiens, au point de s'imposer dans toutes les langues européennes : par-delà les bourgeoisies nationales mises à mal, le « patriciat » évoquait un modèle de pondération à l'ancienne dans la conduite des affaires publiques. Le terme, lancé en France par le livre du chanoine Lestocquoy, paru en 19522, présentait l'avantage de n'être pas affecté, comme le terme de « bourgeoisie », par les stigmates condamnables du profit, ni par le rôle nécessaire, mais transitoire, assigné à une classe sociale par une interprétation téléologique de l'histoire du monde occidental. Mais il présentait – et présente toujours – l'inconvénient d'avoir été, à la différence de la « bourgeoisie », rarement utilisé pendant les siècles d'un Moyen Age que l'on prétendait décrire à la lumière dorée du couchant de l'Empire romain ; seuls les « grands » de Cologne au XIIIe siècle, par leur référence explicite à la noblesse sénatoriale romaine, faisaient sonner très haut leurs prétentions à un héritage fictif, auquel la noblesse territoriale ne pouvait se référer3.
5« Elites », « bourgeoisie », « patriciat », ces termes qui ne sont pas interchangeables, visent à désigner une classe, un état (« Stand »), une couche sociale, ou simplement des groupes sans cesse recomposés, prétendant à la première place sur le théâtre urbain de la vie sociale. Nous nous écarterions trop du thème de ce congrès, si nous entrions dans l'analyse des conceptions historiographiques ou philosophiques qui déterminent le choix de l’un ou de l'autre de ces termes : les débats sur « Les classes dirigeantes de l'Antiquité aux Temps modernes », thème du XIIe Congrès international des Sciences historiques de Vienne en 1965, opposaient les tenants d'un système cohérent d'interprétation de l'inégalité sociale, fondé sur la possession des moyens de production et l'accès aux marchés, et ceux qui, dans la ligne de Max Weber4, fondaient leur vision de l'ordre social sur des valeurs, des rituels et des représentations, dont ce grand auteur avait montré avec force le rôle dans la constitution et la transmission du pouvoir dans la ville.
6N'insistons pas non plus sur l'emploi dégradé de ce vocabulaire, ou sur les contradictions auxquelles on s'expose si l'on voit en même temps dans le groupe des patriciens de riches bourgeois et des nobles urbains : si les mots ont un sens, ils doivent rester univoques, lorsqu'ils s'appliquent à l'extrême diversité des situations décrites par les sources. La qualité des élites urbaines peut s'exprimer par un terme institutionnel, ainsi « Bürger », qui, dans le monde germanique, se décline avec toutes ses variations par un simple préfixe évoquant l'ancienneté (« Altbürger »), l'héritage (« Erbbürger »), la liberté (« Freibürger »), la participation au Conseil (« Ratsbürger »), voire une définition corporelle (« Schönbürger ») ; la référence peut être la richesse (divites), le pouvoir (potentes), la distinction (discreti), le statut (nobiles), les origines (gentes), la parenté (« Freunde »), l'honneur (« Ehrbare »), l'oisiveté (otiosi), la sagesse (prudentiores) ou l'activité productive (« Salzjunker » à Halle, les maîtres du sel, ou silvani et montani à Goslar, les maîtres de la mine et des forges)5.
7Vocabulaire foisonnant, qui définit le territoire de la « supériorité sociale » – pour reprendre le titre d'une des contributions à ce volume6 –, et que l'on doit, selon la nature des sources, la date et le contexte, réduire à trois données essentielles saisies ensemble, même si l'accent n'est mis que sur l'une des manifestations de la puissance : l'exercice du pouvoir, la fortune et le prestige social.
8Le thème de la noblesse, que nous avons à peine évoqué, est, particulièrement en Italie, présent dans la conscience de ceux pour qui la définition d'une élite ne peut se passer de la vertu.
9Les débats sur ce thème sont d'autant plus éclairants à Florence au XVe siècle7 que la législation anti-magnats interdit la référence explicite aux privi lèges héréditaires du sang et au modèle par excellence de la distinction sociale. Vera nobilitas in virtutibus, dit Coluccio Saluti ; et, mis en scène par le Pogge dans son dialogue De nobilitate, Laurent le Magnifique lie l'héritage des lignées et le caractère des individus : c'est l'ancienne domination des familles, non par le sang, mais la transmission des richesses, des dignités, des clientèles, qui définit la noblesse urbaine : à chaque héritier d’être digne de son patrimoine. Sans la vertu des individus, comment subsisterait la gloire des familles ?
10Entre la réalité et les représentations, entre le constat et le jugement de valeur, le jeu n'est pas pour les contemporains un simple exercice de virtuosité intellectuelle : l'inégale tension entre la richesse, le prestige et le pouvoir définit dans l'espace et le temps de l'Europe médiévale des phases complexes d'osmose et de sclérose, d'ouverture et de fermeture des élites urbaines. Seule l'inaltérable figure de la noblesse vénitienne offre un modèle historiographique rebelle à la décomposition8.
11Les villes de haute Allemagne offrent la double perspective de l'analyse sociale menée, au XVe siècle, par des observateurs avisés, et des études de cas, qui mettent en jeu des destins singuliers, illustrés par la chronique, la correspondance et les comptes. Après E. Maschke, qui a magistralement démonté les processus de la mobilité sociale d'une strate à l'autre (« Schicht »)9, U. Dirlmeier, privilégiant les réussites et les échecs des individus et des familles, éclaire au plus près les ressorts de l'agrégation et du rejet10 : c'est la conception globale de l'ordre social qui tempère par la vertu des hommes et l'harmonie entre les groupes la part respective de la richesse, de l'honneur et de l'ambition légitime.
12Toute tentative de classification, de stratification – pour reprendre le concept utilisé par E. Maschke – au sein de l’élite urbaine, qu'il s'agisse de la ville d’Ulm vue par Félix Faber en 148811, ou de la ville de Nuremberg à travers la Norimberga de Conrad Celtis en 149512, se heurte à la multiplicité des signes de supériorité ; on est loin, à la fin du Moyen Age, de la brutale opposition entre riches hommes et commun, par laquelle s'affichait la domination des puissants au XIIe siècle. Car si les capacités financières sont un élément majeur du portrait des « grands » – « celui qui a de l'argent obtient malheureusement tout ce qu'il veut », constate amèrement le Bernois Diebolt Schilling dans sa Chronique des années 148013 –, un auteur comme Félix Faber, soucieux de catégories, n'y attache pas une importance primordiale : il distingue six groupes de nobles, à commencer par les très anciennes familles urbaines, puis, dans l'ordre, les nobles venus s'installer en ville, puis les descendants d'unions inégales, puis les riches étrangers incorporés dans la notabilité, puis les hommes de guerre qui se sont acquis des mérites, enfin, les nobles par privilège impérial. Conrad Celtis utilise la même référence à une noblesse définie non par le droit, mais par une situation de fait : « ceux dont les ancêtres ont de tout temps figuré dans le gouvernement de la ville et ont exercé leur domination sur nous (über uns geherrscht) ». Mais face aux irrésistibles pressions de l'ascension sociale, il faut bien introduire les subtiles divisions qu'enregistre la mémoire du groupe, et, d'autre part, établir un critère de distinction par l'origine des fortunes, d'autant plus noble qu'elle s'éloigne davantage du travail, et du travail physique. La noblesse nurembergeoise offre sans doute le modèle le plus accompli d’une élite urbaine totalement fermée au monde des métiers qu'elle contrôle sans faille, imposant durablement un système de représentation politique à deux niveaux, l'inégalité entre anciennes et nouvelles familles laissant ouverte la possibilité de l’alliance (connubium)14. Ce n’est pas la fortune, c'est son origine, ce n'est pas l'activité professionnelle, c'est le genre de vie qui permettent l'accès aux plus hautes charges. La fermeture vers le bas – les Nurembergeois se sentent très proches de la « serrata » vénitienne –, l'appauvrissement démographique qui a fait disparaître, au début du XVIe siècle, la moitié de trente-cinq familles dominantes du XIVe siècle, rien n'entame la durable distinction entre les groupes qui constituent l’étite politique : le statut de la danse de 1521, qui, au terme d'une longue évolution, distingue trois groupes dans les familles consulaires (« ratsfahige Geschlechter ») invitées à l'Hôtel de Ville, les anciennes, les nouvelles et « celles qu'on vient d'admettre » (c'est-à-dire celles dont les membres ont été cooptés depuis 1440 !) fait du connubium la pierre de touche de l'accès au Conseil étroit. Et les généalogies sont scrutées sur une période de cent cinquante ans.
13Si la richesse est un des éléments qui favorisent la prétention à l'alliance, elle ne suffit pas pour entrer dans le cercle ; sa nature est prise en compte, les revenus fonciers par acquisition de biens nobles, les rentes urbaines valorisant une fortune où les parts de mine et les sacs de poivre ne doivent plus être, au XVe siècle, trop voyants. Les Nurembergeois sont, de ce point de vue, plus élitistes que les Florentins qui admettent des produits honorables (« mercatanzie nobib e oneste, panni e lana »)15, ou les Ragusains, pour lesquels, même si certains des supremi nobiles ne vivent que de leurs rentes, le commerce des métaux, du corail et des draps fait légitimement prospérer l'élite urbaine16.
14La richesse, à Nuremberg mais aussi à Augsbourg ou à Cologne, est un moyen de faire payer aux hommes nouveaux leur entrée dans le groupe dominant, à condition qu'ils se comportent « ehrlich und redlich », c'est-à-dire honorablement. Et l'on pourrait citer des exemples d'humiliation infligée à des candidats pressés qui en firent trop pour se faire valoir, par exemple, démolir sa maison pour en reconstruire une plus grande, ou inviter trop de personnes à son mariage. Inversement, on sait le prix imposé par Ulman Stromer de Nuremberg en 1382 lors du mariage inégal et fructueux que contracte sa fille avec un jeune homme qui n'appartient pas à son cercle. On sait aussi qu'en épousant une femme noble, mais pauvre, Burkard Zink d'Augsbourg ne progressa sur l'échelle sociale qu'à ses propres yeux.
15Il en va tout autrement des signes de prestige – qu'autorise la richesse – au premier rang desquels figure la liberalitas : les fondations pieuses et charitables ne sont pas l'apanage exclusif d'un groupe dominant, et la magnificence – bâtiments, décor, dotations – contribue à l'honneur des familles bourgeoises. Il en va de même de l'admission dans les lieux étroits de la sociabilité, ou de la parfaite éducation des fils et des filles, qui prélude à des carrières juridiques, à des missions diplomatiques, à des prébendes canoniales et monastiques ; enfin, face à une noblesse terrienne qui, à la fin du XVe siècle, célèbre hautement ses propres valeurs, l'imitation des tournois, l'adoubement, les lettres de noblesse, voire pour certains otiosi la vie de château, autant de marques de l'attachement de citadins à un idéal fascinant qui hante les descendants du négoce et de la rente urbaine17.
16Ce portrait rapide a emprunté des traits spécifiques, voire paroxystiques, à l’historiographie des villes de haute Allemagne. Sans doute ne faudrait-il pas réduire sous un même dénominateur – la noblesse vécue ou rêvée au quotidien – l'ensemble des groupes dominants des villes d'Empire, à plus forte raison, de l'Europe du Nord. Prenons le contre-exemple de Lübeck, qui a été, sur tous les plans, un modèle de la ville pour de nombreuses communautés urbaines de l'espace hanséatique : les instances de décision, dont les métiers étaient exclus, furent durablement occupées par des groupes de familles où l'on retrouvait les principaux marchands au long cours, soit à peine le cinquième de l'ensemble des marchands et hommes d’affaire. Or, contrairement à la domination des lignages de haute-Allemagne, la composition du groupe au pouvoir a varié au rythme des réussites et des échecs de l'entreprise commerciale et industrielle, comme si le risque de mer multipliant les fortunes et le renouvelant sans cesse, la fermeture institutionnelle était rendue impossible. Les clubs élitistes où se retrouvaient les bourgeois de Lübeck, de Danzig, de Riga étaient des cercles professionnels, où les privilèges de l'hérédité ne jouaient aucun rôle apparent18.
17On trouverait sans doute le même renouvellement des élites urbaines à Stockholm et dans les villes minières de Suède, d'où les Allemands, devenus maîtres de Conseils, rentraient, après une ou deux générations, dans leur ville d'origine avec des surnoms suédois19 ; ou à Novgorod, où la classe dirigeante des boyards, unifiée au XIVe siècle par un trait commun, la possession de grands domaines, demeura traversée jusqu'à la fin du XVe siècle par une vive mobilité sociale, élevant en son sein guerriers, seigneurs et marchands20.
18Fondées sur le vocabulaire et les notions auxquelles les contemporains attachaient eux-mêmes de l'importance, ces remarques liminaires se sont colorées des nuances que la richesse des sources allemandes et la qualité d'une historiographie en plein renouvellement multiplie sans cesse21. Qu'il me soit permis, pour conclure cet aperçu, d'indiquer quelques traces dans un champ renouvelé de recherches.
19Pour inciter à la confrontation, un tableau devrait permettre à la fois de mesurer les effets du temps et la diversité des paysages européens. On n'a pas évoqué la formation des élites, ni proposé – ce serait l'objet d'une recherche programmée – une chronologie comparée des luttes sociales urbaines, auxquelles on se réfère chaque fois que l'on tente, ville par ville, de décrire la nouvelle donne institutionnelle qui suit la recomposition des forces au pouvoir. Mais, comme le remarque Marco Tangheroni à propos de Pise au XIIIe siècle, les sources narratives relatives aux conflits politiques sont peu loquaces sur les mutations internes des groupes22.
20Il est d'autre part évident que la configuration des élites urbaines diffère selon la taille des villes et leur degré d'indépendance politique. Henryk Samsonowicz a établi une carte du réseau urbain de la Pologne médiévale et de son évolution, qui fait ressortir la hiérarchie des ville selon leurs fonctions23. Sans doute, les organismes citadins les plus frustes ont-ils à leur tête des chefs, voire des notables ; mais c'est au regard de ces organismes simples, les plus nombreux en Europe, que les élites urbaines des grandes villes prennent tout leur relief.
21Comme l'ont montré Giuliano Pinto pour la Toscane ou Franz Irsigler pour la Westphalie occidentale24, on ne peut isoler les grandes villes du réseau plus ou moins dense d'agglomérations qui les fait vivre et leur sert de relais : les foires et marchés, la production industrielle et le crédit dans les campagnes, la gestion des établissements ecclésiastiques, des seigneuries et des petites communes forment à la pratique quotidienne des affaires officiers, juges, notaires, trésoriers, rédacteurs de statuts, marchands itinérants25. Nombre de petites villes d'Europe fournissent aux capitales régionales un personnel qualifié d'administrateurs, et l'on a pu démontrer par l'exemple des familles dominantes de Cambridge, d'York, de Newcastle aux XIIIe et XIVe siècles que commerçants et drapiers issus des campagnes s'enrichissent en ville avant de revenir se fondre dans la « gentry »26.
22Il est enfin clair que les villes soumises à l'autorité d'un prince laïc ou ecclésiastique, où se développe la diversification des compétences et des services, que les villes-Etats d’Italie, que les capitales royales d’Occident multiplient les occasions d'ascension sociale, et que l'on n'a pas toujours distingué ce qui, dans la carrière des serviteurs de l'Etat, relève de la capacité des élites urbaines, de la faveur du prince, de la stratégie des individus.
23C'est dans le prolongement de cette perspective qu'il convient de placer les formes originales prises par la réussite professionnelle : experts, conseillers techniques, maîtres des œuvres, généralement issus des métiers, ont leur part dans la gestion des villes ou reçoivent des princes et des « grands » des missions ponctuelles27. S'ils ne font pas partie des élites urbaines au titre de la richesse et du pouvoir, ils ouvrent par leur compétence, dont on ne saurait se passer, une brèche dans le massif des conventions sociales et des centres de décision. Ainsi s’étend jusqu'à l'artiste et à l'ingénieur de la Renaissance28 – qui est parfois aussi un homme d'affaire avisé – l'arc des élites urbaines qui commence, on l'a vu, avec le rentier du sol29.
24La reconnaissance sociale et historiographique, comme en témoigne ce congrès, remet en pleine lumière les milieux dirigeants, après tant de travaux consacrés, sur la lancée de quelques livres fameux, aux marginaux, aux pauvres, aux humiliores. Ainsi tourne la roue de Fortune, pour le plus grand bénéfice des acteurs, des auteurs et de l'histoire médiévale.
Notes de bas de page
1 E. Cruzéby, C. Dieulafait (sous la direction de), Le comte de l’An Mil, Toulouse, 1996 (Aquitania, Suppl., 8), particulièrement la section « Des vêtements pour un comte », sous la direction de D. Cardon, p. 155-190.
2 J. Lestocquoy, Aux origines de la bourgeoisie : les villes de Flandre et d'Italie sous le gouvernement des patriciens (XIe-XVe siècles), Paris, 1952.
3 W. Herborn, « Bürgerliches Selbstverständnis im spätmittelalterlichen Köln. Bemerkungen zu zwei Hausbüchern aus der ersten Hälfte des XV. Jahrhunderts », dans Die Stadt in der europäischen Geschichte, Festschrift Edith Ennen, Bonn, 1972, p. 490-520.
4 O. Brunner, « Zum Begriff des Bürgertums », dans Untersuchungen zur gesellschaftlichen Struktur der mittelalterlichen Städte in Europa, Constance-Stuttgart, 1966 (Vorträge und Forschungen, 11), p. 13-23 ; K. Schreiner, « Die mittelalterliche Stadt in Webers Analyse und die Deutung des okzidentales Rationalismus », dans J. Kocka (sous la direction de), Max Weber. Der Historiker, Göttingen, 1986 (Kritische Studien zur Geschichtswissenschaft, 73), p. 119-150.
5 E. Isenmann, Die deutsche Stadt im Spämittelalter 1250-1500, Stuttgart, 1988, p. 276.
6 Celle de Thierry Dutour.
7 C. Donati, L'idea di nobiltà in Italia (secoli XIV-XVIII), Milan, 1988, p. 9 et suiv.
8 Le modèle de la constantia, élaboré par les Vénitiens eux-mêmes, a suscité de nombreux travaux sur les institutions politiques et l'histoire des familles dominantes. Plus récemment, la recherche s'est élargie, à la suite du livre de B. Pullan, Rich and Poor in Renaissance Venice, Oxford, 1971, à l'histoire des catégories juridiques et sociales exclues de la participation aux instances de la décision politique ; par exemple, D. Romano, Patricians and Popolani. The Social Foundations of the Venetian Renaissance State, Baltimore-Londres, 1987 ; A. Bellavitis, « "Per cittadini metterete..." La stratificazione della società veneziana cinquecentesca tra norma giuridica e riconoscimento sociale », Quaderni Storici, 89 (1995), p. 359-383.
9 Parmi les publications de E. Maschke, un article fondamental propose des réflexions de méthode : « Die Schichtung der mittelalterlichen Stadtbevölkerung Deutschlands als Problem der Forschung », dans Mélanges en l'honneur de F. Braudel. Méthodologie de l'histoire et des sciences humaines, Toulouse, 1973, p. 367-379.
10 U. Dirlmeier, « Merkmale des sozialen Aufstiegs und der Zuordnung zur Fürhrungsschicht in süddeutschen Städten des Spätmittelalters », dans Gerarchie economiche e gerarchie sociali sec. XIII-XVIII. Atti della XII Settimana di Studio dell'Istituto Internazionale di Storia Economica F. Datini (Prato, 1980), Florence, 1990, p. 171-215.
11 F.F. Fabri tractatus de civitate ulmensi. De eius origine, ordine, regimine, de civibus eius et statu, éd. G. Veesenmeyer, Stuttgart, 1889 (Bibliothek des literarischen Vereins in Stuttgart, 186) ; rééd. Amsterdam, 1966.
12 A. Werminghoff, C. Celtis und sein Buch über Nümberg, Fribourg-en-Brisgau, 1921.
13 Die Berner Chronik des Diebolt Schilling 1468-1484, éd. G. Tobler, t. 1, Berne, 1877, p. 256.
14 U. Dirlmeier, « Merkmale des sozialen Aufstiegs », op. cit., p. 180 ; H.H. Hoffmann, « Nobiles norimbergenses. Beobachtungen zur Struktur der reichsstadtischen Oberschicht », dans Untersuchungen, op. cit. (n. 4), p. 53-92.
15 S. Bertelli, Il potere oligarchico nello stato-città medievale, Florence, 1978, p. 135.
16 B. Krekic, « Influence politique et pouvoir économique à Dubrovnik (XIIIe-XVIe s.) », dans Gerarchie economiche, op. cit., p. 243.
17 Une livraison du Zeitschrift für Geschichte des Oberrheins, 141 (1993), est consacrée aux rapports entre noblesse et ville à la fin du Moyen Age ; en particulier T. Zotz, « Adel in der Stadt des deutschen Spätmittelalters », p. 22-50 et N. Diefenbach, « Stadt und Adel. Das Beispiel Nürnbergs », p. 51-69.
18 A. von Brandt, « Die gesellschaftliche Struktur des spätmittelalterlichen Lübeck », dans Untersuchungen, op. cit. (n. 4), p. 215-239.
19 E. Nathorst-Böös, « The Town of Stockholm, its Conseil and the Hanseatic Hierarchy 1350-1534 », dans Gerarchie economiche, op. cit. (n. 10), p. 259-273.
20 C. Goehrke, « Die Sozialstruktur des mittelalterlichen Nowgorod », dans Untersuchungen, op. cit. (n. 4), p. 357-378.
21 On dispose de deux études de synthèse fondées sur une bibliographie exhaustive grâce à J. Morsel, « La noblesse et les villes à la fin du Moyen Age. Nouvelles perspectives de recherche » et à P. Monnet, « Doit-on encore parler de patriciat dans les villes allemandes de la fin du Moyen Age ? », Bulletin de la Mission historique française en Allemagne, 32 (1996), p. 33-66.
22 M. Tangheroni, « Famiglie nobili e ceto diligente a Pisa nel tredicesimo secolo », dans I ceti dirigerai dell'età comunale nei secoli XII e XIII, t. 2, Pise, 1982, p. 323-346, part. p. 333.
23 H. Samsonowicz, « Hiérarchies économiques et hiérarchies sociales dans les villes », dans Gerarchie economiche, op. cit. (n. 10), p. 163-170.
24 G. Pinto, Toscana medievale. Paesaggi e realtà sociali, Florence, 1993 ; Id., « Per la storia e la struttura sociale delle città toscane nel Trecento : la distribuzione della ricchezza a Firenze e a Siena », dans La Toscana nel secolo XIV. Caratteri di una civiltà regionale, Pise, 1988 (Studi e richerche del Centro di Studi sulla civiltà del tardo medioevo), p. 183-199 ; F. Irsigler, Die wirtschaftliche Stellung der Stadt Köln im 14. und 15. Jahrhundert. Strukturanalyse einer spätmittelalterlichen Exportgewerbe-und Fernhandelsstadt, Wiesbaden, 1979 (Vierteljahrschrift für Sozial-und Wirtschaftsgeschichte, 65), analyse, par filières de production, les liens structurels qui rattachent au marché de Cologne et à ses élites marchandes les centres de production et les entreprises textiles et métallurgiques de la Westphalie occidentale.
25 C’est un thème de recherche illustré par A. Rigaudière, « Hiérarchies socioprofessionnelles et gestion municipale dans les villes du Midi français au bas Moyen Age », dans Gerarchie economiche, op. cit. (n. 10), p. 737-786 ; A.I. Pini, « La "burocrazia" comunale nella Toscana del Trecento », dans La Toscana del secolo XIV, op. cit. (n. 24), p. 215-240 ; O. Redon, « Les réseaux du pouvoir sur les campagnes siennoises à la fin du XIIIe siècle », dans I. Ceti dirigerai, op. cit. (n. 22), p. 347-358, part. p. 353 ; G.M. Varanini, « Elites cittadine e governo dell'economia tra comune, signoria e "stato regionale" : l'esempio di Verona », dans Strutture del potere ed élites economiche nelle città europee di secoli XII-XVI, 1995 (GISEM, 10), p. 135-168.
26 E. Miller, « English Towns Patricians c. 1200-1350 », dans Gerarchie economiche, op. cit. (n. 10), p. 217-240 ; sur les origines des Cely et d'autres familles d’affaires, cf. A. Hanham, The Celys and their World. An English merchant family of the fifteenth century, Cambridge, 1985, ou S. Thrupp, The Merchant Class of Medieval London, Michigan, 1948, p. 365.
27 P. Braunstein, « Les techniciens et le pouvoir à la fin du Moyen Age : une direction de recherche », dans F. Autrand (sous la direction de), Prosopographie et genèse de l'Etat moderne, Paris, 1986 (Collection de l'Ecole Normale Supérieure de Jeunes Filles, 30), p. 223-229 ; G. Dohrn van Rossum, « Migration technischer Experten im Spatmittelalter. Das Beispiel der Uhrmacher », dans G. Jaritz, A. Müller (sous la direction de), Migration in der Feudalgesellschaft, Vienne, 1988 (Studien fûr historische Sozialwissenschaften, 8), p. 291-314.
28 C’est ce que font apparaître des biographies d'ingénieurs et d'artistes et des documents rarement pris en compte par l'histoire des économies anciennes : contrats, comptabilités d'atelier, procédures arbitrales et judiciaires. Cf. A. Sartori, « L’altare grande del Donatello al Santo », Il Santo, 1 (1961), p. 39-71 ; R. Shofield, J. Shell, G. Sironi (sous la direction de), G.A. Amadeo. I documenti, Côme, 1989 ; P. Galluzzi, « Le macchine senesi. Ricerca antiquaria, spirito di innovazione e cultura del territorio », dans Prima di Leonardo. Cultura delle macchine a Siena nel Rinascimento, Milan, 1991, p. 15-44.
29 Une démonstration croisant les sources fiscales et topographiques urbaines qualifie la rente comme le signe par excellence de la notabilité : U. Portmann, Bürgerschaft im mittelalterlichen Freiburg. Sozialtopographische Auswertungen zum Ersten Bürgerbuch 1341-1416, Fribourg, 1986 (Historische Schriften der Universität Freiburg, 11).
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